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DU MÊME AUTEUR
www.editionsdurocher.fr
ISBN : 978-2-268-08403-9
ISBN epub : 978-2-268-08547-0
Terrorisme
Mensonges politiques et
stratégies fatales de l’Occident
À ma cousine Valérie
LES ÉTATS-UNIS
Une histoire de manipulations
On retrouve dans cette liste les 3 pays arabes qui ont renoncé au
système des pétrodollars pour vendre leur pétrole et les ennemis
« traditionnels » d’Israël. Cette intention avait aussi été évoquée dans le
message attribué à Oussama Ben Laden et diffusé le 16 février 2003, par
l’entremise d’une cassette audio et communiquée à l’agence de presse
Islamic Al-Ansaar, basée en Grande-Bretagne26 :
Il est clair que les préparations d’attaques contre
l’Irak font partie d’une série d’attaques planifiées contre
des nations de la région, qui incluent la Syrie, l’Iran,
l’Égypte et le Soudan.
Ce sont apparemment les échecs – pour ne pas dire les défaites – subies
par les Américains en Irak, en Afghanistan et en Libye qui ont finalement
perturbé cette planification. Par la suite, comme nous le verrons, l’existence
d’un plan spécifique pour déstabiliser la Syrie sera également confirmée par
l’ex-ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas.
De ces éléments, on peut retirer deux observations essentielles :
- Premièrement, il est aujourd’hui établi que l’épisode des armes de
destruction massive irakiennes n’était qu’un écran de fumée et que la guerre
en Irak était déjà prévue de longue date, comme le seront plus tard les
interventions en Libye et en Syrie. Mais outre le fait que les États-Unis ont
systématiquement menti à leurs alliés afin de les entraîner dans des conflits
servant leurs propres intérêts, il est frappant de constater l’incapacité de ces
alliés à détecter les mystifications et à avoir une capacité analytique
indépendante.
- Deuxièmement, on observe que les mécanismes structurels ou
institutionnels, au sein des démocraties occidentales, ne suffisent pas à
infléchir les décisions de l’exécutif pour partir en guerre, même si les
raisons sont fallacieuses. En 2003, l’opposition française à la guerre en Irak
était alors empreinte de bon sens, mais elle ne semble pas avoir été appuyée
de manière décisive par des éléments de renseignement sur la situation en
Irak.
Malgré les multiples théories du complot qui tentent d’expliquer la
stratégie américaine, la réalité semble être plus prosaïque. Les diverses
guerres dans lesquelles les États-Unis s’impliquent bruyamment – et qu’ils
perdent d’ailleurs presque systématiquement – ne sont pas conduites selon
une stratégie définie, mais à travers un ensemble d’engagements tactiques,
guidés par un mélange d’arrogance, une surestimation de leurs capacités,
une propension quasi-marxiste à propager un système politique et
économique qu’ils pensent être le meilleur et, surtout, une énorme
incapacité à en comprendre la vraie nature.
ISRAËL
La logique de la violence islamiste, même si elle diffère profondément
de la logique occidentale, est relativement simple à saisir et s’appuie sur des
constantes culturelles (et religieuses) connues, qui ont une cohérence
propre. La difficulté de l’Occident à rapprocher cette logique de la sienne
propre génère une asymétrie, que nous définirons plus loin, et une difficulté
fondamentale pour les stratèges occidentaux à maîtriser la violence. En
revanche, la logique avec laquelle Israël combat le terrorisme est plus
difficile à saisir. Elle est le fruit d’une manière de penser plus ambiguë,
capable de jouer sur plusieurs tableaux à la fois, qui s’appuie sur un
pragmatisme et une confiance en soi exacerbés.
De fait, Israël est le seul pays du monde à n’avoir pas su juguler la
menace terroriste en plus de 60 ans. Des centaines de terroristes ont été
tués, des milliers de maisons détruites, mais les groupes armés se sont
multipliés et se sont radicalisés au fil des ans. Il n’y a pas de fatalisme ici.
Travaillant dans un véritable carcan idéologique, les autorités et les services
de renseignement n’ont pas créé les outils nécessaires à la lutte contre le
terrorisme au niveau stratégique. La lutte est donc menée avec une certaine
efficacité au niveau tactique, mais tend à générer davantage de terrorisme.
Que ce mécanisme, qui est clairement observable, soit le résultat d’un
aveuglement ou, au contraire, le fait d’un machiavélisme cynique, est un
débat qui sort du cadre de cet ouvrage. Ce qui est certain, c’est que la
politique régionale et sécuritaire d’Israël depuis sa création a été de nature
déstabilisante.
Pourtant, Israël se place dans une perspective stratégique
fondamentalement distincte de celle des pays occidentaux, en théorie tout
au moins. Depuis plus de 60 ans, le pays mène une « politique du pire » à
l’égard de ses voisins, qui favorise les mouvements extrémistes, mais
empêche les cohésions nationales et rend difficile la constitution
d’éventuelles coalitions arabes capables de « rejeter » sa population à la
mer. Cette politique est exactement celle qui a été appliquée aux relations
israélo-palestiniennes. Alors qu’en Europe a prévalu l’idée que la paix et la
sécurité résultent de la stabilité et de la coopération entre voisins, Israël a
construit sa sécurité en accentuant et stimulant les divisions entre Arabes.
Malgré cette divergence stratégique, pour des raisons diverses, l’Occident a
maintenu son soutien à la politique israélienne.
Ceci aussi explique pourquoi une étude menée par le Dr Nurit Peled-
Elhanan, de l’université hébraïque de Jéru-salem, portant sur 6 manuels
scolaires édités après les accords d’Oslo (dont plusieurs accrédités par le
ministère de l’Éducation) montre que l’on apprend aux élèves la géographie
d’un « Grand Israël » sans zone arabe62. Un enseignement conforme à une
décision de la Knesset du 14 octobre 2007, qui interdit la représentation de
la « Frontière Verte » comme frontière d’Israël dans les manuels scolaires63.
Malgré le fait que les Palestiniens utilisent eux aussi la carte de la
Palestine d’avant la partition de 1947 (sans Israël), les divers chefs
politiques du Hamas, dont son chef actuel, Khaled Meshaal, sont restés
malgré tout très souples en déclarant accepter de baisser les armes si Israël
acceptait :
Tout en soulignant :
La stratégie du chaos
Le Liban et le Hezbollah
En fait, au début des années 80, un autre problème inquiète Israël. Les
Palestiniens refoulés de Palestine après la guerre de 1967, puis de Jordanie
après les événements de septembre 1970, se sont installés au Sud-Liban
dans la partie chiite, la plus pauvre du pays, et opèrent des raids à travers la
frontière contre Israël. Par ailleurs, la dégradation rapide de la situation
entre communautés chrétiennes et islamiques dès 1975 a rendu le pays
ingérable et le gouvernement libanais n’est plus en mesure de maîtriser la
situation au sud du pays.
En juin 1982, Israël lance l’Opération PAIX EN GALILÉE qui vise à
éliminer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser
Arafat. Au début de l’opération, la population chiite sud-libanaise accueille
assez favorablement les Israéliens. Par leur présence massive et leurs
actions transfrontalières contre Israël, les Palestiniens avaient déstabilisé la
région et entraîné la population du Sud-Liban dans un conflit qui n’était pas
le sien. Mais, au lieu de s’appuyer sur ces dissensions intra-arabes pour
lutter contre les organisations terroristes palestiniennes, les Israéliens ne
font pas de différence entre chiites libanais et sunnites palestiniens et les
combattent indistinctement. Ils parviennent donc assez rapidement à créer
l’unanimité contre eux, malgré un camp arabe profondément désuni.
Bien qu’unis de fait contre Israël, Palestiniens et chiites libanais mènent
cependant des combats différents. À ce stade, les Palestiniens réfugiés au
Liban défendent la capacité de combat qui leur est nécessaire pour
récupérer leurs terres, tandis que les chiites se battent contre l’occupation
du Sud-Liban. Ainsi apparaissent des mouvements de résistance chiites,
dont le Djihad islamique, qui reste encore à ce jour une organisation mal
définie (toutes proportions gardées, analogue à ce que l’on appelle « Al-
Qaïda » aujourd’hui), sans structure de conduite claire, à laquelle on
attribue la responsabilité d’un grand nombre d’attentats, et qui restera
insaisissable.
Le 18 avril 1983, un attentat à la bombe contre l’ambassade américaine
à Beyrouth fait 63 victimes. L’attentat sera revendiqué par le Djihad
islamique, mais, selon l’ex-officier du Mossad israélien, Victor Ostrovsky,
il apparaît que les services israéliens étaient au courant des préparatifs de
l’attentat, mais ont délibérément caché l’information aux Américains86. Cet
événement avait d’ailleurs été précédé en 1982-1983 de toute une série de
petites attaques contre les forces américaines au Liban, menées par des
commandos israéliens87.
Le 23 octobre 1983, deux attentats alors attribués au Djihad islamique
frappent la Force multinationale de sécurité (MNF) à Beyrouth : le premier
fait 241 morts au quartier général des US Marines, et le second, 2 minutes
plus tard, anéantit le « Drakkar », tuant 58 parachutistes français. En dépit
d’un narratif qui viendra plus tard et renvoie la responsabilité de ces
attentats sur le Hezbollah, et place les Occidentaux comme simples victimes
du terrorisme (iranien), la réalité semble être sensiblement différente et mal
connue.
Les raisons de l’attentat contre les parachutistes français et la chaîne de
cause à effet qui y a conduit sont encore à ce jour spéculatives, malgré une
multitude de théories possibles, comme la livraison quelques jours plus tôt
d’avions Super-Étendard à l’Irak, par la France. On est alors en effet en
pleine guerre Iran-Irak, et les combattants du Djihad islamique sont chiites,
mais leurs liens avec l’Iran pourraient constituer une explication plausible.
Néanmoins, l’Iran est loin du Liban et il faut probablement plutôt chercher
l’explication dans la stratégie adoptée par la France à Beyrouth, qui avait
opté pour un appui opérationnel de l’armée Libanaise – notamment par des
patrouilles conjointes, mais sans participation à des opérations militaires –
qui l’a mise dans la position d’une partie au conflit. Ceci expliquerait que le
contingent italien – déployé entre les secteurs américain et français – qui
avait une tâche strictement humanitaire, n’ait pas été touché par des
attentats.
L’attentat contre les Marines américains est un peu plus clair et
s’explique par l’ambiguïté de la présence américaine dans la MNF. Il faut
tout d’abord comprendre que la législation américaine interdit à un militaire
américain d’obéir à une autre autorité que celle du Président des États-Unis.
Il en résulte des structures de conduite hybrides dès lors qu’une force
américaine se trouve dans une structure multinationale. Il en était ainsi au
Liban où, parallèlement à leur engagement au sein de la MNF (sous mandat
des Nations unies), les Américains ont décidé d’appuyer l’armée libanaise.
En avril 1983, sans grande consultation au sein de l’administration, Robert
McFarlane, représentant spécial au Moyen-Orient du Président, fait engager
le cuirassé USS New Jersey au large des côtes libanaises pour bombarder les
villages libanais occupés par l’opposition – causant environ un millier de
victimes civiles et innocentes. Ce sont ces bombardements qui sont à
l’origine des attentats menés à titre de représailles (et ce, contre des
militaires uniquement). Il est intéressant de noter que le commandement
américain avait renoncé à élever le niveau d’alerte de son contingent de
main-tien de la paix après ces bombardements, afin de souligner le fait que
les militaires de la MNF étaient distincts des forces américaines qui
combattaient par ailleurs au Liban88. C’est exactement la même erreur qui
conduira au désastre de Mogadiscio en Somalie 10 ans plus tard, et qui
contribuera à l’insuccès de la mission de stabilisation en Afghanistan 30 ans
plus tard.
Les deux attaques terroristes restent encore à ce jour attribuées au
Hezbollah. Pourtant, aucune information sérieuse ne confirme cette
responsabilité, comme devait le dire l’ancien secrétaire à la Défense de
l’époque, Caspar Weinberger, dans une interview donnée en septembre
2001 :
Et il précise que cela est vrai même si ces « méchants » sont soutenus
par « Al-Qaïda » ! C’est ainsi que le déploiement d’unités du Hezbollah en
Syrie pour assurer la sécurité des frontières libanaises aux côtés de l’armée
régulière syrienne est perçu par Israël comme une menace directe. Les 3 et
5 mai 2013, 15 jours après l’adoption de la « Résolution 65 » par le Sénat
américain, Israël mène deux raids aériens contre un convoi militaire et un
centre de recherche syriens. En janvier 2015, Israël élimine le fils d’Imad
Mougnieh, déployé en Syrie, puis, le 20 décembre 2015, Samir Kuntar, un
chef du Hezbollah déployé pour combattre l’État islamique dans le Golan,
est abattu par un raid israélien98. Le gouvernement syrien a feint d’ignorer
ces attaques, afin de ne pas être mis sous pression pour riposter, ce qui le
conduirait à mener une guerre sur trois fronts.
Il serait erroné d’interpréter cette position comme destinée à favoriser
l’État islamique. Il s’agit plutôt d’une posture pragmatique, basée sur une
lecture beaucoup plus sobre que celle de la France ou des États-Unis, qui
n’envisage pas l’État islamique comme une structure viable à long terme, et
qui – dans l’immédiat – contribue à neutraliser l’ennemi syrien.
L’IRAN
L’Iran n’a aucune raison objective d’entrer en guerre avec Israël, voire
de le détruire. Sans frontières communes, sans liens ethniques et sans
différends politiques spécifiques et avec une minorité juive qui n’est pas
persécutée (elle est même représentée au Parlement), on imagine
difficilement que le gouvernement iranien se lance dans une aventure qui
pourrait mener à sa propre destruction.
On évoque fréquemment le soutien de l’Iran au terrorisme palestinien.
S’il est vrai que, depuis le début des années 80, l’Iran appuie politiquement
les Palestiniens, rien ne permet d’affirmer qu’il soutient des activités
violentes. L’interception, en 2002, du cargo Karine A – transportant des
armes iraniennes destinées, selon les autorités israéliennes, à la résistance
palestinienne –, est souvent citée comme exemple de la volonté de Téhéran
de soutenir le terrorisme palestinien. En fait, la réalité semble plus
complexe et la version officielle israélienne présente un certain nombre
d’invraisemblances qui ramènent plutôt vers un éventuel soutien au
Hezbollah libanais117. Ce d’autant plus que la politique de l’époque du
Président Khatami se voulait tournée vers le dialogue et l’apaisement.
Ceci étant, l’intervention américaine en Irak renforce les « durs » du
régime et leur permet d’accéder au pouvoir en 2005, provoquant une hausse
du ton entre Israël et l’Iran. Il n’est donc guère surprenant de voir l’Iran
offrir très officiellement une aide financière au Hamas en février 2006118,
après les élections législatives, alors que la communauté internationale lui
retirait son aide. Les raisons de la virulence contre Israël ne sont
probablement pas à chercher dans une haine à l’égard de l’État hébreu, mais
sont sans doute plus subtiles. Le régime des Mollahs ne fait de loin pas
l’unanimité en Iran et, après l’intervention américaine en Afghanistan, puis
en Irak, beaucoup d’Iraniens sentent que leur pays pourrait être la prochaine
cible des États-Unis. Or, une partie importante de la population iranienne
est pro-occidentale, et pourrait fort bien se retourner contre le régime en cas
d’invasion. Par une rhétorique agressive contre Israël, le pouvoir iranien
générait une réaction américaine suffisamment forte pour entretenir une
unité nationale, sans toutefois donner de prétexte tangible à une intervention
militaire.
La Palestine n’est pas un centre d’intérêt de l’Iran et même le Hezbollah
n’a pas réagi « militairement » à l’intervention israélienne à Gaza en
décembre 2008 ou en juillet 2014, contrairement à ce que pensaient de
nombreux experts occidentaux et israéliens. La Palestine n’est pas le
combat des chiites libanais ou iraniens. Ce qui explique qu’avec le conflit
syrien, l’Iran a interrompu son soutien financier aux Palestiniens.
Mais le jeu du gouvernement iranien est délicat car, à la campagne de
désinformation américaine, s’ajoutent des actions de déstabilisation très
concrètes contre l’Iran destinées à contrer l’importance croissante du pays
dans la région depuis l’invasion de l’Irak. Dès 2003-2004, les États-Unis
mènent deux catégories d’opérations spéciales (clandestines) en Iran :
- Les opérations menées par le Joint Special Operations Command
(JSOC) qui ont été ordonnées directement par le président G. W. Bush, en
sa qualité de commandant en chef des armées, qui peut donc ainsi
s’affranchir de l’autorisation du Congrès. Ce type d’opération est mené
depuis 2003-2004 au nord et au sud du pays, depuis le Pakistan.
- Les opérations clandestines menées par les services spéciaux de la
Central Intelligence Agency (CIA), qui sont soumises à un mécanisme de
surveillance parlementaire. Ce type d’opération est autorisé depuis mars
2007 par un Presidential Finding signé par le président George W. Bush119.
Ces opérations s’appuient sur les mouvements séparatistes baloutches et
ahwazi iraniens, ainsi que sur d’autres organisations dissidentes, et
comprennent un soutien actif du Joint Special Operations Command
(JSOC) – livraison d’armes et d’équipements, entraînement de troupes, etc.
– à des mouvements comme le Parti de la vie libre au Kurdistan (PJAK) ou
le Modjahedin-e-Khalq (MeK), pourtant considéré comme un mouvement
terroriste par les USA depuis le 10 août 1997120 et considéré comme l’un
des principaux exemples de la connivence de l’Irak avec le terrorisme121 !
Ces opérations coïncident avec une recrudescence des attentats à la bombe
commis par ces minorités ethniques (notamment à Ahvaz, le 12 juin et le 15
octobre 2005 et le 24 janvier 2006), et pour lesquels, le gouvernement
iranien a accusé les gouvernements américain et britannique122.
Or, même pour les attentats de 1998, aucune preuve n’existe et un doute
important subsiste sur l’implication même d’OBL. Ainsi, le président Bill
Clinton écrivit sur une note, à propos de ces attentats et de Ben Laden, à
l’intention de Sandy Berger, son conseiller à la sécurité nationale : « Sandy,
si cet article est correct, la CIA a certainement exagéré les faits qui m’ont
été présentés. Quels sont les faits19 ? »
En clair, Oussama Ben Laden a été, dès 1998, une sorte de bouc
émissaire des services américains – et occidentaux – pour tenter de faire
croire qu’ils connaissaient les réseaux responsables des attentats. Or, il n’en
était rien et cette situation perdure à ce jour. Au-delà des supputations
diverses, rien n permet – encore à l’heure actuelle – d’identifier une chaîne
de commandement qui aurait lié de manière fonctionnelle Oussama Ben
Laden aux diverses cellules coupables d’actes terroristes dans le monde.
APRÈS LE « 9/11 »
ENTRE FANTASMES ET RÉALITÉ
Peu après les attentats du 11 Septembre, les États-Unis – suivis en cela
aveuglément par tous les services de renseignement occidentaux – ont tracé
un portrait très exagéré de l’organisation, lui attribuant des ambitions
mondiales avec des installations complexes et hautement sophistiquées pour
l’entraînement des terroristes et la conduite des opérations, dans le massif
de Tora-Bora en Afghanistan. Or, les opérations coalisées menées par la
suite dans cette région ont démontré que ces « experts » sur « Al-Qaïda » ne
nous avaient servi que des élucubrations. Si effectivement les combattants
afghans utilisaient bien des grottes pour s’abriter, celles-ci étaient
naturelles, de petites dimensions, ni aménagées, ni bétonnées, et loin
d’abriter les installations sophistiquées que l’on prétendait25.
Par la suite, on constatera que l’adhésion des groupes islamistes aux
objectifs d’Oussama Ben Laden, que l’on qualifie d’« allégeance »
(« Bayah »), n’est pas toujours aussi claire que la presse et les services de
renseignements occidentaux le prétendent.
En fait, ce que nous appelons « allégeance » serait mieux traduit par
« ralliement » et est le plus souvent une déclaration unilatérale d’un groupe,
qui cherche une caution « politique », mais elle n’est pas nécessairement
une démarche bilatérale. Autrement dit, le ralliement n’est pas toujours
reconnu par l’autorité (en l’occurrence, Ben Laden ou « Al-Qaïda »). De
plus, il semble que les ralliements formulés par les divers groupes
islamistes se soient attachés plus à la personne même de Ben Laden – érigée
en mythe par les Occidentaux – qu’à ses idées et ses objectifs (que bien peu
connaissaient en réalité). Ainsi, les documents retrouvés à Abbottabad, lors
du raid américain, ont confirmé que si de nombreux mouvements
djihadistes dans le monde se réclamaient d’« Al-Qaïda » et rapportaient
leurs exploits à Ben Laden, aucun élément n’indiquait qu’ils agissaient sur
les ordres de ce dernier. Il semble même que Ben Laden ait été fortement
coupé du monde extérieur durant des années et qu’il n’ait pas donné
d’instructions ou de directives à des groupes extérieurs. La correspondance
retrouvée indique même que Ben Laden était agacé du nombre de
mouvements qui se réclamaient de son enseignement mais avaient des
objectifs totalement différents26.
Manifestement, les États-Unis ont eu des difficultés à admettre que les
événements du 11 Septembre aient pu être l’œuvre de simples « amateurs ».
Pour un pays réputé pour la qualité de ses forces de sécurité, il était
difficilement concevable de ne pas y voir une organisation puissante, dotée
de moyens illimités. L’image d’un milliardaire fanatique, approvisionné par
quelques « États renégats » était l’explication la plus acceptable. Or, non
seulement il s’est avéré plus tard que la fortune d’Oussama Ben Laden était
bien plus modeste que ce que l’on avait imaginé, mais encore que les
organes de surveillance financiers – qui avaient rapidement pointé du doigt
des pays comme le Luxembourg ou la Suisse – n’ont pu découvrir que de
petits financements épars de sources très diverses et non une puissance
financière.
En fait, de nombreux points obscurs demeurent dans la connaissance
publique du 11 Septembre. Le rapport des Commissions spéciales sur le
renseignement du Congrès américain publié en décembre 200227, outre de
nombreuses erreurs factuelles (dues notamment à des informations obtenues
sous la torture et invérifiées), comporte 28 pages, qui ont été classifiées et
tenues à l’écart du public. Les tentatives d’obtenir la déclassification de ces
pages par de nombreux parlementaires américains se sont heurtées jusqu’à
présent à l’opposition des présidents Bush et Obama. Les spéculations sur
leur contenu restent nombreuses et certains évoquent le fait que
l’implication de personnalités saoudiennes serait à l’origine des réticences
présidentielles.
Alors que l’essence du terrorisme est d’atteindre des objectifs
stratégiques par l’action tactique, on observe toute une série d’attentats,
notamment à Djerba (11 avril 2002), Bali (12 octobre 2002) et Casablanca
(16 mai 2003) qui ne s’inscrivent dans aucune cohérence opérationnelle ou
stratégique et qui ne semblent pas être associés à des objectifs concrets
autres que toucher des Occidentaux. Il n’en demeure pas moins que les
différentes interventions occidentales menées par la suite ont donné au
combat des islamistes un sens articulé autour de la notion de « résistance »
(« Djihad »), tout d’abord militaire, puis contre l’omniprésence d’un
Occident – et des États-Unis en particulier – qui cherche à imposer ses
modèles culturels, politiques, légaux, voire sociétaux.
La surdramatisation, qui a suivi le 11 Septembre aux États-Unis, a très
largement contribué à donner un profil plus marqué au terrorisme, et donc à
le rendre plus efficace. Alors que le nombre d’objectifs potentiels pour des
attentats terroristes recensés dans le pays s’élevait à 160 en 2003, il est
passé à 300 000 en 2007. L’État de l’Indiana, avec 8591 objectifs potentiels,
dépassait New York, qui n’en n’avait « que » 5687. Les objectifs terroristes
potentiels comprenaient la fabrique de pop-corn du Pays Amish, le marché
aux puces de Sweetwater, et même une « plage au bout d’une rue28 » ! Dans
un souci de pouvoir punir tous les terroristes potentiels, des termes comme
« armes de destruction massive » (qui désignent, à l’origine les armes
nucléaires, chimiques et bactériologiques) ont été redéfinis pour couvrir
toutes sortes d’armes, y compris la simple grenade à main29 !
Au-delà de l’anecdote, cette obsession de punir a conduit à ne plus
savoir ce que l’on combat, à ne plus pouvoir faire la différence entre un
« simple » crime et un attentat terroriste. Car même si les deux peuvent se
manifester (bombe, fusillade, etc.) et donc se combattre de manière
identique au niveau tactique, ils exigent souvent des stratégies très
différentes pour être prévenus. Les États-Unis, suivis de pratiquement tous
les pays occidentaux, ont ainsi – par défaut – encouragé le développement
du terrorisme : les mesures pour intercepter les terroristes abondent, mais
aucun pays n’a adopté de réelle stratégie pour lutter contre le terrorisme.
LA DIMENSION ASYMÉTRIQUE
DU DJIHADISME
laissant ainsi entendre que les États-Unis ne réagiraient pas en cas de coup de force
contre le Koweït. Cette réponse sera lourde de conséquences et de malentendus, car
c’est fort de cette « carte blanche » des États-Unis que Saddam Hussein décide
d’envahir le Koweït, afin de le contraindre à cesser ce qu’il considérait comme le
vol de son pétrole.
Après l’invasion irakienne, l’option d’une réponse militaire internationale était
loin d’être acquise au Conseil de sécurité des Nations unies. Malgré cette évidente
infraction au droit international, il était clair que l’Irak voulait simplement « mettre
au pas » son ancienne province8 et ne cherchait pas à conquérir le Moyen-Orient, et
qu’une solution politique était donc possible. Plusieurs pays, dont la Russie, étaient
d’ailleurs opposés à une intervention militaire internationale.
Afin de créer les conditions politiques favorables à une intervention
internationale, le gouvernement koweïtien et le gouvernement américain s’associent
alors dans une opération de désinformation, destinée à influencer l’opinion publique
internationale. Aujourd’hui oublié en Occident, ce mensonge organisé reste encore
très présent dans la mémoire des pays arabes, qui continuent à y voir – non sans
raison – une intention délibérée des Occidentaux pour intervenir dans la région.
énumérant ainsi les problèmes qu’il rencontrera 10 ans plus tard, comme vice-
président des États-Unis, après avoir prôné exactement l’inverse !
La naissance d’une doctrine djihadiste
Il ne s’agit pas ici d’une simple erreur de vocabulaire, mais d’une idée plus
profonde, qu’illustre l’affirmation de George W. Bush à la délégation palestinienne,
lors des négociations avec Abou Mazen, Premier ministre palestinien et Nabil
Shaath, son ministre des Affaires étrangères, à Charm el-Cheikh, en juin 2003 :
Je suis guidé par une mission de Dieu. Dieu m’a dit George,
va et combats ces terroristes en Afghanistan. Et je l’ai fait. Alors
Dieu m’a dit George, va et mets une fin à cette tyrannie en Irak. Et
je l’ai fait.
Il en est même résulté un cours au Joint Forces Staff College de Norfolk sur la
« Guerre totale contre l’islam », qui préconisait la destruction par l’arme nucléaire
des villes comme Médine et La Mecque et soulignant l’invalidité des conventions
de Genève dans cette situation. Préparé par un cabinet de consultants proches du
parti républicain, le Strategic Engagement Group, le cours a finalement été retiré du
programme en avril 2012 après les plaintes de plusieurs élèves, mais souligne que la
lutte contre le terrorisme aux États-Unis se base sur des notions extrêmement
simplistes24.
Mais ce n’est pas tout, et l’idée d’une guerre religieuse contre l’islam s’infiltre
jusque dans les plus petits détails. La firme Trijicon, qui fournit des dispositifs de
visée pour les fusils d’assaut, a gravé sur tous ses viseurs ACOG des références aux
évangiles, à tel point que les fusils ainsi équipés ont été surnommés « fusils de
Jésus » en Afghanistan25 !
Après les attentats « hors normes » du 11 Septembre, le geste des terroristes a
été analysé de manière simpliste, comme un « acte de folie » ou le « début d’une
nouvelle guerre » contre l’Occident. Le point commun à toutes ces « analyses » est
qu’elles ont vu ces attentats hors contexte. Comme c’est le cas aujourd’hui encore,
afin d’éviter de confondre « explication » et « justification », on a esquivé la
nécessité d’en trouver les causes profondes. Les interprétations de l’événement sont
alors empreintes de naïveté, et jouxtent la bêtise :
Or, pour les auteurs des attentats, il ne s’agissait pas de commencer une guerre,
mais plutôt de la terminer. La guerre avait commencé 10 ans plus tôt, en 1991, par
une présence américaine ressentie comme illégitime. L’Occident a une mémoire
courte et une grande indulgence par rapport à ses propres actions. Comme nous le
verrons, les diverses interventions occidentales au Proche et Moyen-Orient ont
toutes été entourées d’une atmosphère de mensonges et de tromperies, rapidement
oubliée par l’opinion publique occidentale, mais bien connue et très présente dans
la mémoire des populations concernées. Ainsi, depuis plus de 25 ans, avec une
candeur affligeante, l’Occident n’a pas même envisagé que ses tricheries et ses
meurtres puissent provoquer une réaction.
Cette forme de déni n’est pas une exclusivité américaine. On se rappellera que
le même phénomène s’est produit après les attentats de janvier et novembre 2015 en
France, où non seulement la politique extérieure n’a à aucun moment fait l’objet
d’une évaluation critique, mais en plus on a persisté dans une direction qui ne
pouvait que conduire à une aggravation dans le futur. Et pourtant, Amédy Coulibaly
dans sa vidéo posthume expliquait clairement que son geste – et celui des frères
Kouachi – était une conséquence directe de la politique du gouvernement Hollande.
Les groupes djihadistes qui arriveront plus tard, après l’intervention américaine
en Irak, avec des structures plus ou moins définies, seront assimilés à « Al-Qaïda ».
Issus du combat, leur doctrine, cependant, sera très différente : orientée sur la
résistance à l’occupant. Leur action internationale visera essentiellement à exercer
une pression sur les forces occidentales déployées sur le terrain en Irak. Elle sera
exemplifiée en 2004 à Madrid, avec l’apparition d’un nouveau concept avant la
lettre : le « terrorisme de dissuasion », qui frappe les pays impliqués dans la guerre
sur leurs arrières (en Europe), afin de les inciter à se retirer du conflit. Le même
exemple sera repris un an plus tard à Londres. Formalisée et définie de manière
doctrinale, c’est une dynamique semblable qui animera les attentats de 2015 à Paris.
Que les Américains aient compris ou non le message qui leur avait été martelé à
coup d’attentats dès 1995, pour retirer leurs troupes d’Arabie saoudite, reste une
question ouverte, même si les indices suggèrent que les États-Unis ont préféré
ignorer les divers coups de semonce des terroristes. Plus le temps passait, plus il
devenait difficile d’envisager un retrait des troupes américaines sans sembler céder
aux exigences terroristes et perdre la face. Il est toutefois évident que les islamistes
ont progressivement augmenté la pression jusqu’au 7 août 1998, avec deux frappes
simultanées sur les ambassades américaines de Nairobi et de Dar-Es-Salam.
La réponse américaine à ces attentats a été deux groupes de frappes ordonnées
par le président Bill Clinton et exécutées le 20 août 1998 sous le nom de code
INFINITE REACH. Effectuées au moyen de 79 missiles de croisière lancés depuis
des navires situés dans le Golfe persique, ces attaques visaient 4 camps
d’entraînement dans la région de Khost-Jala-labad (Afghanistan) et le complexe
pharmaceutique Al-Shifa, près de Khartoum (Soudan). Basées sur des informations
non vérifiées et dépassées, aucune de ces frappes n’a touché de cibles terroristes,
mais elles ont causé plusieurs dizaines de victimes civiles. Au Soudan, selon
l’ancien ambassadeur d’Allemagne à Khartoum, Werner Daum, la destruction du
complexe Al-Shifa – principal centre de production de médicaments pour le Soudan
– a causé « la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes civiles27 ».
En fait, ces frappes ont été planifiées sur la base d’informations mal analysées
et, au final, n’ont pas atteint les objectifs visés. En 1999, un rapport officiel du
Département de l’énergie américain concluait – entre autres – que ces frappes…
- Constituaient une justice douteuse, car elles n’avaient touché que des
innocents ;
- Avaient eu une efficacité discutable sur les capacités opérationnelles d’Al-
Qaïda ;
- Tendaient à démontrer que les USA avaient peur d’affronter directement les
terroristes ;
- Avaient suscité plus de projets terroristes ;
- Avaient frappé les Taliban, qui n’avaient probablement eu aucune
responsabilité sur les activités terroristes vu leur autorité limitée sur le territoire28.
Rapidement oubliés en Occident, ces bombardements indiscriminés et touchant
exclusivement des victimes innocentes, depuis plusieurs milliers de kilomètres, sans
permettre aucune parade, et sans que leurs auteurs ne s’exposent physiquement, ont
généralement été perçus comme un acte de lâcheté :
Ces attaques n’ont donc frappé que des innocents, qui n’avaient ni de près ni de
loin un lien avec les attentats de Nairobi et Dar-es-Salam. Les États-Unis n’ont
jamais fourni d’excuses ou de dédommagements aux victimes30.
L’Amérique – comme les autres pays occidentaux qui l’imitent – n’a pas
compris qu’on se situe déjà dans une logique asymétrique. En voulant montrer sa
force, elle a montré sa faiblesse aux yeux des islamistes : a) en manifestant le fait
qu’elle n’était pas disposée à mettre en jeu ses combattants (l’expérience de la
Somalie est encore proche) ; b) parce qu’elle n’avait pas été capable de savoir d’où
« venaient les coups » et c) parce qu’elle n’avait pas été capable de reconnaître son
erreur. Sans parler du fait qu’en frappant de manière aveugle des populations
civiles, les États-Unis se plaçaient dans la même posture que les terroristes qu’ils
voulaient combattre. Quelques jours après les frappes, le magazine The Economist
prophétisait que les bombardements avaient « créé 10 000 nouveaux fanatiques là
où il n’y en aurait eu aucun31 ». Tandis que Louis Freeh, directeur du Federal
Bureau of Investigation (FBI) devait d’ailleurs déclarer qu’après ces frappes « il y
aura[it] probablement plus d’attaques [terroristes] et plus de morts32 ».
De plus, dans l’opinion publique américaine, ces frappes semblaient constituer
une manœuvre politique du Président Bill Clinton, alors empêtré dans l’affaire
Lewinsky et qui venait de comparaître devant le « Grand Jury » le 17 août. Pour de
nombreux commentateurs de la politique intérieure américaine, les attaques contre
l’Afghanistan et le Soudan, le 20 août avaient pour objectif « stratégique » de
restaurer l’image du Président face à son opinion et de « gommer » les
contradictions de son témoignage. Si cette interprétation est correcte, l’objectif réel
des frappes n’aurait pas été le terrorisme, mais l’opposition républicaine33. On
évoque alors la « théorie du Wag The Dog », du nom d’un film de fiction (diffusé
en français sous le titre Des Hommes d’influence) de 1997, réalisé par Barry
Levinson, où l’état-major du Prési-dent des États-Unis crée une situation de guerre
afin de couvrir un scandale de mœurs impliquant le Président.
Les commentateurs avaient raison. Le 25 août, le restaurant Planet Hollywood
du Cap, en Afrique du Sud, fait l’objet d’un attentat à la bombe qui fait 25 morts et
26 blessés, revendiqué par les « musulmans contre une oppression globale, un
groupe islamiste inconnu, en représailles des bombardements américains. Mais plus
grave, on sait aujourd’hui que les attentats du 11 Septembre ont été conçus comme
une réplique de ces frappes par les missiles de croisière.
Le 11 Septembre
LA GUERRE EN AFGHANISTAN
Malgré notre accès quasi illimité à l’information, nous avons évacué des pans
complets de l’Histoire pour ne garder qu’une « histoire officielle » qui transcende
les clivages politiques. C’est le cas du terrorisme, du rôle des Taliban, de Ben Laden
et autres, qui échappent désormais à un regard critique et autorisent l’adoption de
politiques absurdes et contre-productives avec des conséquences dramatiques dans
le long terme. C’est le cas de la guerre en Afghanistan.
Les Taliban
Le « djihadisme » afghan
Les Taliban ne sont pas des Djihadistes, et n’ont jamais eu pour objectif de
diffuser leur doctrine à travers le monde. On peut noter ici qu’ils n’ont jamais été
désignés comme une organisation terroriste, ni par les États-Unis (pourtant très
prompts à enrichir leurs listes), ni par les Nations unies48.En revanche, ils
soutiennent – plus par conviction religieuse que par ambition politique ou
territoriale – les efforts des combattants islamistes de la région49, notamment le
conflit du Jammu-et-Cachemire, opposant l’Inde au Pakistan, et qui draine alors des
combattants islamistes du monde entier, qui s’installent dans les « zones tribales » à
la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan. Ce sont ces combattants qui seront
capturés à la fin 2001 début 2002 par les forces spéciales américaines et
constitueront le premier contingent de prisonniers à Guantanamo.
En fait, les Taliban sont essentiellement concentrés sur les affaires afghanes et
luttent contre les chefs djihadistes locaux :
LA GUERRE EN IRAK
Après la guerre du Golfe en 1991, l’idée de renverser Saddam Hussein reste
vivace aux États-Unis. Immédiatement après le conflit, le gouvernement américain
entreprend une campagne de désinformation intense, afin de préparer le terrain pour
un renversement de pouvoir par l’opposition. La CIA mandate le Rendon Group63,
une entreprise de communication et de relations publiques basée à Boston, avec un
budget de 23 millions de dollars pour publier des brochures, livres et autres médias
destinés à ridiculiser Saddam Hussein et son régime et à encourager les membres de
ses forces de sécurité à déserter. En 1992, le Rendon Group contribue à la création
d’un mouvement d’opposition irakien appelé « Iraqi National Congress » (INC), à
la tête duquel est placé Ahmed Chalabi, en octobre. Au total, entre 1992 et 2004, la
CIA versera quelque 100 millions de dollars à l’INC par l’entremise du Rendon
Group.
L’INC est composé d’opposants au régime en Irak avec des antennes hors du
pays. Fortement contestés par la CIA qui leur reproche la mauvaise qualité de leurs
informations et leur absence de sens moral, Chalabi et son INC fourniront une
majorité des informations concernant les armes de destruction massive irakiennes.
En fait, l’INC a tout intérêt à provoquer une intervention occidentale et n’hésite pas
à désinformer l’Occident avec la complicité du vice-président Richard (Dick)
Cheney et du sous-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz, dont il s’attire les bonnes
grâces.
Déjà en 1990, les États-Unis ont réclamé un embargo contre l’Irak qui sera
entériné par le Conseil de sécurité des Nations unies. Son objectif premier est de
forcer l’Irak à se retirer du Koweït et à payer des réparations. Mais il y a un autre
but. Les objets sur lesquels porte l’embargo (notamment les médicaments) sont de
nature à provoquer une révolte de la population contre le régime de Saddam
Hussein.
Il s’agit, en fait, de la même stratégie que celle qui avait été appliquée à
l’Allemagne et au Japon durant la Seconde Guerre mondiale : frapper les
populations civiles afin de les couper de leurs dirigeants et de les monter contre
eux. Au final, non seulement la population irakienne ne s’est pas révoltée, mais les
conséquences humaines ont été terribles.
Selon les Nations unies, cet embargo aurait causé la mort de plus d’un demi-million
d’enfants irakiens65. Le 12 mai 1996, Madeleine Albright66, alors ambassadrice des
États-Unis auprès des Nations unies à New York, apparaît dans une émission
télévisée consacrée à l’embargo en Irak :
Qu’il y ait eu effectivement 500 000 enfants victimes de l’embargo ou 170 000,
comme le prétendent d’autres, n’est pas la question ici. Il suffit de mettre cette
réponse en perspective avec l’émoi causé par la photographie du petit Eylan échoué
sur les côtes de Turquie en septembre 2015, pour constater l’hypocrisie dont
l’Occident fait parfois preuve et la complaisance à l’égard de la politique
américaine.
Si pour la grande partie de l’opinion publique occidentale, la guerre du Golfe
s’était terminée en 1991, il n’en était rien pour la population irakienne. Sitôt la
guerre finie, les ÉtatsUnis, la Grande-Bretagne et la France invoquent la Résolution
688 du Conseil de sécurité des Nations unies67 pour instaurer des zones
d’interdiction de vol au nord et au sud de l’Irak (Opérations NORTHERN WATCH
et SOUTHERN WATCH). En fait la « 688 » ne mentionne aucune mesure de la
sorte, et le secrétaire-général de l’ONU d’alors, Boutros Boutros Ghali, confirmera
en 2003 que la décision de ces trois pays était illégale. La définition de ces zones a
été le prétexte pour mener des frappes tous les deux jours sur l’Irak entre 1991 et
2003. Leur fonction « humanitaire » a, en réalité, essentiellement couvert les
incursions de l’armée turque contre les positions kurdes au nord de l’Irak.
Au début 1998, après que la présence d’agents de la CIA au sein de la
Commission de vérification des Nations unies (UNSCOM)68 a été mise à jour (et
qui sera confirmée par Bill Tierney, l’agent lui-même69), le gouvernement irakien
décide d’arrêter la coopération avec les Nations unies. Cette décision provoquera
dans un premier temps l’établissement par le président Bill Clinton de l’Iraq
Liberation Act en octobre 1998, qui vise au renversement de Saddam Hussein70.
Dans un deuxième temps, les États-Unis lanceront une campagne de frappes
contre l’Irak sous le nom d’Opération DESERT FOX, en prétextant que l’Irak a
expulsé la mission des Nations unies. Cette affirmation sera répétée par Colin
Powell le 5 février 2003 lors de la réunion du Conseil de sécurité qui décidera de la
guerre. Mais elle est mensongère. En effet, le chef de l’UNSCOM, Richard Butler,
écrira dans ses mémoires que le départ d’Irak lui a été suggéré par l’ambassadeur
américain, afin de protéger les inspecteurs onusiens des frappes américaines71.
L’objectif officiel de DESERT FOX était de dégrader les capacités irakiennes de
production d’armes de destruction massive. Or, en réalité, sur les 100 objectifs
identifiés pour l’opération, seuls 13 concernaient de près ou de loin d’éventuelles
installations liées aux armes de destruction massive. Les autres objectifs visaient le
gouvernement irakien et les forces armées irakiennes72. La déclaration de Saddam
Hussein de ne plus coopérer avec les pays occidentaux après ces frappes, qui
enfreignaient pourtant clairement le droit international, constituera l’un des
prétextes de l’invasion 5 ans plus tard.
Trop souvent, les crimes occidentaux – accomplis sous la bannière des Droits de
l’homme et du droit humanitaire – sont empreints de notre bonne conscience et sont
commodément évacués de notre mémoire collective. Mais ils restent encore vivaces
dans la mémoire des populations locales, comme l’illustre la fatwa du 23 février
1998 d’Oussama Ben Laden. Il était donc évident qu’une intervention en Irak allait
réveiller ces sentiments mitigés à l’égard de l’Occident :
[…] Ironiquement, une invasion et une occupation de l’Irak au
nom de la lutte contre le terrorisme causera probablement une
augmentation des attaques anti-américaines de la part de sources
islamiques fondamentalistes. L’administration Bush a simplement
remplacé une présence militaire dans une nation qui abrite les
lieux saints de l’Islam par une occupation armée dans une autre.
L’Irak a aussi des lieux saints, et est le berceau et le centre
académique et spirituel de l’Islam chiite. L’administration devrait
se rappeler que l’occupation soviétique « infidèle » de la nation
islamique d’Afghanistan durant les années 80 a attiré des
combattants fanatiques du monde entier dans l’opposition. […] Le
monde islamique perçoit la guerre américaine contre le terrorisme
comme une guerre contre la foi73.
C’est dans ces événements qu’il faut voir le point de dé-part des velléités
djihadistes. Un mélange d’incompréhension et de manœuvres, qui a mis en doute la
sincérité de l’intervention occidentale au Moyen-Orient et qui, renforcée par des
propos très maladroits à connotation religieuse, n’a fait que consolider les
conditions d’un Djihad pour les islamistes radicaux.
En octobre 2001, des envois postaux contenant des germes d’anthrax et adressés
à certaines personnalités (journalistes, juifs et affiliés au parti démocrate) sont
immédiatement perçus comme étant dans le prolongement des attaques de
septembre et l’incident est rapidement connu sous le nom d’« Amerithrax ». Dès
son apparition, l’Amerithrax présentait toutes les caractéristiques d’un problème
intérieur aux USA, mais sa coïncidence avec les événements de septembre 2001 a
orienté les recherches des services de renseignement vers l’Irak et les réseaux « Al-
Qaïda ». Or, la nature des objectifs et la séquence des attaques dans le temps, de
même que la nature des souches d’anthrax, tendaient à exclure l’implication de
l’Irak, qui avait pourtant été montré du doigt par le Federal Bureau of Investigation
(FBI) américain, et dont on avait évoqué les liens avec des agents d’« Al-Qaïda74 ».
Le 28 octobre, le FBI annonçait l’abandon des investigations en relation avec le
réseau « Al-Qaïda » et la réorientation de son enquête sur une piste criminelle
américaine.
Après le 11 Septembre, l’Irak devient pour les États-Unis la cause de toutes les
activités terroristes dans le monde. Alors que, dans les semaines qui ont suivi le
« 11 Septembre », le public américain n’y avait pas immédiatement associé l’Irak ;
début 2003, 44 % des Américains estimaient que les terroristes étaient irakiens,
tandis que 45 % étaient convaincus que Saddam Hussein était personnellement
impliqué dans ces attentats75.
Le message alors martelé par le président George Bush et les membres de son
administration imprime dans la tête des Américains l’idée d’un lien organique entre
le terrorisme et Saddam Hussein. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld
affirme détenir les preuves « irréfutables » de l’implication de l’Irak dans le 11
Septembre76. C’est évidemment un mensonge éhonté : on sait aujourd’hui que ces
liens sont sortis de l’imagination de l’administration Bush77. Pourtant, malgré la
publication du rapport de la commission d’enquête du Congrès qui souligne
l’absence de liens entre l’Irak et « Al-Qaïda », le vice-président Richard (Dick)
Cheney persiste dans une interview avec CBS News en 2004 :
avant de faire marche arrière en 2009, dans une interview avec NBC News, où il
déclare qu’il n’y a jamais eu aucun lien entre l’Irak et les terroristes djihadistes79.
Si aujourd’hui la manipulation liée aux armes de destruction massive apparaît
comme une raison majeure pour l’intervention américaine en Irak, l’importance du
lien fabriqué entre l’Irak et les auteurs des attentats du 11 Septembre ne doit pas
être sous-estimée. En fait, pour une majorité d’Américains, ce lien était une raison
beaucoup plus valable d’intervenir en Irak que les armes de destruction massive. Au
final, non seulement l’intervention en Irak a été soutenue par 72 % des Américains,
qui n’ont rien compris à la guerre dans laquelle ils s’engageaient, mais la cote de
popularité du président Bush a bondi à la fin mars 2003 pour atteindre 71 %
d’opinions positives80. Les mêmes causes ayant les mêmes effets, c’est le même
mécanisme que l’on observera en France en 2015.
Lorsque le NIE du 1er octobre 2002 cite « la plupart des agences », il se réfère
aux agences analytiques que sont la Central Intelligence Agency (CIA) et la
Defense Intelligence Agency (DIA) et aux agences de collecte que sont la National
Security Agency (NSA)92 et la National Geospatial-intelligence Agency (NGA).
Alors que ces deux dernières étaient d’accord avec l’idée que les tubes pouvaient
être destinés à un programme nucléaire, les agences analytiques étaient partagées
sur la question : la CIA et la DIA pensaient que les tubes étaient liés à un
programme nucléaire, alors que le Département de l’énergie et le Bureau de
renseignement et de recherche (INR) du Département d’État pensaient que les deux
objets n’étaient probablement pas liés.
Prétendre que le « White Paper » a été une tentative de manipuler l’opinion
reste cependant discutable. Dans le souci de rendre le document accessible à un
large public, le NIE a été raccourci, certaines réserves ont été dépersonnalisées – en
retirant la mention de l’agence de renseignement qui était dubitative –, faisant de
l’ensemble un document plus catégorique que l’analyse ne le permettait, même au
sein des services. Sans entrer ici dans la polémique, cet exemple montre la difficulté
pour un service de renseignement à retranscrire de manière concise toutes les
nuances d’une situation dans un document court. Ce problème se pose lorsqu’il
s’agit de donner au décideur politique un document à la fois complet et
suffisamment réduit pour qu’il puisse le lire : les subtilités de langage doivent
souvent être gommées et le message final peut apparaître plus tranché.
Les informations rendues publiques par Colin Powell, le 5 février 2003, devant
le Conseil de sécurité de l’ONU sur les « laboratoires mobiles d’armes biologiques
irakiennes », provenaient de 4 sources : une source désignée « Red River » par la
CIA, qui n’avait pas satisfait au test du détecteur de mensonges ; les sources
« Curveball » et « Red XXXX», dont la « fiabilité et les informations n’avaient pas
été évaluées », informations qui « contenaient des incohérences nécessitant des
vérifications supplémentaires », selon l’avertissement donné par l’Agence de
renseignement de la défense (DIA)93 à la CIA ; et une autre source que la DIA avait
taxée du qualificatif d’« affabulateur94 » !
Finalement, les États-Unis et la Grande-Bretagne décideront d’attaquer l’Irak
sans avoir l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies, bafouant ainsi un
des fondements de la Charte de l’ONU, comme le précise le Secrétaire général de
l’ONU d’alors, Kofi Annan :
Pour faire face à cette situation, les Américains se lancent hâtivement dans la
reconstitution des forces de sécurité. Entre juin 2004 et septembre 2005, ils
distribuent quelque 185 000 fusils d’assaut AKM/AK-47, 170 000 pistolets, 215
000 gilets pare-balles et 140 000 casques. Mais l’exécution s’effectue dans la
précipitation et, jusqu’en décembre 2004, les armes n’ont fait l’objet d’aucun
enregistrement (!). Au final, dans cette opération, 110 000 fusils d’assaut et plus de
80 000 pistolets importés en Irak par les États-Unis ont été disséminés, sans laisser
aucune trace, sans que l’on sache exactement à qui ils ont été distribués110. Notons
ici qu’en Afghanistan, la situation n’est guère meilleure. De fait, les États-Unis ne
sont pas en mesure de dire exactement où sont les quelque 465 000 armes légères
distribuées aux forces armées afghanes et autres factions « amies », selon un rapport
d’audit de l’inspecteur-général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan111,
publié en juillet 2014112.
La « stratégie » du général Petraeus, appliquée dès 2007, basée sur le
financement de milices sunnites locales, a souvent été qualifiée de novatrice et de
« solution ». En réalité, il n’en est rien. Le fait d’exploiter les rivalités et loyautés
locales pour régler des problèmes d’insurrection est vieux comme le monde et avait
déjà été utilisé au Vietnam et au Laos par les Français, puis par les Américains, avec
succès. La différence – et non des moindres – est qu’en Irak les loyautés ne
s’articulent plus autour d’une idéologie politique, du pouvoir des tribus ou de
l’argent, mais autour de rapports de force entre communautés religieuses, ce que les
stratèges américains n’ont pas compris. Ainsi, dans leur volonté de « diviser pour
régner » les États-Unis ont distribué très libéralement des armes à divers groupes
armés sunnites, qui seront connus collectivement sous le nom de « Mouvement du
Réveil » ou des « Fils d’Irak ». Ceux-là mêmes qui constitueront la base de ce qui
deviendra plus tard l’État islamique.
L’incapacité des Américains à remettre en place un régime dont l’autorité se
positionne au-dessus des nombreux clivages de la société irakienne a provoqué un
déplacement des enjeux du domaine politique vers le domaine religieux. Comme on
l’avait observé en Palestine après la chute du monde communiste – qui soutenait
jusqu’alors la cause palestinienne –, l’élément fédérateur est devenu la religion,
alimenté par un communautarisme latent que le régime de Saddam Hussein était
parvenu à contenir par la force. Ce déplacement du curseur sur un logiciel religieux
a été totalement sous-estimé par les stratèges américains, ce qui était logique
puisqu’ils n’avaient pas su en tirer les conclusions 10 ans auparavant. Ainsi, les
combattants nouvellement équipés par les États-Unis se sont assez rapidement
retrouvés dans une opposition armée113, faisant réapparaître ces armes dans les
mains de combattants islamistes.
Cette polarisation des forces en présence le long de clivages religieux est
catastrophique pour les populations chrétiennes et autres minorités, qui
constituaient l’une des richesses culturelles et humaines de cette région. Ainsi, par
une cruelle ironie de l’Histoire, la lutte contre l’islamisme déclenchée par les
« bigots » chrétiens américains a conduit à la perte des chrétiens d’Orient.
LA GUERRE EN LIBYE
Les diverses révolutions dites « citoyennes », qui ont touché l’Afrique du Nord
en 2010-2012, ont toutes comme point commun d’avoir été inspirées et menées par
une volonté politico-religieuse, sous les impulsions concurrentes du Qatar et de
l’Arabie saoudite. Leur intensité a été modulée en fonction des cultures politiques
locales, mais toutes ont visé les régimes modernistes laïcs issus des années 50-60,
qui avaient notamment promu le rôle de la femme dans la société et prônaient un
mode de vie occidental. La révolution libyenne n’a pas fait exception et a été menée
dès son début par des groupes fondamentalistes sunnites.
Le régime du président Kadhafi n’était à l’évidence ni démocratique, ni
conforme à la définition d’un État de Droit. Néanmoins, en 2010, selon les
Nations unies, la Libye était le pays dont l’index de développement
humain était le plus élevé d’Afrique115. Elle ne figurait plus sur la liste des
pays soutenant le terrorisme depuis le 15 mai 2007116 et, au contraire, participait
activement à la lutte contre l’islamisme radical aux côtés de l’Occident. Le
gouvernement Sarkozy avait négocié avec Kadhafi la vente d’avions de combat
Rafale. En clair, tout imparfait qu’il fût, le régime du président Kadhafi ne
constituait pas une menace pour l’Occident en 2011, et rien ne justifiait une
intervention militaire extérieure pour renverser son gouvernement.
Dans son livre sur le désastre de la politique américaine en Libye117, Peter
Hoekstra, député et ancien président de la Commission du renseignement de la
Chambre des représentants américains, rappelle qu’en 2003, il avait participé à une
délégation parlementaire américaine auprès du dirigeant libyen, qui avait conclu
que la Libye « se dirigeait dans la bonne direction ». Il constate par ailleurs que,
même après les attentats de la discothèque La Belle à Berlin (1986) ou du vol 103
de la Pan Am (1989), aucun gouvernement américain n’avait sérieusement pris en
considération l’idée de renverser Kadhafi. Alors pourquoi en 2011 ?
En 2011, un facteur déterminant a été le rôle actif de la France dans la
destitution de Mouammar Kadhafi. Pour de nombreux commentateurs, cette
opération est davantage associée à une manœuvre de politique intérieure
(comparable à celle qui avait conduit le président Bill Clinton à ordonner les
bombardements de 1998) qu’à l’expression d’une politique extérieure cohérente118.
En mars 2011, le Président Sarkozy – en baisse constante dans les sondages – est
donné perdant pour les présidentielles de 2012119. Il saisit alors l’opportunité de
s’impliquer dans un printemps arabe qu’on lui avait reproché de ne pas avoir vu
arriver en Tunisie, et ce afin de restaurer son image.
Un mandat détourné
À peine la Libye tombée aux mains des islamistes en octobre 2011, les États-
Unis et la France ont déjà un œil sur le prochain théâtre d’opérations : la Syrie.
Ce dessein sera servi par la quantité incroyable d’armes accumulées en Libye,
que certains experts expliquent de manière assez simpliste par la recherche d’un
« apanage de puissance150 » par le colonel Mouammar Kadhafi. En réalité, il faut
rappeler que – comme nous l’avons vu plus haut – depuis 2001, les États-Unis
avaient un plan qui devait conduire au renversement du régime libyen. Ainsi,
convaincu qu’il serait l’objet d’une agression occidentale, le colonel Kadhafi avait
organisé la défense de la Libye avec des dépôts d’armes répartis sur l’ensemble du
territoire, afin de constituer une véritable résistance par des milices et tribus locales,
comme l’avait fait naguère le Mahdi soudanais contre les Britanniques. Rappelons
ici que la Libye n’était pas un État au sens westphalien du terme, mais une
coordination entre les diverses tribus du pays. De même, après le raid américain
d’avril 1986, où il a perdu sa petite-fille, le président libyen s’est pris d’une
véritable obsession de la défense aérienne et a acquis plusieurs dizaines de milliers
de missiles antiaériens – portables ou non – également répartis sur une bonne partie
du territoire. Après les frappes aériennes occidentales qui ont disloqué les structures
de conduite de l’armée libyenne, ces armes se sont retrouvées à la portée des
groupes les plus divers.
L’ambassadeur américain Chris Stevens, mandaté dès mars 2011 par le
Département d’État pour assurer la liaison avec Abdel Hakim Belhadj du Groupe
islamique combattant en Libye (GICL) – qui est alors encore sur la liste des
mouvements terroristes étrangers du Département d’État américain151 –, négocie
pour racheter les armes découvertes dans les dépôts et caches des forces de sécurité
libyennes afin de les fournir aux rebelles syriens. En novembre 2011, Belhadj se
rend à Istanbul, où il rencontre les représentants de l’Armée syrienne libre, dans le
but officiel de leur fournir des armes et de les soutenir financièrement152. À la
même époque, le journal turc Milliyet rapporte que les services français sont à
Tripoli (au Liban) avec leurs homologues américains pour prendre contact avec les
rebelles syriens, afin d’organiser la révolte contre le gouvernement légal de Bachar
al-Assad et d’entraîner des milices rebelles153.
Dès le début 2012, la CIA met en place une « Rat Line » (« Couloir de rats »)
pour acheminer les armes libyennes vers la Syrie via la Turquie. Il s’agit
essentiellement d’une filière clandestine destinée à acheminer des armes vers
l’Arabie saoudite et le Qatar, puis vers la Turquie et la Croatie d’où elles sont
envoyées vers la Syrie. En Syrie, les armes sont prises en charge par des agents de
la CIA qui les répartissent entre les divers groupes de l’opposition armée154.
L’attaque du 11 septembre 2012 contre le « consulat » américain de Benghazi –
en réalité, l’antenne de la CIA en Libye, placée sous la protection de la Brigade des
martyrs du 17 février155, dont la page d’accueil sur Facebook est alors ornée d’un
combattant avec le drapeau djihadiste, et qui a donné naissance au groupe Ansar al-
Sharia, l’un des plus virulents groupes djihadistes de la région – avait pour objet les
missiles antiaériens SA 7156, que l’ambassadeur américain Chris Stevens (mort dans
l’attentat) avait convenu de faire transporter en Syrie par Abdel Hakim Belhadj,
chef du Conseil militaire de Tripoli et ancien chef du GICL157.
LA GUERRE EN SYRIE ET LA MONTÉE DE L’ÉTAT
ISLAMIQUE
Le régime syrien est l’héritier des mouvements nationalistes arabes des années
50. Il combine nationalisme et socialisme et suit une évolution comparable à celle
de la Tunisie et de l’Égypte. Directement impliquée dans les divers conflits israélo-
arabes, et abritant une grande quantité de réfugiés palestiniens, la Syrie tente de
maintenir une stabilité dans la région frontalière avec Israël. En juillet 1976, c’est à
la demande des milices chrétiennes que la Syrie intervient au Liban pour combattre
la montée en puissance des Palestiniens qui déstabilisent le sud du Liban.
Lorsqu’Israël intervient au Liban en 1982 – également pour combattre les
Palestiniens – l’armée syrienne évite l’affrontement et se retire dans la région de la
Bekaa. À ce moment, la Syrie fait face à une autre menace interne : la montée des
Frères musulmans en Syrie (Ikhwan al-Muslimin fil-Suriya). Leur insurrection
comprend de multiples assassinats et attentats à la bombe. Le 16 juin 1979, le
massacre d’entre 32 et 83158 jeunes cadets de l’armée syrienne, déclenchera la
colère d’Hafez al-Assad, et conduira en 1982 à un siège de 27 jours de la ville de
Hama, aboutissant à la liquidation des Frères musulmans. Il en restera l’image d’un
régime brutal, qui sera accentuée par la propagande occidentale en raison de
l’alignement de la Syrie sur Moscou tout au long de la guerre froide. Pourtant, si le
régime syrien n’était certes pas romantique, il était loin d’être sanguinaire.
En 1990, la Syrie avait clairement pris le parti de la coalition occidentale contre
l’Irak. Des unités de combat syriennes avaient été déployées au sein de la coalition
pour l’Opération DESERT STORM, et des membres des forces spéciales
américaines avaient même été intégrés aux 14 500 militaires syriens afin d’aider les
officiers syriens pour la traduction. L’objectif des Syriens est alors de se rapprocher
des États-Unis afin de trouver une solution sur la question du Golan.
Durant la guerre froide, l’Union soviétique animait une véritable politique et
économie de guerre, qui justifiait une aide militaire exorbitante. La Syrie – ainsi
que la Libye et l’Algérie – était considérée comme essentielle pour prévenir un
encerclement stratégique en Méditerranée et éviter les effets néfastes d’une
fermeture des détroits turcs. Après la chute du régime communiste, la Russie donne
la priorité à sa propre reconstruction. Des pays comme Cuba et la Syrie –
jusqu’alors sous « perfusion » – ne peuvent plus compter sur son aide et doivent
s’engager dans une nouvelle voie, ce qui se traduit pour la Syrie par la volonté
affichée d’engager un dialogue avec l’Europe, les États-Unis et Israël.
Avec l’appui du président américain, la Syrie entame des négociations directes
avec Israël. Une première réunion secrète aura lieu le 8 décembre 1999, suivie le 15
décembre par une réunion plus officielle à Washington, entre le ministre des
Affaires étrangères syrien Farouk al-Sharaa et le Premier ministre israélien Ehud
Barak. Un retrait du Golan était en principe accepté par les Israéliens, avec toutefois
un maintien de souveraineté israélienne sur certains secteurs. La réunion du 26 mars
2000 entre Hafez al-Assad et le président Clinton ne permettra pas de conclure un
accord et restera considérée comme un échec. Une voie vers la paix existe donc,
mais elle ne sera approfondie.
La suite des événements contribuera à dégrader la situation : la mort d’Hafez al-
Assad (juin 2000), le début de la seconde Intifada en Israël, l’élection du président
Bush aux États-Unis, l’arrivée d’Ariel Sharon au pouvoir en Israël, puis le 11
Septembre sonneront le glas de ces tentatives de paix et figeront les positions anti-
syriennes en Occident, malgré les tentatives d’ouverture que Bachar al-Assad
poursuivra, dans la ligne de son père. Porté au pouvoir un peu malgré lui, Bachar
Al-Assad n’est pas l’homme barbare que l’on décrit habituellement. Sa culture
personnelle est celle d’un médecin ayant étudié et vécu en Occident. Il est l’héritier
d’un régime, avec lequel il doit fonctionner, mais qu’il a commencé à réformer,
avec de réels efforts d’ouverture159.
Peu après le 11 Septembre, les États-Unis définissent un « Axe du Mal », qui
n’inclut pas la Syrie. Mais le Département d’État continue à la décrire comme un
« État soutenant le terrorisme », tout en soulignant que la Syrie n’a plus été
directement impliquée dans les opérations terroristes depuis 1986160. Il est vrai
qu’un contentieux subsiste, car ont trouvé refuge en Syrie les chefs de certains
groupes palestiniens marxistes des années 70-80, mais, dont l’importance et
l’influence sont devenues quasi-nulles dans un environnement fortement imprégné
de Djihadisme. La lutte menée par le régime syrien contre les Frères musulmans au
début des années 80, et la guerre qui ravage le pays dès 2012, montrent que le
gouvernement syrien n’avait pas d’intérêt particulier à soutenir les extrémistes
sunnites.
Malgré l’impasse des négociations avec Israël, et le poids de sa présence au
Liban, la Syrie parvient à maintenir une image globalement neutre, qui se dégradera
cependant en. Les États-Unis cherchent alors à créer leur coalition contre l’Irak. Le
secrétaire d’État américain, Colin Powell, visite Bachar Al-Assad alors placé devant
le difficile choix « d’être pour les Américains ou contre les Américains ». À ce
moment, l’opinion publique arabe est consciente – tout comme la Turquie – du
danger d’une intervention en Irak et du risque de déstabilisation régionale qu’elle
impliquera nécessairement. Comme l’expliquait Bachar Al-Assad aux Américains :
La Syrie ne rejoindra donc pas la nouvelle coalition, mais elle subira l’impact de
la guerre en accueillant entre 1 et 1,5 million de réfugiés irakiens, essentiellement
des sunnites – dont certains radicalisés par la présence occidentale –, qui
contribueront à sa déstabilisation quelques années plus tard. La frontière avec
l’Irak, qui avait été fermée en 1991, a été rouverte en 1997, permettant à plusieurs
centaines de milliers d’Irakiens d’échapper aux effets de l’embargo occidental
contre l’Irak. En 2003, le flot de réfugiés est massif et les tentatives syriennes pour
maîtriser la situation le long des 600 km de frontière avec l’Irak sont vaines. Sous la
pression américaine, la Syrie ferme ses 5 postes frontières avec l’Irak afin
d’empêcher les rebelles irakiens d’alimenter la résistance contre l’occupation
américaine.
À ce stade, bien que neutre dans ce conflit, la Syrie essaie de se rapprocher de
l’Occident. Dès le 11 Septembre, la Syrie coopère activement à la lutte contre les
mouvements islamistes radicaux et djihadistes (« Al-Qaïda ») avec le
Commandement des opérations spéciales américain. En 2002, Bachar al-Assad
autorise le partage de centaines de documents avec les services occidentaux sur les
activités des Frères musulmans en Syrie et en Allemagne. La Syrie participe au
programme de détention secrète de la CIA américaine et accueille les prisonniers
qu’elle lui livre162. Elle fournit également des centaines de documents à la CIA qui
avoue que « la qualité et la quantité des informations en provenance de Syrie ont
dépassé les attentes de l’Agence », mais également que la Syrie « a reçu bien peu en
retour163 ».
Ne participant pas à la coalition occidentale en Irak, la Syrie est isolée.
L’ouverture voulue par le président Bachar ne se fait pas et l’éventail de ses alliés se
réduit. La situation sera encore plus problématique après l’attentat contre l’ex-
Premier ministre libanais Rafic Hariki, le 14 février 2005 à Beyrouth, qui placera –
opportunément – la Syrie dans le collimateur de la communauté internationale et
obligera son retrait du Liban. L’isolement de la Syrie renforce les liens avec l’Iran –
où Mahmoud Ahmadinejad est porté au pouvoir grâce à l’intervention américaine
en Irak – créant un nouveau problème.
Le tribunal international chargé d’instruire l’assassinat de Rafic Hariri a dirigé
ses investigations vers la Syrie, avant de se tourner vers le Hezbollah libanais. Mais
les bonnes relations entre le Hezbollah et Rafic Hariri (entre autres le fait que Rafic
Hariri et Nasrallah venaient de constituer un « comité permanent conjoint
regroupant le Courant du futur et des cadres du Hezbollah dans le but de préparer
les élections parlementaires de 2005164 »), les dénégations de la Syrie et l’absence
de motifs réels ont rendu ces accusations extrêmement fragiles165. En fait, le
tribunal international a d’emblée exclu d’autres auteurs probables de l’assassinat et
notamment Israël, qui en est le principal bénéficiaire. Malgré le fait que de
nombreux éléments techniques et politiques tendent à démontrer son implication,
l’enquête ne se dirigera jamais dans cette direction. En effet, les manœuvres de
rapprochement de la Syrie vers l’Occident et son attitude coopérative vis-à-vis des
États-Unis dans la lutte contre le terrorisme sunnite étaient de nature à affaiblir la
position d’Israël dans la région166.
Un autre phénomène, qui entre dans l’équation de la stabilité de la Syrie dans
cette région troublée, est l’impact de la sécheresse qui affecte la Syrie entre 2005 et
2010, touchant en majeure partie l’agriculture et les zones sunnites du pays,
s’ajoutant à l’immigration en provenance d’Irak, et qui accentue la pression sur une
économie syrienne affaiblie167.
Un changement – que les « stratèges » américains, qui voulaient renverser
Saddam Hussein en s’appuyant sur la majorité chiite en Irak, n’avaient pas anticipé
– est l’émergence d’une ceinture chiite autour de l’Arabie saoudite, entre l’Iran et le
Liban, modifiant ainsi l’équilibre géostratégique entre les communautés chiite et
sunnite dans la région. Le sentiment d’encerclement qui en résulte poussera
l’Arabie saoudite – et le Qatar – à réaffirmer la prépondérance du sunnisme dans le
monde islamique grâce aux « révolutions arabes » ou « révolutions citoyennes » : ce
sont les interventions militaires au Bahreïn et au Yémen, et le soutien aux
révolutions contre les gouvernements « laïcs » issus du nationalisme arabe dans les
années 50-60 (la Tunisie, l’Égypte, la Libye, l’Irak et la Syrie).
Il est certain que la Syrie n’est pas un État démocratique au sens où nous
l’entendons en Europe et qu’elle nécessite des réformes. Mais, comme la Tunisie et
l’Égypte, elle n’est pas non plus une tyrannie méthodique et impitoyable comme
l’était l’Union soviétique sous Staline.
Le fait est que le peuple syrien est très amical et tolérant avec
les communautés minoritaires. Le citoyen syrien doit faire son
service militaire obligatoire et ainsi les différentes religions sont
brassées et les liens se créent au-delà des barrières religieuses.
C’est une société très cosmopolite168.
Pourtant, le gouvernement syrien montre une grande retenue dès le départ des
événements. En septembre 2011, le groupe d’analyse américain Stratfor, basé au
Texas et spécialisé dans l’analyse stratégique des conflits, écrivait à propos de la
situation en Syrie :
C’est donc plus tard, comme nous le verrons, que le conflit se durcit, après que
les pays occidentaux, notamment la France183, la Grande-Bretagne et les États-
Unis, ont formé des combattants et fourni des armes aux insurgés. À ce moment,
l’État islamique n’est pas encore apparu en Syrie, mais les atrocités commises par
les rebelles – notamment les décapitations de chrétiens –, elles, sont bien réelles184,
et les armes livrées par les Occidentaux ne sont pas utilisées comme levier pour
moraliser le conflit, bien au contraire.
Afin de justifier son intervention en Syrie, le gouvernement français a simplifié
à l’extrême la situation sur le terrain, en divisant les intervenants en deux catégories
principales : le gouvernement et les opposants, qui se subdivisent en l’État
islamique (« Daech »), les islamistes modérés et les Kurdes. L’opposition étant
considérée par définition comme légitime, toutes les pertes (soit environ 220 000
personnes – chiffre qui n’a jamais fait l’objet d’une quelconque vérification) sont
ainsi attribuées au gouvernement syrien.
La réalité est plus complexe. En 2015, on peut évaluer le nombre des groupes
armés combattant en Syrie à environ 1200, toutes tendances confondues. Avant
l’émergence de l’État islamique, ces groupes peuvent être catégorisés comme suit :
- L’opposition islamiste, qui se subdivise de la manière suivante, d’après les
islamistes eux-mêmes185 :
• Les factions islamiques, qui regroupaient les groupes djihadistes y compris
les combattants étrangers (« Muhajirin »), comme l’État islamique en Irak, issues de
l’État-Islamique en Irak et en Syrie, apparus comme groupes de résistance à
l’occupation occidentale de l’Irak ;
• Les factions « islamiques » avec un agenda nationaliste, qui privilégiaient la
dimension islamique, dans un contexte nationaliste. Elles sont fondées sur une
doctrine salafiste, et leurs combattants ont une pratique religieuse plus assidue.
Dans cette catégorie, on compte les Hommes libres du levant (Ahrar al-Sham),
l’Armée de l’Islam (Jaysh al-Islam), le Front al-Nosrah (Jabhat al-Nosrah186 ou
Jabhat al-Jawlānī) ;
• Les factions nationalistes avec un agenda « islamique », qui sont
essentiellement nationalistes, mais ont un langage islamiste. Dans cette catégorie se
trouvent, notamment, le Front islamique (Jabhat al-Islamiya), l’Armée des
moudjahidines (Jaïsh al-Moudjahidin), le Front levantin (Jabhat al-Shamiyyah), le
Corps du levant (Faylaq ash-Sham), etc.
• Les factions laïques avec un agenda séculier, qui comprend l’Armée
syrienne libre (ASL), dont l’existence effective sur le terrain reste un objet de
controverses.
- Des acteurs, qui ne sont pas le gouvernement syrien, qui ne partagent pas
nécessairement les vues du gouvernement, mais qui sont de son côté car il s’agit de
leur sécurité – et de leur survie – face aux islamistes sunnites :
• Les milices locales d’auto-défense villageoises laïques, sans coloration
religieuse particulière ;
• Les milices locales chiites ;
• Les milices chrétiennes, assyriennes, ou syriaques ;
• Les milices du Hezbollah ;
• Les milices kurdes.
La « sur-simplification » de cette réalité par le gouvernement français a ouvert
la porte à une critique virulente contre Bachar al-Assad, en délimitant de manière
plus nette et artificielle le camp des « méchants » et celui des « gentils ». Le
problème est que cette simplification appliquée au terrain, à travers un soutien
matériel, financier et militaire à l’opposition au régime, a tout simplement sacrifié
les communautés chrétiennes comme nous le verrons.
Il faut rappeler ici que la Syrie est le berceau des plus anciennes formes de
chrétienté. Dès 2004, le pays a accueilli ces populations persécutées – et délaissées
par les pays occidentaux – depuis l’intervention américaine en Irak. Dès 2011, en
Syrie, avec le soutien occidental à l’insurrection sunnite, les massacres des
populations syriaques, chiites, chrétiennes, alaouites, kurdes, assyriennes,
ismaéliennes et autres ont suivi le même schéma qu’en Irak. Dénoncés par Amnesty
International187, ces massacres n’ont suscité aucune réaction, tandis que les
tentatives occidentales de renverser le gouvernement syrien – qui les protège –
provoqueront l’explosion de l’émigration syrienne (en grande partie chrétienne) dès
l’été 2014.
Très tôt, l’absence de chiffres précis et fiables sur le nombre total de victimes du
conflit syrien devient un outil politique en Amérique et en Europe. Assez
logiquement, le gouvernement syrien ne fait pas d’annonce sur ses pertes afin de ne
pas démoraliser ses troupes – le crédit des rebelles en la matière est plus que
discutable –, tandis que l’absence de la présence internationale rend l’évaluation du
nombre des morts extrêmement hasardeuse et ouvre la porte à la propagande et la
désinformation.
En fait, une seule source d’information s’est imposée dès le début de
l’insurrection syrienne : l’Observatoire syrien des Droits de l’homme (OSDH). Un
nom pompeux qui cache une réalité bien modeste. Basé dans un appartement de
deux pièces à Londres, l’OSDH est géré par un seul individu, Rami Abder Rahman,
ancien opposant sunnite au régime syrien, qui tient une boutique de vêtements188.
La qualité relative des informations de l’OSDH est relevée par l’ancien chef du
renseignement de sécurité de la DGSE, Alain Chouet189 :
Les histoires que l’on raconte sur Assad actuellement sont les
mêmes que ce que l’on racontait sur Kadhafi, les mêmes que l’on
racontait sur Saddam Hussein, par ceux qui défendaient les États-
Unis pour renverser ces régimes. Si cela devait arriver en Syrie,
nous finirions par avoir une situation de beaucoup plus grandes
souf-frances encore, beaucoup plus de persécutions de minorités
religieuses et de chrétiens en Syrie, et notre ennemi deviendrait
considérablement plus puissant191.
Au Conseil de sécurité des Nations unies, la discussion est bloquée. La Russie
et la Chine, qui s’étaient senties trompées en 2011 par la France et ses alliés
occidentaux avec la Résolution 1973 sur la Libye, ne sont plus disposées à accepter
des interventions sans stratégie de long terme et la politique occidentale du fait
accompli, qui se solde par le chaos, comme en Libye. D’autant plus que les
commentaires de Laurent Fabius, en août 2012, laissent peu de place à
l’imagination, et montrent clairement que l’objectif de la France est de renverser le
pouvoir syrien :
Le soutien occidental
Il fait part de ses inquiétudes sur le fait que les services de renseignement
syriens se doutent du soutien de Washington à l’opposition :
Et il ajoute :
En fait, on savait déjà, dès 2012, que l’Armée syrienne libre (ASL)
était dominée par les islamistes209 et que les armes fournies par l’Occident
arrivaient immanquablement dans les mains des Djihadistes210. On observe dès
cette période une modification des logos des diverses factions de l’ASL vers une
symbolique plus islamiste211 ; il s’agissait alors aussi pour ces groupes d’accentuer
leur image sunnite pour bénéficier de l’aide de l’Arabie saoudite et du Qatar.
En 2013, l’OTAN considère que l’ASL ne combat plus contre Assad et que
seuls les islamistes assurent ce combat212. En effet, la présence écrasante
d’islamistes radicaux au sein de l’ASL remet en question son existence-même213.
Ainsi, en octobre 2015, le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov,
répondant aux critiques occidentales sur les premières vagues de bombardements
russes contre les rebelles syriens, déclarait :
L’État islamique
À ce stade, l’État islamique ne constitue donc pas une menace pour l’Occident.
Mais l’intérêt pour les États-Unis – comme pour la France, d’ailleurs – est d’avoir
une force rebelle suffisamment puissante, violente et radicale, capable de provoquer
une réponse brutale du gouvernement syrien, qui puisse justifier son
renversement239. Car l’objectif de ces deux pays, nous l’avons dit, est de renverser
le régime syrien, dans la ligne de ce que souhaite le gouvernement israélien.
En avril 2013, après s’être bien implanté dans l’est de la Syrie, et avoir financé
le Front al-Nosrah (Jabhat al-Nosrah) l’EII tente de l’absorber et prend le nom
d’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL) (Dawlah al-Islamiyah fil-’Eiraq wal-
Sham)240. Les relations entre les deux groupes connaissent des hauts et des bas,
mais la désapprobation, en mars 2014, d’Ayman al-Zawahiri (considéré comme le
successeur d’Oussama Ben Laden) sur la question de la création d’un Califat,
consacrera leur division. Il y aura encore une brève tentative de fusion à la fin juin
2014241, avant que l’EIIL ne devienne simplement l’État islamique (EI) (Dawlah al-
Islamiyah) au 29 juin 2014. Au niveau opérationnel, les deux groupes sont
essentiellement divisés par des rivalités de personnes, même si la propagande de
l’État islamique met en avant des différences d’interprétation dans l’application du
Coran. Toutefois, au niveau régional, leur objectif stratégique est le même, comme
le précise le chef du Front al-Nosrah, Abou Mohammed al-Jaulani :
Les diverses attaques à l’arme chimique dont les populations civiles syriennes
ont été l’objet ont suscité un émoi considérable en Occident. Fortement médiatisées
et très rapidement attribuées au gouvernement syrien, dans le but évident de
justifier une intervention militaire contre le régime, ces attaques méritent d’être
replacées dans leur contexte.
Au milieu des années 80, après qu’Israël se fut doté de l’arme atomique, la
Syrie entreprend de s’équiper d’un moyen de dissuasion contre une éventuelle
agression nucléaire. Le soutien des États-Unis et la capacité de seconde frappe
qu’ils peuvent offrir, font d’Israël le seul pays du Moyen-Orient virtuellement
capable de déclencher un conflit nucléaire. C’est le refus d’Israël, en 1981,
d’appliquer la Résolution 487 du Conseil de sécurité des Nations unies l’enjoignant
de mettre son arsenal nucléaire sous la supervision de l’Agence internationale de
l’énergie atomique (AIEA)255 qui pousse la Syrie à se doter de l’arme chimique
comme moyen de dissuasion. La Syrie est signataire du Traité de non-prolifération
nucléaire et respecte les clauses de sauvegarde de l’AIEA. Par ailleurs, il convient
de rappeler ici que la Syrie n’a jamais utilisé ses armes chimiques, comme l’avait
fait l’Irak durant sa guerre contre l’Iran avec l’aide active des États-Unis256.
Dès la fin 2012, des rapports non confirmés font état de l’usage d’armes
chimiques en Syrie. Assez curieusement, ils font suite à une déclaration du
président Obama, du 20 août 2012, dans une entrevue avec des journalistes, qui
émet l’idée d’une « ligne rouge » et suggère que les États-Unis pourraient intervenir
au profit de la rébellion en Syrie sous certaines conditions :
Nous avons été très clairs envers le régime Assad, ainsi qu’avec
d’autres acteurs sur le terrain, qu’une ligne rouge est pour nous le fait de
voir une quantité d’armes chimiques être déployée ou utilisée. Cela changerait mon
calcul. Cela modifierait mon équation257.
Mais les prétendues attaques de 2012 ne déclenchent rien : les observations
rapportées par les services de renseignement français et britanniques ne sont pas
solides. Il faudra attendre le 19 mars 2013, avec une attaque chimique qui frappe le
village de Khan al-Assal, suivie de plusieurs attaques confirmées et non confirmées
en avril, pour avoir des informations plus consistantes sur l’usage d’armes
chimiques.
Toutefois à ce stade, et en dépit des accusations des gouvernements français et
américain contre le régime syrien, l’usage des armes chimiques par les rebelles ne
fait guère de doute. Début mai 2013, il est déjà établi que les groupes rebelles
syriens sont en possession d’armes chimiques. Des informations concordantes
indiquent que les attaques de mars et avril viennent des rebelles. Le 6 mai 2013,
Mme Carla del Ponte, membre de la Commission d’enquête des Nations unies sur la
Syrie258 déclare que les rebelles ont utilisé des armes chimiques lors des attaques de
mars et avril 2013259. Les conclusions des Nations unies sont confirmées par
l’ambassadeur russe auprès des Nations unies, Vladimir Churkin, qui a fait analyser
des échantillons récupérés à Khan al-Assal par un laboratoire agréé par
l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) : on constate alors
l’absence de stabilisateur dans les composants chimiques des munitions, confirmant
une fabrication artisanale par la brigade rebelle Bashair al-Nasr260.
Le 31 mai 2013, un fût de 2 kg de produit toxique chimique de type Sarin est
découvert dans le sud de la Turquie, par les forces de sécurité, dans l’appartement
d’un islamiste syrien affilié au Jabhat al-Nosrah li-Ahli al-Sham (Front pour la
protection du peuple du Levant, plus connu sous l’appellation courte de Front al-
Nosrah)261 un des groupes rebelles syriens soutenus par les États-Unis, Israël et la
France (!). Le 20 juin, un rapport secret de la Defense Intelligence Agency (DIA)
américaine – l’équivalent de la Direction du renseignement militaire (DRM)
française – confirme que le Front al-Nosrah a établi une capacité de production de
toxiques chimiques sans précédent262. Comme pour confirmer les conclusions
américaines, le 7 juillet, l’armée syrienne découvre à Banias un laboratoire
clandestin destiné à la fabrication de toxiques chimiques, avec 281 fûts pleins,
entreposés à l’intérieur263.
Mais ce sont les événements de la nuit du 20 au 21 août 2013 à Al-Ghouta, où
des armes chimiques auraient été utilisées contre la population civile syrienne,
causant quelque 1500 morts, qui ont frappé l’opinion mondiale. Les Prési-dents
Obama et Hollande sont alors prêts à intervenir militairement avec des frappes
aériennes contre le gouvernement syrien. En France, le 2 septembre, une « Synthèse
nationale de renseignement déclassifié » est rendue publique afin d’appuyer la
position du président Hollande. Proposant une analyse très sommaire, elle contredit
les informations disponibles à ce moment et conclut :
Coïncidence ou non, 9 jours plus tard, la presse rapportait que les rebelles
recevaient leurs premières armes lourdes275…
Il apparaît très clairement aujourd’hui que les armes chimiques utilisées en 2013
en Syrie, l’ont été par les rebelles. Une opération « sous fausse bannière » afin de
donner aux États-Unis et à la France une raison pour intervenir contre le régime de
Bachar al-Assad.
Le 8 décembre 2012, le gouvernement syrien avait informé les Nations unies276
que le Front al-Nosrah s’était emparé d’une usine chimique à Al-Safira, près
d’Alep, avec près de 200 tonnes de chlore277. Le 1er octobre 2014, les Nations unies
annoncent que les stocks syriens déclarés d’armes chimiques ont été détruits et que
les sites destinés à la production et au stockage seront démantelés sous contrôle
international le même mois, indiquant que le gouvernement syrien remplit ses
obligations278. Pourtant, le 6 mars 2015, à l’instigation de la France, le Conseil de
sécurité des Nations unies adopte la Résolution 2209, qui condamne l’usage
d’armes chimiques au chlore en Syrie279, malgré le fait que jusqu’à cette date
aucune attaque au chlore n’avait été rapportée280. Or, dans les 2 mois qui suivent la
promulgation de la résolution, 35 attaques au chlore par le gouvernement syrien
sont rapportées281. Bachar al-Assad attendait-il donc une résolution des Nations
unies pour engager des armes qui le condamneraient ?
Le Groupe « Khorasan »
C’est alors qu’apparaît de manière très opportune dans les médias un groupe
terroriste d’une virulence encore inconnue :
Il se place ainsi dans une situation de légitime défense en suggérant par là que la
Syrie accordait des sanctuaires pour des terroristes préparant des actions contre les
États-Unis. Le Washington Post, citant des sources du Pentagone, mentionne que le
groupe était proche de la mise en œuvre de frappes « imminentes » contre l’Europe
ou les États-Unis301.
Pourtant, le même jour des doutes apparaissent, et le magazine Foreign Policy
s’interroge :
En clair, les États-Unis ont simplement créé de toutes pièces une raison –
légitime aux yeux du Congrès, mais qui reste illégale au regard du droit
international – pour intervenir militairement en Syrie. En inventant une menace
imminente, l’administration Obama plaçait les frappes américaines sous le label de
la légitime défense. Un an plus tard, la France fera exactement la même chose –
sans aller jusqu’à inventer l’existence d’un groupe pour la circonstance – afin de
justifier ses frappes – illégales – en Syrie.
L’intervention russe
CARICATURES ET DÉMOCRATIE
Le 7 janvier 2015, vers 11 h 30, les frères Chérif et Saïd Kouachi font
irruption dans la salle de rédaction du journal Charlie Hebdo, à Paris. Ils
exécutent froidement 11 personnes et abattront encore un gardien de la paix
dans leur fuite. Ils parviennent à s’extraire avant l’arrivée des forces de
l’ordre et une chasse à l’homme s’engage, qui se terminera deux jours plus
tard à Dammartin-en-Goële, au nord de Paris, par la mort des deux
terroristes. Afin de couvrir leur cavale, des actions de diversion sont menées
par un troisième protagoniste, Amédy Coulibaly, qui attaque l’Hyper
Cacher de la porte de Vincennes le 9 janvier après avoir abattu, la veille,
une gardienne de la paix.
L’émotion considérable, suscitée par ces événements, se traduira le 11
janvier par de gigantesques manifestations à Paris et en province pour
dénoncer le terrorisme et défendre la liberté d’expression.
Cet épisode tragique est l’expression du décalage culturel qui alimente
et envenime la situation que l’on connaît au Proche et Moyen-Orient. Nous
le répétons : sans, bien évidemment, exonérer les auteurs des attentats, dont
les actes sont manifestement criminels, ces actions sont des réponses. En
d’autres termes, cet événement aurait aisément pu être évité grâce à une
meilleure compréhension de ce qui était réellement en jeu et par une
politique extérieure plus judicieuse, sans remettre en cause en aucune
manière nos valeurs, nos libertés et ce que la démocratie représente.
Cet attentat trouve son origine le 30 septembre 2005, dans la
publication, par le journal danois Jyllands-Posten, des résultats d’un
concours où 12 dessinateurs présentaient des caricatures du Prophète
Mohammed, sous le titre « Le visage de Mohammed315 ».
Les réactions sont vives dans certains milieux islamiques danois. Le 12
octobre 2005, une entrevue avec le Premier ministre danois, Fogh
Rasmussen, est alors sollicitée par des imams. Mais elle n’aura pas lieu. La
raison avancée officiellement est que la presse est libre et qu’il n’entre pas
dans les attributions du gouvernement de l’influencer, ni a fortiori de
s’excuser pour ses possibles écarts. Le 27 octobre, une plainte est alors
déposée à Copenhague contre le journal, mais elle n’aboutira à aucun
résultat, bien que le droit danois condamne le blasphème. Le 6 décembre,
l’Organisation de la conférence islamique tente, sans succès, de porter la
question devant le Conseil de sécurité des Nations unies.
En Norvège, le 13 janvier 2006, un magazine chrétien publie à son tour
les dessins en question. Mais l’Église luthérienne de Norvège condamne
cette publication, tandis que le gouvernement, alors dirigé par Jens
Stoltenberg, présente des excuses officielles, non pour la publication
ellemême – la liberté de la presse est même soulignée – mais pour l’offense
qu’elle pourrait constituer envers certains316. C’est ce qu’attendaient les
musulmans : pas une interdiction, mais une reconnaissance.
Les caricatures provoquent des accès de violence dans le monde entier à
la fin janvier-début février 2006. Ils toucheront principalement le
Danemark, dont les produits font même l’objet de boycotts et, dans une très
moindre mesure, la Norvège. Répercutés au Proche et Moyen-Orient, ces
troubles causeront la mort de plus de 150 personnes à travers le monde317.
C’est ce moment-là, le 8 février, après des journaux comme France Soir et
Le Soir, que Charlie Hebdo choisit pour publier ces mêmes caricatures, ne
pouvant ainsi que mettre de l’huile sur le feu. Cette deuxième vague de
publications en Europe, au moment où éclataient ces réactions violentes un
peu partout dans le monde, a été perçue par les musul-mans comme un acte
d’hostilité. Ceci d’autant plus que le monde occidental était engagé – sur
des bases clairement mensongères – dans une « croisade » (selon les termes
de George W. Bush) en Afghanistan et en Irak, guerre alors soutenue par
Charlie Hebdo ! L’affaire prenait alors une dimension quasi-puérile et
provocatrice avec l’intention manifeste de blesser, sous le couvert d’un
débat sur la liberté de la presse et de la laïcité. Le Président Chirac déclare
alors avec sagesse :
En fait, les pays occidentaux n’ont pas réalisé qu’ils s’engageaient dans
un combat asymétrique : l’usage de la force n’a eu pas d’effet dissuasif –
comme dans la logique des conflits symétriques – mais au contraire a
renforcé la posture de l’État islamique :
Il faut certes placer cette lecture dans son contexte. Nous passerons
rapidement sur l’affirmation factuellement fausse selon laquelle l’attentat
contre Charlie Hebdo aurait été conçu ou décidé en Syrie, puisque – de
l’aveu même des terroristes – cette action a été commanditée et financée par
la Base du Djihad dans la péninsule arabique (BDPA) au Yémen et non par
l’État islamique en Irak et en Syrie. Juste à l’aube d’une période électorale,
il était difficile de reconnaître que les attentats étaient une conséquence
directe de la politique française en Irak et en Syrie. Mais il est évident,
d’autre part, que les terroristes ne sont pas irrationnels au point de penser
que des attentats puissent « détruire » la France, et mettre en danger son
« existence » ou celle de sa société. C’est absurde et appelle plusieurs
remarques.
En premier lieu, cette affirmation tend à révéler une erreur stratégique :
que les décideurs français ont considéré les parties irakienne et syrienne du
groupe État islamique (« DAECH345») comme deux entités différentes,
ignorant que les islamistes réfléchissent en termes de « communauté » sans
frontière délimitée. Ainsi, si le fait de bombarder l’État islamique en Syrie
ou en Irak fait une différence considérable aux yeux des Occidentaux et du
Droit international, il n’en fait aucune pour les islamistes et au niveau
stratégique.
En deuxième lieu, en liant les attentats à l’existence même de la France
ou de sa société, non seulement on ignore les revendications et multiples
explications données par les terroristes, mais, plus grave, on tend à les
placer dans le cadre d’une fatalité contre laquelle on ne peut rien, puisque la
France existe. C’est le même type d’explication que l’on entend de la part
des autorités israéliennes pour expliquer le conflit avec les Palestiniens, et
qui permet d’éviter d’y répondre de manière stratégique et d’y trouver des
solutions.
En troisième lieu, en définissant pour les attentats un objectif (à savoir
la destruction de la France et de sa société) sans commune mesure avec les
moyens utilisés, on place la discussion dans un registre totalement
irrationnel, qui est générateur de panique et dégage la responsabilité du
gouvernement. Aucune des revendications pour les attentats de Paris ne
mentionne la destruction de la France, de sa société, voire l’imposition de la
loi islamique. Cette démarche est particulièrement grave, car elle conduit à
créer un amalgame entre les revendications des populations immigrées et
celles – imaginaires – des terroristes. Or, ce sont deux problèmes distincts et
qui demandent des solutions différenciées. C’est exactement la même
démarche qui avait été adoptée par le gouvernement Bush aux États-Unis
après le 11 Septembre, qui visait à créer délibérément une psychose qu’il
puisse exploiter politiquement.
Cette explication de Laurent Fabius doit être rapprochée d’une autre
simplification qu’il avait déjà évoquée en 2014 et que nous avons vue plus
haut : l’affirmation d’une « alliance objective » entre le régime de Bachar
al-Assad et les terroristes, évidemment fallacieuse, mais qui fournit le
prétexte d’une intervention en Syrie sous le label de la « légitime défense ».
Ici également, on retrouve les mêmes ingrédients qui avaient permis aux
Américains d’associer Saddam Hussein à « Al-Qaïda », ouvrant ainsi la
porte à la guerre.
Ces sophismes – pour ne pas dire cette désinformation – ont alimenté
l’aveuglement de la conduite française, et empêché les décisions
stratégiques qui auraient pu prévenir les attentats de novembre 2015, et ont
rendu le gouvernement français incapable de maîtriser l’escalade
déclenchée en 2014: les attentats de janvier 2015 étaient une réponse aux
frappes françaises de 2014 en Irak, puis la réaction française en Syrie a
constitué la motivation pour les attentats de novembre 2015.
La politique de l’autruche
Ainsi, au lieu de frapper au hasard, les terroristes ont frappé ceux qui
leur semblaient les « plus coupables » : en janvier, Charlie Hebdo qui avait
attisé les violences en 2006 était la cible principale ; l’Hyper Cacher de
Vincennes, que l’on a « minutieusement choisi360 », vraisemblablement en
raison des événements de Gaza en juillet-août 2014 (si l’on en croit le
terroriste Amédy Coulibaly) et probablement parce que l’on n’y trouverait
pas de musulmans, n’était en réalité qu’une diversion pour diminuer la
pression policière sur les frères Kouachi. En novembre, on trouve un
scénario analogue : le Bataclan, qui était fréquenté par la Ligue de défense
juive (LDJ) et le Bétar – deux organisations extrémistes juives – étaient
l’objectif principal avec le Stade de France ; c’est sur ces deux objectifs
qu’étaient placées les bombes et où les terroristes étaient prêts à causer un
maximum de dommages. Quant aux mitraillages dans les rues de Paris, ils
semblent avoir eu la même fonction que l’attaque contre l’Hyper Cacher en
janvier, à savoir des actions de diversion afin d’empêcher les forces de
l’ordre de se concentrer sur les objectifs principaux. Ce qui a d’ailleurs bien
fonctionné, puisque les forces d’intervention de la police sont arrivées au
Bataclan une demi-heure après le début de la prise d’otages, après avoir été
engagées sur les « mitraillages » qui étaient déjà terminés.
Concernant le Bataclan, certains « experts » ont évoqué un lien avec
l’attentat du 22 février 2009 à Khan el-Khalili, au Caire, car certains acteurs
associés à cet événement se retrouvent en novembre 2015361. C’est un
exemple de la différence entre l’analyse de renseignement stratégique et
tactique. Sur le plan tactique, on trouve évidemment des points communs à
travers les personnes, l’évocation du Bataclan comme objectif possible d’un
attentat. Mais au niveau stratégique, aucune similitude n’apparaît.
Considéré comme un attentat « anti-français » par la France362, les motifs
de l’attentat du Caire restent cependant inconnus à ce jour et s’apparentent
davantage à une opération « anti-touristes », dirigé contre le gouvernement
égyptien, qui avait cédé aux pressions américaines et israéliennes dans sa
politique à l’égard de la Bande de Gaza. Les attentats de novembre 2015,
eux, sont de manière évidente « anti-français » avec des motifs clairement
exprimés : les frappes en Syrie et en Irak. Le fait que le Bataclan soit
mentionné dans les deux affaires tend à accréditer l’idée que les Djihadistes
ont une sorte de « catalogue » informel d’objectifs possibles. Ainsi, pour
toucher la France, les terroristes n’ont pas frappé n’importe quel citoyen
« au hasard », mais ont choisi ceux qui – à leurs yeux – étaient les plus
« coupables », les clients de l’établissement étant des victimes
« collatérales ». Il s’agissait donc, vraisemblablement, plus d’un « choix par
défaut » qu’une attaque contre Israël ou des intérêts juifs, ainsi que l’ont
d’ailleurs confirmé les témoignages des survivants du Bataclan363.
La lutte contre le terrorisme est trop souvent comprise comme une
affaire de police et d’accumulation de données. C’est vrai en ce qui
concerne la chasse aux individus. Mais pour combattre efficacement le
phénomène lui-même, il est essentiel de commencer en amont, avec des
stratégies et des postures telles qu’elles empêchent des individus de
basculer dans une stratégie terroriste. Naturellement, une telle démarche
n’est possible que si l’on admet que le terrorisme n’est pas une fatalité…
Dans ce contexte, la teneur du message de soutien adressé par le
président Hollande au gouvernement israélien en juillet 2014364, ou le lien
affiché et affirmé du Premier ministre Manuel Valls avec la communauté
juive365, ont sans doute eu plus de conséquences qu’on n’imagine, en
suggé-rant une posture plus généralement partisane du gouvernement
français en faveur d’Israël et impliquant une certaine « connivence » entre
les deux pays. Même s’il est légitime pour une personnalité politique
d’avoir des affinités pour une communauté, celles-ci devraient
s’accompagner de la retenue nécessaire, afin d’inspirer la confiance et de ne
pas suggérer un manque d’impartialité. C’est le sens fondamental de la
laïcité républicaine.
Si l’on écarte la multitude de ceux – que Lénine appelait les « idiots
utiles » – qui se sont félicités des attentats sans réellement en connaître le
contexte, pour se concentrer sur les textes « officiels » de l’EI, on peut en
déduire que la sélection des objectifs (Charlie Hebdo, Hyper Cacher,
Bataclan) a probablement suivi une démarche plus fine qu’il n’y paraît.
Il n’en demeure pas moins que les morts et les blessés sont des victimes
innocentes, et donnent le sentiment de cibles choisies au hasard. Mais il
semble, malgré tout, qu’il y ait un processus de sélection des objectifs, ainsi
que le précise la doctrine djihadiste :
En clair, à leurs yeux, les victimes des actes terroristes sont des
« dommages collatéraux » – au même titre que les victimes civiles en Irak
et en Syrie. La similitude avec les victimes collatérales provoquées par les
bombardements occidentaux est exploitée par les terroristes islamistes
depuis le début des années 90.
Pour comprendre ce raisonnement, il faut rappeler qu’exception faite
des bombardements alliés contre l’Allemagne durant la Seconde Guerre
mondiale, de l’usage des bombes atomiques contre le Japon, de l’usage
indiscriminé de bombes à sous-munitions lors du bombardement de la ville
de Bagdad en 2003, ou du bombardement délibéré de l’hôpital de Qunduz
en Afghanistan (3 octobre 2015), les frappes aériennes occidentales ne
visent généralement pas des civils. Mais la nature des méthodes de ciblage
et leur capacité limitée de distinguer entre civils et militaires font que l’on
peut raisonnablement estimer que les frappes toucheront des civils. Ce sont
alors des « dommages collatéraux ». Or, on oublie volontiers de mentionner
en Occident que les frappes de la coalition internationale, dont fait partie la
France, auraient fait entre 2232 et 2958 victimes civiles « collatérales » en
Irak et Syrie entre août 2014 et mars 2016 selon le site Air-wars, une
plateforme coopérative sur l’analyse des frappes aériennes
internationales367.
Contrairement à la rhétorique officielle et aussi à celle de nombreux
« experts », les opérations de janvier et novembre 2015 à Paris présentaient
toutes les caractéristiques des « opérations de dissuasion », qui ont pour
objectif déclaré de forcer les pays occidentaux à stopper leurs frappes,
comme le précise l’organe « officiel » de l’État islamique :
1. Robert A. Pape, « It’s the Occupation, Stupid », Foreign Policy, 18 octobre 2010.
2. Nelly Lahoud et al., Letters from Abbottabad: Bin Ladin Sidelined ?, (op. cit.)
3. Dr. Aiman Al-Zawahiny, « Iman Defeats Arrogance », Inspire Magazine, n° 12, printemps 2014
(1435), p.12.
4. Roger Morris, « A Tyrant 40 Years in the Making », New York Times, 14 mars 2003.
5. Shane Harris & Matthew M. Aid, « Exclusive: CIA Files Prove America Helped Saddam as He
Gassed Iran », Foreign Policy, 26 août 2013.
6. Tyler, Patrick E., « Officers Say U.S. Aided Iraq in War Despite Use of Gas », The New York Times,
18 août 2002.
7. Source : la transcription originale de la discussion entre Saddam Hussein et l’ambassadrice Glaspie,
fournie par elle au Département d’État, (New York Times, « Confrontation In The Gulf – Excerpts
From Iraqi Document on Meeting With U.S. Envoy », 23 septembre 1990, récupéré sur le web le
20 juin 2015). Plus tard, cependant, lors de l’enquête parlementaire sur cet événement,
l’ambassadrice Glaspie donnera une autre version de sa discussion, prétendant qu’elle aurait
ajouté que la solution de la crise devait être pacifique.
8. Jusqu’en 1963, avant la scission et son indépendance, le Koweït faisait partie de la province
irakienne de Bassorah. Cette scission a été incitée par les Britanniques, afin de préserver leurs
intérêts pétroliers, nationalisés en Irak.
9. Le Congressional Human Rights Caucus n’est pas une institution officielle, mais une association de
politiciens du Congrès américain, dirigé par le démocrate Tom Lantos (CA) et le républicain John
Porter (IL). Porter et Lantos sont également à la tête de la Congressional Human Rights
Foundation, qui incidemment occupe gratuitement des locaux dans les locaux de Hill &
Knowlton. (Source : Center for Media & Democracy, Madison, WI). Lors de la présentation du 10
octobre 1990, Lantos est au courant de la supercherie, alors que Porter ignore que l’événement est
fabriqué.
10. Ce faux témoignage peut être vu sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=LmfVs3WaE9Y
11. John R. MacArthur, Second Front: Censorship and Propaganda in the Gulf War, University of CA
Press, Berkeley (CA), 1992, p. 54.
12. Le Congressional Human Rights Caucus n’étant pas une commission ou un organe officiel du
Congrès américain, le témoignage de la jeune Nayirah a été considéré comme une conversation
privée, et son mensonge n’a pu être poursuivi pénalement.
13. Jean Heller, « Photos don’t show buildup », The St. Petersburg Times, 6 janvier 1991 ; The
Christian Science Monitor, 6 septembre 2002.
14. Interview de Richard (Dick) Cheney sur C-Span, 15 avril 1994.
15. Il s’agit en essence de limiter les activités américaines à des activités d’entraînement,
conformément au « 1977 Military Training Mission Treaty » (Gwyn Prins, « Blood and Sand »,
The Guardian, 21 décembre 2001).
16. William O. Beeman, « Saudi bombings were a carefully calculated act », The Daily Star, 16 mai
2003.
17. Oussama Ben Laden, « Déclaration de guerre contre les Américains occupant le pays des deux
Lieux Saints », 23 août 1996 (publié dans Al-Quds al-Arabi).
18. Mark Matthews, « U.S. sets conditions for killing terrorist Cohen says bin Laden may be hit in line
of fire », The Baltimore Sun, 24 août 1998.
19. Déclaration du front Islamique mondial, 23 février 1998, signée par le cheikh Oussama Bin
Mohammad ben Laden, Aïman al-Zawahiri, émir du Gama’a al-Jihad en Égypte, Abou-Yasir
Rifa’i Ahmad Taha, du Gama’a alIslamiyya égyptien, cheikh Mir Hamzah, secrétaire du Jamiat-
ul-Ulema-e-Pakistan et Fazlur Rahman, émir du Mouvement islamique au Bangladesh.
20. Peter Waldman & Hugh Pope, « ‘Crusade’ Reference Reinforces Fears War on Terrorism Is
Against Muslims », The Wall Street Journal, 21 septembre 2001. Voir aussi: « 9/11 George Bush -
This Crusade Is Gonna Take A While », YouTube, 17 septembre 2001.
21. Erik Prince and the last crusade, The Economist, 6 août 2009.
22. Alan Cooperman, « Marching as to War », The Washington Post, 16 juillet 2006.
23. William M. Arkin, « The Pentagon Unleashes a Holy Warrior », Los Angeles Times, 16 octobre
2003.
24. Pauline Jelinek & Robert Burns, « Joint Forces Staff College Class Suspended After Teaching
America’s Enemy Is Islam », www.huffingtonpost.com, 10 juillet 2012.
25. Les références délibérées à « Jean 8:12 » et « 2 Corinthiens 4:6 » sur les lunettes de visées Trijicon
ACOG ont fait grand bruit aux États-Unis, où la laïcité est la règle dans les forces armées. (Joseph
Rhee, Tahman Bradley & Brian Ross, « U.S. Military Weapons Inscribed With Secret ‘Jesus’
Bible Codes », ABC News, 18 janvier 2010).
26. Prof. Kurt R. Spillmann, entretien dans « Terrorisme islamiste : causes et conséquences », Bulletin
SIT, 2/2002, Berne.
27. Werner Daum (ambassadeur d’Allemagne au Soudan entre 1996 et 2000), Universalism and the
West — An Agenda for Understanding, Harvard International Review, 2001.
28. Sandia National Laboratories, Osama Ben Laden : A Case Study, US Department of Energy,
Livermore (CA), 1999.
29. Jessica Stern, « Being Feared Is Not Enough to Keep Us Safe », Washington Post, 15 septembre
2001.
30. Lacey Marc, « Look at the Place! Sudan Says, ‘Say Sorry,’ but U.S. Won’t », The New York Times,
20 octobre 2005 (consulté le 1er octobre 2015).
31. Editorial, « Punish and Be Damned », The Economist, 29 août 1998.
32. Ronald K. Noble, « A Neglected Anti-Terror Weapon », New York Times, 9 septembre 1998.
33. Après les frappes d’août 1998, le chef de la Commission sénatoriale aux services armés, le
sénateur Dan Coats (Républicain) devait déclarer : « Nous devons manifestement en savoir plus
sur cette attaque et pourquoi elle a été ordonnée aujourd’hui. Compte tenu des problèmes
personnels du Président cette semaine, il est légitime de soulever la question du calendrier de cette
action. », CNN, 20 août 1998.
34. Thierry Meyssan, L’Effroyable imposture : 11 Septembre, Chatou, Carnot, 2002.
35. Inspire Magazine, n° 7, automne 2011.
36. Yahya Ibrahim, « Letter from the Editor », Inspire Magazine, n° 7, automne 2011 (1432), p. 3.
37. Par exemple, François Clemenceau, au cours de l’émission « C dans l’air », France 5, 29
septembre 2015.
38. Ted Thornhill, « When women lived FREE in Afghanistan : Pictures show how they were once
able to study, wear skirts and mix freely with men – before civil war, invasion and the Taliban
enslaved them », The Daily Mail, 22 janvier 2014. (http://www.dailymail.co.uk/news/article-
2543902/Photos-just-free-women-Afghanistan-Taliban-rule.html) voir également:
https://afghanistannow.wordpress.com/tag/1970/
39. Robert M. Gates, From the Shadows : The Ultimate Insider’s Story of Five Presidents and How
They Won the Cold War, Simon and Schuster, 20 décembre 2011, p. 608, p. 132.
40. Cette version est également confirmée par une interview de Zbigniew Brzezinski, Conseiller à la
sécurité nationale du Président Carter, au Nouvel Observateur (Le Nouvel Observateur, Paris, 15-
21 janvier 1998).
41. « The CIA’s “Operation Cyclone” – Stirring The Hornet’s Nest Of Islamic Unrest », Rense.com,
27 février 2010 (http://rense.com/general31/cyc.htm).
42. Lester W. Grau, Mine Warfare and Counterinsurgency : The Russian View, Foreign Military
Studies Office, Fort Leavenworth (KS), 1999.
43. Au milieu des années 90, soucieuse de l’utilisation que pourraient en faire des mouvements
terroristes, la Central Intelligence Agency (CIA) américaine a lancé un programme de rachat de
ces missiles. L’offre de 68 000 dollars pour chaque Stinger rendu, semble n’avoir pas connu un
grand succès, car ces missiles se vendaient alors sur le marché clandestin à des prix situés entre
120 000 et 208 000 dollars l’unité.
44. Selon des témoignages visuels transmis directement à l’auteur.
45. Le gouvernement taliban n’a été reconnu que par l’Arabie saoudite, les Émi-rats arabes unis et le
Pakistan.
46. Raphael F. Perl (Foreign Affairs, Defense, and Trade Division), Taliban and the Drug Trade,
Congressional Research Service, Report RS21041, 5 octobre 2001 (accessible à
https://file.wikileaks.org/file/crs/RS21041.pdf).
47. Chiffres: UNODC Afghanistan Opium Survey 2014, United Nations Office on Drugs and Crime
& Islamic Republic of Afghanistan – Ministry of Counter Narcotics, 2015.
48. Voir, par exemple: https://web.stanford.edu/group/mappingmilitants/cgibin/groups/view/367?
highlight=taliban
49. Rapport de l’Ambassade américaine d’Islamabad au Département d’État, daté du 22 octobre 1998
(SECRET).
50. NdA : Le terme d’Ikhwani désigne dans cette région les adeptes des Frères musulmans.
51. Rapport de l’Ambassade américaine d’Islamabad, op. cit.
52. Ibid.
53. Alex Strick van Linschoten & Felix Kuehn, An Enemy We Created : The Myth of the Taliban / Al-
Qaeda Merger in Afghanistan, 1970-2010, C Hurst & Co Publishers Ltd, 18 janvier 2012.
54. Mollah Abdul Salaam Zaeef, ambassadeur des Taliban au Pakistan, Times, 22 septembre 2001.
55. Rapport de l’ambassade américaine d’Islamabad au Département d’État, daté du 28 novembre
1998 (SECRET), (Chiffres 6-10).
56. The Independent, 22 septembre 2001, p. 1.
57. The Independent, 7 octobre 2001, p. 7.
58. The Guardian, 5 octobre 2001, p. 23.
59. Rory McCarthy, « New offer on Bin Laden », The Guardian, 17 octobre 2001.
60. General David McKiernan, Atlantic Council, Washington DC, 18 novembre 2008.
61. The United Kingdom Parliament, Examination of Witnesses, 16 mars 2003.
62. Robert A. Pape & James K. Feldman, Cutting the Fuse, University of Chicago Press, 2010, pp. 34-
37.
63. Fondé et dirigé par John W. Rendon, ancien consultant en communication pour les campagnes
électorales des candidats démocrates Michael Dukakis et Jimmy Carter, le Rendon Group travaille
régulièrement avec le gouvernement américain dans des actions de propagande et de
désinformation. Peu après le 11 Septembre, le Rendon Group a reçu un mandat de 397 000 dollars
sur quatre mois pour traiter toutes les questions de relations publiques liées à l’intervention
américaine en Afghanistan.
64. Paul H. Lewis, « After The War; U.N. Survey Calls Iraq’s War Damage Near-Apocalyptic », New
York Times, 22 mars 1991.
65. Chiffres du Fonds international de secours à l’enfance des Nations unies. « UNICEF – Results of
the 1999 Iraq Child and Maternal Mortality Surveys », Federation of American Scientists,
(https://fas.org/news/iraq/1999/08/990812-unicef.htm). Ces chiffres ont fait l’objet de discussions,
les estimations variant selon les auteurs entre 170 000 et 567 000.
66. En 1997, Madeleine Albright deviendra la première secrétaire d’État (ministre des Affaires
étrangères) féminine des États-Unis.
67. http://daccess-dds-ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/596/24/IMG/NR059624.pdf?
OpenElement
68. La Commission spéciale des Nation unies (UNSCOM) avait pour mission de vérifier le respect par
l’Irak des résolutions concernant la production des armes de destruction massive.
69. Oonagh Blackman, « Weapons inspector is US spy », The Mirror-UK, 23 octobre 2002 et
également Richard Wallace, « UN Inspectors Angry About US Intelligence ‘Garbage’ », The
Mirror-UK, 23 février 2003.
70. H.R.4655-Iraq Liberation Act of 1998 – ENR, (http://thomas.loc.gov/cgi-bin/query/z?
c105:H.R.4655.ENR:)
71. Butler, Richard « Saddam Defiant: The Threat of Weapons of Mass Destruction, and the Crisis of
Global Security » Weidenfeld & Nicholson, 2000, p.224. ISBN 978-0753811160
72. William M. Arkin, “The Difference Was in the Details”, The Washington Post, 17 janvier 1999,
Page B1.
73. Eland Ivan, « Is Withdrawal of US Forces from Saudi Arabia Enough ? », The Independent
Institute, 30 avril 2003 (www.independent.org).
74. Le 26 octobre 2001, l’auteur annonçait, au journal télévisé de la Télévision suisse romande,
l’implication de mouvements d’extrême droite américains dans les attaques d’anthrax, alors que
les services de renseignements y voyaient encore une action d’« Al-Qaïda ».
75. Ari Berman, « Polls Suggest Media Failure in Pre-War Coverage », 26 mars 2003, Editor &
Publisher (http://www.editorandpublisher.com/Print Article/Polls-Suggest-Media-Failure-in-Pre-
War-Coverage.
76. Eric Schmitt, « Rumsfeld Says U.S. Has ‘Bulletproof’ Evidence of Iraq’s Links to Al Qaeda »,
The New York Times – International Edition, 28 septembre 2002.
77. « U.S. Officials Guilty of War Crimes for Using 9/11 As a False Justification for the Iraq War »,
WashingtonsBlog, 24 octobre 2012.
78. CNBC « Capitol Report », « Cheney blasts media on al Qaeda-Iraq link », CNN.com, 18 juin
2004.
79. Caitlin Millat, « Cheney Admits No 9/11, Iraq Link », NBC News, 2 juin 2009.
80. Frank Newport, « Seventy-Two Percent of Americans Support War Against Iraq », Gallup News
Service, 24 mars 2003.
81. Il s’agit des pays suivants : Albanie, Arménie, Australie, Azerbaïdjan, BosnieHerzégovine,
Bulgarie, Corée du Sud, Danemark, Estonie, États-Unis, Géorgie, Kazakhstan, Lettonie,
Macédoine, Mongolie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Salvador, Tonga,
Ukraine.
82. Joel Roberts, « Plans for Iraq Attack Began On 9/11 », CBS News, 4 septembre 2002.
83. Interview de Richard Clarke à la télévision américaine (« Richard Clarke explains George W Bush
was LUSTING to Bomb Iraq », YouTube (https://www.youtube.com/watch?v=nTBx7hrkA7E)
84. George Tenet lors d’une allocution à l’université de Georgetown, le 5 février 2004 (Jane’s
Intelligence Review, avril 2004).
85. Bureau of Intelligence and Research (INR)
86. Greg Thielmann, The New Yorker, 20 octobre 2003.
87. Vote accepté par 296 voix contre 133 à la Chambre des représentants et par 77 voix contre 23 au
Sénat (CNN, 11 octobre 2002).
88. La CIA définit le National Intelligence Estimate comme suit : « Le NIE est le jugement qui fait le
plus autorité en matière de sécurité nationale préparée par le Director of Central Intelligence. À la
différence des produits de « renseignement de situation », qui décrivent essentiellement le présent,
la plupart des NIE prévoient des développements futurs et le plus souvent traitent leurs
implications pour les États-Unis. Les NIE couvrent une vaste palette de questions qui va des
tendances militaires, jusqu’aux tendances technologiques, économiques ou politiques. Les NIE
s’adressent au plus haut niveau des décideurs politiques – y compris le Président. Ils sont souvent
établis en réponse à une question spécifique d’un décideur politique. Les évaluations ne sont pas
destinées à juste fournir des informations, mais à aider les décideurs politiques à évaluer les
problèmes. Ils sont préparés par la CIA → → avec la participation d’autres agences de la
Communauté du renseignement et sont coordonnés avec ces agences. Lorsque des vues différentes
apparaissent au sein de la Communauté du renseignement, elles sont reflétées dans le NIE »
(www.foia.cia.gov, juillet 2004).
89. White Paper on Iraq’s Weapons of Mass Destruction Programs, non classifié, source : CIA public
release, octobre 2002.
90. National Intelligence Estimate, (S//NF) Iraq’s Continuing Programs for Weapons of Mass
Destruction, NIE 2002-16HC, octobe 2002 (TOP SECRET), p. 6 (Approved for release 12
septembre 2014).
91. White Paper on Iraq’s Weapons of Mass Destruction Programs, non classifié, source : CIA public
release, octobre 2002.
92. La NSA est l’organe des États-Unis responsable du renseignement d’origine électromagnétique et
la sécurité électronique du département de la Défense. En France, ces fonctions sont partagées
entre la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction du renseignement
militaire (DRM) et d’autres entités.
93. Defense Intelligence Agency.
94. Final Report of the National Commission on Terrorist Attacks upon the United States, The 9/11,
Commission Report, Authorized Edition, W.W. Norton & Company, New York, 2004; Douglas
Jehl, « Intelligence report questions credibility of Iraqi defector », International Herald Tribune,
14 juillet 2004.
95. https://www.youtube.com/watch?v=EitbzTAJWws
96. Ali Khedery, « Why we stuck with Maliki — and lost Iraq », The Washington Post, 3 juillet 2014.
97. Chelsea Manning, « The Fog Machine of War », International New York Times, 14 juin 2014.
98. Ben Reynolds, « Iran Didn’t Create ISIS; We Did », The Diplomat, 31 août 2014.
99. Document secret daté du 28 mars 2002, découvert dans le cadre de l’enquête du Congrès sur
Hillary Clinton, sur son ordinateur. Source : Glen Owen & William Lowther, « Smoking gun
emails reveal Blair’s ‘deal in blood’ with George Bush over Iraq war was forged a YEAR before
the invasion had even started », The Mail On Sunday, 17 octobre 2015 (updated 18 octobre 2015).
100. Patrick Barkham, « Iraq war 10 years on: mass protest that defined a generation », The Guardian,
15 février 2013.
101. Richard Norton-Taylor, « Chilcot report likely to cast net of criticism far and wide », The
Guardian, 26 octobre 2015.
102. Matt Dathan, « Iraq war not to blame for 7/7 bombings, insists Tony Blair », The Independent
UK, 7 juillet 2015.
103. « Could 7/7 Have Been Prevented? Review of the Intelligence on the London Terrorist Attacks
on 7 July 2005 », Intelligence and Security Committee, London, May 2009.
104. Craig Murray, « Liquid Lies Revisited », 3 juillet 2014 (https://www.craig-
murray.org.uk/archives/2014/07/liquid-lies-revisited/)
105. Thomas C Greene, « Mass murder in the skies : was the plot feasible? », The Register, 17 août
2006.
106. Nafeez Ahmed, « Sources: August terror plot is a ‘fiction’ underscoring police failures »,
rawstory.com, 18 septembre 2006
(http://www.rawstory.com/news/2006/Sources_August_Terror_Plot_Fiction_Underscoring_0918.
html).
107. Voir les travaux du colonel Warden, Col John A., III, « The Enemy as a system », Air & Space
Power Journal, n° 1, printemps 1995, pp. 40-55.
108. Video of Aegis contractors killing Iraq civilians (http://www.liveleak.com/view?
i=c15_1333825385)
109. Ann Scott Tyson, « Iraq battles its leaking borders », The Christian Science Monitor, 6 juillet
2004.
110. « US “loses track” of Iraq weapons », BBC News, 6 août 2007 (consulté le 20 juin 2014).
111. Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction (SIGAR).
112. Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction, SIGAR 14-84 Audit Report - Afghan
National Security Forces: Actions Needed to Improve Weapons Accountability, (SIGAR 14-84-
AR/ANSF Weapons Accountability), juillet 2014.
113. Timothy Williams and Duraid Adnan, « Sunnis in Iraq Allied With U.S. Rejoin Rebels », New
York Times, 16 octobre 2010.
114. Kaley Payne, Syrian Christians fear overturn of Assad regime, http://www.biblesociety.org.au
115. https://en.wikipedia.org/wiki/History_of_Libya_under_Muammar_Gad dafi
116. Eben Kaplan, « How Libya Got Off the List », Council on Foreign Relations (CFR), 16 octobre
2007.
117. Peter Hoekstra, Architects of Disaster: The Destruction of Libya, The Calamo Press, 2 octobre
2015.
118. Anne Applebaum, « Wag le Chien – Did French President Nicolas Sarkozy push the Libyan
intervention to boost his re-election bid? »,
(http://www.slate.com/articles/news_and_politics/foreigners/2011/03/wag_le_chien.html?
from=rss) (consulté le 22.01.2015), 28 mars 2011
119. Pauline Fréour, « 2012 : un sondage donne Le Pen devant DSK et Sarkozy», lefigaro.fr, mis à
jour le 8 mars 2011.
120. Voir l’interview de Moustafa Abdul Jalil sur Youtube, mise en ligne le 31 mai 2014
(https://www.youtube.com/watch?v=Jjf5MTKHbqw)
121. Steven Erlanger, « By His Own Reckoning, One Man Made Libya a French Cause », The New
York Times, 1er avril 2011.
122. http://www.al-
monitor.com/pulse/files/live/sites/almonitor/files/documents/2015/France_created_NLC.pdf
123. « ‘This Week’ Transcript: Hillary Clinton, Robert Gates and Donald Rumsfeld », ABC News.
124. Kelly Riddell & Jeffrey Scott Shapiro, « Hillary Clinton’s ‘WMD’ moment: U.S. intelligence
saw false narrative in Libya », The Washington Times, 29 janvier 2015.
125. S/RES/1973(2011), 17 mars 2011.
126. Adam Goldman & Donna Cassata, « CIA sends teams to Libya; US considers rebel aid »,
Associated Press, 31 mars 2011.
127. Canard Enchaîné, 16 mars 2011.
128. « Les services secrets britanniques humiliés en Libye », liberation.fr, 7 mars 2011.
129. UN Security Council Resolution 1970 (2011) (S/RES/1970), 26 février 2011.
130. Philippe Gélie, « La France a parachuté des armes aux rebelles libyens », lefigaro.fr, 28 juin
2011.
131. Ibid.
132. Marcel André Boisard, ancien Sous-secrétaire général de l’ONU, « La responsabilité de protéger,
un principe jetable et à usage unique », Le Temps, 28 octobre 2011, cité par Bruno Pommier dans
« Le recours à la force pour protéger les civils et l’action humanitaire : le cas libyen et au-delà »,
Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 884 – L’avenir de l’action humanitaire, 31 décembre
2011.
133. Josh Rogin, « Top U.S. admiral admits we are trying to kill Qaddafi », Foreign Policy, 24 juin
2011.
134. Conçues comme pour un conflit conventionnel, ces frappes ont en fait péjoré la situation des
populations civiles (sans compter les inévitables « dommages collatéraux » liés à ce type d’action)
ainsi que l’auteur – alors en poste aux Nations unies – a pu le constater au quartier-général des
opérations de maintien de la paix.
135. C. J. Chivers & Eric Schmitt, « In Strikes on Libya by NATO, an Unspoken Civilian Toll », The
New York Times, 17 février 2011.
136. Intervention en Libye : précipitation et approximations (2), France Inter, 21 septembre 2013.
137. Human Rights Investigations, « Libyan rebel ethnic cleansing and lynching of black people », 7
juillet 2011 (http://humanrightsinvestigations.org/2011/07/07/libya-ethnic-cleansing/)
138. David D. Kirkpatrick, « Hopes for a Qaddafi Exit, and Worries of What Comes Next », The
International New York Times, 21 mars 2011.
139. Webster G. Tarpley, PhD, « The CIA’s Libya Rebels : The Same Terrorists who Killed US,
NATO Troops in Iraq », TARPLEY.net, 24 février 2011.
140. Joseph Felter and Brian Fishman, Al Qa’ida’s Foreign Fighters in Iraq: A First Look at the
Sinjar Records, Combating Terrorism Center, Department of Social Sciences, US Military
Academy, West Point, New York, 2007.
141. Jeffrey Scott Shapiro, « Secret Benghazi report reveals Hillary’s Libya war push armed al Qaeda-
tied terrorists », The Washington Times, 1er février 2015.
142. Praveen Swami, Nick Squires and Duncan Gardham, « Libyan rebel commander admits his
fighters have al-Qaeda links », The Telegraph, 25 mars 2011.
143. « Libye : BHL s’est engagé “en tant que juif” », Le Figaro/AFP, 20 novembre 2011.
144. Le GCIL a été désigné groupe terroriste le 27 décembre 2004 par le Département d’État
américain, et en octobre 2005 par la Grande-Bretagne.
145. Praveen Swami, Nick Squires, and Duncan Gardham, op. cit.
146. « Libya releases scores of prisoners », Aljazeera, 9 avril 2008
(http://www.aljazeera.com/news/africa/2008/04/200861502740131239.html)
147. Shaw, Dallas E. (Maj, USMC), Libyan Former Foreign Fighters and Their Effects on the Libyan
Revolution, USMC Command and Staff College, 12 mars 2012.
148. Paul Joseph Watson, « Aljazeera FAKED the Green Square Celebration in Libya »,
LiveLeak.com (http://www.liveleak.com/view?i=077_1314759488)
149. Alastair Jamieson, « Deadly Libya Violence Pushes Country Toward ‘Failed State’ », NBC News,
31 juillet 2014.
150. « C dans l’air – Daech : Et Maintenant la Libye », France 5, 18 décembre 2015.
151. Country Reports on Terrorism 2014, US Department of State Publication, Bureau of
Counterterrorism, juin 2015.
152. Ruth Sherlock, « Libya’s new rulers offer weapons to Syrian rebels », The Daily Telegraph, 25
novembre 2011; Ruth Sherlock, « Leading Libyan Islamist met Free Syrian Army opposition
group », The Daily Telegraph, 27 novembre 2011.
153. « France training rebels to fight Syria », Press TV, 26 novembre 2011 (page archivée et consultée
le 20 octobre 2015).
154. Eric Schmitt, « C.I.A. Said to Aid in Steering Arms to Syrian Opposition», The New York Times,
21 juin 2012.
155. http://www.state.gov/documents/organization/202446.pdf
156. Elad Benari, « Benghazi Attack Also Targeted CIA Installation », Arutz
Sheva/israelnationalnews, 23 octobre 2012.
157. Michael B Kelley, « How US Ambassador Chris Stevens May Have Been Linked To Jihadist
Rebels In Syria », Business Insider UK, 19 octobre 2012.
158. Les chiffres concernant ce massacre sont controversés. Voir Patrick Seale, « Asad, the Struggle
for the Middle East », University of California Press, 1989.
159. Bachar Al-Assad, Dictateur ou Visionnaire Démocrate ?, YouTube, 10 novembre 2013,
(https://www.youtube.com/watch?v=3wOsXTKvKzc)
160. Country Reports on Terrorism, Department of State, updated 30 avril 2007.
161. Bachar Al-Assad, Dictateur ou Visionnaire Démocrate ?, op. cit.
162. Seymour Hersh, « Military to Military », London Review of Books, Vol. 38, n° 1, 7 janvier 2016.
163. Seymour Hersh, « The Syrian Bet », The New Yorker, 27 juillet 2003.
164. Bulletin du Tribunal Spécial pour le Liban, décembre 2014 – janvier 2015, Section de
l’information et de la communication du Tribunal spécial pour le Liban, (http://www.stl-
tsl.org/fr/).
165. Nicholas Blanford, « Did Hezbollah Kill Hariri? », Foreign Policy, 1er avril 2010.
166. Jürgen Cain Külbel, Mordakte Hariri. Unterdrückte Spuren im Libanon, Éditions Kai Homilius,
2006.
167. Joe Romm, « Human-Caused Warming Helped Trigger Current Syrian Conflict and Rise of
ISIS », thinkprogress.org, 3 mars 2015.
168. Kaley Payne, Syrian Christians fear overturn of Assad regime, http://www.biblesociety.org.au
169. « A Clean Break: A New Strategy for Securing the Realm », The Institute for Advanced Strategic
and Political Studies, July 1996, (http://www.informationclearinghouse.info/article1438.htm)
170. Brian Whitaker, « Playing skittles with Saddam », The Guardian, 3 septembre 2002.
171. Interview de Roland Dumas sur Radio Courtoisie, le 24 septembre 2013. « Syrie : Roland Dumas
dit tout ! (octobre 2013) », YouTube, 12 novembre 2013 (https://www.youtube.com/watch?v=Is8o-
wiRY4s) et « Roland Dumas : les Anglais préparaient la guerre en Syrie deux ans avant les
manifestations en 2011 », YouTube, 20 juin 2013 (https://www.youtube.com/watch?
v=HI23UkYl3Eo)
172. « Influencing the SARG in the End of 2006 », 13 décembre 2006 (SARG = Syria Republic
Government) (https://wikileaks.org/plusd/cables/06DAMASCUS5399_a.html)
173. “Influencing the SARG in the End of 2006”, 13 décembre 2006 (SARG = Syria Republic
Government) (https://wikileaks.org/plusd/cables/06DAMASCUS5399_a.html)
174. Didier Zacharie, « L’accès internet coupé en Syrie », Le Soir/AP/AFP, 29 novembre 2012.
175. « Internet : la Syrie coupée du reste du monde », Le Monde/Reuters, 15 mai 2013.
176. Edward Snowden est un ex-employé de la Central Intelligence Agency (CIA), puis consultant
employé par La National Security Agency (NSA) américaine, qui a copié des milliers de
documents de la NSA et du Government Communication Headquarters (GCHQ) britannique
relatifs à des activités clandestines de ces agences, et en a publié certains par l’entremise du
journal britannique The Guardian dès 2013. Poursuivi pour espionnage par les autorités
américaines, Snowden vit en Russie.
177. http://www.wired.com/2014/08/edward-snowden/ ; voir également Spencer Ackerman,
« Snowden : NSA accidentally caused Syria’s internet blackout in 2012 », The Guardian, 12 août
2014.
178. https://www.facebook.com/photo.php?
fbid=10151232961170727&set=a.10150308582340727.567536.420796315726&type=3&theater
(consultée le 28 février 2016)
179. Gabe Kahn, « Syria : Seven Police Killed, Buildings Torched in Protests », Israel National
News/Arutz Sheva, 21 mars 2011.
180. John Rosenthal, « An Eyewitness to the Syrian Rebellion: Father Frans in His Own Words », The
BRICS Post, 19 avril 2014.
181. Ibid.
182. « Syria Opposition, take half », Stratfor, 14 septembre 2011 (publié le 11 mars 2013 par
Wikileaks dans The Global Intelligence Files).
183. « Syrie : La France a livré des armes aux rebelles syriens », 20 Minutes/AFP, 21 août 2014 (mis à
jour le 22 août 2014).
184. Cheryl K. Chumley, « Syrians behead Christians for helping military, as CIA ships in arms », The
Washington Times, 27 juin 2013.
185. D’après Dar al-Islam, n°6, septembre 2015 (Dhou al-Hijjah 1436)
186. Nom complet : Jabhat an-Nu?rah li-Ahl ash-Sham (Front pour la victoire du peuple du Levant)
187. Background - Religious Minorities in Iraq Face Persecution, (http://www.amnestyusa.org/our-
work/countries/middle-east-and-north-africa/iraq/background-religious-minorities-in-iraq-face-
persecution)
188. « A Very Busy Man Behind the Syrian Civil War’s Casualty Count », New York Times, 9 avril
2013, (consulté le 26 juin 2014).
189. Alain Chouet a été chef du Service de renseignement de sécurité à la Direction générale de la
sécurité extérieure (DGSE) (2000-2001).
190. http://blog.lefigaro.fr/malbrunot/2012/09/alain-chouet-nos-ministresson.html
191. Seymour Hersh, « Military to Military », London Review of Books, vol. 38, n° 1, 7 janvier 2016.
192. lepoint.fr, « Fabius : “Le régime syrien doit être abattu, et rapidement” », AFP, 17 août 2012.
193. Craig Whitlock, « WikiLeaks : U.S. secretly backed Syria opposition », Washington Post, 18
novembre 2011.
194. Il s’agit du MJD.
195. Câble diplomatique du 28 avril 2009 de l’ambassade américaine de Damas à destination de
Washington (SECRET), 09DAMASCUS306
(https://wikileaks.org/plusd/cables/09DAMASCUS306_a.html)
196. Ibid.
197. C. J. Chivers and Eric Schmitt, « Arms Airlift to Syria Rebels Expands, With Aid From C.I.A. »,
New York Times, 24 mars 2013.
198. http://www.sipri.org/databases/embargoes/eu_arms_embargoes/syria_LAS/eu-embargo-on-Syria
199. Xavier Panon, Dans les coulisses de la diplomatie française, L’Archipel, mai 2014.
200. « Syrie : Hollande a-t-il rétropédalé sur la livraison d’armes aux rebelles ? », lexpress.fr, 29 mars
2013.
201. « Khalid Bin Al-Waleed Brigade-one of the largest brigades in Homs splits from FSA and IS
frees 3 Syrians in Lebanon », LiveLeak, 2 août 2014.
202. Frank Crimi, « Ethnic Cleansing Of Syrian Christians », FrontPageMag.com, 28 mars 2012
(http://www.frontpagemag.com/fpm/127087/ethnic-cleansing-syrian-christians-frank-crimi)
203. Isabelle Maudraud, « Pression militaire et succès diplomatique pour les rebelles syriens », Le
Monde, 13 décembre 2012.
204. On prête même au ministre des Affaires étrangères le fait d’avoir dit que le Front al-Nosrah
« faisait du bon boulot ». En l’absence du verbatim de la déclaration du ministre, en raison du
manque de clareté des citations évoquées dans la presse, nous laisserons le lecteur juge. (ibid.)
205. Le Front al-Nosrah a été placé sur la liste des organisations terroristes du Département d’État US
le 11 décembre 2012, et sur celle des Nations unies le 30 mai 2013.
206. Nick Fagge, « Syria rebels “beheaded a Christian and fed him to the dogs” as fears grow over
Islamist atrocities », Daily Mail, 30 décembre 2015.
207. Nancy A. Youssef McClatchy, « Syrian Rebels Describe U.S.-Backed Training in Qatar »,
Frontline, 26 mai 2014 (http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/foreign-affairs-defense/syria-
arming-the-rebels/syrian-rebels-describe-u-s-backed-training-in-qatar/).
208. Reyhanli & Urfa, « The War against Islamic State – Unintended consequences ? », The
Economist, 4 octobre 2014
209. Reuters, « Syrian rebels elect Islamist-dominated unified command », 8 décembre 2012.
210. David E. Sanger, « Rebel Arms Flow Is Said to Benefit Jihadists in Syria », The New York Times,
14 octobre 2012.
211. http://www.syr-now.net/index.php?d=26&id=104061
212. « NATO: Assad, Russia and Iran are prevailing in Syria », WorldTribune.com, 21 juillet 2013.
213. Richard Engel, Jim Miklaszewski, Ghazi Balkiz and Robert Windrem, « Extremist element
among Syrian rebels a growing worry », NBC News, 10 septembre 2013.
214. TASS, « Lavrov: Show Us Your Fake “Free Syrian Army” », 7 octobre 2015.
215. Patricia Zengerle & David Lawder, « U.S. Congress approves arming Syrian rebels, funding
government », Reuters, 18 septembre 2014.
216. Aron Lund, « Does the “Southern Front” Exist ? », Carnegie Endowment for International
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217. If the Castle Falls, Tony Blair Faith Foundation, décembre 2015, p. 8.
218. « Les États-Unis entraînent des rebelles syriens modérés en Jordanie », RFI, 8 mai 2015.
219. « Initial Class of Syrian Opposition Forces Begin Training », U.S. Central Command News
Release, 7 mai 2015 http://www.defense.gov/Portals/1/features/2014/0814_iraq/docs/20150503-
_CENTCOM_News_Release_-_Initial_Class_of_Syrian_Opposition_Forces_Begin_Training.pdf
220. Thomas Gibbons-Neff, « Only 4 to 5 American-trained Syrians fighting against the Islamic
State », The Washington Post, 16 septembre 2015.
221. Kaley Payne, « Syrian Christians fear overturn of Assad regime »,
http://www.biblesociety.org.au, 2012.
222. Elizabeth Dias, « Syrian Christian Leaders Call on U.S. To End Support for Anti-Assad Rebels »,
Time Magazine, 30 janvier 2014.
223. Allocution du président Hollande lors de la Conférence des ambassadeurs du 25 août 2015.
224. « NATO data: Assad winning the war for Syrians’ hearts and minds », WorldTribune.com, 31 mai
2013 (http://www.worldtribune.com/nato-data-assad-winning-the-war-for-syrians-hearts-and-
minds/)
225. « La cote de popularité de François Hollande en hausse », AFP/L’Obs, 26 mai 2013.
226. Jonathan Steele, « Most Syrians back President Assad, but you’d never know from western
media », The Guardian, 17 janvier 2012.
227. Mark Landler and Thom Shanker, « Pentagon Lays Out Options for U.S.Military Effort in
Syria », The New York Times, 22 juillet 2013.
228. Seymour Hersh, « Military to Military », London Review of Books, vol. 38 n° 1, 7 janvier 2016.
229. Dabiq Magazine, n° 8, mars 2015 (Jumada al-Akhira 1436), p. 2.
230. Dabiq est une petite ville de quelque 3000 habitants en Syrie, à proximité de la frontière turque,
où Mohammed avait prédit un combat final avec les Turcs. Il est un peu l’équivalent de Meggido
dans la Bible (certains pen-sent qu’il s’agit de la même ville) où devrait se dérouler la bataille
finale (Armageddon) contre Satan. « Dabiq » est également le nom choisi pour le magazine
officiel de l’État islamique.
231. Nelly Lahoud et al., op. cit.
232. The Group That Calls Itself a State: Understanding the Evolution and Challenges of the Islamic
State, U.S. Military Academy, Combating Terrorism Center, (West Point), décembre 2014.
233. David E. Sanger, « Rebel Arms Flow Is Said to Benefit Jihadists in Syria », The New York Times,
14 octobre 2012.
234. http://www.judicialwatch.org/wp-content/uploads/2015/05/Pg.-291-Pgs.-287-293-JW-v-DOD-
and-State-14-812-DOD-Release-2015-04-10-final-version11.pdf
235. Brad Hoff, « West will facilitate rise of Islamic State “in order to isolate the Syrian regime: 2012
DIA document », Foreign Policy Journal, 21 mai 2015; voir également:
http://www.judicialwatch.org/wp-content/uploads/2015/05/Pg.-291-Pgs.-287-293-JW-v-DOD-
and-State-14-812-DOD-Release-2015-04-10-final-version11.pdf
236. Ed Husain, « Al-Qaeda’s Specter in Syria », Council on Foreign Relations (CFR), 6 août 2012.
237. NdA : Strictement parlé, il s’agit en fait de l’État islamique d’Irak (Dawlat al-’Eiraq al-
Islamiyah) et non « en » Irak (Dawlah al-Islamiyah fil-’Eiraq)
238. TE-SAT 2013 - EU Terrorism Situation and Trend Report, European Police Office, 2013, p. 21
(https://www.europol.europa.eu/content/te-sat-2013-eu-terrorism-situation-and-trend-report)
239. « Former DIA Chief Michael Flynn Says Rise of ISIS Was a “Willful Decision” of US
Government », YouTube, 6 octobre 2015.
240. C’est l’abréviation DAIESh (prononcée « DASH » par les officiels français) qui ne désigne
qu’une forme antérieure de l’État islamique. Il est cependant intéressant de constater que l’usage
occidental de l’ancienne abréviation du mouvement (ISIS, ISIL ou DAIESh) tend à s’imposer
dans la littérature des islamistes eux-mêmes, comme naguère « Al-Qaïda ».
241. Al-Qaeda merges with Isis at Syria-Iraq border town, The Telegraph/AFP, 25 juin 2014.
242. « La fulgurante ascension du Front Al-Nosra en Syrie », lemonde.fr/AFP Reuters, 10 avril 2013
(http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/04/10/la-fulgurante-ascension-du-front-al-
nosra-en-syrie_3157351_3218.html#0DgjKhluqIpSqzHa.99)
243. L’Express, « Hollande à l’ONU : en Syrie, “Assad est une partie du problème, pas de la
solution” », publié le 28 septembre 2015, mis à jour le 29 septembre 2015.
(http://www.lexpress.fr/actualite/politique/hollandea-l-onu-en-syrie-assad-est-une-partie-du-
probleme-pas-de-la-solution_1720366.html)
244. Syrie – Conférence de Genève II (Montreux, 22 janvier 2014), France Diplomatie
(http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/syrie/conference-geneve-ii/article/syrie-
conference-de-geneve-ii)
245. Coralie Muller, Enquête sur l’État islamique, Éditions du Moment, Paris, 2015, p. 160.
246. Sean Adl-Tabatabai, « Rick Santorum Bombshell : US Created ISIS And Caused Paris Attacks »,
YourNewsWire.com, 15 novembre 2015.
247. Dabiq Magazine, n° 2, Ramadan 1435 (juin 2014), p. 31.
248. « Ex-DIA boss Michael Flynn: White House took “willful decision” to fund, train Syria Islamists
ISIS », YouTube, 23 août 2015.
249. Paul McLeary, « Pourquoi les généraux de l’État islamique sont meilleurs que ceux de l’armée
irakienne », Slate.fr/Foreign Policy (trad. Peggy Sastre), 19 juin 2015.
250. Il s’agit essentiellement de la Mission de Formation de l’OTAN en Irak (2004-2011).
251. L’Émirat du Caucase a été créé formellement le 7 octobre 2007 dans l’indifférence générale. Il a
été un grand pourvoyeur de combattants étrangers en Syrie et est soutenu par certains pays
occidentaux. Son ralliement à l’État islamique, le 23 juin 2015 a été un élément déterminant pour
la décision russe de s’impliquer militairement en Syrie aux côtés du gouvernement.
252. Barak Barfi, « The Military Doctrine of the Islamic State and the Limits of Ba’athist Influence »,
CTC Sentinel, Combating Terrorism Center (West Point), 19 février 2016, pp. 18-22.
253. https://www.quora.com/Why-is-the-Iraqi-military-unable-to-handle-fighting-ISIS-without-US-
intervention.
254. Mark Mazzetti and Matt Apuzzo, « Analysts Detail Claims That Reports on ISIS Were
Distorted », The New York Times, 15 septembre 2015.
255. S/RES/487 (1981) du 19 juin 1981. Cette résolution a été prise après l’attaque israélienne contre
la centrale irakienne d’Osirak, déclarée contraire au droit international et en violation de la Charte
des Nations unies.
256. Shane Harris & Matthew M. Aid, « Exclusive: CIA Files Prove America Helped Saddam as He
Gassed Iran », Foreign Policy, 26 août 2013.
257. Glenn Kessler, « President Obama and the ‘red line’ on Syria’s chemical weapons », The
Washington Post, 6 septembre 2013.
258. Nom complet : Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe
syrienne. Elle a été instituée par le Conseil des Droits de l’homme (ONU) en 2011 et comprend
M. Paulo Sérgio Pinheiro (Prési-dent), Karen Koning AbuZayd, Vitit Muntarbhorn et Carla Del
Ponte.
259. Damien McElroy and agencies, « UN accuses Syrian rebels of chemical weapons use », The
Telegraph, 6 mai 2013.
260. « Russian Inquiry to UN: Rebels, not Army, Behind Syria Aleppo Sarin Attack », Information
Clearing House/RT, 10 juillet 2013.
261. OE Watch, « Turkey – Al Nusra With Sarin Gas? », Foreign Military Studies Office, Fort
Leavenworth, (http://fmso.leavenworth.army.mil/OEWatch/201307/Turkey_02.html)
262. Seymour M. Hersh, « The Red Line and the Rat Line », London Review of Books, vol. 36 n°8, 17
avril 2014.
263. Christof Lehmann, « Syrian Army seizes Massive Chemical Stockpile from Insurgents. Enough
to Wipe Out Entire Country », NSNBC, 10 juillet 2013.
264. Synthèse nationale de renseignement déclassifié – Programme chimique syrien – Cas d’emplois
passés d’agents chimiques par le régime – Attaque chimique conduite par le régime le 21 août
2013, Paris, août 2013. Cette note, apparemment réalisée par le Secrétariat générale de la défense
et de la sécurité nationale (SGDSN), sur la base de notes réalisées par la → →Direction générale
de la sécurité extérieure (DGSE) et de la Direction du renseignement militaire (DRM)
(http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Syrie_Synthese_nationale_de_renseignement_declassi
fie_le_02_09_2013_cle01b7e8.pdf)
265. Symptomatiquement, les 6 vidéos postées sur le site du ministère de la Défense en appui de la
synthèse de renseignement ont été retirées depuis.
(http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/programme-chimique-syrien-et-attaque-du-21-aout-
2013)
266. Richard Lloyd (Former UN Weapons Inspector) & Theodore A. Postol (Professor of Science,
Technology, and National Security Policy, Massachusetts Institute of Technology), Possible
Implications of Faulty US Technical Intelligence in the Damascus Nerve Agent Attack of August
21, 2013, MIT, Washington DC, 14 janvier 2014.
https://s3.amazonaws.com/s3.documentcloud.org/documents/1006045/possible-implications-
ofbad-intelligence.pdf
267. Matthew Schofield, « New analysis of rocket used in Syria chemical attack undercuts U.S.
claims », McClatchy Foreign Staff, Washington DC, 15 jan-vier 2014.
268. Rédaction Numérique de RTL, « Armes chimiques en Syrie : l’otage belge libéré dédouane le
régime d’Assad », RTL/AFP, 9 septembre 2013.
269. Sœur Agnès Miriam de la Croix et al., The Chemical Attacks on East Ghouta – To Justify
Military Right to Protect Intervention in Syria, International Support Team for Mussalaha in Syria
(ISTEAMS), Monastère St Jacques (Syrie), publié par l’Institut international pour la paix, la
justice et les Droits de l’homme (Genève), 15 septembre 2013.
270. Aux États-Unis : Chairman of the Joint Chiefs of Staff.
271. John Grady, « Testy Dempsey Reconfirmation Hearing Dominated by Syria », U.S. Naval
Institute’s News 19 juillet 2013 (http://news.usni.org/2013/07/19/testy-dempsey-reconfirmation-
hearing-dominated-bysyria#more-4055)
272. Richard Spencer, Aleppo and Ruth Sherlock, « Is Bashar al-Assad winning the civil war in
Syria ? », The Telegraph, 23 mai 2013.
273. http://www.lemonde.fr/international/article/2014/02/15/intervention-ensyrie-comment-les-
americains-ont-lache-les-francais-3-3_4367078_3210.html
274. https://www.youtube.com/watch?v=HYIdmlk2gAU
275. Richard Spencer, « Syrian rebels get first heavy weapons on the front line of Aleppo », The
Telegraph, 19 juin 2013.
276. UN document 917/2012 S 628/ 67
277. NdA: soit quatre jours après que le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius déclare que
Front al-Nosrah « fait du bon boulot » !
278. « OPCW-UN Joint Mission Draws to a Close », OPCW (Communiqué de l’Organisation pour
l’Interdiction des Armes Chimiques), 1er octobre 2014.
279. SC/11810, Adopting Resolution 2209 (2015), Security Council Condemns Use of Chlorine Gas
as Weapon in Syria, 7401st Meeting, Security Council, 6 mars 2015.
280. https://en.wikipedia.org/wiki/Use_of_chemical_weapons_in_the_Syrian_Civil_War
281. Ibid.
282. Jerry Smith, « The challenge of assessing Syria’s chemical weapons », BBC News, 23 mai 2015.
283. Il s’agit du même gaz que celui utilisé pour la première fois durant la Première Guerre mondiale
à Ypres.
284. Andrew V. Pestano, « U.N. confirms use of mustard, chlorine gas in Syrian civil war », UPI, 8
novembre 2015.
285. Anthony Deutsch, « Exclusive: Chemical weapons used by fighters in Syria – sources », Reuters,
6 novembre 2015.
286. GPD, « Official Report: US Backed Groups Proven to Use Sarin Gas in Syria from 2013
Onward », Veterans Today, 8 janvier 2016; et « Scientific report: it was not the Syrian army to use
chemical weapons in Ghouta », Vatican News, 8 janvier 2016.
287. Mieux connues sous leur appellation anglaise de « Barrel Bomb ».
288. « Video shows Syrian govt aircraft in rebel hands », Al-Arabiya, 1er mai 2014.
289. https://www.bellingcat.com/news/mena/2015/01/16/the-syrian-arab-air-force-beware-of-its-
wings/
290. Eliot Higgins, « A Brief Open Source History of the Syrian Barrel Bomb », ByLine, 7 juillet
2015.
291. http://brown-moses.blogspot.com/2012/06/evidence-of-unguided-bombs-being.html
292. Voir, par exemple, les allégations péremptoires – et totalement infondées – de Frédéric Encel
dans l’émission « C dans l’air » sur France 5, le 28 août 2013. (https://www.youtube.com/watch?
v=BXDh6YHCpLQ&index=28&list=WL)
293. « President Obama : “We Will Degrade and Ultimately Destroy ISIL” ». White House office of
the Press Secretary. 10 septembre 2014. Consulté le 1er octobre 2015.
294. Ken Dilanian & Eileen Sullivan, « Syrian extremists may pose more direct threat to US than
Islamic State », Associated Press, 13 septembre 2014.
295. « Al Qaeda’s quiet plan to outdo ISIS and hit U.S. », CBS News, 18 septembre 2014.
296. Ce groupe ne doit pas être confondu avec le groupe « Province de Khorasan », apparu le 12
janvier 2015 au Pakistan à partir d’une dissidence des Taliban et rallié à l’État islamique, et qui
sera porté sur la liste des mouvements terroristes étrangers des États-Unis le 16 janvier 2016.
297. Mark Mazzetti, Michael S. Schmidt & Ben Hubbard, « U.S. Suspects More Direct Threats
Beyond ISIS », 20 septembre 2014.
298. Josh Levs, Paul Cruickshank & Tim Lister, « Source : Al Qaeda group in Syria plotted attack
against U.S. with explosive clothes », CNN, 24 septembre 2014.
299. Eli Lake, « Al Qaeda Plotters in Syria ‘Went Dark’ U.S. Spies Say », The Daily Beast, 23
septembre 2014.
300. « Statement by the President on Airstrikes in Syria », The White House, Office of the Press
Secretary, 23 septembre 2014.
301. Terrence McCoy, « Targeted by U.S. airstrikes : The secretive al-Qaeda cell was plotting an
imminent attack », The Washington Post, 23 septembre 2014.
302. Shane Harris, « We’re Not Sure Their Capabilities Match Their Desire », Foreign Policy, 23
septembre 2014.
303. Ibid.
304. Mark Mazzetti, « A Terror Cell That Avoided the Spotlight », The New York Times, 24 septembre
2014.
305. CBS News, « U.S. offers more nuanced take on Khorasan threat », Associated Press, 25
septembre 2014.
306. Andrew C. McCarthy, The Khorosan Group Does Not Exist, National Review, 27 septembre
2014.
307. Biden at Harvard : America « Faces No Existential Threat » From Islamic Terrorism, YouTube,
(https://www.youtube.com/watch?v=dOZfom5rI2U)
308. Alexander Yakovenko, « Russia and the US are partners in trying to end the war in Syria », The
Evening Standard, 15 février 2016.
309. Nodisinfo.com, « Syria Christians targeted for supporting Assad », 30 octobre 2013.
310. « “ISIL Derives Significant Revenue from Oil Productions” Army Gen. Lloyd J. Austin III »,
YouTube, 20 octobre 2014.
311. « CIA On ISIS Oil », YouTube, 29 novembre 2015.
312. Résolution 2254 (2015), Conseil de sécurité, 18 décembre 2015 (S/RES/2254 (2015)).
313. Ahmed Rasheed & Saif Hameed, « Iraq leans toward Russia in war on Islamic State », Reuters, 7
octobre 2015.
314. Rebecca Kheel, « Iraqi government says it doesn’t want US ground operations », The Hill, 28
octobre 2015.
315. Rose Fleming, « Muhammeds ansigt », Jyllands-Posten, 30 septembre 2005.
316. Filip van Laenen, « Norway Apologizes over Muhammad Cartoons », The Brussels Journal, 27
janvier 2006.
317. Per Anders Rudling, « Denmark as the Big Satan : Projections of Scandinavia in the Arab World
and the Future of Multiculturalism », Review of European and Russian Affairs, vol. 2, issue
3/2006.
318. Béatrice Gurrey, « M. Chirac condamne “toute provocation”, Charlie Hebdo réimprime », Le
Monde, 9 février 2006.
319. Joint Mission Analysis Center (JMAC).
320. Hillel Fendel, « Movie Portrays Islam as Violent and Bloodthirsty », Arutz Sheva, 28 mars 2008.
321. En ce qui concerne la liberté d’expression à géométrie variable, on pourrait également rappeler
ici le contentieux qui a opposé le caricaturiste Siné au magazine Charlie Hebdo, qui l’avait
licencié le 15 juillet 2008 pour anti-sémitisme. L’affaire donnera lieu à un procès face à la Ligue
contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) pour antisémitisme et incitation à la haine raciale.
Le dessinateur sera relaxé de l’accusation d’antisémitisme le 24 février 2009 et Charlie Hebdo
sera condamné le 30 novembre 2010, à verser 40 000 euros de dommage et intérêts à Siné. Ces
indemnités seront portées à 90 000 euros en décembre 2012 par la cour d’appel.
322. Libération, 22 juillet 2014.
323. Grégoire Biseau et Jonathan Bouchet-Petersen, « Soutien à Israël : Hollande ou le péché
originel », Libération, 22 juillet 2014 ; « Le soutien de Hollande à Israël agace une partie de la
gauche », Le JDD, 11 juillet 2014.
324. Anna Reimann, « Berlin Counters Holocaust Conference : “This Is What Happened” », Der
Spiegel Online - International, 11 décembre 2006.
325. BBC News, « Why are Jews at the “Holocaust denial” conference? », 13 décembre 2006.
326. http://www.irancartoon.com/the-second-holocaust-international-cartoon-contest-2015/
327. Voir les caricatures dans Wikipédia, « International Holocaust Cartoon Competition ».
328. Le délai pour participer était fixé au 1er avril 2015 et le premier prix s’élevait à 12 000 dollars
(The Times of Israel, « Iran Holocaust cartoon contest draws 839 entries – Over 300 artists,
including from France, Turkey and Brazil, turn in works for competition derided by UNESCO », 7
avril 2015.
329. Jodi Rudoren, « Netanyahu Denounced for Saying Palestinian Inspired Holocaust », The New
York Times, 21 octobre 2015.
330. Texte de revendication de l’État islamique pour les attentats du 13 novembre 2015 (14 novembre
2015).
331. US Department of Homeland Security (DHS).
332. Doina Chiacu & Mark Hosenball, « U.S. says no precise threat to home-land from Islamic
State », Reuters, 29 août 2014.
333. National Counterterrorism Center (NCTC)
334. Shane Harris, « United States Counterterrorism Chief Says Islamic State Is Not Planning an
Attack on the U.S. », Foreign Policy, 3 septembre 2014.
335. Déclarations officielles de politique étrangère du 11 août 2014, Direction de la Communication et
de la Presse (www.diplomatie.gouv.fr).
336. Allemagne, Australie, Canada, Danemark, France, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Turquie.
337. Arabie Saoudite, Bahreïn, Belgique, Chine, Emirats Arabes Unis, Égypte, l’Irak, Japon, Jordanie,
Koweït, Liban, Oman, Qatar, République tchèque, Pays-Bas, Norvège, Russie et Espagne.
338. Premier bombardement français contre l’État islamique en Irak, Le Monde.fr/AFP/Reuters, 26
septembre 2014.
339. Albanie, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Corée du Sud, Croatie, Estonie,
Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Luxembourg,
Macédoine, Moldavie, Monténégro, Maroc, Nouvelle-Zélande, Portugal, Roumanie, Serbie,
Singapour, Slovaquie, Slovénie, Somalie, Suède, Taiwan et Ukraine.
340. Jacqueline Klimas, « Islamic State no threat to U.S. homeland: Air Force general », The
Washington Times, 14 juillet 2015.
341. Des Hommes d’influence (Wag the Dog) est un film américain réalisé par Barry Levinson, sorti
en 1997.
342. Inspire Magazine, n° 8, Automne 2011, p. 42.
343. Porte-parole de l’État islamique (http://dailycaller.com/2014/08/08/isis-threatens-america-we-
will-raise-the-flag-of-allah-in-the-white-house /#ixzz3n1ziZgJ5)
344. « Laurent Fabius : “Il faut s’unir et vaincre ces gens-là” », interview par Jean-François Achilli,
France Info, 19 novembre 2015 (http://www.franceinfo.fr/emission/l-interview-politique/2015-
2016/laurent-fabius-il-faut-s-unir-etvaincre-ces-gens-la-19-11-2015-08-04)
345. La France a choisi de ne pas utiliser le nom officiel du groupe « État islamique » afin de ne pas
lui donner la légitimité d’un État. Or, l’appellation « DAECH » signifie « État islamique en Irak et
au Levant », ce qui implique que le bombarder en Irak ou en Syrie revient au même.
346. « Discours devant l’Assemblée Nationale - Manuel Valls : “Un risque d’armes chimiques ou
bactériologiques” », www.parismatch.com, 19 novembre 2015
(http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Manuel-Vallsun-risque-d-armes-chimiques-ou-
bacteriologiques-868053) et https://twitter.com/manuelvalls/status/667260865092173824/photo/1
347. http://www.iraqinquiry.org.uk/
348. Christopher Hope, « Tony Blair “could face war crimes charges” over Iraq War », The Telegraph,
6 janvier 2015.
349. Dar al-Islam Magazine, n° 7, novembre 2015 (Safar 1437), p. 4.
350. Vidéo en français, présentée sous un titre anglais « Amedy Coulibaly & Islamic State », Youtube,
11 janvier 2015, (https://www.youtube.com/watch?v=_VUoQ39lpbE)
351. https://www.youtube.com/watch?v=KNFbfnPBKdY
352. Inspire Magazine, n° 14, été 2015, p. 38.
353. Message audio de la part des frères Kouachi, YouTube, 9 janvier 2015.
(https://www.youtube.com/watch?v=KNFbfnPBKdY)
354. Dabiq Magazine, n°7, janvier-février 2915, p. 50 et p. 68.
355. « Amédy Coulibaly : les instructions retrouvées dans son ordinateur en partie dévoilées »,
Hufftington Post/AFP, 14 octobre 2015.
356. Inspire Magazine, n° 14, été 2015, p. 16.
357. Abu Musab al-Suri, « The Jihadi Experience », Inspire Magazine, n° 9, hiver 2012.
358. Dabiq Magazine, n° 12, p. 28.
359. Texte de la revendication “officielle” de l’État islamique : « Communiqué sur l’attaque bénie de
Paris contre la France croisée », 2 Safar 1437. (14 novembre 2015).
360. Ibid.
361. En résumé, il s’agit de Farouk Ben Abbes, associé aux événements de 2009, qui serait proche
d’un Djihadiste de l’État islamique, Fabien Clain. (« Terrorisme : des menaces d’attentats contre
le Bataclan dès 2010 », France Soir, 16 décembre 2015).
362. Tangi Sala, « Un an après la mort d’une jeune Française, l’enquête n’est toujours pas bouclée »,
Le Figaro, 23 février 2010.
363. Céline Berthon, émission « C dans l’air », France 5, 16 décembre 2015.
364. Cf. supra.
365. Voir https://www.youtube.com/watch?v=Y9Bs3tF1jj0
366. Abu Mu’sab al-Suri, « The Jihadi Experience – The Strategy of Deterring with Terrorism »,
Inspire Magazine, n° 10, printemps 2013, p. 23.
367. Voir http://airwars.org/civilian-casualty-claims/. Mais, en novembre 2015, le Pentagone ne
comptait que 6 victimes civiles (!) « US air strike on IS in Iraq ‘killed civilians’ », BBC News, 20
novembre 2015) tandis que le secrétaire à la Défense britannique Michael Fallon soutenait que les
frappes occidentales n’avaient fait aucune victime civile (!!) (Mikey Smith, « Michael Fallon
claims there have been ZERO civilian casualties from air strikes in Iraq », The Mirror, 29
novembre 2015.
368. Dar al-Islam Magazine, n° 7, novembre 2015 (safar 1437), p. 4.
369. Dar Al-Islam Magazine, n° 2, 2015, p. 2.
370. Abu Mu’sab al-Suri, « The Jihadi Experience : The Strategy of Deterring with Terrorism »,
Inspire Magazine, n° 10, printemps 2013.
371. Voir Abu Mu’sab al-Suri, « The Jihadi Experience – The Strategy of Deterring with Terrorism »,
op. cit.
Le terrorisme djihadiste aujourd’hui
L’incompréhension de l’Occident face aux mécanismes du terrorisme
islamiste, composante du « Djihad », est due à plusieurs facteurs :
- La logique d’un conflit qui a pour référence Dieu (Allah) et cherche à
défendre non un territoire, mais une identité contenue dans la foi, qui prend
ainsi un caractère « absolu », dépassant la logique capacitaire occidentale,
qui voit les conflits à travers des logiques économiques (guerres coloniales,
etc.), politiques (Algérie, Viêt-Nam), ethniques (Rwanda) ou autres (jusqu’à
la « guerre du football » entre le Honduras et le Salvador en 1969 !). Dans
certains pays déjà touchés par le terrorisme dans les années 70-80 (comme
la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne), la réflexion et la lutte
contre le terrorisme islamiste se sont largement articulées autour d’une
grille de lecture dépassée, établie par analogie aux expériences des années
70-80, qui n’a pas permis d’en saisir la logique et d’en dégager une réponse
stratégique.
- Le souci – bien compréhensible – de certains gouvernements
occidentaux (dont la France) et des communautés musulmanes basées en
Occident d’éviter de donner une image radicale de l’islam et de se
distancier des terroristes. Il en est résulté une interprétation édulcorée de
certains aspects de l’islam – comme le Djihad lui-même ou la notion de
martyr – plus orientée sur une justification de leur existence dans la pensée
islamique que sur une explication de leurs mécanismes dans la stratégie
islamiste.
- L’ignorance occidentale en ce qui concerne la mentalité et la culture de
l’Islam, et qui trouve des explications simplistes en fonction d’obscures
réminiscences moyenâgeuses, a conduit à une lecture émotionnelle du
Djihad. Ainsi, les notions de « guerre sainte » et d’« Islam conquérant »
continuent à fausser la perception de l’Occident sur le Djihad et
l’empêchent de se concentrer sur des solutions rationnelles, adéquates et
efficaces !
- L’absence d’informations objectives sur un certain nombre
d’événements-clés – comme le 11 Septembre – a permis à la désinformation
américaine d’imposer une forme de « pensée unique » quant à la nature de
la menace terroriste et ses acteurs. Les attentats du 11 Septembre ont généré
une pléthore d’experts incapables de saisir la logique du terrorisme et de la
pensée islamique, qui ont réarrangé des faits afin de fabriquer des
explications plus acceptables pour la logique occidentale. Loués pour leur
condamnation du terrorisme, ces « experts » n’ont souvent fait que pousser
l’Occident dans de fausses réflexions, qui le rendent aujourd’hui plus
vulnérable au terrorisme.
- Une approche juridique de la violence politique, mue par un souci de
punir durement les auteurs d’actes terroristes, a inhibé notre capacité à
adopter une lecture stratégique du Djihad, par souci d’écarter toute
complaisance à l’égard des terroristes.
La réticence occidentale à comprendre les mécanismes asymétriques du
Djihad a conduit à l’engagement de stratégies « dures » à l’égard du
terrorisme. Cette fermeté – pour ne pas dire intransigeance – à l’égard des
islamistes est comprise en Occident comme un gage d’efficacité et de
dissuasion, or l’expérience montre qu’elle comporte en elle-même les
germes d’un encouragement au Djihad.
Au lieu de concevoir des stratégies qui dissuadent l’émergence de ces
groupes, nous concentrons nos efforts sur l’action en aval des attentats.
Nous tentons d’expliquer les réseaux à travers notre manière de fonctionner,
avec des hiérarchies claires, des structures similaires à celles de nos états-
majors. Ce qui n’entre pas dans un schéma connu ou les faits inexpliqués
tend à être interprété comme des dysfonctionnements, des phénomènes
marginaux, voire comme un affaiblissement de « l’organisation », alors
qu’il n’en est rien.
Les terroristes ont bien compris que nous les comprenons mal,
puisqu’ils ont même conceptualisé la déstructuration de leurs réseaux,
précisément pour mettre en échec le travail des services de renseignement
occidentaux, qui sont très prévisibles dans leur manière de lire les
événements, de réfléchir et de comprendre le phénomène terroriste.
Un pas important – mais tardif – dans la compréhension du phénomène
« Al-Qaïda » a été fait avec l’exploitation des documents trouvées à
Abbottābād en 2011, qui démontrent que ce que beaucoup d’experts
occidentaux appellent « Al-Qaïda Central » était en décalage complet par
rapport aux autres structures attribuées à l’organisation : Ben Laden n’avait
aucune fonction de coordination, et désapprouvait même les activités de la
plupart des organisations avec lesquelles on lui attribuait une relation
hiérarchique.
DÉFINITION
La traduction de « Djihad » par « guerre sainte », que l’on rencontre
fréquemment en Occident, est inexacte et nous renvoie, en fait, à un
vocabulaire utilisé par les chrétiens lors des Croisades, alimentant la
perception d’un islam offensif, dont l’objectif est la conquête et la
destruction de l’Occident. Cette perception est très largement conditionnée
par le fait que l’Occident, comme nous l’avons vu plus haut, a
systématiquement occulté ses propres interventions, dont le Djihad est la
conséquence. Un exemple significatif est la résistance (Djihad) qui s’est
constituée après l’intervention occidentale en Irak, que l’on continue à
qualifier de rebelle, au caractère plus offensif.
Le mot « Djihad » est étymologiquement lié à la notion de s’efforcer
(djahada), d’effort (djouhd), dans le sens de résistance et de refus
d’abandon aux tentations. Le Djihad est donc essentiellement une attitude
de l’esprit, qui cherche à préserver un ensemble de valeurs et qui suppose
un certain nombre de sacrifices pour y parvenir. En arabe, le mot « guerre »,
dans son sens militaire, se traduit par « harb » ou « qital ».
Le « Djihad dans la voie de Dieu » (Djihad fi Sabil Allah ou Djihad fi
sabilillah) peut prendre des formes diverses et de nombreux exégètes
islamiques ont exprimé des vues différentes à ce sujet, qui ne sont pas
nécessairement contradictoires et appartiennent au débat intellectuel
normal. Les deux principales formes du Djihad sont :
- le Djihad al-Akbar (« Grand Djihad1 »), qui est une démarche
individuelle et permanente et un devoir (fard ay’n), qui vise à élever son
esprit en dépit des tentations du monde matériel, à travers une recherche de
Dieu (Djihad bil-Nafs). Pour les musulmans pratiquants, le (grand) Djihad
est une démarche quotidienne et essentiellement individuelle et pacifique,
par laquelle il s’efforce de maintenir une ligne de conduite en accord avec
sa foi.
- le Djihad al-Asghar (« petit Djihad2 ») – le « plus facile » selon
Mohammed – qui s’inscrit dans une démarche collective et vise à protéger
l’islam contre des agressions extérieures (Djihad bis-Sayf). Il désigne avant
tout la volonté de défendre à titre individuel ou collectif l’Islam contre une
agression extérieure, que celle-ci soit d’ordre moral ou physique.
Lorsqu’il conduit à la guerre (harb), le Djihad a, avant tout, une
connotation défensive et militaire. Mais, comme dans toute conception de la
guerre, la notion de « défense » ne se limite pas à attendre passivement
l’action de l’adversaire, mais peut aussi avoir une forme offensive (en
termes opérationnels modernes on parlerait de « guerre préemptive3 »). Il ne
constitue alors qu’une obligation collective pour l’Oummah4, dont la
responsabilité incombe au chef de guerre. Les croyants peuvent donc s’y
soustraire à titre individuel5. En revanche, selon l’État islamique, face à une
agression frontale et une « invasion », la Résistance (Djihad) devient un
devoir individuel (fard’ayn6).
Le régime de terreur
Le terrorisme djihadiste
Nous lisons trop souvent les messages de victoire des terroristes comme
des bravades et de la rhétorique propagandiste et écartons ainsi les
messages qu’ils contiennent. Après les attentats de Paris, en novembre
2015, on pouvait lire dans la version française de la revue de l’État
islamique :
En clair, les terroristes ont compris que nous refusons – volens nolens –
d’expliquer et de comprendre la nature du terrorisme, et que, par
conséquent, nos réactions sont prévisibles, « forcément stupides(s) », et
nous placent dans une posture négative. Force est de constater que les
Djihadistes nous comprennent mieux que nous les comprenons, ce qui est la
pire des situations stratégiques selon le stratège chinois Sun Tsu.
La notion de victoire
La notion d’espace
Parce que nous projetons nos propres schémas sur l’adversaire, nous lui
attribuons des stratégies dérivées de notre compréhension des choses. Ainsi,
dans l’esprit occidental, la notion de guerre est indissociable de celle de
« gain ». Dès lors, nous comprenons mal ceux qui partent au combat prêts à
mourir et à mener des actions qui s’inscrivent dans une discontinuité
géographique : l’action militaire dans le cadre du Djihad ne s’inscrit en effet
pas nécessairement dans une logique territoriale mais dans celle d’une
communauté.
Ainsi, le Djihad transcende la notion de « frontières », car il se
positionne dans le cadre de la défense de l’Islam et donc au niveau de la
communauté musulmane, l’Oummah. Il ne s’agit pas d’une dimension
« multinationale » comme nous le comprenons, mais d’une dimension
encore plus large, qui se comprend comme un seul espace religieux et
sociétal qui transcende la notion de « nation » et les questions ethniques,
administratives et linguistiques.
C’est la raison pour laquelle l’absence d’attentats sur le sol américain
depuis 2001 tend à accréditer l’efficacité des mesures de protection. Ce
n’est pas tout à fait exact. Dans l’esprit des Djihadistes, le Djihad s’est
poursuivi, mais en Afghanistan et en Irak, avec une extension de la zone de
guerre voulue par les États-Unis, où les « victimes » ont été amenées aux
Djihadistes, et non l’inverse. Dès lors, frapper un Américain en Irak
équivaut à aller le frapper sur le sol des États-Unis :
La nature du terrorisme
Un profil inattendu
Nous aimons voir dans les terroristes des individus « paumés » ou des
« branleurs »44 et leur appliquons les qualificatifs les plus divers. Sous-
estimer son ennemi est une grave erreur stratégique… que nous nous
complaisons à répéter. La réalité est bien différente. On trouve certes aussi
des individus avec peu d’éducation et un passé criminel, mais il serait faux
d’en tirer une règle. L’État islamique, par exemple attire un grand nombre
d’universitaires et d’individus ayant une formation supérieure45.
Dans leur majorité, les « martyrs » sont jeunes. En Israël, environ 67 %
des auteurs d’attentats-suicide avaient entre 17 et 23 ans, tandis que les
« martyrs » du Hamas sont en moyenne plus âgés que ceux du Djihad
islamique. Le plus jeune « martyr » palestinien avait 16 ans, mais les forces
de sécurité ont arrêté des volontaires de 13 ans ! En revanche, leur niveau
intellectuel et de formation est élevé. Un chercheur de la RAND
Corporation, Berrebi, a relevé qu’en Israël, sur 208 cas où une biographie
des terroristes était disponible, 96 % d’entre eux (200) avaient au moins une
formation universitaire, 65 % (135) avaient une éducation supérieure, alors
que dans la population « normale » ces chiffres étaient de 51 % et 15 %46.
Ce qui s’explique en partie par le fait que les mouvements islamistes, et
particulièrement le Hamas, recrutent dans l’université Al-Najah de
Naplouse et à l’université islamique de Gaza47.
Ces observations sont confirmées par d’autres études sur les terroristes
islamistes, où l’on constate également un niveau intellectuel et social
relativement élevé. Un document SECRET de 200 pages, établi par le
Service de sécurité (MI-5) britannique en 2011, constate que plus de 60 %
des 200 personnes arrêtées en Grande-Bretagne pour des affaires liées au
terrorisme, proviennent de la classe moyenne, la plupart ayant bénéficié
d’une éducation dans le supérieur. Par ailleurs, 90 % d’entre eux étaient
qualifiés de « sociables » et avaient une vie de famille normale et des amis
nombreux, contredisant ainsi l’image répandue du « loup solitaire »,
psychopathe et mal intégré48.
Ces constatations sont corroborées par une étude de deux chercheurs en
sociologie de l’université d’Oxford, en Grande-Bretagne, qui ont étudié les
profils psychologiques de 404 terroristes impliqués dans des attentats
islamistes et le plus souvent des attentats-suicides. Ils observent qu’entre
48,5 % et 69 % des terroristes avaient reçu une éducation académique
supérieure. Parmi ceux-ci, une majorité (56,7 %) avait fait des études en
sciences, médecine et ingénierie, non pas parce que les études d’ingénierie
sont populaires dans les zones de recrutement ou parce que les
organisations terroristes ont besoin de concepteurs de bombes, mais en
raison du manque de débouchés après les études d’une part, et du caractère
plutôt conservateur et religieux des ingénieurs. Par ailleurs, les chercheurs
notent que la plupart des terroristes provenaient de milieux aisés et avaient
une vie familiale stable49.
On est donc bien loin des diatribes occidentales sur les « fous de Dieu »
et les théories selon lesquelles la pauvreté serait un moteur du Djihad. Ce
qui ne signifie pas qu’une situation économique florissante n’aurait pas
d’influence sur le terrorisme ; ni que les combattants du Jabhat al-Nosrah
ou de l’État islamique en Syrie ont un profil similaire. Il faut néanmoins
considérer que les terroristes qui mènent des opérations d’importance, ont
probablement un niveau d’éducation plus élevé que les « combattants de
base » déployés sur le champ de bataille.
Ceci étant, les nouveaux concepts de « Djihad ouvert » et de
« terrorisme individuel », qui émergent actuellement en réponse à
l’omniprésence des moyens de surveillance des services de renseignement,
pourraient changer radicalement ces constatations dans le futur. En effet, on
observe d’une part une capacité stratégique et doctrinale des terroristes qui
s’améliore, mais qui reste localisée au Moyen et Proche-Orient, et d’autre
part, comme on a pu le constater avec les attentats en France en 2015, un
niveau opérationnel qui tend à recruter des jeunes qui ont grandi en
Occident, qui ne peuvent se valoriser ou obtenir une reconnaissance sociale
au niveau professionnel, et sont ainsi plus vulnérables au « romantisme
guerrier », comme nous le verrons ultérieurement.
LE « DJIHAD OUVERT »
La Base du Djihad dans la péninsule arabique (BDPA) (Qa’idat al-Jihad
fi Jazirat al-Arab – plus connue sous l’appellation d’Al-Qaïda dans la
péninsule arabique (AQPA)62 – fait partie de ces « franchises » qui n’ont
jamais reçu l’approbation d’Oussama Ben Laden. Elle est pourtant devenue,
depuis 2010, la principale source doctrinale du mouvement djihadiste. Elle
a notamment développé le concept de « Djihad Ouvert » (« Open Jihad »),
qui allège considérablement les activités terroristes et rend les structures, les
réseaux, les voyages inutiles. Basé sur l’exploitation des ressources offertes
par les nouvelles technologies et Internet, il s’agit d’un concept de
décentralisation extrême du Djihad qui fait de chaque Djihadiste une cellule
indépendante. La connaissance technique et doctrinale est fournie à travers
les réseaux sociaux et Internet, tandis que le moteur et le déclencheur de
l’action terroriste est fonction de l’action occidentale (bombardements,
action clandestine, etc.) qui agit comme un catalyseur.
À la différence des fatwas d’Oussama Ben Laden, qui avaient un
objectif et des intentions limitées dans l’espace et dans le temps, le Djihad
moderne s’est adapté aux interventions globales et plus agressives de
l’Occident. Ainsi le Djihad est-il devenu l’Appel à la résistance islamique
globale (Da’wat al-Muqāwamah al-Islāmīyyah al-’Alāmīyyah), un concept
générique dans lequel prend place l’action djihadiste. On en retiendra le
terme de « Résistance » qui suggère – dans l’esprit de ses auteurs – qu’il
s’agit d’un combat répondant à une agression (ou ce qui est ressenti comme
tel), ainsi que le précise très clairement un dirigeant de la BDPA :
À mon avis, ce type de méthode djihadiste peut être
l’un des principaux motifs pour faire cesser la guerre
agressive contre les Musulmans […] Le Djihad individuel
contre l’Occident, particulièrement lorsqu’il
s’intensifiera, créera un climat de terreur et d’anxiété, un
ressentiment public et des plaintes contre les
gouvernements et les politiques qui ont amené le Djihad
individuel 63 […]
On peut constater ici une cohérence avec les revendications des divers
attentats qui ont frappé l’Occident, et la France en particulier. Le terrorisme
qui frappe l’Occident n’est pas une fatalité, fruit de quelque esprit dérangé,
et il serait, par conséquent, possible de mettre un frein à cette violence. En
théorie cependant, car l’action américaine et française – notamment en Irak,
en Libye et en Syrie, en sou-tenant et stimulant l’éclosion de mouvements
islamistes – a créé des déséquilibres durables et des tendances
probablement irréversibles dans le moyen terme.
Principes de base
Le Djihad individuel n’est pas une nouveauté totale. Il a été utilisé dans
les attaques dites « vert-contre-bleu » (« green-on-blue »), qui sont les
attaques de militaires afghans ou irakiens contre leurs instructeurs
occidentaux. En Afghanistan seulement, ces attaques ont fait 16 morts en
2012, 35 en 2011 et 61 en 201272. Outre les attentats de Paris en 2015, les
exemples les plus spectaculaires ont été l’attentat de Boston (2012),
l’attentat contre le Musée juif de Bruxelles (2014), l’attentat contre le
Thalys (2015), l’attentat de San Bernardino (Californie) (2015) et l’attentat
de Londres (6 décembre 2015).
Du fait que le terrorisme est considéré par les islamistes comme un
témoignage du refus d’abandonner le combat face à des puissances
numériquement supérieures, l’action est déjà une victoire en soi. Il en
résulte que les frappes aériennes en Irak et en Syrie constituent certes des
victoires tactiques pour les Occidentaux, mais chaque réponse à ces frappes,
sous forme attentat ou tentative d’attentat constituera une nouvelle victoire
stratégique pour les Djihadistes.
Dès l’été 2014, l’Europe fait face à une vague d’immigration sans
précédent en provenance de Syrie, du Kosovo, d’Afghanistan, d’Albanie,
d’Irak, du Pakistan, d’Érythrée, de Serbie, d’Ukraine et du Nigéria11. Nous
ne nous attarderons pas sur le fait que le Kosovo, l’Albanie, la Serbie et
l’Ukraine sont des pays qui vivent déjà largement de l’aide occidentale. En
Afghanistan et en Irak, deux pays où les Droits de l’homme, la démocratie
et le mode de vie occidental devaient amener le développement, la
corruption règne, alimentée par ceux-là mêmes qui voulaient l’éliminer12.
Quinze ans de guerre et des milliards de dollars d’investissements n’ont
apporté que l’insécurité et le désespoir.
De la Syrie, arrivent soudainement des chrétiens qui étaient protégés par
le régime de Bachar Al-Assad. Les bombardements occidentaux contre le
régime syrien – et accessoirement contre l’État islamique – favorisent en
effet la progression des multiples factions islamistes tout aussi radicales que
l’EI (mais dont les gouvernements américains, français ou belges ne parlent
jamais) et qui menacent aussi sûrement les nombreuses communautés non-
musulmanes. L’étrange et difficile distinction faite par la France et les
États-Unis entre islamistes modérés et radicaux, afin de justifier le
renversement du régime de Bachar al-Assad, a ainsi accru le danger contre
les populations chrétiennes depuis l’été 2014. Les Yazidis, Ismaéliens,
Assyriens et autres communautés chrétiennes sont persécutés depuis 2004
par les islamistes sunnites soutenus par les Occidentaux en Irak et en Syrie.
Jusqu’en 2014, ces populations – protégées par la Syrie – avaient l’espoir
de survivre. Un espoir qui a été ruiné dès l’été 2014 par les Occidentaux, et
la France en particulier, à cause d’une politique qui visait clairement à
renverser le régime syrien, provoquant ainsi une vague d’émigration vers
l’Europe, dans laquelle se sont engouffrés d’autres migrants – économiques
ceux-là – en provenance d’autres régions du monde.
Nul doute que l’Occident et l’Europe arriveront, d’une manière ou
d’une autre, à accueillir et à faire survivre ces migrants. Mais en voulant les
intégrer trop vite, nous créerons des défis et des bouleversements culturels
et sociétaux considérables. En réalité, la vague massive d’émigration de
2014-2015 cache un phénomène plus insidieux. Très largement soutenu par
les diverses gauches européennes, il est ce que nous pouvons appeler un
« colonialisme négatif ». Animé par une compassion occidentale, souvent
de bonne foi, face au différentiel de développement croissant entre
l’hémisphère nord et l’hémisphère sud, l’accueil de migrants s’est accéléré
et s’est accompagné, dans de nombreux pays, de mécanismes de
naturalisation qui préviennent le retour éventuel de ces immigrés dans leur
pays d’origine. Il a le mérite d’apporter une aide immédiate à ceux qui en
ont besoin. Mais qu’en est-il des effets dans le long terme ?
En visite au Kosovo en 2002, l’auteur rencontrait le maire de la ville de
Suva-Reka au sud du pays. À la question de savoir pourquoi l’économie du
Kosovo ne parvenait pas à « décoller », le maire a répondu sans hésiter :
« Parce que les gens dont nous aurions besoin sont partis chez vous ! » Or,
l’émigration depuis les pays en phase de développement ne devrait pas être
permanente, mais être mise à profit par les pays occidentaux pour former
les migrants, de sorte à créer des capacités offrant un potentiel de croissance
pour leurs pays d’origine. Or trop souvent, l’Occident rechigne à former ces
ressources et à les restituer lorsqu’il les a formées. On assiste ainsi à une
sorte de « colonisation en creux », où des pays comme la France, la
Belgique et la Grande-Bretagne, utilisent la main-d’œuvre immigrée pour
des travaux dédaignés par les Européens, mais ne créent aucun potentiel de
développement pour les pays qui en auraient besoin. Des pays comme le
Kosovo – et bien des pays africains – vivent dès lors des rentes en
provenance de leurs expatriés, mais ne se développent jamais et restent dans
une forme de dépendance à l’Occident.
L’appel prononcé par Mgr Nicolas Djomo, évêque de Tshumbe et
président de la Conférence épiscopale de la République démocratique du
Congo à Kinshasa en août 2015, va dans la même direction :
Quelle sécurité ?
D’où viennent donc ces 200 000 morts additionnels, qui ont
été largement utilisés pour accuser le Prési-dent Omar al-Bachir de
génocide ? Rappelons ici que le Soudan était l’un des 7 pays visés par le
plan américain de déstabilisation établi en 2001, mentionné plus haut.
Le même phénomène se produit aujourd’hui avec le Président Bachar
al-Assad.
Le gouvernement français a abondamment mentionné les quelque 55
000 photos de prisonniers torturés par le régime de Bachar al-Assad,
copiées par « César », pseudonyme d’un ex-agent qui aurait volé ces
fichiers alors qu’il était au service de la police de sécurité syrienne.
Pourtant, malgré leur caractère « irréfutable », selon les termes de Laurent
Fabius, les documents posent question. Publiées le 20 janvier 2014 par CNN
et le Guardian, deux jours avant l’ouverture des négociations de paix sur la
Syrie à Genève, les photos sont accompagnées d’un rapport48. Ce rapport,
élaboré par le cabinet juridique Carter-Ruck & Co à Londres, est financé
par le Qatar, qui soutient l’opposition syrienne djihadiste. Il affirme que les
photographies représentent quelque 11 000 détenus des prisons du
gouvernement syrien. Toutefois, une analyse plus approfondie menée par
Human Rights Investigations (HRI) démontre que 24 568 images
représentent des militaires et des policiers syriens morts au combat. Les 28
707 photos restantes n’ont pu être vérifiées à ce jour par HRI, sauf pour 27
détenus, qui semblent avoir été effectivement torturés dans les geôles
syriennes. Mais là encore, des questions subsistent car un certain nombre de
cas de tortures avaient été externalisés en Syrie par les États-Unis avant
2011…
Dans cette guerre des chiffres et des horreurs, beaucoup de
commentateurs ont alors flairé la réédition de la source « Curveball », un
transfuge irakien, dont le témoignage avait été central dans la « décision »
d’envahir l’Irak49. Si effectivement des atrocités ont eu lieu,
l’authentification des « preuves » et surtout l’attribution des crimes à une
des parties restent très sujettes à caution, et ne devraient – en l’état –
constituer une justification pour entrer en guerre. Cela ne signifie pas qu’il
faut les ignorer, mais qu’il est difficile de les exploiter pour porter des
jugements catégoriques.
Comme pour les armes chimiques de 2013, les échantillons d’armes
chimiques irakiennes de 2003, les incubateurs de 1990, les services de
renseignement restent trop souvent passifs devant ces informations, qui sont
lancées « gratuitement» en appui à des fins de détournement du droit
international.
« Intelligence-led Operations »
En d’autres termes, on tue un peu à l’aveugle avec une méthode qui est
de manière inhérente imprécise et qui crée des dommages collatéraux. En
moyenne, selon des documents secrets américains dévoilés en 201557, le
nombre de victimes collatérales atteint environ 90 % des engagements.
Selon le Bureau of Investigative Journalism (BIJ), entre 2009 et 2014, les
actions des drones américains au Pakistan (pays qui n’est pas en guerre
avec les États-Unis) ont tué quelques 2379 personnes, dont seules 84 ont été
identifiées comme appartenant à « Al-Qaïda ». En clair, 4 % seulement des
victimes relèvent de la lutte contre le terrorisme, les 96 % restants sont au
mieux des sympathisants inconnus et au pire des innocents58. Ainsi,
l’élimination du terroriste algérien Mokhtar Belmokhtar59 par un raid aérien
américain60 sur la ville libyenne d’Ajdabyia, le 14 juin 2015, célébrée
comme une victoire dans les médias61, s’est avérée 5 jours plus tard être
une fausse information62 mais les victimes, elles, sont bien réelles, et il n’y
aura aucune excuse ou dédommagement pour elles.
Comme la campagne d’Irak l’avait montré, le renseignement
électronique, qui constitue traditionnellement une source essentielle
d’information, devient extrêmement peu utile dans un environnement qui a
compris comment y échapper, et doit être complété par du renseignement
d’origine humaine, sous peine de générer des victimes collatérales
nombreuses.
Durant les 5 premières années de la présidence de Barack Obama, les
États-Unis ont mené 8 fois plus de raids de drones que durant toute la
présidence de Georges Bush, mais ces attaques ont également réduit de
moitié le nombre de civils tués à chaque frappe63. Les chiffres sont pourtant
trompeurs. En réalité, l’insistance du Président Obama pour épargner les
civils lors de ces frappes ne s’est pas traduite par un changement dans les
procédures et modes d’action, mais simplement par une manière différente
de compter les victimes. Ainsi, les États-Unis considèrent que tous
Guantánamo
Nous ne voulons pas entrer dans une discussion juridique détaillée des
problèmes liés à l’extra-territorialité de la base de Guantánamo, et leurs
conséquences sur les Droits de l’homme, qui sortent du cadre de cet
ouvrage. Nous nous concentrerons sur la gestion des activités de
renseignement qui y ont été menées dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme. Relativement peu d’information factuelle a transpiré sur son
fonctionnement, et seuls quelques articles ont rendu compte de
l’inefficience et de l’inefficacité dans l’usage qui en a été fait82.
Ici également, le dilettantisme a régné en maître derrière l’apparence
d’une mécanique bien rodée, et les Américains, dans leur esprit de revanche
aveugle, se sont engagés dans une voie qui leur a certainement plus coûté
politiquement et opérationnellement qu’elle ne leur a rapporté, à part,
peutêtre, la satisfaction des gardiens. Tout d’abord, il faut relever que les
premiers pensionnaires du « Camp-X » avaient combattu aux côtés des
Taliban lors de l’intervention américaine – illégale aux yeux du droit
international – en Afghanistan. Il s’agissait de simples combattants, parmi
lesquels certains avaient été formés pour combattre au Jammu-Cachemire,
mais aucun n’avait été formé pour combattre en Occident.
Un premier problème était la question de la finalité de ce camp de
détention. Pour les diverses agences de renseignement qui géraient les
prisonniers – le Federal Bureau of Investigation (FBI) du département de la
Justice, la Central Intelligence Agency (CIA) dépendant du Président, et la
Defense Intelligence Agency (DIA) du département de la Défense – il
s’agissait d’une installation permettant de regrouper des individus porteurs
d’informations. Pour l’US Southern Command (US SOUTHCOM)
responsable de la gestion de la base, il s’agissait d’une installation abritant
des prisonniers, dont le traitement devait être conforme à un certain nombre
de règles (notamment l’interdiction de l’usage de la torture).
Le statut des prisonniers capturés en Afghanistan et détenus à
Guantánamo est un exemple d’inadéquation des bases juridiques de la lutte
contre le terrorisme, de l’absence de séparation des pouvoirs aux États-Unis
ainsi que l’absence de respect du droit international et humanitaire par les
ÉtatsUnis, puisqu’ils ont refusé aux captifs le traitement de prisonniers de
guerre83. Selon Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la Défense, ces
détentions devaient avoir un effet préventif :
La conduite de la guerre
Les actes révélés par la presse en avril 2004 sur les traitements infligés
par les forces armées américaines aux prisonniers irakiens dans la prison
d’Abou Ghraïb à Bagdad, avaient – en réalité – pour objectif de
« préparer » les prisonniers à des interrogatoires non coercitifs. Toutefois,
dans l’esprit et dans la manière de faire, ils s’apparentent davantage aux
tortures « sadiques » telles qu’elles sont pratiquées dans le tiers-monde et
qui cherchent à avilir l’ennemi. Le rapport SECRET établi par le major-
général Antonio M. Taguba et publié en mai 2004 indique clairement :
Le souci est bien évidemment légitime. Ceci étant, le problème n’est pas
le rapport lui-même, mais bien les activités tout à la fois mal conçues, mal
gérées, mal conduites, et inefficaces qui ont été menées au mépris des
valeurs que l’on défend. Au-delà des aspects légaux, un aspect stratégique
en ressort, comme en témoigne le Dr Ayman al-Zawahiri, ancien bras droit
d’Oussama Ben Laden, dans une interview sur la chaîne islamiste Al-
Sahab :
CONTRE-TERRORISME OU ANTITERRORISME ?
Depuis la fin des années 90, et en particulier depuis le 11 Septembre, la
multiplicité des « experts » – souvent sans expérience aucune – a noyé les
notions de « contre-terrorisme » et d’« antiterrorisme » dans une confusion
qui explique en partie l’échec dans la lutte contre le terrorisme. D’ex-
« agents » du service Action ou des indicateurs de la DGSE deviennent des
analystes, et des « experts », qui n’ont qu’une connaissance livresque du
terrorisme, deviennent des concepteurs de systèmes opérationnels de
sécurité, qui apportent après chaque attentat des jugements davantage basés
sur des impressions et des professions de foi que sur des faits.
Le terrorisme ne pourra être jugulé qu’à partir d’une connaissance
froide et objective du phénomène. Il nous faut sortir des analyses qui
satisfont notre sentiment de revanche, pour nous attacher à ce qui est. Cela
commence par avoir de la rigueur dans les termes utilisés, afin d’assurer
une cohérence d’ensemble matérialisée par une stratégie. La « stratégie »
est globalement le point faible des diverses postures que l’on trouve en
Occident. Ce que l’on appelle « stratégie » est le plus souvent un ensemble
plus ou moins heureux de mesures tactiques et policières, sans cohérence
stratégique.
La France n’a pas réagi différemment après les attentats de janvier et
novembre 2015. Les mesures du gouvernement se sont limitées au niveau
tactique et policier mais ne furent pas intégrées à une stratégie globale. De
cette incurie découlent les attentats de novembre. En réalité, en l’absence de
stratégie, les mesures prises (celles qui ont été appliquées) n’ont fait
qu’alimenter les processus de radicalisation. Significativement, les mesures
prises après le 13 novembre et les ressources engagées ont surtout servi à
assurer le calme autour de la Conférence sur le climat (COP 21) en luttant
contre les militants écologistes, au lieu de se concentrer sur les Djihadistes,
qui ont ainsi eu l’opportunité de se déplacer, voire de retourner en Syrie113.
La fermeture des mosquées jugées radicales ne va-t-elle pas alimenter le
discours des Djihadistes qui reprochent à l’Occident précisément de vouloir
imposer ses propres normes en matière d’ordre religieux ?
Largement galvaudée d’une manière générale, et en particulier à
l’occasion de la guerre de 2003 en Irak, la notion de « prévention » est mal
intégrée dans les doctrines de lutte contre le terrorisme. Elle est utilisée
aussi bien pour qualifier des mesures visant à lutter contre la radicalisation
que pour l’élimination d’un terroriste. En réalité, il s’agit d’une notion
« fourre-tout » si large qu’elle exclut la mise en place de stratégies
efficaces.
Le point critique qu’il faut définir en premier lieu est celui de la prise de
décision terroriste : le moment où le terroriste ou la structure terroriste
décide de mener une action terroriste. Tout ce qui permet d’influencer cette
décision tombe dans le domaine de la prévention et du contre-terrorisme. Si
la décision terroriste est prise malgré tout, alors tout ce qui permet
d’empêcher la mise en œuvre de cette décision relève de la préemption et de
l’anti-terrorisme.
La maîtrise de la mondialisation
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17. Kadhim Shubber, « A simple guide to GCHQ’s internet surveillance programme Tempora »,
wired.com, 24 juin 2013.
18. Dianne Feinstein, “The NSA’s Watchfulness Protects America”, The Wall Street Journal, 13
octobre 2013.
Courtney Kube, “NSA chief says surveillance programs helped foil 54 plots”, NBC News, 27 juin
2013.
19. Travis Gettys, “Patrick Leahy calls out Obama administration on terror plots thwarted by NSA
spying”, rawstory.com, 2 octobre 2013.
20. Noel Brinkerhoff, “NSA Director Alexander Admits He Lied about Phone Surveillance Stopping
54 Terror Plots”, AllGov.com, 7 octobre 2013.
21. https://www.emptywheel.net/2013/07/17/what-does-the-government-consider-protected-first-
amendment-activities/
22. https://nsa.gov1.info/dni/boundless-informant.html
23. Floyd Rudmin, « Why Does the NSA Engage in Mass Surveillance of Americans When It’s
Statistically Impossible for Such Spying to Detect Terrorists ? », Counterpunch, 24 mai 2006.
24. https://fr.wikipedia.org/wiki/Conflit_nord-irlandais
25. http://www.preventionroutiere.asso.fr/Nos-publications/Statistiques-d-accidents
26. NdA: Ce chiffre est monté à 45 avec la tuerie de Chattanooga (juillet 2015) et San Bernardino
(décembre 2015).
27. Scott Shane, « Homegrown Extremists Tied to Deadlier Toll than Jihadists in U.S. Since 9/11” »,
The New York Times, 24 juin 2015.
28. Glenn Greenwald, « The Greatest Obstacle to Anti-Muslim Fearmongering and Bigotry: Reality »,
The Intercept, 24 juin 2015.
29. Julia Jones and Eve Bower, « American deaths in terrorism vs. gun violence in one graph », CNN,
3 octobre 2015.
30. « 1,052 mass shootings in 1,066 days: this is what America’s gun crisis looks like », The
Guardian, 3 décembre 2015.
31. Mass Shooting Tracker, Mass Shootings in 2015 (http://shootingtracker.
com/wiki/Mass_Shootings_in_2015).
32. « Rush to Support – Your State O Muslim », Dabiq Magazine, n° 4, septembre/octobre 2014
(1435), p. 44.
33. Lorenzo Franceschi-Bicchierai, “Small-Town Cops Pile Up On Useless Military Gear”,
Wired.com, 06.26.2012; Josh Sanburn, « This Is Why Your Local Police Department Might Have
a Tank », Time Magazine, 24 juin 2014.
34. Charles Kurzman and David Schanzer, Law Enforcement Assessment of the Violent Extremism
Threat, Triangle Center on Terrorism and Homeland Security, 25 juin 2015.
35. Nick Penzenstadler, « Lost, stolen, broken: TSA pays millions for bag claims, USA TODAY
investigation finds », USA Today, 2 juillet 2015.
36. « État d’urgence : la France prévient qu’elle ne respectera pas les Droits de l’homme »,
AFP/lepoint.fr, 27 novembre 2015.
37. Inspire Magazine, n° 14, été 2015, p. 61.
38. Adam Nossiter, « Response to Paris Attacks Points to Weaknesses in French Police Structure »,
The New York Times, 31 décembre 2015.
39. Alissa J. Rubin, « Muslims feel weight of French State of emergency », The International New
York Times, 18 février 2016, p. 1.
40. Quentin Warlop, « Assaut de Saint-Denis: le RAID s’est tiré dessus », RTBF, 3 février 2016.
41. http://airwars.org/data/(consulté le 6 mars 2016)
42. « In response to changed priorities, and decreased resources, the intelligence community’s analytic
cadre underwent changes in both its organization and its methodological orientation. Perhaps the
most significant change was the shift from long-term in-depth analysis in favor of more short-term
products intended to provide direct support to policy. » (Kerr Group, Intelligence and Analysis on
Iraq : Issues for the Intelligence Community, 29 juillet 2004)
43. Maggie Ybarra, « FBI admits no major cases cracked with Patriot Act snooping powers », The
Washington Times, 21 mai 2015 ; et Peter Bergen, David Sterman, Emily Schneider, and Bailey
Cahall, Do NSA’s Bulk Surveillance Programs Stop Terrorists ?, New America Foundation,
janvier 2014.
44. BBC News, « 9/11 hijackers on US no-fly list », 6 octobre 2006.
45. Gérard Prunier, « Sudan: genocide in Darfur », Le Monde Diplomatique, mars 2007.
46. UN Documents for Sudan (Darfur): Secretary-General’s Reports,
http://www.securitycouncilreport.org/un-documents/search.php?
ctype=Sudan%20(Darfur)&rtype=Secretary-General%27s%20Reports&cbtype=sudan-
darfur&search=%22Secretary-
General%27s%20Reports%22%20AND%20%22Sudan%20%28Darfur%29%22&__mode=tag&I
ncludeBlogs=10&limit=15&page=6
47. « Murder : New York City, Homicides 2003-2011 », The New York Times,
(http://projects.nytimes.com/crime/homicides/map)
48. « A Report into the credibility of certain evidence with regard to Torture and Execution of Persons
Incarcerated by the current Syrian regime », Carter-Ruck and Co. Solicitors, London
(CONFIDENTIEL) (http://static. guim.co.uk/ni/1390226674736/syria-report-execution-tort.pdf)
49. Bob Drogin, Nom de code: CURVEBALL, Altipresse, Levalois-Perret, juin 2014
50. Équivalent d’une directive présidentielle, mais de portée ponctuelle.
51. L’Executive Order 12333 du 4 décembre 1981.
52. Abu Musab al-Suri, « The Jihadi Experiences: Individual Terrorism Jihad and the Global Islamic
Resistance Units », Inspire Magazine, n° 5, printemps 2011, p. 32.
53. Greg Miller, « White House approves broader Yemen drone campaign », The Washington Post, 25
avril 2012.
54. Peter Baker, « Obama Apologizes After Drone Kills American and Italian Held by Al Qaeda »,
The New York Times, 23 avril 2015
55. Dan Roberts & Spencer Ackerman, « NSA mass phone surveillance revealed by Edward Snowden
ruled illegal », The Guardian, 7 mai 2015.
56. « Former NSA & CIA director : “We kill people based on metadata” », You-Tube, 11 jun 2014.
57. Andrew Blake, « Obama-led drone strikes kill innocents 90 % of the time: report », The
Washington Times, 15 octobre 2015.
58. http://www.thebureauinvestigates.com/2014/10/16/only-4-of-drone-victims-in-pakistan-named-as-
al-qaeda-members/(consulté le 25 janvier 2015)
59. NdA : Mokhtar Belmokhtar est réputé être un terroriste de la Base du Djihad au Maghreb
islamique. En réalité, c’est un personnage mal connu, dont la spécialité était la contrebande de
marchandises (y compris des cigarettes et des armes) dans le sud algérien. Son rôle exact dans des
entreprises terroristes n’a jamais été formellement établi et on lui « attribue » de nombreuses
actions, comme l’attaque de la base pétrolière d’Amenas en Libye. Incidemment, les opérations
qu’on lui attribue ne cadrent pas avec les autres actions islamistes et s’apparentent davantage à des
opérations de « simple » banditisme.
60. NdA : cette action a été menée par des avions F-15 et non par des drones, mais elle illustre la
politique américaine à l’égard des victimes.
61. « Mokhtar Belmokhtar : Top Islamist ‘killed’ in US strike », BBC News (US & Canada), 15 juin
2015.
62. Richard Spencer, « Mokhtar Belmokhtar has survived several previous claims to have killed
him », The Telegraph, 19 juin 2015 (http://www.telegraph.
co.uk/news/worldnews/africaandindianocean/libya/11686244/One-eyed-sheikh-Mokhtar-
Belmokhtar-alive-says-al-Qaeda.html)
63. Jack Serle, « More than 2400 dead as Obama’s drone campaign marks five years comments », The
Bureau of Investigative Journalism, 23 janvier 2014.
64. Jo Becker et Scott Shane, « Secret ‘Kill List’ Proves a Test of Obama’s Principles and Will », The
New York Times, 29 mai 2012.
65. Le cheikh Anwar al-Awlaki est un imam né aux États-Unis, considéré comme un spécialiste de
l’islamisme, il est invité au Pentagone peu après le 11 Septembre afin de présenter à des hauts
fonctionnaires la situation de l’islam radical dans le monde. Pon de l’Irak, le scandale d’Abou
Ghraïb et l’usage de la torture par les États-Unis le radicalisent et il s’expatrie au Yémen où il
devient l’un des théoriciens du Djihadisme. Il échappe à plusieurs attaques de drones jusqu’au 30
septembre 2011.
66. Department of Justice White Paper, « Lawfulness of a Lethal Operation Directed Against a U.S.
Citizen Who Is a Senior Operational Leader of AlQa’ida or an Associated Force », 4 février 2013.
67. Vincent Nouzille, Les Tueurs de la République, Fayard, 21 janvier 2015.
68. « Les frappes françaises en Syrie ont tué au moins 6 Français djihadistes », BFM TV, 17 octobre
2015.
69. Arab Barometer Survey Project - Yemen Report
(http://www.arabbarometer.org/sites/default/files/Yemenreport1.pdf)
70. Illusion of Justice : Human Rights Abuses in US Terrorism Prosecutions, Human Rights Watch, 21
juillet 2014.
71. Spencer Ackerman, « Government agents ‘directly involved’ in most high-profile US terror
plots », The Guardian, 21 juillet 2014.
72. « Report finds government agents ‘directly involved’ in many U.S. terror plots », Police State
USA, 31 juillet 2014. (http://www.policestateusa.com/2014/report-finds-fbi-plans-its-own-terror-
plots/)
73. David K. Shipler, « Terrorist Plots, Hatched by the F.B.I. », The New York Times, 29 avril 2012.
74. Jonathan Dienst, Tom Winter and Tracy Connor, « ISIS Lover Emanuel Lutchman Planned New
Year’s Machete Attack:FBI », CBS News, 31 décembre 2015.
75. Trevor Aaronson, The Terror Factory: Inside the FBI’s Manufactured War on Terrorism, Ig
Publishing, January 2013; voir également la video : « The FBI is Responsible for More Terrorism
Plots in the United States than any other Organization. More Than Al Qaeda, More Than Al
Shabaab, More Than the Islamic State, More Than All Of Them Combined », WashingtonsBlog, 5
juin 2015.
76. Groupe des 28 pays de l’Union européenne, plus la Norvège et la Suisse, créé en 1971 pour
échanger des renseignements sur le terrorisme international.
77. Groupe de pays, créé en 1977, échangeant régulièrement des informations sur le terrorisme
international. Ses réunions sont secrètes. Les pays membres de Kilowatt sont : l’Allemagne, la
Belgique, le Canada, le Danemark, la France, l’Irlande, Israël, l’Italie, la Grande-Bretagne, le
Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse et les USA.
78. Sunday Times, 6 septembre 2002.
79. Gordon Thomas, Globe-Intel, 6 septembre 2002.
80. Guillaume Dasquié, « 11 Septembre : les Français en savaient long », Le Monde, 16 avril 2007.
81. Final Report of the National Commission on Terrorist Attacks upon the United States, The 9/11
Commission Report, Authorized Edition, W.W. Norton & Company, New York, 2004.
82. Voir James R. Van de Velde, « Camp Chaos : U.S. Counterterrorism Operations at Guantanamo
Bay, Cuba », International Journal of Intelligence and CounterIntelligence (IJIC), 23 février
2005, vol. 18, Nr. 3, automne 2005.
83. Selon les conventions de Genève, lorsqu’il y a un doute sur le statut de prisonniers capturés au
combat, ceux-ci doivent être traités comme des prisonniers de guerre, en attendant qu’un tribunal
compétent précise leur statut. (Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre du 12 août 1949, article 5)
84. Martin Bright, « Guantanamo has « failed to prevent terror attacks » », The Observer, 3 octobre
2004.
85. Ibid.
86. https://www.aclu.org/feature/close-guantanamo?redirect=closegitmo
87. Elizabeth Bumiller, « Later Terror Link Cited for 1 in 7 Freed Detainees », The New York Times,
20 mai 2009.
88. Seymour M. Hersh, « Selective Intelligence », The New Yorker, 12 mai 2003.
89. Pour la petite Histoire, la Maison Blanche a refusé de remettre à la Commission d’enquête du
Sénat le PDB en question – même sous la protection d’une classification – et n’a fait qu’en
reconnaître l’existence.
90. Aux États-Unis, la coordination de la Communauté du Renseignement (Intelligence Community)
était l’affaire du directeur de la Central Intelligence Agency jusqu’en 2004, puis – conséquences
des réformes consécutives au 11 Septembre – cette tâche a été attribuée à un directeur du
Renseignement national (Director of National Intelligence – DNI).
91. Il faut noter ici que les Taliban afghans n’ont jamais été considérés comme une organisation
terroriste par la Maison Blanche, ni par le Département d’État (voir
http://www.state.gov/j/ct/rls/other/des/123085.htm), même si le Département du Trésor les
considère comme un groupe qui mérite les mêmes sanctions qu’un groupe terroriste.
92. Memorandum du 7 février 2002, qui sera réaffirmé dans l’Ordre Exécutif 13440 du 20 juillet
2007. Voir le document original : https://www.gpo.gov/fdsys/pkg/FR-2007-07-24/pdf/07-3656.pdf
93. John Barry, Michael Hirsh & Michael Isikoff, « The Roots of Torture », Newsweek, 24 mai 2004.
94. AR 15-6 Investigation of the 800th Military Police Brigade, Investigating Officer MG ANTONIO
M. TAGUBA, Deputy Commanding General Support, Coalition Forces Land Component
Command, DODD0A-000248, 27.05.2004. (NdA: Le (S) signifie que le paragraphe est secret)
95. Déclaration de l’un des terroristes sur la vidéo de la décapitation de Nicolas Berg (Iraq
Occupation Watch Center, San Francisco, Californie).
96. Mattew Alexander (pseudonyme d’Amy Goodman), « I’m Still Tortured by What I Saw in Iraq »,
Washington Post, 30 novembre 2008.
97. https://www.youtube.com/watch?v=5rXPrfnU3G0 (vu plus de 15 millions de fois au 20 février
2016)
98. Bradley Manning: a sentence both unjust and unfair, The Guardian, 21 août 2013.
99. Senate Select Committee on Intelligence, « Committee Study of the Central Intelligence Agency’s
Detention and Interrogation Program », 3 décembre 2014 (téléchargeable sur
http://fas.org/irp/congress/2014_rpt/ssci-rdi.pdf).
100. Art 2, al. 2, « Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants », adoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée
générale des Nations unies le 10 décembre 1984, entrée en vigueur: le 26 juin 1987.
(http://www.ohchr. org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CAT.aspx)
101. Philip Ross, « Who Are Jim Mitchell And Bruce Jessen? CIA Torture Psychologists Were
Experts In Communist Chinese Interrogation », International Business Time, 10 décembre 2014.
102. Associated Press, 24 avril 2002.
103. Richard Norton-Taylor, « Waterboarding is no basis for truth », The Guardian, 9 novembre 2010.
104. Interview de l’un des interrogateurs (Associated Press, 24 avril 2002).
105. Richard Norton-Taylor, op. cit.
106. Email du 31 juillet 2003 de John Rizzo, cité par Mme Feinstein devant le Congrès le 9 décembre
2014.
107. Audrey Gillan, « Judges in row over torture ruling », The Guardian, 12 août 2004.
108. Son nom complet est « Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools
Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act of 2001 » (Acte de 2001 pour unir et renforcer
l’Amérique en fournissant les outils adaptés nécessaires pour intercepter et empêcher le
terrorisme).
109. Ce supplice, souvent traduit par « simulation de noyade », correspond au supplice de la
« baignoire » jadis utilisé par la Gestapo.
110. Dexter Filkins, « Khalid Sheikh Mohammed and the C.I.A. », The New Yorker, 31 décembre
2014.
111. Spencer Ackerman, Dominic Rushe, & Julian Borger, « Senate report on CIA torture claims spy
agency lied about ‘ineffective’ program », The Guardian, 9 décembre 2014.
112. « Iman Defeats Arrogance », Inspire Magazine, n° 12, printemps 2014, p. 11.
113. Eliott C. McLaughlin, « Paris terror attack suspect may be in Syria », CNN, 30 novembre 2015.
114. Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), note d’analyse,
« Comment lutter efficacement et durablement contre le terrorisme ? », Bruxelles, 27 septembre
2001.
115. La simple notion d’« assurance » est controversée par certains fondamentalistes islamiques, car
interprétée comme une tentative de corriger la décision de Dieu.
116. La notion de « droit » ou « devoir d’ingérence humanitaire » est attribuée à Bernard Kouchner,
homme politique français, co-fondateur de Médecins sans frontières et à Mario Bettati, professeur
de droit international public à l’université Paris II à la fin des années 80.
117. Military intervention against ISIL
(https://en.wikipedia.org/wiki/Military_intervention_against_ISIL) (Note de l’auteur : après
détection de cette erreur de Wikipédia par l’auteur, suite à une action du ministère suisse des
Affaires étrangères, la mention de la Suisse a été supprimée de la page en question le 11 décembre
2015)
118. Op. cit.
119. Female genital mutilation (https://en.wikipedia.org/wiki/Female_genital_mutilation)
120. C’est notamment grâce aux ONG que l’élimination des mines antipersonnel a pu faire l’objet
d’un accord international (Traité d’Ottawa – 1997).
121. International Center for Not-for-Profit Law (ICNL), NGO Law Monitor: Afghanistan, 6
novembre 2015 (http://www.icnl.org/research/monitor/afghanistan.html).
122. Arundhati Roy, « Les périls du tout-humanitaire », Le Monde Diploma-tique, octobre 2004, p. 24.
123. Sarah V. Marsden, « Little evidence to show that prisons have become ‘universities of terror’ »,
Radicalisation Research, 24 novembre 2015
(http://www.radicalisationresearch.org/debate/marsden-prisons-radicalisation/)
124. Voir, par exemple : Expert Group on Violent Radicalisation, « Radicalisation Processes Leading
to Acts of Terrorism », Submitted to the European Commission, 15 mai 2008.
125. « Portiques de sécurité pour les Thalys : ce sera comme pour l’Eurostar de Londres », RTBF, 25
novembre 2015.
126. Son nom complet est « Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools
Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act of 2001 » (acte de 2001 pour unir et renforcer
l’Amérique en fournissant les outils adaptés nécessaires pour intercepter et empêcher le
terrorisme).
127. Témoignage du lieutenant-général Michael V. Hayden (USAF), Directeur de la National Security
Agency (NSA) et Chef du Central Security Service devant la Commission d’Enquête Conjointe de
la Commission Spéciale du Sénat sur le Renseignement et la Commission Spéciale de la Chambre
des Représentants sur le Renseignement (Joint Inquiry of the Senate Select Committee on
Intelligence and House Permanent Select Committee on Intelligence), 17.10.2002, paragraphe 39.
(https://www.nsa.gov/public_ info/speeches_testimonies/17oct02_dirnsa.shtml)
Conclusions
Sun Tsu1
Sun Tsu8
Mener le Djihad en Occident n’est donc qu’une manière d’agir sur nos
arrières, exactement comme les Alliés l’ont fait en bombardant les
populations civiles allemandes en 1942-1945, afin d’affaiblir leur soutien au
régime nazi. Ainsi, comme on l’a vu, les priorités du terrorisme individuel
ne sont pas en Occident, mais au Proche et Moyen-Orient. Actuellement,
l’objectif de l’État islamique est de s’installer comme « État » et de
consolider sa présence. Dans le processus de genèse du Califat défini par
l’État islamique, on se situe entre les phases de déstabilisation et de
consolidation (Tamkin). Ces phases décrivent clairement un mécanisme
dans un environnement proche-oriental – avec des forces rivales, des
gouvernements à la solde de l’étranger et une présence militaire étrangère –,
et non en Occident15.
Les motifs pour lesquels la France a voulu s’engager en Irak et ses
objectifs stratégiques n’ont pas vraiment fait l’objet d’un débat politique.
Aucune personnalité politique (à l’exception du Front National) n’a remis
en question ces déplorables et coupables décisions de politique étrangère…
Bien au contraire, on tend à s’enfoncer davantage dans les mêmes
errements.
Aux États-Unis, le débat sur la politique à l’égard du Moyen et Proche-
Orient se développe au gré des rivalités politiciennes, et suit le calendrier
des élections présidentielles. En 2014-2015, l’approche de la fin du second
mandat du Président Obama engendre les plus vives critiques de la part des
Républicains, qui n’ont cependant aucun regard critique sur les causes de la
situation actuelle, clairement imputables au « ticket Bush-Cheney ».
Il est urgent de comprendre que nous nous sommes engagés dans une
spirale de la violence, déterminée par l’asymétrie de la stratégie adverse et
alimentée par nos actions, et qui ne nous conduit nulle part. Pour la casser,
il nous faudrait admettre que notre usage de la force ne conduit à rien, et
accepter que ceux que nous combattons installent leur propre manière de
gouverner, qu’elle nous plaise ou non. Le problème est que, ce faisant, nos
décideurs courraient le risque de donner l’impression de céder aux
« terroristes ». À moins de saisir l’opportunité de changements politiques
dans les puissances occidentales, nous sommes condamnés à vivre avec des
crises que nous avons créées, et que nous sommes conduits à envenimer.
Muhammad
Chauffeur à Kaboul
Donald Rumsfeld20
À LA RECHERCHE DE SOLUTIONS
S’il y avait le plein-emploi à des salaires décents en
Irlande du Nord, l’IRA serait-elle aussi active ? Si le
gouvernement d’Israël autorisait simplement la liberté de
commerce sur une base égale avec les Palestiniens, est-ce
que leur inclination envers le terrorisme serait aussi
grande ? […] Le terrorisme est probablement faux dans
toutes les circonstances, mais il y en a trop dans lesquelles
il peut être compréhensible, peut-être même pardonnable.
Nous devons faire ce que nous pouvons pour minimiser les
« circonstances » de cette sorte27.
Jan Narveson
Les évidences sur lesquelles nous basons nos jugements ne sont souvent
que des perceptions et ne reflètent pas nécessairement la réalité objective
des choses. Mais on peut admettre que d’autres – en particulier nos
adversaires – puissent avoir une lecture différente de la réalité, voire
développer une vision plus objective que nous de cette même réalité.
L’opinion publique occidentale reste convaincue de la culpabilité
d’Oussama Ben Laden dans le 11 Septembre, malgré l’absence totale de
preuves matérielles et les affirmations mêmes des Américains qui le
disculpent depuis 2006 au moins. Ce simple fait devrait éveiller notre
attention et nous rendre plus prudents.
Si les Européens continuent à se faire littéralement mener par le « bout
du nez » par les États-Unis, c’est essentiellement parce qu’ils n’ont pas su,
en plus de 20 ans, développer des capacités analytiques de renseignement
capables de question-ner les divers aspects stratégiques de la guerre. Dans
chaque cas, les répercussions et conséquences des crises étaient connues ou
prévisibles.
Les événements de 2001, 2004, 2005 ou 2015 ont, à juste titre,
provoqué notre émoi et notre compassion. Mais fai-sons-nous preuve de la
même sollicitude à l’égard des victimes innocentes que nous causons, sans
aucune raison, dans des opérations que nous avons déclenchées ou
autorisées en toute connaissance de cause ? Nous entraînons des
combattants à achever les prisonniers, nous attaquons des pays et
renversons des gouvernements au mépris du droit international. Si les armes
deviennent plus précises, les méthodes de ciblage par des « combattants »,
bien à l’abri à des milliers de kilomètres du champ de bataille, ont accru le
nombre de victimes civiles en nous forgeant une image de lâches… pas très
différente de ce que recouvre la notion de « terroristes »…
Le problème ne se situe pas seulement dans les conflits ouverts, mais
également dans la multitude d’actions politiques maladroites qui
contribuent à la radicalisation des jeunes et dont nous avons déjà mentionné
certaines. À cela s’ajoutent des événements mineurs dans leur essence, mais
qui tendent à alimenter ce processus, comme les images de ces Israéliens,
qui viennent se distraire en regardant et en applaudissant les
bombardements sur Gaza28, ou l’audition au commissariat de police de
Nice d’un enfant de 8 ans, qui aurait tenu des propos solidaires des auteurs
des attentats de janvier 2015 à Paris29.
Le monde occidental – et donc, en majorité chrétien – est certes
considéré comme un ennemi par les Djihadistes, pour les raisons vues
précédemment. Toutefois, dans cette situation, il faut se garder de faire des
amalgames trop faciles, qui ne font qu’accroître les tensions avec les
communautés musulmanes. Trois points méritent d’être soulignés :
En premier lieu, les musulmans – y compris les Djihadistes – ont du
respect pour les croyants quels qu’ils soient. Juifs, chrétiens et musulmans
sont tous des « peuples du livre » (Ahl al-Kitab) selon le Coran. Ainsi, des
personnages comme Jésus (Issa) ou Marie (Maryam) font aussi partie de la
religion musulmane, avec des rôles évidemment différents, mais importants.
En Syrie, le Front al-Nosrah, par exemple, comprend des Phalanges de
Jésus fils de Marie (Kataeb Issa bin Maryam). Dans le Califat tel qu’il
existait entre le VIIe et le XVe siècle, les chrétiens et les juifs avaient un
statut particulier (dhimmi), qui les dispensait de l’impôt religieux
obligatoire pour les musulmans (zakat), mais les soumettait à un impôt
particulier (jizyah) et leur interdisait de faire partie de l’armée. Mais il n’y
avait pas de politiques de conversions forcées, comme les ont pratiquées les
Chrétiens en Amérique du Sud ou en Espagne.
En deuxième lieu, et dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, ce
que les Djihadistes reprochent aux Occidentaux en général est leur abandon
des pratiques religieuses, raison pour laquelle ils nous qualifient volontiers
d’« apostats ». La notion de laïcité est souvent perçue et instrumentalisée
dans une perspective « marxiste ». Nous avons tendance à comprendre la
laïcité comme une sorte de « page blanche » qui doit faciliter la
communication entre communautés et qui nous conduit parfois à « laïciser »
des fêtes religieuses chrétiennes et en oublier leur sens profond. C’est une
erreur que d’abandonner les symboles traditionnels chrétiens, (comme la
crèche de Noël), ou de renommer des manifestations comme on l’a vu dans
certaines communes de France et de Belgique (comme le « marché de
Noël » à Bruxelles, qui devient les « Plaisirs d’Hiver »). Dans des régions
où l’on a délibérément encouragé une immigration musulmane, il faut
l’assumer, mais pas au détriment des autres croyances, bien au contraire.
Sans quoi, nous alimentons l’image que les islamistes ont de notre
« apostasie », et contribuons – sur le plan stratégique – à leur radicalisation.
La diversité n’est pas un choix entre deux cultures, mais leur coexistence
acceptée et raisonnable.
En troisième lieu, à tort ou à raison, le monde tend à fonctionner au
diapason occidental : en droit international, dans le commerce, dans la
culture, dans les habitudes alimentaires, en économie, dans les mœurs, etc.
En Europe, cette « uniformisation » génère un sentiment croissant de perte
d’identité et de souveraineté au profit d’une situation qui n’est pas
meilleure, alimentant ainsi les mouvements politiques souverainistes et
indépendantistes. Au Proche-Orient, cette tendance a été accentuée par des
interventions militaires, dont le but avoué était de transformer les sociétés et
d’y imposer des standards occidentaux. Dès lors, l’objectif du Djihad est
d’empêcher cette « occidentalisation » forcée de la société ; même si dans
ce contexte les Chrétiens représentent l’ennemi, il ne s’agit pas de détruire
leur (notre) société.
Actuellement en Occident, nous avons tendance à mélanger deux
phénomènes pourtant distincts par essence : l’immigration musulmane et le
terrorisme. Les deux ont été et continuent à être piètrement gérés, et leur
convergence aujourd’hui à travers des actes violents n’est que la
conséquence du manque de vision politique à long terme de nos dirigeants,
plus le résultat d’une grande stratégie islamiste pour subjuguer l’Occident.
En refusant de chercher à expliquer le terrorisme – comme Manuel Valls le
préconise – les gouvernements occidentaux entretiennent une confusion qui
masque leurs erreurs stratégiques. Ce déni accentue les tensions internes de
la société, et autorise des affirmations simples (comme l’interdiction du
territoire américain aux musulmans proposée par le candidat à la présidence
des États-Unis, Donald Trump30) qui tendent à encourager la radicalisation
et, à terme, le terrorisme.
Saint Augustin
La dimension asymétrique des conflits est exacerbée par un accès
illimité à l’information et doit nous inciter à avoir une réflexion stratégique
« en creux ». La liberté d’expression n’est pas un but en soi. Elle a pour
objectif de lutter contre l’obscurantisme et la dictature. Elle n’est pas à
géométrie variable et la limiter ne fait que favoriser la radicalisation, les
sentiments d’injustice. En France, c’est la leçon des épisodes Dieudonné et
Charlie Hebdo : ce qui génère les postures radicales n’est pas le discours
lui-même, mais le « deux-poidsdeux-mesures » qui accompagne son
jugement. La démocratie et ses arguments doivent être suffisamment forts
pour être amenés dans la discussion, sans nécessiter des législations qui
canalisent les points de vue – comme les lois mémorielles. Le problème est
qu’à force d’avoir dissimulé les réalités derrière des apparences de vérités,
nos démocraties ont perdu de leur force.
Le terrorisme est une chose inadmissible, mais ne faisonsnous pas tout
pour le provoquer ? L’étude de ces 35 dernières années nous montre
qu’aucune de nos interventions militaires n’était nécessaire, que toutes ont
été des tentatives de régler des problèmes créés précédemment et justifiées
par des mensonges, que nous avons acceptés et diffusés, sans nous poser de
questions, et pour lesquels nous, citoyens, n’avons demandé aucun compte
à nos autorités. Nous ne connaîtrons jamais le nombre de victimes
innocentes que nous avons tuées en Afghanistan, en Irak et en Syrie, les
estimations (sans compter les effets des embargos) tournent autour de 250
000 femmes, enfants, mères, sœurs, maris, fils… sans raison ! et sans
résultat, car tous ces engagements se sont soldés par des défaites et une
aggravation du sort de ceux que l’on voulait aider.
L’indifférence qu’oppose l’Occident aux victimes qu’il génère dans le
monde, et le souci qu’il a d’exalter ses propres victimes dans un « deux-
poids-deux-mesures » flagrant ici aussi, ne sont plus acceptés par des
opinions publiques qui suivent en détail les évolutions du monde et
perçoivent ces incohérences.
Combien avons-nous déposé de fleurs, allumé de bougies, et versé de
larmes pour les 500 000 enfants irakiens morts à cause de notre embargo,
seulement coupables d’être nés sous une dictature ?
Anticiper
« Plutôt que de penser qu’ils ne viendront pas, Nous
attendrons qu’ils apparaissent. »
« Plutôt que de penser qu’ils n’attaqueront pas, Nous
apparaîtrons à l’endroit qu’ils ne pourront pas attaquer. »
Sun Tsu
L’Art de la Stratégie (Livre
Vlll)
1. Sun Tsu, The Art of Strategy, (traduit par R.L. WING), New York, 1988, Livre III.
2. Philip Smith, Why War? - The Cultural Logic of Iraq, the Gulf War, and Suez, University of
Chicago Press, 2005.
3. Pauline Fréour, « 2012 : un sondage donne Le Pen devant DSK et Sarkozy », lefigaro.fr, mis à jour
le 8 mars 2011.
4. Maxime Vaudano, « Chômage : le biais de François Hollande », lemonde.fr, 29 juillet 2015.
5. Nous admettrons ici que pour les États-Unis, l’intervention en Irak pouvait constituer une sorte
d’obligation morale, compte tenu que le problème est arrivé en raison de leur manque de
jugement.
6. The XX Committee, The Lessons of Mali, 16 janvier 2013
(http://20committee.com/2013/01/16/the-lessons-of-mali/)
7. Interview de Manuel Valls, France Inter, 11 décembre 2015.
8. Sun Tsu, L’art de la Guerre, Wikisource (https://fr.wikisource.org/wiki/L%E
2%80%99Art_de_la_guerre). (Sun Tsu, Chapitre 12 – L’essence du triomphe, The Art of Strategy,
traduction de R.L. Wing, Dolphin/Doubleday, New York, 1988).
9. « Pour Valls, il ne peut y avoir d’ “explication” possible aux actes des Djihadistes », lefigaro.fr, 9
janvier 2016.
10. Ibid.
11. « Either you are with us or you are with the terrorists », YouTube
(https://www.youtube.com/watch?v=cpPABLW6F_A)
12. « The Extinction of the Grayzone », Dabiq Magazine, n° 7, p.54.
13. « The Extinction of the Grayzone », Dabiq Magazine, n° 7, p.66.
14. Vice Emir de la Base du Djihad dans la Péninsule Arabique, Inspire Magazine, n° 2, automne
2010, p. 44.
15. Voir « From Hijra to Khilafat », Dabiq Magazine, n° 1, pp. 34-40.
16. « Afghan conflict: What we know about Kunduz hospital bombing », BBC News, 25 novembre
2015.
17. Rod Nordland, « U.S. General Says Kunduz Hospital Strike Was ‘Avoidable’ », The New York
Times, 25 novembre 2015.
18. Christopher Hope, « Tony Blair “could face war crimes charges” over Iraq War », The Telegraph,
6 janvier 2015.
19. « UK government dismisses petition to arrest Netanyahu », Times of Israel, 26 août 2015.
20. Mémorandum du 16 octobre 2003, de Donald Rumsfeld (Secrétaire à la Défense), adressé à
diverses personnalités du département de la Défense : général de l’Air Force Richard Myers, chef
du Joint Chiefs of Staff; vice-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz; général des Marine Peter
Pace, vice-chef du Joint Chiefs, et Douglas Feith, sous-secrétaire à la Défense pour la Stratégie
(USA Today, 22 octobre 2003).
21. NOVOpress, « Djihad : en 18 mois, +100 % de combattants Français en Syrie, +200 %
d’“impliquées” », 19 mai 2015.
22. http://www.dailymotion.com/video/x2qnlp1_Djihadisme-le-nombre-defrancais-impliques-en-
hausse-de-203-par-rapport-a-2014_news
23. Eric Schmitt, « In Battle to Defang ISIS, U.S. Targets Its Psychology », The New York Times, 28
décembre 2014.
24. La « Loi de Parkinson », énoncée en 1955, stipule qu’une « tâche nécessite toujours tout le temps
dont on dispose pour l’effectuer ».
25. « Le Renseignement est pieds et poings liés », 20 Minutes, 17 novembre 2015.
26. En France : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la Direction du
renseignement militaire (DRM) ; en Grande-Bretagne : le Secret Intelligence Service (SIS) ; en
Italie : l’Agenzia per le Informazioni e la Siccurezza Esterna (AISE) ; aux États-Unis : la Central
Intelligence Agency (CIA) ; en Allemagne : le Bundesnachrichtendienst (BND).
27. Jan Narveson, « Terrorism and Morality », Violence, Terrorism, and Justice, Ed by R.G. Frey &
Christopher W. Morris, Cambridge University Press, New York, 1991.
28. https://www.youtube.com/watch?v=pFdBtZgnHlE
29. « Âgé de 8 ans, il est entendu pour apologie du terrorisme », Europe 1, 29 janvier 2015.
30. Patrick Bèle, « Donald Trump veut interdire l’entrée des musulmans aux États-Unis », lefigaro.fr,
8 décembre 2015.
31. Conseil de l’Union européenne, 30 novembre 2005 – Stratégie de l’Union européenne visant à
lutter contre le terrorisme (http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?
uri=URISERV%3Al33275).
32. Shlomo Shamir, « Study: Israel Leads in Ignoring Security Council Resolutions », Haaretz, 10
octobre 2002.
TABLE DES MATIÈRES
Préambule
LES ACTEURS
Les États-Unis
Une histoire de manipulations
Des intérêts sans stratégie
Le bouleversement programmé du Moyen-Orient
Israël
Une Histoire entre mythes et réalités
Territoires occupés et frontières
La stratégie du chaos
L’Iran
L’Iran et son environnement stratégique
Un contexte régional bouleversé
La Turquie
L’Arabie Saoudite et les Émirats
LE CONSTAT
Une société en mutation
Une vision ethnocentrique du monde
Le nouveau logiciel de nos sociétés
Le mythe de la puissance américaine
Le mirage du renseignement électronique
Quelle sécurité ?
Les services de renseignement
Un déficit analytique chronique
« Intelligence-led Operations »
Le renseignement et la lutte contre le terrorisme
Guantánamo
La conduite de la guerre
La torture – Erreur tactique et trahison stratégique
Contre-terrorisme ou antiterrorisme ?
L’action préventive : le contre-terrorisme
L’action préemptive : l’antiterrorisme
CONCLUSIONS
L’agressivité, symptôme de faiblesse gouvernementale
Comprendre n’est pas accepter
Comprendre le changement de paradigme
La dimension asymétrique de la guerre
Une faiblesse chronique – le renseignement stratégique
À la recherche de solutions
Poser le problème correctement
Adopter une attitude critique
Anticiper
Achevé d’imprimer par
Laballery,
en avril 2016
N° d’imprimeur : 603411
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