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1e Séquence 1 : objet d'étude : la poésie du XIXe au XXIe siècle. Parcours : modernité poétique ?

3e texte principal pour l'oral de l’œuvre intégrale du programme national :


Alcools de G. Apollinaire, 1913 explication linéaire : « Nuit rhénane», p. 90-91 de l'éd° Carrés Nathan.

Nuit rhénane

1 Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d'un batelier1
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes2
Tordre leurs cheveux verts3 et longs jusqu'à leurs pieds

5 Debout chantez plus haut en dansant une ronde


Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent 4


10 Tout l'or des nuits5 tombe en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir6
Ces fées aux cheveux verts qui incantent7 l'été

13 Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

1 Pilote de bateau sur un fleuve.


2 Ces femmes sont sans doute les « Filles du Rhin », ondines de la mythologie germanique qui gardent, sur ordre de leur
père, le Rhin et l'or qu'il a caché au fond de ce fleuve. Ces nymphes aux longs cheveux provoquent le naufrage des marins
par leur chant.
3 Couleur attribuée par les Latins aux cheveux des divinités des mers et des fleuves
4 Se reflètent, se contemplent.
5 Allusion à L'Or du Rhin (1869), opéra de Richard Wagner qui met en scène de jeunes déesses sur les bords du Rhin, faisant
perdre la raison aux hommes.
6 Néologisme d'Apollinaire , qui associe le râle (son rauque que fait entendre un homme à l'agonie) et la mort. Ce verbe
concentre le grain de voix et l'effet de mort qu'il produit.
7 Enchantent, charment, au sens fort de produisent un envoûtement, un sortilège par la parole.
1e Séquence 1 : objet d'étude : la poésie du XIXe au XXIe siècle. Parcours : modernité poétique ?
3e texte principal pour l'oral de l’œuvre intégrale du programme national :
Alcools de G. Apollinaire, 1913 explication linéaire : « Nuit rhénane», p. 90-91 de l'éd° Carrés Nathan.

Pour l'introduction :
- proposer des éléments de présentation portant sur auteur, puis œuvre puis poème ( forme et sujet) :
*Guillaume Apollinaire, auteur du début du XXe siècle, est considéré comme un poète charnière dans
l'évolution du genre poétique, à la fois gardant des traces de la tradition poétique et de son lyrisme et aussi tourné vers la
modernité.
*Le recueil Alcools paru en 1913, constitué d'une cinquantaine de poèmes écrits entre 1898 et 1912, est marqué
par cette ambivalence.
* Le poème "Nuit rhénane » est paru en 1911. Il ouvre les « Rhénanes », cycle de 9 poèmes écrits lors du séjour
qu'Apollinaire fit, en 1901-1902, en Rhénanie, où il était précepteur. Il avait projeté une publication indépendante de cet
ensemble de poèmes sous le titre Le Vent du Rhin. Ce poème est constitué de 13 alexandrins, répartis en 3 quatrains et 1
monostiche, en rimes croisées. Il est inspiré au poète par les légendes rhénanes
- proposer 1 pblmatique qui servira de fil conducteur à l'explic linéaire : En quoi ce poème, mêlant tradition et
modernité, est-il le lieu d'un envoûtement dans lequel l'ivresse représente le pouvoir de la poésie ?
- identifier les grands mouvements du texte : La composition du poème marque les étapes d’un enchantement :
* 1er mouvement :1e § : la chanson du batelier ou l’univers envoûtant des légendes rhénanes : sous l'effet
du vin et du chant, entrée dans l’enchantement avec la vision des ondines
* 2e mouvement : 2e§ : la résistance, l’appel au réel rassurant : tentative de conjuration de
l’enchantement
* 3e mouvement : 3e § : progression de l’ivresse qui se communique à la nature : retour du chant du
batelier avec développement de cet univers légendaire
*4e mvt :dernier vers : le retour au réel : rupture de l’enchantement et de l’ivresse

Développement de l'explication linéaire par mouvement


citation procédés interprétations
titre : GN Situe d'emblée géographiquement dans un cadre réaliste ce qui va être raconté
Nuit rhénane nom + adjf et le situe aussi dans le temps : nuit = espace du rêve et de l'irrationnel
épithète → donne un cadre spatio-temporel au poème, d'emblée ambivalent

1er mvt : 1e § : La chanson du batelier ou l’univers envoûtant des légendes rhénanes : le poète, probablement
attablé dans une taverne, entend la chanson d’un batelier : sous l'effet du vin et du chant, entrée dans
l’enchantement avec la vision des ondines, entrée dans l'univers des légendes .
Verre/ vin Ch lex de l'alcool Écho, lien avec titre du recueil par le thème de l'ivresse :
c'est par l'ivresse que le poète va rentrer dans le monde imaginaire
Mon verre est Dét poss 1e pers du Prise de parole du poète, évocation d'une expérience personnelle, lyrisme
sing
+ présent d'énonciation
Un vin trembleur comparaison Association de l’alcool et du feu = alliance fréquente ds Alcools : ce qui brûle.
comme une Ivresse créatrice d'images nouvelles car comparaison étonnante ici.
flamme L'adjf « trembleur » au sens propre (le vin qui bouge remue dans le verre)
évoque une flamme vacillante → aussi image de fragilité, d'instabilité physique,
ou de vision trouble justement causée par l'ivresse. C’est donc par le
tremblement que ce lien se fait : le « vin » tremblant à l’image d’une « flamme
» qui oscille dans l’air. On peut comprendre cette comparaison de deux manières
différentes, suivant le sens que l’on donne à l’adjectif « trembleur » : soit le vin
semble bouger légèrement, en tanguant dans le verre, soit il est effrayé, tremble
de peur – et il faut alors voir dans cette comparaison un hypallage qui désigne
l’état d’esprit du poète plus que celui de sa boisson.
comparaison qui se base sur une impression visuelle : éclat intermittent du vin
qui brille à travers les facettes du verre mais aussi ardeur enivrée et dangereuse
( flamme) et une inquiétude ( trembleur)
Écoutez la Verbe à l'impératif 2e Appel (mystérieux car destinataire non explicité) à entendre un autre chant à
chanson d'un pers l'intérieur même du poème.
batelier ch lex de l'histoire hallucination auditive due à l'alcool ? Enchâssement des voix : batelier = 2e
+ qui raconte chantée narrateur, cumul de deux voix dans le poème. Chant : lyrisme traditionnel
Qui raconte.... Relative avec Développement du récit ( réellement chanté et donc entendu? Imaginé par le
pieds v .3 et 4 enjambement buveur ?) du batelier qui raconte son histoire légendaire
Sous la lune Ct de temps (et lieu) Univers mystérieux, nocturne, lune souvent associée à la magie, sorcellerie
avant le COD effet d'attente du sujet du chant
Avoir vu … 7 v. de perception + Le batelier se pose en témoin d'un événement
femmes COD avec chiffre Objet de la vision laissé en attente et mise en évidence en fin de vers avec
chiffre souvent considéré comme magique, sacré
Flamme/ femmes Paronomase à la rime Mise en relation flamme / femmes → ce qui brûle ?
Tordre leurs Verbe d'action Scène étrange : tordre signifie peut-être ici natter, tresser, mais connotation
cheveux verts et + COD = GN avec violente, en tt cas peu rassurante ici + expansion du nom cheveux = l'indice
longs jusqu'à leurs adjf de couleur + Ct C nous montrant que l'on a basculé dans le légendaire, dans le merveilleux alors
pieds de lieu que le nom sans connotation particulière « femmes » v.3 ne le laissait pas
penser : couleur surnaturelle des cheveux de ces femmes + longueur très
inhabituelle. Ne dit pas directement ondines = divinités de la mythologie
germanique vivant au fond du Rhin, comme si peur de les identifier, de les
nommer comme telles ? Cela reste implicite, car créatures à la fois belles et
maléfiques. Remarque : Apollinaire mêle plusieurs mythologies ici : essentiellt
germanique, mais le vert des cheveux renvoie à la mythologie romaine.
Ensemble de la 1e Nbreuses allitérations Texte lui-même très musical pour transmettre le chant dont il veut nous faire
strophe en [v], [f], [r] et [l] part ici
Vers 2 à 4 Double enjambement Phrase qui se prolonge pour matérialiser le rythme « lent » de la chanson du
batelier mais en même temps envoûtant ( pas de pause en fin de vers)

2e mouvement : 2e§ : La résistance, l’appel au réel rassurant : le poète tente, dans un sursaut, d’échapper à
l’envoûtement de la chanson, tentative de conjuration de l’enchantement.
debout adverbe Marque un ordre, une invitation à réagir, à se ressaisir
Chantez v. d'action à l'impératif /!\ ici retour de la parole du poète, qui émet lui aussi une forte
2e pers du pluriel demande + renvoi à l'origine antique de la poésie, à la lyre d’Orphée et
d'Apollon, et à son caractère chanté
Plus haut Comparatif de supériorité Invite à un AUTRE chant qui va couvrir le chant du batelier
En dansant une Ct C de manière Univers rassurant, réaliste → danses de village, espace protecteur du
ronde cercle
Que je n'entende Sub circonstancielle de but But, raison de cette demande d'un autre chant : refus d'entendre
plus le chant du (/!\ que ici = pour que) davantage celui du batelier et l'univers surnaturel qu'il développe
batelier avec négation absolue comme dans tte la strophe 2, alexandrins très réguliers par leur césure
COD écho au vers 2 à l'hémistiche, régularité liée au retour au réel
rythme binaire
Et mettez Conj de coordinat° Ajout par le poète d'une seconde injonction
+ nouveau verbe à l'impératif
Près de moi Ct C de lieu Proximité rassurante
Dansant une ronde Ch lex du réel Description stéréotypée de la villageoise allemande de l'époque :
+ les filles blondes/ adj de couleur jeunes filles avec des tresses blondes repliées ( macarons)
au regard immobile 2 Ct du nom regard sage ( noter l'emploi de « filles » et non plus de « femmes »
aux nattes repliées → enfants, aucun pvr de dangereuse séduction)
( femmes … Série d'antithèses Les deux expressions s'opposent presque mot à mot :
cheveux verts et Tordre ≠ au regard immobile : violence ≠ calme
longs jusqu'à leurs femmes au cheveux verts ≠ filles blondes : couleur surnaturelle ≠
pieds § 1) couleur réaliste et banale en Allemagne
≠ les filles longs jusqu' à leurs pieds ≠ nattes repliées : déploiement de la
blondes/ au regard chevelure ≠ sagesse, retenue
immobile aux => le poète veut voir apparaître des jeunes filles que tout oppose aux
nattes repliées ondines
Tte la § 2 Allitérations en [p]/ [b]/ [d]/[t] Permettent de marteler le rythme de la ronde des jeunes filles
Retour univers rassurant du réel par un effort pour échapper à l'irrationnel

3e mouvement : 3e§ : Retour du chant du batelier car développement univers légendaire et progression de
l’ivresse qui se communique à la nature : l’envoûtante chanson du batelier reprend le dessus et la magie s’étend
à tout le paysage, l’envoûtement s'étend.
Le Rhin le Rhin Toponyme Lien avec titres du poème et de la section « Rhénanes » : univers de légendes
est ivre v.9 répétition situé géographiquement, renvoi mythologie germanique.
personnification Répétition qui peut mimer le débit de parole d'une personne ivre, son
bégaiement : trait d'humour, ou expression de la surprise, voire de l'effroi :
car tout a perdu sa rassurante réalité ordinaire : ici fleuve qui prend vie par
sa personnification => progression de l’ivresse qui se communique à la
nature (+ renvoi à la mythologie germanique où le Rhin est une divinité donc
un être vivant).
Le Rhin est ivre Ch lex du vin, de l'ivresse La fin du vers permet de comprendre cette image : « où les vignes se mirent
où les vignes se avec échos sonores [i] et ». Le fleuve lui-même est « ivre » du reflet des vignes plantées sur ses
mirent v.9 [v] coteaux (détail réaliste, c'est une région viticole), qui semblent naître de ses
Tremblant v.10 dérivation propres eaux. Une équivalence se fait alors entre les liquides, eau du Rhin et
(+trembleur (v1)) vin du verre, qui se lit précisément dans le gérondif « en tremblant » qui
l'or v. 10 écho vers 1 « flamme » rappelle le « vin trembleur » du premier vers.
Cette strophe contient beaucoup d’échos avec la première : les vers 9 et 10
reprennent les motifs du vers 1 (« verre », « vin » / « ivre », « vignes » ; «
trembleur » / « tremblant » ; « flamme » / « or »)
L'or des nuits... Métaphore sous forme de Désigne les étoiles → parle d'une impression visuelle : le fleuve reflète le
périphrase ciel étoilé + expression calquée sur L'or du Rhin ,titre d'un opéra de Wagner
dont le sujet est la mythologie germanique et en particulier les ondines.
... tombe en Syntaxe, construction Constructions des phrases déstabilisantes : ici, comprendre tombe en
tremblant s'y de la phrase étrange, tremblant et en s'y reflétant → cela traduit à nouveau une parole ivre. De
refléter perturbée même pour la relative détachée de son antécédent v.9 (voir cit° en gras
chante […] ces COD détaché de son plus haut), et le 3e exemple
fées verbe
Se mirent/ s'y Ch lex de l'apparence, de Séduction des reflets trompeurs et vertige fasciné qui mène à une chute, ce
refléter l'illusion thème du reflet augmente le caractère irréel et flou du décor puisque celui-ci
en tremblant gérondif Ct C de manière devient double + écho au v.1
Tout/ tombe/ Allitération en [t] Aspect musical, comme une mélodie harmonieuse qui envoûte
tremblant/ refléter
Le Rhin est ivre Personnifications car C'est tout le paysage nocturne qui paraît prendre vie, s'animer, et même la
les vignes se éléments du décor sujets saison qui subit l'influence du chant magique. Cela gagne tout le paysage,
mirent de verbes d'action tout l’univers : c’est d’abord le fleuve, puis ses abords, puis le ciel nocturne
l'or des nuit tombe puis la saison. Ces figures animent le paysage et lui donnent un aspect
en tremblant surnaturel. → ivresse à son comble
l'été COD du verbe incanter
La voix chante Nouvelle dérivation Confirmation de la continuation du chant initial que le poète voulait
toujours ( + la adverbe de temps étouffer : « la chanson lente du batelier », mais le nom même a disparu,
chanson v.2) remplacé par le nom « voix », donc ce qui compte n'est pas l'identité de celui
qui chante mais le chant même et son contenu enchanteur + chant devenu
ainsi plus mystérieux, plus angoissant car devenu une voix anonyme, la
présence rassurante du batelier a disparu, de même que la voix du poète car
disparition de toute marque de personne : plus de je ni de vous ; le batelier
est devenu « la voix » et cette chanson semble interminable.
À en râle-mourir Ct C de manière + chant devenu aussi plus tragique par ce verbe composé créé par Apollinaire
contenant un néologisme qui traduit une menace de mort pour celui qui s'exprime car il évoque
l'agonie → fait de la chanson qqchose de dangereux, voire fatal, mais aussi
ivresse poétique source de création (ici par un néologisme)
Ces fées aux périphrase Désigne les ondines, en écho au vers 4 par la reprise de l’adjf de couleur,
cheveux verts mais ici emploi du nom fées qui rend totalement explicite l'appartenance de
ces femmes au monde surnaturel, caractère magique de la scène confirmé
Qui incantent l'été Sub relative Verbe au sens fort d'envoûter, pouvoir du chant des ondines : encore un chant
enchâssé à l'intérieur du poème : les figures légendaires sont elles-mêmes
émettrices d'une parole enchanteresse → femmes = figures légendaires et
envoûtantes, dont le pvr est similaire au charme du chant poétique.
(incantation = paroles qui vont permettre un acte magique)
Ensemble de la 3e Nombreuses allitérations Texte lui-même très musical pour transmettre le chant envoûtant dont il veut
strophe en [v], [f], [r] et [l] nous faire part ici, échos sonores § 1
L’univers surnaturel et l’ivresse ont eu raison des efforts du poète pour résister à l’enchantement.Cette reprise en expansion
des motifs de la première strophe montre la victoire de l’enchantement et de l’ivresse.

4e mouvement : Dernier vers : rupture de l’enchantement et de l’ivresse ; c'est le retour au réel. L'ivresse qui peut
sombrer dans l’engloutissement mortifère redevient, par son art, l'« eau de vie » et le poète reste maître du jeu.
Remarque générale sur ce monostiche : vers seul, → effet de surprise pour le lecteur car le poème prend fin
brutalement, impression d'inachevé par rapport à une forme traditionnelle (sonnet élisabéthain)
mon verre Anaphore v1 /homophonie Effet de boucle avec le début du texte par l'anaphore de « mon verre »,
s'est brisé Antithèse avec le v.1 mais opposition pour le reste car le verre, point de départ de l'expérience,
(≠ plein v1) v. au passé composé n'est plus. Au verre « plein » du début répond le verre « brisé ». Le seul
passé composé du poème marque bien l’achèvement de l’expérience. Si la
chanson s’arrête, c’est parce que le verre se brise en laissant échapper
l’alcool qu’il contient, permettant le retour du poète au réel, la fin brutale
de la rêverie .
C’est aussi la fin du poème, donc c'est aussi le vers qui se brise car «
verre » laisse aussi entendre « vers ». Le vers brisé serait-il le blanc qui
précède le vers 13 ? Ou le poème dans son ensemble ? Il s’achève au
moment même où le « verre » se brise, dans une équivalence troublante
entre l’écriture poétique et l’ivresse du poète(mise en abîme, cf v1). Le vers
est aussi brisé car il s'arrête là, alors que nous avions des quatrains dans les
trois autres strophes. Et avec un vers en plus, il constituerait un sonnet
élisabéthain* ( 3 quatrains à rimes croisées+ 1 distique à rime suivie)
Verre/ brisé/ rire Allitération en [r] Vers très sonore exprimant ainsi l'impression auditive du verre qui se casse
Brisé comme un Comparaison ( encore un // Joue sur le sens propre de éclat = morceau, qui fait le lien avec se briser =
éclat de rire avec vers 1) se casser en morceaux, et le sens figuré, présent dans l'expression éclat de
jeu sur sens propre et rire. L'enchaînement des mots produit une rupture de prévisibilité = un effet
figuré du nom éclat de surprise quand on lit le Ct du nom éclat : « de rire », qui clôt le texte
pour étonner le lecteur, image du jeu poétique qui est aussi rupture ici
Éclat de rire (qui comparant On peut s’interroger sur cet « éclat de rire » : rire de la fée qui a ensorcelé
rime avec « râle- le poète : les trois derniers mots du poème évoqueraient alors la joie cruelle
mourir ») de la puissance maléfique devant son triomphe ? ou bien PLUTÔT éclat de
rire qui vient conjurer le chant en « râle-mourir » (jeu à la rime), rire
libérateur et triomphal du poète : celui-ci affirme ainsi sa liberté de
créateur qui reste maître de l’enchantement et de la forme poétique (celle
de « l’éclat », du fragment, si chère à Apollinaire).

Conclusion :
Poème = jeu et réflexion sur la poésie à travers les figures concurrentes de la réalité et de l'imaginaire qui créent
un univers fantastique.
Dans une inspiration dionysiaque, il mêle le réalisme, le pittoresque à l’imaginaire et la poésie de l'enchantement à
l'humour.
L’ivresse due au vin peut être interprétée comme une métaphore de l’inspiration et de l'incantation poétiques, de
l'énergie créatrice.
Le vin, le chant du batelier et la poésie possèdent tous trois un pouvoir d’incantation, d’envoûtement, de griserie. En
transfigurant un paysage réel en une sorte de féerie légendaire, le poète propose une métaphore du pouvoir du langage.
Le génie poétique est précisément cette capacité à transfigurer le réel et les mots du réel en une vision fulgurante.
En cela, Apollinaire s’inscrit dans la lignée de ses illustres prédécesseurs (Baudelaire, Rimbaud ) à la source de la
modernité.
+ jeu avec tradition et modernité : La modernité du lyrisme poétique d’Apollinaire se lit particulièrement bien dans
ce poème qui entremêle références à l’héritage poétique et ouverture vers un renouveau. Les références anciennes sont
nombreuses et liées aux différentes mythologies, gréco-romaines et germaniques. C’est ce syncrétisme* qui les rend
modernes, en les faisant indissociables, comme dans l’image des sirènes aux cheveux verts. Par ailleurs, le lyrisme
antique est présent dans le thème du chant, de la musique, et là encore, il est renouvelé par l’approche plus dionysiaque
qu’en a le poète qui lie le chant et l’ivresse. Enfin, l’héritage des formes poétiques traditionnelles est subtilement présent
dans le nombre de vers : il ne manque qu’un vers, en effet, pour que le poème contienne les quatorze traditionnellement
associés à la forme du sonnet élisabéthain, d’autant plus que le poème est fait d’alexandrins et se clôt sur une chute.

Idée d'élargissement : Dernier vers, lien avec « Poème lu au mariage d'André Salmon », v.18-19 :
….............................................................................................................................................................................................
….............................................................................................................................................................................................
« Nuit Rhénane »

§1 Voix du poète qui nous incite à écouter


le chant du batelier

§2 Retour voix du poète qui demande un autre chant pour couvrir celui du batelier
et la vision surnaturelle qu'il développe

§3 Développement du chant du batelier


qui lui-même contient et devient celui des fées

§4 Retour de la voix du poète qui met fin à la vision par le rire


Grammaire
Dans la 1re strophe, on relève 2 verbes a l’infinitif :
– « avoir vu » : infinitif passe, complément du verbe « raconte » avec lequel il partage le même sujet (« Qui » = « un
batelier ») ;
– « Tordre » : infinitif présent constituant le noyau d’une proposition infinitive dont le sujet est « sept femmes », COD du
verbe de perception « avoir vu ».
Analyse syntaxique :
– « Écoutez la chanson lente d’un batelier » : proposition principale ;
– « Qui raconte avoir vu sous la lune » : proposition subordonnée relative, complément de l’antécédent « batelier » ;
– « sept femmes / Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds » : proposition complétive infinitive, COD de
« avoir vu ».
Carré Nathan :
ÉTUDE DE LA LANGUE
Dans les vers 2 et 3, le terme « que » est une conjonction, qui a le rôle de la locution conjonctive « pour que », ou « afin que ». Elle introduit une subordonnée
conjonctive de but, et est donc suivie du subjonctif. Son usage seul n’est possible que lorsque cette subordonnée est reliée à un impératif, comme ici : «
chantez plus haut […] que ».
Classiques & Cie lycée • Alcools • guide pédagogique
18 • Hatier © 2019
➢ « Nuit rhénane » : l’ivresse amoureuse et poétique (p. 134)
« Nuit rhénane » est le premier poème de la section rhénane qui rassemble les poésies écrites par Apollinaire
pendant un séjour en Allemagne entre 1901 et 1902. Sur les bords du Rhin, le poète rencontre Annie Playden
dont il tombe amoureux.
1. Relevez le champ lexical de l’ivresse. Quelle vision du poète transmet-il ?
• Voici le relevé du champ lexical de l’ivresse et incidemment celui de la boisson : « Mon verre » (vers 1) ; «
un vin trembleur » (vers 1) ; « ivre » (vers 9) ; « les vignes » (vers 9) ; « Mon verre » (vers 13).
• L’ivresse confère au poète une double image : il est, au sens propre, ivre du vin qu’il a bu et, au sens figuré,
ivre de l’amour nouveau qu’il éprouve.
2. Identifiez les figures féminines. Comment sont-elles représentées ?
• Voici les différentes figures féminines :
– vers 3 : « sept femmes » : elles renvoient aux sept divinités de la mythologie germanique vivant au fond des
fleuves ;
– vers 7 : « toutes les filles blondes » : ici, une allusion encore à la mythologie germanique et à la figure de la
blonde Loreley ;
– vers 12 : « Ces fées aux cheveux verts » : elles renvoient ici aux sept femmes du vers 3.
• Les femmes sont toutes ici des figures mythologiques et envoûtantes qui charment les hommes.
3. En quoi ce poème est-il un éloge de la poésie ?
• On relève le champ lexical du chant : « Écoutez la chanson » (vers 2) ; « Debout chantez plus haut » (vers
5) ; « le chant du batelier » (vers 6) ; « La voix chante » (vers 11) ; « qui incantent l’été » (vers 12). Ici
Apollinaire se souvient que la poésie, à son origine grecque, est un chant accompagné d’un instrument, la
lyre.
• On identifie également des références à la sorcellerie, suggérée ici à travers l’image des fées (vers 12) et
plus largement les créatures mythologiques germaniques des « sept femmes » présentes dès la première
strophe. Le but ici est de montrer que le charme de ces femmes est similaire à l’envoûtement du chant
poétique.
• Dans la mythologie grecque, Dionysos, dieu du vin, de la vigne et de ses excès, suscite une ivresse qui, lors
de rituels initiatiques, donne naissance aux arts de la parole, en particulier la poésie et le théâtre.
4. GRAMMAIRE. Relevez les verbes à l’impératif et commentez leur usage.
On relève trois verbes à l’impératif :
– « Écoutez » (vers 2) : expression d’une prière ;
– « Debout chantez » (vers 5) : expression d’un ordre ;
– « mettez » (vers 7) : expression d’un ordre.
5. POUR ALLER PLUS LOIN. Intéressez-vous aux légendes germaniques évoquées ici en vous renseignant sur les
Ondines. Analysez, en particulier, la manière dont Richard Wagner les a mises en scène dans son opéra,
L’Or du Rhin.
Apollinaire tire le matériau de son poème des légendes germaniques. Elles furent remises au goût du jour par
les opéras de Richard Wagner. On peut comparer la dramaturgie de Wagner, notamment dans L’Or du Rhin
avec la vision des femmes sorcières d’Apollinaire.
Guide péda nouveau carré Nathan © Nathan 2019 – Carrés Classiques Œuvres intégrales – Guillaume Apollinaire, Alcools • 10
Explication de texte 5 : L’ivresse, source de création poétique ?
→ « Nuit rhénane », p. 90-91
SITUER
1. Pour cette question, on renverra les élèves aux pages 5 et 128 de l’édition qui précisent le contexte
biographique des poèmes de la section « Rhénanes ».
2. La structure en boucle s’observe en comparant le premier et le dernier vers du poème. Non seulement les deux
premiers mots sont identiques, le sujet des phrases étant « Mon verre », mais en plus le sens même des phrases
propose une évolution entre le v. 1 et le v. 13 : ce verre « plein » à l’ouverture du poème se brise violemment à sa
clôture.
EXPLIQUER
3. Le premier vers installe d’emblée le thème essentiel du poème : l’ivresse. On retrouve dans la comparaison
l’alliance, fréquente dans Alcools, entre l’alcool et le feu. C’est par le tremblement que ce lien se fait, le « vin »
tremblant à l’image d’une « flamme » qui oscille dans l’air. On peut comprendre cette comparaison de deux
manières différentes, suivant le sens que l’on donne à l’adjectif « trembleur » : soit le vin semble bouger
légèrement, en tanguant dans le verre, soit il est effrayé, tremble de peur – et il faut alors voir dans cette
comparaison une hypallage qui désigne l’état d’esprit du poète plus que celui de sa boisson.
4. Si le premier vers installe le poète comme narrateur du récit, par l’inscription immédiate de la première
personne (« Mon verre »), le vers 2 présente un second personnage : « Écoutez la chanson lente d’un batelier ».
Au vers suivant, le verbe « raconte[r] » instaure définitivement ce batelier comme un nouveau narrateur, cumulant
deux voix dans ce poème.
5. Le récit installe alors un univers particulier, qui renvoie aux légendes germaniques. Le « batelier » place le récit
dans les légendes liées à l’eau, fréquentes dans les mythologies nordiques. Puis le cadre nocturne apporte une
atmosphère mystérieuse, avec la mention de la « lune », avant d’y inscrire une ambiance totalement féerique liée
à la présence des « sept femmes » aux « cheveux longs et verts » - les filles du Rhin. La légende raconte qu’elles
sont les filles du dieu du fleuve, qui gardent précieusement l’or dissimulé par leur père au fond de ses eaux. Mais
cet univers mythologique est complexe, puisque c’est dans la mythologie latine que les nymphes des eaux ont les
cheveux verts. Il s’agit donc d’un syncrétisme mythologique, particulièrement troublant.
6. L’énonciation du poème se fonde sur une adresse mystérieuse, dès le vers 2 : le poète use de l’impératif à la
seconde personne du pluriel, « Écoutez », sans que le destinataire soit explicité. La deuxième strophe s’ouvre sur
ce même impératif, « chantez plus haut en dansant une ronde », sans pour autant que le destinataire soit plus
évident. On s’interrogera avec les élèves sur ce dernier : s’agit-il d’un auditoire spécifique ? d’un destinataire
abstrait, une entité inqualifiable, des personnages rêvés ? du lecteur lui-même ? Son pouvoir semble illimité,
puisque le poète lui demande « mettez près de moi toutes les filles blondes ». Sans doute faut-il lier ce trouble de
l’énonciation à l’ivresse, qui fait apparaître un auditoire fantasmé.
7. Les femmes de ce poème appartiennent à deux groupes très différents. Les premières sont clairement
imaginaires, fabuleuses : la longueur des cheveux (« jusqu’à leurs pieds »), leur couleur verte, leur danse sous la
lune, les assimile à des personnages mythologiques. Les secondes sont bien plus réalistes : la coiffure en « nattes
», les cheveux blonds, le regard « immobile », évoquent les jeunes filles allemandes que le poète a pu côtoyer lors
de son séjour. Enfin, elles inspirent au lecteur des sentiments différents. Alors que les premières paraissent
troublantes, voire dangereuses (le verbe « tordre » est assez violent), les secondes, par l’immobilité de leur
regard, sont totalement opposées et parfaitement inoffensives.
8. Alors que le premier vers signale l’ivresse du poète lui-même, cette ivresse se déplace à la troisième strophe sur
le fleuve. La personnification « le Rhin est ivre » peut tout d’abord s’inscrire dans l’univers de la mythologie
germanique, le Rhin étant une divinité. Mais c’est la fin du vers qui permet de comprendre cette image : « où les
vignes se mirent ». Le fleuve lui-même est « ivre » du reflet des vignes plantées sur ses coteaux, qui semblent
naître de ses propres eaux. Une équivalence se fait alors entre les liquides, eau du Rhin et vin du verre, qui se lit
précisément dans le gérondif « en tremblant » qui rappelle le « vin trembleur » du premier vers.
9. Dans la première strophe, la chanson du batelier est « lente », et simplement descriptive : il « raconte avoir vu »
les femmes fabuleuses. Dans la troisième strophe, le batelier a disparu, puisqu’il n’en reste que la « voix », sans
source et plus angoissante, tandis que la chanson semble interminable (« chante toujours »). La dernière
ambivalence naît de la fin du vers : elle chante « à en râle-mourir ». Si l’on peut comprendre ce dernier terme
comme un « râle » de plaisir infini, la présence du verbe « mourir » en fin de vers, ainsi que le sens du mot « râle
», qui évoque l’agonie, font de la chanson quelque chose de dangereux, voire fatal.
10. Le dernier vers, clairement séparé du reste du poème par le blanc, en donne diverses clés de lecture, à la
manière de la « pointe » d’un sonnet traditionnel. Tout d’abord, le mot « verre » peut faire entendre, en inversant
les syllabes, le mot « rêve ». Si la chanson s’arrête, c’est parce que le verre se brise en laissant échapper l’alcool
qu’il contient, mais aussi parce que le rêve se brise, permettant le retour du poète au réel. Mais « verre » laisse
surtout entendre « vers ». Le vers brisé serait-il le « blanc » qui précède le vers 13 ? Ou le poème dans son
ensemble ? Il s’achève au moment même où le « verre » se brise, dans une équivalence troublante entre l’écriture
poétique et l’ivresse du poète. Sans alcool, la création poétique s’interrompt – mais « comme un éclat de rire »,
qui assimile la folie du rire à la folie de l’ivresse.
CONCLURE
11. La modernité du lyrisme poétique d’Apollinaire se lit particulièrement bien dans ce poème qui entremêle
références à l’héritage poétique et ouverture vers un renouveau. Les références anciennes sont nombreuses et
liées aux différentes mythologies, gréco-romaines et germaniques. C’est ce syncrétisme qui les rend modernes, en
les faisant indissociables, comme dans l’image des sirènes aux cheveux verts. Par ailleurs, le lyrisme antique est
présent dans le thème du chant, de la musique, et là encore, il est renouvelé par l’approche plus dionysiaque
qu’en a le poète qui lie le chant et l’ivresse. Enfin, l’héritage des formes poétiques traditionnelles est subtilement
présent dans le nombre de vers : il ne manque qu’un vers, en effet, pour que le poème contienne les quatorze
traditionnellement associés à la forme du sonnet, d’autant plus que le poème est fait d’alexandrins. Et ce vers
manquant est sans doute le vers brisé, le blanc qui précède le treizième vers – qui devient, alors, le quatorzième
et dernier.
ÉTUDE DE LA LANGUE
Dans les vers 2 et 3, le terme « que » est une conjonction, qui a le rôle de la locution conjonctive « pour que », ou
« afin que ». Elle introduit une subordonnée conjonctive de but, et est donc suivie du subjonctif. Son usage seul
n’est possible que lorsque cette subordonnée est reliée à un impératif, comme ici : « chantez plus haut […] que ».
Biblio lycée Alcools, guide pédagogique

L’univers rhénan
1. Des le titre du poème est indique le contexte géographique du pays rhénan, précise encore par la répétition
du vers 9. Sans autre précision de lieu, le poème se situe au bord du fleuve, évoque par le batelier et le reflet
(v. 9), dans un lieu ou l’on consomme du vin (mention des vignes, du verre…). L’Allemagne est suggérée aussi
par le type de ses femmes, « blondes / […] aux nattes repliées ». Le poème s’ancre donc dans un univers que
le lecteur peut s’imaginer facilement, qui a son poids de réalité Les verbes sont au pressent et les impératifs
– sans que l’on sache exactement a qui ils s’adressent – peuvent même inclure le lecteur dans la scène évoquée
C’est dans ce contexte ≪ réaliste ≫ et nocturne que le fantastique va faire irruption.

2. Nous trouvons d’abord un polyptote autour du chant – « chanson », « chantez », « chant », « chantent »
(racine que l’on retrouve aussi dans « incantent ») –, puis le terme « voix ». On peut remarquer que la place du
chant s’affirme et se modifie dans le poème : une seule mention dans la strophe 1, puis deux dans les
suivantes. Son pouvoir aussi semble grandir : désigné par un nom au début (« chant », « chanson »), il se
transforme en verbes dans la 3e strophe (« chante » et surtout « incantent », employé de façon étonnante
avec un COD, ce qui souligne justement son action sur les êtres et même sur l’ordre cosmique : « incantent
l’été »). Malgré la tentative de conjuration par l’impératif (« chantez plus haut »), le pouvoir du chant culmine
dans la 3e strophe, renforce par l’adverbe « toujours » ; l’enchantement semble même de plus en plus fort,
puisque le chant perd son origine précise et humaine et devient « la voix » : il s’agit désormais d’une sorte
d’envoûtement qui s’empare du chanteur et le dépossédé de lui-même, pour l’entraîner peut-être dans la mort,
comme l’indique le mystérieux compose noologique « à en râle-mourir ». On peut remarquer que le chant
délègue d’emblée du poète au batelier (avec l’impératif du vers 2 : « Écoutez la chanson ») est désormais au
pouvoir des fées qui « incantent » et deviennent ainsi une puissance invitant a l’oubli de soi jusqu’à la
mort. Le poète, dépossédé de son chant et absent de la 3e strophe, se verra aussi dépossédé de son verre
(vers ?) a la ≪ chute ≫ du poème

3. La Rhénanie est particulièrement riche en légendes, a commencer par celle de la Loreley… Ici, cet univers
légendaire intervient des la 1re strophe a travers la chanson du batelier, qui se transforme clairement en
passeur de notre monde a un monde surnaturel, et peut-être même en Charon, nocher du fleuve de l’au-delà…
La légende va passer par le chant, qui lui donne encore plus de force d’envoûtement, d’autant que réalité et
fiction se mêlent étrangement : si le batelier chante et « raconte » ce qui apparaît donc comme un requit
légendaire, il affirme aussi « avoir vu » ces femmes surnaturelles et leur donne ainsi une réalité… On peut
remarquer aussi le long développement de la phrase sur 3 vers avec l’enjambement : ce procédé en souligne
non seulement l’importance mais aussi le pouvoir d’envoûtement, accentue par l’adjectif « lente » ; les
sonorités du vers 2 renforcent encore cet effet en formant un chiasme : [e] + [an] / [an] + [e].
« L’or des nuits » tombant dans le Rhin peut également faire penser a l’une des pièces de la Tétralogie de
Wagner, ≪ L’Or du Rhin ≫, inspire des légendes germaniques, ou l’on retrouve les « filles du Rhin », Ondines
qui gardent l’anneau des Nibelungen…
Cet univers de légende est encore accentue par la présence de la nuit (« nuit », « lune », « nuits ») qui
favorise le pouvoir suggestif de l’histoire que l’on raconte…

4. Les créatures légendaires évoquées s’enrichissent de multiples connotations et évoluent au cours du texte,
en passant de « femmes » a « fées », donc en affirmant leur origine surnaturelle :
– elles sont liées a la lune, symbole du pouvoir féminin inquiétant, de la puissance magique, voire maléfique,
liée au sabbat des sorcières, aux métamorphoses ;
– elles sont 7, chiffre sacre ;
– elles ont des cheveux très longs, marque de pouvoir ( cf. la légende de Samson) mais surtout, pour la femme,
de sensualité et de séduction En outre, elles les « tordent », ce qui les transforme en serpents, évoquant
ainsi Méduse et son redoutable pouvoir de fascination pétrifiante et Eve, la femme tentatrice (la phrase
longue et l’enjambement qui désarticule les vers et leur donne un rythme irrégulier suggèrent justement
cette torsion) ;
– elles sont évidemment liées a l’eau du Rhin par le contexte et par la couleur surnaturelle de leurs cheveux,
mentionnée 2 fois (v. 4 et 12) : elles deviennent ainsi des Sirènes, des Ondines ou des Loreley, qui toutes
attirent les humains a leur perte au fond des eaux. Tous ces personnages mythologiques ou légendaires ont en
commun le chant envoûtant et le charme maléfique
Leur influence s’affirme, comme on l’a vu (question 2), a la dernière strophe ou elles révèlent leur vraie
nature de « fées » qui « incantent », leur pouvoir menaçant (« à en râle-mourir ») et leur dimension cosmique.

5. Le 2e quatrain s’oppose au 1er pour tenter de rompre le charme de la chanson envoûtante Le poète essaie
de s’affirmer de nouveau (« je », « moi ») en donnant des ordres : « chantez », « mettez » ; il s’agit de
couvrir le chant (« plus haut ») par une « ronde » enfantine et bien réglée et d’établir une sorte de ≪
rempart ≫ qui protège le poète de l’enchantement. Face aux créatures ensorcelantes, il convoque les femmes
bien réelles de la réalité qui l’entoure (d’où l’importance du groupe prépositionnel « près de moi »), qui
s’opposent point par point aux précédentes :
– a la féminité accomplie et séductrice des « femmes » s’oppose la jeunesse des « filles » ;
– au nombre 7 s’oppose l’indéfini « toutes » qui les dissout dans une masse inoffensive ;
– a la torsion serpentine répond la verticalité rassurante : « debout », « mettez » ; de même, le regard «
immobile » s’oppose a tous les artifices de la séduction et a la « flamme » (rimant avec « femmes ») ;
– « Les cheveux verts et longs » ont désormais la blondeur des filles allemandes et sont sagement coiffes et
retenus par les « nattes repliées ».

Envoûtement et ivresse
6. Les strophes paraissent a première vue régulières, dans la forme très classique du quatrain d’alexandrins.
Mais le dernier vers isole brise brutalement cette régularité, mimant ce qu’il évoque (le bris du verre ou du
vers !), tout en étant cependant lie a la strophe précédente par la rime finale et par la rime intérieure en é,
et rappelant le 1er vers.
Les alexandrins sont rarement coupes régulièrement (sauf dans la 2e strophe qui tente justement de rétablir
un équilibre). Dans la 1re strophe, la longueur de la phrase avec l’enjambement dissout le rythme en 6/6 de
l’alexandrin qui n’est plus perceptible : les vers 2 a 4 reproduisent ainsi la lenteur envoûtante de la chanson.
La dernière strophe, lorsque se déploient l’enchantement et l’ivresse, semble faire éclater tous les sortilèges
rythmiques de l’alexandrin : le 1er est coupe en 2/4/6 ; le 2e est un magnifique trimètre (4/4/4) et les 2
derniers retrouvent la coupe a l’hémistiche
Les rimes jouent de la même ambivalence entre régularité et déséquilibre : elles sont classiquement croisées,
mais seul le 1er quatrain respecte l’alternance des féminines et masculines ; ensuite, le poète jouera sur les
consonantiques et vocaliques (« batelier » / « repliées », « mirent » / « mourir » / « rire »). Autre facteur
d’unité : toutes les rimes B contiennent le son [e].

7. La composition du poème marque les étapes d’un enchantement :


– 1e § : mention du vin et du chant, entrée dans l’ivresse et l’enchantement avec la vision des « femmes ».
– 2e strophe : tentative de conjuration de l’enchantement, opposition entre les « sept femmes » et les «
filles blondes » (cf. question 5).
– 3e strophe : progression de l’ivresse qui se communique a la nature et devient cosmique (le Rhin, les astres).
Victoire des « femmes » devenues des « fées ». Disparition de toute marque de personne : plus de je ni de
vous ; le batelier est devenu « la voix ».
Cette strophe contient beaucoup d’échos avec la première : les vers 9 et 10 reprennent les motifs du vers 1
(« verre », « vin » / « ivre », « vignes » ; « trembleur » / « tremblant » ; « flamme » / « or ») ; la « chanson »
devient la voix qui « chante » et les « femmes » des « fées » qui « incantent ». Cette reprise en expansion
des motifs montre la victoire de l’enchantement et de l’ivresse.
– Dernier vers : rupture de l’enchantement et de l’ivresse ; au verre « plein » du début répond le verre «
brisé ». Le seul passe compose du poème marque bien l’achèvement de l’expérience C’est aussi la fin du poème
(« mon vers »). On peut s’interroger sur cet « éclat de rire » : il peut faire penser au rire d’Ondine qui se
transforme en giboulée a la fin du poème d’Aloysius Bertrand, rire de la fée qui a ensorcelé le poète ; ou bien
éclat de rire qui vient conjurer le chant en « râle-mourir » (jeu a la rime), rire libérateur et triomphal du
poète (que l’on retrouve d’ailleurs dans le ≪ Poème lu au mariage d’André Salmon ≫) : celui-ci affirme peut-
être ainsi sa liberté de créateur qui reste maître de l’enchantement et de la forme poétique (celle de « l’éclat
», du fragment, si chère a Apollinaire). Par son art, l’ivresse qui peut sombrer dans l’engloutissement
mortifère redevient « eau de vie ».
8. Le champ lexical de l’alcool se compose de « verre » (2 fois et renforce par l’homonyme « verts »), « vin »,
« ivre », « vigne » ; on peut remarquer la reprise des sonorités [v] et [i]. Il se situe au début et a la fin du
poème, totalement absent de la 2e strophe : le 1er vers s’ouvre sur le thème de l’ivresse avec « Mon verre »,
repris en écho au dernier. Le vers 9 marque le point culminant de l’ivresse avec les 2 termes « ivre » et «
vigne » et la répétition du mot « Rhin » évoquant, dans sa sonorité, le « vin ».

9. L’absence de ponctuation contribue a l’impression de flou que peut susciter l’ivresse : le lecteur n’a pas
l’appui rassurant des signes de ponctuation pour marquer les limites des phrases, de même que l’auditeur n’a
pas les repères rythmiques de la scansion traditionnelle de l’alexandrin. C’est dans la 3e strophe, point
culminant de l’ivresse, que la syntaxe est la plus perturbée : répétition de « Rhin » qui peut faire penser au
balbutiement de l’homme ivre ; relative détachée de son antécédent ; COD détaché de son verbe (« chante
[…] / Ces fées ») ; expressions noologiques ou d’emploi inhabituel (« râle-mourir », « incantent »).
Les sonorités également jouent sur la confusion en répétant certains phonèmes : « plein d’un vin », « cheveux
verts » (2 fois), « tombe en tremblant » (t/b/an), etc.
Le vers 9, le plus extraordinaire de ce point de vue, crée une impression de vertige dans les sonorités ou le i
répété s’associe, dans toutes les combinaisons, au v et au r pour reproduire en écho le mot « ivre » central.
Toute cette strophe est d’ailleurs scandée par le v : « ivre », « vignes », « voix », « cheveux verts ». Tout le
poème est domine par les sons [i] (présent des le titre) et [e] (a la rime dans chaque strophe), sons aigus et
assez stridents pouvant évoquer l’exaltation de l’ivresse et l’éclat du vin couleur de « flamme ».

10. La déformation ou transformation de la perception est caractéristique de l’ivresse mais aussi du sortilège
poétique et s’affirme des le 1er vers avec l’homonymie : le verre et le vers d’Apollinaire sont pleins d’ Alcools !
Des le début du poème, a travers l’adjectif rare « trembleur » s’exprime le pouvoir du vin qui fait ≪ trembler
≫ la vision de la réalité, comme la flamme d’ailleurs qui donne un éclairage inconstant et des ombres
mouvantes ; « trembleur » sera repris dans « tremblant » au vers 11 : cette fois-ci, c’est un autre « liquide »
qui déforme la vision, le fleuve qui reflète le ciel sur sa surface changeante ; vision inversée et déformée du
cosmos (cf. la confusion des sonorités, question 9), ou le feu et le liquide se rejoignent et se confondent
comme au 1er vers ; la « flamme » de l’alcool va d’ailleurs se transmettre aux sept « femmes » qui « tordent »
aussi leurs cheveux, puis a « l’or des nuits » : cette métaphore sans référent évoquant les étoiles suggère
toute la magie poétique qui naît de l’ivresse… Mais l’inversion du haut et du bas, du ciel et du fleuve, ainsi que
la sensation de chute (« tombe ») sont aussi des manifestations sensorielles de l’ivresse.
La perte de la conscience individuelle et l’élargissement cosmique sont également caractéristiques de l’ivresse
: le « je » disparaît dans la 3e strophe et finit par se confondre avec le monde qui l’entoure ; c’est le Rhin lui-
même qui devient « ivre » et se transforme aussi en alcool puisque les « vignes s’[y] mirent » ; le verre de vin
du début s’élargit aux dimensions de l’univers : sa « flamme » rejoint « l’or des nuits » et son tremblement se
communique aux étoiles…
De même, le batelier, origine réelle et circonscrite du chant, a disparu pour laisser toute la place aux « fées
» : ce sont elles désormais qui chantent a sa place en affirmant leur pouvoir ensorcelant qui atteint la encore
toute la nature puisqu’elles « incantent l’été ». Certains critiques ont même rapproche ce dernier mot du
Lethe, fleuve de l’oubli : en passant le seuil de l’ivresse, en se laissant prendre a son enchantement, l’être
peut perdre la conscience de soi et tout oublier…

Grammaire ds 1e §, relevez les infinitifs, indiquez celui qui constitue le noyau d'une proposition
infinitive, ainsi que son sujet.
Dans la 1re strophe, on relève 2 verbes a l’infinitif :
– « avoir vu » : infinitif passe, complément du verbe « raconte » avec lequel il partage le même sujet (« Qui »
= « un batelier ») ;
– « Tordre » : infinitif présent constituant le noyau d’une proposition infinitive dont le sujet est « sept
femmes », COD du verbe de perception « avoir vu ».
Analyse syntaxique :
– « Écoutez la chanson lente d’un batelier » : proposition principale ;
– « Qui raconte avoir vu sous la lune » : proposition subordonnée relative, complément de l’antécédent «
batelier » ;
– « sept femmes / Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds » : proposition complétive
infinitive, COD de « avoir vu ».
Guide Larousse
Nuit rhénane (p. 114)
Compréhension
L’ivresse
Donner un titre à chaque strophe, afin de mettre en évidence la progression dramatique du récit.
Dans la strophe 1, le poète, probablement attablé dans une taverne, entend la chanson d’un atelier. On pourrait
lui donner pour titre : « La chanson du batelier ou l’univers envoûtant des légendes rhénanes ».
Dans la strophe 2, le poète tente, dans un sursaut, d’échapper à l’envoûtement de la chanson. La strophe
pourrait s’intituler : « La résistance, l’appel au réel rassurant ».
Dans la strophe 3, l’envoûtante chanson du batelier reprend le dessus et la magie s’étend à tout le paysage. La
strophe pourrait s’appeler : « L’envoûtement devient cosmique ».
Le dernier vers est « Le retour au réel ».
Dans les strophes 1 et 3, observer le développement du thème de l’ivresse (à l’aide des champs lexicaux, des
sonorités, du rythme).
Dans la première strophe, le thème de l’ivresse est développé à travers le décor supposé (probablement une
taverne des bords du Rhin, région réputée pour son vin blanc) et à travers les champs lexicaux du vin (« verre
», « plein », « vin », v. 1) et du mouvement, de l’ondulation : « trembleur » et « flamme » (v. 1), « tordre leurs
cheveux […] longs » (v. 4).
Les sonorités fricatives ([v] / [f]) et liquides ([r] / [l]) renforcent par leurs vibrations ces champs lexicaux :
« Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme
Écoutez la chanson lente d’un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds »
Enfin, on notera le rythme ternaire qui rompt l’équilibre de l’alexandrin, dès le vers 1 : « Mon verre est plein /
d’un vin trembleur / comme une flamme ».
Dans la troisième strophe, le thème de l’ivresse s’amplifie. On retrouve les mêmes procédés que dans la
strophe 1 : le champ lexical du vin et de l’ivresse (« Rhin » (répété deux fois, comme dans un bégaiement), «
ivre », « vignes »), celui du mouvement et de l’ondulation (« tombe », « tremblant », « cheveux »), le rythme
ternaire déséquilibré du vers 10 et les allitérations en [v] / [f] et en [r] / [l] :
« Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été » 30

Les légendes du Rhin


Qui sont les figures féminines des strophes 1 et 3 ?
Les figures féminines évoquées dans ces strophes sont « sept femmes » (v. 3) dotées de « cheveux verts et
longs jusqu’à leurs pieds » (v. 4). Plus loin, elles sont qualifiées de « fées », « qui incantent l’été » (v. 12).
Elles apparaissent de nuit, « sous la lune » (v. 3), ce qui accroît leur mystère. On rencontre dans la mythologie
germanique nombre de ces créatures siréniennes (parfois appelées « nixes » ou « ondines »), fort belles et
envoûtantes, irrésistibles et maléfiques. Elles sont fréquentes chez Apollinaire et forment un groupe homogène
de femmes désirables mais fatales (les sirènes homériennes ou médiévales, les nixes, la Loreley…). Voir à ce
sujet la synthèse « Les femmes dans Alcools » p. 167.
Dans ces mêmes strophes, étudier les procédés qui contribuent à donner au poème une atmosphère irréelle :
observer par exemple la luminosité et les couleurs, les thèmes de la magie et du reflet, les rythmes, les
personnages.
Il se dégage des strophes 1 et 3 – celles de l’ivresse et des légendes rhénanes – une atmosphère irréelle que
l’on pourrait qualifier de fantastique. En effet, l’ivresse suffit à créer un doute sur la rationalité des faits
racontés.
Cette atmosphère irréelle est due à divers procédés :
- la luminosité est faible et crée une vision incertaine : « une flamme » (v. 1), « sous la lune » (v. 3), « Tout l’or
des nuits tombe en tremblant » (v. 10) ;
- les couleurs sont en décalage systématique avec celles que l’on pourrait attendre, contribuant ainsi à une
vision surnaturelle : « cheveux verts » (répété deux fois aux vers 4 et 12), « Tout l’or des nuits » ;
- le thème de la magie est présent dans l’expression « un vin trembleur » (v. 1) (qui personnifie le vin et le dote
d’une vie propre), ainsi que dans les expressions « le Rhin est ivre », « les vignes se mirent » (v. 9), « l’or des
nuits tombe en tremblant s’y refléter » (v. 10). Le paysage semble s’animer sous l’effet de ces trois
personnifications. Le caractère magique de la scène se confirme avec l’évocation des « fées […] qui incantent
l’été » ;
- le thème du reflet augmente le caractère irréel du décor puisque celui-ci devient double : « les vignes se
mirent / Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter » ;
- les personnages sont irréels : les femmes deviennent des « fées », elles ont des « cheveux verts » et beaucoup
trop longs, elles sont au nombre de sept (chiffre chargé de magie) et possèdent la capacité de charmer (au sens
étymologique du terme) l’été. De plus, les éléments du décor deviennent personnages, grâce aux
personnifications ;
- le rythme des vers 1 à 4 est très lent (comme l’est la chanson du batelier) en raison du double enjambement
des vers 2, 3 et 4.
Ainsi ces strophes sont-elles chargées d’une atmosphère irréelle.
Mais, l’originalité du poème réside dans le contraste que forment ces deux strophes, empreintes de surnaturel,
et la strophe 2 qui les interrompt.

Le réel rassurant
Étudier la résistance du poète au « chant du batelier » en repérant les oppositions lexicales, rythmiques et
sonores entre les strophes 1 et 2.
Dans un sursaut de résistance, le poète tente d’échapper à l’envoûtement du « chant du batelier ». C’est
pourquoi la strophe 2 oppose de forts contrastes à la strophe précédente.
Les oppositions lexicales :
- alors que le poète appelait à « écoute[r] la chanson lente d’un batelier » (v. 2), il la refuse désormais : « que
je n’entende plus le chant du batelier » (v. 6) ;
- aux « sept femmes » (v. 3) s’opposent « toutes les filles » (v. 7), ainsi dénuées de sexualité et de tout pouvoir
de séduction ;
- les « nattes [blondes] repliées » (v. 7-8), synonymes de chevelure domptée et ordonnée, s’opposent aux «
cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds » (v. 4) ;
- enfin, tandis que les sept femmes étaient occupées à « tordre » leurs cheveux, dans un geste quelque peu
violent, les jeunes filles blondes « dans[e]nt une ronde » (v. 5) enfantine « près de [lui] » (v. 7) dans un cercle
rassurant et protecteur.
Les oppositions rythmiques :
- aux alexandrins déséquilibrés et enchaînés les uns aux autres par des enjambements, s’opposent dans la
strophe 2 des alexandrins parfaitement césurés à l’hémistiche.
Les oppositions sonores :
- dans la strophe 2, ce sont les allitérations en [p] / [b] et en [d] / [t] qui dominent, permettant de marteler le
rythme de la ronde des jeunes filles :
« Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n’entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées »

Réflexion
L’ivresse triomphante
Aux vers 9 à 12, montrer que l’ivresse et la magie triomphantes deviennent cosmiques.
Dans la strophe 3, l’univers surnaturel et l’ivresse ont raison des efforts du poète pour résister à
l’enchantement. Mais cette ivresse gagne tout le paysage, tout l’univers. Les nombreuses personnifications
(celles du Rhin qui est « ivre », des vignes qui « se mirent », de l’or des nuits « qui tombe en tremblant », de
l’été qui se laisse « incante[r] ») animent le paysage et lui donnent un aspect surnaturel. L’ivresse s’étend
inexorablement : c’est d’abord le fleuve, puis ses abords (« les vignes », v. 9), puis le ciel nocturne (« Tout l’or
des nuits », v. 10) puis la saison (« l’été », v. 12).
L’ivresse due au vin peut être interprétée comme une métaphore de l’inspiration poétique. Discuter ce
jugement en rapprochant les effets du vin, du chant et de la poésie.
Le vin, le chant du batelier et le verbe poétique possèdent tous trois un pouvoir d’incantation, d’envoûtement,
de griserie. En transfigurant un paysage réel en une sorte de féérie légendaire, le poète propose une métaphore
des pouvoirs du verbe. Le génie poétique est précisément cette capacité à transfigurer le réel et les mots du
réel en une vision fulgurante. En cela, Apollinaire s’inscrit dans la lignée de ses illustres prédécesseurs
(Baudelaire, Rimbaud )

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