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Jonathan Cohen, flic et chanteur à chemises à fleurs dans le film "Sentinelle" about:reader?url=https%3A%2F%2Fwww.msn.com%2Ffr-fr%2Factualite%2Fculture%2Fjonathan-...

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Jonathan Cohen, flic et chanteur à


chemises à fleurs dans le film
"Sentinelle"
6–7 minutes

L’assassin du titre du nouveau film de David Fincher, The Killer,


présenté dimanche à la Mostra de Venise, est une machine à tuer
éminemment contemporaine. Il se sert d’Amazon, a une relation
compliquée avec Airbnb, et a déjà regardé Storage Wars. Il sait
aussi profiter des accidents industriels les plus récents : le
spectateur fait sa connaissance alors qu’il planque dans un open
space WeWork abandonné. Le monde moderne, en somme, est
une vaste blague, du moins dans les limites confinées et
consternées du dernier Fincher.

Un maître à l’œuvre optant pour la finesse plutôt


que pour l’épate

Le tueur à gages en question prend les traits d’un Michael


Fassbender émacié et carnassier. Principal narrateur du film, il
nous présente les règles simples que suit son personnage pour
exceller dans son champ de compétences : rester concentré sur sa
mission, ne pas s’empêtrer dans des obstacles aussi triviaux que
l’empathie, et veiller à ce que son rythme cardiaque demeure à un
niveau raisonnable. On nous explique qu’il est un professionnel
extrêmement méticuleux et grassement payé, le meilleur dans son
domaine. Pourtant, nous n’en verrons rien, ou très peu. Le film
s’ouvre sur une tentative d’assassinat à Paris qui tourne au vinaigre
: le tueur manque sa cible, tuant au passage un passant. C’est le
début de la cavale pour notre homme aux multiples identités.

Enfin, cavale, il faut le dire vite. Car passée cette salve introductive,
personne ne semble réellement à ses trousses. S’il s’agit
probablement d’une volonté de dégraisser le récit, les enjeux s’en
trouvent passablement amoindris. Suite à son échec, les
commanditaires de l’assassinat cherchent à se couvrir en éliminant
le tueur. Ils s’en prennent étrangement d’abord à sa petite amie (ou
quelque chose du genre ?) qui l’attend dans sa luxueuse résidence
en République dominicaine. Sévèrement passée à tabac, elle
parvient toutefois à survivre. Notre héros va alors se lancer dans
une vengeance à grande échelle. Il se met en chasse, mais lui n’a
en revanche plus l’air pourchassé du tout.

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Le film est découpé en chapitres, comme de petits épisodes,


chacun d’entre eux constituant une étape de cette vengeresse
tournée. De toute évidence, David Fincher est toujours aussi habile
derrière la caméra : les sujets évoluent dans le cadre avec une
fluidité admirable. Pour autant, dans sa volonté de retenue
systématique, le film finit par faire sourdre un véritable sentiment de
frustration : dès que l’on sent poindre (voire que l’on espère) une
explosion d’action, Fincher tire à nouveau sur la bride. D’aucuns y
verront un admirable sens de la retenue, un maître à l’œuvre optant
pour la finesse plutôt que pour l’épate. Un peu égoïstement, j’aurais
pour ma part préféré retrouvé, après le très corseté Mank, un peu
de panache et de folie dans sa mise en scène, la noirceur
énergisante du Fincher des grands jours.

Comme toujours, Tilda Swinton électrise la scène

Certes, ici ou là, The Killer passe la seconde. Notamment lors


d’une ébouriffante scène de combat de nuit, dans une maison en
Floride, hallucinante chorégraphie où fusent balles, bourre-pifs et
ustensiles de cuisine divers et variés. Quand on connaît le niveau
d’exigence technique et la propension notoire du perfectionniste
Fincher à refaire ses prises jusqu’à plus soif, on imagine que le
tournage de ladite scène a été épique. Le résultat, lui, est
époustouflant, un pas de deux mortel que le cinéaste conclut sur
une note sèche et incroyablement brutale. C’est d’ailleurs l’une des
dimensions les plus intéressantes et convaincantes du film, qui
rappelle à plusieurs reprises que la mort et la violence n’ont pas
vocation à être cinégéniques ou poétiques, qu’elles sont soudaines,
âpres, et coupent court à tout discours.

On aura néanmoins droit à une séquence délicieusement bavarde


dans laquelle on retrouve Tilda Swinton, une conversation lourde
de sous-entendus menaçants autour d’un verre dans un restaurant,
qui rapproche le film de son but. Le scénario parfois lourdingue
d’Andrew Kevin Walker, adapté du roman graphique d’Alexis
Nolent (alias Matz), cède soudainement la place à une élégance
certaine. Comme toujours, l’actrice britannique livre une
performance séduisante, inattendue et sophistiquée, qui électrise
sa scène. C’est d’autant plus cruel que l’on se prend alors à rêver
d’un film différent, qui s’attarderait sur le personnage de Swinton,
ou suivrait le tandem qu’elle forme avec Fassbender dans ses
mortelles pérégrinations. Mais, encore une fois, le film aligne les
vignettes, et cet instant de grâce est de courte durée. Swinton fait
son numéro, puis notre vengeur laconique s’en repart
machinalement barrer les noms sur sa liste, l’un après l’autre,
jusqu’au générique final.

Le film se refuse ainsi à toute montée en puissance, comme une

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tentative de la part de Fincher de subvertir nos attentes de


spectateurs, de questionner notre fascination collective pour le
spectacle de la violence. Mais aussi nobles soient ses intentions, le
film finit par pécher par excès de retenue, comme s’il cherchait
délibérément à punir son public. Fincher sait que nous savons ce
dont il est capable quand il lâche vraiment les chevaux, mais choisit
de nous refuser ce plaisir. Si The Killer est un exercice en sobriété,
le résultat n’est pas à la hauteur des efforts déployés. Mesurer ses
effets, c’est bien, mais insuffler un peu de vie, un peu de corps à
l’ensemble aurait sûrement contribué à donner un semblant de
sens à cette tuerie.

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Initialement publié sur Vanity Fair US

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