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Mémoires, Représentations Et Traitements
Mémoires, Représentations Et Traitements
représentations
et traitements
Jean-Marc Meunier
Elisabetta Zibetti
Isabelle Carchon
3e édition entièrement
complétée et actualisée
Maquette intérieure :
www.atelier-du-livre.fr
(Caroline Joubert)
© Dunod, 2022
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-084114-1
Conseils méthodologiques
Ce texte reprend le contenu du cours d’introduction à la psychologie cognitive.
Ce cours a été initialement écrit pour les étudiants de licence de psychologie, en
particulier ceux de l’Institut d’Enseignement à Distance de l’université Paris-VIII
sous le titre de « Introduction à la Psychologie Cognitive ». L’objectif du cours
est de permettre aux étudiants d’appréhender les concepts de base de la psycho-
logie cognitive, mais également de les initier aux problématiques méthodologiques
et théoriques qui animent ce domaine. Il est souvent difficile aux étudiants de
d’observer ;
• d’une conclusion correspondant à l’interprétation d’un point de vue psycholo-
gique des résultats expérimentaux.
Une expérience devrait être résumée, en général, en quatre ou cinq phrases
reprenant chacun de ces points. De la même façon, les exemples d’applications
sont à retenir dans leurs grandes lignes. En ce qui concerne les auteurs, ils ne sont,
bien entendu, pas tous à connaître. Il faut cependant retenir les plus importants.
Deux critères peuvent vous permettre, dans la plupart des cas, de les repérer : un
auteur est important s’il est à l’origine d’une notion importante ; un auteur est
important s’il est cité souvent dans le cours. Ces auteurs sont référencés dans l’index
que vous trouverez en fin d’ouvrage. Une dernière question fréquemment posée
par les étudiants débutants concerne le sort à réserver aux dates. Elles ne sont,
bien entendu, pas à retenir dans leur détail. Vous devez cependant avoir quelques
repères chronologiques, au moins en termes de décennies, de façon à pouvoir
mettre les différentes approches et les auteurs principaux dans une perspective
historique qui est importante pour comprendre l’évolution du domaine.
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1. La notion de mémoire
La notion de mémoire est une des notions centrales de la psychologie cognitive.
Comme le souligne Tiberghien (1997), « il est impossible d’étudier le fonction-
nement cognitif sans émettre des hypothèses sur la structure et les fonctions
de la mémoire sous-jacente » (p. 13). En effet, il paraît très difficile de concevoir
les processus mentaux sans postuler d’une quelconque façon une capacité à se
souvenir. Il suffit de s’attarder un tant soit peu sur notre façon d’interagir avec l’en-
vironnement pour s’en convaincre. Lorsque nous percevons notre environnement
par l’intermédiaire de nos sens, cela permet la construction d’une interprétation de
la situation qu’il nous faut bien stocker, au moins transitoirement, dans notre esprit
pour interagir avec la situation. Nos connaissances interviennent également à des
degrés divers sur l’interprétation de la situation, nous permettant de reconnaître
tel ou tel objet rencontré précédemment. Notre mémoire nous permet également
d’évoquer des objets ou des événements en leur absence.
Doit-on concevoir pour autant la mémoire comme une simple capacité à revenir
sur le passé comme nous le suggère le sens commun ? Une telle conception, bien
qu’exacte pour un certain nombre de situations, s’avère cependant insuffisante.
D’abord parce que la capacité de stockage de l’information intervient dès les
premières étapes du traitement de cette information. De nombreux travaux sur le
fonctionnement de la mémoire montrent en effet que les informations provenant
de nos organes perceptifs sont stockées transitoirement en mémoire en vue de
leur utilisation par le système cognitif. Par ailleurs, la mémoire n’est pas, comme
on pourrait le penser en première analyse, un simple système de stockage passif.
Les informations qui y sont stockées subissent des modifications, sont mises en
relation avec d’autres informations. Enfin la mémoire n’est pas une simple copie
de l’entrée perceptive. Nous sélectionnons dans notre environnement, par le biais
des mécanismes attentionnels, les informations pertinentes pour l’activité que nous
sommes en train de réaliser. « Sa fonction n’est pas simplement de réactiver le passé,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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2. La mémoire sensorielle
L’expression de mémoire sensorielle fait classiquement référence à deux phéno-
mènes différents. Elle peut définir la rétention à long terme des caractéristiques
sensorielles d’une stimulation. Par exemple, le souvenir de la couleur, du goût ou
de l’odeur d’une glace dégustée en Italie l’été dernier, c’est-à-dire une information
sensorielle que vous avez conservée en mémoire à long terme. Elle définit aussi l’en-
registrement temporel de stimuli visuels et/ou auditifs qui suivent immédiatement
la perception du stimulus et dont les durées sont très brèves. C’est cette dernière
mémoire sensorielle (ou registre perceptif) dont nous discuterons dans ce chapitre.
L’information perceptive, lorsqu’elle est captée par le système cognitif, est
conservée durant quelques millisecondes dans un registre transitoire appelé
« mémoire sensorielle ». On se rend mieux compte du fonctionnement de ce
registre dans le phénomène de persistance perceptive qui est à l’œuvre lorsqu’on
perçoit une scène éclairée par une lampe stroboscopique. Ainsi, lorsque vous
dansez dans une boîte de nuit et qu’on utilise ce type d’éclairage, vous avez la
sensation que les mouvements des autres danseurs sont saccadés. Cela tient au
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
fait que la lumière n’éclaire la scène qu’un très court instant, insuffisant pour que
votre cerveau perçoive le mouvement. Ce qui est donc perçu à chaque éclair, c’est
une succession d’images arrêtées, stockées momentanément dans notre mémoire
perceptive. De la même façon, si vous vous placez dans la pénombre et que vous
agitez le bout d’un tison incandescent, vous aurez l’impression de le voir dessiner
des tracés, comme si on dessinait avec un crayon sous vos yeux.
C’est avec l’invention du tachistoscope, appareil permettant de présenter du
matériel durant une fraction de seconde parfaitement contrôlée, que l’étude du
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Dans cette condition dite de « report complet », Sperling observe que le sujet
est capable de rappeler en moyenne quatre ou cinq des douze lettres. Ce nombre
correspond-il à l’empan perceptif, c’est-à-dire à la quantité d’informations qu’on
est capable d’appréhender instantanément ? Pour répondre à cette question, il a
imaginé d’interroger les sujets, non plus sur les trois lignes à la fois, mais seulement
sur l’une d’entre elles en indiquant au sujet, après la présentation du stimulus, quelle
était la ligne cible. Lorsque le sujet devait rapporter la ligne du haut, le stimulus
était suivi d’un signal sonore aigu. Un son médian indiquait la ligne du milieu et
un son grave, celle du bas.
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De cette façon, le sujet ne pouvait pas prévoir la ligne sur laquelle on allait l’in-
terroger. Dans cette condition, dite de « report partiel » les sujets étaient capables
de rapporter environ trois des quatre lettres de chaque ligne. Ce résultat indique
qu’immédiatement après la présentation des stimuli, tous sont pratiquement dispo-
nibles. Le nombre de lettres rappelées est relativement constant, quelle que soit la
ligne cible. Ces résultats montrent que les sujets maintiennent en mémoire senso-
rielle bien plus d’informations qu’ils ne sont capables d’en rappeler explicitement.
Pour pouvoir rappeler trois des quatre lettres sans pouvoir anticiper sur quelle
ligne va porter le test, il faut en effet que les sujets aient pu maintenir en mémoire
au moins trois caractères sur les trois lignes. À la lumière de ces résultats, Sperling
(1960) propose que l’empan perceptif visuel est autour de neuf items. Toutefois, la
performance, en situation de rapport partiel, semble plutôt refléter les limites de la
durée de l’information en mémoire sensorielle et non pas sa capacité. De plus, la
performance étant très élevée, elle semble indiquer que toute l’information visuelle
est effectivement enregistrée, bien que pas restituée. Ainsi, il est difficile d’estimer
la capacité réelle de la mémoire sensorielle. Depuis, de nombreuses recherches
admettent que cette capacité dépasse largement ce qu’un simple rappel laisse croire.
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Ces résultats montrent que, pour atteindre une performance optimum, l’infor-
mation doit rester environ 100 ms en mémoire sensorielle. C’est, en effet, avec ce
délai entre le stimulus et le masque que les sujets rappellent le maximum d’infor-
mations. Des délais plus longs n’augmentent pas de façon significative l’information
restituée. Ce qui est particulièrement intéressant dans cette expérience est que
l’utilisation d’un masque permet de contrôler très précisément le temps pendant
lequel le sujet voit un stimulus, c’est-à-dire que la présentation du masque assure
que le sujet cesse de voir le stimulus. Ce résultat indique donc que, si après un
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délai de 100 ms les sujets sont capables de reporter des éléments d’une informa-
tion perçue visuellement, comme c’était le cas lors des précédentes expériences de
Sperling, cela voudrait dire que cette information a nécessairement été enregistrée
dans un registre mnésique.
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Les résultats de Turvey montrent que le masquage par luminosité a un effet sur
la reconnaissance de la lettre uniquement s’il est présenté sur le même œil que le
stimulus. Autrement dit, une présentation de la lettre sur l’œil droit et un flash sur
l’œil gauche n’induit pas d’effet perturbateur. En revanche, la présentation d’une
lettre et d’un flash du même côté détériore la performance. L’effet du masquage
par luminosité interviendrait donc au niveau rétinien, avant l’intégration des infor-
mations provenant des deux yeux.
Avec le masquage par motif, en revanche, l’œil auquel est présenté le masque
n’a aucune importance. Quelle que soit la condition (même œil, œil différent)
l’effet du masque est le même, alors qu’avec le masquage par flash, l’œil sur lequel
il a été envoyé est important. Que le masquage par flash perturbe l’impression du
stimulus uniquement sur l’œil sur lequel il a été envoyé, alors que masquage par
motif affecte la reconnaissance semble bien indiquer que le flash agit au niveau
rétinien alors que le motif intervient en mémoire sensorielle, et que la reconnais-
sance interviendrait à un autre niveau : celui de l’intégration de l’information des
deux yeux. On peut donc penser que l’influence de ce type de masquage par motif
intervient après l’intégration des informations provenant des deux yeux, et que le
phénomène étudié par Sperling est vraiment un phénomène mnésique et non pas
de persistance rétinienne.
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même façon, un masquage sonore dans la même oreille que le stimulus perturbe
la perception de ce dernier, alors qu’un masquage sonore dans l’oreille opposée ne
provoque pas de perturbation (Deatherage et Evans, 1969). Massaro (1970), après
avoir appris aux participants à discriminer deux sons de fréquences différentes :
770 et 870 Hz, leur présentait un son cible de fréquence variable (770 ou 870 Hz)
pendant 20 ms suivi par un intervalle de silence entre 0 et 500 ms, lui-même suivi
par un son masquant (820 Hz) d’une durée de 500 ms. L’intervalle entre le son cible
et le masque variait (0, 40, 80, 160, 250, 350, 500 ms). Les participants devaient
juger si le son cible avait une fréquence plus haute ou plus basse que le son suivant.
Les résultats montrent que les performances augmentent avec l’augmentation de
la durée de l’intervalle de silence jusqu’à un plateau à 250 ms. Pour améliorer les
performances de traitement avec l’augmentation de l’intervalle de silence, « l’image
sonore » doit donc perdurer au-delà de la durée du son cible. Cette durée de 250 ms
donne en quelque sorte des informations sur la fenêtre temporelle dans laquelle
est stockée l’information en tant qu’image précatégorielle. Ce type de résultats
suggère fortement que le registre auditif fonctionnerait comme le registre visuel.
Son rôle serait de maintenir disponible l’information auditive précatégorielle en
vue de son intégration. Une expérience de Liberman et al. (1954) illustre bien cette
idée. Dans cette expérience, les auteurs ont montré qu’un son initial pouvait être
perçu comme un « P » s’il était suivi d’un « I », mais serait perçu comme un « G »
s’il était suivi d’un « A », comme si l’interprétation d’un son ne pouvait intervenir
que lorsque suffisamment d’information avait été perçue.
Cependant la durée de rétention de l’information dans ce type de mémoire est
beaucoup plus difficile à mesurer que dans le cas de l’information visuelle, du fait
du déroulement temporel des sons. Elle a été mesurée indirectement par Guttman
et Julesz (1963). Leur matériel était constitué de plusieurs sons de durée variable,
allant de 50 millisecondes à plus d’une seconde. Les sujets entendaient un son en
boucle et devaient détecter la périodicité. Pour réaliser cette tâche, les auteurs
postulent que le son est stocké en mémoire sensorielle auditive pour être comparé
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il interfère avec lui. D’autres résultats, obtenus avec des expériences analogues à
celle de Sperling transposée dans le domaine sonore montrent toutefois que la
performance dans la tâche de rappel partiel ne diminue significativement qu’après
un délai de quatre secondes (Darwin et Turvey, 1972). Ce type de résultats laisse
penser que la durée de la mémoire sensorielle auditive serait donc plus longue que
celle de la mémoire sensorielle visuelle. On notera que les estimations de la durée
de la mémoire échoïque sont variables. Cette variabilité est souvent justifiée en
termes de diversité dans le type de paradigme expérimental et des stimuli utilisés
pour l’étudier (Crowder, 1978). De manière plus générale, en l’état des recherches
actuelles, on considère que des séquences sonores peuvent être conservées en
mémoire échoïque pendant des durées allant de 250 ms à deux secondes.
Quelle est la quantité d’informations qui peut être maintenue dans ce registre ?
Dans une expérience, Moray et al. (1965) ont tenté de mesurer la taille de l’empan
de la mémoire échoïque. Ils ont utilisé pour cela une variante de la technique du
report partiel de Sperling. Dans leur expérience, les sujets se voyaient présenter
en provenance de quatre emplacements différents dans la pièce, quatre lettres
prononcées à voix haute. Les stimuli étaient suivis d’un signal lumineux indiquant
l’emplacement dont il fallait rappeler les lettres prononcées. Comme dans l’expé-
rience de Sperling, ils ont observé que le nombre d’items rappelés était relativement
constant, aux alentours de deux par emplacement. Les sujets ne pouvant pas prévoir
la source sur laquelle on allait les interroger, on peut estimer à huit items au plus
l’empan du registre sensoriel auditif.
Après cette brève présentation de ces deux registres de la mémoire sensorielle,
nous pouvons retenir que la mémoire sensorielle (iconique et échoïque) peut enre-
gistrer une grande quantité d’information, peut être même toute l’information qui
atteint nos récepteurs sensoriels, mais qu’elle ne la retient que pendant quelque
seconde voire millisecondes et peut en restituer immédiatement après l’avoir vue
ou entendue qu’une quantité très limitée correspondant à son empan mnésique.
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cette partie, nous allons examiner les caractéristiques de la mémoire à court terme.
Dans un premier temps, nous verrons sur quels arguments repose la distinction
entre les registres à court terme et à long terme. Nous verrons ensuite les propriétés
spécifiques de la mémoire à court terme et comment la mise en évidence de ces
propriétés a conduit à concevoir la mémoire à court terme comme une mémoire
de travail, c’est-à-dire à ne plus focaliser la conceptualisation théorique sur le seul
aspect de registre de stockage temporel, mais à la déplacer sur les aspects fonc-
tionnels de cette instance mnésique.
On doit à Waugh et Norman (1965) une des premières formulations de la distinc-
tion entre une mémoire transitoire, qu’ils avaient appelée « mémoire primaire », et
une mémoire permanente : la mémoire secondaire. L’hypothèse d’une dualité de la
mémoire s’est d’abord focalisée sur la durée de rétention comme caractéristique
distinctive majeure. L’idée centrale est qu’il faut distinguer entre une mémoire tran-
sitoire, la mémoire à court terme, et une mémoire permanente, la mémoire à long
terme. Cette hypothèse s’appuie sur un certain nombre de résultats qui montrent
que la mémorisation à court terme obéit à des mécanismes de fonctionnement
différents de la mémoire à long terme et sur un autre ensemble de résultats qui
montrent que certains facteurs comme la répétition n’ont pas le même effet dans
la mémorisation à court terme que dans la mémorisation à long terme.
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Les auteurs mesurent le temps de réponse. Ce qui les intéresse surtout, ce sont
les différences entre les conditions « typographie identique » et « typographies
différentes » (fig. 1.7). Leur hypothèse est que la typographie doit d’abord être
traitée en mémoire à court terme pour que les informations sémantiques soient
activées, c’est-à-dire le nom de la lettre dans cette situation. Cette opération de
« traduction » de la forme visuelle en son équivalent verbal se ferait en deux temps.
Reconnaître l’équivalence des lettres dans le cas de la typographie différente devrait
donc prendre plus de temps. Leurs résultats montrent effectivement que le temps
de réponse est plus court dans le cas de AA que dans le cas de Aa. Ils expliquent ce
résultat par le fait que dans le premier cas, la comparaison s’effectue à l’aide d’un
codage physique, alors que dans le second cas, elle s’effectue sur un codage verbal
(ou phonologique), accessible après l’utilisation du codage physique. Le codage
verbal est donc le processus par lequel le système cognitif effectuerait cette impor-
tante opération de « traduction » du stimulus en caractéristiques qui peuvent être
élaborées par des opérations cognitives ultérieures permettant la lecture de la lettre.
De plus, les auteurs font varier le délai de présentation entre les deux lettres. Leurs
résultats montrent que dans la condition des lettres identiques la différence dans le
temps de réponse des participants entre les deux conditions typographiques (AA,
Aa) diminue lorsque le délai entre la première et la seconde lettre augmente (fig. 1.7).
Ces résultats permettent d’évaluer à 2 secondes le temps nécessaire à l’encodage
verbal. C’est en effet au bout de ce délai que l’effet de la typographie disparaît.
Cet effet des caractéristiques physiques de l’item en mémoire à court terme et
sa disparition en mémoire à long terme s’observent également pour les stimuli
auditifs. Le codage acoustique semble même être dominant en mémoire à court
terme, comme le montre une expérience de Conrad (1964).
Dans son expérience, Conrad (1964) a présenté visuellement des lettres que
le sujet devait mémoriser. Au moment du rappel, il a observé que les confusions
portaient plus fréquemment sur les ressemblances de prononciation (par exemple
P et V) que sur les ressemblances graphiques (par exemple R et P). Cette observa-
tion suggère fortement que le codage préférentiel en mémoire à court terme est
le codage acoustique.
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D’autres résultats sont venus étayer cette hypothèse. Ainsi, Conrad et Hull (1964)
ont montré que l’apprentissage d’une suite de lettres phonologiquement proches
(P, B, D, etc.) était plus difficile à rappeler qu’une liste d’items phonologiquement
dissemblables (K, J, W, etc.). Baddeley (1966) a montré qu’il en était de même
pour les mots.
Dans une autre expérience, Baddeley (1966) a comparé l’effet de la ressemblance
phonologique à celui de la ressemblance sémantique en utilisant des listes de 10
mots qui comprenaient soit des mots acoustiquement ou sémantiquement simi-
laires, soit des mots contrôles de fréquence égale. Les listes étaient apprises pendant
quatre essais, après quoi les sujets devaient passer 20 minutes à effectuer une tâche
impliquant la mémoire immédiate. Ensuite il leur a été demandé de rappeler la liste
de mots. La liste avec les mots acoustiquement similaires été apprise relativement
lentement, mais contrairement aux autres listes, elle n’était pas oubliée. L’analyse
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
du pourcentage de mots rappelés ne montre pas de différences entre les deux types
de ressemblance sur le premier essai, mais des différences sont constatés à partir du
troisième essai (fig. 1.8). Ce résultat a été expliqué par Baddeley (1966), en suppo-
sant que le score du rappel au premier essai dépend à la fois de la mémoire à court
terme et de la mémoire à long terme, alors que les essais ultérieurs ne dépendent
que de la mémoire à long terme. Contrairement à la mémoire à court terme, la
mémoire à long terme s’est avérée être altérée par la similarité sémantique mais
pas par la similarité acoustique. Il est conclu que la mémoire à court terme et la
mémoire à long terme utilisent des systèmes de codage différents.
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les deux conditions, mais que cet effet sur les derniers disparaît dans la condition
de rappel différé (fig. 1.9).
(1971) a étudié ces deux effets dans une tâche d’apprentissage successif de plusieurs
listes. Elle a demandé aux participants d’apprendre en répétant à voix haute des
items d’une liste de mots en même temps qu’ils leur étaient présentés à un rythme
de 5 secondes par mot. La tâche d’apprentissage et d’autorépétition était répétée
sur plusieurs listes. Juste après la présentation de chaque liste, on soumettait au
participant une épreuve de rappel libre. Après la présentation de toutes les listes,
les participants étaient soumis à une nouvelle épreuve de rappel libre. Du fait de
l’autorépétition, les premiers mots de la liste sont répétés plus souvent que les
derniers. Son expérience a permis de faire plusieurs observations intéressantes :
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en utilisant une imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM), ont montré
à des participants pendant une seconde, un modèle de visage. Après un délai de
7 secondes, un test leur était présenté, et les participants devaient dire si celui-ci
correspondait ou pas au modèle présenté. Les participants étaient testés dans deux
conditions. Dans la condition « nouveau visage » les participants voyaient chaque
visage pour la première fois. Dans la condition « visage familier », ils voyaient des
visages qu’ils avaient déjà vus précédemment au cours de l’expérience. La réponse
indiquant une activation de l’hippocampe pendant le délai augmentait dans le cas
de visages nouveaux, alors qu’elle n’augmentait que très légèrement dans le cas de
visages familiers. Ranganath et D’Esposito (2001) ont conclu que l’hippocampe était
aussi impliqué dans le maintien d’informations nouvelles en mémoire pendant de
brefs intervalles temporels. De tels résultats, avec d’autres menés ensuite, montrent
que l’hippocampe et d’autres structures cérébrales du lobe temporal médian, autre-
fois considérées être impliquées uniquement dans la mémorisation à long terme,
sont également activement impliquées dans les processus de mémorisation des
informations à court terme.
À la lumière de ce type de résultats récents, bien qu’il y ait toujours des évidences
empiriques de la distinction entre une mémoire à court terme et une mémoire
à long terme, les chercheurs considèrent de plus en plus les résultats issus de la
neuro-imageries qui supportent le fait que ces deux fonctions de la mémoire ne
seraient pas totalement séparées, comme cela a été envisagé par le passé, et cela
spécialement dans le cas de tâches qui impliquent la mémorisation de stimuli
nouveaux.
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Par ailleurs, on sait également que le nombre de lettres ou d’unités que comporte
une unité de sens est important. Par exemple, Baddeley et al. (1975) ont montré que
des mots plus longs posent plus de difficultés pour être mémorisés. L’explication
proposée par Baddeley est que nous répétons mentalement les mots pour nous en
souvenir et avec des mots plus longs, le traitement est plus difficile. Enfin, Cowan
(2010), après avoir fait une minutieuse revue de la littérature, a proposé que la
limite de capacité pour la mémoire à court terme serait plutôt de l’ordre de « 4 ±
2 », qui correspond au nombre moyen d’unités rappelées avec un risque d’erreur
minimale dans différentes conditions de groupement. Depuis, on considère que le
nombre d’éléments pouvant être gardé temporairement en mémoire à court terme
est probablement de 4 ± 2.
La mesure de l’empan mnésique peut être faite pour des items verbaux, elle peut
également l’être pour des items auditifs, on parle alors d’empan auditif. On peut
également le faire pour des dispositions spatiales d’objets comme dans l’épreuve des
blocs de Corsi. Dans cette épreuve, le sujet est placé face à neuf cubes disposés aléa-
toirement. L’expérimentateur désigne alors du doigt un certain nombre de cubes
et le sujet doit les désigner à son tour dans le même ordre que l’expérimentateur.
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de rétention semble indiquer que cette mémoire manipule des unités significa-
tives dont les caractéristiques sont largement déterminées par leur représentation
en mémoire à long terme. Une telle interprétation est confirmée par le fait que
la courbe de l’oubli ressemble à celle de Peterson et Peterson, (1959), pour les
trigrammes sans signification. La tâche des Peterson ne serait donc pas seulement
une tâche de mémorisation, il faut que le sujet ait pu former un regroupement des
lettres et donc traiter l’information pour expliquer l’avantage sur les trigrammes
formant des mots.
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postulant une capacité fixe de la mémoire à court terme et même si tel était le cas,
les causes de cette limitation sont apparues de moins en moins claires. La capacité
à faire des regroupements à partir des items présentés semble être un des facteurs
les plus importants. Dans une étude, DeRosa et Tkacz (1976) ont montré que si
le sujet pouvait donner un sens à la suite d’items, l’effet de la longueur de la liste
observé par Sternberg disparaissait. Dans leur expérience, les auteurs utilisaient
des suites de neuf images formant des mouvements décomposés. Ils reprennent le
paradigme de Sternberg et comparent deux conditions dans lesquelles les images
sont présentées dans un ordre aléatoire. Dans la première condition, les images
ne peuvent former une suite continue d’images, alors qu’elles le peuvent dans la
seconde condition. Ainsi, avec un matériel composé de neuf images numérotées
dans l’ordre chronologique du mouvement, ils prennent, pour la première condi-
tion, des séries telles que 5, 3, 7, 9 et, dans la seconde, des séries telles que 3, 5, 4,
6. Leurs résultats permettent de retrouver l’effet de la longueur de la liste dans la
première condition, mais non dans la seconde. Ce résultat est cohérent avec les
études sur la mémoire des joueurs d’échecs qui montrent que les maîtres présentent
un empan mnésique plus important que les joueurs novices pour des situations
réelles de jeu, mais non pour des dispositions aléatoires de pions sur l’échiquier
(Chase et Simon, 1973, 1988 ; Lories, 1987).
C’est pourquoi, à l’heure actuelle, l’hypothèse la plus largement admise est que la
capacité de la mémoire à court terme n’est pas fixe, mais dépend de la rapidité d’en-
codage, c’est-à-dire de la vitesse à laquelle l’item est identifié et codé en mémoire,
cette rapidité d’encodage dépendant elle-même de la familiarité des items. Une
synthèse de plusieurs travaux sur la capacité de la mémoire à court terme montre
le rôle déterminant de ce facteur (Cavanagh, 1972). Plusieurs résultats empiriques
étayent cette hypothèse. Ainsi Baddeley et al. (1975) ont montré que la vitesse de
lecture était corrélée avec le taux de rappel en utilisant un paradigme similaire à
celui de Sternberg. Ellis et Hennell (1980) ont repris ce résultat pour interpréter
une différence significativement plus faible aux tests d’intelligence chez les enfants
gallois que chez leurs compatriotes anglais. Ils avaient en effet remarqué que la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Selon ces auteurs, l’impossibilité de rappeler les items serait due à un effacement
progressif et surtout passif de la mémoire à court terme. Cette expérience a suscité
beaucoup d’intérêt dans la communauté scientifique, mais aussi de nombreuses
critiques. La plus importante concerne l’interprétation même de leurs résultats.
L’oubli pourrait tout d’abord être une conséquence de la capacité limitée de la
mémoire à court terme, la tâche de comptage à rebours venant mobiliser une partie
des ressources cognitives. Des résultats de Waugh et Norman (1965) ont étayé
cette hypothèse. L’objectif de leur travail était de démontrer l’existence d’oubli
par interférence en mémoire à court terme. Ils ont utilisé dans leur expérience
la technique de l’item sonde. Cette technique, variante du rappel indicé, consiste
à présenter à un sujet une liste d’items qu’il doit mémoriser. Tout de suite après
la présentation de la liste, un signal sonore indique au sujet qu’on passe dans la
phase test. Un item lui est alors présenté (sonde) et le sujet doit rappeler l’item
qui le suit dans la liste (cible). Deux conditions sont comparées dans lesquelles on
manipule la vitesse de présentation des items dans la liste à mémoriser, qui peut
être d’un ou de quatre chiffres par seconde. L’objectif des auteurs est de mettre en
concurrence deux hypothèses :
1. celle d’un oubli passif en mémoire à court terme et, dans ce cas, seul l’intervalle
temporel entre l’item cible et la sonde aura un effet sur la mémorisation ;
2. l’hypothèse d’un oubli lié à la capacité limitée de la mémoire à court terme, les
premiers items étant « chassés » par les suivants.
Autrement dit l’oubli serait le résultat de l’interférence résultant d’information
nouvelle et non pas de l’effacement de la trace mnésique avec le temps. Dans ce
cas, la performance devrait varier en fonction du nombre d’items séparant la cible
de la sonde, et non de l’intervalle temporel. Leurs résultats montrent qu’en effet, la
performance est d’autant moins bonne que le nombre d’items à mémoriser entre
la cible et la sonde est important. En revanche la fréquence de présentation n’a pas
d’influence sur la performance, invalidant du même coup l’hypothèse du déclin
passif de l’information en mémoire à court terme.
L’oubli pourrait également être le résultat d’une interférence entre les différents
éléments précédemment mémorisés (interférence proactive). Le sujet étant soumis
à l’apprentissage de plusieurs listes dans l’expérience des Peterson, il est envisa-
geable que l’apprentissage d’une liste entraîne des confusions lors de l’apprentissage
de listes contenant des éléments similaires. Si cette hypothèse est correcte, l’intro-
duction d’une suite dissemblable aux autres dans le matériel (une suite de chiffres
au lieu de trigrammes) devrait se traduire par une meilleure performance pour la
liste différente. Cette prédiction a effectivement été confirmée par Wickens et al.
(1972), dont les résultats montrent une nette diminution de l’interférence lorsqu’on
change la nature d’une des séries.
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L’ensemble de ces travaux met dès à présent en avant deux aspects importants
de la mémoire : le premier est que l’oubli en mémoire à court terme peut non seule-
ment être dû à un affaiblissement de la trace mnésique, mais aussi à une difficulté de
récupérer l’information qui y est encore disponible. Le deuxième est « l’intrusion »
de la mémoire à long terme dans la performance de rétention de l’information
en mémoire à court terme. Ce dernier aspect sera abordé plus en détail lors de
l’évolution du concept de mémoire à court terme vers celui de mémoire de travail
et lors de la présentation des différents modèles de la mémoire et leur orientation
progressive vers une description de la mémoire plus en termes de processus et de
fonction qu’en termes de système et de structure.
sant de travaux. Devait-on pour autant revenir à une vision moniste de la mémoire ?
Il y a, en science, un fossé entre la remise en cause d’une conception et l’accepta-
tion de la conception concurrente. Les travaux étayant une pluralité des registres
mnésiques sont tout aussi nombreux que ceux qui conduisent à une remise en cause
du modèle classique de la mémoire à court terme. C’est donc à une réforme du
modèle théorique de la mémoire à court terme que les chercheurs se sont attachés.
Des vives discussions et des controverses surgissent à propos de l’existence d’un ou
plusieurs systèmes mnésiques entre les années 1960 et 1970. On doit à Baddeley et
Hitch (1974) une refonte importante du modèle dualiste de la mémoire au profit
41
d’un modèle moniste. Le premier défendant une approche structurale plutôt que
fonctionnelle. Cette révision amènera progressivement au remplaçant la notion
de mémoire à court terme par la notion de mémoire de travail, qui assure non
seulement le stockage temporaire de l’information mais également le traitement
de l’information, pendant la réalisation de tâches cognitives.
42
phonologique.
Ce système semble présenter une spécificité aux sons de paroles comme le
suggère une recherche de Colle et Welsh (1976). Dans leur étude, les sujets devaient
répéter une liste de nombres présentés visuellement. Au moment du rappel de la
liste, certains sujets entendaient une personne lire en allemand, langue que, bien
sûr, ils ne comprenaient pas. Les résultats montrent une nette baisse de la perfor-
mance dans la tâche de mémoire immédiate. Il semble donc que l’écoute inattentive
de sons de paroles perturbe le fonctionnement de la boucle phonologique. Cet effet
43
est-il vraiment spécifique aux sons de paroles ? Dans une expérience, Salamé et
Baddeley (1987) ont comparé l’effet produit par des sons de paroles et des bruits.
Ils ont utilisé pour cela une procédure similaire à celle de Colle et Welsh (1976).
Leurs résultats permettent de retrouver les résultats précédents pour l’écoute inat-
tentive des sons de paroles. En revanche, les bruits ne provoquent pas de baisse de
la performance. La musique vocale provoque le même effet qu’il s’agisse d’opéra
ou de musique pop, la musique instrumentale également, mais dans une moindre
mesure (Salamé et Baddeley, 1989).
Nous avons évoqué plus haut, à propos de la rapidité d’encodage, l’effet de
la durée de prononciation sur l’empan mnésique. Plus les items sont longs à
prononcer, moins bonne est la performance aux tests d’empan mnésique. Ces
résultats ont été reproduits pour des langues aussi diverses que l’hébreu, l’espagnol,
l’arabe ou le chinois (Hoosain et Salili, 1987) avec un rapport à peu près constant qui
montre que l’empan est égal au nombre d’items qu’on peut prononcer en environ
deux secondes. Dans le cadre de ce modèle, le facteur déterminant est donc la
rapidité avec laquelle les items sont encodés. La capacité est alors déterminée par
le nombre d’items pouvant être pris en charge par la boucle articulatoire avant
d’être effacés.
Si on empêche les sujets de réviser la liste, on devrait donc être à même de
mesurer plus précisément la capacité de la mémoire de travail. C’est la raison
pour laquelle on préconise, plutôt que le paradigme de Miller qui utilisait une
liste de longueur fixe, une mesure de l’empan mnésique en continu. Dans cette
procédure de mesure de l’empan, on présente au sujet une liste d’items sans
annoncer à l’avance sa longueur. La présentation est interrompue à un moment
quelconque et l’expérimentateur demande au sujet de rappeler tous les items dont
il se souvient. Dans ces conditions, le nombre d’items rappelés est de l’ordre de
trois ou quatre items selon les langues, ce qui correspond à peu près au nombre
d’items prononçables en deux secondes. Une autre façon de réaliser la mesure de
l’empan est de supprimer l’utilisation de la boucle articulatoire en imposant au
sujet de répéter un son sans signification. Dans le cadre du modèle de Baddeley,
cette « suppression articulatoire » devrait provoquer une disparition de l’effet de la
durée de prononciation aussi bien lors d’une présentation visuelle qu’auditive des
items, puisque le maintien en mémoire dépend de cette révision sous une forme
phonologique. Les résultats de Baddeley et al. (1975) permettent d’observer que
l’effet de la durée de prononciation disparaît effectivement lors d’une présentation
visuelle des items, mais pas lors d’une présentation auditive. Cependant, une expé-
rience de Baddeley et al. (1984) montre que dans des conditions expérimentales
mieux contrôlées, l’effet de la durée de prononciation disparaît effectivement dans
44
les deux conditions. Dans le modèle des Baddeley la boucle phonologique est donc
envisagée comme un système spécialisé dans le maintien de l’information verbale
sous forme phonologique. Ce registre phonologique est composé structurellement
de deux sous-systèmes : un stockage phonologique et un système de répétition dont
les fonctions sont respectivement : (i) recevoir l’information verbale présentée audi-
tivement, et la stocker sous forme de codes phonologiques pendant une durée brève
(1,5 seconde à 2 secondes) et (ii) permettre l’auto-répétition grâce à laquelle il est
possible de garder les items dans l’archive phonologique en en empêchant le déclin.
45
C’est effectivement ce que permettent de vérifier les résultats. Les deux droites
sont parallèles, elles ont donc la même pente (fig. 1.15). L’altération de l’item test
n’affecte donc pas le rythme de balayage. La droite pour les items tests altérés est
plus haute, l’origine n’est donc pas la même. Ce qui permet de conclure que l’alté-
ration de l’item test affecte le temps nécessaire à sa reconnaissance.
Plusieurs recherches vont tester et compléter l’hypothèse proposée par Baddeley
quant à l’existence d’un calepin visuo-spatial comme composante responsable du
maintien temporaire des propriétés visuo-spatiales de l’environnement. À l’appui
d’un ensemble d’études, Logie (1995) établit une dissociation analogue à celle faite
par Baddeley et al. (1984) dans la boucle phonologique entre un registre de stoc-
kage passif et un mécanisme de rafraîchissement actif. Il nomme la composante
responsable du stockage passif des informations visuelles : cache visuel dont le
contenu serait soumis aux interférences (arrivée de nouvelles informations) et
à une détérioration rapide à moins que ces informations soient rafraîchies. La
composante, responsable du rafraîchissement et la manipulation des informations
visuelles et spatiales du cache visuel, est appelée par Logie, (1995) scribe interne.
En définitive, le calepin visuo-spatial est activé pendant les processus de maintien
et de manipulation des images visuo-spatiales et du matériel verbal qui est encodé
sous forme d’image à un stade ultérieur (Baddeley, 2012 ; Baddeley et al., 1984).
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47
48
aidant à mettre ensemble les infos visuelles (par exemple, visualiser le chemin)
et phonologiques (par exemple, écouter le GPS qui nous donne à la fois visuelle-
ment et verbalement les informations) et surtout en répartissant l’attention entre
ses sous-systèmes lors de l’exécution d’une tâche (par exemple conduire) tout en
faisant le lien avec l’information en mémoire à long terme. C’est donc au sein du
l’administrateur central qui, selon Baddeley est centralisé essentiellement fonction-
nement de la mémoire de travail, bien que les traitements proprement dits soient
pris en charge par les sous-systèmes.
de mieux rendre compte des liens avec la mémoire à long terme. Cet espace de
stockage temporaire supplémentaire est appelé épisodique car sa fonction est juste-
ment celle d’intégrer des informations émanant de la mémoire à long terme et de ce
fait de permettre des regroupements en unités plus larges qu’un simple mot isolé,
en faisant référence aux connaissances sémantiques et syntaxiques présentes en
mémoire à long terme. Il s’agit ainsi d’un sous-système à capacité limitée qui permet
le stockage temporaire d’informations enregistrées dans un code multimodal (tant
visuel que verbale ou sémantique) capable d’intégrer à la fois les informations des
deux autres systèmes subsidiaires (calepin visuo-spatial et la boucle phonologique)
49
Le tampon épisodique a pour rôle de stocker les informations par le biais d’un code multimodal, fournissant
ainsi une interface temporaire entre les deux systèmes subsidiaires (la boucle phonologique et le carnet
visuo-spatial).
50
à long terme. Les premiers à avoir évoqué cette idée sont Norman (1970), Schneider
et Shiffrin (1977) et Anderson (1974). Baddeley (2000a) suppose lui aussi qu’il existe
un lien direct entre la mémoire à long terme et les autres composantes sans pour
autant considérer, comme Cowan (1988, 1999) que la mémoire à court terme est
la partie activée de la mémoire à long terme. Dans le modèle de Cowan (1988),
contrairement à celui de Baddeley, les différents types d’informations (verbales,
visuelles, etc.) sont tous stockés en mémoire à long terme plutôt que dans des
systèmes distincts. La proposition de Cowan (1988, 1999) est encore de nos jours
considérée comme un des modèles monistes le plus abouti et elle sera présentée
dans la section suivante.
Pour lui, les entrées sensorielles et les buts du sujet auraient pour effets de
rendre disponibles un certain nombre d’informations provenant de la mémoire
à long terme. On parle alors d’activation des représentations. Parmi toutes les
informations activées, certaines font l’objet d’un traitement attentionnel et consti-
tuent ce qu’il appelle le « focus attentionnel ». Pour expliquer le passage de l’état
d’activation au focus attentionnel, Cowan postule un processus de contrôle dont
le rôle et le fonctionnement sont analogues à ceux de l’administrateur central de
51
52
53
Le modèle de Barrouillet et Camos (2020) repose sur quatre postulats étayés par
de nombreuses études expérimentales, que nous nous n’avons pas la place de déve-
lopper ici (pour une présentation plus complète, voir Barrouillet et Camos, 2022).
1) Le stockage et le traitement de l’information en mémoire de travail dépendent
d’une ressource attentionnelle commune et limitée. Les auteurs considèrent que
la mémoire de travail contiendrait à la fois les éléments sur lesquels l’attention se
concentre ainsi que les éléments qui sont hors du focus attentionnel, mais qui sont
suffisamment activés pour être facilement accessibles.
2) Les éléments en mémoire de travail subissent un déclin avec le temps et
doivent donc être réactivés régulièrement pour ne pas être perdus.
3) La mémoire de travail n’autorise qu’une seule opération cognitive à la fois
(hypothèse du goulot d’étranglement) ce qui impose un traitement séquentiel des
opérations de traitement et de maintien de l’information en mémoire. Lorsque
l’attention est mobilisée par les premiers, le second subit un déclin (postulat 2).
4) Il découle des trois précédents postulats que pour éviter l’oubli, il est néces-
saire que l’individu détourne fréquemment son attention du traitement pour
garantir le maintien d’informations en mémoire à de travail (rapid switching).
54
55
de traitement sur le temps total affecté à la tâche. Il résulte de cette relation que
le caractère perturbateur de la tâche secondaire sur la mémorisation en mémoire
de travail est essentiellement lié à la diminution du temps total d’attention libre et
donc à la difficulté à rafraîchir les informations.
Le panorama des recherches sur la mémoire de travail que nous venons de
dresser est loin d’être exhaustif (voir pour une revue Camos et Barrouillet, 2022).
Malgré la diversité des modélisations, il existe un consensus relativement large pour
reconnaître une capacité de mémorisation à court terme ayant deux fonctions que
sont le traitement et le stockage transitoire de l’information ainsi que la labilité et
la capacité limitée de cette mémorisation à court terme. Les résultats empiriques
qui en attestent sont nombreux et robustes, mais comme tous les faits, ils peuvent
faire l’objet d’une interprétation dans un cadre théorique ou un autre. Les diver-
gences portent sur l’existence d’une structure distincte de la mémoire à long terme.
Une telle hypothèse est défendue par l’approche structuraliste dont le principal
promoteur est Baddeley. Une telle approche fait cependant encore l’objet de débat
vif avec des tenants de l’approche moniste comme Cowan (Logie et al., 2020). Le
modèle TBRS constitue une piste prometteuse pour surmonter ces divergences.
56
d’autres non. Faut-il concevoir la mémoire à long terme comme une structure
unitaire ou faut-il différencier des sous-structures en fonction du type d’infor-
mation qu’elles contiennent ? S’il n’y a pas de consensus sur l’organisation de la
mémoire à long terme, il semble cependant que plusieurs distinctions s’avèrent
nécessaires.
demandait aux sujets de dire si la cible avait été présentée dans l’expérience. Trois
conditions ont été comparées pour ces deux tâches : la cible entretient 1) une
relation simplement sémantique (vert-herbe), 2) une relation épisodique (couple
amorce-cible sans relation et déjà présenté), 3) épisodique et sémantique (couple
amorce-cible entretenant une relation sémantique et déjà présenté).
Les résultats montrent clairement que la relation entre amorce et cible n’in-
fluence pas la tâche de décision lexicale (fig. 1.18). Cette relation est, en revanche,
déterminante dans la tâche de reconnaissance épisodique, puisque l’amorce a
un effet de facilitation sur les cibles déjà présentées, surtout si amorce et cible
57
58
compte d’un grand nombre de données tout en laissant certaines d’entre elles
de côté. Il n’y a donc pas de modèle parfait, mais en faut-il un ? Un modèle n’est
après tout qu’une source de réflexion pour le psychologue et non une vérité en soi.
Dans ce point, nous allons examiner différentes propositions théoriques récentes
d’organisation de ces différents types de mémoires.
59
Dans les années 1990, Tulving (1995) étend son modèle en lui adjoignant deux
autres sous-systèmes (fig. 1.22). Un système de représentations perceptives qui
s’appuie sur la perception des informations issues de l’environnement et qui est
destiné à rendre compte du stockage des représentations qui ne sont pas sous une
forme propositionnelle (représentations imagées, auditives, etc.). Un système de
mémoire de travail qui traite l’information afin de la stocker et fait le lien entre
mémoire épisodique et mémoire sémantique (Tulving, 1995). Plus les systèmes de
mémoire sont bas dans la hiérarchie, plus ils sont autonomes, c’est-à-dire que leur
activité est indépendante des systèmes de plus haut niveau.
Ces cinq systèmes de mémoire constituent le cadre dans lequel en 1995, Tulving
propose le modèle SPI (sériel parallèle indépendant) qu’il continuera à développer
60
dans les années 2010 (voir Tulving, 2014). Il s’agit d’un modèle à la fois structural
et fonctionnel qui vise en même temps à préciser le fonctionnement de la mémoire
du point de vue de son organisation et des relations entre les sous-systèmes. Cette
organisation et les relations entre les quatre systèmes de représentation sont
décrites du point de vue des trois principaux processus : l’encodage, le stockage et
la récupération de l’information en mémoire à long terme (fig. 1.23).
61
Le modèle de Squire
Squire et ses collaborateurs ont proposé une autre modélisation de la mémoire
à long terme (Squire, 2004 ; Squire et al., 1993 ; Zola-Morgan et Squire, 1993). Leur
modèle se présente comme une ontologie des différents systèmes de représentation
en mémoire à long terme (fig. 1.24). Pour eux, il faut distinguer en premier lieu
la mémoire explicite de la mémoire implicite. Mémoire sémantique et mémoire
épisodique sont alors vues comme des sous-systèmes de la mémoire explicite.
Dans la mémoire implicite, on trouve la mémoire procédurale, les apprentissages
perceptifs avec lesquels on peut également classer les effets d’amorçage, les condi-
tionnements et les apprentissages non associatifs comme l’habituation et les arcs
réflexes.
62
Le modèle MNESIS
Le modèle MNESIS (Memory Neostructural Inter-Systemic model ou Modèle
néostructural intersystémique de la mémoire humaine) est une proposition de
synthèse des différentes propositions multi-systèmes de la mémoire. Il met l’ac-
cent sur l’existence de différents systèmes de mémoire chez l’homme et sur leurs
relations réciproques, en y intrigants les composantes les plus robustes telles que
les systèmes de mémoires perceptives ainsi que le système de mémoire sémantique
et épisodique présent dans l’organisation proposée par Tulving (2001), ainsi que
des composantes plus récentes tels que le buffer épisodique proposé par Baddeley
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
63
64
ressantes sont plus faciles à mémoriser ou qu’on est plus enclin à apprendre lorsque
l’enjeu est important (examens, concours). Des recherches suggèrent cependant
que ce facteur n’est pas, à lui seul, décisif. La promesse d’une récompense variable
selon les performances au rappel ne suffit pas toujours à influencer l’apprentissage
de façon positive (Nilsson, 1987). Il semble que les facteurs décisifs soient plutôt
à chercher du côté du traitement des informations à apprendre. Cette idée n’est
pas contradictoire avec le fait qu’apprendre nécessite une attention soutenue et
une certaine motivation. On consacre en effet davantage de temps et d’efforts aux
matières qui nous paraissent importantes et/ou nous intéressent particulièrement.
65
66
n’ont pas toujours une bonne conscience de ce qu’ils ont ou non mémorisé et ils
ont tendance à surévaluer leur degré d’apprentissage, d’où l’intérêt de modèle
précis de la mémorisation pour la conception de dispositifs informatisés d’aide à
l’apprentissage.
pulant deux facteurs : la durée des séances (une ou deux heures) et le nombre de
séances (une ou deux séances) par jour de formation. Il s’agit là d’un apprentissage
moteur et, après l’apprentissage de la localisation des touches, la performance est
mesurée en nombre de caractères tapés à la minute. Leurs résultats montrent que
pour un nombre d’heures d’entraînement égal, la performance des sujets qui ont
eu des séances d’une heure est meilleure que celle les sujets qui ont eu des séances
de deux heures, indépendamment du nombre de séances par jour. Ils montrent
également que les sujets n’ayant eu qu’une séance par jour présentent une meilleure
performance que les sujets ayant eu deux séances par jour de formation. Il semble
67
donc que l’apprentissage d’un savoir-faire soit plus profitable s’il est réparti dans le
temps sur de courtes séances, même s’il faut davantage de temps pour l’acquérir.
Un autre aspect de la question est l’influence de l’intervalle entre les essais.
Celui-ci peut être plus ou moins long. Plusieurs recherches semblent montrer que
la performance est meilleure lorsque l’intervalle entre les essais est long que lors-
qu’il est court. Cependant les résultats sont très hétérogènes selon le type de tâche,
de matériel et d’indicateurs pris en compte. Ces études concernent souvent des
apprentissages moteurs et les quelques études sur du matériel verbal ne permettent
pas toujours de reproduire ce résultat, de sorte qu’il est difficile de généraliser sur
l’effet de ce facteur (Underwood, 1964).
Enfin la question du rythme de l’apprentissage peut également concerner l’inter-
valle de répétition entre les items. Melton (1970) a montré que l’apprentissage d’un
item isolé était facilité par des présentations successives relativement éloignées,
mais sans doute pas trop, comme l’illustre « l’effet de la pratique du rappel » : un
item qu’on est amené à récupérer fréquemment en mémoire a plus de chance d’être
rappelé ultérieurement. Ces deux effets, fréquence des répétitions et pratique du
rappel, ont conduit Landauer et Bjork (1978) à proposer une stratégie de répétition
particulièrement efficace qui consiste à augmenter l’intervalle entre les répétitions
d’un item correctement rappelé et à diminuer l’intervalle pour les items qui n’ont
pas été récupérés.
68
• des questions sur le sens du mot (est-ce que le mot serait approprié dans la
phrase : « Jean a bu un ___ de vin ? »).
Chacune de ces questions était suivie d’un mot pour lequel le sujet devait dire si
la réponse à la question était positive ou négative. En fait, les réponses aux questions
ne constituaient pas l’objectif de l’expérience et le test était immédiatement suivi
d’un test de reconnaissance sur les mots que le sujet avait vus durant l’expérience.
69
Un premier résultat montre que le temps de réponse dans la tâche initiale varie
en fonction du niveau de traitement et pas en fonction du caractère positif ou
négatif de la réponse attendue (fig. 1.27 à gauche). Cela ne doit cependant pas laisser
penser que la rétention serait liée à la seule durée de traitement. D’autres tâches
portant sur des caractéristiques superficielles des items comme compter les voyelles
ou dire si deux consonnes se suivent prennent plus de temps que d’identifier la
taille des caractères, mais ne provoquent pas une meilleure mémorisation. Leurs
résultats montrent également que le taux de réponses correctes augmente avec
la profondeur de traitement, aussi bien pour les items positifs que pour les items
négatifs (fig. 1.27 à droite). Ce résultat a eu une grande influence dans les théories
de l’apprentissage. D’abord parce qu’une telle théorie fournissait un cadre explicatif
précis à ce que beaucoup de pédagogues savaient : c’est l’importance et la qualité
du travail sur une matière qui assurent sa mémorisation, bien plus que la répéti-
tion. Ensuite parce que cette théorie permettait d’assimiler les différents registres
mémoire à des étapes du traitement de l’information. Rappelons qu’à l’époque où
ce modèle a été proposé, l’approche qui dominait était celle de la mémoire à court
terme (voir le modèle de Broadbent). Enfin, cette théorie offrait un cadre assez
simple permettant de faire des prédictions précises et d’interpréter les résultats.
D’autres expériences ont également montré que le traitement en profondeur
s’applique également pour la mémorisation des images. Dans une expérience,
Bower et al. (1975) ont demandé à des participants de restituer des pairs d’images
absurdes (privés de sens), avec ou sans interprétation verbale des images (fig. 1.28).
Les sujets, qui avaient entendu une phrase interprétant et reliant les images d’une
paire, ont montré un meilleur rappel associatif que les participants qui n’avaient
reçu aucune interprétation. L’expérience montre que les participants mémorisent
mieux des images absurdes s’ils comprennent ce qu’elles représentent, c’est-à-dire
70
peut échapper, l’information en mémoire à long terme n’est pas stable, au grand
dam des étudiants qui fournissent des efforts de mémorisation pour passer leurs
examens et ont l’impression, quelques mois après, d’avoir tout oublié. Un des
apports de la psychologie cognitive est d’avoir montré que cette disparition de
l’information n’était qu’apparente et relevait de modifications du souvenir dues à
un certain nombre de facteurs et de mécanismes que nous allons examiner.
Le mécanisme principal de modification du souvenir est l’interférence. Ce terme
désigne l’influence d’un apprentissage sur un autre apprentissage. L’interférence
peut être due à un apprentissage antérieur, on parlera d’interférence proactive qui
71
se produit lorsque ce que nous savons déjà interfère avec ce que nous sommes en
train d’apprendre (les vieux souvenirs perturbent les nouveaux). Elle peut égale-
ment être due à un apprentissage ultérieur, c’est l’interférence rétroactive qui se
produit lorsque nous oublions une information précédemment apprise en raison de
l’apprentissage d’une nouvelle information. En d’autres termes, l’apprentissage ulté-
rieur interfère avec l’apprentissage antérieur (les nouveaux souvenirs perturbent
les anciens). On peut représenter schématiquement le déroulement expérimental
permettant de mesurer ces deux effets d’interférence de la façon suivante (fig. 1.29).
72
ou 8 fois. Après l’apprentissage, une partie des sujets ont pu se reposer tandis que
d’autres devaient apprendre un autre texte avec quatre ou huit répétitions. Ses
résultats montrent que quel que soit le nombre de répétitions lors de l’appren-
tissage cible, le rappel de celui-ci était détérioré par l’apprentissage ultérieur. La
détérioration était d’autant plus importante que le nombre de répétitions lors de
l’apprentissage interférent était important. S’agit-il d’une simple confusion entre
deux informations ou bien l’information apprise dans un premier temps est-elle
effacée par la nouvelle ? Dans une expérience, Loftus (1977) présente à ses sujets une
série de diapositives relatant un accident de la route dans lequel une voiture verte ne
s’est pas arrêtée. La projection est suivie d’un questionnaire dont la dernière ques-
tion, pour une partie des sujets, mentionne une voiture bleue qui ne s’arrête pas.
Vingt minutes plus tard, l’expérimentateur demande aux sujets de quelle couleur
est la voiture qui ne s’est pas arrêtée. Chez les sujets exposés à la question sur la
voiture bleue, la réponse est plus fréquemment « bleue ». Bekerian et Bowers (1983)
ont cherché à savoir si l’effet d’interférence observé par Loftus correspondait au
remplacement de l’information initiale par l’information erronée. Ils ont repris
le matériel et le questionnaire de Loftus mais en présentant le questionnaire soit
dans l’ordre originel, soit dans un ordre aléatoire, soit dans l’ordre chronologique
de l’incident. Leurs résultats permettent de retrouver l’effet d’interférence pour les
ordres aléatoire et originel. En revanche, les sujets qui ont vu les questions dans
l’ordre chronologique de l’incident ne subissent aucune distorsion de leur souvenir
des diapositives. Il semble donc que l’effet d’interférence dépende en grande partie
des caractéristiques de l’apprentissage ultérieur et que ce dernier ait pour effet de
masquer, plutôt que de remplacer, l’information initialement mémorisée.
informations de façon « stable » et à les réutiliser longtemps après les avoir acquises.
Cette mémoire est parfois également appelée mémoire permanente pour souli-
gner le fait que l’intervalle entre l’acquisition et la récupération n’est a priori pas
limité. Pourtant, nous l’avons vu, la mémoire à long terme n’est pas une grande
bibliothèque où nos connaissances sont stockées de façon immuable, ni toujours
accessible. De fait, nous avons tous fait l’expérience de la réminiscence de souvenirs
très anciens que l’on croyait avoir oubliés. Cette conception de la mémoire à long
terme nécessite que nous insistions sur la distinction entre la disponibilité de l’in-
formation en mémoire et l’accès à celle-ci. Un phénomène fréquent, auquel nous
73
avons tous été confrontés, et qui illustre bien cette distinction, est le phénomène
du mot sur le bout de la langue. Dans ces situations, nous avons la conviction
intime que nous connaissons le mot sans pour autant pouvoir le retrouver. Un
autre phénomène qui montre bien la distinction entre la disponibilité et la récu-
pération est le phénomène d’économie au réapprentissage utilisé par Ebbinghaus.
Le fait que dans ces expériences, les sujets ne puissent ni rappeler, ni reconnaître
les items de la liste apprise, mais réapprennent néanmoins la liste en un nombre
d’essais moins important, ne peut être expliqué que par la présence de l’information
en mémoire, bien que le sujet ne puisse y accéder. La différence entre rappel et
reconnaissance est un autre argument en faveur de la distinction entre accessibilité
et récupération. Mandler et al. (1969) ont fait apprendre à leurs sujets une liste de
cent mots et tester la rétention à l’aide de tâches de rappel ou de reconnaissance.
Dans la tâche de rappel, les sujets rappelaient en moyenne 38 mots sur 100. Dans
la tâche de reconnaissance, les mots appris étaient présentés en nombre égal avec
des mots nouveaux. Les sujets reconnaissaient correctement 96 mots sur 100. La
différence de performance entre ces deux tâches correspond aux mots disponibles
mais non accessibles en mémoire dans la tâche de rappel.
74
Dans une expérience de 1974, Anderson a présenté à ses sujets une série de
descriptions de faits associant des lieux et des personnes, sous la forme d’une
phrase simple (sujet, verbe, complément). Les personnes pouvaient être associées
à un ou à deux lieux, de même que les lieux pouvaient être associés à une ou à deux
personnes. Les sujets devaient apprendre par cœur le matériel. Ils étaient soumis
ensuite à un test de reconnaissance (Anderson, 1974).
On peut observer sur la figure 1.30 que le temps de réponse est d’autant plus
grand que le nombre d’éléments associés est important. Ainsi, le temps de réponse
75
76
autre pièce que l’apprentissage sans avoir à imaginer cette dernière. Il semble donc
que ce soit l’accès aux informations contextuelles (que celles-ci soient présentes ou
imaginées) qui constitue l’effet facilitateur dans la récupération de l’information.
Tulving et Thomson (1971) ont proposé la notion d’encodage spécifique
pour rendre compte de l’importance des indices contextuels dans le rappel et
la reconnaissance. Selon ces auteurs, l’encodage d’un stimulus en mémoire est
déterminé à la fois par les caractéristiques de ce stimulus, mais également par les
informations qui lui sont associées lors de l’apprentissage. Selon ce principe, lors
77
de l’apprentissage d’une liste de mots, les indices associés à ces mots devraient
alors être aussi efficaces que des mots proches sémantiquement (fig. 1.31) pour
permettre le rappel.
Ils ont testé cette hypothèse dans une expérience où les sujets devaient apprendre
une liste de mots présentés pendant une seconde. Les sujets ont été répartis dans
trois groupes pour manipuler le contexte d’apprentissage. Dans le premier groupe,
les mots étaient présentés de façon isolée. Dans le deuxième groupe, les mots
étaient précédés d’un mot fortement associé (associatif +), par exemple le mot table
était précédé du mot chaise. Dans le troisième groupe, le contexte d’apprentissage
était constitué d’un mot faiblement associé (associatif –), par exemple « chemise »
précédant « table ». Les sujets ont ensuite été soumis à un test de reconnaissance
dans l’un des trois contextes. Les résultats présentés dans la figure 1.31 permettent
de voir que le contexte d’apprentissage n’a pas d’effet sur le taux de reconnais-
sance si les mots sont présentés isolément au moment de la reconnaissance. En
revanche, dans les deux autres conditions, la performance est nettement améliorée
si le contexte de reconnaissance est le même que le contexte d’apprentissage. Ce
principe a été repris et systématisé par (Tulving, 1983) dans sa théorie de l’ecphorie
(selon laquelle le rôle du contexte d’encodage serait d’autant plus important que
la trace mnésique est faible) et permet de mieux comprendre en quoi le contexte
peut influencer l’apprentissage et la récupération des informations.
78
Exercices
QCM
1. D’après les résultats de l’expérience de Sperling (1960), la capacité de la
mémoire sensorielle est plutôt…
a) plus importante que pour la mémoire à court terme.
b) moins importante que pour la mémoire à court terme.
c) sensiblement la même que pour la mémoire à court terme.
2. L’empan mnésique se définit par…
a) la rapidité de l’encodage en mémoire à court terme.
b) la capacité de stockage en mémoire à court terme.
c) la durée de stockage en mémoire à court terme.
3. La capacité de la mémoire de travail dépend de…
a) la rapidité d’encodage.
b) l’intelligence.
c) du mode de récupération de l’information.
4. Dans leur expérience, Peterson et Peterson (1959) ont fait apprendre une liste
de lettres à des sujets, suivie d’un comptage à rebours. Leurs résultats montrent…
a) que le taux de rappel est fonction de la rapidité d’encodage.
b) que le taux de rappel décroît rapidement si la boucle articulatoire ne peut
être mise en œuvre.
c) que le taux de rappel dépend de la capacité de la mémoire de travail.
5. Parmi les propriétés suivantes, laquelle caractérise la mémoire à court terme ?
a) Codage sémantique.
b) Accès direct.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
c) Capacité faible.
6. Parmi les propriétés suivantes, laquelle caractérise la mémoire à long terme ?
a) Codage plutôt acoustique.
b) Capacité illimitée.
c) Instabilité de l’information.
7. Quelle notion doit-on à Bisseret (1970) ?
a) La mémoire opérationnelle.
79
b) La boucle articulatoire.
c) La mémoire sensorielle.
8. Quel est l’auteur de la notion de calepin visuo-spatial ?
a) Miller.
b) Baddeley.
c) Cowan.
9. Comment peut-on caractériser le rythme de balayage en mémoire de travail ?
a) Il est constant.
b) Il dépend de la capacité de la mémoire de travail.
c) Il dépend de la rapidité d’encodage.
10. Mettez en correspondance les auteurs et les facteurs influençant la fixation
en mémoire à long terme à l’étude desquels ils ont contribué.
1. Atkinson (1972) A. Profondeur de traitement
2. Rundus (1970) B. Organisation du matériel à apprendre
3. Mandler (1967) C. Répétition mentale
4. Craik et Lockart (1972) D. Stratégies de répétition mentale
80
Définitions
Définissez les concepts suivants en cinquante mots maximum : encodage –
mémorisation – profondeur de traitement – interférence – effet de primauté
– amorçage sémantique – mémoire procédurale
Texte lacunaire
Complétez le texte suivant.
La mémoire de travail. Dans l’étude de la mémoire, jusque dans les années 1950
et 1960, deux types de conceptions de la mémoire se sont affrontés. Selon les
tenants de la conception [A], soutenue notamment par les partisans de [B], les
mécanismes de mémorisation ne relèvent que d’un seul type de mémoire. À l’in-
verse, les tenants de la conception [C] ont défendu l’idée que la mémorisation faisait
intervenir plusieurs types de mémoires. Leurs arguments reposent notamment sur
la mise en avant des phénomènes attentionnels et [D].
La distinction entre [E] et [F] repose sur un ensemble de travaux qui mettent
en évidence l’effet différencié de plusieurs facteurs en fonction du délai de rappel.
On peut ainsi mettre en évidence que la répétition n’a pas d’effet pour un délai [G],
tandis qu’elle augmente le taux de rappel pour un délai [H]. On peut aussi distin-
guer ces deux types de mémoires du point de vue de leur capacité de stockage. En
mémoire à long terme, elle paraît illimitée, tandis qu’en mémoire à court terme,
elle est de l’ordre de [I] lorsqu’elle est mesurée en continu. La forme de codage
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
permet aussi de distinguer ces deux types de mémoires. Ainsi, en mémoire à court
terme le codage [J] est prépondérant, tandis qu’en mémoire à long terme, c’est le
codage [K] qui semble privilégié.
Un autre argument, plus décisif, concerne les processus de récupération de
l’information. Ainsi, [L] a montré que l’accès à l’information en mémoire de travail
s’effectuait de manière [M]. Le temps de réponse varie en fonction de [N] et non de
[O] de l’item à reconnaître dans la liste. De plus, ce processus de récupération de
l’information en mémoire de travail mobilise des ressources attentionnelles. En ce
qui concerne la mémoire à long terme, [P] ont montré avec une tâche de détection
81
Questions de réflexion
1. Quels arguments justifient la distinction entre mémoire à court terme et
mémoire à long terme ?
2. En quoi l’apprentissage par cœur peut-il être une mauvaise façon d’apprendre ?
3. Quels sont les facteurs facilitant la fixation en mémoire à long terme ?
Lectures conseillées
BADDELEY A. (1993). La Mémoire humaine : NICOLAS S. (2016). La Mémoire. Paris : Dunod,
théorie et pratique. Grenoble : Presses 2e édition.
Universitaires de Grenoble (PUG). TIBERGHIEN G. (1997). La Mémoire oubliée.
L IEURY A. (2021). Psychologie de la Bruxelles : Pierre Mardaga.
mémoire : histoire, théories et expé- CAMOS V., et BARROUILLET P. (2022). La Mémoire
riences. Malakoff : Dunod, nouvelle de travail. Théories, développement
présentation. et pathologies. Mardaga.
82
1. La notion de représentation
Dans le chapitre précédent, nous avons évoqué à plusieurs reprises la notion de
représentation. Le moment est venu de préciser cette notion et d’examiner d’un
peu plus près quelques travaux empiriques qui s’y rapportent. De façon géné-
rale, la notion de représentation désigne les contenus de la ou des mémoire(s) se
rapportant à un objet, une situation ou un événement. Cette première définition
est volontairement imprécise et il convient pour l’affiner d’explorer ses différents
sens en psychologie, mais aussi les différents termes qui sont utilisés pour en parler.
85
86
facilement une image que des associations verbales. Si on pense par exemple à un
carré, il est sans doute plus facile de se le représenter visuellement que de penser
que c’est un quadrilatère régulier, possédant des côtés et des angles égaux. Il en
va sans doute tout autrement si on cherche à évoquer la vérité ou la liberté. Ces
deux exemples, on le voit, diffèrent fortement du point de vue de l’abstraction du
concept à se représenter. Paivio (1969) a avancé l’hypothèse selon laquelle c’est
cette dimension « concret/abstrait » qui constitue le déterminant principal dans la
formation des images mentales et explique que les mots concrets soient plus faciles
à mémoriser que les mots abstraits. Pour tester son hypothèse, il a imaginé une
procédure permettant d’évaluer, au moins de façon subjective, la « valeur d’ima-
gerie » d’un ensemble de mots. La procédure consistait à demander aux sujets de
noter sur une échelle la difficulté éprouvée pour se représenter le mot sous forme
d’image mentale. Il a également demandé à ses sujets de fournir en une minute le
plus de mots associés à un mot donné. Il a ainsi obtenu pour chacun des mots une
valeur d’association. Une tâche d’apprentissage de la liste des mots suivie d’une
épreuve de rappel lui a permis d’observer que le rappel était influencé par la valeur
d’imagerie mais pas par la valeur d’association. Il semble en effet que les sujets
aient tendance à utiliser des images mentales plutôt qu’une stratégie verbale pour
mémoriser les mots à forte valeur d’imagerie (Paivio et al., 1968). Selon Paivio,
l’efficacité des images mentales dans la mémorisation s’expliquerait par un double
encodage, à la fois visuel et verbal. Ces deux codages seraient indépendants, l’un
pouvant être oublié sans que l’autre soit perdu, ce qui rendrait compte de la supé-
riorité de la stratégie du codage imagé.
Cette hypothèse n’a cependant pas été confirmée. Partant du principe que le
codage imagé mobilise en mémoire de travail le registre visuo-spatial, Baddeley,
Grant et al. (1975) ont testé l’effet d’une tâche interférente sur la mémorisation de
mots à forte valeur d’imagerie, comparé à la mémorisation de mots plus abstraits.
Selon la théorie du double encodage, les mots fortement imageables devraient solli-
citer le calepin visuo-spatiale et la boucle phonologique. Si c’est le cas, une tâche
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Dans les deux conditions, les stimuli tests positifs sont les deux stimuli du haut, avec en gris le stimulus
test pour lequel la reconnaissance est la plus rapide. Pour les deux stimuli tests du bas, la réponse attendue
est négative.
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Une autre série d’arguments sur l’autonomie des représentations imagées par
rapport aux représentations verbales nous vient des études sur le traitement des
représentations imagées.
89
tâche des sujets consistait à reconnaître des visages étudiés précédemment soit à
l’aide d’une description verbale, soit à l’aide d’une description schématique. Les
expérimentateurs ont manipulé le nombre de traits pertinents pour différencier
les visages (fig. 2.3).
Les résultats montrent d’une part que la reconnaissance est plus rapide dans
le cas de la présentation schématique que dans le cas de la description verbale.
D’autre part, on observe que le temps de reconnaissance ne varie en fonction
du nombre de traits pertinents que dans la condition « description verbale ». On
comprend bien les résultats pour la description verbale, l’accès à l’information en
mémoire de travail se faisant de façon séquentielle et exhaustive pour le matériel
verbal (Sternberg, 1966). Ces résultats montrent qu’il n’en est pas ainsi pour les
images mentales.
90
peut être manipulée comme on manipule l’objet réel et que la rotation de l’objet se
fait à vitesse constante. Cependant d’autres résultats sont venus montrer que sous
certaines conditions, la vitesse de rotation n’était pas constante. Ainsi, Cooper et
Shepard (1973) ont utilisé une procédure similaire à l’expérience précédente, en
remplaçant les formes tridimensionnelles par des lettres de l’alphabet. Ils deman-
daient ensuite aux sujets d’indiquer si l’image présentée était la lettre normale ou
son image en miroir (fig. 2.4). Comme précédemment, le temps de réponse dépend
du degré de rotation de l’image par rapport à la lettre normale, mais la relation
de proportionnalité n’est pas observée. Les connaissances des sujets entrent sans
doute en jeu dans ce phénomène et certaines lettres apparaissent plus sensibles
que d’autres au changement d’orientation (Hock et Tromley, 1978).
À gauche, l’île de Kosslyn et al. (1978). À haut à droite, une lettre en rotation de Cooper et Shepard (1973).
En bas à droite, les formes tridimensionnelles de Shepard et Metzler (1971).
On retrouve des résultats similaires à ceux qui sont observés lors de la rotation
mentale dans des tâches d’exploration d’images mentales. Une série d’expériences
de Kosslyn et de ses collaborateurs montrent que le temps mis pour parcourir une
image d’un point à un autre est fonction de la distance séparant les deux points.
Dans l’expérience classique de Kosslyn et al. (1978), les sujets doivent, dans un
premier temps, mémoriser la carte d’une île imaginaire et différents détails carac-
téristiques (position d’un arbre, d’une cabane, etc.). Les sujets sont ensuite soumis
à une tâche de vérification où on leur demande de se prononcer sur la présence
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
d’un objet en imaginant qu’ils se déplacent sur l’île. Lorsque l’objet est atteint, le
sujet le signale en appuyant sur un bouton. Les résultats montrent que le temps
de réponse est une fonction linéaire de la distance séparant les objets. Ce résultat
a été observé aussi bien dans l’exploration de carte mentale que dans l’exploration
d’images d’objets (Kosslyn, 1980).
91
92
pour aller d’un point à un autre et sur l’estimation des distances entre deux points le
long d’un itinéraire. On leur demandait ensuite d’indiquer la position et la distance
(en ligne droite) entre deux points sur un système de coordonnées euclidien (un
quadrillage). Les deux premières tâches concernaient plutôt les connaissances
sur l’orientation dans l’espace, tandis que les secondes interrogeaient plutôt les
connaissances sur la configuration. Comme on peut s’y attendre, les sujets ayant
eu à se déplacer dans le bâtiment étaient plus performants dans les tâches d’orien-
tation que dans les tâches sur la configuration. C’est bien sûr l’inverse pour les
sujets ayant eu à étudier la carte. Cependant, si on répétait la mesure quelque
93
temps après, laissant ainsi le loisir aux sujets qui se déplacent dans l’immeuble de
parfaire leurs connaissances des lieux, la différence entre les deux groupes de sujets
pour les tâches sur la configuration (repérage euclidien) diminuait sensiblement,
montrant une construction très progressive de la carte mentale des lieux chez les
sujets. Cette carte était cependant très schématique, même si elle permettait de
mémoriser des relations spatiales très précises. Une étude approfondie de ce type
de représentation nous est fournie par Pailhous (1970) à propos de la construc-
tion de la représentation d’une ville par des chauffeurs de taxi parisiens. Cette
étude montre que les chauffeurs disposent bien d’une représentation imagée de la
ville similaire à une carte mentale, mais que celle-ci se limite aux grands axes de
circulations (périphérique, boulevards, etc.). Cette représentation correspond à ce
que Pailhous a appelé le réseau de base. La connaissance des quartiers est stockée
sous la forme de réseaux secondaires annexés au réseau de base. L’identification
du trajet à suivre se fait par activation du réseau de base et du réseau secondaire
concerné. L’itinéraire est alors choisi en sélectionnant la route qui forme l’angle
minimal avec la direction du point visé sur le réseau de base.
94
JAUNE (canari)
Le rôle de prédicat peut être tenu par des mots relevant de catégories gram-
maticales très différentes (nom ou groupe nominal, verbe, adjectif, etc.). Il en est
de même pour les arguments qui, bien qu’étant la plupart du temps des noms,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
95
Exemple de prédicat unaire : « La glace fond » qu’on peut transcrire par FOND
(glace).
Exemple de prédicat binaire : « La pierre dévale la pente » DÉVALE (pierre,
pente).
Enfin lorsque les événements sont causés par un agent, c’est-à-dire un sujet
doté d’une intention et contrôlant l’événement, on parle alors de prédicat d’action.
Exemple : « Paul écrit une lettre », qui donne sous forme prédicative ÉCRIT
(Paul, lettre).
JAUNE (canari).
VERDOYANTES (forêts).
SURVOLE (canari, forêts).
Par ailleurs, une même structure prédicative peut être réalisée dans le langage
de bien des façons. Ainsi, la structure prédicative suivante : FRAPPER (Jean, Paul)
peut correspondre aux phrases suivantes :
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100
Dans le premier essai (à gauche dans la figure 2.6), on voit clairement que la
condition de présentation affecte la performance des sujets. Dans la condition
« ordre aléatoire », les sujets produisent moins d’énoncés et des énoncés plus
simples. Dans le groupe ayant eu des histoires mixées, les résultats sont moins
bons que dans le groupe ayant eu les histoires non mixées. Lors du deuxième
essai (à droite dans la figure 2.6), les résultats montrent que les conditions NM et
MO ne diffèrent pas beaucoup. Par ailleurs le nombre d’histoires rappelées et la
complexité des énoncés sont bien plus importants dans les conditions où l’ordre des
propositions est respecté (NM et OM) que dans la condition « ordre aléatoire ». Ces
résultats sont donc cohérents avec l’idée selon laquelle la construction du réseau
propositionnel se fait progressivement dans l’ordre de présentation des phrases.
Si la représentation sous la forme d’un réseau propositionnel possède une
certaine plausibilité d’un point de vue psychologique pour les textes brefs, il n’en
va pas de même pour des textes plus longs comme un roman ou le présent cours.
On imagine assez aisément que la taille du réseau va croître très rapidement avec le
nombre de propositions stockées, dépassant largement les capacités de la mémoire
de travail.
Les macrostructures
Pour rendre compte à la fois des traitements et de la représentation finale d’un
texte, Kintsch et van Dijk (1978) ont développé un modèle de la compréhension
de textes. Ce modèle propose que la construction de la représentation finale d’un
texte se fasse par cycles dans lesquels les propositions sont intégrées à une repré-
sentation unique en fonction de leur place dans la hiérarchie des propositions et
des liens qu’elles entretiennent avec les autres propositions. Au cours de ces cycles,
certaines de ces propositions sont maintenues en mémoire et d’autres sont élimi-
nées. Le résultat de ces traitements est une représentation schématique, conservant
les propositions les plus importantes du texte. Cette représentation est appelée
macrostructure. La macrostructure résultant des processus de compréhension ne
dépend pas seulement du texte, mais également des connaissances du sujet, de ses
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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102
que la représentation d’un texte, dans un certain nombre de cas, ne se réduit pas à
la seule représentation propositionnelle. L’image, dans cet exemple, vient donner
sa cohérence au texte, qui sans cela est difficile à comprendre et à mémoriser. Une
simple analyse propositionnelle s’avère également insuffisante pour rendre compte
de la représentation construite, notamment lors de la compréhension de relations
spatiales entre les objets. Dans une autre expérience, Bransford et al. (1972) ont
présenté à leurs sujets une série de phrases décrivant des relations spatiales entre
différents objets. Les phrases sont relativement simples et ne diffèrent pas du point
de vue du nombre de propositions qu’elles expriment. Les sujets doivent lire les
phrases, ils sont ensuite soumis à une épreuve de reconnaissance.
Voici des exemples des phrases utilisées et l’analyse propositionnelle qui en est
faite :
103
P1 TROIS (tortues)
P2 SE REPOSER (P1)
P3 FLOTTANT (tronc)
P4 NAGER (poisson)
Mais ils diffèrent par deux propositions portant sur les relations spatiales entre
les objets. Nous les présentons dans le tableau 2.1.
Les auteurs ont observé que les confusions étaient importantes entre les phrases
1 et 2, qui ne diffèrent que par le deuxième argument de la proposition P6. On
pourrait s’attendre à ce que les confusions entre 3 et 4 soient également importantes
puisqu’elles diffèrent également sur une seule proposition. Pourtant les résultats
montrent que les confusions sont bien moins importantes pour cette deuxième
paire. La scène décrite dans les phrases 1 et 2 est la même. En revanche, les relations
entre les objets ne sont pas les mêmes dans les phrases 3 et 4. Pour s’en rendre
compte, il faut construire une image de la scène. Les résultats se comprennent
alors si on fait l’hypothèse que les sujets utilisent lors de la reconnaissance une
représentation imagée de la scène décrite par les phrases. De telles représentations
ne sont pas construites seulement dans les situations d’interprétation de relation,
mais également lors de l’interprétation d’action. Stanfield et Zwaan (2001) ont
présenté des phrases relatant l’action de planter un clou soit dans un mur, soit
dans le sol, puis présenter, parmi d’autres objets, l’image d’un clou orienté soit
horizontalement, soit verticalement en leur demandant si l’objet avait été évoqué
dans la phrase précédente. Quelle que soit cette dernière, la réponse est positive
est correcte. Pourtant, les sujets répondent plus vite lorsque l’orientation du clou
correspond à l’action décrite dans la phrase. Comprendre un texte, ce n’est donc
pas simplement comprendre les mots qui la composent, c’est aussi se représenter
104
objets, au sens large du terme, qui nous entourent. Ces représentations élémen-
taires sont ce que nous appelons les concepts. Ces derniers sont organisés par
différentes relations qui structurent nos connaissances et nous permettent à la fois
de distinguer et de rapprocher les objets en fonction de leurs traits distinctifs ou de
leurs points communs, mais également de faire des inférences sur des propriétés
de ces objets qui ne sont pas directement observées.
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Le tableau 2.2 permet de voir que les exemplaires partagent trois propriétés
dont aucune n’est suffisante pour distinguer les oiseaux d’autres espèces. Il existe
des animaux ovipares qui ne sont pas des oiseaux (les reptiles ou les poissons par
exemple) et des animaux qui ont un bec sans être des oiseaux (l’ornithorynque
par exemple). Les autres traits caractéristiques ne sont pas partagés par tous les
exemplaires.
autruches. Elle permet également de rendre compte du fait que lorsqu’on demande
à des sujets de citer des exemplaires d’une catégorie, leur réponse n’est pas aléa-
toire. Ce sont les exemplaires les plus typiques qui sont cités en premier. Ainsi,
Battig et Montague (1969) ont demandé à leurs sujets d’énoncer des exemplaires
de différentes catégories. Pour la catégorie des oiseaux, le rouge-gorge est cité dix
fois plus fréquemment que la poule. Pour les légumes, la carotte est citée vingt fois
plus souvent que le persil. Ces résultats sont corrélés avec les résultats d’autres
techniques d’évaluation de la typicité comme faire juger sur une échelle de repré-
sentativité un ensemble d’exemplaires (Rosch, 1975).
109
L’exemplaire prototypique
Une autre idée importante introduite par Rosch est la notion de prototype. Pour
elle et ses collaborateurs, le jugement d’appartenance à une catégorie ne se fonde
pas sur la présence d’un certain nombre de propriétés, mais sur la ressemblance à
un exemplaire ayant un statut particulier : le prototype. Ce prototype est un exem-
plaire qui constitue le meilleur représentant de la catégorie. Ainsi, si on admet que
le rouge-gorge est le prototype de la catégorie « oiseau », le jugement d’apparte-
nance se fondera sur une comparaison avec le prototype. Un canari apparaît alors
plus facilement comme un oiseau qu’une autruche parce qu’il ressemble plus à un
rouge-gorge que l’autruche. Rosch et Mervis (1975) ont testé cette idée en compa-
rant pour un même ensemble d’objets les propriétés énumérées et les jugements
de typicité. Dans leur expérience, ils donnaient aux sujets vingt exemplaires dans
cinq catégories (mobilier, fruits, armes, légumes, vêtements), soit un total de cent
items. Un premier groupe devait énoncer en 90 secondes le plus de propriétés
possibles pour chacun des exemplaires. Le second groupe devait juger de la typicité
des exemplaires pour les catégories. Les résultats permettent d’observer que les
propriétés communes à tous les exemplaires d’une catégorie sont très rares. Par
ailleurs, plus un exemplaire est typique, plus il partage de nombreuses propriétés
avec les autres exemplaires de la catégorie. Le prototype apparaît donc comme
l’exemplaire le plus semblable aux autres exemplaires de la catégorie, mais aussi
comme le moins semblable aux exemplaires des autres catégories.
Le niveau de base
Une autre caractéristique du modèle du prototype est que les catégories n’ont pas
toutes le même statut. Rosch et al. (1976) proposent de donner un statut privilégié
à un niveau d’abstraction particulier : le niveau de base.
Les objets du niveau de base sont les catégories les plus inclusives dont
les membres : a) possèdent un nombre significatif d’attributs en commun,
b) ont des programmes moteurs qui sont semblables les uns aux autres,
c) ont des formes similaires, et d) peuvent être identifiés à partir des
formes moyennes des membres de la classe (Rosch et al., 1976, p. 382 ;
traduction de Kleiber, 1990, p. 84).
110
fait qu’aux deux premiers niveaux, les objets partagent des programmes moteurs
communs qui définissent leur utilisation ou les interactions possibles avec ces
objets. Ainsi, à la catégorie « chaises » est associée une façon caractéristique de les
utiliser (propriétés fonctionnelles), tout comme la catégorie « chaises pliantes »
possède également son mode d’utilisation particulier. En revanche les interactions
possibles avec les exemplaires de la catégorie « meubles » ne peuvent être définies
pour l’ensemble de la classe, sauf à considérer une classe de meubles particuliers.
Une autre caractéristique différencie le niveau subordonné et le niveau de base.
Lorsqu’on demande aux sujets de faire la liste des propriétés associées à chacune
des catégories, c’est pour le niveau de base que le nombre de propriétés est le
plus important. Au niveau superordonné, on s’en doute, ce nombre est plus faible
(puisque l’extension est plus grande) mais au niveau subordonné, l’augmentation
du nombre de propriétés par rapport au niveau de base est relativement faible. Le
niveau de base se présente donc comme le niveau qui véhicule le plus d’informa-
tions sur la catégorie, maximisant ainsi les similitudes entre les exemplaires dans la
catégorie et minimisant les similitudes avec les autres catégories (Rosch et al., 1976).
L’existence d’un niveau de base est étayée par plusieurs arguments expérimen-
taux. Ainsi, Rosch et al. (1976) ont montré que pour dénommer un objet, on le
faisait préférentiellement au niveau de base. Dans le même ordre d’idée, la caté-
gorisation se fait plus rapidement au niveau de base qu’à un autre niveau. Ainsi,
lorsqu’on présente aux sujets le dessin d’un labrador, ils répondent plus vite pour
dire « c’est un chien » que pour dire « c’est un labrador ». Par ailleurs, les catégories
du niveau de base seraient acquises très tôt chez l’enfant, alors que les catégories
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
111
Nous donnons dans la figure 2.9 un exemple de catégorisation fondée sur les
relations de ressemblance. Dans cet exemple, les exemplaires partagent des carac-
téristiques communes deux à deux, sans qu’aucune caractéristique commune à
l’ensemble puisse être trouvée. Le jeu d’échecs apparaît comme un prototype
de la notion de jeu car il partage des caractéristiques avec le plus grand nombre
d’exemplaires.
112
caractéristiques.
Les propriétés essentielles sont les propriétés inévitables pour décider de l’ap-
partenance d’une entité à une catégorie. Ce sont donc des propriétés nécessaires,
mais pas suffisantes. Pour les oiseaux, par exemple, ces propriétés essentielles sont :
avoir des ailes, avoir des plumes et un bec, être ovipare.
Les propriétés caractéristiques sont des propriétés fréquentes pour les membres
de la catégorie, mais qui ne sont pas obligatoires. Elles ne sont donc ni nécessaires,
ni suffisantes, mais sont vraies pour la plupart des exemplaires. Pour reprendre
113
l’exemple des oiseaux, les propriétés caractéristiques pourraient être, par exemple :
capable de voler, insectivore, construit un nid.
Dans leur modèle, les auteurs font l’hypothèse que la vérification de l’appar-
tenance à une catégorie se fait sur la base d’une comparaison des propriétés de
l’exemplaire avec les propriétés de la catégorie. Par exemple, pour décider qu’un
rouge-gorge est un oiseau, il faut comparer la liste des propriétés du rouge-gorge et
la liste des propriétés des oiseaux. Si la première partage suffisamment de propriétés
avec la seconde, alors la réponse est positive. Dans les cas moins évidents, comme
« l’autruche est un oiseau », la vérification est restreinte dans un second temps
aux seules propriétés essentielles. Ce modèle permet ainsi de rendre compte du
fait que les jugements pour les exemplaires les plus typiques sont plus rapides. Il
permet également de redéfinir la notion de distance sémantique. Rappelons que
dans l’approche logique, la distance entre deux concepts est définie par le nombre
d’arcs à franchir dans le réseau sémantique. Dans le modèle du prototype, cette
distance est définie par la proximité avec le prototype. Le modèle de comparaison
de traits permet de donner un sens plus précis à cette notion de proximité à travers
le nombre de propriétés partagées et surtout explique pourquoi certains exem-
plaires apparaissent plus proches de la catégorie que d’autres. Dans une expérience,
Rips et ses collaborateurs ont étudié la distance entre les concepts au moyen d’une
tâche d’évaluation de similarité. La tâche consistait à estimer la similitude entre
les concepts présentés par couple.
114
Deux catégories ont été étudiées : les oiseaux et les mammifères. Les résultats
des jugements de similarité ont été analysés à l’aide d’une méthode d’analyse multi-
dimensionnelle permettant de représenter dans un plan l’ensemble des jugements
de similitude (fig. 2.10). On remarquera que les animaux domestiques sont plutôt
dans la partie supérieure du graphique, tandis que les animaux sauvages sont plutôt
situés dans la partie inférieure. De la même façon, les animaux situés sur la droite
des catégories sont plutôt des animaux de petite taille, relativement aux animaux
situés à gauche. Cela suggère que ce sont bien les propriétés des animaux qui
sont utilisées pour faire les jugements de similarité. Les exemplaires proches de la
catégorie peuvent être vus comme des prototypes de celle-ci.
Une des critiques à l’encontre du modèle de Rips et al. concerne le fait que la
classification repose sur un calcul du degré de similarité. Si on comprend bien
que pour la catégorisation de nouveaux éléments ce calcul est nécessaire, pour les
concepts familiers cela semble moins évident. Dans ce cas, il paraît beaucoup plus
économique d’un point de vue cognitif d’utiliser les relations entre les concepts
stockés en mémoire. Si nous connaissons les pommes comme faisant partie de la
catégorie des fruits, il n’est alors plus nécessaire de comparer leurs propriétés pour
décider si l’assertion « une pomme est un fruit » est vraie.
entre les concepts. Dans la version initiale de Collins et Quillians (1969), seule la
relation d’implication était prise en compte dans la structuration du réseau. Dans
le modèle de diffusion de l’activation, les relations entre les concepts sont plus
diversifiées. Les principales relations sont les suivantes :
• une appartenance catégorielle (un canari est un oiseau) ;
• des relations de possession (un canari a des ailes) ;
• des relations de capacités (un canari peut voler).
Le modèle admet également des relations négatives pour rendre compte des
exceptions (par exemple, « une autruche ne peut pas voler »). L’hypothèse centrale
115
défendue par les auteurs dans ce modèle est que l’activation d’un concept se diffuse
de façon décroissante à travers le réseau. Ainsi, lorsqu’on traite un concept, par
exemple celui de « pomme », celui-ci est activé, c’est-à-dire rendu disponible pour
le sujet. Mais cette activation ne s’arrête pas au concept traité, elle se propage aux
concepts proches (par exemple les poires et les cerises) sémantiquement tout en
diminuant à mesure qu’on s’éloigne du concept de départ.
La notion de schéma
La notion de schéma désigne des structures de représentation fondées sur la
relation entre les parties et le tout que forment ces parties. On trouve les premières
utilisations de ce concept appliquées à la psychologie dans les travaux de Bartlett
(1932). Selon cet auteur, les schémas sont des structures de représentation
permettant à la fois de rendre compte des connaissances des sujets, mais aussi
de l’interprétation qu’ils construisent et des inférences qu’ils produisent en appli-
quant ces connaissances au monde qui les environne. Ainsi, nous avons tous une
représentation schématique de ce qu’est une table, un objet de mobilier constitué
d’un plateau et de pieds supportant ce plateau. Lorsqu’on en voit une, il n’est pas
nécessaire d’en percevoir toutes les composantes. On peut ainsi facilement inférer
que cette table a plusieurs pieds, même si on ne les perçoit pas directement. On peut
même être surpris de ce que la table en question n’ait qu’un pied central, contrai-
rement à la représentation qu’on s’en faisait. Cette notion de schéma a également
été appliquée à des activités cognitives plus complexes comme la compréhension
de textes, pour expliquer que dans certains cas, une histoire lue soit reconstruite
pour correspondre à ce que l’on sait ou croit savoir du monde.
La notion de schéma a cependant été laissée de côté durant de nombreuses
années (il faut se souvenir qu’à l’époque, c’est l’approche béhavioriste qui domine)
pour n’être reprise et développée que dans les années 1970, parallèlement dans le
champ de la psychologie et de l’intelligence artificielle. Par exemple, Rumelhart
116
117
La notion de script
La notion de script a été introduite par Schank et Abelson (1977) pour rendre
compte de la représentation d’événements ou d’actions communément vécus ou
réalisés. Ces scripts représentent les différents éléments et la succession des actions
nécessaires pour réaliser un but comme aller au restaurant ou prendre un bus.
Les scripts sont des sortes de schémas, ils en ont donc toutes les caractéristiques.
Leur intérêt réside dans le fait qu’ils permettent de rendre compte des inférences
faites face à une situation particulière et également des attentes possibles sur le
déroulement de l’événement ou de l’action. Un script est composé d’un certain
nombre d’entités et d’individus ayant des rôles définis. Ce sont les variables. Le script
contient également les conditions d’application, les résultats attendus, ainsi qu’un
certain nombre d’événements constituant la description de l’activité. En voici un
exemple classique, proposé par Schank et Abelson : le script du restaurant (fig. 2.11).
Dans une expérience, Bower, Black et Turner (1979) ont demandé à leurs sujets
de restituer le déroulement d’activités telles qu’aller au restaurant, se rendre au
cinéma, dont on leur avait donné le récit précédemment. L’analyse des protocoles
de rappel montre deux types de distorsions par rapport au récit original :
• les sujets avaient tendance à ajouter au récit original des informations compa-
tibles avec le script ;
• les sujets avaient tendance à réorganiser la succession des détails pour qu’elle
corresponde à l’ordre attendu dans le script.
118
Ces résultats permettent de penser que dans un certain nombre de cas, l’activité
de compréhension repose sur la particularisation d’un schéma ou d’un script qui
sert de support à l’interprétation du récit ou de la situation. Ainsi dans un récit,
certains détails peuvent être omis. S’ils font partie du script, ils seront facilement
inférés. Cependant les scripts ne permettent pas de rendre compte de tout ce qui
est mémorisé lorsqu’on lit un texte. Ainsi Bower et al. (1979) ont noté dans leur
étude que les événements déviants par rapport au script étaient, en général, mieux
mémorisés. Par exemple, le patron a apporté les plats au client dans un restaurant.
Ces histoires comportant des événements déviants par rapport aux scripts sont
généralement jugées plus intéressantes. La compréhension d’un récit ne consiste
donc pas seulement à particulariser un schéma ou un script, mais constitue un
support pour l’interprétation. Un exemple particulièrement illustratif du rôle inté-
grateur du script dans l’interprétation d’un récit nous est donné par Bransford et
Johnson (1972) (traduction de Fayol, 1994, p. 70) :
119
faire démarrer une voiture. Ces connaissances sur le ou les modes de réalisation
correspondent aux composantes procédurales. Mais nous sommes également
capables de dire un certain nombre de choses sur cette action, par exemple pour
décrire l’action ou expliquer à quelqu’un comment faire. Ces connaissances, dites
déclaratives, peuvent être plus ou moins précises selon que l’action est décompo-
sable ou non en actions sur lesquelles on a des connaissances déclaratives et selon
le niveau d’expertise.
120
but. Ainsi, si on n’a pas de poubelle à portée de main, on peut fabriquer un petit
récipient dans lequel on mettra les pelures. Dans le cas où le crayon serait trop
gros pour le taille-crayon, on peut sortir un canif pour le tailler.
Ces différentes composantes n’ont pas la même importance dans la repré-
sentation de l’action et plusieurs arguments conduisent à penser qu’elles sont
hiérarchisées et que cette hiérarchie définit l’ordre d’accès aux informations
(Richard, 2004). Les buts sont ainsi l’aspect de la composante procédurale le plus
facilement accessible. Viennent ensuite les aspects relatifs au déroulement de l’ac-
tion. Enfin les prérequis correspondent aux aspects auxquels un individu accéderait
en dernier.
La prédominance du but dans la représentation de l’action est attestée par
plusieurs résultats expérimentaux dans trois domaines. La première série de résul-
tats concerne le développement du lexique sur l’action chez l’enfant. Lorsqu’on
demande à des enfants d’âge préscolaire de mimer des actions ayant le même
résultat, comme Acheter et Prendre ou encore Vendre et Donner, on observe que
les enfants font la même chose, confondant ainsi les verbes de chaque couple (Clark
et Garnica, 1974 ; Gentner, 1978). Le même type de confusion est observé dans
d’autres types de tâches comme juger de l’usage d’un verbe pour décrire une situa-
tion ou comparer des verbes (Bernicot, 1981 ; Bramaud du Boucheron, 1981). Ces
résultats vont dans le sens d’une acquisition plus précoce du but de l’action. Une
autre série de résultats nous vient de la façon dont les adultes décrivent une procé-
dure. Sebillotte (1988, 1991) a demandé à des secrétaires confirmées d’expliquer
à des débutantes comment faire un certain nombre de tâches. Ces observations
montrent que l’explication commence presque toujours par le but de l’action et
que souvent la description de la procédure n’est obtenue qu’en demandant explici-
tement comment réaliser l’action. Enfin, une dernière série de résultats nous vient
de l’étude de la compréhension des consignes dont les résultats montrent qu’une
procédure est plus rapidement exécutée si le but est indiqué en premier. Ainsi,
l’énoncé : « Fais un wagon en dessinant un rectangle et deux ronds en dessous »
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
est plus facile à comprendre que : « Dessine un rectangle et deux ronds en dessous
pour faire un wagon » (Dixon, 1987).
Si le but apparaît central dans la représentation de l’action, le statut des autres
composantes est tout autre. L’activation des composantes relatives au déroulement
et aux prérequis n’est nécessaire que dans le cas où l’action doit être exécutée, et ces
composantes nécessitent souvent de faire des inférences pour être particularisées
à la situation courante. Ainsi, Köhler et al. (2000) ont montré que les inférences
faites au cours de la lecture d’une notice pharmaceutique dépendent de l’objectif
de la lecture. Dans leur expérience, les sujets avaient à lire une notice informatisée
121
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123
On voit que pour la phrase cible, le verbe spécifique (faire frire) est un meilleur
indice que le verbe général, qui a pourtant été donné à apprendre, tandis que
pour les phrases « S + V », le rappel est meilleur avec le verbe général. Garnham
interprète ces résultats en termes de recodage du verbe au moment de la lecture.
La présence de frites dans la phrase cible conduit, selon Garnham, à interpréter
cuisiner comme faire frire. Ces résultats sont tout à fait compatibles avec l’idée que
le verbe désigne une propriété des objets et qu’il existe une relation d’implication
entre les verbes. Si le complément frites peut orienter l’interprétation de cuisiner,
124
c’est que les frites se cuisinent d’une façon spécifique, ce sont des légumes qu’on
fait frire. On comprend alors que le verbe spécifique puisse être un meilleur indice
de rappel que le verbe général. Mais en même temps, si le recodage de cuisiner
est possible, c’est parce qu’il existe une relation d’implication entre faire frire et
cuisiner. Utilisé dans un autre contexte, frites n’évoque pas faire frire. Ce verbe,
pas plus que le verbe général, n’est un indice de rappel efficace dans les phrases
« C ». Dans la phrase « S + V », faire frire n’est pas une propriété des petits-pois et
ne peut donc pas servir d’indice de rappel. Le verbe général est alors un meilleur
indice de rappel.
Le second argument en faveur d’une organisation hiérarchique des actions nous
vient de l’étude de l’organisation des significations portées par les verbes d’action.
Les verbes d’action s’organisent en grandes catégories correspondant aux buts
généraux de l’action : les champs sémantiques (Desclés et al., 1998 ; Kekenbosch
et al., 1998). L’étude de l’organisation interne de ces champs montre qu’ils sont
structurés par des relations d’implication sémantique entre les verbes. Un verbe est
plus général qu’un autre si la signification du premier fait partie de la signification
du second. En s’appuyant sur des modèles linguistiques précis, il a été possible
de décrire les significations des verbes et les réseaux sémantiques de chacun des
champs. Ainsi, Meunier (1999) a analysé un ensemble de plusieurs centaines de
verbes d’action et décrit les relations d’implication sémantique entre les verbes pour
plusieurs champs sémantiques à l’aide du modèle linguistique de Desclés (1990).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Ce réseau représente une partie des connaissances d’un expert sur l’utilisation
d’un traitement de texte. Les nœuds correspondant aux objets sont figurés par
127
des rectangles. La flèche pleine qui relie certains d’entre eux exprime la relation
d’inclusion définie plus haut (par exemple, une phrase est une sorte de chaîne
de caractères). Comme dans un réseau classique, les propriétés sont associées à
chacune des classes, au niveau le plus spécifique, les classes subordonnées héritant
des propriétés des classes superordonnées (par exemple, les procédures applicables
à une chaîne de caractères sont applicables à un mot). Les flèches en pointillé qui
relient certaines boîtes correspondent aux relations tout-parties qui unissent ces
objets (par exemple, une phrase est composée de mots). Ce formalisme permet
de rendre compte à la fois des connaissances sur les propriétés structurales des
objets, c’est-à-dire les propriétés qui décrivent la constitution des objets, mais égale-
ment des connaissances sur les propriétés fonctionnelles, c’est-à-dire la façon dont
on peut agir sur ces objets. Dans l’exemple ci-dessus, le réseau rend compte des
connaissances d’un expert, mais on peut analyser de la même manière les connais-
sances d’un novice et l’évolution de ces connaissances au cours de l’apprentissage
d’un savoir-faire. La catégorisation des objets est ainsi source d’analogie
Sander et Richard (1997) ont analysé de l’apprentissage par l’action d’un trai-
tement de texte et montré que les connaissances sur les objets sont des sources
d’analogie à partir de catégories plus abstraites. Ainsi un mot considéré comme
une chaîne de caractères peut être supprimé par itération, mais si on la considère
comme une forme graphique, donc comme un tout, elle peut être supprimée avec
un simple appui sur la touche retour. De telles inférences peuvent être faites dans
bien d’autres domaines, comme l’enseignement des statistiques (Sander et al., 2004)
ou la résolution de problèmes arithmétiques (Gamo et al., 2010). En géométrie par
exemple, la procédure de calcul de l’aire d’un carré peut être trouvée à partir de
celle de rectangle ou du parallélogramme (Dupuch et al., 2014).
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129
Les traits pointillés représentent les chemins qui n’existent pas dans la représentation d’un sujet qui
s’interdit de sauter un emplacement. Les traits pleins représentent donc son espace problème. La réunion
des traits pleins et des pointillés représente l’espace de base.
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La moitié des objets sont des objets de grande taille, donc saisissables à pleine main,
l’autre moitié est constituée d’objets de petites tailles saisissables entre le pouce
et l’index. Les sujets ne voient qu’une projection de l’objet et n’ont pas à le saisir.
Pour répondre, ils devaient soit utiliser le geste de la pince, soit le geste de la saisie à
pleine main. L’analyse des temps de réaction montre que les sujets répondent plus
vite pour les grands objets que pour les petits, mais surtout faire le geste de la saisie
pleine main est beaucoup plus long dans le cas des petits objets et inversement. Le
temps de réponse est donc influencé par la taille des objets malgré le fait que cette
propriété ne soit pas pertinente pour la tâche ce qui accrédite la réactivation de
propriétés sensorimotrices lors de la perception de l’image des objets. Pour d’autres
exemples et une présentation plus complète de cette approche, le lecteur pourra
consulter Versace et al. (2018).
Bien que séduisante, notamment pour le lien qu’elle fait entre le corps et l’esprit,
entre les connaissances épisodiques et les connaissances sémantiques, la théorie
de la cognition incarnée se trouve en difficulté pour rendre compte d’un certain
nombre de phénomènes. Si de nombreuses expériences reproduisent l’effet d’in-
terférence évoqué plus haut, l’interprétation du résultat part du principe que c’est
l’interprétation du mot qui est affectée par les propriétés sensorimotrices mais une
inversion de la chaine causale n’est pas exclue. Mahon et Caramazza (2008) ont
passé en revue de nombreux travaux sur le traitement du langage incarné (et ses
bases neurales) et en ont finalement trouvé très peu permettant de trancher. Par
ailleurs, les connaissances conceptuelles n’impliquent pas toujours des dimensions
sensorimotrices. Décider si le mercure est un métal peut très bien se faire grâce
aux seules connaissances encyclopédiques sans avoir recours à une expérience
antérieure de toucher de ce matériau. Même si c’est le cas, il serait surprenant que
l’expérience sensorimotrice amène à penser le mercure comme un métal tant il
diffère de l’expérience qu’on peut avoir des autres métaux.
La supériorité d’une théorie nouvelle s’évalue également à sa capacité à intégrer
les résultats antérieurs des autres théories. Sur ce point la théorie de la cogni-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
tion incarnée est en difficulté. Roy et al. (2011) listent dans leur article ainsi une
vingtaine de résultats dont certains concernent des phénomènes perceptifs (effet
Stroop, effet cocktail partie ou la cécité attentionnelle) et d’autres les processus de
traitement (groupement en mémoire de travail en fonction de l’expertise, la mémo-
risation implicite, l’heuristique de disponibilité ou le raisonnement contrefactuel).
Une des prédictions centrales de la théorie de la cognition incarnée concerne
l’effet positif de l’action sur l’apprentissage. Plusieurs travaux sont effectivement
congruents avec cette hypothèse (par exemple Bara, Lannuzel, Pronost et Calvarin,
2013), mais pourraient concerner seulement certains types de connaissances.
135
Bara et Tricot (2017) ont ainsi montré que l’action pouvait être bénéfique dans
certaines situations en fournissant un support externe à l’apprentissage scolaire,
mais être aussi un frein lorsqu’elle engendre de la charge mentale, notamment en
début d’apprentissage.
Exercices
QCM
1. Selon le point de vue logique, les représentations conceptuelles sont plutôt…
a) des classes homogènes définies par des propriétés nécessaires et suffisantes.
b) définies autour d’un exemplaire typique qui sert à juger de l’appartenance
d’un exemplaire à la classe.
c) définies par des traits essentiels et caractéristiques définissant les propriétés
à avoir pour appartenir à la classe.
2. La notion de prototype correspond à…
a) l’exemplaire le plus utilisé de la classe.
b) l’exemplaire qui possède le plus de propriétés définissants la classe.
c) l’exemplaire le plus semblable aux autres exemplaires de la classe.
3. Dans le point de vue logique sur les représentations conceptuelles, l’extension
d’un concept est…
a) l’ensemble des propriétés nécessaires pour appartenir à la classe.
b) l’ensemble des exemplaires appartenant à la classe.
c) l’ensemble des exemplaires les plus typiques.
4. Dans le modèle du prototype, l’appartenance à une catégorie suppose que
l’objet possède au minimum…
a) toutes les propriétés définissant la classe.
b) toutes les propriétés du prototype définissant la classe.
c) plus de propriétés du prototype définissant la classe que de propriétés des
prototypes des autres classes.
5. Parmi les propriétés suivantes, laquelle est une caractéristique des représen-
tations imagées ?
a) Elles conservent l’ordre dans lequel les stimuli ont été explorés.
136
c) séquentielle.
12. Une structure prédicative permet de représenter…
a) un ensemble de propositions.
b) une image mentale.
c) un schéma d’actions.
13. Un script est une sorte de représentation…
a) imagée.
137
b) d’action.
c) propositionnelle.
14. Un modèle situationnel est une représentation…
a) imagée.
b) propositionnelle.
c) imagée et propositionnelle.
15. Dans le modèle de Collins et Quillians (1969), la longueur des arcs entre les
nœuds…
a) n’a pas de sens particulier.
b) représente la proximité sémantique entre les nœuds.
c) est fonction du nombre de propriétés partagées.
Définitions
Définissez les concepts suivants en cinquante mots maximum : représentation
– interprétation – concept – typicalité – prototype – script – macrostructure –
espace problème.
Texte lacunaire
Complétez le texte suivant.
Les représentations imagées. Après l’échec de [A] à s’imposer comme méthode
scientifique, ce n’est que dans les années [B] que l’étude des représentations imagées
a pu être abordée, notamment grâce au progrès de [C]. Ces études ont permis de
mettre en évidence un certain nombre de propriétés spécifiques aux représenta-
tions imagées.
Ainsi, [D] a pu montrer qu’un codage imagé ne conservait pas les mêmes
propriétés qu’un codage verbal. Le premier conserve [E] du stimulus, tandis que
le second conserve [F].
[G] ont pu montrer de leur côté que l’exploration d’image mentale présentait
certaines analogies avec [H]. En utilisant une tâche d’exploration de carte mentale,
ils ont montré que le temps de réponse était fonction de [I].
Mais ce ne sont pas là les seules propriétés spécifiques des images mentales,
elles conservent en outre [J] des objets. C’est en ce sens qu’on parle d’homogénéité
entre la représentation imagée et l’objet représenté. Cependant les représenta-
tions imagées ne sont pas [K] et sont [L]. Elles peuvent tout aussi bien coder des
138
Questions de réflexion
1. Les représentations imagées sont-elles des copies de la perception visuelle ?
2. Comparez les notions de réseau sémantique, de schéma et de script.
Lectures conseillées
GALLINA J.M. (2006). Les Représentations SANDER E. (2000). L’analogie, du naïf au
mentales. Paris : Dunod. créatif : Analogie et catégorisation.
RICHARD J.-F. (2004). Les Activités mentales. Paris : L’Harmattan.
Paris : Armand Colin.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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• Un contrôle par les règles. Ce niveau de contrôle permet de gérer les situations
incidentelles pour lesquelles on possède des procédures. Ces règles permettent
de définir de nouveaux objectifs et de sélectionner les procédures appropriées.
Un exemple de contrôle à ce niveau est le calcul d’une opération arithmétique,
pour lequel nous disposons de règles nous indiquant comment effectuer le calcul.
• Un contrôle par les automatismes. Ce niveau de contrôle est caractéristique des
situations d’exécution pour lesquelles nous avons un savoir suffisamment répété
pour que nous n’ayons plus à prendre pleinement conscience de la situation
pour l’appliquer. Passer les vitesses en voiture, regarder dans son rétroviseur et
149
150
151
particulier. Sur une page de texte, par exemple, si un seul mot est écrit en rouge,
alors que tous les autres sont écrits en noir, le mot sautera aux yeux immédiate-
ment. Comment ce phénomène fonctionne-t-il ? Une étude de Mérand et al. (2003)
nous apporte des éléments de réponse. Une scène visuelle peut être analysée en
listant toutes les propriétés des objets de la situation et, de cette façon, décrire le
réseau des catégories d’objets.
(a) Le stimulus.
(b) L’analyse des propriétés des objets dans la situation.
(c) Le réseau des catégories d’objets dans la situation.
La figure 3.2a présente un exemple de stimulus utilisé par Mérand et al. (2003).
Le stimulus est présenté brièvement (300 ms) aux sujets. On leur présente ensuite le
nom d’une des propriétés à l’un des trois emplacements (gauche, milieu ou droite)
en leur demandant de dire si la propriété était présente dans l’objet à cet emplace-
ment. On peut voir dans l’analyse des propriétés, présentée dans la figure 3.2b, que
trois propriétés sont partagées par plusieurs objets et que trois autres propriétés
sont spécifiques à un seul objet. Le réseau des catégories d’objets qui en découle
(figure 3.2c) montre que les objets sont caractérisés par 0, 1 ou 2 propriétés spéci-
fiques. Les résultats montrent que plus l’objet a de propriétés spécifiques, plus le
temps de réponse est court et plus le nombre d’erreurs est réduit, les propriétés
spécifiques étant reconnues plus rapidement que les propriétés partagées.
152
(a) Le stimulus.
(b) L’analyse des propriétés des objets dans la situation.
(c) Le réseau des catégories d’objets dans la situation.
Si on ajoute une propriété à un des objets, par exemple un trait sur la figure
de droite, la structure des catégories des objets dans la situation se complexifie
fortement (fig. 3.3), de sorte que tous les objets partagent au moins une propriété
avec un autre objet et que chacun d’eux est caractérisé par une seule propriété
spécifique. Dans cette condition, il n’y a plus de différence entre les propriétés
spécifiques et les propriétés partagées du point de vue du temps de réponse et
du taux d’erreurs. Ainsi, l’attention apparaît guidée par les propriétés spécifiques
des objets. Un objet apparaît plus saillant dans la scène visuelle s’il possède de
nombreuses propriétés spécifiques.
qui caractérisent une classe sans avoir à énumérer toutes les propriétés. Il suffit
d’évoquer un objet en le désignant comme une voiture pour qu’immédiatement
j’aie accès à un certain nombre d’informations sur l’objet en question (il a des roues,
un moteur, sert à se déplacer, etc.). Cette dénomination peut se faire à plusieurs
niveaux dans la mesure où les catégories sont structurées par des relations d’inclu-
sion. Le niveau auquel on va choisir de dénommer l’objet dépend, bien entendu,
de l’objectif de la communication et du contexte dans lequel on se situe. Si je
souhaite prendre un rendez-vous chez le vétérinaire, il peut suffire de dire que je
souhaite faire vacciner mon animal domestique. Si je dois envoyer quelqu’un lui
153
chercher de la nourriture, j’aurai sûrement besoin de préciser s’il s’agit d’un chien
ou d’un chat, et peut-être également son âge. En revanche, s’il s’agit de l’inscrire
à un concours de beauté, il me faudra préciser sa race et si je parle de ses derniers
exploits à un proche, c’est par son nom que je le désignerai. Un objet peut donc
être vu à un niveau plus ou moins général. Le niveau de spécification doit faire
apparaître des différences suffisantes pour identifier l’objet sans ambiguïté. Si on
reprend l’exemple de configuration simple de Mérand et al. (2003) présenté dans
le paragraphe précédent et qu’on demande à un sujet de désigner l’objet de droite
sans mentionner sa position, on peut dire qu’il s’agit d’un objet non barré ou d’une
figure marquée d’un Z, mais ces deux dénominations ne permettent pas de lever
l’ambiguïté puisque ces propriétés sont partagées par d’autres objets. On choisira
donc spontanément de dénommer la figure en disant que c’est un rond, ce qui
correspond à sa propriété spécifique.
Le phénomène de marquage
Le langage, malgré sa richesse, ne permet pas d’associer à chaque niveau d’abs-
traction un terme particulier. Ainsi, il n’y a pas de terme permettant de référer
à la catégorie des chiens de grande taille à poils ras, même si je peux concevoir
cette catégorie. Pour l’évoquer ici, j’ai recours à un groupe nominal. Mais le
langage autorise une grande flexibilité et un même terme peut désigner des niveaux
154
d’abstraction différents. Ainsi, le terme « homme » désigne aussi bien les humains
que les personnes de sexe masculin. Ce phénomène, tout à fait important dans la
cognition humaine, est appelé « marquage ». Le terme se prête alors à une inter-
prétation inclusive (générale) ou exclusive (Politzer, 1991). Plusieurs recherches
montrent que chez des sujets novices dans un domaine, l’interprétation d’un terme
non marqué est plus facilement exclusive (Politzer, 1991 ; Richard et al., 1993).
Pouvoir envisager les deux interprétations suppose un certain niveau d’expertise.
Ainsi, l’énoncé : « Un carré est un rectangle qui a ses quatre côtés égaux » perturbe
bon nombre d’élèves qui ont du mal à admettre la proposition car ils conçoivent les
deux catégories comme exclusives. En revanche, l’énoncé ne pose aucune difficulté
à des sujets ayant un bon niveau en géométrie (Sander, 2000). Ce phénomène n’est
d’ailleurs pas propre au langage et peut également survenir pour d’autres symboles.
Tijus (1997) en a donné un exemple à propos des panneaux routiers. Le symbole de la
voiture dans les panneaux d’interdiction de dépasser peut désigner, selon le cas, une
voiture particulière (c’est le cas du symbole de droite dans le panneau de gauche) ou
un véhicule quelconque (c’est le cas des deux symboles dans le panneau de droite).
155
156
Dans la figure 3.6, les fréquences sont calculées en faisant la moyenne des
fréquences des objets carrés et des objets rouges dans les exemplaires compa-
tibles. Pour la règle disjonctive, par exemple, on a 3 objets sur 5 rouges et 3 objets
sur 5 carrés. On a donc une fréquence des objets rouges et carrés parmi les objets
compatibles de ([3 ÷ 5] + [3 ÷ 5]) ÷ 2 = 0,6. De la même façon, pour la règle
conditionnelle, on a 1 objet sur 7 rouge et 3 objets sur 7 carrés. La fréquence des
objets rouges et carrés parmi les objets compatibles est donc de ([1 ÷ 7] + [3 ÷ 7])
÷ 2 = 0,29. Si on regarde d’un peu plus près le matériel utilisé, on peut voir que la
fréquence des exemplaires présentant les deux attributs pertinents varie inverse-
ment à la difficulté des règles. Bourne et ses collègues ont alors avancé l’idée que
c’était la fréquence des conjonctions de propriétés qui permettait l’extraction des
catégories dans l’environnement.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Ils ont ainsi pu montrer que les paysagistes privilégiaient les qualités ornementales
des arbres alors que les deux autres types de professionnels privilégiaient leurs
propriétés biologiques.
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est demandé d’éviter de rater un signal (groupe « signal »). À l’autre groupe, il est
demandé d’éviter de répondre qu’il y a un signal alors qu’il n’y en a pas (groupe
« bruit » ; pour plus de détails, voir Bagot, 1999 ; Bonnet, 1998, 1999).
160
Dans leur expérience, les sujets avaient à évaluer sur une échelle leur accord
avec des propositions comme : « La Corée est similaire à la Chine » ou « La Chine
est similaire à la Corée ». Les résultats montrent que l’accord des sujets est plus
élevé, en moyenne, sur la première proposition que sur la seconde. Autrement dit
les sujets jugent la Corée plus similaire à la Chine que la Chine n’est similaire à la
Corée. Gleitman et al. (1996) ont fait remarquer que la formulation de la proposi-
tion introduisait une asymétrie entre les deux termes de la comparaison. L’un des
deux termes se trouve, en effet, en position de sujet, alors que l’autre est en position
d’objet, ce qui a pour effet d’orienter la proposition. Le prédicat de similarité serait
bien symétrique et ce serait la construction de la phrase qui introduirait l’asymétrie.
Ils ont répliqué l’expérience en manipulant trois facteurs : la symétrie du prédicat,
l’orientation de la construction de la phrase et l’ordre des termes dans la proposition
(voir, dans le tableau 3.1, les exemples de phrases utilisées).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
161
On peut voir dans la figure 3.8 que, globalement, l’accord moyen est plus impor-
tant pour les phrases orientées que les phrases non orientées. Parmi les phrases
non orientées, la différence entre les phrases symétriques et asymétriques est
faible, alors que cette différence est importante pour les phrases orientées. Dans
les phrases non orientées, l’asymétrie est faible pour les deux types de prédicats.
L’effet du type de construction syntaxique est donc indéniable. Il n’en demeure pas
moins que l’expérience de Tversky et Gati (1982) pose la question des processus en
jeu dans un jugement de comparaison. Ces auteurs postulent que c’est par compa-
raison à un prototype, au sens de Rosch et Mervis (1975), que le jugement se ferait.
De fait, la construction orientée de la phrase incite à comparer le premier terme
au second, la Chine pouvant être considérée comme l’exemplaire prototypique
des pays asiatiques. On comprend alors pourquoi la proposition inverse est moins
facilement acceptée par les sujets. Il est moins naturel de comparer un prototype
à un exemplaire. La formulation non orientée, en revanche, laisse le choix au sujet
du terme à comparer à l’autre pour émettre un jugement de similitude. Il est donc
normal d’observer dans cette condition que l’écart entre les phrases symétriques
et asymétriques soit plus faible.
Le jugement de comparaison est également sensible au contexte dans lequel il
doit être produit. Ainsi, la similitude entre des instruments à cordes est jugée plus
forte si on ajoute un instrument à vent que si ces jugements doivent être produits
uniquement pour un ensemble d’instruments à cordes (Tversky et Gati, 1978). Il
semble donc qu’en fonction du contexte, les propriétés activées dans la compa-
raison ne soient pas les mêmes. Lorsqu’il n’y a que des instruments à cordes, la
présence des cordes n’apparaît pas comme une propriété pertinente, parce que ne
permettant pas de différencier les instruments. Si en revanche, on introduit des
instruments à vent, les cordes deviennent une propriété contrastive qui permet
de regrouper les instruments à cordes, augmentant ainsi l’importance de cette
propriété dans la comparaison des instruments à cordes entre eux.
Medin et al. (1993) ont testé l’idée selon laquelle la comparaison se ferait à
partir des propriétés caractérisant le mieux le premier terme de la comparaison.
Le processus de comparaison se déroulerait en deux temps : identification des
propriétés du premier terme, cette identification supposant un certain point de vue,
puis recherche de propriétés pouvant être appariées avec le second terme. Dans
leur expérience, les sujets devaient, dans une première phase, évaluer la similarité
entre deux objets et indiquer la propriété commune à ces objets. Les paires d’objets
étaient, bien entendu, présentées dans les deux sens. Dans une seconde phase, les
propriétés énoncées par les sujets ont été reprises et proposées en même temps que
la paire d’objets. Les sujets devaient alors indiquer si la propriété était vraie pour
162
les deux objets, plus appropriée pour l’un des deux ou applicable à seulement un
des objets. De manière générale, leurs résultats accréditent l’idée que les propriétés
communes activées dépendent du sens de la comparaison et qu’elles caractérisent
plutôt le premier que le second terme. Ainsi, la proposition « est un scientifique » a
été jugée plus appropriée pour Einstein que pour Franklin. Dans un autre exemple,
la proposition « se mange au cinéma » est considérée comme plus appropriée pour
le pop-corn que pour les barres de chocolat.
163
subjective de la boisson par rapport aux boissons très sucrées et aux boissons très
peu sucrées. Autrement dit, il tiendra compte de l’étendue qui sépare les deux
extrêmes pour porter son jugement. Il tiendra aussi compte dans son jugement des
boissons déjà rencontrées. Si le sujet n’a bu, jusqu’à maintenant, que des boissons
plutôt peu sucrées, il sera plus enclin à surestimer le taux de sucre. Il tient donc
compte de la fréquence des objets de même valeur. Le compromis entre ces deux
principes (l’étendue et la fréquence) peut être formalisé par la moyenne pondérée
de ces deux valeurs. On exprimera l’étendue par un nombre compris entre 0 (la
boisson n’est pas sucrée) et 1 (la boisson est très sucrée). Pour une boisson moyen-
nement sucrée, la valeur d’étendue sera égale à 0,5. De la même façon, la fréquence
sera exprimée par un nombre compris entre 0 (aucun stimulus présenté précédem-
ment n’était inférieur ou égal au stimulus présent) et 1 (tous les stimulus présentés
précédemment étaient inférieurs ou égaux au stimulus présent) :
• dans la condition 1, les boissons sont majoritairement très peu sucrées.
Admettons que dans 8 cas sur 10, les boissons soient moins ou aussi sucrées.
La fréquence sera de 0,8 ;
• dans la condition 2, les boissons sont plus fréquemment très sucrées. Il ne
rencontrera des boissons moins ou aussi sucrées que dans 2 cas sur 10, soit une
fréquence de 0,2 ;
• dans la condition 3, les boissons sont réparties vers les valeurs moyennes. Il aura
des boissons moins ou autant sucrées dans un cas sur deux, soit une fréquence
de 0,5.
Bien sûr, les sujets n’accordent pas tous la même importance à ces deux prin-
cipes. Il conviendra donc de leur affecter un poids (w), c’est-à-dire un coefficient
d’importance (analogue aux coefficients attribués aux différentes matières lors
du baccalauréat), de façon à privilégier l’étendue ou la fréquence en fonction des
situations. Un sujet peut, par exemple, accorder deux fois plus d’importance à
l’étendue (w = 2/3) qu’à la fréquence (w = 1/3). On notera P l’évaluation subjective
du sujet pour chacune des trois conditions.
• Condition 1 : P = (2 ÷ 3 × 0,5) + (1 ÷ 3 × 0,8) = 0,6
• Condition 2 : P = (2 ÷ 3 × 0,5) + (1 ÷ 3 × 0,2) = 0,4
• Condition 3 : P = (2 ÷ 0,5) + (1 ÷ 3 × 0,5) = 0,5
Sur une échelle de 0 à 10, le sujet répondrait 6 en condition 1, 4 en condition 2 et
5 en condition 3. On voit, sur cet exemple, comment le modèle étendue/fréquence
permet de rendre compte des résultats de Riskey sur la variabilité des réponses en
fonction de la fréquence des stimuli extrêmes.
164
réalité, les études statistiques sur le lexique anglais montrent que ces lettres appa-
raissent plus fréquemment en troisième position dans les mots. Mais il est plus
facile de chercher un mot en mémoire à partir de son initiale que de chercher un
mot présentant une lettre particulière en troisième position (que les cruciverbistes
fassent le lien). La disponibilité des informations en mémoire influence donc notre
jugement.
La représentativité. Elle consiste à faire un jugement de fréquence ou de vrai-
semblance sur la base de la similarité ou de la ressemblance avec des occurrences
similaires. Ce type d’heuristiques a été mis en évidence par Kahneman et Tversky
165
(1973) dans une situation désormais devenue classique : le problème des « ingé-
nieurs et des avocats ». On présente aux sujets le portrait suivant :
« Jean est un homme de 45 ans. Il est marié et a quatre enfants. Il est en général
conservateur, prudent et ambitieux. Il ne s’intéresse pas aux questions politiques
et sociales et consacre la plupart de son temps libre à ses nombreux passe-temps
comme la menuiserie, la voile et les énigmes mathématiques. »
Dans une condition, on informe certains sujets que le portrait a été tiré au
hasard parmi un ensemble de trente ingénieurs et soixante-dix avocats et, dans
une autre condition, on informe les sujets que le portrait a été tiré au hasard parmi
un ensemble de soixante-dix ingénieurs et de trente avocats. Compte tenu de
ces informations et du caractère très générique du portrait, on s’attend à ce que
l’évaluation soit influencée fortement par les proportions d’ingénieurs ou d’avo-
cats dans la population. Les résultats montrent que, dans les deux conditions, les
sujets estiment avec la même probabilité que le portrait est celui d’un ingénieur.
Ce qui veut dire qu’ils ne tiennent pas compte des informations sur la population.
Une autre erreur qui relève également d’une heuristique de représentativité est
l’erreur de conjonction (Tversky et Kahneman, 1983). La loi des probabilités stipule
que la probabilité d’un événement ne peut être plus petite que la probabilité de
cet événement avec la conjonction d’un autre événement. Ainsi, si la probabilité
d’un événement A est de 1 ÷ 2 et la probabilité d’un événement B est de 1 ÷ 3, la
probabilité d’avoir A et B ensemble ne peut être supérieure à la probabilité de A
ou de B pris isolément. On a en effet P (A et B) = 1 ÷ 2 × 1 ÷ 3 = 0,16. Dans leur
étude, les auteurs montrent que les sujets semblent ne pas respecter le calcul des
probabilités. Ils présentent aux sujets le portrait de Linda :
Linda a 31 ans, elle est célibataire, elle ne mâche pas ses mots et c’est une
personne très brillante. Elle a un diplôme de philosophie. Étudiante, elle se
sentait très concernée par les problèmes de discrimination et de justice sociale
et elle a également participé à des manifestations antinucléaires.
On demande ensuite aux sujets de décider laquelle des propositions suivantes est
la plus probable : 1) « Linda est employée de banque » ou 2) « Linda est employée de
banque et milite dans un mouvement féministe ». En toute logique, la probabilité
de 1) est plus importante que la probabilité de 2). Pourtant près de neuf sujets sur
dix sujets estiment la probabilité de 2) supérieure à la probabilité de 1). Les sujets
suivent encore une fois l’heuristique de représentativité (Tversky et Kahneman,
1983). Le portrait actuel de Linda, employée de banque et militante féministe, est
le plus représentatif du personnage qu’était Linda dans sa jeunesse.
166
167
La proposition est donc forcément vraie. En voici un petit exemple très simple :
si l’humanité avait refusé tout progrès, nous marcherions encore à quatre pattes,
or nous ne marchons pas à quatre pattes, donc l’humanité a accepté le progrès.
168
familier. Cette forme de raisonnement a surtout été étudiée dans le cadre de l’ap-
prentissage et de la résolution de problèmes. De ce point de vue, cela en fait une
forme de raisonnement à visée pragmatique. Il est signalé ici parce que cette forme
de raisonnement peut être étudiée pour elle-même, notamment dans des tâches
de résolution de métaphores qui relèvent également de l’analogie (par exemple,
« la Lune est une faucille d’or »).
169
170
Cette solution nécessite de se servir de ses connaissances (un carré est formé de
quatre côtés égaux, son périmètre est égal à quatre fois la mesure de son côté) et à
inférer la relation qui mène à la solution (le côté d’un carré est égal à son périmètre
divisé par quatre). Les observations des auteurs montrent que cette inférence est
rarement réalisée chez les enfants, même les plus grands. C’est en général une
procédure de type additive (4 + 4 + 4 + 4…) ou multiplicative (3 × 4 ou 4 × 4 ou
5 × 4) que les enfants utilisent.
pour savoir si elle est pertinente et vérifier si les éléments qui ne sont pas appariés
peuvent bien être considérés comme négligeables.
171
être respectées pour pouvoir ôter un pion : 1) que la case juste à droite ait son pion,
2) et que les autres cases situées sur la droite soient vides. Ces deux conditions nous
permettent d’inférer que le pion le plus à droite (n° 5) peut être enlevé puisqu’au-
cune case à droite ne vient empêcher l’action. Pourtant la quasi-totalité des sujets
commencent par retirer le pion n° 4, ce qui conduit les sujets, après plusieurs
actions, dans une impasse. Les actions qui suivent ce premier coup permettent de
penser que les sujets ne prennent en compte en début de partie qu’une seule des
contraintes à la fois, comme s’ils tenaient le raisonnement suivant : si un pion a un
autre pion à sa droite, on peut l’enlever. Le pion n° 4 a un point à sa droite, je peux
donc l’enlever (fig. 3.10).
172
Une des questions que se sont posées les psychologues qui ont étudié l’attention a
été de savoir s’il fallait y voir un mécanisme simple et unique. Les travaux présentés
dans cette partie semblent montrer que ce n’est pas le cas. La notion d’attention
recouvre plusieurs phénomènes qu’il est nécessaire de distinguer. Une des premières
fonctions de l’attention est de nous permettre de nous focaliser sur certaines
dimensions des objets présents dans notre environnement et de nous préparer
à y répondre. Ces processus sont nommés « attention sélective » et « préparation
attentionnelle ». Ce sont typiquement des situations de surveillance où nous devons
guetter la survenue d’un signal et y répondre aussi rapidement et précisément que
173
174
couleur) de ce qui relève du codage de la scène visuelle, ce dernier n’étant pas une
simple copie du stimulus, mais une focalisation sur certains de ses aspects. À cela
s’ajoute un mécanisme actif d’inhibition des autres informations dites « distrac-
trices » sur lesquelles le sujet n’est pas attentif (Gauchou et Auvray, 2007).
En situation écologique, la plupart du temps, les deux formes d’attention se
succèdent : notre attention exogène va être attirée automatiquement par la loca-
lisation d’un objet puis en fonction de l’intérêt, de la motivation, du contexte…,
l’attention endogène sera mobilisée pour un traitement approfondi de la stimula-
tion (Lieury et Léger, 2020).
175
Dans le contexte des lettres, le sujet s’attend à avoir des lettres, il identifiera donc
plus facilement une lettre. Dans le contexte des chiffres, il identifiera plus facile-
ment un chiffre alors qu’il s’agit toujours de la même figure ambiguë. La préparation
attentionnelle du sujet modifie donc l’identification des objets de la situation.
On voit bien avec cet exemple qu’on peut, avec un même stimulus, focaliser sur
un aspect plutôt qu’un autre. Ici, l’espace entre la barre verticale et les demi-cercles
peut apparaître important ou être négligé selon le contexte, de sorte qu’on perçoit
un caractère unitaire ou deux chiffres formant un nombre. De fait, les stimuli que
nous rencontrons dans la vie quotidienne sont rarement unidimensionnels. La
situation peut nous inviter à focaliser sur la couleur, la forme ou la signification
du stimulus. Le sujet peut choisir, en fonction du but qu’il souhaite atteindre, la
dimension qu’il souhaite privilégier. Ce mécanisme de sélection souligne que si
l’on attire l’attention du sujet sur un des aspects du stimulus avant l’expérience,
comme la couleur de la lettre à détecter, les sujets répondent plus rapidement s’ils
sont interrogés sur cette composante que sur une autre. Il y a deux grandes façons
de concevoir ce mécanisme :
• La première consiste à penser que c’est l’attention qui détermine ce qui arrive
à notre conscience. Elle agirait comme une sorte de filtre qui facilite le passage
et le traitement des informations pertinentes et empêche les informations non
pertinentes d’arriver à notre conscience. Selon cette conception, seules les infor-
mations pertinentes seraient traitées.
• On peut également penser ce mécanisme en faisant l’hypothèse que nous sélec-
tionnons les informations pertinentes parmi celles que nos systèmes perceptifs
amènent à notre conscience.
176
Cela revient à dire que l’ensemble des informations est traité, que le sujet ait ou
non été prévenu, et que c’est en mémoire de travail que se ferait la sélection sur la
dimension pertinente.
Dans le chapitre sur la mémoire, nous avons vu que notre capacité d’appré-
hension perceptive était plus importante que la capacité de la mémoire de travail
et que ces deux mémoires étaient très labiles. Lorsque le sujet est prévenu de la
dimension pertinente à surveiller, on peut raisonnablement penser qu’il prépare
sa réponse, ce qui permet d’expliquer pourquoi il répond plus vite dans ce cas. Si
en revanche on l’interroge sur une autre dimension, il doit construire une nouvelle
réponse, ce qui prend du temps et a pour conséquence la perte d’une partie de
l’information perceptive. Pour tester cette hypothèse, Fraisse (1961) a présenté au
tachistoscope des planches de caractères (présentation très brève). Il a utilisé trois
types de caractères : lettres, chiffres ou signes de ponctuation. Avant chaque essai,
l’attention du sujet est attirée sur un des trois types de caractères. On demande
ensuite au sujet de rappeler tous les caractères dont il se souvient, mais dans un
ordre particulier pour chacun des trois types de caractères. L’ordre varie d’un essai
à un autre. Quel que soit l’ordre de rappel, le nombre d’éléments rapportés est
toujours plus important pour le type de caractères sur lequel le sujet a focalisé. La
sélection attentionnelle implique donc un meilleur traitement du stimulus sur la
dimension pertinente. Mais les résultats de Fraisse montrent également que si ces
caractères doivent être rapportés en dernier, la performance est nettement moins
bonne que s’ils doivent être rapportés en premier. Il ne faut donc pas négliger les
effets de la limitation de la mémoire de travail, en termes de quantité d’information
et de type de traitements.
Les résultats d’une expérience de Broadbent (1954) permettent de penser que
la sélection attentionnelle ne se réalise pas avec la même efficacité selon la nature
des caractéristiques à surveiller. Lorsque la caractéristique pertinente est une
caractéristique physique comme la couleur d’un item ou le timbre de la voix, la
sélection attentionnelle est plus efficace que lorsqu’il s’agit d’une caractéristique
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
sémantique comme détecter une lettre ou un chiffre. Cela vaut aussi bien pour
les stimuli auditifs que visuels, mais l’efficacité est plus grande dans la modalité
auditive. Dans son expérience, il a comparé quatre conditions en croisant deux
facteurs : la modalité sensorielle (visuelle ou auditive) et le type de caractéristique
focalisée (physique ou sémantique).
Dans les situations de focalisation sur une dimension physique :
• En présentation visuelle, les stimuli sont constitués de deux rangées de chiffres
de couleurs différentes (rouge et noir). Le sujet doit répéter les chiffres d’une
des deux couleurs.
177
• En présentation auditive, les stimuli sont : soit des chiffres, prononcés par une
voix masculine, soit des lettres, prononcées par une voix féminine. Le sujet doit
répéter ce qu’a dit l’homme ou la femme.
Dans les situations de focalisation sur une dimension sémantique :
• En présentation visuelle, il y a une rangée de lettres et une rangée de chiffres et
une seule couleur. Le sujet doit répéter les chiffres ou les lettres.
• En présentation auditive, le sujet entend des lettres et des chiffres prononcés
par une même voix et doit répéter les chiffres ou les lettres.
Le sujet est prévenu de la dimension pertinente avant ou après la présentation.
Dans le premier cas, il peut opérer une sélection attentionnelle. Dans le second
cas, il ne le peut pas. L’efficacité de la préparation attentionnelle est donnée par
la différence entre ces deux conditions. Cette différence représente le gain de la
sélection attentionnelle par rapport aux situations où il n’y a pas de préparation.
On peut observer sur la figure 3.12 que le taux de réponses correctes est plus
important lorsque c’est une dimension physique qui doit être surveillée. On peut
remarquer également que globalement le gain est plus important en présenta-
tion auditive qu’en présentation visuelle. Cette différence entre les deux types
de présentation n’est vraie que pour la dimension physique puisqu’il y a peu de
différence entre la présentation visuelle et la présentation auditive lorsque la tâche
est sémantique. Autrement dit, la différence entre les deux types de dimensions
est plus importante en présentation auditive qu’en présentation visuelle. Ainsi
les types de caractéristiques et les modalités sensorielles apparaissent donc bien
comme des facteurs importants dans la sélection attentionnelle.
178
sa réponse. Les stimuli sont précédés d’un signal préparatoire (un son ou un signal
lumineux) et l’expérimentateur fait varier l’intervalle entre le signal et la survenue
du stimulus (0, 30, 70, 120, 200, 350 ou 700 millisecondes). Afin que le sujet ne
puisse pas se préparer pour l’essai suivant, l’intervalle entre deux essais variait
de 1,5 à 2,5 secondes. Les résultats permettent d’observer que la présence d’un
signal auditif réduit le temps de réponse par rapport à la situation contrôle, sans
signal préparatoire. La diminution la plus forte est observée pour un délai de 70 à
120 millisecondes. Dans la condition où le signal est présenté visuellement, le temps
de réponse est également plus court que dans la situation contrôle. La diminution
179
maximale est obtenue aux alentours de 120 à 200 millisecondes. L’optimum n’est
donc pas le même dans les deux modalités. Un signal lumineux est plus long à
traiter qu’un signal auditif.
Le maintien de la préparation
L’optimum de préparation est atteint entre 100 et 200 millisecondes et l’attention
décroît lentement ensuite. On peut alors se demander combien de temps le sujet
peut maintenir cette préparation. Un des problèmes pour déterminer cette durée
consiste à s’assurer que le sujet n’abandonne pas son attitude de préparation pour
ensuite se remobiliser. Pour pallier ce problème, Gottsdanker (1979) a imaginé un
dispositif composé d’un disque tournant à vitesse constante (8 secondes par tour)
sur lequel on a tracé deux rayons passant devant un pointeur. L’angle formé par les
deux rayons est calculé de façon que le second rayon passe devant le pointeur un
certain temps après le premier. Les intervalles utilisés sont de 200, 400, 600, 800,
1 600 et 3 200 millisecondes. La tâche du sujet consiste à appuyer sur un bouton
lorsqu’il entend un clic. Ce clic survient au moment où l’un des deux rayons passe
devant le pointeur, mais le sujet ne sait pas lequel, de sorte qu’on est assuré qu’il
est préparé entre les deux rayons si le délai lui permet de maintenir sa préparation.
Pour le contrôler, un autre clic se produit à certains essais à mi-passage entre les
deux rayons. Si le sujet maintient sa préparation, il pourra répondre rapidement.
Dans le cas contraire, sa réponse sera plus longue.
Figure 3.13 – Temps moyen de réponse pour chaque type de clic en fonction
de la durée entre les deux rayons (d’après Gottsdanker, 1979).
On peut voir dans la figure 3.13 que les temps de réponse synchronisés avec le
passage d’un des rayons devant le pointeur sont relativement constants, que ce soit
dans le cas d’un clic sur le premier rayon ou dans le cas d’un clic sur le second. En
apparence, la préparation attentionnelle a été maintenue pour tous les intervalles
180
étudiés. Dans ces deux conditions, l’arrivée du stimulus est parfaitement prévisible,
la vitesse du disque étant constante.
Le sujet pouvait donc parfaitement se démobiliser après le premier rayon et se
préparer à nouveau à l’approche du second. C’est effectivement ce qui se passe pour
les durées supérieures à 600 millisecondes. Pour ces intervalles, le temps de réponse
pour les clics à mi-passage est nettement plus long. Les sujets ne maintiennent
donc pas leur préparation entre les deux rayons. Le maintien de la préparation
n’est donc possible que pour des durées brèves. Si la situation exige de maintenir
une préparation plus longue, les sujets ont tendance à relâcher leur attention, puis
à se préparer à nouveau.
Préparation de la réponse
Avec les précédentes expériences, nous avons étudié les aspects temporels de la
préparation attentionnelle. Un autre aspect concerne la préparation de la réponse.
Plusieurs recherches ont montré que le temps de réponse augmentait linéairement
avec le nombre d’alternatives (Hick, 1952). Cependant, cette relation ne vaut que
dans le cas des réponses apprises et pas dans le cas des réponses automatisées.
Ainsi Theios (1973) a utilisé des chiffres et des lettres et a mesuré le temps de
réponse à ces deux types de stimulus. La moitié des sujets devaient lire des chiffres
et des lettres (tâche de lecture). Dans ce cas, la réponse à fournir repose sur des
associations en mémoire à long terme. L’autre moitié des sujets devait indiquer la
réponse en appuyant sur la touche correspondante d’un clavier (tâche motrice).
La correspondance entre stimuli et touches devait donc être apprise. Les résul-
tats montrent que le temps de réponse augmente avec le nombre d’alternatives
uniquement lors de la tâche dite « motrice ». Autrement dit, s’il faut répondre à
chaque chiffre ou à chaque lettre en appuyant sur une clé de réponse différente,
alors le temps de réaction s’allonge quand le nombre d’éventualités augmente. Le
nombre d’éventualités n’a donc un effet sur le temps de réponse que s’il n’y a pas
de liaisons entre stimulus et réponse en mémoire à long terme (Richard, 2004).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
181
les cas où il est nécessaire de limiter l’intrusion des stimuli non pertinents. Dans
leur expérience, les sujets doivent indiquer si les deux lettres qui sont présentées
sont ou non les mêmes. On mesure le temps de réponse. Seuls les cas d’identité
entre les lettres sont intéressants, les autres cas servant d’items de remplissage
pour éviter que le sujet n’ait à répondre systématiquement oui. Chaque stimulus
est précédé d’un signal préparatoire qui peut être une lettre identique (signal
congruent), différente (signal non congruent) ou un signe + (neutre). Un signal
congruent avec la lettre cible devrait engendrer une préparation automatique. Par
ailleurs, les auteurs font varier la proportion de cas où il y a congruence (probabi-
lité). Le tableau 3.2. détaille les six conditions pour les cas d’identité. Dans les cas
de forte probabilité (80 % des stimuli sont précédés d’une lettre identique, signal
congruent), le filtrage des stimuli non pertinents est rendu moins nécessaire, et
cette condition induit non seulement une préparation automatique (beaucoup
de cas d’identité) mais aussi attentionnelle. Dans le cas de faible probabilité (20 %
seulement des stimuli sont précédés d’une lettre identique), cette condition est
peu favorable à la mise en œuvre d’une préparation attentionnelle (puisqu’il y a
peu de cas d’identité).
182
Lorsque les six chiffres sont présentés aux deux oreilles à la fois, les rappels
corrects sont de près de 95 %. Ce qui est normal, puisque nous sommes, dans ce
cas, dans une tâche classique d’empan mnésique. En situation d’écoute dichotique
183
où les six chiffres sont partagés entre les deux oreilles (voir figure 3.14), la perfor-
mance chute à 20 % de rappels corrects si on demande un rappel total (alternance
des chiffres entendus par l’oreille droite puis l’oreille gauche ou par l’oreille gauche
puis l’oreille droite) et à 65 % si on demande un rappel par oreille (tous les chiffres
entendus à l’oreille droite ou gauche puis tous les chiffres entendus par l’oreille
gauche ou droite). La difficulté de la situation d’écoute dichotique avec rappel
tiendrait, selon Broadbent, à la nécessité de déplacer l’attention d’une oreille à
l’autre. Dans le rappel total, le sujet devrait traiter séparément le message arrivant
à l’oreille droite et à l’oreille gauche et stocker successivement les informations de
l’une et de l’autre. L’attention serait alors déplacée trois fois lors d’un rappel total
alors qu’elle ne serait déplacée qu’une seule fois lors d’un rappel par oreille. Ces
résultats ont été confirmés par Axelrod et al. (1968) avec une méthodologie un
peu différente. Dans cette expérience, le sujet devait comparer le rythme de deux
séries de clics d’une durée de six secondes. Dans une première condition, les clics
étaient tous présentés du même côté. Dans l’autre condition, ils étaient présentés en
alternance à l’oreille droite et à l’oreille gauche. Lorsque les séries avaient le même
rythme, les sujets jugeaient moins rapides les séries présentées en alternance aux
deux oreilles. Ces résultats confirment l’hypothèse du déplacement de l’attention
d’une oreille à l’autre dans l’écoute dichotique. Dans une expérience complémen-
taire, les mêmes auteurs ont montré, en faisant estimer aux sujets le nombre de
clics, que la sous-estimation due au déplacement de l’attention était sensible à partir
d’un rythme de quatre clics par seconde. Le déplacement de l’attention prend un
temps non négligeable qui entraîne une perte d’informations.
Dans la situation d’écoute dichotique de Broadbent, le sujet est invité à traiter
toute l’information arrivant aux deux oreilles. Mais le fait-on spontanément ? Cela
nous ramène à la question de la sélection précoce ou tardive de l’information
évoquée dans la section précédente. Les résultats de Treisman et Geffen (1967)
vont plutôt dans le sens d’une sélection précoce. Dans l’expérience de Treisman
et Geffen, les sujets sont placés en situation d’écoute dichotique. On présente à
chacune des oreilles une liste différente de mots, mais en leur demandant de se
concentrer sur une seule des deux oreilles (oreille attentive). La tâche du sujet
consiste à répéter ce qui est dit sur l’oreille attentive et à signaler chaque fois qu’un
nom d’animal est mentionné dans l’autre oreille. Leurs résultats montrent que la
détection de l’oreille attentive est très bonne, mais pas celle de l’oreille négligée.
Les situations dans lesquelles nous surveillons plusieurs sources d’information
sont pourtant nombreuses. L’effet cocktail-party montre bien que sous certaines
conditions, nous sommes capables de réorienter notre attention vers des sources
auxquelles nous ne prêtions pas a priori d’attention. L’étude de Lackner et Garrett
184
185
deux lettres. Ainsi, les temps de réponse les plus courts sont observés pour un son
apparaissant en même temps que la première lettre. Il est un peu plus long pour un
son apparaissant entre les deux lettres. C’est lorsque le son apparaît en même temps
que la seconde lettre que le temps est le plus long. Les sujets ayant la possibilité de
répondre simultanément pour les lettres et le son, ce résultat est surprenant. On
ne peut le comprendre que si on fait l’hypothèse que les sujets différaient le trai-
tement du son pour répondre à la tâche sur les lettres. De fait, dans les situations
de double tâche, il est fréquent d’observer que la tâche secondaire est délaissée au
profit de la tâche principale. Si l’accent est mis sur la tâche secondaire, on observe
en général une diminution de la performance à la tâche principale. En contrôlant
le niveau d’exigence sur la tâche secondaire, Kalsbeek et Sykes (1967) ont montré
que les performances aux deux tâches variaient à l’inverse l’une de l’autre.
Faire deux choses à la fois apparaît donc réalisable, mais dans quelles conditions
pouvons-nous le faire ? Plusieurs travaux ont étudié la réalisation simultanée de
tâches qui ne soient pas seulement des tâches de laboratoire. Allport, Antonis
et Reynolds (1972) ont demandé à des pianistes expérimentés d’interpréter un
morceau à partir d’une partition, tout en répétant un texte qu’on leur donnait à
entendre. Shaffer (1975) a demandé à des dactylos professionnelles de recopier des
caractères tout en écoutant et en répétant un texte. Dans ces deux recherches, il est
à noter que la capacité à effectuer les deux tâches simultanément était liée à l’ex-
périence des sujets sur une des deux tâches et notamment au caractère automatisé
de celle-ci. Cet effet de l’apprentissage répété dans la réalisation de double tâche
a été mis en évidence par une recherche de Spelke, Hirst et Neisser (1976). Dans
cette expérience, les sujets ont été entraînés à lire des histoires tout en écrivant des
mots sous la dictée. L’entraînement a duré vingt semaines et, au terme de celui-ci,
les sujets pouvaient mener de front les deux tâches et pouvaient même catégoriser
les mots qu’on leur dictait. Ces résultats peuvent paraître surprenants mais, à bien
y réfléchir, nous connaissons de tels exemples dans notre vie quotidienne, dans
d’autres domaines. Ainsi, pour peu que nous ayons un peu d’expérience dans la
conduite automobile, nous sommes capables de conduire tout en conversant avec
notre passager. Cette capacité à faire plusieurs choses à la fois a cependant ses
limites. Un cas particulièrement dangereux est l’usage du téléphone en voiture
même avec un kit mains libres : prélever des informations de l’environnement
extérieur, effectuer les actions nécessaires à la conduite tout en menant une activité
complexe d’écoute et de réponse à son interlocuteur est difficile à mener simultané-
ment, puisque ce sont des activités complexes et coûteuses en ressources cognitives
(Bruyas et Martin, 2012 ; Lieury et Léger, 2020).
Dans une autre ancienne étude de Brown, Tickner et Simmonds (1969), les sujets
devaient répondre à un test de raisonnement syntaxique. Par exemple, vérifier
186
187
cruciales est de savoir à quel moment se fait la sélection du stimulus et nous allons
voir, en première partie de cette section, les différentes réponses théoriques qui ont
été apportées. Une seconde catégorie de modèles a tenté d’aborder les limites de
l’attention en développant l’idée selon laquelle les ressources attentionnelles sont
limitées. Ces modèles s’appuient sur la notion de charge mentale. Cette seconde
catégorie de modèles ne met pas l’accent sur le moment de la sélection, mais sur
les modalités de gestion des ressources attentionnelles. Nous les développerons
en traitant de la charge mentale.
188
189
valeur affective. Ainsi, le nom de l’auditeur est caractérisé par un seuil très bas,
de même que des signaux d’alerte. Ceci permet d’expliquer l’effet cocktail-party
évoqué précédemment. Imaginons que le mot « table » se présente à l’oreille atten-
tive, en même temps que le nom du sujet, sur l’oreille négligée. Sur la figure 3.16,
nous avons symbolisé la vitesse de traitement par le type et la longueur de la flèche.
On voit que le nom du sujet bien que présenté à l’oreille négligée sera malgré tout
traité, son seuil de détection étant plus bas.
190
chances d’être sélectionnée. La sélection s’effectue bien après l’analyse des carac-
téristiques physiques et sémantiques des stimuli. Dans ce modèle, les limites du
canal unique n’entrent en jeu qu’après la sélection.
Le modèle de Treisman et celui de Norman et Deutsch permettent tous deux de
rendre compte de l’identification des messages sur l’oreille négligée tout en expli-
quant la meilleure performance sur l’oreille attentive. Ces modèles se distinguent
par le niveau auquel la sélection attentionnelle est faite. Un certain nombre de
résultats expérimentaux récents (voir la section sur l’orientation et la sélection
attentionnelle) semblent montrer que les deux types de sélection ne sont pas
incompatibles et que pour certains types de stimuli, la sélection se fait précoce-
ment (attention exogène) tandis que pour d’autres, elle se fait plus tardivement
(attention endogène).
191
192
La répartition des ressources disponibles est contrôlée par des règles de distri-
bution qui déterminent les priorités d’allocation de ressources entre les différentes
activités. Ces règles sont influencées par des dispositions stables qui correspondent
aux mécanismes attentionnels involontaires et permettent la réorientation de l’at-
tention (par exemple, lorsque votre nom surgit sur l’oreille négligée). Les règles
de distribution sont également influencées par les mécanismes d’orientation
volontaire de l’attention en fonction des buts du sujet dans la situation. Enfin, un
mécanisme d’évaluation de la demande de ressources contrôle par rétroaction l’état
d’activation et les règles de distribution. Par exemple, en arrivant en voiture dans
une zone où de nombreux piétons se promènent, vous ferez davantage attention
à ce qui se passe autour de votre véhicule.
Le modèle de Kahneman complète les précédents modèles plus qu’il ne les
remplace. Il explique comment deux activités simultanées peuvent interférer, en
fonction des priorités du moment. Une différence essentielle, cependant, réside dans
l’explication des causes de l’interférence. Dans les modèles précédents, elle était
due à l’utilisation simultanée du canal unique pour deux activités. Dans le modèle
de Kahneman, la réalisation de deux tâches à la fois est possible à condition que
les activités ne requièrent pas plus de ressources que le total disponible. Le modèle
de distribution des ressources permet donc de rendre compte de la variation de la
performance en fonction de la charge mentale requise pour chacune des tâches.
La notion de charge mentale pose cependant des difficultés lorsqu’on veut la
définir et la mesurer précisément (Tricot et Chanquoy, 1996). Cette notion est
en effet très liée aux limites de la mémoire de travail. Selon ces auteurs, la charge
mentale mesurerait la capacité de mémoire immédiate mobilisée par un sujet lors
de la réalisation d’une tâche. Or la mesure de la capacité de la mémoire n’est pas
relative à la quantité d’informations à traiter, mais au nombre d’unités de traite-
ment manipulées par le sujet (voir la notion de chunks de Miller, 1956). Les unités
de traitement, pour une tâche donnée, dépendent du sujet (notamment de ses
connaissances) et de son codage des items, ce qui rend très difficile la mesure de la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
193
Exercices
QCM
1. Selon Fodor (1983), les processus modulaires sont caractérisés par…
a) un accès à toute l’information du système.
b) leur rapidité et leur caractère irrépressible.
c) la possibilité d’effectuer des traitements généraux à partir des autres
modules.
2. Selon Rasmussen (1983) le contrôle de l’activité peut être réalisé par…
a) les connaissances, les règles et les automatismes.
b) les modules, les règles et les automatismes.
c) les automatismes, les règles et le raisonnement.
194
195
9. L’effet d’amorçage sémantique a été étudié dans des tâches de décisions lexi-
cales où on présentait deux mots à intervalle variable, la décision lexicale se faisant
sur le second. Cet effet correspond à…
a) la facilitation de l’accès à la signification du deuxième mot.
b) l’inhibition des significations correspondant au premier mot.
c) la facilitation de l’accès à la signification du premier mot.
10. La notion de charge mentale est liée…
a) au nombre de tâches à effectuer.
b) à la facilité de la tâche.
c) à l’empan mnésique.
11. L’heuristique de représentativité consiste à fonder son jugement sur…
a) la facilité d’accès en mémoire de l’information.
b) la ressemblance d’une classe avec les caractéristiques d’un individu.
c) une valeur de référence.
12. Une inférence anaphorique est…
a) la mise en relation entre deux prémisses erronées.
b) la mise en relation entre le but et le mode de réalisation d’une action.
c) la mise en relation d’un terme général et d’un terme précédemment évoqué.
13. La cécité au changement survient…
a) lorsqu’on est fatigué.
b) lorsqu’on réalise une tâche automatique.
c) lorsque l’attention est déjà occupée.
14. L’optimum de préparation attentionnelle intervient dans quel intervalle après
la présentation du signal préparatoire ?
a) 200 à 300 ms.
b) 100 à 200 ms.
c) 50 à 100 ms.
15. Lequel de ces trois auteurs a proposé le modèle de l’attention caractérisé par
le filtre attentionnel le plus précoce ?
a) Broadbent.
b) Treisman.
c) Kahneman.
196
Définitions
Définissez les concepts suivants en cinquante mots maximum : processus –
processus modulaires – activation – attention – charge mentale – catégorisation
– saillance perceptive – jugement.
Texte lacunaire
Complétez le texte suivant.
L’attention. Lorsqu’une seule tâche est donnée au sujet, on parle [A]. Ce type
d’attention a été étudié par de nombreux auteurs qui se sont attachés à préciser
les liens entre la focalisation de l’attention et [B]. Dès le début du xxe siècle déjà,
Külpe avait montré que le fait d’attirer l’attention sur un des aspects du stimulus
améliorait la performance des sujets lorsqu’ils étaient interrogés sur cet aspect.
Dans le cadre de l’approche cognitiviste, ce résultat peut trouver deux explications :
la première est [C], la seconde est [D]. Fraisse (1961) a cependant montré que cette
deuxième explication ne suffisait pas, dans la mesure où même lorsqu’on faisait
varier l’ordre de réponses sur les différentes dimensions du stimulus, le pourcentage
de rappel restait plus élevé pour la dimension pertinente. Il y a donc bien [E]. De
son côté, Broadbent (1954) a montré que l’efficacité de la sélection de l’information
pertinente était plus grande pour [F] que pour [G]. De même que les différences
étaient plus importantes pour [H] que pour [I]. Dans tous les cas cependant, on a
retrouvé l’effet de facilitation de [J].
On a étudié aussi l’évolution temporelle de [K] en mesurant le temps de réponse
en fonction de l’incertitude sur le moment de survenue du stimulus. Cette étude
réalisée par Alegria (1975) montre que [L]. Les sujets peuvent donc se préparer en
situation d’incertitude et tenir compte de la probabilité des différentes périodes
préparatoires. La durée optimum de préparation est de l’ordre de [M]. C’est ce qui
ressort d’une étude de Bertelson (1967), dans laquelle il faisait varier l’intervalle
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
197
pas vraie si [S]. C’est ce qu’a montré Theios (1975) en comparant le temps de réac-
tion pour deux catégories de stimulus, une réponse motrice qui doit être apprise
et une tâche de lecture qui est automatisée.
Questions de réflexion
1. Du point de vue attentionnel, quelles sont les différences entre voir et regarder
ou encore entre entendre et écouter ?
2. Quelle est la relation entre la charge mentale engendrée par un traitement et
le type de mémoire impliquée dans ce traitement ?
Lectures conseillées
CHANQUOY L., TRICOT A. et SWELLER J. (2007). La L IEURY A. (2020). Manuel visuel de
Charge cognitive. Théorie et applica- Psychologie cognitive. Malakoff :
tions. Paris : Armand Colin. Dunod.
LIEURY A. (2017). 35 grandes notions de psy-
chologie cognitive. Malakoff : Dunod.
198
QCM
Chapitre 1 : 1a – 2b – 3a – 4b – 5c – 6b – 7a – 8b – 9a – 10 : 1d – 2c – 3b –
4a 11b – 12c – 13c – 14a – 15c.
Chapitre 2 : 1a – 2c – 3b – 4c – 5b – 6a – 7b – 8a – 9a – 10b – 11b – 12a –
13b – 14c – 15a.
Chapitre 3 : 1b – 2a – 3c – 4c – 5b – 6c – 7c – 8a – 9a – 10a – 11b – 12c –
13c – 14b – 15a.
Définitions
Activation. L’activation correspond à la partie de la mémoire à long terme dispo-
nible à un moment donné. Elle se réalise automatiquement et dépend de la typicalité,
de la fréquence des items, et de la distance entre les concepts dans le réseau. Elle ne
diffuse généralement pas au-delà des liens directs.
Amorçage sémantique. C’est l’activation la plupart du temps non consciente et
automatique d’un item en mémoire à long terme consécutive à la présentation d’un
autre item lié sémantiquement. L’item activé est la cible et l’item activateur, l’amorce.
Attention. Elle se définit par la focalisation de l’activité sur la réalisation d’objec-
tifs. Elle peut prendre plusieurs formes. La première est l’attitude de préparation,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
généralement étudiée sur une seule tâche. On distinguera ensuite les formes de
partage de l’attention selon qu’elle est partagée entre sources de stimulation ou
entre tâches.
Catégorisation. Affectation d’un stimulus à une catégorie en mémoire à long
terme. Ce mécanisme de traitement est à la base des mécanismes de jugement et
d’inférence.
Charge mentale. Étudiée surtout dans les situations de partage de l’attention
entre tâches, la charge mentale est liée à la complexité de la tâche en cours, à la
199
200
la classe.
Représentation. Cette notion renvoie aux conceptions qu’on peut avoir sur un
domaine ou une situation. On distingue deux sens selon qu’on parle des connais-
sances stabilisées en mémoire à long terme, ou des interprétations de la situation
stockées en mémoire de travail. Ces représentations peuvent être conceptuelles,
imagées ou liées à l’action.
Saillance perceptive. Identification rapide d’un objet dans une situation à partir
d’une caractéristique qu’il est le seul à avoir dans une scène visuelle.
201
Textes lacunaires
La mémoire de travail. [A] moniste [B] l’associationnisme [C] dualiste [D] les
limitations des capacités de traitement [E] la mémoire à court terme [F] la mémoire
à long terme [G] court, [H] long [I] 4 ou 5 items [K] acoustique [M] sémantique [N]
Sternberg (1966) [O] sérielle et exhaustive [P] la longueur de la liste à apprendre
[Q] la présence ou absence [R] Schneider et Shiffrin (1977) [S] du nombre d’items
à surveiller [T] non séquentiel.
Les représentations imagées. [A] l’introspection [B] soixante [C] la chrono-
métrie mentale. [D] Santa [1977] [E] les propriétés spatiales [F] les propriétés
temporelles de l’ordre de lecture [G] Kosslyn, Ball et Reiser (1978) [H] les compor-
tements d’exploration sur des objets réels [I] la distance à parcourir sur la carte [J]
la forme et les propriétés topologiques [K] liées à une modalité perceptive particu-
lière [L] difficilement décomposables [M] comparaison [N] sériation mentale, [O]
l’analyser [P] Reed et Johnsen [1975] [Q] bien meilleur [R] la recoder différemment,
[S] d’une image mentale.
L’attention. [A] d’attention focalisée [B] la mémoire à court terme [C] un meil-
leur traitement de la dimension pertinente, [D] une préparation de la réponse en
mémoire à court terme [E] un meilleur traitement de l’information [F] les dimen-
sions physiques [G] les dimensions sémantiques. [H] la modalité auditive [I] la
modalité visuelle. [J] la préparation sélective [K] l’état de préparation [L] le temps
de réponse augmente avec l’incertitude. [M] 100 à 200 ms. [N] auditif [O] visuel
[P] qu’environ 600 ms. [Q] l’incertitude sur la réponse à fournir. [R] avec le nombre
de réponses alternatives. [S] stimuli peuvent être traités de manière automatique.
202
Questions de réflexion
Chapitre 1
1. Quels arguments justifient la distinction entre mémoire à court
terme et mémoire à long terme ?
La distinction entre ces deux types de mémoire repose sur deux séries d’argu-
ments : la première montre l’effet différencié de plusieurs facteurs selon la durée
de rétention, la seconde montre des propriétés différentes en ce qui concerne le
codage, le stockage et la récupération de l’information.
Les différents facteurs étudiés selon la durée de rétention sont la répétition,
la distribution de l’apprentissage. Ces deux facteurs ont pour effet d’améliorer la
performance pour des délais entre apprentissage et rappel de l’ordre d’une dizaine
de secondes. En revanche, distribuer l’apprentissage ou répéter ne change pas la
performance lors du rappel pour des délais de l’ordre de 2 à 4 secondes. Que ces
facteurs n’aient pas le même effet selon la durée de rétention indique que ces
deux mémoires n’obéissent pas aux mêmes lois. L’expérience de Rundus (1971) est
particulièrement démonstrative de ce double mécanisme. Dans cette expérience,
les sujets avaient à mémoriser une liste d’une vingtaine d’items. Ils devaient aussi
répéter la liste à voix haute entre deux présentations. Les résultats font apparaître
un meilleur rappel pour les premiers et les derniers items. Or seuls les premiers
ont bénéficié d’une répétition importante, les sujets répétant préférentiellement la
liste depuis son début. Mais seuls les derniers étaient sensibles à une tâche d’inter-
férence. Ce qui veut dire que les premiers et les derniers items sont stockés dans
des registres différents. Les premiers items, stockés de manière stable sous l’effet
de la répétition, sont en mémoire à long terme, tandis que les derniers items sont
en mémoire à court terme.
Du point de vue du codage, l’étude du taux de confusion entre des lettres montre
que la forme sous laquelle est stockée l’information n’est pas la même dans les deux
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
mémoires. À court terme, ce sont les similitudes acoustiques qui perturbent le rappel ;
à long terme, ce sont les similitudes sémantiques. L’information ne serait donc pas
stockée de la même façon en mémoire à court terme et en mémoire à long terme.
Les deux mémoires peuvent aussi être distinguées du point de vue de leur capa-
cité de stockage. À court terme, la capacité de la mémoire est faible, de l’ordre de
4 à 5 items lorsque le sujet n’a pas le loisir de les répéter (mesure en continu de
l’empan mnésique). À long terme, elle paraît illimitée, bien que son organisation,
par blocs d’environ 5 items, suggère que la mémoire à long terme serait aussi
limitée en capacité.
203
204
205
seule ne suffise pas, comme en témoigne l’étude de Nilson (1987) qui montre
que l’augmentation de la récompense en fonction de la performance au rappel ne
suffit pas toujours à influencer l’apprentissage. L’hypothèse la plus vraisemblable
consiste à penser que la mémorisation dépend des traitements de l’information
au moment de l’apprentissage.
La répétition du matériel à apprendre constitue un autre facteur influençant la
fixation de l’information en mémoire à long terme. Des expériences comme celles
de Postman et Phillips (1965) ou Rundus (1971) montrent, s’il en est besoin, à
travers l’effet de primauté, que la répétition concourt à la mémorisation. Cependant,
Atkinson (1972) a mis en évidence que les sujets avaient tendance à surestimer le
degré de leur apprentissage. La sélection libre des items à réviser s’avère en effet
moins efficace, au regard des fréquences de rappels corrects, qu’une sélection infor-
matisée fondée sur le nombre d’erreurs aux essais précédents.
Le rythme de l’apprentissage influence également la performance au rappel.
Ainsi, Baddeley et Longman (1974) ont montré dans une situation d’apprentis-
sage de la dactylographie que l’apprentissage distribué était plus efficace qu’un
apprentissage massé. Dans le même ordre d’idée, des recherches sur la fréquence
des essais comme celles de Melton (1970) suggèrent un effet positif d’un intervalle
relativement long entre deux répétitions bien que « l’effet de la pratique du rappel »
laisse à penser qu’il doit exister un optimum en fonction de l’état de mémorisation
d’un item (Landauer et Bjork, 1970).
L’organisation du matériel à apprendre intervient également dans la mémorisa-
tion. Ainsi, Tulving (1962) a montré que la restitution de liste de mots présentés
dans un ordre aléatoire tendait à s’organiser en catégories de mots au fur et à
mesure des répétitions. Cet effet semble indépendant de l’intention de mémoriser
comme le suggère l’expérience de Mandler et Dean (1969) dans laquelle les sujets
devaient classer une liste de mots en catégorie. Les résultats montrent que prévenir
les sujets que le classement serait suivi d’une épreuve de rappel n’a pas d’effet sur
la performance au rappel.
L’ensemble de ces travaux ont favorisé l’idée que la profondeur de traitement
jouait un rôle essentiel dans la mémorisation. On peut manipuler la profondeur
de traitement en donnant aux sujets des tâches portant sur les aspects superficiels
des stimuli (identifier la présence d’un caractère), sur des aspects phonétiques
(identifier la présence d’une rime) ou sémantiques (compatibilité avec une phrase
lacunaire ; Craik et Tulving, 1975). Les résultats montrent que lors de l’épreuve de
reconnaissance qui suit cette tâche, la performance augmente avec la profondeur
de traitement.
206
Chapitre 2
1. Les représentations imagées sont-elles des copies
de la perception visuelle ?
Les représentations imagées sont caractérisées par leur caractère analogique et
servent, entre autres, à coder les informations visuelles. De nombreuses expériences
accréditent l’idée que l’exploration des images mentales présente des similitudes
avec l’exploration physique des objets (voir par exemple l’expérience de Kosslyn et
al., 1978). On est alors en droit de se demander si les images mentales constituent
des copies de la perception visuelle. Plusieurs arguments contredisent cependant
cette idée.
En premier lieu, les représentations imagées ne conservent pas toutes les
propriétés du percept visuel. Reed et Johnson (1975) ont ainsi montré qu’une image
mentale n’était pas décomposable. Ainsi, si on présente à des sujets une figure
géométrique complexe et qu’on les soumet à une épreuve de reconnaissance sur
des parties de la figure, la performance est nettement moins bonne lorsque les
sujets doivent répondre à partir de l’image mentale qu’ils ont construite, que s’ils
doivent répondre avec le dessin de la figure sous les yeux.
Ensuite, les représentations imagées constituent une vision idéalisée du percept
visuel comme le montre l’expérience de Hinton et Parsons (1981) où les sujets
doivent imaginer un cube posé sur un de ces coins. Bien peu de sujets sont capables
de reconnaître que les autres coins ne sont pas alignés horizontalement. Dans le
même ordre d’idée, Nickerson et Adams (1979) ont montré que peu de sujets
étaient capables de reconnaître une vraie pièce dans un ensemble de fausses pièces
lorsque celles-ci diffèrent de la vraie pièce par des détails. Les représentations
imagées semblent d’ailleurs interagir avec les autres connaissances. Les Européens
ont ainsi tendance à penser que Berlin est au milieu de l’Allemagne puisque le mur
qui séparait autrefois les deux Allemagne passait par Berlin (Stevens et Coupe,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
1978).
Enfin, Une dernière série d’arguments provient de la possibilité de construire
des représentations imagées de scènes qui ne sont pas visuelles, représentations
qui peuvent même s’avérer relativement abstraites. Ainsi peut-on se construire
une représentation imagée, sous la forme d’une carte mentale, des relations qui
existent entre différents lieux. Cette carte mentale, même si elle code des infor-
mations sur la métrique et les relations topologiques, est une représentation très
schématique comme semblent le suggérer les travaux de Thorndike et Hayes (1982)
ou de Pailhous (1970) sur la construction et la manipulation de cartes mentales.
207
Tous ces arguments conduisent donc à penser que les représentations imagées ne
dépendent pas seulement de la modalité visuelle et qu’elles ne constituent pas une
copie de ce qui est perçu.
208
ne peut avoir accès à une partie du script, sans accéder au script tout entier. L’accès
à un concept dans le réseau sémantique, en revanche, est vu comme une activation
de la partie concernée du réseau. Il n’est pas nécessaire d’accéder à tout le réseau
lorsqu’on veut accéder à un concept.
Chapitre 3
1. Du point de vue attentionnel, quelles sont les différences
entre voir et regarder ou encore entre entendre et écouter ?
Lors d’une tâche, afin de ne pas détourner sans cesse notre attention sur tous
les événements qui se déroulent dans notre environnement, nous avons développé
une capacité à filtrer les informations et à se focaliser sur celles qui nous intéressent
à un moment donné.
On parle d’attention focalisée lorsque la tâche à réaliser ne comporte qu’un seul
but, un seul objectif. En écoute dichotique, par exemple, lorsque le message est
délivré aux deux oreilles en même temps, la condition d’attention focalisée (ou
sélective) consiste à inviter le sujet à se concentrer sur son oreille droite et à ignorer
ce qu’il entend dans son oreille gauche. Cette situation d’attention focalisée amène
le sujet à concentrer son attention sur une seule source et à ignorer les autres. Les
performances d’identification des cibles émises par cette source seront supérieures
à ce qui est observé en situation d’attention partagée.
En effet, la situation d’attention partagée amène le sujet à répartir son attention
entre plusieurs sources différentes, dont chacune est susceptible de produire une
cible, ou, autrement dit, lorsque la tâche à réaliser comporte plusieurs buts et que
l’on doit orienter notre attention. La condition d’attention partagée, en écoute
dichotique par exemple, consiste à inviter le sujet à répartir également son attention
sur ses deux oreilles pour y détecter des cibles (par exemple des chiffres qu’il doit
mémoriser) et à ignorer les distracteurs simultanément présentés (par exemple des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
lettres). L’attention est alors engagée de manière globale ou diffuse. Dans ce cas,
la performance est grandement détériorée. Les sujets échouent à suivre plusieurs
événements simultanés. Partager son attention semble plus facile si les informa-
tions parviennent par des canaux sensoriels différents, bien que la performance
soit moins bonne que celle obtenue dans des situations d’attention sélective.
Dans ces conditions, la différence entre voir et regarder, ou entendre et écouter,
concerne la forme de notre orientation attentionnelle : « voir » et « entendre »
décrivent un niveau d’attention diffus, ouvert sur le cadre environnant, et
« regarder » ou « écouter » évoquent une activité orientée vers une source ciblée.
209
Pour voir et entendre, il faut donc déployer une attention globale et diffuse, partagée
entre plusieurs sources ou répartie également sur l’ensemble du champ perceptif.
Pour regarder et écouter, il faut focaliser son attention sur une partie réduite du
champ. Cette dernière forme améliore considérablement la qualité du traitement
perceptif effectué sur les cibles apparaissant à cet endroit. En contrepartie, les cibles
apparaissant ailleurs sont négligées, voire ignorées.
210
que celle qu’il désigne. Par exemple, il faut plus de temps pour dire « bleu » quand
c’est le mot « rouge » qui est écrit en bleu que lorsque c’est le mot « maison ». On
ne peut s’empêcher de lire « rouge » en voyant le mot même si l’on a comme tâche
non pas de lire mais de dire le nom de la couleur. La lecture de « rouge » entraîne la
récupération en mémoire de la signification de rouge qui interfère avec la couleur
du mot qui doit faire l’objet de la réponse : cette opération est l’accès lexical.
L’expérience de Schneider et Shiffrin est un argument important en faveur de
l’idée que les traitements automatiques sollicitent la mémoire à long terme, alors
que les traitements contrôlés font appel à la mémoire de travail. Cette expérience
montre en effet qu’une tâche de reconnaissance qui fait appel à la mémoire de
travail entraîne des effets de charge mentale quand on fait varier le nombre de
stimulus à reconnaître qui sont susceptibles d’apparaître : le temps de reconnais-
sance augmente avec le nombre de stimuli. La même tâche n’entraîne plus d’effet
de charge mentale quand elle sollicite la mémoire à long terme. Pour que la tâche
sollicite non plus la mémoire de travail mais la mémoire à long terme, on procède
à un apprentissage très long pour que l’ensemble des stimuli qui ont à être signalés
quand ils apparaissent soient bien fixés en mémoire.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.
211
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interférence 39, 40, 71, 72, 73, 81, 92, mémoire implicite 59, 62
134, 135, 193, 203 mémoire primaire 27
interprétation 9, 13, 25, 31, 32, 36, 37, mémoire secondaire 27
40, 56, 70, 71, 85, 92, 93, 94, 98, 101,
mémoire sémantique 57, 58, 59, 60,
104, 105, 116, 119, 124, 126, 128, 129,
61, 62, 63, 65, 85, 105, 108, 132, 133
130, 131, 132, 135, 137, 138, 144, 149, 151,
155, 169, 170, 171, 194, 200, 201 mémoire sensorielle 14, 15, 16, 17, 18,
20, 21, 23, 24, 25, 26, 30, 79, 80, 188,
J 200
jugement 110, 112, 144, 146, 147, 159, 160, modèle de situation 105, 170
162, 163, 164, 165, 196, 197, 199, 200, modèle mental 105
202 moniste 14, 41, 42, 50, 51, 56, 80, 202
L O
labilité 14, 17, 33, 35, 39, 56 orientation attentionnelle 174, 189, 209
M oubli 22, 35, 36, 40, 41, 54, 65, 204
macrostructure 101, 102, 138 P
mémoire à court terme 14, 23, 26, 27, perception 7, 15, 16, 23, 24, 25, 60, 69,
28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 92, 135, 139, 144, 151, 159, 176, 201, 207
38, 39, 40, 41, 42, 45, 48, 49, 51, 66,
prédicat 94, 95, 96, 161
69, 70, 71, 74, 79, 81, 82, 200, 202, 203
préparation attentionnelle 75, 173, 174,
mémoire à long terme 14, 15, 23, 26,
176, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 190, 196
27, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 36, 41, 42,
47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 56, 57, 58, processus automatique 195
59, 61, 62, 64, 65, 66, 69, 71, 73, 74, processus centraux 148, 149
75, 79, 80, 81, 82, 85, 86, 87, 105, 119, processus contrôlés 147
145, 147, 158, 181, 188, 195, 199, 200,
processus modulaires 147, 148, 149,
201, 202, 203, 204, 205, 206, 208,
150, 194, 197
210, 211
prototype 109, 110, 111, 112, 113, 114, 136,
mémoire déclarative 58, 59
138, 162, 200, 201
mémoire de travail 27, 41, 42, 43, 44,
45, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 56, 60, R
64, 65, 69, 74, 75, 79, 80, 81, 82, 85, raisonnement 105, 135, 147, 148, 167,
86, 87, 89, 90, 97, 101, 130, 135, 137, 168, 171, 172, 186, 193, 194
145, 147, 175, 177, 185, 188, 191, 193, 195,
reconnaissance 20, 21, 22, 23, 24, 36,
200, 201, 202, 210, 211
37, 38, 41, 46, 57, 58, 59, 69, 70, 74,
mémoire épisodique 57, 58, 59, 60, 61, 75, 76, 77, 78, 80, 88, 89, 90, 92, 98,
62, 63, 64, 65, 85 99, 103, 104, 139, 145, 190, 195, 206,
mémoire explicite 59, 62 207, 211
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