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LES DEMOCRATIES LIBERALES DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES


LA BELGIQUE

Au lendemain de l’armistice s’ouvre une période de réformes. Dès 1919,


le Parlement vote une loi instituant le suffrage universel masculin à partir de 21
ans. L’effet de cet élargissement du corps électoral conjugué au système de
représentation proportionnelle ne permet plus vraiment à un parti d’obtenir la
majorité absolue. Des gouvernement bipartites et même tripartites se
succèdent à un rythme accéléré au grand mécontentement de l’opinion
publique. En 1936, les communistes et l’extrême-droite recueillent les voix de
nombreux mécontents.
La pratique du compromis s’impose dans tous les conflits sociaux,
scolaires et linguistiques. Ainsi, après l’instauration de la journée de 8 heures
en 1921, les travailleurs obtiennent la semaine de 40 heures et le droit aux
congés payés en 1936. D’autre part, les lois de 1932 ont donné satisfaction à
ceux qui réclamaient l’unilinguisme régional.
Dans le domaine économique, la relance subit le contre-coup de la
grande crise mondiale qui suit le krach de 1929, peu avant la mort accidentelle
du roi Albert 1er en 1934.
Le roi Léopold III, devant les dangers qui menacent notre indépendance,
fait moderniser l’armée et le système des fortifications tout en obtenant le
retour à une politique de neutralité. Néanmoins, le 10 mai 1940, la Belgique est
attaquée par l’Allemagne hitlérienne.

I. La Belgique sous Albert 1er (mort en 1934)


Albert 1er succède en décembre 1909 à son oncle Léopold II. En 1900, il avait
épousé la princesse Elisabeth de Bavière (décédée en 1965). Ils ont eu trois
enfants : Léopold (né en 1901), Charles (1903) et Marie-José (1906 qui épousera
Humbert, prince héritier d’Italie).

Doc 1 : le roi Albert 1er et la reine Elisabeth


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La Belgique était neutre depuis 1830 et perd ce statut lors de l’ultimatum allemand
du 2 août 1914. Un accord est signé en 1920 avec la France pour assurer la
coopération des armées françaises et belges en cas d’une nouvelle attaque de
l’Allemagne. En 1921, une union économique est établie avec le Grand-Duché du
Luxembourg qui supprime les douanes entre les deux pays et unifie leur système
monétaire.
La Belgique souscrit le Pacte de Locarno (1925) qui garantit l’inviolabilité de ses
frontières fixées par le Traité de Versailles (avec Eupen et Malmedy). En 1930, deux
grandes expositions internationales, à Liège et à Anvers, illustrent les fêtes du
centenaire de l’indépendance.
Le 17 février 1934, le roi Albert se tue accidentellement à Marche-les-Dames, lors de
l’ascension d’un rocher des bords de Meuse. Son attitude lors de la première guerre
mondiale lui avait valu le titre de « roi chevalier ».

II. Le Suffrage universel


Depuis la fin du XIXème siècle, la classe ouvrière réclame l’égalité politique. Elle veut
remplacer le suffrage plural1par le suffrage universel2. Après l’armistice, le Parlement
belge adopte le suffrage universel pur et simple (1919). Peu après, le suffrage
universel est élargi aux femmes mais seulement pour les élections communales
(1921). Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour obtenir l’égalité
politique : ce n’est qu’en 1948 que les femmes votent aux élections législatives.
L’adoption du suffrage universel ébranle la stabilité politique belge. L’union sacrée de
1918 se termine par le fractionnement des partis. Le communisme entame le parti
socialiste ; l’unité catholique est compromise par une aile démocrate chrétienne et
par les progrès d’autonomistes flamands.
De 1921 à 1935, le pays est gouverné par dix ministères différents bi ou tripartites.
Cette instabilité, ajoutée aux difficultés économiques, provoque un mouvement de
désapprobation dans l’opinion publique.

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Le suffrage plural accorde le droit de vote à tous les hommes de plus de 21 ans mais certains, en fonction de
leur statut (études, propriétés) ont jusqu’à 4 voix.

2
Le suffrage universel accorde le droit de vote à tous les hommes belges de plus de 21 ans. Chaque électeur a
une et une seule voix.
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Doc 2
Doc 3
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Doc 4

Doc 5 Le roi Léopold III


et la reine Astrid en 1935.

Doc 6

III. La législation sociale


Avec le Suffrage universel, la donne politique change. En 1919, le parti socialiste
double presque son effectif et devient le second parti politique belge. L’amélioration
progressive de la condition ouvrière est en tête de son programme. Toute une série
de lois sociales vont alors être adoptées. Celles-ci visent à améliorer la situation des
travailleurs, leur santé et leur bien-être.
En 1921, la durée de travail est fixée à 8h/jour et à 48h/semaine. L’ouvrier bénéficie
alors d’une réduction des heures de prestation (sans diminution de salaire), de
l’accélération mécanique de la production. La journée de travail sera alors divisée en
« trois-huit » (travail, loisirs, repos).
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Doc 7 Doc 8 Doc 9


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IV. Le problème linguistique


De nombreuses lois accordent satisfaction aux revendications des Flamands : ainsi
l’Université de langue française de Gand devient une université flamande. En 1932,
le gouvernement institue l’unilinguisme. Les administrations des ministères et des
organismes d’Etat sont divisées en deux sections de fonctionnaires, l’une
francophone, l’autre néerlandophone.
Tout enfant vivant au nord de la frontière linguistique doit recevoir son instruction en
flamand - même si la langue maternelle est le français. Le bilinguisme est imposé
dans chaque commune de l’agglomération bruxelloise lorsqu’il existe une minorité
linguistique d’au moins 30%. L’armée suit la même réforme.
La population francophone s’inquiète, surtout au regard de l’augmentation de la
population néerlandophone, notamment à cause de la prépondérance des Flamands
dans la fonction publique. Des sociétés de défense se forment pour maintenir la
Wallonie aux Wallons comme les mouvements flamands avaient réservé la Flandre
aux Flamands.

Doc 10 Le problème linguistique et doc 11 Répartition des langues


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V. L’économie dans l’entre-deux-guerres


La guerre de 1914-1918 a laissé la Belgique très meurtrie. Les pertes humaines sont
lourdes : mort de plus de 40 000 soldats ; 50 000 mutilés ; 6 000 morts en
déportation.
En 1920, le réseau ferroviaire est rétabli et devient le plus dense du monde. La
relance économique est bien amorcée. L’agriculture est orientée vers l’élevage, la
culture des primeurs, des fruits de serre, des fleurs de luxe et de la chicorée.
En 1930, les travaux du canal Albert sont inaugurés. Celui-ci opère la liaison Liège-
Anvers à travers la Campine, sans passer par Maastricht et la Hollande.
La crise économique touche aussi notre pays avec 215 000 chômeurs. Dans
l’industrie, la production sidérurgique connaît une chute sans précédent, la
production de houille stagne avec 25 millions de tonnes. Les filatures voient leur
production chuter.
Après la crise (initiée par le krach de 1929), les diverses régions économiques
continuent de se spécialiser : tissus et laine dans la région de Verviers ; lin et coton
sont tissés en Flandre ; le Brabant dans la confection des vêtements et Namur dans
le verre. Dans le bassin houiller de l’axe Haine-Sambre-Meuse, le nombre de sièges
exploités diminue de 273 en 1910 à 162 (en 1939) mais la production reste stable
(23 millions de tonnes) tandis qu’on enregistre une diminution de 50 000 mineurs (de
156 000 en 1920 à 108 000 en 1939). Au même moment, la production de fonte et
d’acier double tout en occupant à peu près le même nombre d’ouvriers métallurgistes
(environ 33 000).
Parallèlement, le commerce extérieur belge est en pleine expansion.
Doc 12 Photographies
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Doc 13

VI. La Belgique sous Léopold III (1934-1951)


Le prince héritier Léopold épouse en 1926 la princesse Astrid de Suède. Ils ont trois
enfants : Joséphine-Charlotte (1927) qui épousera le grand-duc Jean de
Luxembourg, Baudouin (1930) et Albert (1934). La jeune reine Astrid décède dans
un accident de voiture en 1935 en Suisse. Doc 14
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La vie politique belge est alors troublée par l’action de partis extrémistes proches des
idées nazies allemandes et fasciste italiennes. En Flandre, ils regroupent ceux qui
souhaitent la constitution d’un état flamand indépendant et sont intransigeants en
matière de langue. Ces « flamingants » sont représentés au Parlement par 17
députés en 1939 du parti nationaliste flamand (VNV Vlams National Verbond), qui a
recruté notamment chez les catholiques. Ils exercent une forte pression sur les
autres députés flamands. Dans les régions francophones, le parti rexiste dirigé par
Léon Degrelle réclame la disparition des partis politiques au profit d’un parti unique,
placé sous les ordres d’un chef aux pouvoirs dictatoriaux. Après un grand succès
électoral (21 députés en 1936), ce parti, condamné par les autorités religieuses dont
il se réclamait, perd de nombreux adhérents. Son alliance avec le parti séparatiste
flamand, son mépris pour le régime parlementaire, la crainte du totalitarisme qui
sévissait en Allemagne et en Italie et dont Degrelle s’inspirait amènent un
retournement de l’opinion. En 1939, le rexisme perd 17 sièges au profit des
catholiques.
Doc 15 Doc 16
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Doc 17

Pour améliorer le sort des ouvriers (et contenir la poussée des communistes), un
gouvernement tripartite fait voter par le Parlement une série de nouvelles lois
sociales en 1936 : augmentation des salaires avec un salaire minimum ; 6 jours de
congés payés par an ; la semaine des 40 heures dans les industries insalubres et
dangereuses (mineurs, dockers), assurance obligatoire contre le chômage ; maladie
et invalidité (1938) ; la liberté syndicale est instaurée.
Malgré cela, à la veille de la deuxième guerre, le régime parlementaire belge est
gravement discrédité par la faiblesse du pouvoir exécutif et la multiplication des partis
politiques.
VII. La politique extérieure de 1919 à 1940
La Belgique participe activement aux travaux de la SDN (Société des Nations) et
collabore à toutes les entreprises visant à établir la paix dans le monde. Toutefois,
par sécurité, elle abandonne son statut de neutralité en 1920 et conclut des alliances
militaires avec la France et l’Angleterre.
La déclaration de neutralité (1936) est acceptée par la France et l’Angleterre. Le
service militaire est porté à 17 mois en 1936 lorsque Hitler occupe militairement la
rive gauche du Rhin.
L’armée belge comporte alors 650 000 hommes. Elle possède pour se défendre, au
Sud les Chasseurs ardennais ; à l’Est les forts de Namur et de Liège. Les grands
états qui nous garantissent leur assistance n’ont pas suivi l’Allemagne dans la course
aux armements. L’Angleterre ne votera le service militaire obligatoire qu’en avril
1939. La France reste sur la ligne de défense Maginot et n’a pas développé ses
blindés ou avions (qui permettent surprise et vitesse dans une guerre moderne).
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Résolue à se défendre, la Belgique connaît sa position d’état-tampon en cas


d’hostilité : elle offre, comme les Pays-Bas, la voie naturelle vers la France et vers la
mer.
Quand la situation devient critique, le roi Léopold III prend l’initiative d’efforts de
pacification en représentant le Benelux, les Etats scandinaves et la Finlande.
VIII. La guerre en Belgique (mai 1940)
Le 10 mai 1940, sans déclaration de guerre, l’aviation allemande anéantit nos
aérodromes et bombarde d’importants centres ferroviaires. Notre ministre des
Affaires étrangères, P.-H. Spaak, notifie l’indignation générale à l’ambassadeur
d’Allemagne : « C’est la deuxième fois en 25 ans que l’Allemagne commet contre la
Belgique, neutre et loyale, une criminelle agression… La Belgique est résolue à se
défendre. Sa cause, qui se confond avec celle du droit, ne peut être vaincue. »
Au même moment, Léopold III, qui a pris le commandement de l’armée, lance à la
nation cette proclamation : « Entre le sacrifice et le déshonneur, le Belge de 1940
n’hésite pas plus que celui de 1914. »

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