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Mémoires,

représentations
et traitements
Jean-Marc Meunier
Elisabetta Zibetti
Isabelle Carchon

3e édition entièrement
complétée et actualisée

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Maquette de couverture :
Le Petit Atelier

Maquette intérieure :
www.atelier-du-livre.fr
(Caroline Joubert)

© Dunod, 2022
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-084114-1

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Table des matières
Introduction ................................................................................................................................................................ 5

C  – L  ..................................................................................................................... 11


1. La notion de mémoire ............................................................................................................................ 13
2. La mémoire sensorielle .......................................................................................................................... 15
3. La mémoire à court terme ................................................................................................................... 26
4. La mémoire à long terme ..................................................................................................................... 56
Exercices ........................................................................................................................... 79

C  – L  ................................................................................................. 83


1. La notion de représentation ............................................................................................................... 85
2. Les représentations imagées .............................................................................................................. 86
3. Les représentations propositionnelles ........................................................................................ 94
4. Les représentations liées à l’action ................................................................................................ 119
Exercices ........................................................................................................................... 136
Lectures conseillées....................................................................................................... 139

C  – L  ............................................................................................................ 141


1. Les différents types de traitements................................................................................................ 143
2. Catégorisation, jugements et inférences.................................................................................... 151
3. Les traitements attentionnels............................................................................................................ 173
Exercices ........................................................................................................................... 194
Lectures conseillées....................................................................................................... 198

C  ................................................................................................................................ 199


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

QCM .................................................................................................................................. 199


Définitions ....................................................................................................................... 199
Textes lacunaires ........................................................................................................... 202
Questions de réflexion.................................................................................................. 203

Bibliographie .............................................................................................................................................................. 213


Index des notions ..................................................................................................................................................... 231

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Introduction

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Comprendre comment l’être humain perçoit son environnement, se construit
des souvenirs et est capable de raisonner sur ses connaissances est une question très
ancienne. En témoigne la tradition philosophique qui, des Grecs antiques jusqu’à
nous, n’a cessé d’interroger le fonctionnement mental pour essayer d’appréhender
ses lois. L’approche scientifique de ce fonctionnement est pourtant très récente.
C’est en Allemagne qu’on situe les premiers pas de l’approche scientifique de la
psychologie, à travers un certain nombre de travaux en psychophysique, notam-
ment ceux de Weber (1795-1878) ou de Fechner (1801-1887), et la constitution
du premier laboratoire de psychologie expérimentale par Wundt (1832-1920).
Les phénomènes étudiés relèvent surtout de la perception et il faudra attendre
que se développent les méthodes et surtout que s’affirme la validité de l’approche
expérimentale de la psychologie pour qu’elle connaisse son essor.
Sous l’influence du courant associationniste anglo-saxon, c’est une autre
approche de la psychologie scientifique qui s’affirme au début du xxe siècle et se
donne comme contrainte de limiter l’étude de la psychologie aux seuls compor-
tements observables. Cette approche, connue sous le nom de « béhaviorisme »,
s’impose, notamment aux États-Unis, comme le modèle de l’étude scientifique des
phénomènes psychologiques. Un des représentants les plus célèbres est Thorndike
(1874-1949), à qui on doit l’étude de l’apprentissage chez l’animal. On peut égale-
ment citer Pavlov (1849-1936) ou Skinner (1904-1990), à qui on doit l’étude du
conditionnement.
En réaction au mouvement béhavioriste, l’approche théorique de la psychologie
de la forme refuse d’isoler les phénomènes les uns des autres pour les expliquer
et les considère comme des ensembles indissociables structurés. Le gestaltisme a
dominé la psychologie expérimentale jusqu’à la seconde guerre mondiale. Deux
concepts essentiels marquent cette approche : l’insight, c’est-à-dire la restructu-
ration du champ perceptif et l’opposition entre une pensée reproductive et une
pensée créatrice. L’apprentissage n’est plus vu, comme dans le béhaviorisme,
comme un simple mécanisme de fixation-renforcement entre un stimulus et une
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réponse, mais comme la possibilité de réorganiser les éléments d’une situation


offrant de nouvelles possibilités d’action jusqu’alors inconnues.
Si les gestaltistes ont ouvert à nouveau la voie vers une étude des phénomènes
psychologiques qui ne soit plus limitée à la seule étude du comportement, c’est
à l’approche du traitement de l’information, dans les années 1950, qu’on doit les
premières études s’attaquant au fonctionnement de la « boîte noire » que constitue
le système cognitif. Cette approche se fonde sur l’analogie entre les systèmes infor-
matiques et le fonctionnement mental. Le système cognitif serait constitué de

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Mémoires, représentations et traitements

registres de stockage (les mémoires) contenant des informations (les représenta-


tions) sur lesquels opéreraient des programmes (les processus de traitement). Cette
analogie a permis de dépasser la simple phénoménologie en considérant l’esprit
humain comme un système de traitement des informations et, de cette façon,
de poser et de tester des hypothèses sur la structure de ce système cognitif et ses
processus. C’est cette approche de la psychologie cognitive, à travers ses concepts
clés, qui est l’objet de ce cours.
Les connaissances de base en psychologie cognitive concernent trois grands
concepts, qui, même s’ils sont abordés différemment selon les théories, n’en
demeurent pas moins fondamentaux dans toutes les approches relevant de la
psychologie cognitive. Ces trois concepts sont les notions de mémoire, de repré-
sentation et de traitement. C’est autour de ces trois concepts que cet ouvrage
est structuré. À ces notions, nous avons souhaité mettre un pluriel dans le titre
afin de rendre compte à la fois de la pluralité notionnelle et de la pluralité des
approches théoriques qui les entourent. Le premier chapitre est consacré à la notion
de mémoire. Nous y aborderons la question de la pluralité des registres mémoires.
Nous verrons ensuite comment on a pu mettre en évidence différentes structures
mnésiques et en quoi leurs caractéristiques et fonctionnements diffèrent. Dans
le deuxième chapitre, nous étudierons la notion de représentation. Cette notion
est tout à fait essentielle en psychologie cognitive, puisqu’elle rend compte de
nos contenus de pensée, de nos connaissances et de nos croyances. Les différents
types de représentations seront présentés en relation avec les registres mémoires
où on les rencontre. Le troisième chapitre sera le lieu de présentation de la notion
de traitement. Les traitements correspondent aux opérations et aux processus
de transformation des représentations en mémoire. Nous verrons comment ces
traitements sont liés au registre mémoire dans lesquels ils opèrent et en quoi ils
permettent de rendre compte du caractère attentionnel ou automatique de nos
mécanismes de pensée.

Conseils méthodologiques
Ce texte reprend le contenu du cours d’introduction à la psychologie cognitive.
Ce cours a été initialement écrit pour les étudiants de licence de psychologie, en
particulier ceux de l’Institut d’Enseignement à Distance de l’université Paris-VIII
sous le titre de « Introduction à la Psychologie Cognitive ». L’objectif du cours
est de permettre aux étudiants d’appréhender les concepts de base de la psycho-
logie cognitive, mais également de les initier aux problématiques méthodologiques
et théoriques qui animent ce domaine. Il est souvent difficile aux étudiants de

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Introduction

première année de repérer, dans la masse d’informations que constitue un cours,


ce qui est important à retenir et ce qui est donné à titre d’illustration ou comme
piste d’approfondissement. Cette difficulté est d’autant plus prégnante pour des
étudiants à distance que les échanges avec l’enseignant sont nécessairement désyn-
chronisés de leurs questionnements pendant la lecture du cours. La problématique
est de même nature lorsqu’on aborde l’étude d’une discipline à partir d’un livre.
Lorsqu’on assiste à un cours, on a, dans la plupart des cas, le loisir de poser des
questions à l’enseignant, de lui faire préciser ses attentes et, de cette façon, orienter
l’étude du cours. L’étude à partir d’un texte est cependant bien différente. D’abord
parce qu’un texte écrit impose une incontournable linéarité de la présentation
qui ne correspond bien souvent pas à l’organisation conceptuelle sous-jacente à
la matière enseignée. Ensuite parce que le texte, pour conserver une cohérence
globale indispensable et limiter le recours à des connaissances implicites, néces-
site des développements parfois longs et une certaine redondance dont il faut
extraire l’essentiel. De nombreux comptes rendus d’expériences illustreront les
différents points de vue théoriques. Pour être compréhensibles, ces comptes rendus
seront présentés de façon plus ou moins détaillée. Vous verrez également que de
nombreux auteurs sont cités.
Une question fréquente chez les étudiants en début de cursus est de savoir quel
est le niveau de détail attendu par l’enseignant. Ce qui est attendu de vous, c’est
que vous soyez capable à l’issue de ce cours de définir les concepts présentés tout
en les rapportant, de façon argumentée, aux différentes approches présentées. Des
expériences, vous n’avez pas besoin de retenir tous les détails. Il faut cependant
en retenir certains points. De manière canonique, un compte rendu expérimental
est composé :
• d’une problématique, c’est-à-dire du questionnement qui est à l’origine de
l’expérience ;
• d’une tâche que le sujet doit réaliser ;
• d’un certain nombre de résultats, c’est-à-dire des faits que l’expérience a permis
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d’observer ;
• d’une conclusion correspondant à l’interprétation d’un point de vue psycholo-
gique des résultats expérimentaux.
Une expérience devrait être résumée, en général, en quatre ou cinq phrases
reprenant chacun de ces points. De la même façon, les exemples d’applications
sont à retenir dans leurs grandes lignes. En ce qui concerne les auteurs, ils ne sont,
bien entendu, pas tous à connaître. Il faut cependant retenir les plus importants.
Deux critères peuvent vous permettre, dans la plupart des cas, de les repérer : un
auteur est important s’il est à l’origine d’une notion importante ; un auteur est

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Mémoires, représentations et traitements

important s’il est cité souvent dans le cours. Ces auteurs sont référencés dans l’index
que vous trouverez en fin d’ouvrage. Une dernière question fréquemment posée
par les étudiants débutants concerne le sort à réserver aux dates. Elles ne sont,
bien entendu, pas à retenir dans leur détail. Vous devez cependant avoir quelques
repères chronologiques, au moins en termes de décennies, de façon à pouvoir
mettre les différentes approches et les auteurs principaux dans une perspective
historique qui est importante pour comprendre l’évolution du domaine.

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Chapitre 1
Les mémoires

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Sommaire
1. La notion de mémoire ........................................................................ 13
2. La mémoire sensorielle...................................................................... 15
3. La mémoire à court terme ................................................................. 26
4. La mémoire à long terme ................................................................... 56
Exercices ............................................................................................... 79

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Les mémoires ■ Chapitre 1

1. La notion de mémoire
La notion de mémoire est une des notions centrales de la psychologie cognitive.
Comme le souligne Tiberghien (1997), « il est impossible d’étudier le fonction-
nement cognitif sans émettre des hypothèses sur la structure et les fonctions
de la mémoire sous-jacente » (p. 13). En effet, il paraît très difficile de concevoir
les processus mentaux sans postuler d’une quelconque façon une capacité à se
souvenir. Il suffit de s’attarder un tant soit peu sur notre façon d’interagir avec l’en-
vironnement pour s’en convaincre. Lorsque nous percevons notre environnement
par l’intermédiaire de nos sens, cela permet la construction d’une interprétation de
la situation qu’il nous faut bien stocker, au moins transitoirement, dans notre esprit
pour interagir avec la situation. Nos connaissances interviennent également à des
degrés divers sur l’interprétation de la situation, nous permettant de reconnaître
tel ou tel objet rencontré précédemment. Notre mémoire nous permet également
d’évoquer des objets ou des événements en leur absence.
Doit-on concevoir pour autant la mémoire comme une simple capacité à revenir
sur le passé comme nous le suggère le sens commun ? Une telle conception, bien
qu’exacte pour un certain nombre de situations, s’avère cependant insuffisante.
D’abord parce que la capacité de stockage de l’information intervient dès les
premières étapes du traitement de cette information. De nombreux travaux sur le
fonctionnement de la mémoire montrent en effet que les informations provenant
de nos organes perceptifs sont stockées transitoirement en mémoire en vue de
leur utilisation par le système cognitif. Par ailleurs, la mémoire n’est pas, comme
on pourrait le penser en première analyse, un simple système de stockage passif.
Les informations qui y sont stockées subissent des modifications, sont mises en
relation avec d’autres informations. Enfin la mémoire n’est pas une simple copie
de l’entrée perceptive. Nous sélectionnons dans notre environnement, par le biais
des mécanismes attentionnels, les informations pertinentes pour l’activité que nous
sommes en train de réaliser. « Sa fonction n’est pas simplement de réactiver le passé,
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elle est aussi de détecter la nouveauté et de permettre de nouvelles acquisitions »


(Tiberghien, 1997, p. 12).

1.1 Pluralité des systèmes mnésiques


C’est un fait trivial que la durée de rétention de l’information n’est pas la même
en toutes circonstances. Nous avons tous eu un jour un trou de mémoire en arri-
vant au magasin sans avoir écrit la liste de courses et votre expérience d’étudiant
vous montre que la simple lecture d’un texte, fût-il court, ne suffit pas à le retenir

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Mémoires, représentations et traitements

in extenso. La question se pose donc de savoir si, à travers ce concept unique


de mémoire, on doit postuler un système unitaire. La question a longtemps été
débattue et revient encore à l’occasion sur le devant de la scène.
Jusque dans les années 1950, c’est une vision moniste, c’est-à-dire unitaire, qui
a prévalu chez les partisans de l’associationnisme, béhavioristes en tête. Selon
les tenants de cette approche, il n’existerait qu’un seul type de mémoire et les
mécanismes responsables de la mémorisation seraient les mêmes en toutes circons-
tances. Ce qui fait alors la différence entre la mémorisation à court et long terme
s’explique en termes de degrés d’apprentissage ou de force de la trace.
Dans les années 1960 et 1970, c’est l’approche cognitiviste qui s’est imposée et,
avec elle, une vision pluraliste de la mémoire. Selon cette approche, le système
cognitif serait composé de différents registres mémoire correspondant plus ou
moins aux différentes étapes du traitement de l’information. C’est la durée de réten-
tion et leur fonction qui permettent de distinguer ces différents registres mémoire.
La capacité et les mécanismes de récupération sont également très différents d’une
mémoire à une autre.

1.2 Les différents types de mémoire


Ainsi, l’approche cognitiviste postule l’existence de trois types de mémoire :
la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme et la mémoire à long terme.
Broadbent (1958) fut un des premiers à affirmer cette conception. Dans son
approche, l’information perceptive est d’abord stockée dans des registres sensoriels
spécifiques à chaque modalité perceptive. Ces registres conservent l’information
quelques centaines de millisecondes, l’information est ensuite encodée, c’est-à-dire
transformée en une représentation utilisable par le système cognitif. Elle est ensuite
filtrée sous l’effet des mécanismes attentionnels et stockée en mémoire à court
terme. Cette mémoire à court terme est caractérisée par une capacité limitée, un
traitement séquentiel des informations et une forte labilité, l’information n’y étant
conservée que quelques secondes. Des mécanismes de révision mentale permettent
cependant le maintien de l’information en mémoire à court terme. Après son trai-
tement en mémoire à court terme, une partie de l’information sera transmise en
mémoire à long terme, qui va la stocker de façon permanente (fig. 1.1).

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Figure 1.1 – Structure fonctionnelle de la mémoire selon Broadbent (1958).

2. La mémoire sensorielle
L’expression de mémoire sensorielle fait classiquement référence à deux phéno-
mènes différents. Elle peut définir la rétention à long terme des caractéristiques
sensorielles d’une stimulation. Par exemple, le souvenir de la couleur, du goût ou
de l’odeur d’une glace dégustée en Italie l’été dernier, c’est-à-dire une information
sensorielle que vous avez conservée en mémoire à long terme. Elle définit aussi l’en-
registrement temporel de stimuli visuels et/ou auditifs qui suivent immédiatement
la perception du stimulus et dont les durées sont très brèves. C’est cette dernière
mémoire sensorielle (ou registre perceptif) dont nous discuterons dans ce chapitre.
L’information perceptive, lorsqu’elle est captée par le système cognitif, est
conservée durant quelques millisecondes dans un registre transitoire appelé
« mémoire sensorielle ». On se rend mieux compte du fonctionnement de ce
registre dans le phénomène de persistance perceptive qui est à l’œuvre lorsqu’on
perçoit une scène éclairée par une lampe stroboscopique. Ainsi, lorsque vous
dansez dans une boîte de nuit et qu’on utilise ce type d’éclairage, vous avez la
sensation que les mouvements des autres danseurs sont saccadés. Cela tient au
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fait que la lumière n’éclaire la scène qu’un très court instant, insuffisant pour que
votre cerveau perçoive le mouvement. Ce qui est donc perçu à chaque éclair, c’est
une succession d’images arrêtées, stockées momentanément dans notre mémoire
perceptive. De la même façon, si vous vous placez dans la pénombre et que vous
agitez le bout d’un tison incandescent, vous aurez l’impression de le voir dessiner
des tracés, comme si on dessinait avec un crayon sous vos yeux.
C’est avec l’invention du tachistoscope, appareil permettant de présenter du
matériel durant une fraction de seconde parfaitement contrôlée, que l’étude du

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Mémoires, représentations et traitements

registre perceptif visuel a pu vraiment être abordée. Auparavant, l’étude de la


perception visuelle était abordée avec des dispositifs souvent ingénieux, mais ne
permettant pas de maîtriser les durées très brèves de ces processus. Il existe une
mémoire sensorielle pour chacune des modalités sensorielles (visuelle, auditive,
gustative, olfactive et tactile). Cependant, ce sont les registres visuel et auditif
qui ont été le plus étudiés. D’une part, car c’est par ces deux canaux sensoriels
que l’être humain perçoit et traite la majorité de l’information significative pour
appréhender le monde et, d’autre part, parce qu’il a été jusqu’à présent plus facile
de créer des situations expérimentales pour analyser le traitement de l’information
dans ces deux modalités.

2.1 La mesure de l’empan perceptif


On doit à Sperling (1960) les études princeps sur la mémoire sensorielle. Dans
son étude, il présente trois rangées de quatre lettres durant 50 millisecondes.
Chaque stimulus est suivi d’un écran blanc et l’expérimentateur demande au sujet
de rapporter toutes les lettres qu’il a vues (fig. 1.2).

Figure 1.2 – Schéma expérimental de Sperling (1960)


dans la condition « report complet ».

Dans cette condition dite de « report complet », Sperling observe que le sujet
est capable de rappeler en moyenne quatre ou cinq des douze lettres. Ce nombre
correspond-il à l’empan perceptif, c’est-à-dire à la quantité d’informations qu’on
est capable d’appréhender instantanément ? Pour répondre à cette question, il a
imaginé d’interroger les sujets, non plus sur les trois lignes à la fois, mais seulement
sur l’une d’entre elles en indiquant au sujet, après la présentation du stimulus, quelle
était la ligne cible. Lorsque le sujet devait rapporter la ligne du haut, le stimulus
était suivi d’un signal sonore aigu. Un son médian indiquait la ligne du milieu et
un son grave, celle du bas.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Figure 1.3 – Schéma expérimental de Sperling (1960)


dans la condition « report partiel ».

De cette façon, le sujet ne pouvait pas prévoir la ligne sur laquelle on allait l’in-
terroger. Dans cette condition, dite de « report partiel » les sujets étaient capables
de rapporter environ trois des quatre lettres de chaque ligne. Ce résultat indique
qu’immédiatement après la présentation des stimuli, tous sont pratiquement dispo-
nibles. Le nombre de lettres rappelées est relativement constant, quelle que soit la
ligne cible. Ces résultats montrent que les sujets maintiennent en mémoire senso-
rielle bien plus d’informations qu’ils ne sont capables d’en rappeler explicitement.
Pour pouvoir rappeler trois des quatre lettres sans pouvoir anticiper sur quelle
ligne va porter le test, il faut en effet que les sujets aient pu maintenir en mémoire
au moins trois caractères sur les trois lignes. À la lumière de ces résultats, Sperling
(1960) propose que l’empan perceptif visuel est autour de neuf items. Toutefois, la
performance, en situation de rapport partiel, semble plutôt refléter les limites de la
durée de l’information en mémoire sensorielle et non pas sa capacité. De plus, la
performance étant très élevée, elle semble indiquer que toute l’information visuelle
est effectivement enregistrée, bien que pas restituée. Ainsi, il est difficile d’estimer
la capacité réelle de la mémoire sensorielle. Depuis, de nombreuses recherches
admettent que cette capacité dépasse largement ce qu’un simple rappel laisse croire.

2.2 La labilité du registre sensoriel


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Combien de temps l’information reste-t-elle en mémoire sensorielle ? La réponse


à cette question est fournie par une autre expérience de Sperling (1960) dans
laquelle il utilise la technique du « report partiel » et en plus fait varier le délai (de
0 milliseconde à 1 seconde) entre le stimulus et le signal sonore indiquant la ligne
à rapporter. Dans cette expérience, il constate que la performance diminue avec
l’augmentation du délai. Pour un délai de 250 millisecondes, la performance est
similaire à celle obtenue dans la condition de « report total ». Ce délai constitue
donc une estimation de la durée de rétention de l’information dans le registre visuel.

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Mémoires, représentations et traitements

2.3 Vitesse d’exploration visuelle et empan perceptif


Combien de temps faut-il explorer la scène visuelle pour en extraire l’infor-
mation ? Pour répondre à cette question, Sperling (1963) a utilisé la technique du
« report total » et fait varier le délai entre le stimulus et un masque composé d’un
mélange de lettres illisibles. Cette technique, appelée « masquage rétrograde »,
qui consiste à empêcher le traitement d’un premier stimulus par la présentation
immédiate d’un second stimulus (le masque), permet de contrôler la durée pendant
laquelle le stimulus est en mémoire sensorielle. L’effet masquant du mélange de
lettres illisibles est toutefois susceptible de varier en fonction de l’intervalle de
temps entre la disparition des stimuli et l’apparition du masque. Ainsi, dans cette
étude, le délai variait entre 10 et 200 ms. Ces résultats montrent que le nombre de
lettres rappelées est fonction du délai entre le stimulus et le masque jusqu’à 100 ms,
mais qu’au-delà, le nombre d’items rappelés n’augmente plus avec le délai (fig. 1.4).

Figure 1.4 – Effet du délai entre le stimulus et le masque


sur la performance mnésique (d’après Sperling, 1963).

Ces résultats montrent que, pour atteindre une performance optimum, l’infor-
mation doit rester environ 100 ms en mémoire sensorielle. C’est, en effet, avec ce
délai entre le stimulus et le masque que les sujets rappellent le maximum d’infor-
mations. Des délais plus longs n’augmentent pas de façon significative l’information
restituée. Ce qui est particulièrement intéressant dans cette expérience est que
l’utilisation d’un masque permet de contrôler très précisément le temps pendant
lequel le sujet voit un stimulus, c’est-à-dire que la présentation du masque assure
que le sujet cesse de voir le stimulus. Ce résultat indique donc que, si après un

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Les mémoires ■ Chapitre 1

délai de 100 ms les sujets sont capables de reporter des éléments d’une informa-
tion perçue visuellement, comme c’était le cas lors des précédentes expériences de
Sperling, cela voudrait dire que cette information a nécessairement été enregistrée
dans un registre mnésique.

2.4 Mémoire sensorielle visuelle ou persistance rétinienne ?


Sperling avait observé en 1963 que la présentation d’un éclair après le stimulus
diminuait fortement la performance au rappel, comparativement à la présentation
d’un masque de faible intensité lumineuse ou d’un masque sombre. On peut donc
se demander si le phénomène étudié par Sperling est vraiment un phénomène
mnésique ou simplement une persistance de l’excitation rétinienne, comme lors-
qu’on est ébloui par les phares de la voiture arrivant en face. Le flash, comme un
masque, viendrait alors « effacer » le percept. La persistance rétinienne est en effet,
la capacité de l’œil à conserver une image mentale (une sorte une photographie de
l’environnement). Cette propriété de l’œil est utilisée par exemple pour donner
l’impression d’un mouvement continu à partir d’une séquence d’images pour les
films et les animations. La persistance rétinienne nous permet ainsi de superposer
une image déjà vue aux images que l’on est en train de voir, en percevant ainsi une
continuité entre plusieurs stimuli (par ex., les animations).
Plusieurs résultats montrent cependant que mémoire iconique et persistance
rétinienne ne peuvent être assimilées :
• la persistance rétinienne est monochromatique alors que la persistance visuelle
permet de distinguer des contrastes chromatiques ;
• la persistance rétinienne augmente avec l’intensité lumineuse alors qu’elle
diminue dans la persistance visuelle ;
• enfin, la persistance rétinienne survient environ une seconde après la présenta-
tion du stimulus et dure environ une seconde.
Dans une série d’expériences, Turvey (1973) a permis de distinguer le phéno-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

mène de persistance rétinienne de celui de mémoire iconique. Il montre qu’un


masquage par luminosité (flash) n’a pas du tout le même effet qu’un masquage
par motif (fragments de lettres). Dans son expérience, il présente une lettre que le
sujet doit identifier. Le stimulus est présenté soit à l’œil droit soit à l’œil gauche.
Le stimulus est suivi d’un masque (flash ou motif) présenté soit à l’œil droit, soit
à l’œil gauche (fig. 1.5). Stimuli et masques sont présentés soit du même côté, soit
à un œil différent.

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Mémoires, représentations et traitements

Figure 1.5 – Schéma expérimental de l’expérience de Turvey (1973).

Les résultats de Turvey montrent que le masquage par luminosité a un effet sur
la reconnaissance de la lettre uniquement s’il est présenté sur le même œil que le
stimulus. Autrement dit, une présentation de la lettre sur l’œil droit et un flash sur
l’œil gauche n’induit pas d’effet perturbateur. En revanche, la présentation d’une
lettre et d’un flash du même côté détériore la performance. L’effet du masquage
par luminosité interviendrait donc au niveau rétinien, avant l’intégration des infor-
mations provenant des deux yeux.
Avec le masquage par motif, en revanche, l’œil auquel est présenté le masque
n’a aucune importance. Quelle que soit la condition (même œil, œil différent)
l’effet du masque est le même, alors qu’avec le masquage par flash, l’œil sur lequel
il a été envoyé est important. Que le masquage par flash perturbe l’impression du
stimulus uniquement sur l’œil sur lequel il a été envoyé, alors que masquage par
motif affecte la reconnaissance semble bien indiquer que le flash agit au niveau
rétinien alors que le motif intervient en mémoire sensorielle, et que la reconnais-
sance interviendrait à un autre niveau : celui de l’intégration de l’information des
deux yeux. On peut donc penser que l’influence de ce type de masquage par motif
intervient après l’intégration des informations provenant des deux yeux, et que le
phénomène étudié par Sperling est vraiment un phénomène mnésique et non pas
de persistance rétinienne.

2.5 Le modèle de Sperling (1967)


Dans son modèle, Sperling (1967) a proposé de distinguer un registre senso-
riel visuel et un registre sensoriel auditif. Selon lui, le rôle des registres est de

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Les mémoires ■ Chapitre 1

conserver transitoirement l’information sensorielle avant son utilisation par le


système cognitif. Les registres sensoriels sont donc, dans son modèle, de nature
précatégorielle. Ils assurent uniquement l’identification et le maintien de l’informa-
tion en attendant sa reconnaissance par le système cognitif. Puisque catégoriser un
stimulus revient non pas simplement à l’identifier mais aussi à reconnaître, ce qui
serait conservé dans cette mémoire sensorielle serait alors juste, dans le cas de la
mémoire visuelle, une icône, c’est-à-dire une représentation mnésique purement
visuelle et non pas sémantique. Cette icône serait alors explorée mentalement
avant de disparaître pour qu’en soit extraite l’information, qui serait stockée dans
un buffer de reconnaissance. Le maintien de l’information dans le buffer de recon-
naissance serait assuré par un mécanisme de révision mentale (autorépétition) et
un stockage dans un registre sensoriel auditif (fig. 1.6).
Plusieurs critiques ont été avancées à l’encontre du modèle de Sperling. La
première tient à la nature précatégorielle de cette mémoire, l’identification se
faisant à partir du buffer de reconnaissance. Or plusieurs travaux ont montré que
dans la situation de « report partiel », des critères catégoriels étaient tout aussi effi-
caces que des critères physiques ou spatiaux comme ceux que Sperling a utilisés.
Dans ces expériences, on demande aux sujets de rappeler uniquement les lettres
dans un tableau composé de lettres et de chiffres. Si l’hypothèse d’une mémoire
précatégorielle est correcte, les sujets ne devraient pas pouvoir faire le tri entre les
lettres et les chiffres dans ce type de tâche. Les résultats montrent que les sujets
peuvent réussir ce type de tâche (Massaro, 1970).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 1.6 – Le modèle de la mémoire sensorielle de Sperling (1967).

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Mémoires, représentations et traitements

Par ailleurs, la composante de son modèle responsable de l’exploration du


percept implique pour l’information visuelle un balayage de celle-ci, autrement
dit un traitement séquentiel. Les lettres dans le tableau seraient parcourues une
par une. Or certains travaux tendraient à montrer que, dans certaines situations,
ces traitements pourraient opérer de façon parallèle, c’est-à-dire simultanément
(Fodor, 1986 ; McClelland et Rumelhart, 1985).
Enfin, dans la théorie de Sperling, l’oubli est le résultat d’une perte de disponi-
bilité de l’information dans les registres sensoriels. Les informations ne seraient
plus dans le registre d’information sensorielle, ce qui se traduirait par des erreurs
lors du rappel. Ces erreurs ne sont cependant pas toujours le résultat d’une dispa-
rition de l’information. Ainsi, dans les situations de « report partiel », les erreurs
de position (provenant d’une autre ligne que la ligne cible) sont loin d’être rares. Si
c’est la durée de rétention qui est le facteur déterminant, ces erreurs de positions
devraient augmenter en fonction du délai entre le stimulus et le masque. Mewhort
et Leppman (1985) ont montré que c’était effectivement le cas, mais pas dans toutes
les situations. Dans leur expérience, le tableau de lettres était présenté séquen-
tiellement pendant 50 millisecondes. Ils ont manipulé le délai entre le stimulus
et le masque (entre 0 et 200 ms). Les sujets devaient soit rappeler une des lignes
de lettres, soit se prononcer sur la présence d’une lettre test dans le tableau qu’ils
avaient vu. Dans la condition « rappel », les auteurs ont bien observé une augmenta-
tion des erreurs de position en fonction du délai entre le stimulus et le masque. En
revanche ce délai n’avait pas d’effet sur la tâche de reconnaissance. Ces difficultés
ont amené à la proposition de théories alternatives à celles de Sperling. Nous nous
contenterons, ici, de les évoquer en les développant très succinctement.

2.5.1 Le modèle du double buffer


Les tenants de cette théorie postulent l’existence d’un mécanisme d’extraction
des caractéristiques physiques élémentaires du percept (courbes, segments de
droite, etc.). Le « A » majuscule serait ainsi, dans un premier temps, décomposé
en trois segments de droite « / ; – ; \ ». Ces traits seraient stockés dans une mémoire
transitoire : le buffer de traits. C’est sur cette mémoire précatégorielle (le « A »
n’a pas encore été reconnu comme tel) que les mécanismes de reconnaissance
de formes agiraient. Une fois l’item identifié, sa représentation (c’est un « A »)
serait stockée dans un buffer de caractères. Selon cette théorie, l’oubli porterait sur
l’information spatiale (la position dans le tableau) avant l’information sur le carac-
tère lui-même, rendant compte ainsi des erreurs de position observées (Coltheart,
1980, 1984).

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Les mémoires ■ Chapitre 1

2.5.2 Le modèle d’activation interactive


Deux caractéristiques distinguent ce modèle du précédent. La première, c’est que
les processus de traitement que postule cette théorie sont massivement parallèles.
La deuxième, c’est que dans ce modèle, la notion de mémoire sensorielle n’a pas
vraiment de sens. Il peut paraître un peu curieux dans un chapitre sur la mémoire
sensorielle de voir un paragraphe sur une théorie qui n’a pas besoin de cette notion.
Il nous paraissait cependant important de l’aborder ici, même si cette théorie est
contestée, d’abord pour montrer que les notions que nous présentons dans ce
cours ne doivent pas être prises comme des vérités en soi, ensuite parce que le
meilleur moyen de s’interroger sur la pertinence d’un concept est de se demander
si on pourrait s’en passer.
Cette théorie a surtout été développée pour la reconnaissance de mots. Selon ces
auteurs, les mécanismes de traitement de l’information visuelle se font en parallèle,
c’est-à-dire que lorsqu’on traite un mot perçu, on traite toutes les lettres à la fois et
ce traitement se fait à plusieurs niveaux simultanément (McClelland et Rumelhart,
1981). Trois niveaux sont distingués : le niveau des caractéristiques, celui des lettres
et enfin celui des mots. Ces trois niveaux interagiraient les uns avec les autres par
le biais de mécanismes d’activation et d’inhibition. Ainsi, la perception de certaines
caractéristiques comme une « / » et un « – » activerait, c’est-à-dire rendrait plus
accessibles, les connaissances sur le « A ». En retour, l’activation du « A » rendrait
plus facile l’identification du « \ ». Le même mécanisme d’activation interactive
opère entre le niveau des lettres et celui des mots. L’identification d’un « S » en
première position activerait les mots commençant par un « S ». Si, en deuxième
position, nous identifions un A, c’est l’ensemble des mots commençant par « SA »
qui sera activé. Les mots, dans la langue, n’ont pas tous la même fréquence, ce qui
influence grandement leur disponibilité, de sorte qu’un mot peut s’imposer avant
qu’on ait fini la lecture, surtout si le contexte est congruent. Ceci permet de rendre
compte des effets d’anticipation au cours de la lecture ou encore des phénomènes
d’identification partielle qui conduisent à tant d’erreurs chez l’enfant au début de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

son apprentissage de la lecture.


On voit que ce modèle ne postule pas l’existence d’une mémoire sensorielle, ni
même d’une mémoire à court terme. Les traitements de l’information perceptive
permettent de récupérer l’information directement en mémoire à long terme. Nous
y reviendrons dans les chapitres consacrés à ces deux mémoires.

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Mémoires, représentations et traitements

2.6 Le registre sensoriel auditif


L’essentiel du chapitre sur la mémoire sensorielle a été consacré au registre
sensoriel visuel. L’étude de la mémoire sensorielle auditive a-t-elle pour autant
été oubliée ? Non, même si les études sont nettement moins nombreuses que pour
le registre visuel. Les résultats d’un certain nombre d’études montrent, pour le
registre auditif, des caractéristiques analogues au registre visuel. Un percept visuel
ou auditif a une durée minimale qui peut perdurer au-delà de la durée de présen-
tation du stimulus. Si la durée du percept (durée apparente) s’allonge par rapport
à la durée du stimulus (durée réelle), c’est alors très probablement parce que la
durée du traitement auditif perdure également après la présentation du stimulus
pour réaliser une tâche auditive.
Efron (1970a, 1970b) a justement cherché à estimer la durée de la perception
produite par des stimuli auditifs de durées brèves. Avec des stimuli visuels et audi-
tifs dont le début était asynchrone, il a présenté à des sujets des sons de durées
brèves (30 ou 100 millisecondes) en leur demandant d’ajuster l’allumage d’une
lampe à la durée du son. Il mesurait ainsi la durée apparente du son, avec l’idée
que s’il existe un registre sensoriel auditif analogue au registre visuel, et dont le
rôle serait de maintenir disponible l’information auditive, alors la durée apparente
des sons brefs devrait être bien supérieure à la durée réelle, et ce d’autant plus que
le son est court. C’est effectivement ce qu’il a observé. Que le son réel dure 30 ou
100 millisecondes, la durée apparente du son a été estimée aux alentours de 120
à 130 millisecondes. À partir de ces résultats, Efron (1970b) en déduit que si des
stimuli de quelques millisecondes contiennent suffisamment d’information pour
être reconnus, la durée du percept auditif qui en résulte peut dépasser celle des
stimuli. Cela laisse penser que le traitement de la reconnaissance pourrait s’étaler
sur la durée plus longue du percept pour donner sens à l’ensemble des indices tirés
du stimulus en prenant un délai supplémentaire. Ces résultats sont à rapprocher
de ceux qui ont conduit Massaro (1970) qui a proposé la distinction entre l’entrée
sensorielle (le stimulus auditif) et son « image » qui perdure pour être traitée après
la présentation du stimulus. Ces premiers travaux montrent qu’il existerait, pour le
système auditif, un système analogue à la mémoire iconique : la mémoire échoïque.
Des questions se posent alors quant à la durée de rétention de cette « image sonore »
en mémoire échoïque et à la taille de son empan.
C’est en utilisant la technique de masquage, que Massaro (1970) a tenté d’estimer
la durée de la mémoire échoïque. En effet, la mémoire échoïque apparaît également
sensible aux effets de masquage. Ainsi lorsqu’un son de brève durée est suivi d’un
autre son, la durée apparente du son s’en trouve réduite (Gol’dburt, 1961). De la

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Les mémoires ■ Chapitre 1

même façon, un masquage sonore dans la même oreille que le stimulus perturbe
la perception de ce dernier, alors qu’un masquage sonore dans l’oreille opposée ne
provoque pas de perturbation (Deatherage et Evans, 1969). Massaro (1970), après
avoir appris aux participants à discriminer deux sons de fréquences différentes :
770 et 870 Hz, leur présentait un son cible de fréquence variable (770 ou 870 Hz)
pendant 20 ms suivi par un intervalle de silence entre 0 et 500 ms, lui-même suivi
par un son masquant (820 Hz) d’une durée de 500 ms. L’intervalle entre le son cible
et le masque variait (0, 40, 80, 160, 250, 350, 500 ms). Les participants devaient
juger si le son cible avait une fréquence plus haute ou plus basse que le son suivant.
Les résultats montrent que les performances augmentent avec l’augmentation de
la durée de l’intervalle de silence jusqu’à un plateau à 250 ms. Pour améliorer les
performances de traitement avec l’augmentation de l’intervalle de silence, « l’image
sonore » doit donc perdurer au-delà de la durée du son cible. Cette durée de 250 ms
donne en quelque sorte des informations sur la fenêtre temporelle dans laquelle
est stockée l’information en tant qu’image précatégorielle. Ce type de résultats
suggère fortement que le registre auditif fonctionnerait comme le registre visuel.
Son rôle serait de maintenir disponible l’information auditive précatégorielle en
vue de son intégration. Une expérience de Liberman et al. (1954) illustre bien cette
idée. Dans cette expérience, les auteurs ont montré qu’un son initial pouvait être
perçu comme un « P » s’il était suivi d’un « I », mais serait perçu comme un « G »
s’il était suivi d’un « A », comme si l’interprétation d’un son ne pouvait intervenir
que lorsque suffisamment d’information avait été perçue.
Cependant la durée de rétention de l’information dans ce type de mémoire est
beaucoup plus difficile à mesurer que dans le cas de l’information visuelle, du fait
du déroulement temporel des sons. Elle a été mesurée indirectement par Guttman
et Julesz (1963). Leur matériel était constitué de plusieurs sons de durée variable,
allant de 50 millisecondes à plus d’une seconde. Les sujets entendaient un son en
boucle et devaient détecter la périodicité. Pour réaliser cette tâche, les auteurs
postulent que le son est stocké en mémoire sensorielle auditive pour être comparé
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

au son suivant. La durée maximale du son permettant de repérer la périodicité


peut donc être considérée comme une mesure de la durée du traitement auditif
avant identification et correspondrait à la durée de rétention de l’information dans
ce registre. Leurs résultats montrent que les sujets sont capables de repérer des
périodicités allant jusqu’à 250 ms, comme dans le registre visuel.
Cette durée de 250 ms semble donc correspondre à une estimation de la durée
suffisante pour l’intégration de patterns acoustiques simples sans qu’ils inter-
fèrent entre eux. Autrement dit, si un pattern acoustique consécutif est présenté
en dessous de cette durée, soit il est intégré au premier pattern acoustique, soit

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Mémoires, représentations et traitements

il interfère avec lui. D’autres résultats, obtenus avec des expériences analogues à
celle de Sperling transposée dans le domaine sonore montrent toutefois que la
performance dans la tâche de rappel partiel ne diminue significativement qu’après
un délai de quatre secondes (Darwin et Turvey, 1972). Ce type de résultats laisse
penser que la durée de la mémoire sensorielle auditive serait donc plus longue que
celle de la mémoire sensorielle visuelle. On notera que les estimations de la durée
de la mémoire échoïque sont variables. Cette variabilité est souvent justifiée en
termes de diversité dans le type de paradigme expérimental et des stimuli utilisés
pour l’étudier (Crowder, 1978). De manière plus générale, en l’état des recherches
actuelles, on considère que des séquences sonores peuvent être conservées en
mémoire échoïque pendant des durées allant de 250 ms à deux secondes.
Quelle est la quantité d’informations qui peut être maintenue dans ce registre ?
Dans une expérience, Moray et al. (1965) ont tenté de mesurer la taille de l’empan
de la mémoire échoïque. Ils ont utilisé pour cela une variante de la technique du
report partiel de Sperling. Dans leur expérience, les sujets se voyaient présenter
en provenance de quatre emplacements différents dans la pièce, quatre lettres
prononcées à voix haute. Les stimuli étaient suivis d’un signal lumineux indiquant
l’emplacement dont il fallait rappeler les lettres prononcées. Comme dans l’expé-
rience de Sperling, ils ont observé que le nombre d’items rappelés était relativement
constant, aux alentours de deux par emplacement. Les sujets ne pouvant pas prévoir
la source sur laquelle on allait les interroger, on peut estimer à huit items au plus
l’empan du registre sensoriel auditif.
Après cette brève présentation de ces deux registres de la mémoire sensorielle,
nous pouvons retenir que la mémoire sensorielle (iconique et échoïque) peut enre-
gistrer une grande quantité d’information, peut être même toute l’information qui
atteint nos récepteurs sensoriels, mais qu’elle ne la retient que pendant quelque
seconde voire millisecondes et peut en restituer immédiatement après l’avoir vue
ou entendue qu’une quantité très limitée correspondant à son empan mnésique.

3. La mémoire à court terme


Conformément au modèle dominant dans les années 1970, la mémoire humaine
serait composée de trois systèmes fonctionnels différents : la mémoire sensorielle,
la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. Ces systèmes seraient carac-
térisés par des propriétés spécifiques et un mode de fonctionnement propre. Nous
avons déjà évoqué précédemment les caractéristiques des registres sensoriels. Dans

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Les mémoires ■ Chapitre 1

cette partie, nous allons examiner les caractéristiques de la mémoire à court terme.
Dans un premier temps, nous verrons sur quels arguments repose la distinction
entre les registres à court terme et à long terme. Nous verrons ensuite les propriétés
spécifiques de la mémoire à court terme et comment la mise en évidence de ces
propriétés a conduit à concevoir la mémoire à court terme comme une mémoire
de travail, c’est-à-dire à ne plus focaliser la conceptualisation théorique sur le seul
aspect de registre de stockage temporel, mais à la déplacer sur les aspects fonc-
tionnels de cette instance mnésique.
On doit à Waugh et Norman (1965) une des premières formulations de la distinc-
tion entre une mémoire transitoire, qu’ils avaient appelée « mémoire primaire », et
une mémoire permanente : la mémoire secondaire. L’hypothèse d’une dualité de la
mémoire s’est d’abord focalisée sur la durée de rétention comme caractéristique
distinctive majeure. L’idée centrale est qu’il faut distinguer entre une mémoire tran-
sitoire, la mémoire à court terme, et une mémoire permanente, la mémoire à long
terme. Cette hypothèse s’appuie sur un certain nombre de résultats qui montrent
que la mémorisation à court terme obéit à des mécanismes de fonctionnement
différents de la mémoire à long terme et sur un autre ensemble de résultats qui
montrent que certains facteurs comme la répétition n’ont pas le même effet dans
la mémorisation à court terme que dans la mémorisation à long terme.

3.1 De l’effet de certains facteurs


3.1.1 Effet des caractéristiques de surface
Partant du principe que s’il existe plusieurs mémoires, qui opèrent différents
traitements de l’information, l’effet de certains facteurs devrait ne pas être le même
en fonction de la durée de rétention. Posner et al. (1969) ont mis en évidence l’effet
différencié de la typographie sur la mémorisation à court et à long terme. Dans leur
expérience, la tâche des sujets consistait à décider le plus rapidement possible si
deux lettres présentées successivement étaient ou non nominalement identiques.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le matériel était constitué de lettres écrites soit en majuscules, soit en minuscules.


Dans chaque paire, les lettres sont soit identiques, soit différentes. Le croisement
des deux conditions permet de réaliser quatre cas (tableau 1.1). L’expérience
consiste à enregistrer le temps nécessaire aux participants pour reconnaître deux
lettres telles que AA, Aa, AB comme égales ou différentes.

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Mémoires, représentations et traitements

Tableau 1.1 – Exemple de matériel dans l’expérience de Posner et al. (1969).


Typographie
Identique Différent
Identique A–A A–a
Nom de la lettre
Différent A–B A–b

Les auteurs mesurent le temps de réponse. Ce qui les intéresse surtout, ce sont
les différences entre les conditions « typographie identique » et « typographies
différentes » (fig. 1.7). Leur hypothèse est que la typographie doit d’abord être
traitée en mémoire à court terme pour que les informations sémantiques soient
activées, c’est-à-dire le nom de la lettre dans cette situation. Cette opération de
« traduction » de la forme visuelle en son équivalent verbal se ferait en deux temps.
Reconnaître l’équivalence des lettres dans le cas de la typographie différente devrait
donc prendre plus de temps. Leurs résultats montrent effectivement que le temps
de réponse est plus court dans le cas de AA que dans le cas de Aa. Ils expliquent ce
résultat par le fait que dans le premier cas, la comparaison s’effectue à l’aide d’un
codage physique, alors que dans le second cas, elle s’effectue sur un codage verbal
(ou phonologique), accessible après l’utilisation du codage physique. Le codage
verbal est donc le processus par lequel le système cognitif effectuerait cette impor-
tante opération de « traduction » du stimulus en caractéristiques qui peuvent être
élaborées par des opérations cognitives ultérieures permettant la lecture de la lettre.
De plus, les auteurs font varier le délai de présentation entre les deux lettres. Leurs
résultats montrent que dans la condition des lettres identiques la différence dans le
temps de réponse des participants entre les deux conditions typographiques (AA,
Aa) diminue lorsque le délai entre la première et la seconde lettre augmente (fig. 1.7).
Ces résultats permettent d’évaluer à 2 secondes le temps nécessaire à l’encodage
verbal. C’est en effet au bout de ce délai que l’effet de la typographie disparaît.
Cet effet des caractéristiques physiques de l’item en mémoire à court terme et
sa disparition en mémoire à long terme s’observent également pour les stimuli
auditifs. Le codage acoustique semble même être dominant en mémoire à court
terme, comme le montre une expérience de Conrad (1964).
Dans son expérience, Conrad (1964) a présenté visuellement des lettres que
le sujet devait mémoriser. Au moment du rappel, il a observé que les confusions
portaient plus fréquemment sur les ressemblances de prononciation (par exemple
P et V) que sur les ressemblances graphiques (par exemple R et P). Cette observa-
tion suggère fortement que le codage préférentiel en mémoire à court terme est
le codage acoustique.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Figure 1.7 – Comparaison des conditions « typographie


identique » et « typographie différente » dans les situations
de lettres identiques (d’après Posner, 1969).

D’autres résultats sont venus étayer cette hypothèse. Ainsi, Conrad et Hull (1964)
ont montré que l’apprentissage d’une suite de lettres phonologiquement proches
(P, B, D, etc.) était plus difficile à rappeler qu’une liste d’items phonologiquement
dissemblables (K, J, W, etc.). Baddeley (1966) a montré qu’il en était de même
pour les mots.
Dans une autre expérience, Baddeley (1966) a comparé l’effet de la ressemblance
phonologique à celui de la ressemblance sémantique en utilisant des listes de 10
mots qui comprenaient soit des mots acoustiquement ou sémantiquement simi-
laires, soit des mots contrôles de fréquence égale. Les listes étaient apprises pendant
quatre essais, après quoi les sujets devaient passer 20 minutes à effectuer une tâche
impliquant la mémoire immédiate. Ensuite il leur a été demandé de rappeler la liste
de mots. La liste avec les mots acoustiquement similaires été apprise relativement
lentement, mais contrairement aux autres listes, elle n’était pas oubliée. L’analyse
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

du pourcentage de mots rappelés ne montre pas de différences entre les deux types
de ressemblance sur le premier essai, mais des différences sont constatés à partir du
troisième essai (fig. 1.8). Ce résultat a été expliqué par Baddeley (1966), en suppo-
sant que le score du rappel au premier essai dépend à la fois de la mémoire à court
terme et de la mémoire à long terme, alors que les essais ultérieurs ne dépendent
que de la mémoire à long terme. Contrairement à la mémoire à court terme, la
mémoire à long terme s’est avérée être altérée par la similarité sémantique mais
pas par la similarité acoustique. Il est conclu que la mémoire à court terme et la
mémoire à long terme utilisent des systèmes de codage différents.

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Mémoires, représentations et traitements

Le codage serait donc plutôt visuel ou auditif en mémoire à court terme. En


mémoire à long terme le codage serait plutôt sémantique. Le caractère auditif ou
visuel de la représentation ne doit cependant pas amener à confondre les registres
sensoriels présentés précédemment et la mémoire à court terme. D’abord parce que
la durée de rétention est de l’ordre de 250 millisecondes dans les registres senso-
riels visuels et qu’elle est de quelques secondes en mémoire à court terme. Ensuite,
l’information stockée en mémoire sensorielle est sensible à l’effet de masquage,
comme nous l’avons vu, ce qui n’est pas le cas en mémoire à court terme.

Figure 1.8 – Pourcentage de mots correctement rappelés en fonction


du type de ressemblance (d’après Baddeley, 1966).

3.1.2 L’effet de position sérielle


Un autre facteur semble avoir un effet différencié selon le type de mémoire,
c’est la position de l’item dans la série. Il constitue un des arguments importants
en faveur de la distinction entre mémoire à court terme et mémoire à long terme.
Lorsqu’on fait apprendre une liste d’items à un sujet et qu’on le soumet immé-
diatement après à une tâche de rappel libre, on peut observer que le rappel se fait
préférentiellement dans l’ordre d’apprentissage et que les premiers et les derniers
items sont généralement mieux rappelés. Cette observation, triviale pour qui se
souvient de l’apprentissage de ses récitations à l’école primaire, est connue sous
le nom d’« effet de position sérielle ». Postman et Phillips (1965) ont montré que
cet effet de position ne mettait pas en jeu la même mémoire pour les premiers et
les derniers items. Dans leur expérience, ils ont comparé le rappel immédiat et le
rappel différé (30 secondes) pour l’apprentissage d’une liste d’une dizaine d’items.
Leurs résultats montrent que l’effet de position sur les premiers items persiste dans

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Les mémoires ■ Chapitre 1

les deux conditions, mais que cet effet sur les derniers disparaît dans la condition
de rappel différé (fig. 1.9).

Figure 1.9 – Effet de position sérielle dans le rappel immédiat


et le rappel différé (d’après Postman et Phillips, 1965).

L’interprétation de ce résultat est compatible avec l’approche dualiste de la


mémoire. La meilleure performance sur les premiers items serait liée à leur posi-
tion dans la liste, c’est pourquoi on désigne cette facilitation sous le nom d’« effet
de primauté ». En revanche, la facilitation sur les derniers items serait liée à leur
présence en mémoire à court terme. On parle alors d’effet de récence. Plusieurs
travaux sont venus confirmer cette interprétation. On a ainsi montré que l’augmen-
tation de la longueur de la liste n’influençait pas l’effet de récence, mais avait un
impact sur l’effet de primauté (Lewis-Smith, 1975). De même, l’effet de primauté
est plus important pour les mots fréquents que pour les mots rares, alors que la
fréquence des mots n’influence pas l’effet de récence (Glanzer, 1971 ; Glanzer et
Cunitz, 1966). Mais l’argument le plus convaincant est sans doute l’effet différencié
d’une tâche interférente sur les effets de primauté et de récence. Ainsi Rundus
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(1971) a étudié ces deux effets dans une tâche d’apprentissage successif de plusieurs
listes. Elle a demandé aux participants d’apprendre en répétant à voix haute des
items d’une liste de mots en même temps qu’ils leur étaient présentés à un rythme
de 5 secondes par mot. La tâche d’apprentissage et d’autorépétition était répétée
sur plusieurs listes. Juste après la présentation de chaque liste, on soumettait au
participant une épreuve de rappel libre. Après la présentation de toutes les listes,
les participants étaient soumis à une nouvelle épreuve de rappel libre. Du fait de
l’autorépétition, les premiers mots de la liste sont répétés plus souvent que les
derniers. Son expérience a permis de faire plusieurs observations intéressantes :

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Mémoires, représentations et traitements

• la fréquence des répétitions de chaque item diminue du début à la fin de la liste ;


• la probabilité de rappel est corrélée avec la fréquence des répétitions ;
• l’effet de primauté est présent dans les deux épreuves de rappel ;
• en revanche, l’effet de récence disparaît dans l’épreuve finale.
Les premiers items seraient donc stockés en mémoire à long terme grâce à la
répétition. En revanche, les derniers items seraient stockés en mémoire à court
terme, ce qui explique qu’ils soient moins bien rappelés dans l’épreuve finale
et soient sensibles aux tâches interférentes que constituent les autres listes à
apprendre.
La conclusion de l’ensemble de ces études est que la mémoire à court terme
n’est pas un système unitaire. Elle est composée de processus indépendants. La
capacité de la mémoire à court terme refléterait, en fait, la capacité de chacun de
ces processus selon qu’ils sont sollicités par la procédure utilisée pour estimer
cette capacité.

3.1.3 Les facteurs neuropsychologiques


L’étude des pathologies de la mémoire a également apporté son lot d’arguments
en faveur d’une vision dualiste de la mémoire. Milner (1972) a rapporté le cas d’un
patient épileptique ayant subi une intervention chirurgicale pour tenter d’enrayer
ses crises. Son opération (ablation partielle des lobes temporaux et de l’hippocampe)
a provoqué des troubles mnésiques caractérisés par une difficulté, voire une impos-
sibilité à mémoriser à long terme et une mémorisation à court terme préservée.
Une telle dissociation est en faveur de l’idée d’une dualité de la mémoire, dualité qui
trouverait sa correspondance au niveau cérébral. L’objection qu’on peut opposer
à cette interprétation est que les tâches mesurant la mémorisation à court terme
sont plus faciles que les tâches mesurant la mémoire à long terme. Cependant,
cet argument est contredit par le fait que la dissociation entre les deux mémoires
peut également être observée dans l’autre sens. Warrington et Shallice (1969) ont
rapporté une observation symétrique sur un patient présentant des troubles de
la mémorisation à court terme sans troubles de la mémorisation à long terme.
Dans une expérience, Baddeley et Warrington (1970) ont étudié l’effet de position
sérielle chez des sujets normaux et chez des sujets amnésiques. Leurs résultats
montrent que l’effet de récence n’est pas affecté dans leur population de patients
amnésiques, alors que l’effet de primauté l’est. D’autres études plus récentes, par
exemple, Ranganath et D’Esposito (2001), mettent en évidence que l’activation des
structures cérébrales telles que l’hippocampe, qui est cruciale pour la formation de
nouveaux souvenirs en mémoire en long terme, jouerait aussi un rôle important
dans la conservation de l’information en mémoire à court terme. Dans leur étude,

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Les mémoires ■ Chapitre 1

en utilisant une imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM), ont montré
à des participants pendant une seconde, un modèle de visage. Après un délai de
7 secondes, un test leur était présenté, et les participants devaient dire si celui-ci
correspondait ou pas au modèle présenté. Les participants étaient testés dans deux
conditions. Dans la condition « nouveau visage » les participants voyaient chaque
visage pour la première fois. Dans la condition « visage familier », ils voyaient des
visages qu’ils avaient déjà vus précédemment au cours de l’expérience. La réponse
indiquant une activation de l’hippocampe pendant le délai augmentait dans le cas
de visages nouveaux, alors qu’elle n’augmentait que très légèrement dans le cas de
visages familiers. Ranganath et D’Esposito (2001) ont conclu que l’hippocampe était
aussi impliqué dans le maintien d’informations nouvelles en mémoire pendant de
brefs intervalles temporels. De tels résultats, avec d’autres menés ensuite, montrent
que l’hippocampe et d’autres structures cérébrales du lobe temporal médian, autre-
fois considérées être impliquées uniquement dans la mémorisation à long terme,
sont également activement impliquées dans les processus de mémorisation des
informations à court terme.
À la lumière de ce type de résultats récents, bien qu’il y ait toujours des évidences
empiriques de la distinction entre une mémoire à court terme et une mémoire
à long terme, les chercheurs considèrent de plus en plus les résultats issus de la
neuro-imageries qui supportent le fait que ces deux fonctions de la mémoire ne
seraient pas totalement séparées, comme cela a été envisagé par le passé, et cela
spécialement dans le cas de tâches qui impliquent la mémorisation de stimuli
nouveaux.

3.2 Les caractéristiques de la mémoire à court terme


Nous venons de voir qu’un certain nombre de facteurs n’avaient pas le même effet
sur la mémoire à court et à long terme. L’hypothèse dominante dans les années 1970,
et encore de nos jours dans certains modèles, est que ces mémoires n’ont pas les
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

mêmes caractéristiques tant fonctionnelles que structurales. La mémoire à court


terme serait caractérisée par une capacité limitée, une labilité importante de l’in-
formation et des mécanismes de récupération spécifiques (fig. 1.10).
Le modèle de la mémoire à court terme le plus influent a été celui Atkinson et
Shiffrin (1968). Ce modèle postule que l’information provenant de l’extérieur est
d’abord traitée dans les registres sensoriels. L’information est alors transmise à
la mémoire à court terme pour y être encodée. Ce registre transitoire est conçu
comme le passage obligé pour les informations avant la transmission en mémoire
à long terme. La probabilité, pour l’information, de passer dans la mémoire à long

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Mémoires, représentations et traitements

terme dépend, selon ces auteurs, de la durée de maintien de l’information en


mémoire à court terme, sous l’effet des traitements et notamment de la répétition.
Plus un item est gardé longtemps en mémoire à court terme, plus grandes sont ses
chances de passer en mémoire à long terme.

Figure 1.10 – Représentation schématique du modèle


de la mémoire (adapté d’Atkinson et Shiffrin, 1968).

3.2.1 La capacité de la mémoire à court terme


Miller (1956) a été un des premiers à mesurer la capacité de la mémoire à court
terme ou empan mnésique. Dans son expérience, on présentait aux sujets une liste
composée d’une dizaine d’items. Tout de suite après la présentation, il leur était
demandé de rappeler le plus possible d’items. Ses résultats montrent que le nombre
d’items ne varie pas beaucoup d’un sujet à un autre. L’empan mnésique serait de
l’ordre de 7 ± 2. Cette limite peut être dépassée si le sujet a la possibilité de réunir les
items en unités plus importantes : les chunks, ou regroupements. Ainsi, apprendre
une liste de lettres isolées comme « B-O-N-J-O-U-R » peut s’avérer difficile, surtout
si elles sont présentées dans le désordre. La présentation que j’en fais ici rend tout
à fait évident le regroupement possible, et on n’a aucune difficulté à imaginer que
la mémorisation du mot « BONJOUR » soit plus facile que celle des lettres qui le
composent. C’est la raison pour laquelle les dix chiffres composant un numéro de
téléphone ne sont que rarement mémorisés séparément. On opère généralement
des regroupements de deux ou trois chiffres.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Par ailleurs, on sait également que le nombre de lettres ou d’unités que comporte
une unité de sens est important. Par exemple, Baddeley et al. (1975) ont montré que
des mots plus longs posent plus de difficultés pour être mémorisés. L’explication
proposée par Baddeley est que nous répétons mentalement les mots pour nous en
souvenir et avec des mots plus longs, le traitement est plus difficile. Enfin, Cowan
(2010), après avoir fait une minutieuse revue de la littérature, a proposé que la
limite de capacité pour la mémoire à court terme serait plutôt de l’ordre de « 4 ±
2 », qui correspond au nombre moyen d’unités rappelées avec un risque d’erreur
minimale dans différentes conditions de groupement. Depuis, on considère que le
nombre d’éléments pouvant être gardé temporairement en mémoire à court terme
est probablement de 4 ± 2.
La mesure de l’empan mnésique peut être faite pour des items verbaux, elle peut
également l’être pour des items auditifs, on parle alors d’empan auditif. On peut
également le faire pour des dispositions spatiales d’objets comme dans l’épreuve des
blocs de Corsi. Dans cette épreuve, le sujet est placé face à neuf cubes disposés aléa-
toirement. L’expérimentateur désigne alors du doigt un certain nombre de cubes
et le sujet doit les désigner à son tour dans le même ordre que l’expérimentateur.

3.2.2 La labilité de l’information en mémoire à court terme


L’autre caractéristique importante de la mémoire à court terme est sa labi-
lité, c’est-à-dire le déclin rapide de l’information en l’absence de traitement. Cette
caractéristique a été mise en évidence dès la fin des années 1950 (Brown, 1958 ;
Peterson et Peterson, 1959). Ces auteurs ont mis au point une procédure expé-
rimentale visant à empêcher le sujet de réviser mentalement la liste d’items que
l’expérimentateur venait de lui présenter. Ce n’est en effet qu’à cette condition
qu’on peut mesurer la « durée de vie » de l’information en mémoire à court terme.
Leur expérience consistait à présenter des groupes de trois lettres (trigrammes)
suivies d’un nombre, puis, tout de suite après, de compter à rebours de trois en trois.
Leurs résultats montrent que l’information en mémoire décline très rapide-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ment, pour disparaître en quasi-totalité au bout d’une quinzaine de secondes. Ces


résultats ont été confirmés dans une expérience de Murdock (1961) qui, outre les
trigrammes, a utilisé des groupes de trois mots comme stimulus. Une des origi-
nalités de son expérience est d’avoir utilisé des trigrammes auxquels on pouvait
attribuer un sens, autrement dit des mots. Les résultats montrent que si dans les
conditions « trigrammes » et « triplet de mots », les résultats sont bien les mêmes
que ceux observés par les Peterson, dans la condition où le trigramme peut former
un mot, la performance au rappel ne décroît pas. Le fait que lors de la présen-
tation d’un mot de trois lettres, aucun oubli n’est observé après 15-18 secondes

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Mémoires, représentations et traitements

de rétention semble indiquer que cette mémoire manipule des unités significa-
tives dont les caractéristiques sont largement déterminées par leur représentation
en mémoire à long terme. Une telle interprétation est confirmée par le fait que
la courbe de l’oubli ressemble à celle de Peterson et Peterson, (1959), pour les
trigrammes sans signification. La tâche des Peterson ne serait donc pas seulement
une tâche de mémorisation, il faut que le sujet ait pu former un regroupement des
lettres et donc traiter l’information pour expliquer l’avantage sur les trigrammes
formant des mots.

Figure 1.11 – Performances au rappel en fonction de l’intervalle


entre l’apprentissage et le rappel (d’après Peterson et Peterson, 1959).

3.2.3 Les mécanismes d’accès à l’information


en mémoire à court terme
L’étude des mécanismes de récupération de l’information en mémoire a été
entreprise par Sternberg (1966). Son expérience reprend le paradigme général
de l’étude de la mémoire à l’époque : présenter une liste d’items et mesurer la
performance au rappel ou à la reconnaissance. Mais il introduit deux modifications
essentielles qui vont faire de son paradigme un des plus importants dans l’étude
du fonctionnement de la mémoire :
1. Il utilise une tâche de reconnaissance, ce qui permet d’interroger le sujet sur
la présence ou l’absence de l’item dans la liste présentée et permet d’analyser
les processus qui sous-tendent la récupération de l’information en mémoire à
court terme.
2. Il mesure le temps de réponse et non le taux de rappel comme dans la plupart
des expériences précédentes.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Pourquoi ces modifications ? Ce que Sternberg cherche à étudier, c’est la dyna-


mique de la mémoire à court terme. Une tâche de rappel est un indicateur du
contenu de la mémoire à un moment donné. Or il vise à étudier les mécanismes
d’exploration de cette mémoire. La tâche de reconnaissance apparaît donc plus
appropriée. Pour la même raison, la mesure du taux de reconnaissance n’est pas un
bon indicateur. À l’époque, le débat théorique sur le fonctionnement de la mémoire
opposait deux hypothèses : celle d’un balayage séquentiel, les items seraient récu-
pérés un à un dans l’ordre d’acquisition, et celle d’un accès parallèle, c’est-à-dire de
plusieurs items à la fois. Si la première hypothèse, celle d’un traitement séquentiel,
est vraie, en vertu du présupposé de composition additive des durées des processus,
le temps de réponse devrait augmenter avec le nombre d’items à mémoriser.
Concrètement, l’expérience de Sternberg consiste à présenter des listes d’items
(appelé l’ensemble-mémoire) de longueur variable allant de 1 à 6 chiffres à
mémoriser (nombre d’items inférieur à l’empan mnésique). Tout de suite après la
présentation d’une liste, l’expérimentateur présente au sujet une série d’items tests
pour lesquels le sujet doit dire le plus rapidement possible si oui ou non chaque item
présenté faisait partie de la liste (ensemble-mémoire) à mémoriser. Ses résultats
permettent d’observer que le temps de réponse varie en fonction de la longueur
de la liste, mais ne varie pas en fonction de la présence ou de l’absence de l’item
dans la liste mémorisée. Le temps nécessaire pour examiner la présence ou pas
d’un item en mémoire est estimé à 40 ms environ (Sternberg, 1966). Autrement dit
tout se passe comme si, le sujet, pour répondre, balayait séquentiellement la liste
des items mémorisés et que ce balayage ne s’interrompait pas lorsque l’item cible
était trouvé (sinon le temps pour les réponses « oui » serait plus court).
Ce qui est également intéressant à retenir de la procédure de rappel mis au point
par Sternberg est que la mesure retenue est le temps de latence de la réponse et
non plus le pourcentage de réponses correctes (i. e., taux de rappel). Comme on le
voit sur la figure 1.12 la droite d’ajustement permet de voir qu’il existe une relation
de proportionnalité entre le temps de réponse et la longueur de la liste. Autrement
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

dit, le temps de réponse moyen augmente proportionnellement au nombre d’items


contenus dans l’ensemble-mémoire. L’origine de la droite qui est constante, quelle
que soit la longueur de la liste, est interprétée comme une estimation du temps
nécessaire à l’encodage de l’item à reconnaître, soit environ 400 millisecondes,
La pente, en revanche, nous fournit une estimation du rythme de balayage de
la liste d’items en mémoire, c’est-à-dire de la durée de la comparaison entre les
items en mémoire et l’item test (40 ms environ par item). L’interprétation de
Sternberg (1966) est donc que le sujet effectue une recherche sérielle et exhaustive
en mémoire. Chaque item présenté est comparé avec chaque item de l’ensemble

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Mémoires, représentations et traitements

mémoire et chaque comparaison exige environ 40 ms. Cependant on pourrait se


demander pourquoi poursuivre le processus de comparaison une fois que l’item de
la liste a été reconnu ? Sternberg argumente qu’il est plus simple pour le système
cognitif de procéder à un examen très rapide et exhaustif, plutôt que d’engager
un processus de prise de décision qui serait, selon lui, plus coûteux en termes de
processus mobilisés.

Figure 1.12 – Latence moyenne de reconnaissance en fonction du nombre d’items


à mémoriser et de la présence (réponses positives) ou de l’absence de l’item
(réponses négatives) dans la liste à mémoriser (d’après Sternberg, 1966).

3.3 Les difficultés du concept de mémoire à court terme


3.3.1 Capacité fixe ou rapidité d’encodage ?
L’étude de la mémoire à court terme durant les années 1960 et 1970 a conduit
à préciser les propriétés de ce registre mnésique. La capacité limitée en fait partie.
Cependant plusieurs séries de résultats sont venues remettre en cause la concep-
tion classique de la mémoire à court terme selon laquelle la capacité serait fixe. De
nombreux facteurs affectent la capacité de la mémoire à court terme. Le premier
d’entre eux est la familiarité des items. On mémorise ainsi davantage de nombres
présentés sous la forme de chiffres arabes que de nombres présentés sous la forme
de chiffres romains. De la même façon, des syllabes sans signification sont moins
bien mémorisées que des mots, des formes quelconques sont plus difficilement
retenues que des formes géométriques régulières. La longueur des mots, leur durée
de prononciation sont également des facteurs influençant la mesure de l’empan
mnésique. Tous ces facteurs ont du mal à trouver leur place dans un cadre théorique

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Les mémoires ■ Chapitre 1

postulant une capacité fixe de la mémoire à court terme et même si tel était le cas,
les causes de cette limitation sont apparues de moins en moins claires. La capacité
à faire des regroupements à partir des items présentés semble être un des facteurs
les plus importants. Dans une étude, DeRosa et Tkacz (1976) ont montré que si
le sujet pouvait donner un sens à la suite d’items, l’effet de la longueur de la liste
observé par Sternberg disparaissait. Dans leur expérience, les auteurs utilisaient
des suites de neuf images formant des mouvements décomposés. Ils reprennent le
paradigme de Sternberg et comparent deux conditions dans lesquelles les images
sont présentées dans un ordre aléatoire. Dans la première condition, les images
ne peuvent former une suite continue d’images, alors qu’elles le peuvent dans la
seconde condition. Ainsi, avec un matériel composé de neuf images numérotées
dans l’ordre chronologique du mouvement, ils prennent, pour la première condi-
tion, des séries telles que 5, 3, 7, 9 et, dans la seconde, des séries telles que 3, 5, 4,
6. Leurs résultats permettent de retrouver l’effet de la longueur de la liste dans la
première condition, mais non dans la seconde. Ce résultat est cohérent avec les
études sur la mémoire des joueurs d’échecs qui montrent que les maîtres présentent
un empan mnésique plus important que les joueurs novices pour des situations
réelles de jeu, mais non pour des dispositions aléatoires de pions sur l’échiquier
(Chase et Simon, 1973, 1988 ; Lories, 1987).
C’est pourquoi, à l’heure actuelle, l’hypothèse la plus largement admise est que la
capacité de la mémoire à court terme n’est pas fixe, mais dépend de la rapidité d’en-
codage, c’est-à-dire de la vitesse à laquelle l’item est identifié et codé en mémoire,
cette rapidité d’encodage dépendant elle-même de la familiarité des items. Une
synthèse de plusieurs travaux sur la capacité de la mémoire à court terme montre
le rôle déterminant de ce facteur (Cavanagh, 1972). Plusieurs résultats empiriques
étayent cette hypothèse. Ainsi Baddeley et al. (1975) ont montré que la vitesse de
lecture était corrélée avec le taux de rappel en utilisant un paradigme similaire à
celui de Sternberg. Ellis et Hennell (1980) ont repris ce résultat pour interpréter
une différence significativement plus faible aux tests d’intelligence chez les enfants
gallois que chez leurs compatriotes anglais. Ils avaient en effet remarqué que la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

prononciation de certaines voyelles était plus longue en gallois qu’en anglais. La


mesure de l’empan chez des sujets bilingues ne montre aucune différence entre les
Anglais et les Gallois lorsque le facteur de durée est neutralisé.

3.3.2 Déclin de la trace, limite de la mémoire à court terme


ou interférence
L’autre caractéristique importante de la mémoire à court terme dans la concep-
tion classique est sa labilité. Nous l’avons présenté avec les travaux des Peterson.

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Mémoires, représentations et traitements

Selon ces auteurs, l’impossibilité de rappeler les items serait due à un effacement
progressif et surtout passif de la mémoire à court terme. Cette expérience a suscité
beaucoup d’intérêt dans la communauté scientifique, mais aussi de nombreuses
critiques. La plus importante concerne l’interprétation même de leurs résultats.
L’oubli pourrait tout d’abord être une conséquence de la capacité limitée de la
mémoire à court terme, la tâche de comptage à rebours venant mobiliser une partie
des ressources cognitives. Des résultats de Waugh et Norman (1965) ont étayé
cette hypothèse. L’objectif de leur travail était de démontrer l’existence d’oubli
par interférence en mémoire à court terme. Ils ont utilisé dans leur expérience
la technique de l’item sonde. Cette technique, variante du rappel indicé, consiste
à présenter à un sujet une liste d’items qu’il doit mémoriser. Tout de suite après
la présentation de la liste, un signal sonore indique au sujet qu’on passe dans la
phase test. Un item lui est alors présenté (sonde) et le sujet doit rappeler l’item
qui le suit dans la liste (cible). Deux conditions sont comparées dans lesquelles on
manipule la vitesse de présentation des items dans la liste à mémoriser, qui peut
être d’un ou de quatre chiffres par seconde. L’objectif des auteurs est de mettre en
concurrence deux hypothèses :
1. celle d’un oubli passif en mémoire à court terme et, dans ce cas, seul l’intervalle
temporel entre l’item cible et la sonde aura un effet sur la mémorisation ;
2. l’hypothèse d’un oubli lié à la capacité limitée de la mémoire à court terme, les
premiers items étant « chassés » par les suivants.
Autrement dit l’oubli serait le résultat de l’interférence résultant d’information
nouvelle et non pas de l’effacement de la trace mnésique avec le temps. Dans ce
cas, la performance devrait varier en fonction du nombre d’items séparant la cible
de la sonde, et non de l’intervalle temporel. Leurs résultats montrent qu’en effet, la
performance est d’autant moins bonne que le nombre d’items à mémoriser entre
la cible et la sonde est important. En revanche la fréquence de présentation n’a pas
d’influence sur la performance, invalidant du même coup l’hypothèse du déclin
passif de l’information en mémoire à court terme.
L’oubli pourrait également être le résultat d’une interférence entre les différents
éléments précédemment mémorisés (interférence proactive). Le sujet étant soumis
à l’apprentissage de plusieurs listes dans l’expérience des Peterson, il est envisa-
geable que l’apprentissage d’une liste entraîne des confusions lors de l’apprentissage
de listes contenant des éléments similaires. Si cette hypothèse est correcte, l’intro-
duction d’une suite dissemblable aux autres dans le matériel (une suite de chiffres
au lieu de trigrammes) devrait se traduire par une meilleure performance pour la
liste différente. Cette prédiction a effectivement été confirmée par Wickens et al.
(1972), dont les résultats montrent une nette diminution de l’interférence lorsqu’on
change la nature d’une des séries.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

L’ensemble de ces travaux met dès à présent en avant deux aspects importants
de la mémoire : le premier est que l’oubli en mémoire à court terme peut non seule-
ment être dû à un affaiblissement de la trace mnésique, mais aussi à une difficulté de
récupérer l’information qui y est encore disponible. Le deuxième est « l’intrusion »
de la mémoire à long terme dans la performance de rétention de l’information
en mémoire à court terme. Ce dernier aspect sera abordé plus en détail lors de
l’évolution du concept de mémoire à court terme vers celui de mémoire de travail
et lors de la présentation des différents modèles de la mémoire et leur orientation
progressive vers une description de la mémoire plus en termes de processus et de
fonction qu’en termes de système et de structure.

3.3.3 Accès séquentiel ou parallèle en mémoire à court terme


Une dernière série de critiques à l’égard du modèle classique de la mémoire à
court terme concerne, on s’en doute, le caractère sériel et exhaustif de l’accès à
l’information. La généralité du modèle de Sternberg a été battue en brèche par un
ensemble de recherches montrant que les temps de réponse n’étaient pas toujours
liés à la seule longueur de la liste, remettant en cause le caractère séquentiel de
la récupération des informations. Ainsi, sous certaines conditions, il est possible
aux sujets de contrôler leur stratégie d’exploration de la liste d’items mémorisés
(Burrows et Okada, 1973). Par ailleurs, le rythme du balayage est influencé par la
nature des opérations d’encodage (Seamon, 1972) et la probabilité d’apparition
du stimulus dans la liste (Theios, 1973). Enfin, la reconnaissance d’items apparus
plusieurs fois dans la liste est plus rapide que la reconnaissance d’items apparus une
seule fois (Baddeley et Ecob, 1973). Le caractère exhaustif du balayage en mémoire
à court terme a également été remis en cause dans une expérience de Marcel (1977)
montrant que le temps de réponse pour les items absents de la liste à mémoriser
n’était pas toujours égal à celui des items présents.
Tous ces travaux ont conduit à remettre en cause la notion de mémoire à court
terme. Cette notion s’avérait incapable de rendre compte d’un ensemble grandis-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sant de travaux. Devait-on pour autant revenir à une vision moniste de la mémoire ?
Il y a, en science, un fossé entre la remise en cause d’une conception et l’accepta-
tion de la conception concurrente. Les travaux étayant une pluralité des registres
mnésiques sont tout aussi nombreux que ceux qui conduisent à une remise en cause
du modèle classique de la mémoire à court terme. C’est donc à une réforme du
modèle théorique de la mémoire à court terme que les chercheurs se sont attachés.
Des vives discussions et des controverses surgissent à propos de l’existence d’un ou
plusieurs systèmes mnésiques entre les années 1960 et 1970. On doit à Baddeley et
Hitch (1974) une refonte importante du modèle dualiste de la mémoire au profit

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Mémoires, représentations et traitements

d’un modèle moniste. Le premier défendant une approche structurale plutôt que
fonctionnelle. Cette révision amènera progressivement au remplaçant la notion
de mémoire à court terme par la notion de mémoire de travail, qui assure non
seulement le stockage temporaire de l’information mais également le traitement
de l’information, pendant la réalisation de tâches cognitives.

3.4 Le concept de mémoire de travail


Si les théories concevaient la mémoire à court terme comme un registre de
stockage relativement passif, la remise en cause de cette notion a conduit à se
focaliser sur le rôle fonctionnel de la mémoire. La prise en compte de ce rôle
fonctionnel est d’autant plus importante que dans les années 1970 commencent
à émerger des recherches abordant des activités cognitives complexes comme la
compréhension de textes ou la résolution de problèmes. Sans pour autant aban-
donner l’approche dualiste, il devenait urgent de se demander à quoi pouvait bien
servir cette mémoire transitoire. L’hypothèse la plus naturelle, dont on avait déjà
les prémisses dans le modèle d’Atkinson et Shiffrin (1968), était que cette mémoire
servait, outre la conservation de l’information durant l’activité cognitive, à traiter
cette information. On est ainsi passé d’une conception passive avec la mémoire à
court terme à une conception active avec la mémoire de travail. Avec cette concep-
tion, la mémoire de travail, outre le stockage immédiat, est aussi considérée comme
responsable des processus de traitement de l’information utiles à l’accomplissement
de tâches cognitives complexes, ainsi que des processus permettant le maintien
des informations.
Dans le modèle de Baddeley (1996), la mémoire de travail est composée de trois
sous-systèmes : une boucle phonologique, un calepin visuo-spatial et un adminis-
trateur central (fig. 1.13). Le sous-système de la boucle phonologique serait mis
en œuvre dans le stockage et le traitement des données verbales. Il comprendrait
deux composants : une mémoire phonologique extrêmement labile (1 à 2 secondes)
assurant le stockage des informations verbales et un système de révision subvocale
(également appelé « boucle articulatoire »). Le rôle du sous-système de révision
subvocale est d’assurer le maintien de l’information au-delà des limites du système
de stockage de la boucle phonologique. Le calepin visuo-spatial est un système
de stockage et de codage des informations visuelles, des images mentales et de la
référence spatiale des objets. L’administrateur central est un système amodal (non
lié à une modalité perceptive particulière). Son rôle est de gérer la répartition de
ressources attentionnelles limitées entre les deux autres sous-systèmes et d’assurer
l’interface avec la mémoire à long terme.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Figure 1.13 – Représentation schématique du modèle


de la mémoire de travail de Baddeley (1996).

3.4.1 Les propriétés de la boucle phonologique


L’hypothèse d’un sous-système spécifique aux données langagières est née de
la nécessité de rendre compte du vaste ensemble de données empiriques portant
sur un matériel verbal, c’est-à-dire la très large majorité des travaux de l’époque.
Toutes ces recherches accréditent l’hypothèse d’un codage préférentiellement
acoustique dans la mémorisation à court terme. Nous avons présenté précédem-
ment l’effet de similitude phonologique. Cet effet se manifeste par un taux de
confusion plus important et une performance au rappel moindre lorsque les items
à mémoriser partagent de nombreuses similitudes de prononciation, y compris
lorsque le matériel est présenté sous forme visuelle. Ce modèle rend compte de cet
effet en postulant que lors de la présentation visuelle d’un item langagier (lettre,
mot, chiffre), l’information est encodée sous forme verbale et transmise à la boucle
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

phonologique.
Ce système semble présenter une spécificité aux sons de paroles comme le
suggère une recherche de Colle et Welsh (1976). Dans leur étude, les sujets devaient
répéter une liste de nombres présentés visuellement. Au moment du rappel de la
liste, certains sujets entendaient une personne lire en allemand, langue que, bien
sûr, ils ne comprenaient pas. Les résultats montrent une nette baisse de la perfor-
mance dans la tâche de mémoire immédiate. Il semble donc que l’écoute inattentive
de sons de paroles perturbe le fonctionnement de la boucle phonologique. Cet effet

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Mémoires, représentations et traitements

est-il vraiment spécifique aux sons de paroles ? Dans une expérience, Salamé et
Baddeley (1987) ont comparé l’effet produit par des sons de paroles et des bruits.
Ils ont utilisé pour cela une procédure similaire à celle de Colle et Welsh (1976).
Leurs résultats permettent de retrouver les résultats précédents pour l’écoute inat-
tentive des sons de paroles. En revanche, les bruits ne provoquent pas de baisse de
la performance. La musique vocale provoque le même effet qu’il s’agisse d’opéra
ou de musique pop, la musique instrumentale également, mais dans une moindre
mesure (Salamé et Baddeley, 1989).
Nous avons évoqué plus haut, à propos de la rapidité d’encodage, l’effet de
la durée de prononciation sur l’empan mnésique. Plus les items sont longs à
prononcer, moins bonne est la performance aux tests d’empan mnésique. Ces
résultats ont été reproduits pour des langues aussi diverses que l’hébreu, l’espagnol,
l’arabe ou le chinois (Hoosain et Salili, 1987) avec un rapport à peu près constant qui
montre que l’empan est égal au nombre d’items qu’on peut prononcer en environ
deux secondes. Dans le cadre de ce modèle, le facteur déterminant est donc la
rapidité avec laquelle les items sont encodés. La capacité est alors déterminée par
le nombre d’items pouvant être pris en charge par la boucle articulatoire avant
d’être effacés.
Si on empêche les sujets de réviser la liste, on devrait donc être à même de
mesurer plus précisément la capacité de la mémoire de travail. C’est la raison
pour laquelle on préconise, plutôt que le paradigme de Miller qui utilisait une
liste de longueur fixe, une mesure de l’empan mnésique en continu. Dans cette
procédure de mesure de l’empan, on présente au sujet une liste d’items sans
annoncer à l’avance sa longueur. La présentation est interrompue à un moment
quelconque et l’expérimentateur demande au sujet de rappeler tous les items dont
il se souvient. Dans ces conditions, le nombre d’items rappelés est de l’ordre de
trois ou quatre items selon les langues, ce qui correspond à peu près au nombre
d’items prononçables en deux secondes. Une autre façon de réaliser la mesure de
l’empan est de supprimer l’utilisation de la boucle articulatoire en imposant au
sujet de répéter un son sans signification. Dans le cadre du modèle de Baddeley,
cette « suppression articulatoire » devrait provoquer une disparition de l’effet de la
durée de prononciation aussi bien lors d’une présentation visuelle qu’auditive des
items, puisque le maintien en mémoire dépend de cette révision sous une forme
phonologique. Les résultats de Baddeley et al. (1975) permettent d’observer que
l’effet de la durée de prononciation disparaît effectivement lors d’une présentation
visuelle des items, mais pas lors d’une présentation auditive. Cependant, une expé-
rience de Baddeley et al. (1984) montre que dans des conditions expérimentales
mieux contrôlées, l’effet de la durée de prononciation disparaît effectivement dans

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Les mémoires ■ Chapitre 1

les deux conditions. Dans le modèle des Baddeley la boucle phonologique est donc
envisagée comme un système spécialisé dans le maintien de l’information verbale
sous forme phonologique. Ce registre phonologique est composé structurellement
de deux sous-systèmes : un stockage phonologique et un système de répétition dont
les fonctions sont respectivement : (i) recevoir l’information verbale présentée audi-
tivement, et la stocker sous forme de codes phonologiques pendant une durée brève
(1,5 seconde à 2 secondes) et (ii) permettre l’auto-répétition grâce à laquelle il est
possible de garder les items dans l’archive phonologique en en empêchant le déclin.

3.4.2 Le fonctionnement du calepin visuo-spatial


Il existe moins de recherches sur le calepin visuo-spatial et si ce sous-système
de la mémoire de travail commence à susciter l’intérêt de plusieurs chercheurs,
on manque de recul sur ces recherches pour les citer ici. L’essentiel des travaux
concerne la construction et la manipulation d’images mentales en mémoire de
travail. Nous en reparlerons dans les chapitres consacrés à la notion de représen-
tation et à la notion de traitement. Pour illustrer le fonctionnement du calepin
visuo-spatial dans le modèle de Baddeley, nous allons voir comment on peut réin-
terpréter des données de Sternberg (1967). Dans cette expérience, Sternberg a
réutilisé son paradigme en comparant deux types d’items tests présentés visuelle-
ment : des chiffres intacts ou des images altérées de chiffres, pour des longueurs
de listes d’items allant de 1 à 4. On se souvient que dans l’expérience originale de
1966, les temps de réponse variaient proportionnellement à la longueur de la liste.
L’origine de la droite ajustée aux données était interprétée comme une estimation
du temps nécessaire à l’encodage de l’item test et la pente de cette droite, comme
une estimation du rythme de balayage de la liste d’items en mémoire.
Selon le modèle de Baddeley, les items verbaux présentés sous forme visuelle
sont encodés sous forme verbale et pris en charge ensuite par la boucle phonolo-
gique. Si cette hypothèse est correcte, la présentation d’un item test altéré devrait
se traduire par un allongement du temps d’encodage, mais pas par un ralentisse-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ment du rythme de balayage en mémoire de travail. Il faut noter au passage que


le modèle classique de la mémoire à court terme fait les mêmes prédictions (la
mémoire à court terme étant caractérisée par un codage acoustique préférentiel).
Notre but n’est pas de montrer la supériorité du modèle de Baddeley pour rendre
compte des données empiriques de Sternberg (1967), mais seulement d’illustrer
le fonctionnement du calepin visuo-spatial dans son modèle.

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Mémoires, représentations et traitements

Figure 1.14 – Fonctionnement des sous-systèmes de stockage


dans le traitement d’informations langagières présentées visuellement.

C’est effectivement ce que permettent de vérifier les résultats. Les deux droites
sont parallèles, elles ont donc la même pente (fig. 1.15). L’altération de l’item test
n’affecte donc pas le rythme de balayage. La droite pour les items tests altérés est
plus haute, l’origine n’est donc pas la même. Ce qui permet de conclure que l’alté-
ration de l’item test affecte le temps nécessaire à sa reconnaissance.
Plusieurs recherches vont tester et compléter l’hypothèse proposée par Baddeley
quant à l’existence d’un calepin visuo-spatial comme composante responsable du
maintien temporaire des propriétés visuo-spatiales de l’environnement. À l’appui
d’un ensemble d’études, Logie (1995) établit une dissociation analogue à celle faite
par Baddeley et al. (1984) dans la boucle phonologique entre un registre de stoc-
kage passif et un mécanisme de rafraîchissement actif. Il nomme la composante
responsable du stockage passif des informations visuelles : cache visuel dont le
contenu serait soumis aux interférences (arrivée de nouvelles informations) et
à une détérioration rapide à moins que ces informations soient rafraîchies. La
composante, responsable du rafraîchissement et la manipulation des informations
visuelles et spatiales du cache visuel, est appelée par Logie, (1995) scribe interne.
En définitive, le calepin visuo-spatial est activé pendant les processus de maintien
et de manipulation des images visuo-spatiales et du matériel verbal qui est encodé
sous forme d’image à un stade ultérieur (Baddeley, 2012 ; Baddeley et al., 1984).

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Figure 1.15 – Temps moyen de réponse en millisecondes en fonction


du type d’items tests et de la longueur de la liste à mémoriser.

3.4.3 L’administrateur central


La troisième composante du modèle de Baddeley est l’administrateur central. Ce
système n’est pas lié à une modalité sensorielle particulière. Son rôle est de gérer
la répartition des ressources entre les deux autres sous-systèmes et de gérer les
relations avec la mémoire à long terme. Son fonctionnement est particulièrement
mis en relief dans les tâches d’attention partagée. Le paradigme utilisé est celui
de la double tâche. Dans une expérience, Baddeley (1996) demande aux sujets de
mémoriser des suites de chiffres d’une longueur de 0 à 8 chiffres. Simultanément,
les sujets doivent vérifier des propositions sur l’ordre alphabétique de deux lettres.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 1.16 – Temps de réponse moyens et pourcentage d’erreurs


en fonction du nombre de chiffres à mémoriser.

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Mémoires, représentations et traitements

Les résultats permettent d’observer une augmentation du temps de vérification


des propositions en fonction du nombre de chiffres à mémoriser, mais curieuse-
ment le taux d’erreurs reste constant (fig. 1.16). Dans la conception classique de
la mémoire à court terme, les informations et les traitements étant réalisés par le
même registre, la double tâche aurait dû affecter aussi bien la vitesse que la perfor-
mance, la capacité du registre étant saturée. Or il s’avère que ces deux indicateurs
sont différemment influencés par la double tâche, d’où la proposition de Baddeley
de dissocier le stockage, dévolu aux deux autres sous-systèmes, du traitement, qui
serait pris en charge par l’administrateur central.
Une telle conception de la mémoire transitoire suggère que les mesures d’empan
mnésique pourraient ne concerner que les sous-systèmes. La mesure de l’empan
mnésique réalisée par Miller (1956) et la procédure de mesure en continu ne
demandent au sujet aucun traitement de l’information, à l’exception de la révision
mentale dans le cas de la procédure de Miller. Daneman et Carpenter (1980) ont
donc imaginé une procédure expérimentale de mesure d’empan de la mémoire de
travail où le sujet devait simultanément traiter et stocker de l’information. Dans
cette expérience, les sujets devaient mémoriser le dernier mot de chacune des
phrases qui leur était présentée. Après la présentation de la dernière phrase, le
sujet devait rappeler la liste des mots finaux qu’il avait retenus. À chaque essai, le
nombre de phrases augmentait. On commençait par présenter aux sujets une, puis
deux, puis trois phrases à traiter et l’expérimentateur continuait ainsi jusqu’à ce que
le taux de rappel sur les derniers mots s’effondre. Le nombre maximal de phrases
dont le sujet était capable de rappeler correctement les mots finaux était alors pris
comme mesure de l’empan de la mémoire de travail. Leurs résultats montrent
une grande variabilité de l’empan de la mémoire de travail. L’administration de
tests de compréhension parallèlement à la mesure de la capacité de la mémoire de
travail fait apparaître une corrélation positive importante entre les deux mesures,
montrant que la capacité de la mémoire de travail est fortement liée aux méca-
nismes de traitement et donc à l’activité de l’administrateur central.
Le rôle de l’administrateur central est donc uniquement celui de gérer la répar-
tition de ressources attentionnelles limitées entre les deux autres sous-systèmes
(boucle phonologique est calepin visuo-spatial) et d’assurer l’interface avec la
mémoire à long terme. C’est-à-dire d’intégrer les informations issues des diffé-
rents sous-systèmes pour les mettre en relation avec les connaissances stockées en
mémoire à long terme. Autrement dit, il est conçu uniquement comme un module
de coordination des divers processus et traitements qui s’opèrent en mémoire de
travail. Il est nécessaire de souligner que le seul « traitement » effectué par l’ad-
ministrateur central est la coordination entre les autres sous-systèmes en nous

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Les mémoires ■ Chapitre 1

aidant à mettre ensemble les infos visuelles (par exemple, visualiser le chemin)
et phonologiques (par exemple, écouter le GPS qui nous donne à la fois visuelle-
ment et verbalement les informations) et surtout en répartissant l’attention entre
ses sous-systèmes lors de l’exécution d’une tâche (par exemple conduire) tout en
faisant le lien avec l’information en mémoire à long terme. C’est donc au sein du
l’administrateur central qui, selon Baddeley est centralisé essentiellement fonction-
nement de la mémoire de travail, bien que les traitements proprement dits soient
pris en charge par les sous-systèmes.

3.4.4 Le tampon épisodique


Enfin, au début des années 2000, Baddeley introduit un quatrième sous-système
appelé tampon épisodique (episodic buffer), pour rendre compte des résultats de
recherche qui montraient que la mémoire de travail pouvait garder des longues
phrases de 15 ou 20 mots (Baddeley, 2000b). Cette capacité, nous l’avons déjà
examinée, est expliquée par le phénomène de chunking. De plus, le modèle de
Baddeley (1996) ne permet pas de rendre compte des interactions entre la mémoire
à court terme et la mémoire à long terme, alors que plusieurs recherches soulignent
l’importance de variables telles que la fréquence du mot dans la langue, la facilité
à imaginer les mots ou encore la proximité sémantique Hulme et al. (1995). Enfin
d’autres études suggèrent que la rétention de stimuli verbaux à court terme induit
également des codages visuo-spatiaux. Par exemple, lors d’épreuves d’empan de
chiffres ou de mots, la disposition spatiale des items jouerait un rôle (Chincotta et
al., 1999). Et pourtant, aucun sous-système ne permet de rendre compte de cette
mise en relation entre les informations provenant des deux sous-systèmes précé-
demment décrits dans le modèle de Baddeley (1996).
Même si le fonctionnement du tampon épisodique reste de nos jours encore
vague (Baddeley, 2013), il est intéressant de retenir cette évolution dans la concep-
tion de la mémoire à court terme, puisque c’est ce sous-système qui représente
une façon d’augmenter la capacité de stockage de la mémoire de travail ainsi que
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de mieux rendre compte des liens avec la mémoire à long terme. Cet espace de
stockage temporaire supplémentaire est appelé épisodique car sa fonction est juste-
ment celle d’intégrer des informations émanant de la mémoire à long terme et de ce
fait de permettre des regroupements en unités plus larges qu’un simple mot isolé,
en faisant référence aux connaissances sémantiques et syntaxiques présentes en
mémoire à long terme. Il s’agit ainsi d’un sous-système à capacité limitée qui permet
le stockage temporaire d’informations enregistrées dans un code multimodal (tant
visuel que verbale ou sémantique) capable d’intégrer à la fois les informations des
deux autres systèmes subsidiaires (calepin visuo-spatial et la boucle phonologique)

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Mémoires, représentations et traitements

et celles de la mémoire à long terme dans une représentation épisodique unitaire et


cohérente. Il s’agit ici donc d’un sous-système indépendant de la modalité senso-
rielle qui est supposé être en lien direct avec la mémoire à long terme. Ce tampon
épisodique aurait une capacité de quatre items maximum, capacité qui serait cepen-
dant influencée par le phénomène de chunking, qui aurait lieu dans cette quatrième
composante de la mémoire de travail. Cet ajout marque un changement dans la
conception de la mémoire de travail telle qu’elle avait été initialement développée
par Baddeley. Son introduction accentue le rôle de la coordination des informations
et les liens entre la mémoire de travail et la mémoire à long terme.

Figure 1.17 – Modèle de mémoire de travail à trois


composantes (Baddeley, 2000, p. 421).

Le tampon épisodique a pour rôle de stocker les informations par le biais d’un code multimodal, fournissant
ainsi une interface temporaire entre les deux systèmes subsidiaires (la boucle phonologique et le carnet
visuo-spatial).

3.5 Le retour de l’approche moniste


Le modèle de la mémoire de travail de Baddeley a eu une grande influence
en psychologie cognitive et reste encore dominant dans de nombreux travaux.
Cependant une grande partie de l’information traitée en mémoire de travail relève
de nos connaissances, il est donc indéniable que la mémoire à long terme joue un
rôle important dans la construction des représentations, au cours des tâches finali-
sées de la vie quotidienne qui ressemblent peu, tant s’en faut, aux tâches artificielles
utilisées dans les laboratoires. Ces considérations ont amené un certain nombre
d’auteurs à considérer la mémoire de travail comme une partie active de la mémoire

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Les mémoires ■ Chapitre 1

à long terme. Les premiers à avoir évoqué cette idée sont Norman (1970), Schneider
et Shiffrin (1977) et Anderson (1974). Baddeley (2000a) suppose lui aussi qu’il existe
un lien direct entre la mémoire à long terme et les autres composantes sans pour
autant considérer, comme Cowan (1988, 1999) que la mémoire à court terme est
la partie activée de la mémoire à long terme. Dans le modèle de Cowan (1988),
contrairement à celui de Baddeley, les différents types d’informations (verbales,
visuelles, etc.) sont tous stockés en mémoire à long terme plutôt que dans des
systèmes distincts. La proposition de Cowan (1988, 1999) est encore de nos jours
considérée comme un des modèles monistes le plus abouti et elle sera présentée
dans la section suivante.

3.5.1 Le modèle du focus attentionnel de Cowan (1988)


Cowan (1988) propose de réinterpréter la notion de mémoire de travail dans le
cadre d’une approche moniste. Selon son approche, il n’y aurait pas de mémoire
intermédiaire entre les registres sensoriels et la mémoire à long terme. Il propose
de concevoir la mémoire de travail comme étant la partie active de la mémoire à
long terme (fig. 1.18).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 1.18 – Le modèle de la mémoire (d’après Cowan, 1988).

Pour lui, les entrées sensorielles et les buts du sujet auraient pour effets de
rendre disponibles un certain nombre d’informations provenant de la mémoire
à long terme. On parle alors d’activation des représentations. Parmi toutes les
informations activées, certaines font l’objet d’un traitement attentionnel et consti-
tuent ce qu’il appelle le « focus attentionnel ». Pour expliquer le passage de l’état
d’activation au focus attentionnel, Cowan postule un processus de contrôle dont
le rôle et le fonctionnement sont analogues à ceux de l’administrateur central de

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Mémoires, représentations et traitements

Baddeley. Les limitations observées dans le stockage transitoire et le traitement des


informations résulteraient alors des propriétés du focus et du processus de contrôle
qui imposeraient un traitement séquentiel à une quantité limitée d’informations.
Comme dans le modèle de Baddeley, dans celui Cowan, on retrouve donc
toujours une distinction entre une composante de stockage et une composante
de traitement. Toutefois, contrairement à Baddeley, Cowan ne propose plus une
définition structurelle mais plutôt fonctionnelle de la mémoire de travail. Plus
aucune distinction entre mémoire à long terme et mémoire à court terme n’est
donc faite dans ce modèle, le contenu de ces mémoires dépendant uniquement du
niveau d’activation des informations. Ainsi, lorsqu’une information a un niveau
d’activation de base, elle est considérée comme stockée en mémoire à long terme,
alors qu’elle sera considérée en mémoire à court terme si elle est très activée à un
moment précis.

3.5.2 Intérêts et limites de la conception de Cowan


La conception de Cowan est particulièrement pertinente dans l’analyse de l’acti-
vité lors des situations de travail. Elle permet notamment d’expliquer l’intervention
très précoce des connaissances du sujet dans le codage de la situation. Elle fournit
également une explication sur le rôle des connaissances dans le contrôle de la situa-
tion (but, motivation), notamment comment celles-ci peuvent intervenir lors d’une
activité dans le focus attentionnel ou par simple activation et rend ainsi compte
de deux notions sur lesquelles nous reviendrons : le niveau de traitement et le
niveau de contrôle. Son modèle s’adapte également bien à l’ensemble des données
empiriques relatives aux propriétés et au fonctionnement de la mémoire de travail.
Cependant, comme le souligne Tiberghien (1997), ce modèle ne remet pas en cause
la validité empirique de la distinction entre mémoire de travail et mémoire à long
terme. Si un certain nombre de données sont compatibles avec les deux approches,
le modèle de Cowan n’arrive pas à expliquer la prépondérance du code acoustique
en mémoire de travail. Il n’en demeure pas moins que cette approche a suscité
l’intérêt de plusieurs chercheurs qui s’en sont inspirés (par exemple Ericsson et
Kintsch (1995) avec la notion de mémoire de travail à long terme) et qu’elle relance
le débat entre monisme et dualisme de la mémoire.

3.6 Le modèle du partage temporel des ressources


Contrairement à ce qu’on pourrait penser à première vue, les modèles unitaires
(Cowan, 1999) et les modèles à mémoires multiples ne sont pas forcément incom-
patibles. Le modèle de Baddeley et Hitch (1974) propose une approche structurelle

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Les mémoires ■ Chapitre 1

de la mémoire de travail et demeure encore aujourd’hui une référence. Bien qu’il


n’ait cessé d’évoluer depuis sa première formulation, des modèles de la mémoire de
travail proposant une approche plus dynamique ou orientée vers les processus ont
commencé à s’imposer au cours des trente dernières années. Le fait de concevoir
la mémoire de travail comme la partie activée de la mémoire à long terme (Cowan
1999), plutôt que comme un ensemble de structures cognitives, oriente le débat
sur les aspects fonctionnels afin de rendre compte de la façon dont l’activation de
l’information est produite, maintenue ou même inhibée, et sur la façon dont les
processus cognitifs utilisent les éléments de connaissance activés (Barrouillet et
Camos, 2020).
La question principale, qui semblait être : « Comment la mémoire de travail
est-elle organisée ? », est progressivement devenue : « Comment la mémoire de
travail fonctionne-t-elle ? » (Camos et Barrouillet, 2022). Pour répondre à cette ques-
tion et rendre compte de la sélection et du stockage temporaire des informations
pertinentes et des traitements effectués lors de tâches cognitives, la psychologie
contemporaine met de plus en plus l’accent sur les liens entre la mémoire de travail
et l’attention, quelle que soit la complexité de la tâche à réaliser.
Comme nous le verrons dans le troisième chapitre, attention, mémoire de travail
et charge cognitive sont très liées. Cela tient au fait que la mémoire de travail a
une capacité limitée et est très labile ce qui contraint fortement les ressources
disponibles. Ces contraintes imposent de rafraîchir régulièrement les informa-
tions pour les maintenir activées (Cowan, 1999) et de répartir l’attention entre les
différents éléments de la tâche. Cela a conduit Barrouillet et Camos à proposer
que la durée de rétention en mémoire ne serait pas seulement déterminée par le
temps brut entre l’encodage et le rappel, mais serait liée à des microdéplacements
attentionnels entre les traitements et le rafraîchissement de la trace en mémoire
et a abouti à un modèle de la mémoire de travail fondé sur le partage temporel des
ressources (time-based resource sharing – TBRS ; Barrouillet et al., 2004 ; Barrouillet
et Camos, 2015, 2020).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Mémoires, représentations et traitements

Figure 1.19 – L’architecture cognitive du modèle TBRS


(reproduit avec l’autorisation de Barrouillet et Camos, 2022).

Le modèle de Barrouillet et Camos (2020) repose sur quatre postulats étayés par
de nombreuses études expérimentales, que nous nous n’avons pas la place de déve-
lopper ici (pour une présentation plus complète, voir Barrouillet et Camos, 2022).
1) Le stockage et le traitement de l’information en mémoire de travail dépendent
d’une ressource attentionnelle commune et limitée. Les auteurs considèrent que
la mémoire de travail contiendrait à la fois les éléments sur lesquels l’attention se
concentre ainsi que les éléments qui sont hors du focus attentionnel, mais qui sont
suffisamment activés pour être facilement accessibles.
2) Les éléments en mémoire de travail subissent un déclin avec le temps et
doivent donc être réactivés régulièrement pour ne pas être perdus.
3) La mémoire de travail n’autorise qu’une seule opération cognitive à la fois
(hypothèse du goulot d’étranglement) ce qui impose un traitement séquentiel des
opérations de traitement et de maintien de l’information en mémoire. Lorsque
l’attention est mobilisée par les premiers, le second subit un déclin (postulat 2).
4) Il découle des trois précédents postulats que pour éviter l’oubli, il est néces-
saire que l’individu détourne fréquemment son attention du traitement pour
garantir le maintien d’informations en mémoire à de travail (rapid switching).

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Les mémoires ■ Chapitre 1

L’hypothèse d’un coût cognitif dépendant de la durée de focalisation attention-


nelle a été testée à l’aide de doubles tâches dans lesquelles le temps de traitement
disponible pour la tâche principale (mémoriser une liste de lettres, des mots ou des
chiffres) et pour la tâche secondaire (lire des chiffres, faire une addition simple) a
été strictement contrôlé. Nous illustrons ce paradigme dans la figure 1.20. Dans
ces trois exemples, l’intervalle entre deux items à mémoriser est constant. Une
prédiction découlant du modèle TBRS est que l’empan mnésique ne dépend pas
de la complexité de la tâche secondaire, mais du temps d’attention accordée à
cette dernière. Barrouillet et al. (2007) ont testé cette hypothèse en demandant à
des sujets adultes de mémoriser des listes de lettres. Après chaque lettre, 4, 6 ou 8
chiffres apparaissent en haut ou en bas de l’écran. La tâche des sujets consistait alors
à juger de la position spatiale ou de la parité des chiffres. Les résultats montrent que
plus il y a de chiffres dans la tâche secondaire, moins les sujets se souviennent de
lettres. La tâche de parité apparaît plus difficile, mais le résultat le plus démonstratif
rapporté par les auteurs est la proportionnalité stricte entre l’empan mnésique et
le rapport entre le temps total de traitement et le temps total pour faire la tâche
secondaire. Dans les situations où ce rapport est faible, le temps d’attention libre
est important et donc disponible pour le rafraîchissement des items à mémoriser.

Figure 1.20 – Exemple de tâche d’empan complexe utilisée


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

dans l’étude du modèle TBRS (d’après Barrouillet et al., 2007).

Ce résultat a été reproduit, à différents âges, dans un grand nombre de variantes


du paradigme de base en comparant des tâches secondaires de nature différentes,
en manipulant le temps total de traitement, la durée de traitement des items dans la
tâche secondaire ou le temps d’attention disponible. Chacun de ces facteurs mani-
pulés isolément affecte la charge cognitive et impacte l’empan mnésique. Tous les
résultats convergent vers l’idée que l’empan mnésique serait une fonction linéaire
de la charge cognitive, cette dernière étant définie par le rapport entre-temps total

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Mémoires, représentations et traitements

de traitement sur le temps total affecté à la tâche. Il résulte de cette relation que
le caractère perturbateur de la tâche secondaire sur la mémorisation en mémoire
de travail est essentiellement lié à la diminution du temps total d’attention libre et
donc à la difficulté à rafraîchir les informations.
Le panorama des recherches sur la mémoire de travail que nous venons de
dresser est loin d’être exhaustif (voir pour une revue Camos et Barrouillet, 2022).
Malgré la diversité des modélisations, il existe un consensus relativement large pour
reconnaître une capacité de mémorisation à court terme ayant deux fonctions que
sont le traitement et le stockage transitoire de l’information ainsi que la labilité et
la capacité limitée de cette mémorisation à court terme. Les résultats empiriques
qui en attestent sont nombreux et robustes, mais comme tous les faits, ils peuvent
faire l’objet d’une interprétation dans un cadre théorique ou un autre. Les diver-
gences portent sur l’existence d’une structure distincte de la mémoire à long terme.
Une telle hypothèse est défendue par l’approche structuraliste dont le principal
promoteur est Baddeley. Une telle approche fait cependant encore l’objet de débat
vif avec des tenants de l’approche moniste comme Cowan (Logie et al., 2020). Le
modèle TBRS constitue une piste prometteuse pour surmonter ces divergences.

4. La mémoire à long terme


Que serions-nous si la Mémoire, avec la majuscule qui lui convient, n’existait pas,
autrement dit si notre capacité à stocker des informations se limitait à un stockage
transitoire ? Il n’y a qu’à penser à la grande souffrance des patients amnésiques,
ou plus simplement à l’anxiété de l’étudiant face à une matière un peu ardue,
pour prendre conscience de l’importance de stocker des informations de manière
durable pour mener à bien nos activités quotidiennes. L’acquisition, la conservation
et la récupération de l’information sur le moyen et le long terme est l’objet de ce
chapitre. Mais auparavant, nous allons préciser, comme nous l’avons fait dans les
chapitres précédents, la notion de mémoire à long terme.

4.1 La notion de mémoire à long terme


Certaines de nos connaissances ne semblent pas dépendre du contexte dans
lequel elles ont été acquises. D’autres, en revanche, semblent très fortement liées
à un contexte particulier. Il existe par ailleurs plusieurs formes de représentations,
verbales, imagées, liées à l’action. Certaines de nos connaissances sont explicitables,

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Les mémoires ■ Chapitre 1

d’autres non. Faut-il concevoir la mémoire à long terme comme une structure
unitaire ou faut-il différencier des sous-structures en fonction du type d’infor-
mation qu’elles contiennent ? S’il n’y a pas de consensus sur l’organisation de la
mémoire à long terme, il semble cependant que plusieurs distinctions s’avèrent
nécessaires.

4.1.1 Mémoire sémantique et mémoire épisodique


La première de ces distinctions repose sur l’opposition entre nos connaissances
encyclopédiques et nos connaissances relatives à des événements personnels. Les
premières sont des connaissances très générales et leur récupération semble ne
dépendre que très faiblement d’indices contextuels. Ces connaissances relèvent de
ce qu’on appelle la « mémoire sémantique ». En revanche, les secondes sont des
connaissances particulières relatives à notre vécu et dont la récupération est très
liée au contexte de mémorisation. Elles relèvent de ce qu’on appelle la « mémoire
épisodique ». C’est à Tulving (1972) qu’on doit cette distinction. Plusieurs argu-
ments expérimentaux étayent cette distinction. Par exemple, l’effet des indices
contextuels n’est pas le même dans la récupération des connaissances générales
(par exemple, les oiseaux ont des ailes) que dans la récupération de connaissances
personnelles (par exemple, j’ai passé mon permis de conduire à Paris). McKoon et
Ratcliff (1979) en fournissent une bonne illustration dans une expérience d’amor-
çage. Dans ce type d’expérience, on présente deux items séparés d’un intervalle plus
ou moins long. Le premier item est appelé « amorce » et sert d’inducteur au second
mot, appelé « cible ». C’est sur ce second mot qu’on interroge le sujet en lui donnant
différents types de tâches : décider si le mot appartient ou non à la langue ou fait
partie d’une catégorie de mots (décision lexicale), dire si oui ou non le mot a déjà
été vu au cours de l’expérience (reconnaissance). Avec ce paradigme, ces auteurs
ont montré que la manipulation de la relation épisodique entre l’amorce et la cible
n’avait pas d’effet sur une tâche de nature sémantique (décision lexicale entre des
mots et des non-mots). En revanche, l’amorçage n’a pas eu le même effet lorsqu’on
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

demandait aux sujets de dire si la cible avait été présentée dans l’expérience. Trois
conditions ont été comparées pour ces deux tâches : la cible entretient 1) une
relation simplement sémantique (vert-herbe), 2) une relation épisodique (couple
amorce-cible sans relation et déjà présenté), 3) épisodique et sémantique (couple
amorce-cible entretenant une relation sémantique et déjà présenté).
Les résultats montrent clairement que la relation entre amorce et cible n’in-
fluence pas la tâche de décision lexicale (fig. 1.18). Cette relation est, en revanche,
déterminante dans la tâche de reconnaissance épisodique, puisque l’amorce a
un effet de facilitation sur les cibles déjà présentées, surtout si amorce et cible

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Mémoires, représentations et traitements

entretiennent une relation sémantique et épisodique, alors que la seule relation


sémantique facilite moins l’accès à la cible.
Cette opposition entre mémoire sémantique et mémoire épisodique a suscité
et continue de susciter des débats. Selon certains auteurs, une mémoire stric-
tement sémantique ne peut pas rendre compte des effets de contextualisation
(Anderson, 1983). Par ailleurs le caractère plus ou moins spécifique à un événement
des connaissances épisodiques peut être discuté. Par exemple, savoir que « votre
professeur de statistiques est un homme » est une connaissance personnelle n’ayant
aucune spécificité situationnelle. De la même façon, des connaissances sémantiques
peuvent concerner des individus ou des événements très particuliers (« mon chien
est un labrador », » l’Amérique fut découverte en 1492 »). La distinction entre ces
deux types de connaissances n’est donc pas si évidente qu’elle y paraît en première
analyse et pourrait relever d’une simple distinction entre le général et le particulier
plutôt que d’une distinction structurelle et fonctionnelle.

Figure 1.21 – Temps moyen de réponse dans les tâches de décision


lexicale et de reconnaissance en fonction de la relation
entre l’amorce et la cible (d’après McKoon et Ratcliff, 1979).

4.1.2 Mémoire déclarative et mémoire procédurale


Une autre distinction importante dans la conceptualisation de la mémoire à long
terme est l’opposition entre les connaissances qu’on est capable de verbaliser et
celles qui relèvent de notre savoir non verbalisable sur l’action. Les connaissances
verbalisables sont appelées « connaissances déclaratives ». Elles correspondent aux
connaissances sémantiques et épisodiques que nous avons examinées au point
précédent. Elles seraient caractérisées par un plus grand contrôle intentionnel.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Ces connaissances déclaratives sont opposées aux connaissances procédurales


Cohen et Squire (1980). Ainsi, tenir en équilibre sur un vélo relève de la mémoire
procédurale, le discours qu’on peut tenir sur cette habileté est assez pauvre. Les
connaissances procédurales seraient plutôt de nature automatique (Logan, 1990).
Mémoire déclarative et mémoire procédurale apparaissent dissociées dans certains
syndromes amnésiques (Cohen et Squire, 1980 ; Squire et McKee, 1992). Nous
reviendrons sur cette distinction dans le chapitre sur les représentations.

4.1.3 Mémoire implicite et mémoire explicite


Une autre distinction proposée par Graf et Schacter (1985) oppose une mémoire
implicite et une mémoire explicite. Cette distinction recouvre en partie la distinc-
tion précédente entre mémoire déclarative et mémoire procédurale sans toutefois
être confondue avec elle. Dans la distinction précédente, il s’agissait de différencier
le savoir sur quelque chose et le savoir-faire, la partie du savoir-faire non verba-
lisable relevant de la mémoire procédurale. Dans la distinction entre mémoire
implicite et explicite, il s’agit d’opposer les informations selon qu’elles peuvent
faire l’objet d’une récupération consciente ou non. Comme les autres formes de
mémoire à long terme, des arguments expérimentaux mettent en évidence l’effet
différencié de certains facteurs sur des tâches de mémoire explicite (rappel, rappel
indicé, reconnaissance) ou des tâches de mémoire implicite (récupération d’infor-
mations nécessaire pour la tâche). Ces études tendent à montrer que la performance
en mémoire explicite est affectée chez certains patients amnésiques, tandis que la
mémoire implicite ne l’est pas.

4.1.4 Vers une organisation de la mémoire à long terme


Toutes ces mémoires constituent-elles des registres séparés ayant leurs carac-
téristiques propres, ou n’existe-t-il qu’une seule mémoire à long terme ? Le débat
reste encore vif et, comme le rappelle (Baddeley, 2000a), les différents modèles
théoriques de la mémoire s’appliquent soit à des phénomènes très précis, soit se
veulent des cadres plus généraux mais, dans tous les cas, ils cherchent à rendre
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

compte d’un grand nombre de données tout en laissant certaines d’entre elles
de côté. Il n’y a donc pas de modèle parfait, mais en faut-il un ? Un modèle n’est
après tout qu’une source de réflexion pour le psychologue et non une vérité en soi.
Dans ce point, nous allons examiner différentes propositions théoriques récentes
d’organisation de ces différents types de mémoires.

‡ Le modèle SPI de Tulving


La première formulation de l’opposition entre mémoire sémantique et mémoire
épisodique de Tulving (1972) l’a conduit à préciser son modèle tant sur le plan

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Mémoires, représentations et traitements

structural que fonctionnel. En 1985, il propose un nouveau modèle en ajoutant


aux deux systèmes précédents une mémoire procédurale (Tulving, 1985) et une
organisation hiérarchique de ces trois systèmes où la mémoire épisodique devient
un sous-système spécialisé de la mémoire sémantique, laquelle devient un sous-sys-
tème spécialisé de la mémoire procédurale (fig. 1.22).
Son modèle est dit mono-hiérarchique parce que les mémoires y sont organisées
hiérarchiquement, chacun des systèmes dépendant des systèmes inférieurs, tout en
possédant ses capacités propres. L’emboîtement hiérarchique de ces trois types de
mémoire est tributaire d’une approche qui contemple des niveaux de conscience
différents selon le système auquel il fait référence (Tulving, 1985). Ainsi la mémoire
sémantique est associée à la conscience du monde car elle permet d’évoquer des
représentations qui ne sont pas perceptivement présentes. La mémoire épisodique
est associée plutôt à une conscience de soi car elle fait référence à des événements
vécus. Contrairement à ces deux premiers systèmes, la mémoire procédurale est
mise en jeu sans faire appel à la conscience car elle est sollicitée lors de la mise en
œuvre de procédures automatisées lors de l’exécution d’actions.

Figure 1.22 – Le modèle structural « Seriel Parallel Independant »


(SPI) comprenant cinq systèmes de mémoire (Tulving, 1995).

Dans les années 1990, Tulving (1995) étend son modèle en lui adjoignant deux
autres sous-systèmes (fig. 1.22). Un système de représentations perceptives qui
s’appuie sur la perception des informations issues de l’environnement et qui est
destiné à rendre compte du stockage des représentations qui ne sont pas sous une
forme propositionnelle (représentations imagées, auditives, etc.). Un système de
mémoire de travail qui traite l’information afin de la stocker et fait le lien entre
mémoire épisodique et mémoire sémantique (Tulving, 1995). Plus les systèmes de
mémoire sont bas dans la hiérarchie, plus ils sont autonomes, c’est-à-dire que leur
activité est indépendante des systèmes de plus haut niveau.
Ces cinq systèmes de mémoire constituent le cadre dans lequel en 1995, Tulving
propose le modèle SPI (sériel parallèle indépendant) qu’il continuera à développer

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Les mémoires ■ Chapitre 1

dans les années 2010 (voir Tulving, 2014). Il s’agit d’un modèle à la fois structural
et fonctionnel qui vise en même temps à préciser le fonctionnement de la mémoire
du point de vue de son organisation et des relations entre les sous-systèmes. Cette
organisation et les relations entre les quatre systèmes de représentation sont
décrites du point de vue des trois principaux processus : l’encodage, le stockage et
la récupération de l’information en mémoire à long terme (fig. 1.23).

Figure 1.23 – Nature des relations entre mémoire perceptive,


sémantique et épisodique en fonction du processus mis en œuvre
dans le modèle SPI (sériel, parallèle et indépendant) de Tulving
(reproduit avec autorisation d’après Desgranges et Eustache, 2011).

Dans son modèle, c’est surtout la relation entre la mémoire sémantique et la


mémoire épisodique qui a été étudiée. La nature de la relation entre ces deux
sous-systèmes dépend du processus mis en jeu (d’où le nom de son modèle). Ainsi,
l’encodage se fait de façon sérielle, d’abord dans le système représentationnel
perceptif, puis dans la mémoire sémantique et enfin dans la mémoire épisodique.
Le stockage peut se faire de façon parallèle dans les deux systèmes, les informations
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

générales relatives à l’événement étant stockées dans la mémoire sémantique et les


informations spécifiques à l’événement, dans la mémoire épisodique. Enfin pour
la récupération, les deux systèmes sont indépendants. Le modèle de Tulving a fait
l’objet de nombreuses critiques, notamment sur la hiérarchisation des systèmes
de représentations basée sur la notion de conscience. Il a, cependant, suscité un
grand intérêt pour le cadre explicatif et les prédictions précises qu’il fournit pour
l’étude des différentes formes d’amnésie (pour une revue, voir Desgranges et al.,
2003 ; Desgranges et Eustache, 2011).

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Mémoires, représentations et traitements

‡ Le modèle de Squire
Squire et ses collaborateurs ont proposé une autre modélisation de la mémoire
à long terme (Squire, 2004 ; Squire et al., 1993 ; Zola-Morgan et Squire, 1993). Leur
modèle se présente comme une ontologie des différents systèmes de représentation
en mémoire à long terme (fig. 1.24). Pour eux, il faut distinguer en premier lieu
la mémoire explicite de la mémoire implicite. Mémoire sémantique et mémoire
épisodique sont alors vues comme des sous-systèmes de la mémoire explicite.
Dans la mémoire implicite, on trouve la mémoire procédurale, les apprentissages
perceptifs avec lesquels on peut également classer les effets d’amorçage, les condi-
tionnements et les apprentissages non associatifs comme l’habituation et les arcs
réflexes.

Figure 1.24 – Ontologie des différents systèmes


de mémoire à long terme (d’après Squire, 2004).

Ce modèle est intéressant pour l’ontologie des différents systèmes de mémoire


qu’il propose. Il présente cependant un certain nombre de caractéristiques qui le
rendent incompatible avec le modèle de Tulving. Ces caractéristiques concernent
surtout la mémoire explicite, notamment la relation entre la mémoire sémantique
et la mémoire épisodique. Pour Tulving, celles-ci sont hiérarchisées, alors que dans
le modèle de Squire, elles sont vues simplement comme des sous-systèmes de la
mémoire explicite.
Ces deux derniers modèles conduisent à prédire des dissociations très différentes
de ces mémoires dans les syndromes amnésiques. Dans le modèle de Tulving,
les doubles dissociations (atteintes de la mémoire épisodique sans atteinte de la
mémoire sémantique et inversement) sont possibles dans les amnésies rétrogrades
(puisqu’il y a indépendance de la récupération dans les deux systèmes), mais le
système ne les permet pas dans l’amnésie antérograde (puisque les systèmes sont

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Les mémoires ■ Chapitre 1

hiérarchisés pour l’encodage). La double dissociation de la mémoire épisodique et


de la mémoire sémantique dans les patients avec des lésions cérébrales va à l’appui
de l’hypothèse que la mémoire sémantique et la mémoire épisodique impliquent des
mécanismes différents. Cependant, même si les souvenirs épisodiques et séman-
tiques sont alimentés par des mécanismes différents, ils sont reliés. D’un côté, la
connaissance (mémoire sémantique) peut influencer la nature des expériences
vécues qui deviennent des souvenirs épisodiques, de l’autre côté les mémoires
autobiographiques, incluent à la fois des éléments épisodiques et des éléments
sémantiques. Le modèle de Squire prévoit, quant à lui, une atteinte conjointe des
deux systèmes, l’ensemble formant la mémoire déclarative. Les doubles dissocia-
tions sont donc exclues.
La mise en évidence de ces doubles dissociations se heurte cependant à des
problèmes théoriques et méthodologiques. Théoriques d’abord, la distinction entre
connaissances sémantiques et épisodiques n’étant pas toujours aisée, comme nous
l’avons signalé plus haut. Méthodologiques ensuite, les épreuves utilisées étant des
épreuves de laboratoire ayant une faible valeur écologique, leur spécificité à l’un
ou à l’autre des types de connaissances n’étant pas toujours évidente et dépendant
grandement des définitions qu’on donne à ces mémoires (Hodges et Graham, 2001 ;
Tulving, 2001).

‡ Le modèle MNESIS
Le modèle MNESIS (Memory Neostructural Inter-Systemic model ou Modèle
néostructural intersystémique de la mémoire humaine) est une proposition de
synthèse des différentes propositions multi-systèmes de la mémoire. Il met l’ac-
cent sur l’existence de différents systèmes de mémoire chez l’homme et sur leurs
relations réciproques, en y intrigants les composantes les plus robustes telles que
les systèmes de mémoires perceptives ainsi que le système de mémoire sémantique
et épisodique présent dans l’organisation proposée par Tulving (2001), ainsi que
des composantes plus récentes tels que le buffer épisodique proposé par Baddeley
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(2000). MNESIS est une représentation globale de la mémoire en la divisant en


cinq systèmes et sous-systèmes (Desgranges et Eustache, 2011 ; Dortier, 2014 ;
Eustache et al., 2016 ; Eustache et Desgranges, 2008), la mémoire épisodique, la
mémoire sémantique et la mémoire perceptive sont représentées en parallèle (à
gauche, fig. 1.25). Les interactions dynamiques entre ces trois systèmes mnésiques
se visualisent grâce aux deux flèches rétroactives : la première, de la mémoire
épisodique vers la mémoire sémantique pour représenter le processus de séman-
tisation des souvenirs (même si certains sont totalement oubliés) et la seconde
flèche, de la mémoire épisodique vers la mémoire perceptive, pour représenter

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Mémoires, représentations et traitements

les phénomènes de reviviscence, conscients et inconscients, indispensables à la


consolidation mnésique. Ces deux rétroactions, qui interviennent au sein de ces
trois systèmes mnésiques, permettent tout particulièrement de rendre compte
du caractère dynamique et reconstructif de la mémoire et également des faux
souvenirs. Ainsi, ce modèle tout en conservant l’organisation structurale en des
trois systèmes de la mémoire à long terme, permet également de rendre compte
du caractère dynamique de cette mémoire.
Au centre du modèle MNESIS (fig. 1.25) se trouve la mémoire de travail, envi-
sagée comme un espace de stockage à court terme et de manipulation d’une petite
quantité d’informations qui permet de traiter les informations qui se présentent
(Guillery-Girard et al., 2020). Inspiré ici du modèle de la mémoire de travail
(Baddeley, 2000), le modèle MNESIS souligne l’importance du buffer épisodique qui
stocke des représentations multidimensionnelles et interagit avec les trois systèmes
mnésiques (de gauche) et les trois sous-composants de la mémoire de travail.
Les interactions entre la mémoire de travail (avec toutes ses composantes) et les
mémoires épisodique et sémantique sont garantes de la mémorisation consciente.
La mémoire procédurale, impliquée dans l’apprentissage d’habiletés motrices,
perceptives, ou perceptivo-motrices est réintégrée au modèle (à droite, fig. 1.25)
et est en lien avec la mémoire perceptive et les systèmes de plus haut niveau.

Figure 1.25 – Modèle MNESIS d’après Eustache et al. (2016).

L’originalité du modèle de MNESIS avec sa modélisation structurale en cinq


systèmes de mémoire (3 systèmes mnésiques à long terme, la mémoire de travail
et la mémoire procédurale) réside surtout dans la mise en évidence les liens entre
les systèmes de mémoire épisodique et sémantique en soulignant l’existence des

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Les mémoires ■ Chapitre 1

nombreuses rétroactions, qui permettent de rendre compte du caractère dyna-


mique et reconstructif de la mémoire humaine dans le vieillissement, l’oubli mais
aussi de phénomènes plus généraux tel que la plasticité neuronale (Bianchi et
Laurent, 2016).
La dynamique des réseaux cérébraux (sous-tendant les processus cognitifs) a
été démontrée par des résultats en neuro-imagerie : des régions, comme l’hippo-
campe, dont le rôle était initialement consacré à la mémoire épisodique, peuvent
également participer à la mémoire sémantique. Le caractère constructif a lui aussi
été démontré sur la pensée d’événements futurs, Ainsi chez des patients Alzheimer,
le déficit de cette pensée future est corrélé avec l’atrophie des régions du cortex
cingulaire postérieur, du gyrus para-hippocampique et du pôle frontal, réseau de
la mémoire autobiographique épisodique, mais aussi avec les régions dédiées à la
mémoire sémantique, à savoir le gyrus temporal inférieur et le pôle temporal. Le
déficit de la pensée future serait donc dû à l’atrophie des réseaux de mémoire à la
fois épisodique et sémantique. En correspondance, des études menées chez des
adultes sains, la pensée future repose sur des relations constantes entre les systèmes
de mémoire épisodique et sémantique (Eustache et al., 2016).

4.2 Les facteurs facilitant la fixation en mémoire à long terme


Plusieurs facteurs peuvent expliquer le passage de l’information de la mémoire de
travail à la mémoire à long terme. Un premier facteur invoqué est l’attention. Il paraît
assez trivial de penser que pour bien apprendre, il faille se concentrer suffisamment
sur le matériel. Les recherches sur la mémorisation de listes dans des situations
d’attention partagée montrent qu’effectivement la mémorisation est affectée par
une activité concurrente. Il existe cependant des résultats qui suggèrent que l’at-
tention n’est pas indispensable (apprentissage incident ou apprentissage durant
le sommeil). Un autre facteur fréquemment mis en avant est la motivation. Nous
avons tous, durant nos années d’études, expérimenté le fait que les matières inté-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ressantes sont plus faciles à mémoriser ou qu’on est plus enclin à apprendre lorsque
l’enjeu est important (examens, concours). Des recherches suggèrent cependant
que ce facteur n’est pas, à lui seul, décisif. La promesse d’une récompense variable
selon les performances au rappel ne suffit pas toujours à influencer l’apprentissage
de façon positive (Nilsson, 1987). Il semble que les facteurs décisifs soient plutôt
à chercher du côté du traitement des informations à apprendre. Cette idée n’est
pas contradictoire avec le fait qu’apprendre nécessite une attention soutenue et
une certaine motivation. On consacre en effet davantage de temps et d’efforts aux
matières qui nous paraissent importantes et/ou nous intéressent particulièrement.

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Mémoires, représentations et traitements

4.2.1 La répétition du matériel


Il ne fait de doute pour personne, et il n’est pas besoin d’être psychologue
pour le savoir, que la répétition du matériel est un des modes les plus basiques
et les plus efficaces pour fixer en mémoire à long terme l’information. Chacun se
souviendra des poésies et des tables de multiplication apprises à l’école primaire,
des théorèmes qu’il fallait mémoriser au collège et des séances de révision pour
le baccalauréat. Nous avons déjà évoqué ce facteur à propos de l’effet de position
sérielle dans le chapitre sur la mémoire à court terme. Pourtant, le résultat n’est pas
toujours proportionné au temps passé ni des efforts fournis. Dans une recherche,
Atkinson (1972) a étudié les stratégies d’apprentissage. Dans son expérience, les
sujets devaient apprendre la traduction de sept listes de douze mots allemands,
soit au total quatre-vingt-quatre mots. Tous les sujets étaient de langue maternelle
anglaise, l’allemand était une langue seconde. Trois conditions sont comparées :
• Sélection libre : dans cette condition, les sujets choisissaient librement les mots
qu’ils voulaient étudier. Il leur était suggéré de se concentrer plutôt sur les mots
qui ne leur étaient pas connus.
• Sélection assistée par ordinateur : dans cette condition, les mots à réviser étaient
choisis parmi les mots non acquis (réponses erronées systématiques) ou en
cours d’acquisition (réponse exacte suivie de réponses erronées). Les mots acquis
(réponses correctes systématiques) étaient laissés de côté.
• Sélection aléatoire : dans cette condition, les mots à réviser étaient choisis au
hasard (situation contrôle).
Les essais se déroulaient de la façon suivante dans toutes les conditions. D’abord
une liste de mots était présentée que le sujet essayait de mémoriser. Un mot était
ensuite choisi, soit par le sujet, soit par l’ordinateur en fonction de son état d’acqui-
sition ou aléatoirement selon la condition dans laquelle le sujet se trouvait. Le sujet
devait alors fournir la traduction du mot en question. S’il se trompait, la traduction
correcte lui était présentée. Sa réponse était alors enregistrée et une nouvelle liste
lui était proposée. Chacune des listes était présentée quatre fois, soit un total de
trois cent trente-six essais. Une semaine plus tard, les sujets étaient soumis à un
test de traduction pour mesurer l’apprentissage (fig. 1.26).
Durant l’apprentissage, la performance au rappel est meilleure dans le cas de la
sélection aléatoire et de la sélection libre que dans le cas de la sélection par l’ordi-
nateur. En revanche, la tendance s’inverse dans le post-test. Les sujets ayant eu les
items à réviser sélectionnés par l’ordinateur réussissent mieux que ceux qui les ont
choisis eux-mêmes. Comme on pouvait s’y attendre, c’est avec la sélection aléatoire
que la performance au post-test est la moins bonne. À l’évidence, les individus

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Les mémoires ■ Chapitre 1

n’ont pas toujours une bonne conscience de ce qu’ils ont ou non mémorisé et ils
ont tendance à surévaluer leur degré d’apprentissage, d’où l’intérêt de modèle
précis de la mémorisation pour la conception de dispositifs informatisés d’aide à
l’apprentissage.

Figure 1.26 – Fréquences des réponses correctes durant l’apprentissage


et les post-tests en fonction des conditions (d’après Atkinson, 1972).

4.2.2 Le rythme de l’apprentissage


Comment faut-il répartir les séances d’apprentissage dans le temps pour obtenir
une meilleure performance au rappel ? Cette question, fondamentale pour de
nombreux étudiants, a intéressé très tôt les psychologues. Dans ses recherches,
Ebbinghaus avait déjà montré la supériorité d’un apprentissage distribué, c’est-
à-dire réparti dans le temps, sur un apprentissage massé, c’est-à-dire concentré
dans le temps.
Un premier aspect de la question est la répartition des séances d’apprentissage
sur la journée. Baddeley et Longman (1978) ont étudié l’apprentissage de la frappe
sur une machine à écrire par des postiers. Ils ont comparé quatre groupes en mani-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pulant deux facteurs : la durée des séances (une ou deux heures) et le nombre de
séances (une ou deux séances) par jour de formation. Il s’agit là d’un apprentissage
moteur et, après l’apprentissage de la localisation des touches, la performance est
mesurée en nombre de caractères tapés à la minute. Leurs résultats montrent que
pour un nombre d’heures d’entraînement égal, la performance des sujets qui ont
eu des séances d’une heure est meilleure que celle les sujets qui ont eu des séances
de deux heures, indépendamment du nombre de séances par jour. Ils montrent
également que les sujets n’ayant eu qu’une séance par jour présentent une meilleure
performance que les sujets ayant eu deux séances par jour de formation. Il semble

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Mémoires, représentations et traitements

donc que l’apprentissage d’un savoir-faire soit plus profitable s’il est réparti dans le
temps sur de courtes séances, même s’il faut davantage de temps pour l’acquérir.
Un autre aspect de la question est l’influence de l’intervalle entre les essais.
Celui-ci peut être plus ou moins long. Plusieurs recherches semblent montrer que
la performance est meilleure lorsque l’intervalle entre les essais est long que lors-
qu’il est court. Cependant les résultats sont très hétérogènes selon le type de tâche,
de matériel et d’indicateurs pris en compte. Ces études concernent souvent des
apprentissages moteurs et les quelques études sur du matériel verbal ne permettent
pas toujours de reproduire ce résultat, de sorte qu’il est difficile de généraliser sur
l’effet de ce facteur (Underwood, 1964).
Enfin la question du rythme de l’apprentissage peut également concerner l’inter-
valle de répétition entre les items. Melton (1970) a montré que l’apprentissage d’un
item isolé était facilité par des présentations successives relativement éloignées,
mais sans doute pas trop, comme l’illustre « l’effet de la pratique du rappel » : un
item qu’on est amené à récupérer fréquemment en mémoire a plus de chance d’être
rappelé ultérieurement. Ces deux effets, fréquence des répétitions et pratique du
rappel, ont conduit Landauer et Bjork (1978) à proposer une stratégie de répétition
particulièrement efficace qui consiste à augmenter l’intervalle entre les répétitions
d’un item correctement rappelé et à diminuer l’intervalle pour les items qui n’ont
pas été récupérés.

4.2.3 L’organisation du matériel à apprendre


De nombreuses observations montrent que l’organisation du matériel est un
facteur important dans la mémorisation. Par exemple, Bousfield (1953) a observé
que le rappel de listes de mots présentant des relations catégorielles était bien meil-
leur que celui de listes de mots quelconques. Des résultats similaires sont rapportés
par plusieurs auteurs (Bower, 1972 ; Deese, 1959 ; Jenkins et Russell, 1952). Au-delà
de la structuration même du matériel à apprendre, il semble que ce soit l’acti-
vité même du sujet pour organiser le matériel à apprendre qui soit déterminante.
Tulving (1962) a fait apprendre à ses sujets une liste de mots appartenant à diffé-
rentes catégories, mais présentés dans un ordre aléatoire. À chaque essai, l’ordre des
mots changeait, mais l’épreuve de rappel montre que l’ordre dans lequel les mots
sont restitués tend à devenir stéréotypé, reflétant l’organisation interne des catégo-
ries pour les sujets. L’étude de Mandler (1967) constitue également une illustration
convaincante du caractère déterminant de l’activité d’organisation du matériel
sur la mémorisation. Dans son expérience, il demande aux sujets de classer un
ensemble de mots en catégories. Deux groupes de sujets sont comparés. Le premier
groupe a pour seule consigne le classement des mots (mémorisation incidente),

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Les mémoires ■ Chapitre 1

le second est averti de l’objectif d’apprentissage (mémorisation explicite). Ces


résultats montrent que le matériel est aussi bien restitué dans les deux groupes.
D’autres formes d’organisation (chronologique, alphabétique, sériel) permettent
d’observer des résultats similaires (Mandler et Dean, 1969). Un certain nombre de
procédés mnémotechniques relèvent peu ou prou de cette activité d’organisation
du matériel à apprendre comme l’organisation par rimes, l’intégration dans une
image commune, dans une comptine ou dans une petite histoire.

4.2.4 La profondeur de traitement


L’idée que les activités de traitement jouent un rôle essentiel dans la mémorisa-
tion à long terme a été renforcée par les progrès des connaissances sur le rôle de la
mémoire de travail dans la mémorisation à long terme. Craik et Lockhart (1972) ont
démontré que la répétition n’était pas le seul facteur déterminant pour la mémo-
risation. Ils proposent une théorie de la mémorisation fondée sur la profondeur
de traitement en mettant en avant les différences de codages utilisés en mémoire
courte et en mémoire à long terme. Nous avons vu précédemment que la mémoire
à court terme était caractérisée par un codage préférentiellement acoustique, tandis
que pour la mémoire à long terme, ce codage est préférentiellement sémantique.
Bien que ces codages ne soient pas exclusifs, ils constituent pour les auteurs des
codes mnémoniques qualitativement différents et hiérarchisés. Le traitement
d’un stimulus passerait par différents niveaux. La lecture d’un mot par exemple
commence par l’identification des caractéristiques physiques du stimulus (lettres,
police de caractères, couleur) puis se poursuit à un niveau phonétique et enfin
sémantique. Craik et Tulving (1975) ont testé l’hypothèse que la mémorisation
variait en fonction de la profondeur de traitement. Dans leur expérience, les sujets
étaient avertis qu’on cherchait à étudier la perception et la vitesse de réaction. Ils
devaient répondre le plus vite possible à trois types de questions :
• des questions sur la forme du mot (est-ce que le mot est en lettres capitales ?) ;
• des questions sur la prononciation du mot (est-ce que le mot rime avec
CHOUETTE ?) ;
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• des questions sur le sens du mot (est-ce que le mot serait approprié dans la
phrase : « Jean a bu un ___ de vin ? »).
Chacune de ces questions était suivie d’un mot pour lequel le sujet devait dire si
la réponse à la question était positive ou négative. En fait, les réponses aux questions
ne constituaient pas l’objectif de l’expérience et le test était immédiatement suivi
d’un test de reconnaissance sur les mots que le sujet avait vus durant l’expérience.

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Mémoires, représentations et traitements

Figure 1.27 – Temps de réponse dans la tâche initiale (à gauche) et performance


au test de reconnaissance (à droite) en fonction du niveau de traitement.

Un premier résultat montre que le temps de réponse dans la tâche initiale varie
en fonction du niveau de traitement et pas en fonction du caractère positif ou
négatif de la réponse attendue (fig. 1.27 à gauche). Cela ne doit cependant pas laisser
penser que la rétention serait liée à la seule durée de traitement. D’autres tâches
portant sur des caractéristiques superficielles des items comme compter les voyelles
ou dire si deux consonnes se suivent prennent plus de temps que d’identifier la
taille des caractères, mais ne provoquent pas une meilleure mémorisation. Leurs
résultats montrent également que le taux de réponses correctes augmente avec
la profondeur de traitement, aussi bien pour les items positifs que pour les items
négatifs (fig. 1.27 à droite). Ce résultat a eu une grande influence dans les théories
de l’apprentissage. D’abord parce qu’une telle théorie fournissait un cadre explicatif
précis à ce que beaucoup de pédagogues savaient : c’est l’importance et la qualité
du travail sur une matière qui assurent sa mémorisation, bien plus que la répéti-
tion. Ensuite parce que cette théorie permettait d’assimiler les différents registres
mémoire à des étapes du traitement de l’information. Rappelons qu’à l’époque où
ce modèle a été proposé, l’approche qui dominait était celle de la mémoire à court
terme (voir le modèle de Broadbent). Enfin, cette théorie offrait un cadre assez
simple permettant de faire des prédictions précises et d’interpréter les résultats.
D’autres expériences ont également montré que le traitement en profondeur
s’applique également pour la mémorisation des images. Dans une expérience,
Bower et al. (1975) ont demandé à des participants de restituer des pairs d’images
absurdes (privés de sens), avec ou sans interprétation verbale des images (fig. 1.28).
Les sujets, qui avaient entendu une phrase interprétant et reliant les images d’une
paire, ont montré un meilleur rappel associatif que les participants qui n’avaient
reçu aucune interprétation. L’expérience montre que les participants mémorisent
mieux des images absurdes s’ils comprennent ce qu’elles représentent, c’est-à-dire

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Les mémoires ■ Chapitre 1

lorsqu’ils peuvent leur donner du sens (profondeur de traitement plus élevé).


Comme dans le cas du langage, ce type de résultats suggère que la mémorisation
est facilitée lorsque les indices contextuels suscitent des schémas appropriés, dans
lesquels le matériel à apprendre peut être intégré.

Figure 1.28 – Exemple de paires d’images absurdes avec leur interprétation


verbale « Des spaghettis lignés, puis disposés dans une assiette avec des boulettes
de viande » utilisées par Bower et al. (1975) (reproduit avec autorisation).

La principale difficulté de la théorie de la profondeur de traitement vient du fait


qu’elle postule une hiérarchisation des types de codage (acoustique, sémantique)
et que cette hiérarchie se confond avec la notion de profondeur et les étapes du
traitement. Au début des années 1980, cette théorie a commencé à être mise en
cause pour deux raisons majeures : la mémoire à court terme est de moins en moins
vue comme un simple registre de stockage et l’information peut y être traitée à un
niveau sémantique (Baddeley, 1978 ; Nelson, 1978).

4.3 Évolution des informations en mémoire à long terme


Même si on conçoit la mémoire comme une grande bibliothèque où nos
connaissances seraient stockées de façon permanente, l’information n’en subit
pas moins des modifications au cours du temps. C’est un fait auquel personne ne
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peut échapper, l’information en mémoire à long terme n’est pas stable, au grand
dam des étudiants qui fournissent des efforts de mémorisation pour passer leurs
examens et ont l’impression, quelques mois après, d’avoir tout oublié. Un des
apports de la psychologie cognitive est d’avoir montré que cette disparition de
l’information n’était qu’apparente et relevait de modifications du souvenir dues à
un certain nombre de facteurs et de mécanismes que nous allons examiner.
Le mécanisme principal de modification du souvenir est l’interférence. Ce terme
désigne l’influence d’un apprentissage sur un autre apprentissage. L’interférence
peut être due à un apprentissage antérieur, on parlera d’interférence proactive qui

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Mémoires, représentations et traitements

se produit lorsque ce que nous savons déjà interfère avec ce que nous sommes en
train d’apprendre (les vieux souvenirs perturbent les nouveaux). Elle peut égale-
ment être due à un apprentissage ultérieur, c’est l’interférence rétroactive qui se
produit lorsque nous oublions une information précédemment apprise en raison de
l’apprentissage d’une nouvelle information. En d’autres termes, l’apprentissage ulté-
rieur interfère avec l’apprentissage antérieur (les nouveaux souvenirs perturbent
les anciens). On peut représenter schématiquement le déroulement expérimental
permettant de mesurer ces deux effets d’interférence de la façon suivante (fig. 1.29).

Figure 1.29 – Schéma de la procédure expérimentale


de mesure des effets d’interférence.

4.3.1 L’interférence proactive


L’interférence proactive désigne la détérioration d’un apprentissage préalable sur
un apprentissage cible. La mesure de l’effet d’interférence se fait par comparaison
avec la situation contrôle où seul l’apprentissage cible est présenté. Cet effet peut
être illustré par une étude. Underwood (1957) avait observé chez ses sujets des
taux de rappel particulièrement bas dans des situations d’apprentissage de listes de
syllabes sans signification. Les sujets, habituellement ses étudiants, participaient à
de nombreuses expériences et Underwood a entrepris d’analyser les données pour
voir si ces deux variables n’étaient pas liées. Ses résultats montrent qu’effectivement
le taux de rappel décroît à mesure que le nombre de listes augmente.

4.3.2 Interférence rétroactive


Dans l’interférence rétroactive, c’est un apprentissage ultérieur qui vient
perturber l’apprentissage cible. Comme précédemment la mesure de l’effet est
réalisée par comparaison avec une situation rétroactive contrôle. Ce type d’in-
terférence a été étudié par Slamecka et Ceraso (1960), qui ont demandé à leurs
sujets d’apprendre un texte en prose. Selon les groupes, le texte était présenté 2, 4

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Les mémoires ■ Chapitre 1

ou 8 fois. Après l’apprentissage, une partie des sujets ont pu se reposer tandis que
d’autres devaient apprendre un autre texte avec quatre ou huit répétitions. Ses
résultats montrent que quel que soit le nombre de répétitions lors de l’appren-
tissage cible, le rappel de celui-ci était détérioré par l’apprentissage ultérieur. La
détérioration était d’autant plus importante que le nombre de répétitions lors de
l’apprentissage interférent était important. S’agit-il d’une simple confusion entre
deux informations ou bien l’information apprise dans un premier temps est-elle
effacée par la nouvelle ? Dans une expérience, Loftus (1977) présente à ses sujets une
série de diapositives relatant un accident de la route dans lequel une voiture verte ne
s’est pas arrêtée. La projection est suivie d’un questionnaire dont la dernière ques-
tion, pour une partie des sujets, mentionne une voiture bleue qui ne s’arrête pas.
Vingt minutes plus tard, l’expérimentateur demande aux sujets de quelle couleur
est la voiture qui ne s’est pas arrêtée. Chez les sujets exposés à la question sur la
voiture bleue, la réponse est plus fréquemment « bleue ». Bekerian et Bowers (1983)
ont cherché à savoir si l’effet d’interférence observé par Loftus correspondait au
remplacement de l’information initiale par l’information erronée. Ils ont repris
le matériel et le questionnaire de Loftus mais en présentant le questionnaire soit
dans l’ordre originel, soit dans un ordre aléatoire, soit dans l’ordre chronologique
de l’incident. Leurs résultats permettent de retrouver l’effet d’interférence pour les
ordres aléatoire et originel. En revanche, les sujets qui ont vu les questions dans
l’ordre chronologique de l’incident ne subissent aucune distorsion de leur souvenir
des diapositives. Il semble donc que l’effet d’interférence dépende en grande partie
des caractéristiques de l’apprentissage ultérieur et que ce dernier ait pour effet de
masquer, plutôt que de remplacer, l’information initialement mémorisée.

4.4 La récupération de l’information en mémoire à long terme

4.4.1 Disponibilité et accessibilité de l’information


La notion de mémoire à long terme renvoie à notre capacité à conserver des
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informations de façon « stable » et à les réutiliser longtemps après les avoir acquises.
Cette mémoire est parfois également appelée mémoire permanente pour souli-
gner le fait que l’intervalle entre l’acquisition et la récupération n’est a priori pas
limité. Pourtant, nous l’avons vu, la mémoire à long terme n’est pas une grande
bibliothèque où nos connaissances sont stockées de façon immuable, ni toujours
accessible. De fait, nous avons tous fait l’expérience de la réminiscence de souvenirs
très anciens que l’on croyait avoir oubliés. Cette conception de la mémoire à long
terme nécessite que nous insistions sur la distinction entre la disponibilité de l’in-
formation en mémoire et l’accès à celle-ci. Un phénomène fréquent, auquel nous

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Mémoires, représentations et traitements

avons tous été confrontés, et qui illustre bien cette distinction, est le phénomène
du mot sur le bout de la langue. Dans ces situations, nous avons la conviction
intime que nous connaissons le mot sans pour autant pouvoir le retrouver. Un
autre phénomène qui montre bien la distinction entre la disponibilité et la récu-
pération est le phénomène d’économie au réapprentissage utilisé par Ebbinghaus.
Le fait que dans ces expériences, les sujets ne puissent ni rappeler, ni reconnaître
les items de la liste apprise, mais réapprennent néanmoins la liste en un nombre
d’essais moins important, ne peut être expliqué que par la présence de l’information
en mémoire, bien que le sujet ne puisse y accéder. La différence entre rappel et
reconnaissance est un autre argument en faveur de la distinction entre accessibilité
et récupération. Mandler et al. (1969) ont fait apprendre à leurs sujets une liste de
cent mots et tester la rétention à l’aide de tâches de rappel ou de reconnaissance.
Dans la tâche de rappel, les sujets rappelaient en moyenne 38 mots sur 100. Dans
la tâche de reconnaissance, les mots appris étaient présentés en nombre égal avec
des mots nouveaux. Les sujets reconnaissaient correctement 96 mots sur 100. La
différence de performance entre ces deux tâches correspond aux mots disponibles
mais non accessibles en mémoire dans la tâche de rappel.

4.4.2 La récupération de l’information en mémoire à long terme


Contrairement à la mémoire à court terme, l’accès à l’information en mémoire
à long terme se fait de façon parallèle, c’est-à-dire qu’on peut accéder à plusieurs
informations à la fois. Ce processus de récupération de l’information opère
également de façon directe. Le contenu de la mémoire à long terme n’a, fort heureu-
sement, pas besoin d’être balayé pour rendre disponibles certaines informations.
Ces caractéristiques de l’accès à l’information en mémoire à court et à long terme
ont été étudiées dans une recherche de Schneider et Shiffrin (1977). Dans cette
situation, les sujets devaient explorer des planches présentées visuellement à un
rythme très rapide. Leur tâche consistait à détecter une liste d’un à quatre items
qui leur avait été fournie juste avant. Deux conditions étaient comparées : i) la liste
changeait à chaque essai, les items critiques devaient donc être stockés en mémoire
de travail ; ii) la liste était la même d’un essai à un autre, les items pouvant alors
être stockés en mémoire à long terme.
Leurs résultats montrent que, dans la condition « mémoire de travail », les items
critiques sont mieux détectés lorsqu’il n’y en a qu’un à surveiller. Par ailleurs,
le temps de réponse est une fonction linéaire du nombre d’items à surveiller.
Autrement dit, plus il y a d’items à surveiller, plus les sujets mettent de temps à
répondre. En revanche, dans la condition « mémoire à long terme », la détection des
items critiques ne dépend pas du nombre d’items à surveiller. L’analyse des temps

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Les mémoires ■ Chapitre 1

de réponse montre également que celui-ci ne varie pas en fonction du nombre


d’items critiques. Les résultats de Schneider et Shiffrin sont tout à fait cohérents
avec ceux de Sternberg (1966). L’accès à l’information en mémoire de travail se fait
bien de façon séquentielle et exhaustive (réponse et temps de réponse dépendent du
nombre d’items). Mais en mémoire à long terme, la récupération de l’information
se fait de façon parallèle et directe (réponse et temps de réponse ne dépendent pas
du nombre d’items).

4.5 La notion d’activation


Une conception assez largement répandue aujourd’hui chez les psychologues
cognitivistes est que la mémoire à long terme peut être vue comme un lieu de stoc-
kage relativement passif dans lequel seules quelques informations sont disponibles.
Le mécanisme de base qui permet cette disponibilité de l’information à un moment
donné est l’activation. Il ne faut pas confondre l’activation d’une information avec
le souvenir conscient de cette même information. La notion d’activation recouvre
seulement la disponibilité de l’information pour la tâche en cours. Une information
peut tout à fait être active (donc récupérée en mémoire à long terme) sans pour
autant arriver à la conscience. Ainsi, dans le phénomène d’amorçage sémantique
que nous avons déjà évoqué, la présentation d’une amorce, même de façon brève,
ne donnant pas l’impression d’avoir vu le mot, a un effet facilitateur sur la décision
lexicale concernant la cible. On estime en général que cet effet de facilitation est dû
à une activation de l’amorce qui se diffuse sur les mots sémantiquement reliés. La
mise en œuvre de cette activation et de sa diffusion se fait de façon extrêmement
brève, de l’ordre de 200 millisecondes. Cette activation ne doit pas non plus être
confondue avec le phénomène de préparation attentionnelle dont nous reparlerons
un peu plus loin, celle-ci n’apparaissant que dans un délai de l’ordre de 70 millise-
condes (voir le chapitre sur les processus attentionnels). Ce phénomène d’amorçage
permet de souligner trois caractéristiques essentielles de l’activation : sa rapidité,
son automaticité et sa diffusion.
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Dans une expérience de 1974, Anderson a présenté à ses sujets une série de
descriptions de faits associant des lieux et des personnes, sous la forme d’une
phrase simple (sujet, verbe, complément). Les personnes pouvaient être associées
à un ou à deux lieux, de même que les lieux pouvaient être associés à une ou à deux
personnes. Les sujets devaient apprendre par cœur le matériel. Ils étaient soumis
ensuite à un test de reconnaissance (Anderson, 1974).
On peut observer sur la figure 1.30 que le temps de réponse est d’autant plus
grand que le nombre d’éléments associés est important. Ainsi, le temps de réponse

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Mémoires, représentations et traitements

dépend à la fois du nombre de personnes associées à un lieu et du nombre de lieux


associés à une personne. Anderson postule que les informations sont stockées
en mémoire sous la forme d’un réseau décrivant les relations entre les mots. Au
moment de la reconnaissance, l’activation d’un nœud dans le réseau se diffuserait
sur les nœuds reliés. La vitesse de la diffusion de l’activation serait inversement
proportionnelle au nombre de nœuds reliés au nœud activé. Anderson a précisé
son approche dans le modèle ACT (Adaptative Control of Thought), publié en 1983.
Dans son modèle, la quantité d’activation est supposée constante, la relation entre
les nœuds est caractérisée par une force d’association qui reflète leur proximité
sémantique. Lorsqu’un nœud dans le réseau est activé, l’activation se répartit sur
l’ensemble des nœuds reliés proportionnellement à la force de la liaison. Ce modèle
permet de rendre compte de l’effet observé précédemment (Anderson, 1983) et que
l’auteur baptise « effet FAN » pour FActs Number, selon lequel : le temps d’accès
aux informations factuelles associées à un nœud est proportionnel au nombre
d’informations qui sont liées à ce nœud.

Figure 1.30 – Effets du nombre d’éléments associés sur le temps


de reconnaissance de faits mémorisés (d’après Anderson, 1974).

4.6 Les indices de récupération et la spécificité de l’encodage


Il vous est sans doute déjà arrivé de vous rendre chez un ami habitant une grande
ville, de garer votre voiture deux ou trois pâtés de maisons plus loin et, en sortant de
chez lui, après une agréable soirée, de ne plus savoir dans quelle rue votre voiture
est stationnée. Généralement, pour se sortir de ce type de situation, on essaye de
faire appel à des détails particuliers qui vont nous mettre sur la voie du souvenir à

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Les mémoires ■ Chapitre 1

récupérer comme un magasin à l’angle de la rue, des arbres bordant le boulevard,


la couleur de la façade de l’immeuble devant lequel nous nous sommes garés. Cet
exemple, et il est possible d’en trouver bien d’autres, montre que les informa-
tions contextuelles constituent des indices de récupération puissants. Godden et
Baddeley (1975) ont mené une étude très illustrative de ce phénomène auprès de
sujets pratiquant la plongée sous-marine, La tâche des sujets consistait à apprendre
une liste d’items. Pour une partie des sujets, l’apprentissage avait lieu sur la plage,
pour l’autre, il avait lieu sous l’eau à environ 5 mètres de profondeur. Les sujets
ont ensuite été soumis à un test de rappel qui, comme l’apprentissage, avait lieu
sur terre ou dans l’eau. Leurs résultats montrent que le rappel est meilleur lorsque
le contexte de rappel est le même que le contexte d’apprentissage. En revanche,
lorsque contexte d’apprentissage et contexte de rappel diffèrent, la performance
chute de près de 40 %. On comprend aisément que cet impact du contexte d’ap-
prentissage sur le rappel puisse être tout à fait vital pour des activités comme la
plongée. Cet effet doit cependant être nuancé. Godden et Baddeley (1980) ont
répliqué leur expérience en soumettant les sujets à une épreuve de reconnaissance
plutôt que de rappel. Les résultats n’ont pas permis de retrouver l’effet du contexte
d’apprentissage. Une autre étude comparant les résultats d’étudiants passant leur
examen dans la même salle que leur cours ou dans une salle différente n’a pas
permis de mettre en évidence l’effet du contexte d’apprentissage (Saufley et al.,
1985). Il n’est d’ailleurs pas indispensable de se retrouver physiquement dans le
même contexte. Comme dans notre exemple de la voiture égarée, celui-ci peut
être simplement imaginé. Smith (1979) a fait apprendre une liste de 80 mots à
ses sujets. L’épreuve de rappel avait lieu le lendemain, soit dans la même pièce,
soit dans une pièce différente. À une partie des sujets qui devaient rappeler la
liste dans une autre pièce, il a demandé de se remémorer la pièce dans laquelle
avait eu lieu l’apprentissage. Smith n’a pas observé de différence entre le groupe
qui devait rappeler dans la pièce où avait eu lieu l’apprentissage et le groupe qui
devait simplement imaginer cette pièce. En revanche ces deux groupes rappellent
significativement plus de mots que le groupe qui devait faire le rappel dans une
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autre pièce que l’apprentissage sans avoir à imaginer cette dernière. Il semble donc
que ce soit l’accès aux informations contextuelles (que celles-ci soient présentes ou
imaginées) qui constitue l’effet facilitateur dans la récupération de l’information.
Tulving et Thomson (1971) ont proposé la notion d’encodage spécifique
pour rendre compte de l’importance des indices contextuels dans le rappel et
la reconnaissance. Selon ces auteurs, l’encodage d’un stimulus en mémoire est
déterminé à la fois par les caractéristiques de ce stimulus, mais également par les
informations qui lui sont associées lors de l’apprentissage. Selon ce principe, lors

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Mémoires, représentations et traitements

de l’apprentissage d’une liste de mots, les indices associés à ces mots devraient
alors être aussi efficaces que des mots proches sémantiquement (fig. 1.31) pour
permettre le rappel.

Figure 1.31 – Taux de reconnaissance pour les trois


contextes de rappel en fonction des trois contextes
d’apprentissage (d’après Tulving et Thomson, 1971).

Ils ont testé cette hypothèse dans une expérience où les sujets devaient apprendre
une liste de mots présentés pendant une seconde. Les sujets ont été répartis dans
trois groupes pour manipuler le contexte d’apprentissage. Dans le premier groupe,
les mots étaient présentés de façon isolée. Dans le deuxième groupe, les mots
étaient précédés d’un mot fortement associé (associatif +), par exemple le mot table
était précédé du mot chaise. Dans le troisième groupe, le contexte d’apprentissage
était constitué d’un mot faiblement associé (associatif –), par exemple « chemise »
précédant « table ». Les sujets ont ensuite été soumis à un test de reconnaissance
dans l’un des trois contextes. Les résultats présentés dans la figure 1.31 permettent
de voir que le contexte d’apprentissage n’a pas d’effet sur le taux de reconnais-
sance si les mots sont présentés isolément au moment de la reconnaissance. En
revanche, dans les deux autres conditions, la performance est nettement améliorée
si le contexte de reconnaissance est le même que le contexte d’apprentissage. Ce
principe a été repris et systématisé par (Tulving, 1983) dans sa théorie de l’ecphorie
(selon laquelle le rôle du contexte d’encodage serait d’autant plus important que
la trace mnésique est faible) et permet de mieux comprendre en quoi le contexte
peut influencer l’apprentissage et la récupération des informations.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

Exercices
QCM
1. D’après les résultats de l’expérience de Sperling (1960), la capacité de la
mémoire sensorielle est plutôt…
a) plus importante que pour la mémoire à court terme.
b) moins importante que pour la mémoire à court terme.
c) sensiblement la même que pour la mémoire à court terme.
2. L’empan mnésique se définit par…
a) la rapidité de l’encodage en mémoire à court terme.
b) la capacité de stockage en mémoire à court terme.
c) la durée de stockage en mémoire à court terme.
3. La capacité de la mémoire de travail dépend de…
a) la rapidité d’encodage.
b) l’intelligence.
c) du mode de récupération de l’information.
4. Dans leur expérience, Peterson et Peterson (1959) ont fait apprendre une liste
de lettres à des sujets, suivie d’un comptage à rebours. Leurs résultats montrent…
a) que le taux de rappel est fonction de la rapidité d’encodage.
b) que le taux de rappel décroît rapidement si la boucle articulatoire ne peut
être mise en œuvre.
c) que le taux de rappel dépend de la capacité de la mémoire de travail.
5. Parmi les propriétés suivantes, laquelle caractérise la mémoire à court terme ?
a) Codage sémantique.
b) Accès direct.
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c) Capacité faible.
6. Parmi les propriétés suivantes, laquelle caractérise la mémoire à long terme ?
a) Codage plutôt acoustique.
b) Capacité illimitée.
c) Instabilité de l’information.
7. Quelle notion doit-on à Bisseret (1970) ?
a) La mémoire opérationnelle.

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Mémoires, représentations et traitements

b) La boucle articulatoire.
c) La mémoire sensorielle.
8. Quel est l’auteur de la notion de calepin visuo-spatial ?
a) Miller.
b) Baddeley.
c) Cowan.
9. Comment peut-on caractériser le rythme de balayage en mémoire de travail ?
a) Il est constant.
b) Il dépend de la capacité de la mémoire de travail.
c) Il dépend de la rapidité d’encodage.
10. Mettez en correspondance les auteurs et les facteurs influençant la fixation
en mémoire à long terme à l’étude desquels ils ont contribué.
1. Atkinson (1972) A. Profondeur de traitement
2. Rundus (1970) B. Organisation du matériel à apprendre
3. Mandler (1967) C. Répétition mentale
4. Craik et Lockart (1972) D. Stratégies de répétition mentale

11. Quel auteur a proposé un modèle moniste de la mémoire ?


a) Tulving.
b) Cowan.
c) Broadbent.
12. Dans le modèle de la mémoire de travail de Baddeley, l’administrateur central
fonctionne…
a) en parallèle.
b) en réseau.
c) de façon séquentielle.
13. Quelle procédure Miller a-t-il utilisée pour mesurer l’empan mnésique ?
a) Il a présenté une liste de longueur variable avant un test de reconnaissance.
b) Il a fait répéter une liste d’items avant une épreuve de rappel différé.
c) Il a présenté une liste continue avant une épreuve de rappel immédiat.
14. Quelle est la nature des registres sensoriels dans le modèle de Sperling (1967) ?
a) Ils sont de nature précatégorielle.
b) Ils sont de nature implicite.
c) Ils sont de nature informelle.

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Les mémoires ■ Chapitre 1

15. En mémoire à long terme, l’activation correspond…


a) à l’explicitation de l’information.
b) au passage de la mémoire de travail à la mémoire à long terme.
c) à la disponibilité de l’information.

Définitions
Définissez les concepts suivants en cinquante mots maximum : encodage –
mémorisation – profondeur de traitement – interférence – effet de primauté
– amorçage sémantique – mémoire procédurale

Texte lacunaire
Complétez le texte suivant.
La mémoire de travail. Dans l’étude de la mémoire, jusque dans les années 1950
et 1960, deux types de conceptions de la mémoire se sont affrontés. Selon les
tenants de la conception [A], soutenue notamment par les partisans de [B], les
mécanismes de mémorisation ne relèvent que d’un seul type de mémoire. À l’in-
verse, les tenants de la conception [C] ont défendu l’idée que la mémorisation faisait
intervenir plusieurs types de mémoires. Leurs arguments reposent notamment sur
la mise en avant des phénomènes attentionnels et [D].
La distinction entre [E] et [F] repose sur un ensemble de travaux qui mettent
en évidence l’effet différencié de plusieurs facteurs en fonction du délai de rappel.
On peut ainsi mettre en évidence que la répétition n’a pas d’effet pour un délai [G],
tandis qu’elle augmente le taux de rappel pour un délai [H]. On peut aussi distin-
guer ces deux types de mémoires du point de vue de leur capacité de stockage. En
mémoire à long terme, elle paraît illimitée, tandis qu’en mémoire à court terme,
elle est de l’ordre de [I] lorsqu’elle est mesurée en continu. La forme de codage
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

permet aussi de distinguer ces deux types de mémoires. Ainsi, en mémoire à court
terme le codage [J] est prépondérant, tandis qu’en mémoire à long terme, c’est le
codage [K] qui semble privilégié.
Un autre argument, plus décisif, concerne les processus de récupération de
l’information. Ainsi, [L] a montré que l’accès à l’information en mémoire de travail
s’effectuait de manière [M]. Le temps de réponse varie en fonction de [N] et non de
[O] de l’item à reconnaître dans la liste. De plus, ce processus de récupération de
l’information en mémoire de travail mobilise des ressources attentionnelles. En ce
qui concerne la mémoire à long terme, [P] ont montré avec une tâche de détection

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Mémoires, représentations et traitements

d’items que contrairement à la mémoire de travail, les temps de récupération de


l’information en mémoire à long terme ne variaient pas en fonction [R]. L’accès en
mémoire à long terme serait donc un processus [S] et automatique.

Questions de réflexion
1. Quels arguments justifient la distinction entre mémoire à court terme et
mémoire à long terme ?
2. En quoi l’apprentissage par cœur peut-il être une mauvaise façon d’apprendre ?
3. Quels sont les facteurs facilitant la fixation en mémoire à long terme ?

Lectures conseillées
BADDELEY A. (1993). La Mémoire humaine : NICOLAS S. (2016). La Mémoire. Paris : Dunod,
théorie et pratique. Grenoble : Presses 2e édition.
Universitaires de Grenoble (PUG). TIBERGHIEN G. (1997). La Mémoire oubliée.
L IEURY A. (2021). Psychologie de la Bruxelles : Pierre Mardaga.
mémoire : histoire, théories et expé- CAMOS V., et BARROUILLET P. (2022). La Mémoire
riences. Malakoff : Dunod, nouvelle de travail. Théories, développement
présentation. et pathologies. Mardaga.

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Chapitre 2
Les représentations

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Sommaire
1. La notion de représentation .............................................................. 85
2. Les représentations imagées............................................................. 86
3. Les représentations propositionnelles .............................................. 94
4. Les représentations liées à l’action................................................... 119
Exercices ............................................................................................... 136
Lectures conseillées .............................................................................. 139

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Les représentations ■ Chapitre 2

1. La notion de représentation
Dans le chapitre précédent, nous avons évoqué à plusieurs reprises la notion de
représentation. Le moment est venu de préciser cette notion et d’examiner d’un
peu plus près quelques travaux empiriques qui s’y rapportent. De façon géné-
rale, la notion de représentation désigne les contenus de la ou des mémoire(s) se
rapportant à un objet, une situation ou un événement. Cette première définition
est volontairement imprécise et il convient pour l’affiner d’explorer ses différents
sens en psychologie, mais aussi les différents termes qui sont utilisés pour en parler.

1.1 Représentations transitoires et permanentes


Il existe un consensus relativement important sur la distinction entre deux sortes
de représentations : les représentations transitoires et les représentations perma-
nentes. Cette distinction repose bien sûr sur le type de mémoire dans laquelle sont
stockées ces représentations, mais pas seulement.
Les représentations élaborées en mémoire de travail sont construites de façon
transitoire, pour une situation donnée et avec un objectif défini. Elles corres-
pondent donc à une interprétation de la situation par le sujet. Cela peut être l’image
mentale qu’on se construit d’une figure ou d’un tableau, ce qu’on a compris d’un
texte qu’on vient de lire ou d’une consigne. La construction de ce type de repré-
sentation fait bien sûr intervenir les éléments perçus dans la situation, mais aussi
les informations récupérées en mémoire à long terme permettant de donner du
sens à ces éléments. Le terme d’interprétation pour désigner ces représentations
transitoires pose cependant quelques problèmes, car il est employé par certains
auteurs pour désigner le processus d’élaboration et par d’autres pour désigner
son résultat. C’est pourquoi certains auteurs ont proposé de désigner ces repré-
sentations transitoires en utilisant le terme de représentation occurrente (Le Ny,
1979) ou de structure circonstancielle (Erlich, 1985). D’autres réservent le terme
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’interprétation au processus et le terme de représentation au résultat de l’inter-


prétation (Richard, 1998).
Les représentations stockées en mémoire à long terme correspondent à des
représentations stabilisées. Dans ce cas, la notion de représentation renvoie aussi
bien aux souvenirs en mémoire épisodique qu’aux connaissances ou croyances en
mémoire sémantique. La distinction entre connaissances et croyances fait référence
soit au caractère avéré de la représentation (d’un point de vue externe au sujet) soit
au degré de certitude qu’il lui accorde (point de vue interne au sujet). Toutes ces
représentations permanentes ont besoin d’être activées pour être disponibles à un

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Mémoires, représentations et traitements

moment donné. Comme pour les représentations transitoires, la terminologie peut


varier d’un auteur à un autre. Ainsi, Le Ny (1979) utilise le terme de représentation
type pour désigner l’ensemble des représentations en mémoire à long terme, alors
qu’Erlich (1985) lui préfère la notion de structure permanente. Richard (2004)
réserve pour sa part les termes « connaissance » et « croyance » pour désigner les
contenus de la mémoire à long terme.

1.2 Les formes de représentation


Indépendamment de la mémoire dans laquelle elles se trouvent, les représen-
tations peuvent revêtir différentes formes. Nous distinguerons dans ce cours trois
grandes formes de représentations : les représentations imagées, les représentations
propositionnelles et les représentations liées à l’action.
Les représentations imagées se distinguent des autres formes de représentations
par leur caractère analogique. Ces représentations servent à coder les informations
visuelles comme la disposition spatiale d’objets, leur forme, leur couleur, etc. Nous
verrons cependant dans la suite de ce cours que les représentations imagées ne
constituent pas des copies perceptives du réel. Ces représentations peuvent même
avoir un certain degré d’abstraction.
Les représentations propositionnelles correspondent à un codage propositionnel
de la réalité. Ces représentations sont donc très liées au langage. Elles expriment
notre savoir sur les propriétés des objets qui nous entourent et sur les relations
que ces objets entretiennent.
Les représentations liées à l’action concernent deux aspects de l’action. Le
premier est relatif à notre savoir déclaratif sur l’action et correspond à l’aspect
sémantique. Le second est relatif à l’exécution de l’action et concerne ce que nous
avons appelé précédemment le savoir procédural, c’est-à-dire un savoir implicite
sur le déroulement et le contrôle de l’action.

2. Les représentations imagées


2.1 Encodage imagé et/ou verbal ?
Dans le chapitre consacré à la mémoire de travail, nous avons vu que des mots,
présentés visuellement, étaient recodés verbalement. Il n’en va cependant pas
toujours ainsi et, selon les situations, certains mots peuvent nous évoquer plus

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Les représentations ■ Chapitre 2

facilement une image que des associations verbales. Si on pense par exemple à un
carré, il est sans doute plus facile de se le représenter visuellement que de penser
que c’est un quadrilatère régulier, possédant des côtés et des angles égaux. Il en
va sans doute tout autrement si on cherche à évoquer la vérité ou la liberté. Ces
deux exemples, on le voit, diffèrent fortement du point de vue de l’abstraction du
concept à se représenter. Paivio (1969) a avancé l’hypothèse selon laquelle c’est
cette dimension « concret/abstrait » qui constitue le déterminant principal dans la
formation des images mentales et explique que les mots concrets soient plus faciles
à mémoriser que les mots abstraits. Pour tester son hypothèse, il a imaginé une
procédure permettant d’évaluer, au moins de façon subjective, la « valeur d’ima-
gerie » d’un ensemble de mots. La procédure consistait à demander aux sujets de
noter sur une échelle la difficulté éprouvée pour se représenter le mot sous forme
d’image mentale. Il a également demandé à ses sujets de fournir en une minute le
plus de mots associés à un mot donné. Il a ainsi obtenu pour chacun des mots une
valeur d’association. Une tâche d’apprentissage de la liste des mots suivie d’une
épreuve de rappel lui a permis d’observer que le rappel était influencé par la valeur
d’imagerie mais pas par la valeur d’association. Il semble en effet que les sujets
aient tendance à utiliser des images mentales plutôt qu’une stratégie verbale pour
mémoriser les mots à forte valeur d’imagerie (Paivio et al., 1968). Selon Paivio,
l’efficacité des images mentales dans la mémorisation s’expliquerait par un double
encodage, à la fois visuel et verbal. Ces deux codages seraient indépendants, l’un
pouvant être oublié sans que l’autre soit perdu, ce qui rendrait compte de la supé-
riorité de la stratégie du codage imagé.
Cette hypothèse n’a cependant pas été confirmée. Partant du principe que le
codage imagé mobilise en mémoire de travail le registre visuo-spatial, Baddeley,
Grant et al. (1975) ont testé l’effet d’une tâche interférente sur la mémorisation de
mots à forte valeur d’imagerie, comparé à la mémorisation de mots plus abstraits.
Selon la théorie du double encodage, les mots fortement imageables devraient solli-
citer le calepin visuo-spatiale et la boucle phonologique. Si c’est le cas, une tâche
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

interférente visuo-spatiale devrait perturber la mémorisation des mots imageables


et pas celle des mots abstraits. La tâche interférente consistait à poursuivre du
doigt une cible visuelle mobile à l’écran. Les sujets étaient ensuite soumis à une
tâche de rappel. Leurs résultats permettent de retrouver la supériorité des mots
fortement imageables. Mais, contrairement à ce qu’on attendrait dans la théorie
du double encodage, la tâche interférente ne perturbe pas davantage la mémori-
sation des mots imageables que la mémorisation des mots abstraits. La supériorité
des images mentales dans la mémorisation relèverait seulement de la richesse
de la représentation en mémoire à long terme des mots concrets et imageables.

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Mémoires, représentations et traitements

Est-il alors pertinent de les différencier des représentations conceptuelles ou bien


ne constituent-elles qu’un épiphénomène des représentations propositionnelles
comme le propose Pylyshyn (1981) ?
S’il paraît difficile de penser un mot imageable sans en même temps accéder
à des informations conceptuelles le concernant, les représentations imagées n’en
possèdent pas moins des caractéristiques tout à fait spécifiques par rapport aux
représentations verbales. Par exemple, les représentations imagées peuvent être
appréhendées globalement, contrairement aux représentations verbales qui sont
contraintes par les propriétés temporelles du codage phonologique. Dans son expé-
rience, Santa (1977) a comparé la mémorisation de figures géométriques (fig. 2.1).
Celles-ci étaient présentées dans la phase d’apprentissage soit sous forme schéma-
tique, soit sous forme verbale, c’est-à-dire remplacées par leur nom. La disposition
des éléments pouvait être linéaire (figures ou mots présentés en ligne) ou respecter
la disposition des éléments présentés lors de l’apprentissage. En phase test, les sujets
étaient soumis à une épreuve de reconnaissance où ils devaient dire si oui ou non
les items étaient les mêmes qu’à l’apprentissage indépendamment de l’ordre dans
lequel on les avait présentés.

Figure 2.1 – Schéma du déroulement de l’expérience de Santa (1977).

Dans les deux conditions, les stimuli tests positifs sont les deux stimuli du haut, avec en gris le stimulus
test pour lequel la reconnaissance est la plus rapide. Pour les deux stimuli tests du bas, la réponse attendue
est négative.

Les résultats de l’expérience montrent qu’avec la présentation de figures géomé-


triques (favorisant un codage imagé) la réponse est plus rapide lorsque la disposition
des éléments est la même que lors de l’apprentissage. En revanche, dans la condition
où les figures sont remplacées par leur nom (et donc favorisent un codage verbal),
la réponse est plus rapide lorsque l’item test respecte le même ordre de lecture
que l’item appris. La représentation imagée retient donc les propriétés spatiales,

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Les représentations ■ Chapitre 2

en l’occurrence la disposition des éléments, tandis que la représentation verbale


conserve la temporalité du discours.
Si les représentations imagées conservent certaines propriétés du percept visuel,
elles ne les conservent cependant pas toutes. Ainsi Reed et Johnsen (1975) ont
montré qu’une image mentale n’était pas décomposable, à la différence des images
physiques. Dans la première phase de leur expérience, les sujets devaient mémoriser
une figure géométrique complexe comme une étoile à six branches. Dans la seconde
partie de l’expérience, les sujets étaient soumis à une épreuve de reconnaissance sur
les parties des objets précédemment mémorisés. Deux conditions étaient compa-
rées. Dans la première, les sujets disposaient de la figure géométrique sous les yeux.
Dans l’autre condition, ils devaient explorer l’image mentale qu’ils s’étaient faite
de la figure. Les résultats montrent que la détection correcte des parties est bien
plus fréquente dans la première condition que dans la seconde.
Par ailleurs, une image mentale est parfois une vision idéalisée de la réalité. Un
bon exemple de cela est l’expérience réalisée par Hinton et Parsons (1988) qui ont
demandé à leurs sujets d’imaginer qu’ils tenaient un cube posé sur un de ses coins
et leur ont demandé ensuite si les autres coins étaient alignés horizontalement.
Les sujets ont tendance à répondre affirmativement, même si, comme on le voit
dans la figure 2.2, il n’en est rien.

Figure 2.2 – Un cube posé sur un de ses coins.

2.2 La manipulation d’images mentales


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Une autre série d’arguments sur l’autonomie des représentations imagées par
rapport aux représentations verbales nous vient des études sur le traitement des
représentations imagées.

2.2.1 Récupération d’une image mentale en mémoire de travail


Contrairement aux représentations verbales qui impliquent une récupération
séquentielle (mot après mot) en mémoire de travail, la récupération des images
mentales implique une récupération globale (l’image dans son ensemble). C’est
ce que montre l’expérience de Nielsen et Smith (1973). Dans cette expérience, la

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Mémoires, représentations et traitements

tâche des sujets consistait à reconnaître des visages étudiés précédemment soit à
l’aide d’une description verbale, soit à l’aide d’une description schématique. Les
expérimentateurs ont manipulé le nombre de traits pertinents pour différencier
les visages (fig. 2.3).

Figure 2.3 – Temps moyen de reconnaissance des visages en fonction du nombre


de traits pertinents et du mode de présentation (d’après Nielsen et Smith, 1973).

Les résultats montrent d’une part que la reconnaissance est plus rapide dans
le cas de la présentation schématique que dans le cas de la description verbale.
D’autre part, on observe que le temps de reconnaissance ne varie en fonction
du nombre de traits pertinents que dans la condition « description verbale ». On
comprend bien les résultats pour la description verbale, l’accès à l’information en
mémoire de travail se faisant de façon séquentielle et exhaustive pour le matériel
verbal (Sternberg, 1966). Ces résultats montrent qu’il n’en est pas ainsi pour les
images mentales.

2.2.2 L’exploration des images mentales


Si l’analyse des images mentales est parfois difficile et si elles sont récupérées
globalement, on peut cependant les manipuler et les explorer. Dans une expérience,
Shepard et Metzler (1971) ont demandé à leurs sujets de juger si deux images
d’objets tridimensionnels correspondaient au même objet. Les paires d’images
pouvaient présenter l’objet sous le même angle ou avec une rotation plus ou moins
importante. Ils ont observé que le temps de réponse était une fonction linéaire de
l’angle de rotation. Autrement dit, plus l’angle de rotation est important, plus le
temps de réponse augmente. Ce résultat suggère que l’image mentale d’un objet

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Les représentations ■ Chapitre 2

peut être manipulée comme on manipule l’objet réel et que la rotation de l’objet se
fait à vitesse constante. Cependant d’autres résultats sont venus montrer que sous
certaines conditions, la vitesse de rotation n’était pas constante. Ainsi, Cooper et
Shepard (1973) ont utilisé une procédure similaire à l’expérience précédente, en
remplaçant les formes tridimensionnelles par des lettres de l’alphabet. Ils deman-
daient ensuite aux sujets d’indiquer si l’image présentée était la lettre normale ou
son image en miroir (fig. 2.4). Comme précédemment, le temps de réponse dépend
du degré de rotation de l’image par rapport à la lettre normale, mais la relation
de proportionnalité n’est pas observée. Les connaissances des sujets entrent sans
doute en jeu dans ce phénomène et certaines lettres apparaissent plus sensibles
que d’autres au changement d’orientation (Hock et Tromley, 1978).

À gauche, l’île de Kosslyn et al. (1978). À haut à droite, une lettre en rotation de Cooper et Shepard (1973).
En bas à droite, les formes tridimensionnelles de Shepard et Metzler (1971).

Figure 2.4 – Exemples de matériel utilisé dans les


expériences de manipulation d’images mentales.

On retrouve des résultats similaires à ceux qui sont observés lors de la rotation
mentale dans des tâches d’exploration d’images mentales. Une série d’expériences
de Kosslyn et de ses collaborateurs montrent que le temps mis pour parcourir une
image d’un point à un autre est fonction de la distance séparant les deux points.
Dans l’expérience classique de Kosslyn et al. (1978), les sujets doivent, dans un
premier temps, mémoriser la carte d’une île imaginaire et différents détails carac-
téristiques (position d’un arbre, d’une cabane, etc.). Les sujets sont ensuite soumis
à une tâche de vérification où on leur demande de se prononcer sur la présence
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’un objet en imaginant qu’ils se déplacent sur l’île. Lorsque l’objet est atteint, le
sujet le signale en appuyant sur un bouton. Les résultats montrent que le temps
de réponse est une fonction linéaire de la distance séparant les objets. Ce résultat
a été observé aussi bien dans l’exploration de carte mentale que dans l’exploration
d’images d’objets (Kosslyn, 1980).

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Mémoires, représentations et traitements

2.3 Connaissances et images mentales


Nous avons vu jusqu’à maintenant que les images mentales étaient dotées d’un
certain nombre de propriétés qui les distinguent des représentations verbales.
C’est surtout le caractère analogique des représentations imagées avec le percept
qui constitue la différence cruciale. Cette analogie concerne à la fois des aspects
structuraux (forme, organisation spatiale, propriétés topologiques, etc.) et des
aspects fonctionnels (manipulation des images mentales analogue à la manipula-
tion des objets physiques). Pour autant, l’élaboration et la manipulation des images
mentales ne se confondent pas avec la perception visuelle. Elles constituent, dans les
exemples que nous avons vus, des interprétations de la scène visuelle et semblent
ne conserver qu’une partie des détails de la scène visuelle. C’est ce que montre
une expérience de Nickerson et Adams (1979). Dans cette expérience, les auteurs
ont utilisé quinze dessins d’une pièce de monnaie dont un seul correspondait à
une pièce réelle. Les différences entre les pièces portaient bien sûr sur des détails
comme la position des inscriptions ou le personnage gravé sur l’une des faces. La
tâche des sujets consistait à reconnaître la vraie pièce. Bien que la manipulation de
ces pièces soit quotidienne pour la quasi-totalité des sujets, une grande majorité
d’entre eux échouent. La représentation imagée des pièces que se font les sujets est
relativement pauvre et ne concerne vraisemblablement que des détails permettant
de discriminer ces pièces des autres.
L’élaboration des représentations imagées semble d’ailleurs interagir avec les
autres formes de connaissances que nous avons. Dans une expérience, Chambers
et Reisberg (1992) ont présenté à leurs sujets une figure ambiguë pouvant être
interprétée soit comme un lapin, soit comme un canard. Au moment du test de
reconnaissance, les auteurs présentaient aux sujets une figure modifiée sur un détail
qui orientait l’interprétation soit vers un lapin, soit vers un canard. Leurs résul-
tats montrent que les sujets acceptent plus souvent la figure modifiée conforme à
leur première interprétation et rejettent plus souvent l’autre. Une interprétation
possible de ces résultats est que la dénomination de la figure est venue interférer
avec la représentation imagée. Ce type d’interférence des connaissances proposi-
tionnelles sur la représentation imagée s’observe également lorsqu’on demande à
des sujets de situer géographiquement certaines villes. Ainsi, bon nombre d’Eu-
ropéens imaginent que Berlin est situé au milieu de l’Allemagne parce que le mur
qui séparait autrefois les deux Allemagne passait par Berlin. De même, certains
Américains pensent que Montréal est au nord de Seattle parce que le Canada
est au nord des États-Unis (Stevens et Coupe, 1978). Si les différences observées
par Chambers et Reisberg sont dues à une interférence avec la dénomination de
figures, les sujets devraient conserver une image mentale plus conforme au stimulus

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Les représentations ■ Chapitre 2

si on empêche la dénomination. C’est en effet ce que montre une expérience de


Brandimonte et Gerbino (1993). Ils ont utilisé pour cela une tâche de suppression
articulatoire en demandant aux sujets de fredonner une comptine pendant qu’ils
regardaient l’image. Leurs résultats montrent que les sujets, dans ces conditions,
s’avèrent davantage capables de changer de point de vue sur l’image.
Les connaissances imagées ne concernent cependant pas seulement des scènes
visuelles perçues antérieurement. Elles peuvent constituer de véritables structures
de représentation. C’est le cas notamment de l’utilisation de cartes mentales stoc-
kées en mémoire pour représenter les relations spatiales, entre des objets ou des
lieux. Lorsque nous nous déplaçons quotidiennement dans un bâtiment, nous finis-
sons par en apprendre la topologie et, sous certaines conditions, par être capables
d’en dessiner le plan. L’expérience de Kosslyn et al. (1978), rapportée plus haut,
montre que les relations spatiales et la métrique étaient conservées dans la repré-
sentation sous forme de cartes mentales. Les sujets avaient eu cependant à étudier
la carte au préalable. En est-il de même lorsque cette carte doit être construite à
partir de notre activité dans les lieux ? Thorndyke et Hayes-Roth (1982) ont étudié
l’acquisition des connaissances spatiales de leur environnement de travail chez des
secrétaires. Leurs résultats montrent que la capacité à construire une carte d’en-
semble du bâtiment est très lente, bien que les sujets aient appris à s’y repérer et à s’y
déplacer depuis longtemps. Pour eux, le savoir acquis lors des déplacements sur le
lieu de travail consistait essentiellement en un savoir procédural. Cette interpréta-
tion a été confirmée dans d’autres expériences où ils ont comparé un apprentissage
des lieux à partir d’une carte avec l’apprentissage à partir du déplacement. Ce sont
donc essentiellement les informations sur les itinéraires, les points de repère et les
distances qui sont acquises en se déplaçant dans un lieu, l’apprentissage des infor-
mations sur la configuration nécessitant des inférences supplémentaires puisque
non perçues en tant que telles. C’est effectivement ce que montre leur expérience.
Les auteurs ont analysé les différences entre des sujets ayant eu à se déplacer et des
sujets ayant eu à étudier une carte pour apprendre la topologie d’un immeuble de
bureaux. Après l’apprentissage, les sujets étaient interrogés sur la direction à suivre
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pour aller d’un point à un autre et sur l’estimation des distances entre deux points le
long d’un itinéraire. On leur demandait ensuite d’indiquer la position et la distance
(en ligne droite) entre deux points sur un système de coordonnées euclidien (un
quadrillage). Les deux premières tâches concernaient plutôt les connaissances
sur l’orientation dans l’espace, tandis que les secondes interrogeaient plutôt les
connaissances sur la configuration. Comme on peut s’y attendre, les sujets ayant
eu à se déplacer dans le bâtiment étaient plus performants dans les tâches d’orien-
tation que dans les tâches sur la configuration. C’est bien sûr l’inverse pour les
sujets ayant eu à étudier la carte. Cependant, si on répétait la mesure quelque

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Mémoires, représentations et traitements

temps après, laissant ainsi le loisir aux sujets qui se déplacent dans l’immeuble de
parfaire leurs connaissances des lieux, la différence entre les deux groupes de sujets
pour les tâches sur la configuration (repérage euclidien) diminuait sensiblement,
montrant une construction très progressive de la carte mentale des lieux chez les
sujets. Cette carte était cependant très schématique, même si elle permettait de
mémoriser des relations spatiales très précises. Une étude approfondie de ce type
de représentation nous est fournie par Pailhous (1970) à propos de la construc-
tion de la représentation d’une ville par des chauffeurs de taxi parisiens. Cette
étude montre que les chauffeurs disposent bien d’une représentation imagée de la
ville similaire à une carte mentale, mais que celle-ci se limite aux grands axes de
circulations (périphérique, boulevards, etc.). Cette représentation correspond à ce
que Pailhous a appelé le réseau de base. La connaissance des quartiers est stockée
sous la forme de réseaux secondaires annexés au réseau de base. L’identification
du trajet à suivre se fait par activation du réseau de base et du réseau secondaire
concerné. L’itinéraire est alors choisi en sélectionnant la route qui forme l’angle
minimal avec la direction du point visé sur le réseau de base.

3. Les représentations propositionnelles


Un certain nombre de nos représentations ont cette propriété de pouvoir être
exprimées à l’aide du langage. Elles permettent de communiquer sur le monde
qui nous environne, mais aussi sur notre ressenti, c’est-à-dire le monde intérieur
qui nous constitue. Ces représentations sont donc très liées au langage sans toute-
fois pouvoir se confondre avec celui-ci. Ces représentations sont constituées de
structures d’interprétation qui permettent de guider le codage propositionnel
des objets et des événements que nous rencontrons, mais aussi nos activités de
compréhension notamment dans l’élaboration de la représentation d’un texte. Elles
sont également constituées de connaissances beaucoup plus générales formant les
structures conceptuelles sur lesquelles nous nous appuyons pour construire nos
interprétations.

3.1 Les structures propositionnelles d’interprétation


Les structures propositionnelles d’interprétation ont surtout été étudiées dans le
cadre des recherches sur la compréhension de textes et, par extension, des activités
langagières. L’élément de base des structures propositionnelles est la proposition,
dont la forme élémentaire comprend un prédicat et un argument pour former une

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Les représentations ■ Chapitre 2

structure prédicative. Ces structures prédicatives sont ensuite mises en relation


avec d’autres structures prédicatives pour former des structures d’interprétations
complexes. On peut distinguer deux grandes sortes de structures d’interprétations
complexes : les réseaux propositionnels qui, avec les macrostructures, constituent
des mises en relation de structures prédicatives contenues dans un texte, et les
modèles situationnels, qui constituent une catégorie un peu à part, en raison de
leurs liens avec les formes imagées de représentations.

3.1.1 La structure prédicative


Le langage est avant tout un outil de communication dont le but est de partager
des idées que nous avons sur un certain nombre de sujets. Cette petite phrase
introductive nous permet de pointer deux notions fondamentales et constitutives
de la structure prédicative : le prédicat et l’argument. En psychologie, la notion
de prédicat désigne la partie de la proposition élémentaire qui exprime les idées
(prédicat) que l’on a sur un sujet (argument). Par exemple, dans la phrase : « le
canari est jaune », le sujet dont je parle est le canari et ce que j’en dis, c’est qu’il est
jaune. Le prédicat est donc « JAUNE » et l’argument est « CANARI ». Ce couple
prédicat et argument forme une proposition élémentaire ou structure prédicative.
La structure prédicative se définit alors comme un énoncé minimal auquel on
peut attribuer une valeur de vérité, c’est-à-dire qu’on peut déclarer comme vrai
ou faux. Dans un texte, il y a autant de propositions élémentaires que de prédicats
puisqu’une structure prédicative ne peut contenir qu’un prédicat. Par convention,
les structures prédicatives sont notées en commençant par le prédicat, écrit en
majuscule, suivi de son ou de ses arguments. Dans notre exemple, il faudrait noter :

JAUNE (canari)

Le rôle de prédicat peut être tenu par des mots relevant de catégories gram-
maticales très différentes (nom ou groupe nominal, verbe, adjectif, etc.). Il en est
de même pour les arguments qui, bien qu’étant la plupart du temps des noms,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

peuvent également être des propositions. En voici quelques exemples empruntés


à Ghiglione et al. (1995) :

« L’oiseau chante » ⇒ CHANTER (oiseau).


« Socrate est un philosophe » ⇒ PHILOSOPHE (Socrate).
Jean est heureux ⇒ HEUREUX (Jean).
Les oiseaux gazouillent dans les buissons.
P1 GAZOUILLER (oiseaux).
P2 DANS (P1, buissons).

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Mémoires, représentations et traitements

Les structures prédicatives peuvent servir à exprimer des états en attribuant


une propriété à un sujet comme nous l’avons fait dans l’exemple du canari jaune.
Cette propriété peut être exprimée à l’aide d’un adjectif, comme dans l’exemple
précédent, ou à l’aide d’un verbe. Par exemple, « le soleil brille » correspond à la
structure prédicative BRILLE (soleil).
Le prédicat peut exprimer des relations (spatiales, temporelles, notionnelles, etc.)
entre deux objets. Dans ce cas, le prédicat possède deux arguments. Par exemple :
« Jean est plus fort que Pierre » est l’expression de la structure prédicative PLUS
FORT (Jean, Pierre). Notons au passage que dans les prédicats à plus d’un argument,
l’ordre des arguments dans la notation est important, sous peine de contresens.
Les structures prédicatives servent aussi à exprimer des événements grâce à
l’utilisation des verbes notamment. Les événements se définissent comme des
transformations d’états. Ces prédicats peuvent posséder un ou plusieurs arguments.

Exemple de prédicat unaire : « La glace fond » qu’on peut transcrire par FOND
(glace).
Exemple de prédicat binaire : « La pierre dévale la pente » DÉVALE (pierre,
pente).

Enfin lorsque les événements sont causés par un agent, c’est-à-dire un sujet
doté d’une intention et contrôlant l’événement, on parle alors de prédicat d’action.

Exemple : « Paul écrit une lettre », qui donne sous forme prédicative ÉCRIT
(Paul, lettre).

Bien que le terme de proposition soit souvent employé comme synonyme de


structure prédicative, celle-ci ne doit pas être confondue avec la proposition gram-
maticale. Une proposition grammaticale peut en effet contenir une ou plusieurs
structures prédicatives. Ainsi, dans la phrase : « Le canari jaune survole les forêts
verdoyantes », nous avons trois structures prédicatives :

JAUNE (canari).
VERDOYANTES (forêts).
SURVOLE (canari, forêts).

Par ailleurs, une même structure prédicative peut être réalisée dans le langage
de bien des façons. Ainsi, la structure prédicative suivante : FRAPPER (Jean, Paul)
peut correspondre aux phrases suivantes :

96

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Les représentations ■ Chapitre 2

Jean a frappé Paul.


Paul a été frappé par Jean.
C’est Jean qui a frappé Paul.
C’est Paul qui a été frappé par Jean.

Le découpage du contenu d’un texte en structures prédicatives a connu un grand


succès en psychologie cognitive. D’une part parce qu’il permet une analyse très fine
du contenu d’un texte, y compris des propositions implicites du texte et ce de façon
relativement objective, mais surtout parce qu’il permet d’analyser ce qu’un sujet
peut restituer d’un texte en le résumant ou simplement en le rappelant (Kintsch,
1987 ; Le Ny, 1991). En voici un exemple emprunté à Kintsch et van Dijk (1978) :

« Une série d’affrontements violents et sanglants entre la police et les membres


du parti des Black Panthers ponctua les premiers jours de l’été de 1969. »
P1 SÉRIE (affrontements).
P2 VIOLENTS (affrontements).
P3 SANGLANTS (affrontements).
P4 AFFRONTEMENT ENTRE (police, P5).
P5 DU PARTI (membres, Black Panthers).
P6 PONCTUER (P4, P7).
P7 PREMIERS (jours, P8).
P8 1969 (été).

La pertinence de ce type d’analyse du texte a été montrée dans de nombreuses


expériences (Denhière, 1984 ; Le Ny, 1979). Par exemple, Kintsch (1974) a présenté
des sujets des phrases comportant le même nombre de mots en faisant varier
le nombre de propositions sous-jacentes et montré que le temps de lecture est
fonction du nombre de propositions. Mais la plausibilité psychologique de ce type
d’analyse ne vaut que pour les textes très courts comme nous allons le voir avec les
réseaux propositionnels. En effet, ces structures sont supposées être construites en
mémoire de travail dont la capacité est limitée. Les propositions sont également
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

hiérarchisées en fonction de leur importance dans le texte. Ainsi, dans l’exemple


ci-dessus la proposition P4 apparaît centrale dans le sens du texte. Les proposi-
tions 1, 2, 3 et 6 le sont un peu moins, tandis que les propositions P7 et P8 sont
accessoires. Elles n’ont donc pas toutes le même statut. Les plus importantes sont
celles qui seront retenues lors de la lecture d’un texte plus long.

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Mémoires, représentations et traitements

3.1.2 Réseaux propositionnels et macrostructures


Pour construire la représentation d’un texte plus long, il faut donc que les diffé-
rentes informations soient intégrées dans une représentation unifiée. C’est le rôle
des structures complexes d’interprétation que sont les réseaux propositionnels et
les macrostructures.

‡ Les réseaux propositionnels


Les réseaux propositionnels correspondent à la mise en relation des différentes
propositions du texte. En effet, il est assez peu raisonnable de penser que, lorsqu’on
lit un texte ou lorsqu’on entend un discours, on se construit une représentation
indépendante de chaque proposition lue ou entendue. C’est plutôt une représenta-
tion unique de ce que dit le texte ou le discours qui va être construite. Dans ce cas,
on peut penser qu’il est très difficile à un sujet de faire la différence, dans une tâche
de reconnaissance, entre des phrases simples et des phrases complexes combinant
plusieurs phrases simples telles que celles présentées précédemment. Bransford et
Franks (1971) ont testé cette hypothèse dans une expérience originale devenue un
classique. Dans cette expérience, une série de textes est déclinée en phrases simples
(sujet, verbe et complément), en doublets (phrases complexes combinant deux
phrases simples), en triplets (phrases complexes combinant trois phrases simples)
et en quadruplets (combinaison de quatre phrases simples). Voici un exemple de
texte et de ses déclinaisons :
• phrases simples :

Les pierres dévalent la montagne.


Les pierres détruisent la cabane.
La cabane est branlante.
La cabane se trouvait à la lisière du bois.
• doublets :

Les pierres qui dévalèrent la montagne détruisirent la cabane.


Les pierres détruisirent la cabane branlante.
La cabane branlante se trouvait à la lisière du bois
• triplets :

Les pierres qui dévalèrent la montagne détruisirent la cabane branlante.


Les pierres détruisirent la cabane branlante à la lisière du bois.
• quadruplet :

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Les représentations ■ Chapitre 2

Les pierres qui dévalèrent la montagne détruisirent la cabane branlante à la


lisière du bois.

Leur expérience se déroule en deux phases. Dans un premier temps, on présente


aux sujets deux phrases simples, deux doublets et deux triplets de chaque série. Puis
les sujets sont soumis à une tâche de reconnaissance dans laquelle on leur présente
des phrases précédemment vues, des phrases non présentées et appartenant aux
textes expérimentaux et des phrases n’appartenant pas au matériel expérimental.
Leur tâche consiste à dire si oui ou non ils ont vu les phrases dans la première
phase, tout en indiquant sur une échelle de 1 à 5 leur degré de certitude. Comme
on s’en doute, les phrases n’appartenant pas au matériel expérimental sont reje-
tées. En revanche, on observe beaucoup d’erreurs pour les phrases appartenant
au matériel, certaines phrases non vues étant reconnues à tort. De plus, le degré
de confiance augmente avec la complexité des phrases. Ce sont les quadruplets,
que les expérimentateurs n’ont pas présentés aux sujets, qui sont reconnus à tort
avec le plus de certitude. Ces résultats sont tout à fait conformes à l’hypothèse
de la construction d’une représentation unique du texte mettant en relation les
différentes propositions qui la composent.
Cette mise en relation, ou intégration, est supposée se faire au fur et à mesure
de la lecture du texte. On peut la représenter graphiquement sous la forme d’un
réseau dans lequel les nœuds correspondent aux prédicats et aux arguments. Selon
Haviland et Clark (1974), les processus de compréhension du discours consistent
en un traitement continu de l’information donnée en entrée, de façon à la « raccro-
cher » à l’information déjà connue. La figure 2.5 présente une représentation du
processus de construction du réseau propositionnel pour un ensemble de quatre
phrases.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 2.5 – Intégration de quatre phrases dans un réseau propositionnel.

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Mémoires, représentations et traitements

À la lecture de chaque phrase (pointillés horizontaux), les propositions sont


ajoutées au réseau et mises en relation avec les informations du réseau propo-
sitionnel construit précédemment. On comprend aisément que, si les phrases
sont présentées dans un ordre différent, les étapes d’intégration de l’information
sémantique vont être différentes, même si la représentation finale est la même.
Si cette hypothèse est correcte, l’ordre de présentation des propositions est le
facteur déterminant la représentation construite à chaque étape et si un ordre
logique est respecté, les sujets devraient rappeler plus souvent les textes à l’aide
de phrases complexes (conformément à l’expérience précédente). C’est ce qu’ont
voulu tester Hupet et le Bouedec (1977). Pour cela, ils ont construit sept ensembles
de quatre phrases simples semblables à celles que nous avons vues plus haut et les
ont présentées à leurs sujets à deux reprises en faisant varier l’ordre de présen-
tation des phrases. Dans une des conditions, les histoires étaient présentées les
unes après les autres (condition non mixée : NM). Dans une seconde condition,
les phrases étaient présentées dans l’ordre original, mais en mixant les histoires.
L’expérimentateur présentait ainsi d’abord les phrases 1 de toutes les histoires,
puis toutes les phrases 2, ensuite toutes les phrases 3 et enfin toutes les phrases 4
(condition mixée ordonnée : MO). Dans une troisième condition, les phrases étaient
présentées dans un ordre aléatoire (condition ordre aléatoire : OA). L’expérience
était présentée aux sujets comme une tâche de reconstitution de puzzle de phrases,
certaines de ces phrases pouvant être associées à d’autres phrases pour former des
idées complexes. Les sujets devaient à la fin de l’expérience énoncer les idées en
question. Deux variables étaient mesurées : le nombre d’histoires rappelées et la
complexité des phrases construites pour les rappeler. La complexité était opération-
nalisée par le nombre de phrases simples que les phrases construites combinaient.

Figure 2.6 – Nombre moyen d’histoires énoncées en fonction


de la complexité des énoncés et de la condition de présentation
(NM = non mixé ; MO = mixé ordonné ; OA = ordre aléatoire).

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Les représentations ■ Chapitre 2

Dans le premier essai (à gauche dans la figure 2.6), on voit clairement que la
condition de présentation affecte la performance des sujets. Dans la condition
« ordre aléatoire », les sujets produisent moins d’énoncés et des énoncés plus
simples. Dans le groupe ayant eu des histoires mixées, les résultats sont moins
bons que dans le groupe ayant eu les histoires non mixées. Lors du deuxième
essai (à droite dans la figure 2.6), les résultats montrent que les conditions NM et
MO ne diffèrent pas beaucoup. Par ailleurs le nombre d’histoires rappelées et la
complexité des énoncés sont bien plus importants dans les conditions où l’ordre des
propositions est respecté (NM et OM) que dans la condition « ordre aléatoire ». Ces
résultats sont donc cohérents avec l’idée selon laquelle la construction du réseau
propositionnel se fait progressivement dans l’ordre de présentation des phrases.
Si la représentation sous la forme d’un réseau propositionnel possède une
certaine plausibilité d’un point de vue psychologique pour les textes brefs, il n’en
va pas de même pour des textes plus longs comme un roman ou le présent cours.
On imagine assez aisément que la taille du réseau va croître très rapidement avec le
nombre de propositions stockées, dépassant largement les capacités de la mémoire
de travail.

‡ Les macrostructures
Pour rendre compte à la fois des traitements et de la représentation finale d’un
texte, Kintsch et van Dijk (1978) ont développé un modèle de la compréhension
de textes. Ce modèle propose que la construction de la représentation finale d’un
texte se fasse par cycles dans lesquels les propositions sont intégrées à une repré-
sentation unique en fonction de leur place dans la hiérarchie des propositions et
des liens qu’elles entretiennent avec les autres propositions. Au cours de ces cycles,
certaines de ces propositions sont maintenues en mémoire et d’autres sont élimi-
nées. Le résultat de ces traitements est une représentation schématique, conservant
les propositions les plus importantes du texte. Cette représentation est appelée
macrostructure. La macrostructure résultant des processus de compréhension ne
dépend pas seulement du texte, mais également des connaissances du sujet, de ses
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

buts au moment de la lecture. La macrostructure constitue donc un résumé corres-


pondant à l’interprétation du texte par le sujet. Les propositions qui constituent
la macrostructure sont appelées « macropropositions ». Celles-ci peuvent être des
propositions du texte ou de nouvelles propositions construites à partir de celui-ci.
Plusieurs mécanismes entrent en jeu dans l’élaboration de la macrostructure :
• La suppression des propositions qui ne sont pas nécessaires à l’interprétation
d’une autre proposition. Par exemple, « Ludivine possède une voiture rouge »
peut s’analyser en deux propositions : POSSÈDE (Ludivine, voiture) et ROUGE
(voiture). Le mécanisme de suppression permet d’omettre la seconde proposition.

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Mémoires, représentations et traitements

• La généralisation d’un ensemble de propositions en une proposition globale


qui les représente. Par exemple, la phrase « Jacques a des leçons à réviser et
des devoirs » contient les propositions suivantes : P1 AVOIR (Jacques, P3) ; P2
À RÉVISER (leçons) ; P3 ET (P2, devoirs). Celles-ci peuvent être résumées par
généralisation en une seule proposition : AVOIR (Jacques, travail).
• La construction d’une nouvelle proposition dénotant un fait global dont les
propositions du texte sont des conditions, des constituants ou des conséquences
habituels. Dans la phrase « Karine ouvre son garage puis monte dans sa voiture
et démarre », nous avons les propositions : P1 OUVRIR (Karine, garage) ; P2 Puis
(P3) ; P3 ET (P4, P5) ; P4 MONTER DANS (Karine, voiture) ; P5 DÉMARRE
(Karine, voiture). L’ensemble de ces propositions peut être remplacé par une
proposition exprimant le résultat de toutes ces actions : SORTIR DE (Karine,
voiture, garage).
La probabilité de rappel d’une proposition après la lecture d’un texte dépend de
la place de la proposition dans la macrostructure. Plus une proposition est géné-
rale, plus elle est liée à d’autres propositions du texte. Elle sera donc utilisée plus
souvent au cours des cycles de traitement. Plusieurs expériences de Kintsch et al.
ont permis de vérifier ces prédictions et de montrer la plausibilité psychologique
de ce type de représentation (Kintsch, 1988 ; van Dijk et Kintsch, 1983).

3.1.3 Les modèles situationnels


Peut-on pour autant réduire la compréhension d’un texte, et du discours en
général, à un simple calcul propositionnel ? Il semble que ce ne soit pas toujours
possible. Bransford et Johnson (1972) nous apportent des éléments de réponse
avec un exemple un peu caricatural parce que très artificiel. Dans leur expérience,
les sujets avaient à mémoriser un texte puis à juger de sa difficulté avant d’en
rappeler un maximum d’idées. Trois conditions sont comparées : sans présenta-
tion du dessin, présentation du dessin avant ou après le texte (fig. 2.7). Le texte
est bien sûr très éloigné de ce qu’on considère habituellement comme un texte
clair. La formulation est volontairement très générale et imprécise. La situation
est également très curieuse et inhabituelle, de sorte que la seule lecture du texte
rend sa compréhension très difficile.
D’après l’analyse qu’en font les auteurs, ce texte comprend quatorze idées plus
ou moins faciles à retenir. Les résultats de l’expérience montrent que dans les
groupes « sans image » et « image après », le nombre moyen d’idées rappelées est
très faible (en moyenne 3,6 sur 14). La présentation d’une image avant la lecture du
texte fait plus que doubler la performance (en moyenne 8 idées sur 14), même si
ce score reste encore faible du fait de la difficulté du texte. Ces résultats suggèrent

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Les représentations ■ Chapitre 2

que la représentation d’un texte, dans un certain nombre de cas, ne se réduit pas à
la seule représentation propositionnelle. L’image, dans cet exemple, vient donner
sa cohérence au texte, qui sans cela est difficile à comprendre et à mémoriser. Une
simple analyse propositionnelle s’avère également insuffisante pour rendre compte
de la représentation construite, notamment lors de la compréhension de relations
spatiales entre les objets. Dans une autre expérience, Bransford et al. (1972) ont
présenté à leurs sujets une série de phrases décrivant des relations spatiales entre
différents objets. Les phrases sont relativement simples et ne diffèrent pas du point
de vue du nombre de propositions qu’elles expriment. Les sujets doivent lire les
phrases, ils sont ensuite soumis à une épreuve de reconnaissance.

Figure 2.7 – Traduction du texte et image utilisée par Bransford


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et Johnson (1972) (reproduit avec autorisation).

Voici des exemples des phrases utilisées et l’analyse propositionnelle qui en est
faite :

Trois tortues se reposaient sur un tronc flottant et un poisson nageait en dessous


d’elles.
Trois tortues se reposaient sur un tronc flottant et un poisson nageait en
dessous.

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Mémoires, représentations et traitements

Trois tortues se reposaient à côté d’un tronc flottant et un poisson nageait en


dessous d’elles.
Trois tortues se reposaient à côté d’un tronc flottant et un poisson nageait en
dessous.

Ces quatre exemples partagent un certain nombre de propositions :

P1 TROIS (tortues)
P2 SE REPOSER (P1)
P3 FLOTTANT (tronc)
P4 NAGER (poisson)

Mais ils diffèrent par deux propositions portant sur les relations spatiales entre
les objets. Nous les présentons dans le tableau 2.1.

Tableau 2.1 – Propositions 5 et 6 dans les quatre exemples de matériel utilisé


par Bransford et al. (1972).
P5 sur (P2, P3) P5 à côté (P2, P3)
P6 au-dessous (P5, P1) Phrase (1) Phrase (3)
P6 au-dessous (P5, P3) Phrase (2) Phrase (4)

Les auteurs ont observé que les confusions étaient importantes entre les phrases
1 et 2, qui ne diffèrent que par le deuxième argument de la proposition P6. On
pourrait s’attendre à ce que les confusions entre 3 et 4 soient également importantes
puisqu’elles diffèrent également sur une seule proposition. Pourtant les résultats
montrent que les confusions sont bien moins importantes pour cette deuxième
paire. La scène décrite dans les phrases 1 et 2 est la même. En revanche, les relations
entre les objets ne sont pas les mêmes dans les phrases 3 et 4. Pour s’en rendre
compte, il faut construire une image de la scène. Les résultats se comprennent
alors si on fait l’hypothèse que les sujets utilisent lors de la reconnaissance une
représentation imagée de la scène décrite par les phrases. De telles représentations
ne sont pas construites seulement dans les situations d’interprétation de relation,
mais également lors de l’interprétation d’action. Stanfield et Zwaan (2001) ont
présenté des phrases relatant l’action de planter un clou soit dans un mur, soit
dans le sol, puis présenter, parmi d’autres objets, l’image d’un clou orienté soit
horizontalement, soit verticalement en leur demandant si l’objet avait été évoqué
dans la phrase précédente. Quelle que soit cette dernière, la réponse est positive
est correcte. Pourtant, les sujets répondent plus vite lorsque l’orientation du clou
correspond à l’action décrite dans la phrase. Comprendre un texte, ce n’est donc
pas simplement comprendre les mots qui la composent, c’est aussi se représenter

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Les représentations ■ Chapitre 2

la situation qu’elle dénote. Ce type de représentation a été dénommé « modèle de


situation » (van Dijk et Kintsch, 1983), notion très proche de la notion de « modèle
mental » de Johnson-Laird (1983), bien que cette dernière s’applique à un ensemble
plus large de situations (raisonnement, conceptions du monde physique et de l’en-
vironnement technique). Outre leur champ d’application, une différence notable
les distingue cependant. Pour Van Dijk et Kintsch, les représentations proposi-
tionnelles constituent une composante à part entière de la représentation, ce qui
n’est pas le cas dans la conception de Johnson-Laird. Dans le cadre de ce cours,
nous nous en tiendrons à la notion de modèle de situation.
Les modèles de situations sont des représentations hybrides comportant à la
fois des informations imagées et des informations propositionnelles. Ils conservent
les relations spatiales entre les objets (ou permettent de les construire comme
dans le cas des exemples sur les tortues). Ils peuvent également permettre de se
représenter des relations causales ou temporelles. Ils constituent une particulari-
sation des informations du texte, contrairement aux macrostructures qui sont des
représentations générales. Par ailleurs, les modèles de situations nécessitent des
inférences qui ne sont pas faites de manière automatique. La construction d’un
modèle n’est cependant pas faite systématiquement et dépend beaucoup du but
du sujet lors de la lecture.

3.2 Les structures conceptuelles


Nous avons vu, avec les structures d’interprétations propositionnelles, la
construction de l’interprétation d’un texte ou d’un discours. Ces structures d’in-
terprétations ne pourraient cependant pas fonctionner sans un recours à nos
connaissances et à nos croyances stockées en mémoire à long terme, ne serait-ce,
a minima, que la connaissance de la signification des mots. Ces connaissances
et croyances sont organisées et forment notre mémoire sémantique. Elles nous
permettent de donner du sens aux événements que nous rencontrons. Les éléments
de base qui la composent sont les idées et conceptions que nous avons à propos des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

objets, au sens large du terme, qui nous entourent. Ces représentations élémen-
taires sont ce que nous appelons les concepts. Ces derniers sont organisés par
différentes relations qui structurent nos connaissances et nous permettent à la fois
de distinguer et de rapprocher les objets en fonction de leurs traits distinctifs ou de
leurs points communs, mais également de faire des inférences sur des propriétés
de ces objets qui ne sont pas directement observées.

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Mémoires, représentations et traitements

3.2.1 La notion de concept


Dans un dessin désormais célèbre, Magritte représente une pipe et intitule son
tableau : Ceci n’est pas une pipe. Le paradoxe apparent de ce tableau vient du fait que
la représentation a toutes les caractéristiques de l’image qu’on peut se faire d’une
pipe, alors que « ceci » désigne le tableau et non l’objet représenté dans le tableau,
contrairement à l’usage dans le choix du titre d’un tableau. La question posée par
cet exemple est celle de la catégorisation d’un objet particulier dans une situation.
Qu’est-ce qui fait que l’objet qui est entreposé dans mon garage est reconnu comme
une voiture ? Pourquoi l’animal qui jappe à côté de moi est-il identifié comme étant
un chien et plus particulièrement le mien ? Ils correspondent à l’idée que je me
fais de ce qu’est une pipe, dans l’exemple de Magritte, d’une voiture ou d’un chien
pour les deux autres exemples. L’idée que je me fais de ces objets est associée à
de nombreuses informations : le mot qui les désigne, s’il y en a un, un ensemble
de propriétés, les catégories dans lesquelles je peux les ranger, etc. Ces idées sont
des concepts. Nous avons pris soin de prendre nos exemples dans des objets de
la vie quotidienne. En effet, les concepts dont nous parlons ici sont les catégories
naturelles, par opposition aux catégories scientifiques. Il s’agit ici d’étudier les
représentations que nous avons de notre environnement qui font que nous avons
tendance à utiliser le même mot pour désigner une classe d’objets et à leur prêter,
à tort ou à raison, les mêmes propriétés. Cette notion a fait l’objet de nombreux
débats en psychologie et peut être abordée selon des points de vue différents.

3.2.2 Le point de vue logique


La tradition logique, qu’on peut faire remonter à Aristote, définit un concept
comme une catégorie d’objets partageant les propriétés qui définissent la catégorie.
Si on me demande ce qu’est un chien, j’ai deux façons de répondre. La première
consiste à communiquer ce que je sais du chien et qui me paraît pertinent pour
faire comprendre l’idée que je m’en fais à mon interlocuteur. La seconde façon
est de montrer une série de chiens. Le concept est ainsi défini sous deux formes :
• son intension, c’est-à-dire l’ensemble des propriétés nécessaires et suffisantes
pour dire qu’un objet appartient à une catégorie. Le concept de chien peut ainsi
être défini par un ensemble d’attributs comme c’est un quadrupède, il aboie, il
a des canines saillantes, etc. ;
• son extension, c’est-à-dire tous les objets que je peux ranger dans cette catégorie.
De ce point de vue, le concept de chien sera défini par tous les chiens que j’ai
pu rencontrer.
Les concepts généraux correspondent à une intension réduite, c’est-à-dire à peu
de propriétés. Leur extension est alors plus importante. À l’inverse, les concepts

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Les représentations ■ Chapitre 2

spécifiques possèdent une intension beaucoup plus riche (beaucoup de propriétés)


et une extension plus réduite. Par ailleurs, les catégories entretiennent entre elles
des relations d’inclusion. Ainsi, la catégorie des « labradors » est incluse dans la
catégorie des « chiens ». Cela veut dire, du point de vue de l’intension, que les
propriétés des chiens se retrouvent dans la définition intensionnelle des labradors.
On parle alors d’héritage de propriétés. Par ailleurs, l’extension de la catégorie des
labradors est incluse dans l’extension de la catégorie des chiens, autrement dit tous
les labradors appartiennent à la catégorie des chiens.
Le point de vue logique a connu un certain succès en psychologie et cela pour
plusieurs raisons. Les catégories y sont homogènes, clairement délimitées et l’ap-
partenance à une catégorie apparaît toujours décidable. Les catégories définissent,
en effet, des classes d’équivalence entre les objets (un chien particulier est un chien
au même titre que n’importe quel chien) et les propriétés nécessaires et suffisantes
définissant la catégorie qui permet de décider si oui ou non un objet particulier
appartient à la catégorie.

‡ Les réseaux sémantiques


D’un point de vue logique, l’organisation des concepts peut se représenter
sous forme d’un réseau sémantique organisé hiérarchiquement sur la base des
relations d’inclusion de classes. C’est à Collins et Quillians (1969) qu’on doit les
premières représentations de ce type. Dans un réseau sémantique, les nœuds sont
des concepts et les liens, ou arcs, représentent les relations d’inclusion entre les
concepts. À chaque nœud ou concept sont associées ses propriétés spécifiques,
c’est-à-dire les propriétés qui n’appartiennent qu’à cette classe.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 2.8 – Un réseau sémantique (d’après Collins et Quillians, 1969).

Dans l’approche de Collins et Quillians, le réseau sémantique est un arbre


hiérarchique, c’est-à-dire que les sous-catégories (ou nœuds subordonnés) ne
peuvent être incluses que dans une seule catégorie (ou nœud superordonné).
Plusieurs arguments expérimentaux sont venus étayer cette approche. Ceux-ci

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Mémoires, représentations et traitements

concernent en premier lieu le rôle de l’organisation catégorielle dans la mémo-


risation que nous avons déjà évoquée plus haut, mais c’est dans des tâches de
vérification de propriétés ou de relations d’appartenance qu’on trouve les argu-
ments les plus convaincants. Un résultat devenu classique montre que le temps
de décision dépend de la distance à parcourir dans le réseau pour répondre. Cette
distance est opérationnalisée en termes de nombre d’arcs à parcourir. Ainsi, les
sujets mettent plus de temps à vérifier qu’un canari est un animal (deux arcs à
parcourir) que pour vérifier qu’un canari est un oiseau (un seul arc à parcourir). De
la même façon, il faut aux sujets plus de temps pour vérifier une propriété générale,
stockée au niveau superordonné, à propos d’un exemplaire spécifique, que pour
vérifier une propriété spécifique à cet exemplaire. Ainsi, les sujets mettent plus
de temps à vérifier la proposition « le canari a une peau » qu’à vérifier « le canari
peut chanter ».

‡ Limites du modèle logique


L’approche de Collins et Quillians a suscité beaucoup d’intérêts, notamment
parce qu’elle fournissait un modèle de la mémoire sémantique très économique.
La redondance de l’information y est en effet limitée grâce au principe d’héritage
de propriétés. Cependant plusieurs prédictions du modèle sont contredites par
les résultats empiriques. Ainsi, un des points importants de l’approche logique
est l’équivalence entre les exemplaires d’une catégorie. Selon le modèle, un canari
est un oiseau au même titre qu’une autruche ou un pingouin. En conséquence, le
temps de vérification devrait être le même pour « un canari est un oiseau » que
pour « une autruche est un oiseau », or il n’en est rien. Il faut moins de temps pour
vérifier la première proposition que pour vérifier la seconde (Rosch, 1973). Si les
exemplaires d’une catégorie sont supposés être équivalents dans le modèle logique,
il en est de même des catégories, qui ont toutes le même statut. Aucune catégorie
ne se trouve privilégiée par rapport à une autre (Cordier, 1981). Il s’ensuit qu’on
ne sait pas très bien pourquoi on préfère à certains moments employer le terme
d’animal ou d’oiseau pour désigner un canari. Cette préférence a même une certaine
généralité, puisque l’observation selon laquelle les sujets usent plus facilement du
terme « chien » pour dénommer un chien que des termes comme « animal » ou
« mammifère » a été rapportée à plusieurs reprises (Brown, 1958 ; Rosch, 1973).
Par ailleurs, le temps de vérification ne dépend pas toujours de la distance entre
les catégories. Ainsi, il faut plus de temps pour vérifier « un chimpanzé est un
primate » que pour vérifier « un chimpanzé est un animal ». Une autre difficulté,
et non des moindres, est la difficulté à définir les catégories en termes conjonction
de propriétés nécessaires et suffisantes. Geeraerts (1988) a illustré cette difficulté
sur la catégorie des oiseaux (tableau 2.2).

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Les représentations ■ Chapitre 2

Le tableau 2.2 permet de voir que les exemplaires partagent trois propriétés
dont aucune n’est suffisante pour distinguer les oiseaux d’autres espèces. Il existe
des animaux ovipares qui ne sont pas des oiseaux (les reptiles ou les poissons par
exemple) et des animaux qui ont un bec sans être des oiseaux (l’ornithorynque
par exemple). Les autres traits caractéristiques ne sont pas partagés par tous les
exemplaires.

Tableau 2.2 – Propriétés attribuables à un ensemble d’oiseaux


(d’après Geeraerts, 1988).
Propriétés/exemplaires Moineau Poussin Autruche Pingouin Kiwi
Animal Oui Oui Oui Oui Oui
Ovipare Oui Oui Oui Oui Oui
A un bec Oui Oui Oui Oui Oui
Capable de voler Oui
A des ailes Oui Oui Oui Oui
A des plumes Oui Oui Oui

3.2.3 Le modèle du prototype


Les limites du modèle logique ont conduit un certain nombre de chercheurs
à rompre avec l’approche logique en termes de propriétés nécessaires et suffi-
santes. Parmi ces chercheurs, Eleonor Rosch a été la plus influente. Son approche
se présente en rupture avec la précédente sur un certain nombre de points.

‡ Typicité des exemplaires


Tout d’abord les exemplaires d’une catégorie ne sont plus considérés comme
équivalents (Rosch, 1973). Certains apparaissent comme plus typiques de la caté-
gorie que d’autres. Cette idée permet de rendre compte du fait qu’on décide plus
rapidement de l’appartenance à la catégorie « oiseau » pour les canaris que pour les
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

autruches. Elle permet également de rendre compte du fait que lorsqu’on demande
à des sujets de citer des exemplaires d’une catégorie, leur réponse n’est pas aléa-
toire. Ce sont les exemplaires les plus typiques qui sont cités en premier. Ainsi,
Battig et Montague (1969) ont demandé à leurs sujets d’énoncer des exemplaires
de différentes catégories. Pour la catégorie des oiseaux, le rouge-gorge est cité dix
fois plus fréquemment que la poule. Pour les légumes, la carotte est citée vingt fois
plus souvent que le persil. Ces résultats sont corrélés avec les résultats d’autres
techniques d’évaluation de la typicité comme faire juger sur une échelle de repré-
sentativité un ensemble d’exemplaires (Rosch, 1975).

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Mémoires, représentations et traitements

‡ L’exemplaire prototypique
Une autre idée importante introduite par Rosch est la notion de prototype. Pour
elle et ses collaborateurs, le jugement d’appartenance à une catégorie ne se fonde
pas sur la présence d’un certain nombre de propriétés, mais sur la ressemblance à
un exemplaire ayant un statut particulier : le prototype. Ce prototype est un exem-
plaire qui constitue le meilleur représentant de la catégorie. Ainsi, si on admet que
le rouge-gorge est le prototype de la catégorie « oiseau », le jugement d’apparte-
nance se fondera sur une comparaison avec le prototype. Un canari apparaît alors
plus facilement comme un oiseau qu’une autruche parce qu’il ressemble plus à un
rouge-gorge que l’autruche. Rosch et Mervis (1975) ont testé cette idée en compa-
rant pour un même ensemble d’objets les propriétés énumérées et les jugements
de typicité. Dans leur expérience, ils donnaient aux sujets vingt exemplaires dans
cinq catégories (mobilier, fruits, armes, légumes, vêtements), soit un total de cent
items. Un premier groupe devait énoncer en 90 secondes le plus de propriétés
possibles pour chacun des exemplaires. Le second groupe devait juger de la typicité
des exemplaires pour les catégories. Les résultats permettent d’observer que les
propriétés communes à tous les exemplaires d’une catégorie sont très rares. Par
ailleurs, plus un exemplaire est typique, plus il partage de nombreuses propriétés
avec les autres exemplaires de la catégorie. Le prototype apparaît donc comme
l’exemplaire le plus semblable aux autres exemplaires de la catégorie, mais aussi
comme le moins semblable aux exemplaires des autres catégories.

‡ Le niveau de base
Une autre caractéristique du modèle du prototype est que les catégories n’ont pas
toutes le même statut. Rosch et al. (1976) proposent de donner un statut privilégié
à un niveau d’abstraction particulier : le niveau de base.

Les objets du niveau de base sont les catégories les plus inclusives dont
les membres : a) possèdent un nombre significatif d’attributs en commun,
b) ont des programmes moteurs qui sont semblables les uns aux autres,
c) ont des formes similaires, et d) peuvent être identifiés à partir des
formes moyennes des membres de la classe (Rosch et al., 1976, p. 382 ;
traduction de Kleiber, 1990, p. 84).

Cette définition permet d’opposer le niveau de base et le niveau subordonné au


niveau superordonné par le fait que dans les deux premiers, une représentation
imagée est possible. Il est possible de dessiner un chien ou un épagneul. Dessiner un
animal est beaucoup plus difficile, sauf à représenter un animal particulier. Niveau
subordonné et niveau de base s’opposent également au niveau superordonné par le

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Les représentations ■ Chapitre 2

fait qu’aux deux premiers niveaux, les objets partagent des programmes moteurs
communs qui définissent leur utilisation ou les interactions possibles avec ces
objets. Ainsi, à la catégorie « chaises » est associée une façon caractéristique de les
utiliser (propriétés fonctionnelles), tout comme la catégorie « chaises pliantes »
possède également son mode d’utilisation particulier. En revanche les interactions
possibles avec les exemplaires de la catégorie « meubles » ne peuvent être définies
pour l’ensemble de la classe, sauf à considérer une classe de meubles particuliers.
Une autre caractéristique différencie le niveau subordonné et le niveau de base.
Lorsqu’on demande aux sujets de faire la liste des propriétés associées à chacune
des catégories, c’est pour le niveau de base que le nombre de propriétés est le
plus important. Au niveau superordonné, on s’en doute, ce nombre est plus faible
(puisque l’extension est plus grande) mais au niveau subordonné, l’augmentation
du nombre de propriétés par rapport au niveau de base est relativement faible. Le
niveau de base se présente donc comme le niveau qui véhicule le plus d’informa-
tions sur la catégorie, maximisant ainsi les similitudes entre les exemplaires dans la
catégorie et minimisant les similitudes avec les autres catégories (Rosch et al., 1976).

Tableau 2.3 – Exemples de catégories à chacun des trois niveaux.


Niveau superordonné Animal Fruit Légume Meuble
Niveau de base Chien Pomme Choux Chaise
Chaise
Niveau subordonné Labrador Golden Chou-fleur
pliante

L’existence d’un niveau de base est étayée par plusieurs arguments expérimen-
taux. Ainsi, Rosch et al. (1976) ont montré que pour dénommer un objet, on le
faisait préférentiellement au niveau de base. Dans le même ordre d’idée, la caté-
gorisation se fait plus rapidement au niveau de base qu’à un autre niveau. Ainsi,
lorsqu’on présente aux sujets le dessin d’un labrador, ils répondent plus vite pour
dire « c’est un chien » que pour dire « c’est un labrador ». Par ailleurs, les catégories
du niveau de base seraient acquises très tôt chez l’enfant, alors que les catégories
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

superordonnées seraient plus tardives.

‡ Des limites catégorielles floues : la ressemblance de famille


Une dernière conséquence importante de la conception de Rosch sur les caté-
gories est que les limites des catégories sont mal définies. L’appartenance à une
catégorie repose en effet sur la ressemblance avec le prototype, exemplaire particu-
lièrement représentatif de la catégorie. Or la ressemblance est une notion continue.
Un exemplaire ressemble plus ou moins au prototype. Il en découle que les catégo-
ries ne forment plus des catégories discrètes (c’est-à-dire séparées) mais continues.

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Mémoires, représentations et traitements

Le jugement d’appartenance ne peut donc plus se faire en termes de vrai ou de


faux, mais doit introduire des gradations dans les réponses. En voici des exemples
empruntés à Kleiber (1990).
a) Un moineau est un oiseau (vrai).
b) Un poussin est un oiseau (moins vrai que a).
c) Un pingouin est un oiseau (moins vrai que b).
d) Une chauve-souris est un oiseau (faux ou très loin de vrai).
e) Une vache est un oiseau (absolument faux).
Ces exemples illustrent bien le caractère flou des catégories dans l’approche de
Rosch. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que tous les exemplaires d’une
catégorie ne partagent pas le même ensemble de propriétés, on peut se demander
comment ces catégories se forment. Pour résoudre ce problème, Rosch et Mervis
(1975) empruntent à Wittgenstein (1953) la notion de « ressemblance de famille »
pour expliquer que les différents exemplaires d’une catégorie se trouvent reliés sous
une même dénomination, sans pour autant recourir à un ensemble de propriétés
nécessaires et suffisantes. Selon cette hypothèse, un objet A peut être relié à un
objet B parce qu’ils partagent des traits communs (un canari et une autruche ont des
plumes). De la même façon, l’exemplaire B peut être relié à un exemplaire C (une
autruche et un kiwi ne sont pas domestiqués), etc. Le résultat est qu’autour d’un
prototype se forment des « zones » d’appartenances catégorielles qui définissent
la proximité avec le prototype.

Figure 2.9 – Un exemple de catégorisation fondée


sur les ressemblances de proche en proche.

Nous donnons dans la figure 2.9 un exemple de catégorisation fondée sur les
relations de ressemblance. Dans cet exemple, les exemplaires partagent des carac-
téristiques communes deux à deux, sans qu’aucune caractéristique commune à
l’ensemble puisse être trouvée. Le jeu d’échecs apparaît comme un prototype
de la notion de jeu car il partage des caractéristiques avec le plus grand nombre
d’exemplaires.

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Les représentations ■ Chapitre 2

‡ Les limites du modèle du prototype


Nous avons vu que le modèle du prototype rejetait une conception analytique
des catégories fondées sur des propriétés nécessaires et suffisantes. Les exemplaires
apparaissent plus ou moins ressemblants au prototype. Ceci constitue une des
forces, mais également une des faiblesses de ce modèle. La notion de prototype
permet, en effet, de traiter les exceptions, mais de ce fait donne aux catégories des
contours plus flous et pose des problèmes pour rendre compte des décisions d’ap-
partenance aux catégories. Les exemplaires apparaissent, en effet, plus ou moins
proches du prototype qui définit la catégorie. Pour autant, peut-on dire d’un chat
borgne et boiteux qu’il est moins un chat qu’un autre qui aurait l’usage de ses deux
yeux et de tous ses membres ?
Par ailleurs, le modèle des prototypes ne permet pas de rendre compte des
catégories construites sur des conjonctions de concepts, puisqu’il est difficile de
rendre compte de l’appariement à un prototype. « Pour décider si une entité peut
être décrite comme un chien jaune ou non, on ne s’appuie pas sur la comparaison
avec le meilleur exemplaire de chien jaune » (Kleiber, 1990).

3.2.4 Les aménagements de l’approche logique


Les limites du modèle du prototype ont conduit un certain nombre d’auteurs
à revenir à l’approche logique en aménageant deux de ses principales caractéris-
tiques : la définition intensionnelle et la structure des catégories en réseau.

‡ Propriétés essentielles et propriétés caractéristiques


Un aménagement de la définition intensionnelle des concepts a été proposé
dans le modèle des comparaisons de traits de Rips, Shoben et Smith. (1973). Ils
proposent de rendre compte des notions de typicalité et de prototype de Rosch à
l’aide d’un modèle de traits. Plutôt que de définir les concepts à partir d’une liste
de propriétés nécessaires et suffisantes, dont nous avons vu plus haut les difficultés,
ces auteurs ont proposé de distinguer des propriétés essentielles et des propriétés
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

caractéristiques.
Les propriétés essentielles sont les propriétés inévitables pour décider de l’ap-
partenance d’une entité à une catégorie. Ce sont donc des propriétés nécessaires,
mais pas suffisantes. Pour les oiseaux, par exemple, ces propriétés essentielles sont :
avoir des ailes, avoir des plumes et un bec, être ovipare.
Les propriétés caractéristiques sont des propriétés fréquentes pour les membres
de la catégorie, mais qui ne sont pas obligatoires. Elles ne sont donc ni nécessaires,
ni suffisantes, mais sont vraies pour la plupart des exemplaires. Pour reprendre

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Mémoires, représentations et traitements

l’exemple des oiseaux, les propriétés caractéristiques pourraient être, par exemple :
capable de voler, insectivore, construit un nid.
Dans leur modèle, les auteurs font l’hypothèse que la vérification de l’appar-
tenance à une catégorie se fait sur la base d’une comparaison des propriétés de
l’exemplaire avec les propriétés de la catégorie. Par exemple, pour décider qu’un
rouge-gorge est un oiseau, il faut comparer la liste des propriétés du rouge-gorge et
la liste des propriétés des oiseaux. Si la première partage suffisamment de propriétés
avec la seconde, alors la réponse est positive. Dans les cas moins évidents, comme
« l’autruche est un oiseau », la vérification est restreinte dans un second temps
aux seules propriétés essentielles. Ce modèle permet ainsi de rendre compte du
fait que les jugements pour les exemplaires les plus typiques sont plus rapides. Il
permet également de redéfinir la notion de distance sémantique. Rappelons que
dans l’approche logique, la distance entre deux concepts est définie par le nombre
d’arcs à franchir dans le réseau sémantique. Dans le modèle du prototype, cette
distance est définie par la proximité avec le prototype. Le modèle de comparaison
de traits permet de donner un sens plus précis à cette notion de proximité à travers
le nombre de propriétés partagées et surtout explique pourquoi certains exem-
plaires apparaissent plus proches de la catégorie que d’autres. Dans une expérience,
Rips et ses collaborateurs ont étudié la distance entre les concepts au moyen d’une
tâche d’évaluation de similarité. La tâche consistait à estimer la similitude entre
les concepts présentés par couple.

Figure 2.10 – Analyse multidimensionnelle des jugements


de similarité pour les catégories d’oiseaux et de mammifères
(d’après Rips, Shoben et Smith, 1973).

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Les représentations ■ Chapitre 2

Deux catégories ont été étudiées : les oiseaux et les mammifères. Les résultats
des jugements de similarité ont été analysés à l’aide d’une méthode d’analyse multi-
dimensionnelle permettant de représenter dans un plan l’ensemble des jugements
de similitude (fig. 2.10). On remarquera que les animaux domestiques sont plutôt
dans la partie supérieure du graphique, tandis que les animaux sauvages sont plutôt
situés dans la partie inférieure. De la même façon, les animaux situés sur la droite
des catégories sont plutôt des animaux de petite taille, relativement aux animaux
situés à gauche. Cela suggère que ce sont bien les propriétés des animaux qui
sont utilisées pour faire les jugements de similarité. Les exemplaires proches de la
catégorie peuvent être vus comme des prototypes de celle-ci.
Une des critiques à l’encontre du modèle de Rips et al. concerne le fait que la
classification repose sur un calcul du degré de similarité. Si on comprend bien
que pour la catégorisation de nouveaux éléments ce calcul est nécessaire, pour les
concepts familiers cela semble moins évident. Dans ce cas, il paraît beaucoup plus
économique d’un point de vue cognitif d’utiliser les relations entre les concepts
stockés en mémoire. Si nous connaissons les pommes comme faisant partie de la
catégorie des fruits, il n’est alors plus nécessaire de comparer leurs propriétés pour
décider si l’assertion « une pomme est un fruit » est vraie.

‡ Le modèle de diffusion de l’activation


Les faiblesses de l’approche logique et ses concurrents ont conduit Collins et
Loftus (1975) à formuler des aménagements à l’approche logique. Le premier de
ces aménagements concerne la structuration du réseau sémantique, qui n’est plus
un arbre hiérarchique mais un simple réseau de relations où les arcs représentent
la proximité sémantique entre des concepts. Le deuxième aménagement est la
valuation des arcs. La longueur de ceux-ci est proportionnelle à la similarité entre
les concepts qu’ils relient. Autrement dit, plus des concepts sont proches, plus l’arc
est court. À l’inverse, des concepts éloignés seront reliés par un arc long. Enfin, le
troisième aménagement à l’approche logique est relatif à la nature des relations
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

entre les concepts. Dans la version initiale de Collins et Quillians (1969), seule la
relation d’implication était prise en compte dans la structuration du réseau. Dans
le modèle de diffusion de l’activation, les relations entre les concepts sont plus
diversifiées. Les principales relations sont les suivantes :
• une appartenance catégorielle (un canari est un oiseau) ;
• des relations de possession (un canari a des ailes) ;
• des relations de capacités (un canari peut voler).
Le modèle admet également des relations négatives pour rendre compte des
exceptions (par exemple, « une autruche ne peut pas voler »). L’hypothèse centrale

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Mémoires, représentations et traitements

défendue par les auteurs dans ce modèle est que l’activation d’un concept se diffuse
de façon décroissante à travers le réseau. Ainsi, lorsqu’on traite un concept, par
exemple celui de « pomme », celui-ci est activé, c’est-à-dire rendu disponible pour
le sujet. Mais cette activation ne s’arrête pas au concept traité, elle se propage aux
concepts proches (par exemple les poires et les cerises) sémantiquement tout en
diminuant à mesure qu’on s’éloigne du concept de départ.

3.2.5 Schémas et scripts


Avec les structures de représentations conceptuelles, nous avons vu essentielle-
ment des organisations de connaissances fondées sur la relation d’inclusion. Il s’agit
en fait de structures où les objets sont considérés d’un point de vue holistique. Ce
point de vue conduit alors à se focaliser sur les propriétés qui définissent la classe
à laquelle l’objet appartient. Mais ces objets peuvent également être vus comme
des entités composites. Ce point de vue conduit alors à se focaliser sur les parties
composant le tout. La relation qui structure les connaissances est alors une relation
d’une autre nature : il s’agit d’une relation partie-tout qu’on va retrouver dans des
structures de connaissances telles que les schémas ou les scripts.

‡ La notion de schéma
La notion de schéma désigne des structures de représentation fondées sur la
relation entre les parties et le tout que forment ces parties. On trouve les premières
utilisations de ce concept appliquées à la psychologie dans les travaux de Bartlett
(1932). Selon cet auteur, les schémas sont des structures de représentation
permettant à la fois de rendre compte des connaissances des sujets, mais aussi
de l’interprétation qu’ils construisent et des inférences qu’ils produisent en appli-
quant ces connaissances au monde qui les environne. Ainsi, nous avons tous une
représentation schématique de ce qu’est une table, un objet de mobilier constitué
d’un plateau et de pieds supportant ce plateau. Lorsqu’on en voit une, il n’est pas
nécessaire d’en percevoir toutes les composantes. On peut ainsi facilement inférer
que cette table a plusieurs pieds, même si on ne les perçoit pas directement. On peut
même être surpris de ce que la table en question n’ait qu’un pied central, contrai-
rement à la représentation qu’on s’en faisait. Cette notion de schéma a également
été appliquée à des activités cognitives plus complexes comme la compréhension
de textes, pour expliquer que dans certains cas, une histoire lue soit reconstruite
pour correspondre à ce que l’on sait ou croit savoir du monde.
La notion de schéma a cependant été laissée de côté durant de nombreuses
années (il faut se souvenir qu’à l’époque, c’est l’approche béhavioriste qui domine)
pour n’être reprise et développée que dans les années 1970, parallèlement dans le
champ de la psychologie et de l’intelligence artificielle. Par exemple, Rumelhart

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Les représentations ■ Chapitre 2

(1975) a repris l’étude de la mémorisation d’histoires en étendant la notion de


schéma de Barlett. Dans le champ de l’intelligence artificielle, Minsky (1975) se
réapproprie la notion sous l’appellation de « cadre » (frame). La notion de schéma
est également proche de la notion de script (Schank et Abelson, 1977). Nous revien-
drons dans le paragraphe suivant sur cette dernière notion.
Les schémas se distinguent des autres structures conceptuelles par un certain
nombre de caractéristiques. Richard (2004) en distingue quatre :
• Les schémas constituent des blocs de connaissances autonomes et récupérés
comme tels en mémoire (Corson, 1987). Toutes les informations composant
le schéma qui nous permet de nous représenter une voiture, par exemple, sont
récupérées simultanément. Autrement dit, lorsqu’on évoque une voiture, c’est
avec ses roues, ses portes, sa carrosserie qu’on la pense spontanément.
• Les schémas expriment des connaissances déclaratives. Ils peuvent donc être
exprimés verbalement. Ils ne constituent cependant pas une définition d’un
concept, mais contiennent un certain nombre d’informations sur lesquelles on
va pouvoir s’appuyer pour construire une représentation et faire des inférences
ou agir sur le monde. Nous possédons ainsi des représentations schématiques
des objets qui nous entourent, mais aussi des représentations schématiques de
certains événements ou actions (nous y reviendrons avec la notion de scripts).
Nous possédons également des schémas de récits sur lesquels on peut s’appuyer
pour comprendre des histoires (voir, plus bas, les grammaires de récits).
• Les schémas sont des structures complexes. S’ils peuvent être évoqués indépen-
damment les uns des autres, ils peuvent également se combiner pour former
des schémas plus larges. On peut ainsi avoir une représentation schématique
d’un visage avec ses différentes parties (yeux, nez, bouche, etc.) mais également
avoir une représentation schématique des parties. Par exemple les yeux sont
composés de paupières, d’un iris, d’une pupille, etc.
• Les schémas constituent des connaissances générales abstraites qui ne repré-
sentent pas un objet particulier, par exemple le fauteuil de mon bureau, mais
une classe d’objets (les fauteuils en général). Ils comportent ainsi un certain
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nombre d’éléments variables permettant de spécifier la représentation pour


un objet particulier. On parle alors d’instanciation des variables. Par exemple,
la représentation schématique d’un chien, avec sa truffe, ses oreilles, ses pattes
et sa queue, possède un certain nombre d’éléments d’information susceptibles
de varier d’un chien à un autre comme la forme des oreilles, la taille du chien,
la longueur de sa queue ou la couleur de son pelage. Le degré de généralité
du schéma peut bien sûr être très variable. Si on peut se faire une représenta-
tion schématique de ce qu’est un chien, on peut également s’en faire une d’un
labrador ou d’un caniche.

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Mémoires, représentations et traitements

‡ La notion de script
La notion de script a été introduite par Schank et Abelson (1977) pour rendre
compte de la représentation d’événements ou d’actions communément vécus ou
réalisés. Ces scripts représentent les différents éléments et la succession des actions
nécessaires pour réaliser un but comme aller au restaurant ou prendre un bus.
Les scripts sont des sortes de schémas, ils en ont donc toutes les caractéristiques.
Leur intérêt réside dans le fait qu’ils permettent de rendre compte des inférences
faites face à une situation particulière et également des attentes possibles sur le
déroulement de l’événement ou de l’action. Un script est composé d’un certain
nombre d’entités et d’individus ayant des rôles définis. Ce sont les variables. Le script
contient également les conditions d’application, les résultats attendus, ainsi qu’un
certain nombre d’événements constituant la description de l’activité. En voici un
exemple classique, proposé par Schank et Abelson : le script du restaurant (fig. 2.11).

Figure 2.11 – Un exemple de script : le restaurant


(d’après Schank et Abelson, 1977).

Dans une expérience, Bower, Black et Turner (1979) ont demandé à leurs sujets
de restituer le déroulement d’activités telles qu’aller au restaurant, se rendre au
cinéma, dont on leur avait donné le récit précédemment. L’analyse des protocoles
de rappel montre deux types de distorsions par rapport au récit original :
• les sujets avaient tendance à ajouter au récit original des informations compa-
tibles avec le script ;
• les sujets avaient tendance à réorganiser la succession des détails pour qu’elle
corresponde à l’ordre attendu dans le script.

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Les représentations ■ Chapitre 2

Ces résultats permettent de penser que dans un certain nombre de cas, l’activité
de compréhension repose sur la particularisation d’un schéma ou d’un script qui
sert de support à l’interprétation du récit ou de la situation. Ainsi dans un récit,
certains détails peuvent être omis. S’ils font partie du script, ils seront facilement
inférés. Cependant les scripts ne permettent pas de rendre compte de tout ce qui
est mémorisé lorsqu’on lit un texte. Ainsi Bower et al. (1979) ont noté dans leur
étude que les événements déviants par rapport au script étaient, en général, mieux
mémorisés. Par exemple, le patron a apporté les plats au client dans un restaurant.
Ces histoires comportant des événements déviants par rapport aux scripts sont
généralement jugées plus intéressantes. La compréhension d’un récit ne consiste
donc pas seulement à particulariser un schéma ou un script, mais constitue un
support pour l’interprétation. Un exemple particulièrement illustratif du rôle inté-
grateur du script dans l’interprétation d’un récit nous est donné par Bransford et
Johnson (1972) (traduction de Fayol, 1994, p. 70) :

Que le lecteur étudie le texte suivant une fois, attentivement :


La procédure est tout à fait simple. En premier, vous classez les choses en
groupes selon leur composition. Une pile peut suffire, tout dépend de la quan-
tité. Si vous devez alors faire autre chose, faites-le, sinon vous êtes prêt. Il est
important de ne pas se surcharger. Mieux vaut traiter trop peu de choses en
une fois que trop. À court terme cela peut sembler sans importance mais toute
surcharge risque d’entraîner des complications. Une erreur peut également
coûter cher […].

Ce texte est bien sûr, en première lecture, parfaitement incompréhensible. Un


simple titre, comme « Comment utiliser votre lave-linge », renvoyant à un script
connu peut cependant le rendre parfaitement limpide.

4. Les représentations liées à l’action


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

La troisième forme de représentations que nous présenterons dans cet ouvrage


concerne nos représentations sur l’action. Ces représentations sont celles qui sont
à l’œuvre dans les tâches où l’on doit exécuter l’action, mais aussi dans les situa-
tions où on doit comprendre les actions. La représentation liée à l’action comporte
donc des composantes procédurales qui vont guider l’exécution, mais aussi des
composantes déclaratives qui correspondent au contenu conceptuel associé à
l’action. Ainsi, nous avons des connaissances en mémoire à long terme qui nous
permettent de réaliser une action telle que tailler un crayon, cuisiner une omelette,

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Mémoires, représentations et traitements

faire démarrer une voiture. Ces connaissances sur le ou les modes de réalisation
correspondent aux composantes procédurales. Mais nous sommes également
capables de dire un certain nombre de choses sur cette action, par exemple pour
décrire l’action ou expliquer à quelqu’un comment faire. Ces connaissances, dites
déclaratives, peuvent être plus ou moins précises selon que l’action est décompo-
sable ou non en actions sur lesquelles on a des connaissances déclaratives et selon
le niveau d’expertise.

4.1 La composante procédurale


De ce point de vue, l’action est avant tout un but que le sujet se propose de
réaliser. L’action est également caractérisable par son déroulement et les prérequis
de l’action. Prenons comme exemple l’action de « tailler un crayon ».
Le but de l’action est le résultat souhaité. Une même action peut avoir plusieurs
résultats. Tous ne sont pas désirés, selon les circonstances. Ainsi, dans notre
exemple de la taille du crayon, le but est d’obtenir un crayon dont la mine est
pointue. Cette action a d’autres résultats comme rendre la mine plus fragile, dégager
une section cassée de la mine, raccourcir le crayon. Certains résultats peuvent selon
le contexte être indifférents (la mine est plus fragile, mais mon trait de crayon est
plus léger), non souhaitables (le dégagement de la section cassée de la mine nous
oblige à tailler à nouveau le crayon) ou réalisés pour eux-mêmes (tailler le crayon
pour le raccourcir et le faire entrer dans la trousse).
Le déroulement de l’action correspond à la procédure, c’est-à-dire la suite d’ac-
tions élémentaires à réaliser qui sera mise en œuvre pour réaliser l’action. Dans
notre exemple de la taille du crayon, l’action peut être réalisée de différentes façons
en fonction du type d’outils dont on dispose. Si on possède un taille-crayon simple,
sans réservoir, le déroulement de l’action sera le suivant : prendre le crayon dans
une main, prendre le taille-crayon dans l’autre main, se placer au-dessus d’une
poubelle, introduire le crayon dans le taille-crayon et le faire tourner dans le sens
des aiguilles d’une montre. On comprend aisément que si on dispose d’un taille-
crayon à réservoir, d’un taille-crayon électrique ou d’un simple couteau, la suite
d’action diffère sensiblement.
Les prérequis constituent une autre caractéristique importante de l’action, ce
sont les conditions de réalisation de l’action. Pour reprendre notre exemple de
l’utilisation d’un taille-crayon sans réservoir, les prérequis sont : être à proximité du
crayon, du taille-crayon et de la poubelle ; le diamètre du crayon doit être inférieur
au diamètre du trou du taille-crayon. Si les prérequis ne sont pas satisfaits, il faut
chercher un moyen de les satisfaire ou chercher un autre moyen de parvenir au

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Les représentations ■ Chapitre 2

but. Ainsi, si on n’a pas de poubelle à portée de main, on peut fabriquer un petit
récipient dans lequel on mettra les pelures. Dans le cas où le crayon serait trop
gros pour le taille-crayon, on peut sortir un canif pour le tailler.
Ces différentes composantes n’ont pas la même importance dans la repré-
sentation de l’action et plusieurs arguments conduisent à penser qu’elles sont
hiérarchisées et que cette hiérarchie définit l’ordre d’accès aux informations
(Richard, 2004). Les buts sont ainsi l’aspect de la composante procédurale le plus
facilement accessible. Viennent ensuite les aspects relatifs au déroulement de l’ac-
tion. Enfin les prérequis correspondent aux aspects auxquels un individu accéderait
en dernier.
La prédominance du but dans la représentation de l’action est attestée par
plusieurs résultats expérimentaux dans trois domaines. La première série de résul-
tats concerne le développement du lexique sur l’action chez l’enfant. Lorsqu’on
demande à des enfants d’âge préscolaire de mimer des actions ayant le même
résultat, comme Acheter et Prendre ou encore Vendre et Donner, on observe que
les enfants font la même chose, confondant ainsi les verbes de chaque couple (Clark
et Garnica, 1974 ; Gentner, 1978). Le même type de confusion est observé dans
d’autres types de tâches comme juger de l’usage d’un verbe pour décrire une situa-
tion ou comparer des verbes (Bernicot, 1981 ; Bramaud du Boucheron, 1981). Ces
résultats vont dans le sens d’une acquisition plus précoce du but de l’action. Une
autre série de résultats nous vient de la façon dont les adultes décrivent une procé-
dure. Sebillotte (1988, 1991) a demandé à des secrétaires confirmées d’expliquer
à des débutantes comment faire un certain nombre de tâches. Ces observations
montrent que l’explication commence presque toujours par le but de l’action et
que souvent la description de la procédure n’est obtenue qu’en demandant explici-
tement comment réaliser l’action. Enfin, une dernière série de résultats nous vient
de l’étude de la compréhension des consignes dont les résultats montrent qu’une
procédure est plus rapidement exécutée si le but est indiqué en premier. Ainsi,
l’énoncé : « Fais un wagon en dessinant un rectangle et deux ronds en dessous »
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

est plus facile à comprendre que : « Dessine un rectangle et deux ronds en dessous
pour faire un wagon » (Dixon, 1987).
Si le but apparaît central dans la représentation de l’action, le statut des autres
composantes est tout autre. L’activation des composantes relatives au déroulement
et aux prérequis n’est nécessaire que dans le cas où l’action doit être exécutée, et ces
composantes nécessitent souvent de faire des inférences pour être particularisées
à la situation courante. Ainsi, Köhler et al. (2000) ont montré que les inférences
faites au cours de la lecture d’une notice pharmaceutique dépendent de l’objectif
de la lecture. Dans leur expérience, les sujets avaient à lire une notice informatisée

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Mémoires, représentations et traitements

afin, soit de la mémoriser, soit de préparer les différentes prises de médicament


de la journée. Dans la notice, le sujet disposait de trois informations : la quantité
à prendre en milligrammes, le dosage de chaque comprimé et la posologie en
nombre de comprimés. Pour pouvoir réaliser l’action, il fallait faire une inférence
qui permette de traduire en nombre de comprimés la quantité de médicament
à prendre. Les résultats de l’expérience montrent que cette inférence a été faite
uniquement par les sujets ayant à préparer les différentes prises. Des résultats allant
dans le même sens ont été observés pour des textes de récits (Richard et Verstigeel,
1990 ; Seifert, 1985). Il semble donc que ces aspects de la composante procédurale
ne soient activés et particularisés que lorsque la situation l’exige.

4.2 La composante déclarative


Le savoir déclaratif sur l’action correspond à ce que nous sommes capables de
verbaliser. De ce point de vue, une action peut être définie comme une modifi-
cation du cours naturel des choses par un agent pour réaliser un but. Le cours
naturel des choses est l’évolution de l’environnement indépendamment de toute
intervention de l’agent. Ce peut être un état (un arbre est planté dans mon jardin)
ou un processus conduisant à un changement d’état (les rochers dévalent la pente).
L’agent désigne, de façon générale, une entité, donc pas forcément un humain,
doué d’une intention, c’est-à-dire qu’il est orienté vers un but et peut contrôler
son action. À partir de cette définition, l’action pourra être caractérisée par quatre
aspects :
• Le type d’intervention sur le cours naturel des choses : selon que les situations
évoluent ou non de façon autonome, on distingue les situations statiques (état)
et les situations dynamiques (évolutive). Dans le cas d’un état, l’action peut
consister soit à le changer (Paul peint ses volets) soit à faire en sorte qu’il ne
change pas (le coureur conserve son avance sur le peloton). Dans le cas des
situations dynamiques, l’action peut consister soit à interrompre ce changement
(l’infirmière arrête l’hémorragie), soit à faire en sorte que ce changement ne
s’interrompt pas (le gendarme laisse passer les voitures).
• Le type d’état ou de processus de changement : ce sont les caractéristiques des
entités sur lesquelles porte l’action. On peut caractériser une entité par sa locali-
sation, un certain nombre d’attributs (sa couleur, sa forme, etc.) mais également
ses relations avec d’autres entités comme dans l’assemblage.
• Le contexte de l’action ou environnement actanciel : ce sont les variables, indi-
vidus ou objets intervenant dans l’action. Il faut distinguer notamment l’agent
de l’action dont nous avons parlé précédemment, le patient, c’est-à-dire l’en-
tité, animée ou non, sur laquelle portent l’action et éventuellement le lieu et

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Les représentations ■ Chapitre 2

l’instrument. Par exemple, dans « Jean conduit Marie au cinéma en voiture »,


l’agent est Jean, le patient est Marie, le lieu est le cinéma et l’instrument la
voiture.
• Le but de l’action : comme dans la composante procédurale, le but est un des
aspects centraux de la représentation de l’action.

4.3 Structure de connaissances liées à l’action


La structuration de ces représentations conceptuelles sur l’action présente
plusieurs similitudes avec la structuration des connaissances sur les objets. Ces
connaissances peuvent être structurées par une relation parties-tout ou par une
relation d’inclusion. On note pour l’action des effets de typicité et dans les réseaux
sémantiques d’action, on peut décrire un niveau de base comme pour les objets.
Ces structures de connaissances correspondent à nos connaissances conceptuelles
sur l’action. Richard (1986) a émis l’hypothèse selon laquelle les connaissances sur
l’action seraient structurées comme nos connaissances sur les objets sous la forme
de réseaux sémantiques.

4.3.1 Réseaux sémantiques d’actions


Avec les réseaux sémantiques d’actions, ce sont les composantes déclaratives
de l’action qui sont exprimées. Comme pour les objets, les réseaux sémantiques
d’actions sont structurés par une relation d’inclusion. Pour les actions, l’équiva-
lent de la relation « exemplaire-catégorie » décrite pour les objets est la relation
« résultat-mode de réalisation ». Cette relation exprime le fait que certaines actions
sont plus générales que d’autres, ce sont celles qui correspondent à l’expression du
résultat de l’action. D’autres sont plus spécifiques et correspondent aux modes de
réalisation. Par exemple « Prendre un café » est une action générale qui peut être
réalisée de plusieurs façons, en utilisant une cafetière, en descendant à la cafétéria
ou en commandant au serveur après un repas au restaurant. Plusieurs résultats
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

empiriques créditent cette approche de l’organisation des significations d’action


d’une certaine plausibilité psychologique.

4.3.2 Des relations d’implication entre les verbes d’action


Tout d’abord les sujets peuvent décrire les actions à différents niveaux de géné-
ralité. Si quelqu’un entrait à l’instant dans mon bureau en me demandant ce que je
suis en train de faire, il y a fort à parier que je ne lui répondrais pas en disant que
j’utilise un traitement de texte ou que je tape un texte. Vraisemblablement, je lui
répondrais que je suis en train de rédiger un cours pour mes étudiants. C’est le plus

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Mémoires, représentations et traitements

souvent à un niveau général, c’est-à-dire en exprimant le but, qu’on décrit l’action.


Il faut insister sur la façon de faire pour inciter l’interlocuteur à décrire son action à
un niveau plus spécifique, c’est-à-dire au niveau du mode de réalisation, ainsi qu’a
pu le noter Sebillotte (1991, 1988) dans son étude sur le travail de secrétariat. Dans
le lexique sur l’action, les verbes généraux décrivent plutôt les buts et les verbes
spécifiques, les modes de réalisation. Certains auteurs ont avancé l’hypothèse que
ces significations seraient organisées par des relations d’implication. Une recherche
particulièrement illustrative de l’existence de cette relation d’implication entre les
significations des verbes d’action nous est fournie par Garnham (1979). Dans son
expérience, il a proposé aux sujets d’apprendre trois types de phrases :
• des phrases (phrase cible) contenant un verbe général suivi d’un complément
orientant l’interprétation du verbe vers un hyponyme particulier, par exemple :
« La ménagère a préparé les frites » ;
• des phrases reprenant le sujet et le verbe de la phrase-cible (phrase S + V), par
exemple : « La ménagère a préparé les petits pois » ;
• des phrases reprenant le complément de la phrase-cible (phrase C), par exemple :
« Le soldat n’aimait pas les frites. »
La tâche des sujets consistait à rappeler ces phrases à partir de la présentation
d’un indice de rappel. Cet indice était soit le verbe spécifique (faire frire), soit le
verbe général de la phrase cible (cuisiner). Le tableau 2.4 montre les pourcentages
de réponses correctes en fonction du type de phrases et du type d’indices.

Tableau 2.4 – Pourcentage des phrases rappelées en fonction du type d’indices


et de types de phrases (d’après Garnham, 1979).
Type de phrases rappelées
Type d’indices Cible S+V Phrase C Total
Spécifique 52,5 7,5 2,5 20,8
Général 20,0 36,3 0,0 18,8
Total 36,3 21,9 1,3 19,8

On voit que pour la phrase cible, le verbe spécifique (faire frire) est un meilleur
indice que le verbe général, qui a pourtant été donné à apprendre, tandis que
pour les phrases « S + V », le rappel est meilleur avec le verbe général. Garnham
interprète ces résultats en termes de recodage du verbe au moment de la lecture.
La présence de frites dans la phrase cible conduit, selon Garnham, à interpréter
cuisiner comme faire frire. Ces résultats sont tout à fait compatibles avec l’idée que
le verbe désigne une propriété des objets et qu’il existe une relation d’implication
entre les verbes. Si le complément frites peut orienter l’interprétation de cuisiner,

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Les représentations ■ Chapitre 2

c’est que les frites se cuisinent d’une façon spécifique, ce sont des légumes qu’on
fait frire. On comprend alors que le verbe spécifique puisse être un meilleur indice
de rappel que le verbe général. Mais en même temps, si le recodage de cuisiner
est possible, c’est parce qu’il existe une relation d’implication entre faire frire et
cuisiner. Utilisé dans un autre contexte, frites n’évoque pas faire frire. Ce verbe,
pas plus que le verbe général, n’est un indice de rappel efficace dans les phrases
« C ». Dans la phrase « S + V », faire frire n’est pas une propriété des petits-pois et
ne peut donc pas servir d’indice de rappel. Le verbe général est alors un meilleur
indice de rappel.
Le second argument en faveur d’une organisation hiérarchique des actions nous
vient de l’étude de l’organisation des significations portées par les verbes d’action.
Les verbes d’action s’organisent en grandes catégories correspondant aux buts
généraux de l’action : les champs sémantiques (Desclés et al., 1998 ; Kekenbosch
et al., 1998). L’étude de l’organisation interne de ces champs montre qu’ils sont
structurés par des relations d’implication sémantique entre les verbes. Un verbe est
plus général qu’un autre si la signification du premier fait partie de la signification
du second. En s’appuyant sur des modèles linguistiques précis, il a été possible
de décrire les significations des verbes et les réseaux sémantiques de chacun des
champs. Ainsi, Meunier (1999) a analysé un ensemble de plusieurs centaines de
verbes d’action et décrit les relations d’implication sémantique entre les verbes pour
plusieurs champs sémantiques à l’aide du modèle linguistique de Desclés (1990).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 2.12 – Extrait du réseau sémantique des verbes


de déplacement (d’après Meunier, 1999).

La figure 2.12 présente un extrait du réseau sémantique des verbes de déplace-


ment. Le verbe le plus général est le verbe « bouger » qui se spécifie avec le verbe
« déplacer ». On trouve en dessous des spécifications de « déplacer » qui constituent

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Mémoires, représentations et traitements

les différents modes de réalisation. La plausibilité psychologique d’un tel réseau


a été testée à l’aide de tâches de classification de verbes. Concrètement, les sujets
devaient trier une liste de verbes en mettant ensemble ceux qui étaient proches
du point de vue du sens. L’analyse des résultats fait apparaître des groupements
très proches de ceux décrits dans l’analyse réalisée à l’aide du modèle linguistique.
Un dernier argument en faveur d’une similitude d’organisation entre les objets
et les actions est l’observation d’effets de typicité pour les actions dans des tâches
d’exécution. Pour les objets, la typicité tient au fait qu’à l’évocation d’une catégorie,
certains exemplaires sont plus disponibles que d’autres. Si on demande à un sujet
de donner un exemple d’outil, le marteau apparaît avec une fréquence nettement
plus importante que les autres sortes d’outils. Pour les actions, l’équivalent de
l’exemplaire est le mode de réalisation. Plusieurs recherches rapportent que pour
un même résultat, certains modes de réalisation viennent plus facilement à l’esprit
que d’autres. Une situation particulièrement illustrative de ce phénomène est le
problème des neuf points. Dans cette situation, le sujet se voit proposer une figure
composée de neuf points, avec pour tâche de joindre les neuf points avec quatre
droites sans lever le crayon.

Figure 2.13 – Le problème des neuf points et les interprétations


de l’action « joindre les points ».

Ce problème est très difficile à résoudre. La principale difficulté tient à l’in-


terprétation qui est faite de l’action joindre les points. Spontanément, la plupart
des sujets joignent les points en traçant un segment allant d’un point à un autre
(interprétation typique), alors que la solution passe par un tracé de segments ne
s’arrêtant pas aux points (interprétation non typique).

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Les représentations ■ Chapitre 2

4.3.3 Des connaissances sur l’action structurent


les connaissances sur les objets
L’organisation des actions et leurs relations avec les connaissances sur les objets
ont été formalisées dans le modèle PROCOPE de Poitrenaud (1995). Ce modèle
propose de rendre compte de l’idée que dans nos connaissances sur l’action de
nombreuses connaissances sur les propriétés des objets interviennent. Ces connais-
sances ne sont pas toujours verbalisables et sont accessibles seulement dans l’action.
Le modèle repose sur trois hypothèses (Richard, 2004) :
• les connaissances sur les objets sont organisées à partir des buts et des procé-
dures et non des connaissances relationnelles sur les objets ;
• les procédures sont des propriétés des objets et constituent la base de la caté-
gorisation des objets ;
• les connaissances relationnelles sur les objets sont secondes et sont construites
pour justifier les procédures.
Les réseaux construits à partir de ce modèle sont structurés par une relation
d’inclusion qu’on peut formuler ainsi : un objet x est une sorte d’objet y si l’on peut
faire sur x tout ce qu’on peut faire sur y. Cette relation permet de définir des buts et
des procédures généraux, c’est-à-dire applicables à un grand nombre d’objets. Les
classes spécifiques héritent des propriétés (dans ce cas, les buts et les procédures)
des catégories superordonnées, comme c’est le cas dans un réseau sémantique
classique. Voici l’exemple qu’en donne Richard dans son ouvrage.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 2.14 – Un exemple de structuration des objets par les connaissances


sur l’action : une partie objets et des fonctions d’un traitement de texte
chez un expert (Richard, 2004 ; reproduit avec autorisation).

Ce réseau représente une partie des connaissances d’un expert sur l’utilisation
d’un traitement de texte. Les nœuds correspondant aux objets sont figurés par

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des rectangles. La flèche pleine qui relie certains d’entre eux exprime la relation
d’inclusion définie plus haut (par exemple, une phrase est une sorte de chaîne
de caractères). Comme dans un réseau classique, les propriétés sont associées à
chacune des classes, au niveau le plus spécifique, les classes subordonnées héritant
des propriétés des classes superordonnées (par exemple, les procédures applicables
à une chaîne de caractères sont applicables à un mot). Les flèches en pointillé qui
relient certaines boîtes correspondent aux relations tout-parties qui unissent ces
objets (par exemple, une phrase est composée de mots). Ce formalisme permet
de rendre compte à la fois des connaissances sur les propriétés structurales des
objets, c’est-à-dire les propriétés qui décrivent la constitution des objets, mais égale-
ment des connaissances sur les propriétés fonctionnelles, c’est-à-dire la façon dont
on peut agir sur ces objets. Dans l’exemple ci-dessus, le réseau rend compte des
connaissances d’un expert, mais on peut analyser de la même manière les connais-
sances d’un novice et l’évolution de ces connaissances au cours de l’apprentissage
d’un savoir-faire. La catégorisation des objets est ainsi source d’analogie
Sander et Richard (1997) ont analysé de l’apprentissage par l’action d’un trai-
tement de texte et montré que les connaissances sur les objets sont des sources
d’analogie à partir de catégories plus abstraites. Ainsi un mot considéré comme
une chaîne de caractères peut être supprimé par itération, mais si on la considère
comme une forme graphique, donc comme un tout, elle peut être supprimée avec
un simple appui sur la touche retour. De telles inférences peuvent être faites dans
bien d’autres domaines, comme l’enseignement des statistiques (Sander et al., 2004)
ou la résolution de problèmes arithmétiques (Gamo et al., 2010). En géométrie par
exemple, la procédure de calcul de l’aire d’un carré peut être trouvée à partir de
celle de rectangle ou du parallélogramme (Dupuch et al., 2014).

4.4 Structure d’interprétation de l’action


Ces représentations sont construites lorsqu’on doit effectuer des actions ou
comprendre une consigne en vue de l’exécuter. Cette interprétation se fait donc
relativement à une interprétation du but à atteindre, une interprétation de la
situation particulière dans laquelle ce but doit être atteint et des connaissances
du sujet sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but. Deux types de
situations seront alors à distinguer selon qu’on dispose ou non dans nos connais-
sances des procédures permettant de parvenir au but : (1) les situations d’exécution
pour lesquelles nous disposons d’une procédure permettant d’atteindre le but ;
(2) les situations de résolution de problèmes pour lesquelles aucune procédure
n’est disponible.

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Les représentations ■ Chapitre 2

4.4.1 Notion de tâche


La notion de tâche se définit comme une unité de travail caractérisée par un
début (l’état initial) et une fin (l’état final), des moyens et des contraintes permet-
tant de parvenir au but. En situation d’exécution, les moyens sont connus du
sujet. L’interprétation de la tâche consiste à récupérer en mémoire la procédure
correspondante et à en particulariser les différentes composantes (but, déroule-
ment, résultats et prérequis). Ainsi, dans une tâche simple comme inviter un ami
à déjeuner, l’état initial correspond au fait que l’ami n’est pas prévenu, et le but est
de faire en sorte qu’il le soit. Selon la situation, différents moyens sont disponibles
comme lui téléphoner ou lui envoyer un petit mot. L’exécution de ces actions
peut éventuellement être soumise à certaines contraintes de la situation (avoir un
téléphone à portée de main, le courrier prend trop de temps). Ces contraintes vont
déterminer la procédure mise en œuvre. Dans cet exemple, téléphoner paraît être
une bonne solution. Le but général (inviter un ami) est particularisé par un but
plus spécifique (téléphoner à mon ami) pour lequel on peut activer une procédure
composée d’un certain nombre d’actions :

Trouver son numéro dans mon carnet d’adresses, décrocher le combiné,


composer le numéro ; lorsque la communication est établie, lui faire part de
mon invitation. Une fois cela fait, après quelques civilités propres à la situation
de communication, je peux raccrocher et noter dans mon carnet ce nouveau
rendez-vous.

Exécuter une tâche revient donc à particulariser les différentes composantes de


la procédure jusqu’à ce qu’elles soient exécutables. Dans les situations de résolution
de problèmes, il est parfois possible de faire le lien avec une autre situation, pour
laquelle on dispose d’une procédure. Ce mode de recherche de solution est forte-
ment exploité dans les interfaces informatiques pour faciliter au maximum leur
utilisation. Tous les lecteurs multimédias ont ainsi des boutons similaires. L’ordre
des boutons et le symbole désignant les différentes fonctions sont suffisamment
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

proches pour être interprétées immédiatement. Dans d’autres interfaces, c’est la


disposition des informations, leur mise en valeur par la forme ou la couleur qui
suggèrent les possibilités d’action par analogie avec d’autres dispositifs similaires.
On parle alors de transfert analogique. Celui-ci est renforcé par la conception
même de l’appareil. Cette proximité de fonctionnement a même été étendue à la
presque totalité des lecteurs audio ou vidéo sur ordinateur au point que la notice
d’utilisation apparaît désormais superflue.

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Mémoires, représentations et traitements

4.4.2 Notion d’espace problème


Lorsqu’aucune procédure n’est disponible et que l’analogie avec une autre situa-
tion n’est pas possible, il faut alors se construire une représentation du problème.
La notion d’espace problème va nous permettre d’éclairer cette notion de repré-
sentation d’un problème. Newell et Simon (1972) ont avancé l’idée que la recherche
de solution dans une situation problème pouvait être vue comme un déplacement
dans un espace de recherche. Si on analyse une situation problème, notamment les
situations de transformation d’états qui ont été les plus étudiées, on peut formaliser
l’ensemble des états possibles par un graphe dans lequel les nœuds représentent
tous les états possibles et les arcs, des actions possibles pour passer d’un état à un
autre.
Ce graphe n’est pas un moyen de résoudre le problème et aucun sujet en situation
de résolution de problème ne construit la combinatoire de tous les états possibles.
Sa mémoire de travail n’y suffirait pas. Cette formalisation est cependant très utile
au psychologue pour caractériser la représentation d’un sujet et comprendre ses
sources de difficultés dans la résolution du problème.
Cet ensemble des états possibles correspond à ce que les auteurs ont dénommé
l’espace de base. Il représente l’interprétation de la tâche par un expert. Cet espace
de base comprend, bien entendu, une représentation de l’état initial et de l’état
final, mais également une représentation de la procédure optimale. Dans le cas de
la tour de Hanoï à trois disques qui nous sert d’exemple, la tâche consiste à faire
passer les trois disques sur l’emplacement de droite en respectant trois règles :
• déplacer un seul disque à la fois ;
• ne prendre que les disques qui sont sur le dessus de la pile ;
• ne pas déposer un grand disque sur un plus petit.

Figure 2.15 – Représentation de l’espace de recherche


de la tour de Hanoï à trois disques.

Les traits pointillés représentent les chemins qui n’existent pas dans la représentation d’un sujet qui
s’interdit de sauter un emplacement. Les traits pleins représentent donc son espace problème. La réunion
des traits pleins et des pointillés représente l’espace de base.

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Les représentations ■ Chapitre 2

Dans le cas d’un expert, l’espace de recherche correspond à l’espace de base. Le


passage de la situation initiale (au sommet du triangle dans la figure 2.15) à l’état
but (en bas à droite) se fait assez simplement en utilisant la procédure optimale
(qui suit le côté droit du triangle). Pour un sujet novice, l’interprétation peut être
très différente. On observe par exemple chez les jeunes enfants qu’ils s’interdisent
de sauter un emplacement. L’interprétation qu’ils ont du déplacement consiste à
faire passer un disque dans l’emplacement juste à côté. Avec une telle interpré-
tation, certains chemins sont interdits (ils sont représentés en pointillé dans la
figure 2.15) de sorte que la procédure optimale n’existe pas dans leur représentation
de la situation problème. L’espace recherche du novice s’inscrivant nécessairement
dans l’espace de base, puisque ce dernier représente tous les états possibles, ce
type d’analyse graphique est très utile pour caractériser l’interprétation d’un sujet
et tenter de comprendre ses sources de difficultés dans la résolution de problème.
Les impasses par exemple correspondent dans l’espace problème du sujet à des
états où plus aucun mouvement n’est possible hormis le retour en arrière.

4.5 Se passer de la notion de représentation ?


La question peut paraître paradoxale en clôture d’un chapitre consacré à montrer
tout l’intérêt de la notion de représentation pour comprendre le fonctionnement
cognitif. Elle a cependant une dimension rhétorique puisqu’il ne s’agit pas à propre-
ment parler de s’affranchir des représentations, mais de penser celles-ci à un niveau
infra-symbolique. C’est donc plutôt d’une autre forme de représentation qu’il s’agit.
Cette remise en question des représentations symboliques s’inscrit dans un impor-
tant débat épistémologique qui, bien que dépassant le cadre de cet ouvrage, ne
pouvait pas être passé sous silence. La présentation en sera cependant succincte
compte tenu des limites de ce livre. Nous renvoyons le lecteur à la bibliographie
pour des développements plus conséquents notamment l’ouvrage de Dortier (2014)
ou l’ouvrage collectif de Roy et al. (2011).
Les deux approches que nous présentons ci-dessous ont en commun d’essayer
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de s’affranchir de la notion de représentation symbolique (c’est-à-dire une repré-


sentation de signifié par des signifiants arbitraires), de penser les connaissances
comme un état d’activation du système cognitif et de tenter en quelque sorte la
réunification du corps et de l’esprit. Le connexionnisme s’appuie sur une analogie
avec le fonctionnement neuronal, tandis que l’approche de la cognition incarnée
met en avant l’inséparabilité du corps et de l’esprit.

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Mémoires, représentations et traitements

4.5.1 L’approche connexionniste


Les critiques à l’encontre des réseaux sémantiques ainsi que les progrès en
neuroscience et en informatique ont permis l’émergence, dès la fin des années 1980,
d’une autre conception de la représentation des concepts en mémoire. Dans un
ouvrage fondateur, McClelland et Rumelhart (1985) ont proposé que les repré-
sentations des concepts soient représentées non plus par un nœud précis dans un
réseau, mais par un ensemble de nœuds répartis et fonctionnant en parallèle pour
coder simultanément toutes les informations. De tels réseaux de neurones formels
peuvent être implémentés informatiquement.

Figure 2.16 – Un modèle connexionniste de la mémoire sémantique


(d’après Rogers et McClelland, 2003. Reproduit avec autorisation).

L’architecture générale du système est composée de plusieurs couches de


neurones interreliés entre eux comme dans la figure 2.16. L’interprétation d’une
phrase comme « un canari peut… » active les unités d’entrée concernant le canari et
la relation associée. L’activation diffuse ensuite vers les couches suivantes jusqu’à la
couche d’attributs permettant de savoir ce qu’un canari peut faire. De tels réseaux

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Les représentations ■ Chapitre 2

de neurones sont ainsi capables de rendre compte des connaissances sémantiques


comme le font les autres modèles, notamment celui de Collins et Quillian (1969),
mais ils permettent surtout de rendre compte des capacités d’apprentissage. Les
réseaux connexionnistes doivent en effet apprendre à reconnaître les items grâce
au mécanisme de rétropropagation qui permet d’ajuster le poids des unités et la
diffusion de l’activation grâce à des feedbacks sur les erreurs (Rogers et McClelland,
2003). Plusieurs travaux accréditent la plausibilité de ce type de modèles pour la
mémoire sémantique. Small (1997) a ainsi pu montrer que les réseaux connexion-
nistes sont capables de catégoriser un ensemble d’objets à partir d’un ensemble de
propriétés sans qu’il soit nécessaire de définir les classes. Ces dernières peuvent
émerger du processus d’apprentissage. Par ailleurs les réseaux connexionnistes
peuvent permettre de modéliser certaines pathologies comme la maladie d’Al-
zheimer (Horn et al., 1993) ou certains aspects de la dyslexie (Hinton et Shallice,
1991) grâce à la « dégradation » de certaines connexions modifiant la diffusion de
l’activation.
Une des difficultés de cette approche tient à l’absence de contenu sémantique
en tant que tel. Ce dernier ne peut émerger d’un état d’activation provoqué notam-
ment par les entrées perceptives. Il est alors difficile de concevoir comment peuvent
opérer les processus d’abstraction qui permettent une pensée de haut niveau. De
fait, cette approche a surtout été appliquée à des processus de bas niveau et semble
moins adaptée à la description de processus de haut niveau (Gallina, 2011). Cela
tient au fait que les connexionnistes tentent d’expliquer le niveau symbolique à
partir du niveau subsymbolique. Cette confusion des niveaux d’explication est une
des principales faiblesses de cette approche à en croire Fodor et Pylyshyn (1988).
Il s’agit notamment des difficultés de généralisation à partir d’exemples concrets
à un niveau hautement abstrait, des problèmes de règles générales ou d’invariance
de sortie (pour une vue d’ensemble, voir Mayor et al., 2014).

4.5.2 L’approche de la cognition incarnée


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans l’approche cognitiviste, les représentations conceptuelles sont abstraites et


indépendantes des représentations perceptives. Pour reprendre l’exemple précé-
dent, le canari devient un concept lorsqu’on conçoit cet oiseau indépendamment
des canaris particuliers qu’on a pu rencontrer. Les représentations conceptuelles
sont amodales, ce qui n’est pas le cas des représentations imagées ou liées à l’action
et vous avez pu voir dans les paragraphes précédents qu’il n’y a pas de sépara-
tion absolue de ces trois catégories de représentations. Par ailleurs, le passage des
connaissances épisodiques aux connaissances conceptuelles n’est pas tout à fait
clair. Les cognitivistes mettent en avant les mécanismes d’abstraction, alors que les

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Mémoires, représentations et traitements

connexionnistes proposent que ces représentations émergent d’interaction entre


des unités de plus bas niveau.
S’il existe un relatif consensus concernant le rôle du système cognitif pour traiter
les informations de l’environnement et permettre ainsi de se représenter le monde,
pour les tenants de la cognition incarnée, perception, action et représentation
sont indissociables. Les représentations sont donc intimement liées aux processus
sensorimoteurs qui ont présidé à leur élaboration. Les connaissances sur les objets
seraient constituées par la réactivation de ces processus sensorimoteurs (Barsalou,
1983). Les connaissances seraient ainsi indissociables de l’histoire du sujet et de
ses interactions avec son milieu. La composante d’action est donc constitutive
de la formation des concepts. Elle reprend au connexionnisme l’idée de repré-
sentations réparties sur des unités élémentaires notamment sensorimotrices et
d’auto-organisation mais y ajoute la double inscription dans le corps et le contexte.
Cette approche revendique donc une cognition incarnée et située (Versace et al.,
2018).
C’est aux neurosciences qu’on doit un des arguments de taille en faveur de
cette approche. Rizzolatti et Craighero (2004) ont en effet découvert que des
zones du cerveau répondent de manière spécifique lors de l’observation d’objets
préhensibles, les neurones canoniques, là où d’autres populations de neurones
sont actives lors de l’action et lors de l’observation de l’action d’un autre individu,
les neurones miroirs. Ces neurones miroirs coderaient spécifiquement certaines
actions. Rizzolatti et Craighero ont ainsi observé que l’aire F5 située sur la partie
antérieure du cortex pré moteur ventral est active surtout lors d’actions orientées
comme la préhension, la manipulation ou la saisie mais n’est pas active lors d’action
comme pousser. Elle pourrait même concerner plus spécifiquement le but puisque
ce sont les actions qui partagent le même but qui activent cette zone et non le mode
de réalisation. Ces neurones miroirs ne semblent cependant pas liés à l’intention
ou à la préparation motrice puisqu’ils sont actifs lors de la simple observation où
il n’y a pas de nécessité d’action (Fadiga et al., 2000).
De tels résultats accréditent l’idée d’un contenu sensori-moteur dans la repré-
sentation des objets, mais ne permettent pas toujours de réfuter l’existence de
connaissances sémantiques amodales. Une façon de montrer l’étroite relation entre
représentations sensorimotrices et représentations conceptuelles consiste à mettre
en évidence des effets d’interférence des premières sur les secondes. Il existe dans
la littérature plusieurs exemples de travaux supportant l’hypothèse d’une activation
des représentations d’actions par l’observation d’objets.
Grèze et Decety (2002) ont présenté à leurs sujets des images d’objets réels
saisissables et leur ont demandé de dire si ce sont des objets naturels ou fabriqués.

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Les représentations ■ Chapitre 2

La moitié des objets sont des objets de grande taille, donc saisissables à pleine main,
l’autre moitié est constituée d’objets de petites tailles saisissables entre le pouce
et l’index. Les sujets ne voient qu’une projection de l’objet et n’ont pas à le saisir.
Pour répondre, ils devaient soit utiliser le geste de la pince, soit le geste de la saisie à
pleine main. L’analyse des temps de réaction montre que les sujets répondent plus
vite pour les grands objets que pour les petits, mais surtout faire le geste de la saisie
pleine main est beaucoup plus long dans le cas des petits objets et inversement. Le
temps de réponse est donc influencé par la taille des objets malgré le fait que cette
propriété ne soit pas pertinente pour la tâche ce qui accrédite la réactivation de
propriétés sensorimotrices lors de la perception de l’image des objets. Pour d’autres
exemples et une présentation plus complète de cette approche, le lecteur pourra
consulter Versace et al. (2018).
Bien que séduisante, notamment pour le lien qu’elle fait entre le corps et l’esprit,
entre les connaissances épisodiques et les connaissances sémantiques, la théorie
de la cognition incarnée se trouve en difficulté pour rendre compte d’un certain
nombre de phénomènes. Si de nombreuses expériences reproduisent l’effet d’in-
terférence évoqué plus haut, l’interprétation du résultat part du principe que c’est
l’interprétation du mot qui est affectée par les propriétés sensorimotrices mais une
inversion de la chaine causale n’est pas exclue. Mahon et Caramazza (2008) ont
passé en revue de nombreux travaux sur le traitement du langage incarné (et ses
bases neurales) et en ont finalement trouvé très peu permettant de trancher. Par
ailleurs, les connaissances conceptuelles n’impliquent pas toujours des dimensions
sensorimotrices. Décider si le mercure est un métal peut très bien se faire grâce
aux seules connaissances encyclopédiques sans avoir recours à une expérience
antérieure de toucher de ce matériau. Même si c’est le cas, il serait surprenant que
l’expérience sensorimotrice amène à penser le mercure comme un métal tant il
diffère de l’expérience qu’on peut avoir des autres métaux.
La supériorité d’une théorie nouvelle s’évalue également à sa capacité à intégrer
les résultats antérieurs des autres théories. Sur ce point la théorie de la cogni-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tion incarnée est en difficulté. Roy et al. (2011) listent dans leur article ainsi une
vingtaine de résultats dont certains concernent des phénomènes perceptifs (effet
Stroop, effet cocktail partie ou la cécité attentionnelle) et d’autres les processus de
traitement (groupement en mémoire de travail en fonction de l’expertise, la mémo-
risation implicite, l’heuristique de disponibilité ou le raisonnement contrefactuel).
Une des prédictions centrales de la théorie de la cognition incarnée concerne
l’effet positif de l’action sur l’apprentissage. Plusieurs travaux sont effectivement
congruents avec cette hypothèse (par exemple Bara, Lannuzel, Pronost et Calvarin,
2013), mais pourraient concerner seulement certains types de connaissances.

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Mémoires, représentations et traitements

Bara et Tricot (2017) ont ainsi montré que l’action pouvait être bénéfique dans
certaines situations en fournissant un support externe à l’apprentissage scolaire,
mais être aussi un frein lorsqu’elle engendre de la charge mentale, notamment en
début d’apprentissage.

Exercices
QCM
1. Selon le point de vue logique, les représentations conceptuelles sont plutôt…
a) des classes homogènes définies par des propriétés nécessaires et suffisantes.
b) définies autour d’un exemplaire typique qui sert à juger de l’appartenance
d’un exemplaire à la classe.
c) définies par des traits essentiels et caractéristiques définissant les propriétés
à avoir pour appartenir à la classe.
2. La notion de prototype correspond à…
a) l’exemplaire le plus utilisé de la classe.
b) l’exemplaire qui possède le plus de propriétés définissants la classe.
c) l’exemplaire le plus semblable aux autres exemplaires de la classe.
3. Dans le point de vue logique sur les représentations conceptuelles, l’extension
d’un concept est…
a) l’ensemble des propriétés nécessaires pour appartenir à la classe.
b) l’ensemble des exemplaires appartenant à la classe.
c) l’ensemble des exemplaires les plus typiques.
4. Dans le modèle du prototype, l’appartenance à une catégorie suppose que
l’objet possède au minimum…
a) toutes les propriétés définissant la classe.
b) toutes les propriétés du prototype définissant la classe.
c) plus de propriétés du prototype définissant la classe que de propriétés des
prototypes des autres classes.
5. Parmi les propriétés suivantes, laquelle est une caractéristique des représen-
tations imagées ?
a) Elles conservent l’ordre dans lequel les stimuli ont été explorés.

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Les représentations ■ Chapitre 2

b) Elles ne sont pas décomposables.


c) Elles correspondent à des perceptions visuelles.
6. Que montre l’expérience de Santa (1977) sur les représentations imagées ?
a) Le codage imagé des stimuli conserve les propriétés spatiales des stimuli.
b) Le codage imagé permet de répondre plus rapidement que le codage verbal.
c) Le codage imagé conserve l’ordre temporel d’exploration du stimulus.
7. Les réseaux sémantiques d’action ont une organisation…
a) basée sur la relation partie-tout.
b) basée sur la relation d’inclusion.
c) dépendante de la tâche du sujet.
8. Une tâche se définit par…
a) une situation initiale et un but.
b) un espace problème.
c) les actions possibles.
9. Dans une situation problème, l’espace de base est…
a) une représentation de l’ensemble des états possibles.
b) une représentation de l’interprétation du problème faites par le sujet.
c) une représentation de l’interprétation du problème par un expert.
10. Dans une situation problème, l’espace de recherche est…
a) une représentation de l’ensemble des états possibles.
b) une représentation de l’interprétation du problème faites par le sujet.
c) une représentation de l’interprétation du problème par un expert.
11. La récupération d’une image mentale en mémoire de travail se fait de façon…
a) parallèle.
b) globale.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

c) séquentielle.
12. Une structure prédicative permet de représenter…
a) un ensemble de propositions.
b) une image mentale.
c) un schéma d’actions.
13. Un script est une sorte de représentation…
a) imagée.

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Mémoires, représentations et traitements

b) d’action.
c) propositionnelle.
14. Un modèle situationnel est une représentation…
a) imagée.
b) propositionnelle.
c) imagée et propositionnelle.
15. Dans le modèle de Collins et Quillians (1969), la longueur des arcs entre les
nœuds…
a) n’a pas de sens particulier.
b) représente la proximité sémantique entre les nœuds.
c) est fonction du nombre de propriétés partagées.

Définitions
Définissez les concepts suivants en cinquante mots maximum : représentation
– interprétation – concept – typicalité – prototype – script – macrostructure –
espace problème.

Texte lacunaire
Complétez le texte suivant.
Les représentations imagées. Après l’échec de [A] à s’imposer comme méthode
scientifique, ce n’est que dans les années [B] que l’étude des représentations imagées
a pu être abordée, notamment grâce au progrès de [C]. Ces études ont permis de
mettre en évidence un certain nombre de propriétés spécifiques aux représenta-
tions imagées.
Ainsi, [D] a pu montrer qu’un codage imagé ne conservait pas les mêmes
propriétés qu’un codage verbal. Le premier conserve [E] du stimulus, tandis que
le second conserve [F].
[G] ont pu montrer de leur côté que l’exploration d’image mentale présentait
certaines analogies avec [H]. En utilisant une tâche d’exploration de carte mentale,
ils ont montré que le temps de réponse était fonction de [I].
Mais ce ne sont pas là les seules propriétés spécifiques des images mentales,
elles conservent en outre [J] des objets. C’est en ce sens qu’on parle d’homogénéité
entre la représentation imagée et l’objet représenté. Cependant les représenta-
tions imagées ne sont pas [K] et sont [L]. Elles peuvent tout aussi bien coder des

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Les représentations ■ Chapitre 2

dimensions plus abstraites comme on a pu l’observer dans des tâches de [M] ou


de [N] mais, une fois le codage imagé fait, il est difficile de [O].
Dans une expérience, [P] ont comparé les performances dans une tâche de
reconnaissance. Le matériel utilisé était une figure géométrique et sa décomposi-
tion en parties. Le premier groupe voyait dans un premier temps une des parties
de la figure, puis la figure complète. Le deuxième groupe voyait d’abord la figure
complète, puis une des parties. Dans les deux cas les sujets devaient dire si la partie
était présente dans la figure complète. Les résultats montrent que lorsqu’on a la
figure complète pour répondre, le taux de reconnaissance correcte est [Q]. Ceci
s’explique par le fait que dans ce cas, on dispose pour répondre de la figure sous
les yeux, et qu’il est alors possible de [R], ce qui n’est pas le cas lorsqu’on doit
répondre à partir de [S].

Questions de réflexion
1. Les représentations imagées sont-elles des copies de la perception visuelle ?
2. Comparez les notions de réseau sémantique, de schéma et de script.

Lectures conseillées
GALLINA J.M. (2006). Les Représentations SANDER E. (2000). L’analogie, du naïf au
mentales. Paris : Dunod. créatif : Analogie et catégorisation.
RICHARD J.-F. (2004). Les Activités mentales. Paris : L’Harmattan.
Paris : Armand Colin.
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Chapitre 3
Les traitements

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Sommaire
1. Les différents types de traitements .................................................. 143
2. Catégorisation, jugements et inférences ........................................... 151
3. Les traitements attentionnels ........................................................... 173
Exercices ............................................................................................... 194
Lectures conseillées .............................................................................. 198

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Les traitements ■ Chapitre 3

Nous avons vu jusqu’à maintenant les structures de stockage de l’information


et les formes que ces informations, c’est-à-dire les représentations, pouvaient
prendre. Nous avons évoqué tout au long de ces pages la notion de traitement.
Les traitements sont des mécanismes qui interviennent sur nos représentations
et les modifient. Ils interviennent dans des activités mentales finalisées, pour un
but dans une situation donnée, c’est-à-dire dans le cadre d’une tâche. Dans ce
chapitre, il sera question des études sur les mécanismes de traitement (nous ne
nous intéresserons pas aux traitements dans le cadre des activités finalisées). Pour
étudier ces mécanismes, les psychologues ont, bien entendu, recours à des tâches,
mais celles-ci sont circonscrites dans un cadre expérimental très précis qui permet
de se concentrer sur les mécanismes de traitement eux-mêmes.
Ce chapitre est organisé en trois parties. Dans une première partie, nous présen-
terons la notion de traitement et les classifications des types de traitements. Dans
une deuxième partie, nous développerons quelques études sur les jugements, la
catégorisation et les inférences. Tous les types de traitements ne seront pas déve-
loppés dans le cadre de ce chapitre. Nous consacrerons la troisième partie aux
traitements attentionnels et contrôlés.

1. Les différents types de traitements


On peut distinguer différents types de traitements selon le point de vue que
l’on adopte. Un premier point de vue consiste à regarder les traitements selon
leur finalité, c’est-à-dire du type de transformation opérée sur l’information. On
peut également les regarder selon leurs conditions de déclenchement et enfin, on
peut les classer selon leur mise en œuvre et leur contrôle. Nous reprenons, ici,
la classification des différents types de traitements proposée par Richard (1998).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.1 Classification des traitements selon leur finalité


Un premier mode de classification des traitements consiste à les regarder selon
leur finalité, c’est-à-dire en fonction du type de transformation opérée sur l’infor-
mation. Nous distinguerons alors six grandes classes de traitements.

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Mémoires, représentations et traitements

1.1.1 Les traitements liés à la perception


Les traitements liés à la perception ont pour finalité la détection et l’identifica-
tion d’un stimulus. Il convient de distinguer plusieurs niveaux de traitement dans
cette catégorie.
Le premier niveau est celui de la détection d’un stimulus. Cette détection inter-
vient sur un fond composé d’autres stimulations non pertinentes, c’est ce qu’on
appelle le bruit. À ce niveau, le stimulus n’est pas encore identifié. Ce mécanisme
a beaucoup été étudié en psychophysique pour étudier l’influence des caractéris-
tiques physiques du stimulus sur la sensation. Les situations expérimentales les
plus utilisées sont des mesures de seuil de détection dans lesquelles l’expérimen-
tateur fait varier l’intensité de la stimulation et demande aux sujets d’indiquer s’ils
perçoivent ou non.
Le deuxième niveau est celui de l’identification. À ce niveau, le stimulus est
associé à un code récupéré en mémoire (un nom, une image…). Un exemple carac-
téristique de ce type de traitement nous est donné par l’identification d’un mot dans
la perception du langage parlé. Cette identification se déroule en deux temps : (1) la
détection dont nous venons de parler, pendant laquelle toutes les significations du
mot sont activées ; (2) l’identification du mot, c’est-à-dire l’accès à la signification
appropriée au contexte. Ces mécanismes prennent quelques centaines de millise-
condes et sont irrépressibles (voir par exemple le phénomène de Stroop) et peuvent
même opérer sans que le sujet en ait conscience. Ce caractère irrépressible et
parfois non conscient a été mis en évidence dans une situation d’écoute dichotique
(Lackner et Garrett, 1972). Une phrase, que le sujet doit mémoriser, est présentée
à l’une des oreilles (oreille attentive) et un mot est diffusé dans l’autre (oreille
négligée). La phrase se termine par un mot polysémique : « The boys threw stones
at the bank », où le mot bank peut signifier « berge » ou « banque ». Dans l’oreille
négligée sont diffusés des mots associés à l’un ou l’autre sens (river ou money).
Les résultats montrent que le mot diffusé sur l’oreille négligée influence l’inter-
prétation du mot ambigu, bien que les sujets disent n’en avoir pas eu conscience.
Ainsi, money dans l’oreille négligée oriente vers l’interprétation de bank comme
établissement bancaire.
Le troisième niveau est celui de la catégorisation. C’est un des mécanismes les
plus importants dans la construction de l’interprétation d’une situation. Ce méca-
nisme consiste à affecter le stimulus à une catégorie présente en mémoire. Il permet
d’identifier à un niveau plus ou moins général un objet. Il permet également d’éva-
luer des ressemblances et des différences, donc des comparaisons. Il est à la base
des mécanismes de jugement et d’inférences. Nous reviendrons sur ces types de
traitements dans la seconde partie de ce chapitre.

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Les traitements ■ Chapitre 3

1.1.2 La récupération de l’information en mémoire


Les mécanismes de récupération en mémoire ont déjà été traités dans le premier
chapitre sur la mémoire. Rappelons brièvement que nous avons distingué :
• les mécanismes de récupération en mémoire de travail où l’accès à l’information
se fait par balayage séquentiel et exhaustif ;
• les mécanismes de récupération en mémoire à long terme où l’accès à l’infor-
mation se fait par activation parallèle et directe.
En fonction des indices présents dans la situation, on distingue les situations de
rappel et les situations de reconnaissance.

1.1.3 La constitution et la modification des associations


en mémoire à long terme
Nous avons vu dans les chapitres précédents que de nombreuses informations
étaient stockées en mémoire à long terme. Ce sont des représentations, bien
sûr, mais pas seulement. Nous avons également en mémoire un certain nombre
d’associations entre ces contenus mnésiques. Ces associations sont implicites et
difficilement verbalisables.
La constitution de ces associations en mémoire à long terme a été étudiée dans
les années 1950 au cours des recherches sur le conditionnement. Il s’agit d’un
apprentissage dans lequel la réaction à un stimulus est associée à un autre stimulus.
On peut le considérer comme un des mécanismes de base à l’origine de la capacité
d’adaptation d’un organisme. La notion de conditionnement recouvre en fait deux
mécanismes qu’il faut distinguer : le conditionnement classique mis en évidence
par Pavlov et le conditionnement instrumental ou opérant étudié par Thorndike et
Skinner. Dans le conditionnement classique, plusieurs étapes sont nécessaires : la
présentation d’un stimulus inconditionnel (la viande) va provoquer de façon réflexe
une réponse dite inconditionnelle (la salivation). En associant de manière répétée,
un stimulus neutre (une sonnerie), à ce stimulus inconditionnel (la nourriture), il
finit par provoquer, à lui seul, la réaction devenue conditionnelle (la salivation).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(Le stimulus neutre s’appellera alors le stimulus conditionnel). Dans le condi-


tionnement instrumental, c’est une réponse du sujet (appuyer sur un bouton) qui
déclenche un renforcement, de sorte qu’il est reproduit. Ainsi, Thorndike (1911) a
étudié le comportement d’un chat enfermé dans une boîte. Le chat avait la possi-
bilité d’ouvrir la boîte en appuyant sur une pédale. Dans un premier temps, le
comportement était manifestement non dirigé. Puis, l’animal a actionné par hasard
le mécanisme d’ouverture. Au bout d’un court nombre d’essais, le chat actionne
le levier (réponse opérante) de plus en plus tôt dans son exploration de la boîte
signifiant clairement qu’il a « appris ».

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Mémoires, représentations et traitements

Ces associations peuvent évoluer lors de modification de la liaison, d’inhibition


et de généralisation.
Trois principaux facteurs peuvent intervenir sur la modification de la liaison :
• la contiguïté temporelle, il faut que le stimulus conditionnel soit présenté
suffisamment proche temporellement du stimulus inconditionnel pour que
l’association puisse être faite ;
• la répétition, la cooccurrence des deux stimuli doit être suffisamment fréquente
pour que la liaison s’établisse et se renforce ;
• la motivation, qui intervient principalement dans le conditionnement opérant,
mais également dans le conditionnement classique.
L’inhibition de la liaison est à l’origine du phénomène d’extinction. Si la liaison
entre le stimulus inconditionnel et le stimulus conditionnel ne se répète pas suffi-
samment, la réaction conditionnée disparaît. La généralisation peut se produire
lors des conditionnements classiques et opérants. Le stimulus conditionnel ayant
une valeur donnée, la réponse conditionnée pourra être déclenchée, généralisée
pour des stimuli présentant une valeur proche de cette valeur spécifique. Ainsi, si
on conditionne un animal à tourner la tête lorsqu’il entend un son de 1 000 Hertz,
un son de 900 Hertz déclenchera également le comportement cible.

1.1.4 Production et manipulation d’images mentales


Cette catégorie de traitements a été présentée dans le chapitre consacré aux
images mentales. Nous invitons le lecteur à faire le lien entre les deux paragraphes.

1.1.5 Les jugements


Un jugement est un mécanisme de traitement consistant à sélectionner une
réponse parmi plusieurs possibilités. Un jugement comporte deux composantes :
la prise d’information et la prise de décision. Selon les situations expérimentales,
le psychologue peut s’intéresser davantage à l’une ou l’autre des composantes. On
distingue plusieurs types de jugements :
• les jugements de détection consistent à décider de la présence ou de l’absence
d’un stimulus. Ce mécanisme intervient dans les tâches de détection.
• les jugements comparatifs interviennent dans les situations de choix entre deux
stimuli : le sujet doit comparer deux objets sur une de leurs dimensions (leur
taille ou leur couleur par exemple) et de faire un choix ;
• les jugements absolus correspondent à des situations où l’on doit affecter à un
stimulus, un jugement sur une échelle de mesure discrète, composée de catégo-
ries (par exemple, décider si un objet est petit, moyen ou grand) ;

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Les traitements ■ Chapitre 3

• les jugements d’estimation consistent à se positionner, à effectuer un jugement


sur une échelle continue, avec des degrés ordonnés, et un intervalle constant
(par exemple juger de la taille d’un individu en centimètres) ;
• les jugements d’évaluation concernent plusieurs dimensions comme dans le cas
de l’évaluation scolaire.
Nous développerons ces jugements dans la seconde partie de ce chapitre.

1.1.6 Les inférences


Les inférences constituent une catégorie de traitement particulièrement étudiée
en psychologie. Ce type de traitement consiste à ajouter de l’information nouvelle
à l’information que l’on possède déjà. Les inférences interviennent dans différentes
activités mentales comme la compréhension, le raisonnement, mais aussi la résolu-
tion de problèmes. On distinguera deux grandes catégories d’inférences en fonction
de leur finalité :
• Les inférences à visée épistémique : ce sont les inférences faites afin d’accroître
nos connaissances. On les trouve dans les raisonnements théoriques, mais égale-
ment dans la vie quotidienne.
• Les inférences à visée pragmatique : ce sont les inférences orientées vers l’action,
celles que l’on fait pour particulariser un schéma ou pour chercher une solution
à un problème.
Ce type de traitement sera développé en deuxième partie de ce chapitre.

1.2 Classification des traitements selon les conditions


de déclenchement
Une autre façon de distinguer les traitements est d’opposer les processus contrôlés
et les processus automatiques. Schneider et Shiffrin (1977) fondent cette distinction
sur le type de mémoire sollicitée. Les processus automatiques sollicitent la mémoire
à long terme, tandis que les processus contrôlés sont réalisés en mémoire de travail.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Compte tenu des caractéristiques de ces mémoires, notamment du type de méca-


nismes de récupération de l’information, les processus automatiques opèrent en
parallèle et les processus contrôlés se réalisent de façon séquentielle.
Les différents types de traitements peuvent être également distingués selon les
processus élémentaires déclenchés par les informations perceptives et les processus
de plus haut niveau (résultants de traitements opérés sur les processus élémen-
taires). Ainsi, Fodor (1986) distingue deux catégories de processus :
• les processus modulaires, qui seraient caractéristiques des processus traitant les
informations en entrée (processus perceptifs) et le contrôle de l’action ;

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Mémoires, représentations et traitements

• les traitements de niveaux supérieurs comme le raisonnement et les mécanismes


de prise de décision. Ce sont ceux que Fodor nomme les processus centraux.
(Les systèmes de croyance seraient, eux, de nature non modulaire).
Les processus modulaires sont donc des systèmes de traitement autonomes
caractérisés par cinq propriétés :
• Leur spécificité : les modules sont spécialisés dans un type de traitement extrê-
mement spécifique, comme l’identification de la couleur, la traduction des
graphèmes en phonèmes, etc.
• L’information des modules est caractérisée par un cloisonnement de l’informa-
tion. Ils sont dits « encapsulés », dans le sens où les modules n’ont accès qu’à
une partie très limitée de l’information et ne sont pas influencés par d’autres
types d’informations.
• Les modules sont imperméables aux processus centraux, c’est-à-dire que les
représentations et les activités de plus haut niveau n’influencent pas leur fonc-
tionnement et leur résultat.
• Ces traitements sont extrêmement rapides, de l’ordre de quelques centaines de
millisecondes.
• Enfin ces traitements sont irrépressibles. Une fois déclenchés, ils ne peuvent
plus être interrompus.
À titre d’exemple, voyons comment se réalisent les traitements modulaires dans
l’accès au lexique à partir de la lecture d’un mot. Lors d’une première étape, il s’agit
d’identifier les traits composant chacune des lettres. Par exemple, le mot « CHAT »
est composé de la suite de traits (signes) « C I – I/ – \ I ¯ ». Un premier ensemble
de modules va prendre en charge la détection des traits dans la scène visuelle.
Leur activité dépend uniquement de la présence ou de l’absence d’un trait dans la
scène visuelle (déclenchement par les données). Chacun d’eux ne réagit qu’à un
type de traits : segment vertical, segment horizontal, courbe, etc. (spécialisation).
La détection d’un trait vertical n’a aucun effet sur la détection d’un trait horizontal
(encapsulation). La détection d’un segment vertical se fait simultanément avec
la détection des autres traits de la lettre. On dit qu’ils fonctionnent en parallèle.
Compte tenu de la rapidité de la lecture, au moins chez un lecteur confirmé, on
comprend bien que ces processus doivent opérer rapidement. Ils sont de plus
irrépressibles. Un individu ne peut pas volontairement inhiber un processus modu-
laire. Autrement dit, si une lettre contient un segment horizontal, il est impossible
de ne pas le détecter (quitte à ne pas en tenir compte par la suite, au niveau des
processus centraux, s’il s’agit d’une rature). Lorsque les modules du premier niveau
ont traité l’information, celle-ci est transmise à d’autres modules qui, à leur tour,
vont traiter d’autres aspects de l’information (localisation des traits, identification

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Les traitements ■ Chapitre 3

des lettres, identification du mot et activation des significations du mot). Ce n’est


que lorsque les processus modulaires sont terminés que l’information est transmise
aux processus centraux, où le sujet prend alors conscience d’avoir lu un mot et
que les informations provenant du contexte peuvent intervenir, notamment dans
la sélection de la signification appropriée.
La théorie de Fodor a suscité beaucoup de débats notamment la notion d’en-
capsulation, la spécificité des traitements modulaires et le présupposé innéiste de
la modularité. Les traitements modulaires sont en effet, postulés pour des traite-
ments qui manifestement requièrent un apprentissage comme la compréhension
du langage. Ainsi, des mécanismes comme la segmentation du langage ou l’accès
lexical (l’activation exhaustive des significations d’un mot ambigu) se prêtent bien
à une description en termes de processus modulaires.
Les processus modulaires ne doivent pas être confondus avec des automatismes
qui eux, bien que très rapides et éventuellement déclenchés par les données de
la situation (comme le passage des vitesses chez un conducteur expérimenté) ne
sont pas irrépressibles (si je suis déjà en cinquième et que je veux passer la vitesse
supérieure, je peux interrompre mon geste lorsque je m’en aperçois). En outre, les
automatismes dépendent pour leur déclenchement des buts de l’individu (il ne
suffit pas que je voie le levier pour avoir envie de passer les vitesses). Ils font donc
appel à des informations provenant des processus centraux et ne sont pas encap-
sulés. Enfin, les automatismes sont le résultat d’un apprentissage, ce qui n’est pas
compatible avec le postulat d’innéité des processus modulaires.
Une autre classification des traitements en fonction du mode de contrôle vient
de la psychologie ergonomique avec les études sur la surveillance d’installations
industrielles. Rasmussen (1986) distingue trois niveaux de contrôle :
• Un contrôle par les connaissances. C’est à ce niveau que sont traitées les acti-
vités de résolution de problèmes et de diagnostic. Dans ce cas, le sujet doit faire
appel à ses connaissances et aux données de la situation pour se construire une
interprétation qui va permettre de définir un objectif et de guider son activité.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

• Un contrôle par les règles. Ce niveau de contrôle permet de gérer les situations
incidentelles pour lesquelles on possède des procédures. Ces règles permettent
de définir de nouveaux objectifs et de sélectionner les procédures appropriées.
Un exemple de contrôle à ce niveau est le calcul d’une opération arithmétique,
pour lequel nous disposons de règles nous indiquant comment effectuer le calcul.
• Un contrôle par les automatismes. Ce niveau de contrôle est caractéristique des
situations d’exécution pour lesquelles nous avons un savoir suffisamment répété
pour que nous n’ayons plus à prendre pleinement conscience de la situation
pour l’appliquer. Passer les vitesses en voiture, regarder dans son rétroviseur et

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Mémoires, représentations et traitements

mettre son clignotant avant de changer de direction sont autant d’automatismes


qui permettent à un conducteur expérimenté de contrôler et d’assurer le bon
déroulement de la conduite.
Richard (1998) a réalisé une synthèse de ces différentes classifications. Il distingue
deux grandes classes de traitements :
• les processus modulaires ou quasi modulaires qui sont déclenchés par les
données et ne sont pas contrôlables ;
• les processus contrôlables par les objectifs. Cette deuxième classe se subdivise
en deux catégories : les automatismes, contrôlés par des objectifs de haut niveau
et les activités contrôlées par des objectifs immédiats. Parmi cette dernière
classe, il faut distinguer les activités d’exécution, contrôlées par des règles ou
des procédures, et les activités de résolution de problèmes, contrôlées par des
représentations.
La figure 3.1 résume l’organisation des différentes catégories et leurs propriétés
sous la forme d’un réseau sémantique.

Figure 3.1 – Classification des types de traitements du point de vue


du type de contrôle et du type de déclenchement (d’après Richard, 1998).

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Les traitements ■ Chapitre 3

2. Catégorisation, jugements et inférences


2.1 La catégorisation
La catégorisation est un processus qui consiste à utiliser les catégories et les
propriétés qui les définissent dans une situation particulière. La catégorisation est
donc un mécanisme intervenant dans la construction de l’interprétation. Elle est
utilisée dans de multiples activités dont la principale est sans doute la communi-
cation (Richard, 2004). Ce mécanisme est à l’œuvre lorsque nous devons désigner
un objet et/ou le caractériser par certaines de ses propriétés. Nous retrouvons
également ce processus dans des activités de comparaison ou de classification.

2.1.1 L’identification des objets


Du point de vue de l’extension, un concept est un ensemble d’objets, c’est-à-dire
une catégorie, partageant des propriétés communes. L’ensemble des propriétés
définissant la catégorie relève du point de vue intentionnel. On peut concevoir
l’identification d’un objet dans une scène visuelle comme la perception d’une
conjonction de propriétés à un endroit de cette scène. Selon Treisman et Gelade
(1980), l’identification des propriétés des objets dans une situation se ferait en deux
temps correspondant à des niveaux de traitement.
Le premier niveau serait celui de la perception des propriétés. Ce traitement
serait de nature pré-attentive et parallèle. Si on nous donne à voir, par exemple,
un carré rouge et un triangle bleu, nous percevrons la présence de rouge, de bleu,
de carré et de triangle sans pour autant que les deux objets soient isolés en tant
que tels. À ce niveau, si on présente très brièvement la scène, on peut observer
des combinaisons illusoires de propriétés. Certains sujets affirment avoir perçu
un carré bleu par exemple.
Le second niveau correspond à la construction des conjonctions de propriétés.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ce traitement est de nature attentionnelle puisqu’il implique la localisation des


propriétés dans la scène visuelle pour isoler les objets. Dans notre exemple, la
présence de rouge est localisée au même endroit que la présence d’un carré. On
peut donc isoler la présence d’un carré rouge.
Cette théorie est intéressante, car elle permet de rendre compte des effets du
contexte dans la perception visuelle, notamment des effets de saillance perceptive
(ou pop-out) qui correspondent à une identification plus rapide d’un objet carac-
térisé par un trait qu’il est le seul à avoir dans la scène visuelle. Ce phénomène est
utilisé couramment dans différentes situations pour attirer l’attention sur un objet

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Mémoires, représentations et traitements

particulier. Sur une page de texte, par exemple, si un seul mot est écrit en rouge,
alors que tous les autres sont écrits en noir, le mot sautera aux yeux immédiate-
ment. Comment ce phénomène fonctionne-t-il ? Une étude de Mérand et al. (2003)
nous apporte des éléments de réponse. Une scène visuelle peut être analysée en
listant toutes les propriétés des objets de la situation et, de cette façon, décrire le
réseau des catégories d’objets.

(a) Le stimulus.
(b) L’analyse des propriétés des objets dans la situation.
(c) Le réseau des catégories d’objets dans la situation.

Figure 3.2 – Configuration simple de figures géométriques


utilisée par Mérand et al. (2003).

La figure 3.2a présente un exemple de stimulus utilisé par Mérand et al. (2003).
Le stimulus est présenté brièvement (300 ms) aux sujets. On leur présente ensuite le
nom d’une des propriétés à l’un des trois emplacements (gauche, milieu ou droite)
en leur demandant de dire si la propriété était présente dans l’objet à cet emplace-
ment. On peut voir dans l’analyse des propriétés, présentée dans la figure 3.2b, que
trois propriétés sont partagées par plusieurs objets et que trois autres propriétés
sont spécifiques à un seul objet. Le réseau des catégories d’objets qui en découle
(figure 3.2c) montre que les objets sont caractérisés par 0, 1 ou 2 propriétés spéci-
fiques. Les résultats montrent que plus l’objet a de propriétés spécifiques, plus le
temps de réponse est court et plus le nombre d’erreurs est réduit, les propriétés
spécifiques étant reconnues plus rapidement que les propriétés partagées.

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Les traitements ■ Chapitre 3

(a) Le stimulus.
(b) L’analyse des propriétés des objets dans la situation.
(c) Le réseau des catégories d’objets dans la situation.

Figure 3.3 – Configuration complexe de figures


géométriques utilisée par Mérand et al. (2003).

Si on ajoute une propriété à un des objets, par exemple un trait sur la figure
de droite, la structure des catégories des objets dans la situation se complexifie
fortement (fig. 3.3), de sorte que tous les objets partagent au moins une propriété
avec un autre objet et que chacun d’eux est caractérisé par une seule propriété
spécifique. Dans cette condition, il n’y a plus de différence entre les propriétés
spécifiques et les propriétés partagées du point de vue du temps de réponse et
du taux d’erreurs. Ainsi, l’attention apparaît guidée par les propriétés spécifiques
des objets. Un objet apparaît plus saillant dans la scène visuelle s’il possède de
nombreuses propriétés spécifiques.

2.1.2 Caractérisation d’un objet


Un des usages les plus communs de la catégorisation est la caractérisation d’un
objet par le nom de la catégorie à laquelle il appartient ou par une de ces propriétés.
Un des principaux intérêts de la dénomination est de pouvoir référer aux propriétés
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui caractérisent une classe sans avoir à énumérer toutes les propriétés. Il suffit
d’évoquer un objet en le désignant comme une voiture pour qu’immédiatement
j’aie accès à un certain nombre d’informations sur l’objet en question (il a des roues,
un moteur, sert à se déplacer, etc.). Cette dénomination peut se faire à plusieurs
niveaux dans la mesure où les catégories sont structurées par des relations d’inclu-
sion. Le niveau auquel on va choisir de dénommer l’objet dépend, bien entendu,
de l’objectif de la communication et du contexte dans lequel on se situe. Si je
souhaite prendre un rendez-vous chez le vétérinaire, il peut suffire de dire que je
souhaite faire vacciner mon animal domestique. Si je dois envoyer quelqu’un lui

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Mémoires, représentations et traitements

chercher de la nourriture, j’aurai sûrement besoin de préciser s’il s’agit d’un chien
ou d’un chat, et peut-être également son âge. En revanche, s’il s’agit de l’inscrire
à un concours de beauté, il me faudra préciser sa race et si je parle de ses derniers
exploits à un proche, c’est par son nom que je le désignerai. Un objet peut donc
être vu à un niveau plus ou moins général. Le niveau de spécification doit faire
apparaître des différences suffisantes pour identifier l’objet sans ambiguïté. Si on
reprend l’exemple de configuration simple de Mérand et al. (2003) présenté dans
le paragraphe précédent et qu’on demande à un sujet de désigner l’objet de droite
sans mentionner sa position, on peut dire qu’il s’agit d’un objet non barré ou d’une
figure marquée d’un Z, mais ces deux dénominations ne permettent pas de lever
l’ambiguïté puisque ces propriétés sont partagées par d’autres objets. On choisira
donc spontanément de dénommer la figure en disant que c’est un rond, ce qui
correspond à sa propriété spécifique.

‡ Dénomination et niveaux d’abstraction


Les études sur la structuration de nos connaissances sémantiques (voir le
chapitre 2) montrent qu’un niveau d’abstraction est privilégié dans les tâches de
dénomination : le niveau de base (Rosch et Mervis, 1975). C’est, rappelons-le, le
niveau le plus abstrait auquel peut être associée une représentation imagée. Ainsi,
lorsque je prends rendez-vous chez le vétérinaire, il y a fort peu de chances que je
dise que je veux faire vacciner mon animal. J’aurai plutôt tendance à dire que je veux
faire vacciner mon chien ou mon labrador. Les catégories du niveau de base sont
acquises plus précocement (Berger et Bonthoux, 2000), ce qui n’est d’ailleurs pas
très étonnant quand on sait que c’est également le niveau choisi par les parents pour
désigner un objet en réponse à leur enfant. Mais le choix du niveau d’abstraction
pour la dénomination peut varier en fonction de la typicité de l’exemplaire. Ainsi,
le niveau superordonné est choisi plus fréquemment pour un exemplaire typique
(un rouge-gorge peut facilement être dénommé oiseau), alors que le niveau de
base est systématiquement choisi pour les exemplaires atypiques (une dinde est
toujours dénommée ainsi) (Labrell et Boutet-Blouin, 2000 ; White, 1982). Le niveau
d’abstraction choisi pour la dénomination peut également varier en fonction du
niveau d’expertise (Tanaka et Taylor, 1991).

‡ Le phénomène de marquage
Le langage, malgré sa richesse, ne permet pas d’associer à chaque niveau d’abs-
traction un terme particulier. Ainsi, il n’y a pas de terme permettant de référer
à la catégorie des chiens de grande taille à poils ras, même si je peux concevoir
cette catégorie. Pour l’évoquer ici, j’ai recours à un groupe nominal. Mais le
langage autorise une grande flexibilité et un même terme peut désigner des niveaux

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Les traitements ■ Chapitre 3

d’abstraction différents. Ainsi, le terme « homme » désigne aussi bien les humains
que les personnes de sexe masculin. Ce phénomène, tout à fait important dans la
cognition humaine, est appelé « marquage ». Le terme se prête alors à une inter-
prétation inclusive (générale) ou exclusive (Politzer, 1991). Plusieurs recherches
montrent que chez des sujets novices dans un domaine, l’interprétation d’un terme
non marqué est plus facilement exclusive (Politzer, 1991 ; Richard et al., 1993).
Pouvoir envisager les deux interprétations suppose un certain niveau d’expertise.
Ainsi, l’énoncé : « Un carré est un rectangle qui a ses quatre côtés égaux » perturbe
bon nombre d’élèves qui ont du mal à admettre la proposition car ils conçoivent les
deux catégories comme exclusives. En revanche, l’énoncé ne pose aucune difficulté
à des sujets ayant un bon niveau en géométrie (Sander, 2000). Ce phénomène n’est
d’ailleurs pas propre au langage et peut également survenir pour d’autres symboles.
Tijus (1997) en a donné un exemple à propos des panneaux routiers. Le symbole de la
voiture dans les panneaux d’interdiction de dépasser peut désigner, selon le cas, une
voiture particulière (c’est le cas du symbole de droite dans le panneau de gauche) ou
un véhicule quelconque (c’est le cas des deux symboles dans le panneau de droite).

Figure 3.4 – Un exemple de marquage dans les panneaux routiers.

Le marquage est-il alors un effet de l’imprécision du langage (pour ne pas dire


de l’imperfection de notre système cognitif), ou présente-t-il un véritable intérêt
pour notre fonctionnement mental ? Si un des premiers rôles de la catégorisation
est de distinguer (faire la différence entre un carré et un rectangle), un autre de
ses rôles est de permettre de faire des relations entre les concepts (un carré a ses
côtés parallèles deux à deux, il a quatre angles droits). Ce phénomène, outre une
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

économie certaine du nombre de mots nécessaires, permet de passer beaucoup


plus facilement d’un niveau d’abstraction à un autre. En cela, il est le reflet d’une
plus grande flexibilité cognitive.

2.1.3 Classification d’un ensemble d’objets


Classer des objets, c’est regrouper des objets partageant des similitudes et séparer
les objets présentant des différences. Il faut donc procéder à la construction des
classes, c’est-à-dire identifier les relations entre les propriétés et identifier les
propriétés pertinentes.

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Mémoires, représentations et traitements

‡ Identifier la relation entre les propriétés


Lorsque l’on est en présence d’un ensemble d’objets, les différentes propriétés
ne se combinent pas au hasard. Certaines propriétés se trouvent associées parce
qu’elles entretiennent une relation d’implication. Par exemple, avoir des plumes
suppose d’avoir de la peau. D’autres s’excluent, par exemple avoir des dents et
avoir un bec. Mais dans bon nombre de cas, les conjonctions de traits apparaissent
simplement contingentes, c’est-à-dire associées fréquemment mais sans relation
d’implication. Bourne (1970) a étudié la façon dont les individus appréhendaient
ces différents types de relations. Pour cela, ils ont construit un matériel composé
de figures géométriques (carré, triangle ou rond) en faisant varier la couleur des
figures (noires, blanches ou rouges). Les traits pertinents à considérer sont « carré »
et « rouge ». Quatre types de règles peuvent associer ces traits :
• Une règle conjonctive : les objets sont carrés et rouges.
• Une règle disjonctive : les objets sont carrés ou rouges.
• Une règle conditionnelle : si un objet est rouge, alors c’est un carré.
• Une règle bi-conditionnelle : si et seulement si un objet est rouge, alors c’est
un carré.
Dans l’expérience de Bourne et al. (1976), les sujets étaient informés des attributs
pertinents et devaient découvrir la règle qui les reliait. À chaque essai, l’expérimen-
tateur présentait aux sujets une figure en leur demandant si celle-ci respectait ou
non la règle. On considérait qu’un sujet avait découvert la règle s’il était capable
de l’énoncer ou s’il réalisait un certain nombre d’essais successifs sans erreur. Les
résultats présentés dans la figure 3.5 montrent une plus grande facilité pour les
règles conjonctive et disjonctive. La règle conditionnelle est un peu plus difficile
à identifier, mais la règle bi-conditionnelle nécessite trois fois plus d’essais que la
règle conjonctive pour être énoncée ou permettre une classification sans erreur.
Cependant, après trois problèmes résolus, les performances sont équivalentes pour
les quatre règles. Les règles conditionnelles et bi-conditionnelles sont donc simple-
ment plus longues à identifier, mais pas plus difficiles à appliquer.
Que se passe-t-il si le sujet connaît la règle, mais doit découvrir les attributs perti-
nents ? Pour répondre à cette question, Bourne a imaginé une autre expérience. Le
matériel utilisé et la procédure sont les mêmes que précédemment mais, dans cette
expérience, les sujets sont informés de la règle mais pas des attributs pertinents. Les
résultats observés sont similaires. Quand il s’agit d’identifier les attributs pertinents
pour une règle conjonctive, il faut moins d’essais que pour une règle disjonctive.
La découverte des attributs pour une règle conditionnelle est plus difficile pour les
deux autres, mais plus facile que pour une règle bi-conditionnelle.

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Les traitements ■ Chapitre 3

Figure 3.5 – Nombre moyen d’essais avant la découverte de la règle en fonction


du type de règle et du nombre de problèmes résolus (d’après Bourne et al., 1976).

Dans la figure 3.6, les fréquences sont calculées en faisant la moyenne des
fréquences des objets carrés et des objets rouges dans les exemplaires compa-
tibles. Pour la règle disjonctive, par exemple, on a 3 objets sur 5 rouges et 3 objets
sur 5 carrés. On a donc une fréquence des objets rouges et carrés parmi les objets
compatibles de ([3 ÷ 5] + [3 ÷ 5]) ÷ 2 = 0,6. De la même façon, pour la règle
conditionnelle, on a 1 objet sur 7 rouge et 3 objets sur 7 carrés. La fréquence des
objets rouges et carrés parmi les objets compatibles est donc de ([1 ÷ 7] + [3 ÷ 7])
÷ 2 = 0,29. Si on regarde d’un peu plus près le matériel utilisé, on peut voir que la
fréquence des exemplaires présentant les deux attributs pertinents varie inverse-
ment à la difficulté des règles. Bourne et ses collègues ont alors avancé l’idée que
c’était la fréquence des conjonctions de propriétés qui permettait l’extraction des
catégories dans l’environnement.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 3.6 – Fréquence des exemples positifs pour chacune


des règles dans le matériel de Bourne (Bourne et al., 1976).

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Mémoires, représentations et traitements

‡ Identifier les propriétés pertinentes


La situation étudiée par Bourne est cependant très artificielle. Les objets dans
l’environnement ne se présentent que rarement organisés par deux dimensions
seulement et il n’est pas du tout certain qu’on soit capable, après avoir classé
un ensemble d’objets, de verbaliser les relations entre leurs propriétés. De même
l’énonciation des traits utilisés pour le classement n’est pas toujours facile à réaliser.
Enfin pour un ensemble donné d’objets, on peut opérer des classements différents,
d’autant plus que le nombre de propriétés et le contexte dans lequel on fait ce
classement varient considérablement. Si on considère par exemple la façon dont
on peut ranger un ensemble de livres, on se rend bien compte que les critères
de regroupement sont très nombreux. On peut par exemple adopter un critère
thématique, alphabétique sur le nom de l’auteur, le titre de l’ouvrage, l’éditeur ou
bien retenir un critère chronologique en fonction de la date d’édition. On peut
même penser à ranger les ouvrages par taille ou par couleur, juste pour avoir un
rayonnage plus esthétique. L’objectif du classement influence donc certainement
les critères qui seront retenus. Les tâches de classification libre qui ont été les
plus étudiées en psychologie visent à appréhender l’organisation des concepts en
mémoire à long terme. Dans ce type de tâches, l’expérimentateur demande aux
sujets de regrouper les objets qui se ressemblent. Il ne s’agit donc pas de caracté-
riser un objet en particulier, mais plutôt de faire apparaître les similitudes et les
différences dans l’ensemble des objets considérés. Le nombre d’objets à classer peut
varier, mais il est souvent de l’ordre d’une trentaine. Le sujet doit alors chercher
des propriétés suffisamment générales pour constituer un nombre raisonnable
de classes (le nombre de classes est, en général, laissé à l’appréciation du sujet).
Si vous vous essayez à ce type d’exercices, vous verrez que la tâche n’est pas aisée
et que vous reprendrez un certain nombre de fois votre classement. Les résultats
finaux montrent souvent une relative variabilité des classes construites dans ce
type de tâches. L’utilisation de méthodes d’analyse statistique appropriées permet
d’estimer le classement moyen fait par un groupe de sujets et de comparer ainsi
les classements que peuvent faire différents groupes culturels. Cette classifica-
tion moyenne peut être considérée comme une bonne estimation des dimensions
pertinentes intervenant dans l’organisation des connaissances chez un ensemble
d’individus. Malt (1995) et Lopez et Atran (1997) ont montré ainsi que la variabilité
des classifications n’était pas aussi importante qu’on pouvait s’y attendre, pour des
classes d’objets tels que les végétaux, les animaux ou les objets de l’environnement
familier, les différences concernant essentiellement l’usage et la fréquence avec
laquelle certains objets sont rencontrés. De la même façon, Medin et Lynch (1997)
ont étudié les connaissances sur les arbres de trois groupes de professionnels :
spécialistes de biologie végétale, personnels d’entretien des jardins et paysagistes.

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Les traitements ■ Chapitre 3

Ils ont ainsi pu montrer que les paysagistes privilégiaient les qualités ornementales
des arbres alors que les deux autres types de professionnels privilégiaient leurs
propriétés biologiques.

2.2 Les jugements


Le jugement, comme le souligne Richard (2004), peut être vu comme un cas
particulier de catégorisation. Ce type de traitement consiste, en effet, à attribuer
une propriété à un objet (il est présent ou absent, il est plus grand qu’un autre, etc.).
La différence tient au fait que, dans le jugement, l’attribution catégorielle est le but
de l’activité. Dans la catégorisation, ce n’est qu’un moyen, le but étant d’identifier,
de désigner ou de classer un ou plusieurs objets.

2.2.1 Les jugements de détection


Un sujet est dans une situation de détection lorsque sa tâche consiste à décider
si oui ou non un stimulus est présenté. Le stimulus cible ou signal n’apparaît bien
sûr jamais isolément. C’est au milieu d’un ensemble d’autres stimulations non
pertinentes ou bruits que ce signal doit être guetté. En psychologie, et notamment
en psychophysique, ce type de situation est très utilisé pour étudier la percep-
tion. La détection du signal dépend du seuil de détection c’est-à-dire du niveau
minimal de stimulation nécessaire pour que le signal soit perçu par le sujet et
dépend également des possibilités de discrimination du signal et du bruit. On
conçoit, en effet, assez aisément que si un sujet doit réagir à un son de 1 500 hertz
(signal), la probabilité qu’il se trompe lorsqu’on lui présente un son de 1 450 hertz
(bruit) est plus importante que si on lui présente un son, très différent, de 500 hertz.
La psychophysique s’est donc attachée à déterminer les seuils de détection et de
discrimination. L’utilisation des jugements de détection dans l’étude de la percep-
tion ne doit cependant pas conduire à croire que seuls des mécanismes perceptifs
sont en jeu dans ce type de tâche. En général, on demande aux sujets de répondre
le plus rapidement possible à l’apparition du stimulus. On leur demande également
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de répondre en faisant le moins possible d’erreurs. Certains sujets se focalisent


sur l’une ou l’autre des contraintes. Les recherches en psychophysique montrent
qu’il existe une relation inverse entre rapidité et précision de la réponse. Plus un
sujet essaye de faire vite, moins il aura de bonnes réponses. De la même façon, si
un sujet tente de répondre sans erreurs, il aura tendance à répondre plus lente-
ment. Par ailleurs, on peut influencer le type de stratégie utilisée par un sujet en
orientant la consigne. Dans un type d’expérience, on présente à des sujets une
cinquantaine de segments obliques (bruit), en remplaçant dans certains essais un
segment oblique par un segment vertical (bruit + signal). À un premier groupe, il

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Mémoires, représentations et traitements

est demandé d’éviter de rater un signal (groupe « signal »). À l’autre groupe, il est
demandé d’éviter de répondre qu’il y a un signal alors qu’il n’y en a pas (groupe
« bruit » ; pour plus de détails, voir Bagot, 1999 ; Bonnet, 1998, 1999).

Figure 3.7 – Fréquences des réponses dans les deux groupes


(d’après Bonnet, 1999).

Dans une situation de détection du signal, si le signal est présent, répondre


« signal » est une détection correcte et répondre « bruit » est une omission. Lorsque
le signal n’est pas présent, répondre « signal » est appelé « fausse alarme » et
répondre « bruit » est un rejet correct. La figure 3.7 présente les résultats de l’expé-
rience. On observe dans le groupe « signal » un nombre de détections correctes plus
important, mais également davantage de fausses alarmes (partie grisée du tableau
de gauche de la figure 3.7). Dans le groupe « bruit », on observe au contraire un
nombre plus important de rejets corrects mais également un nombre d’omissions
plus important (partie grisée du tableau de droite). Pourtant dans les deux cas, le
taux de réponses correctes est le même. La focalisation attentionnelle sur un type
de stimuli intervient donc dans ce type de tâche.

2.2.2 Les jugements comparatifs


Dans les situations de jugement comparatif, les sujets doivent identifier des
similitudes et des différences entre deux objets sur une ou plusieurs dimensions.
En général, on étudie ce type de phénomène à l’aide de tâches d’évaluation de simi-
litudes : le sujet se voit proposer une paire d’objets ou de noms d’objets, et il doit
situer, sur une échelle, la similitude entre les deux. Ces échelles sont constituées de
catégories (grand, moyen ou petit, par exemple) ou d’un ensemble de valeurs (de 0
à 7 par exemple). L’étude de ce type de jugements a permis de mettre en évidence
plusieurs phénomènes importants.
Intuitivement, il paraît naturel de penser que la similitude est une relation symé-
trique. Un premier objet ressemble autant à un second que le second ressemble au
premier. Une étude de Tversky et Gati (1982) reprise par Gleitman et al. (1996)
montre qu’il n’en est rien.

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Les traitements ■ Chapitre 3

Tableau 3.1 – Exemples de phrases utilisées par Gleitman et al. (1996).


Symétrique Asymétrique
Orientée : Orientée :
Ordre 1 : La Corée est similaire Ordre 1 : Le nageur sauve
à la Chine. le maître-nageur.
Ordre 2 : La Chine est similaire Ordre 2 : Le maître-nageur
à la Corée. sauve le nageur.
Non orientée : Non orientée :
Ordre 1 : La Corée et la Chine Le maître-nageur et le nageur
sont similaires. sont sauvés.
Ordre 2 : La Chine et la Corée Le nageur et le maître-nageur
sont similaires. sont sauvés.

Dans leur expérience, les sujets avaient à évaluer sur une échelle leur accord
avec des propositions comme : « La Corée est similaire à la Chine » ou « La Chine
est similaire à la Corée ». Les résultats montrent que l’accord des sujets est plus
élevé, en moyenne, sur la première proposition que sur la seconde. Autrement dit
les sujets jugent la Corée plus similaire à la Chine que la Chine n’est similaire à la
Corée. Gleitman et al. (1996) ont fait remarquer que la formulation de la proposi-
tion introduisait une asymétrie entre les deux termes de la comparaison. L’un des
deux termes se trouve, en effet, en position de sujet, alors que l’autre est en position
d’objet, ce qui a pour effet d’orienter la proposition. Le prédicat de similarité serait
bien symétrique et ce serait la construction de la phrase qui introduirait l’asymétrie.
Ils ont répliqué l’expérience en manipulant trois facteurs : la symétrie du prédicat,
l’orientation de la construction de la phrase et l’ordre des termes dans la proposition
(voir, dans le tableau 3.1, les exemples de phrases utilisées).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 3.8 – Moyennes des évaluations en fonction de la symétrie du


prédicat et de l’orientation de la phrase (d’après Gleitman et al., 1996).

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Mémoires, représentations et traitements

On peut voir dans la figure 3.8 que, globalement, l’accord moyen est plus impor-
tant pour les phrases orientées que les phrases non orientées. Parmi les phrases
non orientées, la différence entre les phrases symétriques et asymétriques est
faible, alors que cette différence est importante pour les phrases orientées. Dans
les phrases non orientées, l’asymétrie est faible pour les deux types de prédicats.
L’effet du type de construction syntaxique est donc indéniable. Il n’en demeure pas
moins que l’expérience de Tversky et Gati (1982) pose la question des processus en
jeu dans un jugement de comparaison. Ces auteurs postulent que c’est par compa-
raison à un prototype, au sens de Rosch et Mervis (1975), que le jugement se ferait.
De fait, la construction orientée de la phrase incite à comparer le premier terme
au second, la Chine pouvant être considérée comme l’exemplaire prototypique
des pays asiatiques. On comprend alors pourquoi la proposition inverse est moins
facilement acceptée par les sujets. Il est moins naturel de comparer un prototype
à un exemplaire. La formulation non orientée, en revanche, laisse le choix au sujet
du terme à comparer à l’autre pour émettre un jugement de similitude. Il est donc
normal d’observer dans cette condition que l’écart entre les phrases symétriques
et asymétriques soit plus faible.
Le jugement de comparaison est également sensible au contexte dans lequel il
doit être produit. Ainsi, la similitude entre des instruments à cordes est jugée plus
forte si on ajoute un instrument à vent que si ces jugements doivent être produits
uniquement pour un ensemble d’instruments à cordes (Tversky et Gati, 1978). Il
semble donc qu’en fonction du contexte, les propriétés activées dans la compa-
raison ne soient pas les mêmes. Lorsqu’il n’y a que des instruments à cordes, la
présence des cordes n’apparaît pas comme une propriété pertinente, parce que ne
permettant pas de différencier les instruments. Si en revanche, on introduit des
instruments à vent, les cordes deviennent une propriété contrastive qui permet
de regrouper les instruments à cordes, augmentant ainsi l’importance de cette
propriété dans la comparaison des instruments à cordes entre eux.
Medin et al. (1993) ont testé l’idée selon laquelle la comparaison se ferait à
partir des propriétés caractérisant le mieux le premier terme de la comparaison.
Le processus de comparaison se déroulerait en deux temps : identification des
propriétés du premier terme, cette identification supposant un certain point de vue,
puis recherche de propriétés pouvant être appariées avec le second terme. Dans
leur expérience, les sujets devaient, dans une première phase, évaluer la similarité
entre deux objets et indiquer la propriété commune à ces objets. Les paires d’objets
étaient, bien entendu, présentées dans les deux sens. Dans une seconde phase, les
propriétés énoncées par les sujets ont été reprises et proposées en même temps que
la paire d’objets. Les sujets devaient alors indiquer si la propriété était vraie pour

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Les traitements ■ Chapitre 3

les deux objets, plus appropriée pour l’un des deux ou applicable à seulement un
des objets. De manière générale, leurs résultats accréditent l’idée que les propriétés
communes activées dépendent du sens de la comparaison et qu’elles caractérisent
plutôt le premier que le second terme. Ainsi, la proposition « est un scientifique » a
été jugée plus appropriée pour Einstein que pour Franklin. Dans un autre exemple,
la proposition « se mange au cinéma » est considérée comme plus appropriée pour
le pop-corn que pour les barres de chocolat.

2.2.3 Les jugements absolus


Ces jugements consistent à situer un objet sur une échelle représentant les diffé-
rents attributs pour une dimension. Cette échelle peut être constituée d’un certain
nombre de termes ou d’un ensemble de valeurs numériques. En psychologie, les
échelles utilisées comprennent un nombre impair d’échelons de façon à avoir une
valeur centrale neutre entre les deux extrêmes. Le nombre d’échelons varie en
général de 3 à 7.

‡ Les effets de la fréquence


Comme pour les jugements de comparaison, on observe un effet important du
contexte sur les réponses des sujets et une asymétrie des jugements en fonction de
la fréquence des valeurs dans l’ensemble des stimuli. Riskey et al. (1979) ont étudié
les jugements sur la teneur en sucre d’un ensemble de boissons. Trois conditions
expérimentales étaient comparées. Dans la première, les boissons étaient majo-
ritairement peu sucrées, la boisson la moins sucrée étant présentée dans un tiers
des cas. Dans une deuxième condition, l’expérimentateur présentait aux sujets des
boissons majoritairement très sucrées, la boisson la plus sucrée étant présentée
dans un tiers des cas. La troisième condition était une condition contrôle dans
laquelle un tiers des boissons présentées étaient de valeur moyenne. Les résultats
montrent une tendance à surestimer le taux de sucre dans la première condition
par comparaison avec la situation moyenne et une tendance inverse dans la seconde
condition.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le modèle étendue/fréquence de Parducci (1965) permet de bien rendre compte


de ce type de résultats. Dans ce modèle, le jugement d’un sujet dépend de la position
du stimulus dans la gamme des stimuli, notamment de la distance de ce stimulus
par rapport aux stimuli extrêmes (principe d’étendue). Le jugement dépend aussi
des stimuli que le sujet a perçus précédemment et plus précisément de la proportion
de stimulus inférieurs ou égaux présentés antérieurement (principe de fréquence).
Reprenons l’exemple de Riskey et al. et imaginons que le sujet ait à évaluer une
boisson moyennement sucrée. Sa réponse dépend, bien entendu, de la position

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Mémoires, représentations et traitements

subjective de la boisson par rapport aux boissons très sucrées et aux boissons très
peu sucrées. Autrement dit, il tiendra compte de l’étendue qui sépare les deux
extrêmes pour porter son jugement. Il tiendra aussi compte dans son jugement des
boissons déjà rencontrées. Si le sujet n’a bu, jusqu’à maintenant, que des boissons
plutôt peu sucrées, il sera plus enclin à surestimer le taux de sucre. Il tient donc
compte de la fréquence des objets de même valeur. Le compromis entre ces deux
principes (l’étendue et la fréquence) peut être formalisé par la moyenne pondérée
de ces deux valeurs. On exprimera l’étendue par un nombre compris entre 0 (la
boisson n’est pas sucrée) et 1 (la boisson est très sucrée). Pour une boisson moyen-
nement sucrée, la valeur d’étendue sera égale à 0,5. De la même façon, la fréquence
sera exprimée par un nombre compris entre 0 (aucun stimulus présenté précédem-
ment n’était inférieur ou égal au stimulus présent) et 1 (tous les stimulus présentés
précédemment étaient inférieurs ou égaux au stimulus présent) :
• dans la condition 1, les boissons sont majoritairement très peu sucrées.
Admettons que dans 8 cas sur 10, les boissons soient moins ou aussi sucrées.
La fréquence sera de 0,8 ;
• dans la condition 2, les boissons sont plus fréquemment très sucrées. Il ne
rencontrera des boissons moins ou aussi sucrées que dans 2 cas sur 10, soit une
fréquence de 0,2 ;
• dans la condition 3, les boissons sont réparties vers les valeurs moyennes. Il aura
des boissons moins ou autant sucrées dans un cas sur deux, soit une fréquence
de 0,5.
Bien sûr, les sujets n’accordent pas tous la même importance à ces deux prin-
cipes. Il conviendra donc de leur affecter un poids (w), c’est-à-dire un coefficient
d’importance (analogue aux coefficients attribués aux différentes matières lors
du baccalauréat), de façon à privilégier l’étendue ou la fréquence en fonction des
situations. Un sujet peut, par exemple, accorder deux fois plus d’importance à
l’étendue (w = 2/3) qu’à la fréquence (w = 1/3). On notera P l’évaluation subjective
du sujet pour chacune des trois conditions.
• Condition 1 : P = (2 ÷ 3 × 0,5) + (1 ÷ 3 × 0,8) = 0,6
• Condition 2 : P = (2 ÷ 3 × 0,5) + (1 ÷ 3 × 0,2) = 0,4
• Condition 3 : P = (2 ÷ 0,5) + (1 ÷ 3 × 0,5) = 0,5
Sur une échelle de 0 à 10, le sujet répondrait 6 en condition 1, 4 en condition 2 et
5 en condition 3. On voit, sur cet exemple, comment le modèle étendue/fréquence
permet de rendre compte des résultats de Riskey sur la variabilité des réponses en
fonction de la fréquence des stimuli extrêmes.

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Les traitements ■ Chapitre 3

‡ Les heuristiques de jugement


L’estimation de la fréquence par les sujets ne se fait pas, comme pour l’expéri-
mentateur, par un calcul des probabilités d’apparition de chaque type de stimuli.
Selon Kahneman et Tversky (1974), cette estimation serait fondée sur l’utilisation
d’heuristiques, c’est-à-dire de règles générales. Ces heuristiques sont au nombre
de trois :
L’ancrage-ajustement. Cette heuristique consiste à baser son jugement à partir
d’une valeur particulière (ancre) et à ajuster la valeur de l’ancre pour faire un
jugement sur un objet particulier. En voici un exemple très simple qu’on peut
reproduire assez facilement. On demande au sujet de trouver le résultat d’une
multiplication dans un délai maximum de 5 secondes. Les multiplications sont
les suivantes :
• pour une moitié des sujets : 1 × 2 × 3 × 4 × 5 × 6 × 7 × 8 = ?
• pour l’autre moitié des sujets : 8 × 7 × 6 × 5 × 4 × 3 × 2 × 1 = ?
Le résultat est de 40 320 dans les deux cas. Bien sûr, aucun sujet ne peut trouver
le résultat dans le temps imparti. Ils vont donc procéder à une estimation. Les
résultats montrent que dans le premier cas, l’estimation est moins importante que
dans le second. L’estimation est influencée par la première valeur fournie. Un autre
exemple consiste à tirer au hasard un nombre entre 1 et 100, puis à demander aux
sujets de dire quel est le pourcentage des pays africains à l’ONU. Par exemple, si
le premier nombre est de 65, le pourcentage sera évalué à 45 %. En revanche, s’il
est de 10, l’estimation sera de 25 %.
La disponibilité. L’estimation de la fréquence d’un événement dépend égale-
ment de la facilité avec laquelle on peut trouver des exemples en mémoire. Dans
une expérience, Kahneman et Tversky (1974) ont fait évaluer par des sujets la
fréquence selon laquelle les lettres R, L, K, N ou V apparaissent en première ou
en troisième position dans les mots anglais. La majorité des sujets ont estimé que
ces cinq lettres apparaissaient plus fréquemment en première position. Dans la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

réalité, les études statistiques sur le lexique anglais montrent que ces lettres appa-
raissent plus fréquemment en troisième position dans les mots. Mais il est plus
facile de chercher un mot en mémoire à partir de son initiale que de chercher un
mot présentant une lettre particulière en troisième position (que les cruciverbistes
fassent le lien). La disponibilité des informations en mémoire influence donc notre
jugement.
La représentativité. Elle consiste à faire un jugement de fréquence ou de vrai-
semblance sur la base de la similarité ou de la ressemblance avec des occurrences
similaires. Ce type d’heuristiques a été mis en évidence par Kahneman et Tversky

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Mémoires, représentations et traitements

(1973) dans une situation désormais devenue classique : le problème des « ingé-
nieurs et des avocats ». On présente aux sujets le portrait suivant :

« Jean est un homme de 45 ans. Il est marié et a quatre enfants. Il est en général
conservateur, prudent et ambitieux. Il ne s’intéresse pas aux questions politiques
et sociales et consacre la plupart de son temps libre à ses nombreux passe-temps
comme la menuiserie, la voile et les énigmes mathématiques. »

Dans une condition, on informe certains sujets que le portrait a été tiré au
hasard parmi un ensemble de trente ingénieurs et soixante-dix avocats et, dans
une autre condition, on informe les sujets que le portrait a été tiré au hasard parmi
un ensemble de soixante-dix ingénieurs et de trente avocats. Compte tenu de
ces informations et du caractère très générique du portrait, on s’attend à ce que
l’évaluation soit influencée fortement par les proportions d’ingénieurs ou d’avo-
cats dans la population. Les résultats montrent que, dans les deux conditions, les
sujets estiment avec la même probabilité que le portrait est celui d’un ingénieur.
Ce qui veut dire qu’ils ne tiennent pas compte des informations sur la population.
Une autre erreur qui relève également d’une heuristique de représentativité est
l’erreur de conjonction (Tversky et Kahneman, 1983). La loi des probabilités stipule
que la probabilité d’un événement ne peut être plus petite que la probabilité de
cet événement avec la conjonction d’un autre événement. Ainsi, si la probabilité
d’un événement A est de 1 ÷ 2 et la probabilité d’un événement B est de 1 ÷ 3, la
probabilité d’avoir A et B ensemble ne peut être supérieure à la probabilité de A
ou de B pris isolément. On a en effet P (A et B) = 1 ÷ 2 × 1 ÷ 3 = 0,16. Dans leur
étude, les auteurs montrent que les sujets semblent ne pas respecter le calcul des
probabilités. Ils présentent aux sujets le portrait de Linda :

Linda a 31 ans, elle est célibataire, elle ne mâche pas ses mots et c’est une
personne très brillante. Elle a un diplôme de philosophie. Étudiante, elle se
sentait très concernée par les problèmes de discrimination et de justice sociale
et elle a également participé à des manifestations antinucléaires.

On demande ensuite aux sujets de décider laquelle des propositions suivantes est
la plus probable : 1) « Linda est employée de banque » ou 2) « Linda est employée de
banque et milite dans un mouvement féministe ». En toute logique, la probabilité
de 1) est plus importante que la probabilité de 2). Pourtant près de neuf sujets sur
dix sujets estiment la probabilité de 2) supérieure à la probabilité de 1). Les sujets
suivent encore une fois l’heuristique de représentativité (Tversky et Kahneman,
1983). Le portrait actuel de Linda, employée de banque et militante féministe, est
le plus représentatif du personnage qu’était Linda dans sa jeunesse.

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Les traitements ■ Chapitre 3

2.3 Les inférences


Les inférences ont été étudiées dans trois grands domaines en psychologie : le
raisonnement, la compréhension de textes et la résolution de problèmes. Du point
de vue de leur finalité, on peut classer les inférences en deux grandes catégories. Les
premières visent à l’augmentation de la connaissance, c’est-à-dire à la construction
de propositions nouvelles à partir de propositions anciennes. Ce sont les inférences
à visée épistémique. On les retrouve dans les activités de raisonnement formel
et dans la compréhension de textes. Dans la seconde catégorie, ce n’est pas la
connaissance, mais l’action que permet cette connaissance qui est visée. Ce sont
les inférences à visée pragmatique. On les retrouve dans les activités d’exécution
et dans la résolution de problèmes.
Du point de vue du mode de contrôle, on peut également distinguer des infé-
rences automatiques mises en œuvre dans la réalisation d’un objectif plus général.
C’est le cas d’un certain nombre d’inférences effectuées au cours de la lecture
comme celles qui nous permettent de faire le lien entre un pronom et le nom
auquel il se rapporte et qu’on nomme inférences anaphoriques. D’autres inférences
sont contrôlées par un but immédiat. Nous ne donnerons ici que les principales
définitions (pour une revue complète voir Meunier, 2016).

2.3.1 Les raisonnements à visée épistémique


Ces inférences sont contrôlées par des buts explicites et sont donc conscientes.
Elles consistent en général, à partir de propositions tenues pour vraies (les
prémisses), à essayer de construire une nouvelle proposition (la conclusion).
Plusieurs cas de figure sont possibles, en fonction de la certitude de la conclusion
(fig. 3.9). Celle-ci ne constitue pas une classification des mécanismes de raisonne-
ment, mais seulement une classification d’un point de vue logique des différents
types d’inférences qu’on peut distinguer en fonction de leur validité et de leur
finalité.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Lorsque la conclusion est certaine, on parle de raisonnement valide. C’est typi-


quement le cas de la déduction. Dans ce type de raisonnement, on part de prémisses
particulières pour aboutir à une conclusion particulière. Par exemple, si j’ai une
connaissance selon laquelle « si les pommes sont rouges alors elles sont mûres »
et que j’observe, par ailleurs, que les pommes sont rouges, je peux, sans risque de
me tromper, conclure que les pommes sont mûres. Une autre forme de raisonne-
ment valide est le raisonnement par l’absurde. On pourrait facilement le ramener
à un cas particulier de déduction. Il ne sera donc pas distingué dans la figure 3.9.
Il consiste à montrer que la fausseté d’une proposition conduit à une contradiction.

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Mémoires, représentations et traitements

La proposition est donc forcément vraie. En voici un petit exemple très simple :
si l’humanité avait refusé tout progrès, nous marcherions encore à quatre pattes,
or nous ne marchons pas à quatre pattes, donc l’humanité a accepté le progrès.

Figure 3.9 – Les différents types de raisonnements à visée épistémique


en fonction de la certitude des prémisses et de la certitude de la conclusion.

Lorsque la conclusion est incertaine, on parle de raisonnements non valides. Une


première forme de raisonnement non valide est l’induction. Ce type de raisonne-
ment consiste, à partir d’un cas particulier, à généraliser la conclusion à d’autres
cas. Si par exemple, on aperçoit dans un panier deux pommes vertes, on peut être
tenté de conclure que les pommes de ce panier sont toutes vertes. Le cas typique
de raisonnement inductif est le test d’hypothèses. Cette forme de raisonnement
a été étudiée en psychologie dans des tâches d’évaluation d’hypothèses et dans
des tâches de recherche d’informations. Une deuxième forme de raisonnement
non valide est l’abduction ou raisonnement diagnostic. Il s’agit, dans cette forme
de raisonnement, de construire une hypothèse explicative. C’est typiquement le
raisonnement mis en œuvre par un médecin lorsqu’il ausculte un patient ou par
un technicien lorsqu’il cherche la cause d’une panne. Dans les situations naturelles,
cette forme de raisonnement relève plutôt d’une finalité pragmatique. Le raison-
nement abductif a cependant été étudié pour lui-même dans un certain nombre
de travaux. Typiquement ce type de raisonnement prend la forme suivante : une
première proposition fait partie de nos connaissances : « Si ce patient a la grippe,
alors il a une rhinite » et une seconde, d’un constat : le patient présente une rhinite.
On peut donc raisonnablement avancer qu’il a la grippe. La conclusion n’est pas
certaine, la grippe n’étant pas la seule cause de rhinite. Elle en constitue cepen-
dant une hypothèse explicative raisonnable (compte tenu éventuellement d’autres
symptômes). Une troisième forme de raisonnement non valide est l’analogie. Elle
consiste à mettre en relation deux domaines présentant des similitudes et à se
servir de ce qu’on sait sur le domaine familier pour raisonner sur le domaine non

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Les traitements ■ Chapitre 3

familier. Cette forme de raisonnement a surtout été étudiée dans le cadre de l’ap-
prentissage et de la résolution de problèmes. De ce point de vue, cela en fait une
forme de raisonnement à visée pragmatique. Il est signalé ici parce que cette forme
de raisonnement peut être étudiée pour elle-même, notamment dans des tâches
de résolution de métaphores qui relèvent également de l’analogie (par exemple,
« la Lune est une faucille d’or »).

2.3.2 Les inférences dans la compréhension de textes


Le deuxième domaine de la psychologie où les inférences ont été étudiées est
la compréhension de textes. Comprendre un texte, c’est en construire une inter-
prétation. Parce que tout est rarement dit de façon explicite dans un texte, les
inférences tiennent une place importante dans les processus de compréhension et
les recherches sur ce thème sont nombreuses (Campion et Rossi, 1999). Ces infé-
rences consistent, pour l’essentiel, à récupérer en mémoire une information pour
l’ajouter à la représentation qu’on se fait du texte, de façon à assurer la cohérence
de l’interprétation. Ces inférences interviennent à deux niveaux de compréhension :
le premier est celui de l’interprétation des propositions du texte et de leur mise
en relation ; le second niveau correspond à la construction de la représentation
globale du texte. Dans la représentation d’un texte, deux catégories d’inférences
peuvent être distinguées.

‡ Les inférences de liaison


Elles sont souvent considérées comme nécessaires à la compréhension et inter-
viennent au premier niveau de la construction de l’interprétation. Elles servent
à relier la signification d’une phrase ou d’une proposition du texte à une autre
phrase ou proposition traitée auparavant, dans le cas où le lien entre ces phrases
n’est pas explicite. Ces inférences ont donc pour fonction d’assurer la cohérence
interphrastique. Un exemple caractéristique de ce type d’inférence est l’inférence
anaphorique. Une anaphore est un terme générique, souvent un pronom, utilisé
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pour référer à un individu ou à un objet précédemment évoqué dans le texte (le


référent). Ainsi dans « Jean est un joli garçon. Il a les yeux bleus et des cheveux
blonds », « il » constitue une anaphore et le lecteur doit inférer le lien avec « Jean »,
son référent. En général, les inférences anaphoriques sont réalisées de manière
automatique. Cependant, le traitement de l’anaphore peut s’avérer difficile si le
référent se trouve très éloigné de l’anaphore dans le texte, s’il y a plusieurs candi-
dats référentiels possibles ou si une trop grande quantité d’informations est insérée
entre les deux termes.

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Mémoires, représentations et traitements

‡ Les inférences élaboratives


Elles ne sont pas toujours indispensables pour la compréhension et ont pour
fonction d’enrichir la représentation mentale, au cours de la lecture. Elles peuvent
être classées thématiquement. On aura ainsi des inférences de cause, de consé-
quence, d’instrument, etc. On considère que ces inférences sont souvent liées au
modèle de situation évoqué par le texte. Elles interviennent aussi bien au niveau
interphrastique qu’au niveau global du processus d’interprétation. En voici un
petit exemple : « Après une journée de travail et une heure dans les transports
en commun, Paul ouvrit la porte de son appartement. Il y trouva un désordre
indescriptible. » Dans cet exemple, plusieurs inférences peuvent être faites, qui ne
sont pas toutes nécessaires à la compréhension du texte, mais qui enrichiront la
représentation. Une inférence de lieu peut être faite (Paul se trouve sur son palier).
Le lecteur peut également inférer qu’il est fatigué (inférence de conséquence), qu’il
utilise une clé pour ouvrir la porte (inférence d’instrument). Enfin, le lecteur fera
sûrement une inférence sur les causes du désordre (Paul est désordonné ou bien
il vit avec quelqu’un de désordonné. Paul a été cambriolé, etc.).

2.3.3 Les raisonnements à visée pragmatique :


la résolution de problèmes
Le troisième domaine de la psychologie où les inférences ont été étudiées est la
résolution de problèmes. Rappelons qu’un problème est une tâche dans laquelle le
sujet ne dispose pas de procédure pour parvenir au but. Cette tâche se caractérise
par un état initial, un état final et des moyens d’action permettant de passer de
l’un à l’autre. Comprendre un problème, c’est se construire une interprétation de
ces différents éléments afin de trouver une procédure. Plusieurs types d’inférences
peuvent être distingués.

‡ Application des connaissances à la situation


Lors de la résolution d’un problème, il arrive qu’une procédure puisse être
évoquée, mais, compte tenu du contexte particulier, il arrive qu’elle ne puisse pas
être appliquée directement à la situation. Dans ce cas, un certain nombre d’infé-
rences seront nécessaires pour adapter la procédure. On trouve un exemple simple
de ce type d’inférence dans l’expérience de Pieraut-Le Bonniec et Rapp du Cher
(1982) réalisée auprès d’enfants de 7 à 12 ans. Dans cette expérience, on donne
à l’enfant un certain nombre d’allumettes en lui demandant s’il peut réaliser un
carré en les utilisant toutes. La solution la plus rapide passe par une simple divi-
sion par 4. Le carré est réalisable si le nombre d’allumettes est un multiple de 4.

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Les traitements ■ Chapitre 3

Cette solution nécessite de se servir de ses connaissances (un carré est formé de
quatre côtés égaux, son périmètre est égal à quatre fois la mesure de son côté) et à
inférer la relation qui mène à la solution (le côté d’un carré est égal à son périmètre
divisé par quatre). Les observations des auteurs montrent que cette inférence est
rarement réalisée chez les enfants, même les plus grands. C’est en général une
procédure de type additive (4 + 4 + 4 + 4…) ou multiplicative (3 × 4 ou 4 × 4 ou
5 × 4) que les enfants utilisent.

‡ Évocation d’une situation analogue


Si aucune procédure n’est évoquée par la situation problème, on peut avoir
recours au raisonnement analogique pour tenter d’appliquer une procédure connue
sur un domaine familier (situation source) à la situation courante (situation cible).
Nous prendrons comme exemple de ce type de raisonnement les situations de Gick
et Holyoak (1983). Dans un premier scénario, une armée doit prendre une forte-
resse, mais les routes d’accès sont trop étroites pour envisager d’envoyer toutes les
troupes par le même chemin. Dans un second scénario, un médecin doit détruire
la tumeur d’un patient, mais il ne peut pas administrer des rayons de forte inten-
sité à partir d’une seule source. La tâche des sujets consiste à trouver un moyen
de détruire la forteresse ou la tumeur. Les sujets voient selon les conditions l’un
ou l’autre des scénarios en premier, suivi éventuellement d’une explication sur le
mode de résolution, et doivent ensuite résoudre l’autre situation. Dans ces deux
situations, le schéma de résolution est le même, il consiste à scinder les forces
(troupes ou rayons) en plusieurs parties et à les faire converger simultanément vers
la cible (forteresse ou tumeur) par plusieurs chemins. Ce mode de raisonnement
est assez difficile et n’est mis en œuvre que si des traits saillants de la situation cible
sont à même d’évoquer la situation source. Dans une première phase, le sujet doit
faire la mise en correspondance entre les éléments des deux situations : les troupes
correspondent aux rayons ; la tumeur correspond à la forteresse ; dans les deux cas,
on cherche à détruire la cible. Dans une seconde phase, l’analogie doit être évaluée
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

pour savoir si elle est pertinente et vérifier si les éléments qui ne sont pas appariés
peuvent bien être considérés comme négligeables.

‡ Identification des actions possibles et de leurs prérequis


Dans une situation problème, les actions possibles ne sont pas toujours expli-
cites et les prérequis de ces actions doivent être inférés. Ainsi dans le problème
des anneaux chinois, où il s’agit d’enlever tous les pions en respectant certaines
contraintes, si l’interprétation de l’action ne pose pas trop de difficulté, l’interpréta-
tion des prérequis de l’action est en revanche plus difficile. Deux conditions doivent

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Mémoires, représentations et traitements

être respectées pour pouvoir ôter un pion : 1) que la case juste à droite ait son pion,
2) et que les autres cases situées sur la droite soient vides. Ces deux conditions nous
permettent d’inférer que le pion le plus à droite (n° 5) peut être enlevé puisqu’au-
cune case à droite ne vient empêcher l’action. Pourtant la quasi-totalité des sujets
commencent par retirer le pion n° 4, ce qui conduit les sujets, après plusieurs
actions, dans une impasse. Les actions qui suivent ce premier coup permettent de
penser que les sujets ne prennent en compte en début de partie qu’une seule des
contraintes à la fois, comme s’ils tenaient le raisonnement suivant : si un pion a un
autre pion à sa droite, on peut l’enlever. Le pion n° 4 a un point à sa droite, je peux
donc l’enlever (fig. 3.10).

Figure 3.10 – Le problème des anneaux chinois.

‡ Construction des sous-buts


Une des façons de résoudre un problème est d’utiliser des règles d’action géné-
rales, des heuristiques, pour identifier les états intermédiaires à atteindre. Pour
cela, on peut faire la liste des différences entre l’état initial et l’état final, ordonner
ces différences et chercher pour chacune d’elles un moyen de la faire disparaître
(Newell et Simon, 1995). Cette heuristique très efficace est appelée « heuristique
des fins et moyens ». Dans le problème de la tour de Hanoï à trois disques (que
nous avons présenté au chapitre 2), l’état initial est caractérisé par trois disques
sur l’emplacement de gauche et le but est d’obtenir une pile de disques à droite.
Puisque la consigne interdit de poser un disque sur un autre disque plus petit, on
peut facilement inférer que le premier disque à mettre en place est le grand disque.
Puis il faudra chercher un moyen de mettre le moyen et de terminer par le petit.
Pour pouvoir mettre le grand disque à droite, il faut que les deux autres disques
soient au milieu. Le prérequis de prendre impose que le grand disque soit seul à
droite et le prérequis de poser impose que l’emplacement de gauche soit vide. On
peut continuer ainsi le raisonnement. Pour mettre le moyen et le petit au milieu,
il faut d’abord mettre le moyen, pour cela il ne faut pas que le petit soit au milieu.
On doit donc commencer par mettre le petit à droite. Bien que très efficace, cette
heuristique n’est pas employée fréquemment par les sujets, sauf dans les situations
familières. Cette décomposition en sous-buts a été souvent utilisée en pédagogie :

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Les traitements ■ Chapitre 3

ainsi Lebreton (2019) a montré l’impact significatif d’une formulation explicite de


problèmes mathématiques en sous-buts aidant les enfants dans la construction de
leur représentation.

‡ Ordonner des actions


Identifier les actions et les conditions de l’action ne suffit pas toujours pour
pouvoir les réaliser. On peut avoir également besoin dans un certain nombre de
situations de les ordonner temporellement. Ainsi, dans une situation étudiée par
Boder (1982), on présente à des enfants des cubes de couleurs représentant des
maisons et des cubes plus petits représentant des colis. L’enfant doit déposer, en un
seul voyage, devant chaque maison, le colis de la couleur correspondante. Il dispose
d’un camion dans lequel les colis doivent être empilés. L’enfant doit donc utiliser
des règles générales d’action pour inférer l’ordre dans lequel les colis doivent être
chargés dans le camion.

3. Les traitements attentionnels


Dans toutes nos activités quotidiennes, la notion d’attention est présente. Elle
intéresse le monde de l’éducation à travers les problèmes d’enseignement, le monde
du travail, pour la surveillance de processus industriels ou la conception de dispo-
sitifs de sécurité, mais aussi la santé publique avec, par exemple, les problèmes de
prévention des accidents de la route. L’attention nous permet de mieux assimiler
certaines informations, de répondre avec plus de rapidité et de précision à certaines
sollicitations de notre environnement. Elle a également pour rôle d’éviter de nous
laisser envahir par des stimulations inopportunes. L’attention désigne notre capa-
cité à nous focaliser sur certaines informations de notre environnement et à en
négliger d’autres.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Une des questions que se sont posées les psychologues qui ont étudié l’attention a
été de savoir s’il fallait y voir un mécanisme simple et unique. Les travaux présentés
dans cette partie semblent montrer que ce n’est pas le cas. La notion d’attention
recouvre plusieurs phénomènes qu’il est nécessaire de distinguer. Une des premières
fonctions de l’attention est de nous permettre de nous focaliser sur certaines
dimensions des objets présents dans notre environnement et de nous préparer
à y répondre. Ces processus sont nommés « attention sélective » et « préparation
attentionnelle ». Ce sont typiquement des situations de surveillance où nous devons
guetter la survenue d’un signal et y répondre aussi rapidement et précisément que

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Mémoires, représentations et traitements

possible. Dans certaines tâches, on peut être amené à se focaliser simultanément


sur plusieurs stimuli : il s’agit des situations de partage attentionnel entre sources
d’information. On peut facilement se rendre compte des difficultés cognitives de ce
type de situations en se rappelant combien il est difficile de suivre une réunion où
plusieurs personnes parlent simultanément. Enfin, il faut distinguer une troisième
catégorie de situations où l’attention doit être partagée entre plusieurs tâches :
nous avons alors à traiter simultanément plusieurs buts et l’exécution de plusieurs
actions. Nous verrons jusqu’à quel point faire plusieurs choses à la fois est possible.

3.1 Attention sélective et préparation attentionnelle

3.1.1 L’orientation attentionnelle


Dans certaines circonstances, notre attention peut être attirée par des stimuli
particulièrement saillants dans l’environnement. Dans la conduite automobile, par
exemple, un klaxon ou un appel de phares ont pour effet de mobiliser notre atten-
tion et de nous préparer ou de nous faire réagir à une situation de danger. C’est ce
que l’on appelle le réflexe d’orientation, c’est-à-dire une orientation de nos récep-
teurs sensoriels en direction d’un signal de notre environnement. Si ce mécanisme
est essentiel à notre survie, il n’est pas propre aux situations de danger. Si dans une
soirée, des personnes tiennent une conversation à laquelle vous ne participez pas
et qu’ils prononcent votre nom, votre attention sera immédiatement réorientée
vers cette conversation. Plusieurs facteurs déterminent et facilitent cette réorien-
tation : l’intensité du signal, bien sûr, mais aussi la soudaineté du changement
dans le champ perceptif ou son caractère imprévisible, inhabituel. Ainsi, Jonides
et Irwin (1981) ont pu vérifier qu’un stimulus apparaissant de façon brusque était
détecté plus rapidement. Selon lui, l’attention est captée de façon automatique par
l’apparition soudaine du stimulus, on parle alors d’attention exogène (objective,
automatique, déclenchée par des changements de l’environnement c’est-à-dire
de façon bottom-up, ascendant) pour souligner le fait qu’elle est déclenchée par le
stimulus (Egeth et Yantis, 1997 ; Habib et al., 2018). La singularité d’un stimulus,
par ses propriétés intrinsèques (couleur, forme…) entraîne également une sélection
exogène (Pouget, 2005). Par ailleurs, lorsque la préparation attentionnelle est sous
la dépendance des buts et des représentations du sujet et du contexte, on parle
d’attention endogène (subjective, volontaire, top-down, descendant). Dans ce cas,
elle ne serait pas automatique. Pour tester son hypothèse, Yantis et Jonides (1984 ;
1990) comparent deux situations. Dans la première, la cible est précédée d’un signal
lumineux en périphérie du champ visuel, soit du côté où la cible apparaîtra (indice
valide), soit du côté opposé (indice non valide). Un signal lumineux provoque de

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Les traitements ■ Chapitre 3

manière irrépressible une saccade oculaire. Ce signal réoriente donc automatique-


ment l’attention. Dans la seconde condition, l’indice est une flèche, au centre de
l’écran, pointant en direction de l’endroit où la cible va apparaître (indice valide) ou
à l’opposé (indice non valide). Dans cette condition, la direction vers laquelle pointe
la flèche doit être traitée volontairement par le sujet. Les résultats montrent que
l’indice central (flèche) n’influence le temps de réponse que dans le cas où l’indice
est valide. En revanche, l’apparition d’un indice lumineux périphérique diminue
le temps de réponse dans tous les cas. Ce résultat a été confirmé par une étude
de Remington, Johnston et Yantis (1992) qui montrent qu’un indice périphérique
influence la performance même si les sujets sont prévenus qu’il n’indique pas la
position de la cible. La réorientation de l’attention par l’apparition soudaine d’un
nouvel objet dans le champ visuel est donc bien automatique. Cependant, dans
certaines conditions, les changements brusques ne sont pas perçus. Ce phénomène
est connu sous le nom de cécité au changement. On l’observe lorsque le change-
ment intervient durant une saccade oculaire ou un clignement de paupières (Rayner
et Pollatsek, 1983). Si l’on insère un très bref écran blanc (ou flicker) entre les
versions originale et modifiée, le changement est aussi rarement détecté (Rensink et
al., 1997 ; Simons, 1996). Cette cécité attentionnelle a même été observée pour des
changements progressifs (Auvray et O’Regan, 2003). Les prestidigitateurs utilisent
d’ailleurs ce phénomène dans leur numéro pour masquer certaines de leurs mani-
pulations. Il en est de même des ventriloques qui détournent l’attention des petits
mouvements de leurs lèvres par les pitreries de leur marionnette. Ce phénomène
de la cécité au changement suggère que la représentation de la scène visuelle est
beaucoup plus partielle que ce que nous pouvons imaginer. Pour bien comprendre
ce phénomène, on doit se rappeler que les capacités de stockage visuel à court terme
sont limitées. Percevoir le changement, dans une scène visuelle, suppose que la
scène originale soit stockée en mémoire de travail avec suffisamment de détails. Il
faut notamment que le sujet mémorise ce qui se trouvait préalablement à l’endroit
où se produit le changement et le compare à ce qui y apparaît ensuite. Il faut donc
dissocier ce qui relève des mécanismes perceptifs (changement de luminance, de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

couleur) de ce qui relève du codage de la scène visuelle, ce dernier n’étant pas une
simple copie du stimulus, mais une focalisation sur certains de ses aspects. À cela
s’ajoute un mécanisme actif d’inhibition des autres informations dites « distrac-
trices » sur lesquelles le sujet n’est pas attentif (Gauchou et Auvray, 2007).
En situation écologique, la plupart du temps, les deux formes d’attention se
succèdent : notre attention exogène va être attirée automatiquement par la loca-
lisation d’un objet puis en fonction de l’intérêt, de la motivation, du contexte…,
l’attention endogène sera mobilisée pour un traitement approfondi de la stimula-
tion (Lieury et Léger, 2020).

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Mémoires, représentations et traitements

3.1.2 La sélection attentionnelle


Il est assez trivial de penser qu’on réagira plus rapidement si survient un événe-
ment auquel on s’attendait. D’un point de vue psychologique, cela signifie que la
perception de notre environnement n’est pas une simple réception passive des
stimulations de cet environnement. Bruner et Minturn (1955) en fournissent une
bonne illustration dans une expérience où les sujets doivent identifier le plus rapi-
dement possible les items (lettres ou chiffres) qu’on leur présente. Un des caractères
est ambigu et est interprété comme un B ou un 13 selon le contexte dans lequel
on le présente (fig. 3.11).

Figure 3.11 – Exemple de figure ambiguë (d’après Bruner et Minturn, 1955).

Dans le contexte des lettres, le sujet s’attend à avoir des lettres, il identifiera donc
plus facilement une lettre. Dans le contexte des chiffres, il identifiera plus facile-
ment un chiffre alors qu’il s’agit toujours de la même figure ambiguë. La préparation
attentionnelle du sujet modifie donc l’identification des objets de la situation.
On voit bien avec cet exemple qu’on peut, avec un même stimulus, focaliser sur
un aspect plutôt qu’un autre. Ici, l’espace entre la barre verticale et les demi-cercles
peut apparaître important ou être négligé selon le contexte, de sorte qu’on perçoit
un caractère unitaire ou deux chiffres formant un nombre. De fait, les stimuli que
nous rencontrons dans la vie quotidienne sont rarement unidimensionnels. La
situation peut nous inviter à focaliser sur la couleur, la forme ou la signification
du stimulus. Le sujet peut choisir, en fonction du but qu’il souhaite atteindre, la
dimension qu’il souhaite privilégier. Ce mécanisme de sélection souligne que si
l’on attire l’attention du sujet sur un des aspects du stimulus avant l’expérience,
comme la couleur de la lettre à détecter, les sujets répondent plus rapidement s’ils
sont interrogés sur cette composante que sur une autre. Il y a deux grandes façons
de concevoir ce mécanisme :
• La première consiste à penser que c’est l’attention qui détermine ce qui arrive
à notre conscience. Elle agirait comme une sorte de filtre qui facilite le passage
et le traitement des informations pertinentes et empêche les informations non
pertinentes d’arriver à notre conscience. Selon cette conception, seules les infor-
mations pertinentes seraient traitées.
• On peut également penser ce mécanisme en faisant l’hypothèse que nous sélec-
tionnons les informations pertinentes parmi celles que nos systèmes perceptifs
amènent à notre conscience.

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Les traitements ■ Chapitre 3

Cela revient à dire que l’ensemble des informations est traité, que le sujet ait ou
non été prévenu, et que c’est en mémoire de travail que se ferait la sélection sur la
dimension pertinente.
Dans le chapitre sur la mémoire, nous avons vu que notre capacité d’appré-
hension perceptive était plus importante que la capacité de la mémoire de travail
et que ces deux mémoires étaient très labiles. Lorsque le sujet est prévenu de la
dimension pertinente à surveiller, on peut raisonnablement penser qu’il prépare
sa réponse, ce qui permet d’expliquer pourquoi il répond plus vite dans ce cas. Si
en revanche on l’interroge sur une autre dimension, il doit construire une nouvelle
réponse, ce qui prend du temps et a pour conséquence la perte d’une partie de
l’information perceptive. Pour tester cette hypothèse, Fraisse (1961) a présenté au
tachistoscope des planches de caractères (présentation très brève). Il a utilisé trois
types de caractères : lettres, chiffres ou signes de ponctuation. Avant chaque essai,
l’attention du sujet est attirée sur un des trois types de caractères. On demande
ensuite au sujet de rappeler tous les caractères dont il se souvient, mais dans un
ordre particulier pour chacun des trois types de caractères. L’ordre varie d’un essai
à un autre. Quel que soit l’ordre de rappel, le nombre d’éléments rapportés est
toujours plus important pour le type de caractères sur lequel le sujet a focalisé. La
sélection attentionnelle implique donc un meilleur traitement du stimulus sur la
dimension pertinente. Mais les résultats de Fraisse montrent également que si ces
caractères doivent être rapportés en dernier, la performance est nettement moins
bonne que s’ils doivent être rapportés en premier. Il ne faut donc pas négliger les
effets de la limitation de la mémoire de travail, en termes de quantité d’information
et de type de traitements.
Les résultats d’une expérience de Broadbent (1954) permettent de penser que
la sélection attentionnelle ne se réalise pas avec la même efficacité selon la nature
des caractéristiques à surveiller. Lorsque la caractéristique pertinente est une
caractéristique physique comme la couleur d’un item ou le timbre de la voix, la
sélection attentionnelle est plus efficace que lorsqu’il s’agit d’une caractéristique
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sémantique comme détecter une lettre ou un chiffre. Cela vaut aussi bien pour
les stimuli auditifs que visuels, mais l’efficacité est plus grande dans la modalité
auditive. Dans son expérience, il a comparé quatre conditions en croisant deux
facteurs : la modalité sensorielle (visuelle ou auditive) et le type de caractéristique
focalisée (physique ou sémantique).
Dans les situations de focalisation sur une dimension physique :
• En présentation visuelle, les stimuli sont constitués de deux rangées de chiffres
de couleurs différentes (rouge et noir). Le sujet doit répéter les chiffres d’une
des deux couleurs.

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Mémoires, représentations et traitements

• En présentation auditive, les stimuli sont : soit des chiffres, prononcés par une
voix masculine, soit des lettres, prononcées par une voix féminine. Le sujet doit
répéter ce qu’a dit l’homme ou la femme.
Dans les situations de focalisation sur une dimension sémantique :
• En présentation visuelle, il y a une rangée de lettres et une rangée de chiffres et
une seule couleur. Le sujet doit répéter les chiffres ou les lettres.
• En présentation auditive, le sujet entend des lettres et des chiffres prononcés
par une même voix et doit répéter les chiffres ou les lettres.
Le sujet est prévenu de la dimension pertinente avant ou après la présentation.
Dans le premier cas, il peut opérer une sélection attentionnelle. Dans le second
cas, il ne le peut pas. L’efficacité de la préparation attentionnelle est donnée par
la différence entre ces deux conditions. Cette différence représente le gain de la
sélection attentionnelle par rapport aux situations où il n’y a pas de préparation.

Figure 3.12 – Taux de réponses correctes pour les deux


conditions de présentation et les deux types de caractéristiques
pertinentes (d’après Broadbent, 1954).

On peut observer sur la figure 3.12 que le taux de réponses correctes est plus
important lorsque c’est une dimension physique qui doit être surveillée. On peut
remarquer également que globalement le gain est plus important en présenta-
tion auditive qu’en présentation visuelle. Cette différence entre les deux types
de présentation n’est vraie que pour la dimension physique puisqu’il y a peu de
différence entre la présentation visuelle et la présentation auditive lorsque la tâche
est sémantique. Autrement dit, la différence entre les deux types de dimensions
est plus importante en présentation auditive qu’en présentation visuelle. Ainsi
les types de caractéristiques et les modalités sensorielles apparaissent donc bien
comme des facteurs importants dans la sélection attentionnelle.

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Les traitements ■ Chapitre 3

3.1.3 La préparation attentionnelle


La préparation attentionnelle correspond à une attitude de préparation à la
survenue d’un stimulus. L’effet principal de cette préparation est un traitement
plus rapide et plus précis du stimulus. Elle suppose à la fois une focalisation sur
le lieu probable de survenue du stimulus et une préparation à l’action. L’étude de
cette préparation attentionnelle s’effectue, notamment, en faisant varier l’incerti-
tude concernant le moment d’apparition du stimulus ; Concernant la focalisation
de l’attention, de nombreuses recherches se sont aussi attachées à en préciser les
aspects temporels.

‡ Le délai entre le signal et l’arrivée du stimulus


Ceux qui ont eu l’occasion de se former aux gestes élémentaires de secourisme
savent que pour déplacer un blessé sur un brancard, il est nécessaire que trois
personnes soulèvent et translatent le blessé de manière synchronisée afin que l’axe
vertébral ne subisse pas de torsion. Pour cela, un secouriste donne un signal prépa-
ratoire aux deux autres, puis commande la manœuvre. Ceci est un exemple parmi
bien d’autres que vous pourriez trouver dans votre quotidien de préparation à
l’action déclenchée par un signal préparatoire. On peut facilement imaginer que
si le délai entre le signal et le déclenchement de l’action est trop court, les deux
autres secouristes ne seront pas prêts. À l’inverse, si le secouriste de tête tarde trop,
l’attention des équipiers risque de se relâcher et l’action ne sera pas synchronisée.
Il doit donc exister une durée optimale entre le signal et l’action qui permette
une efficacité maximale. De nombreuses recherches expérimentales ont essayé
de déterminer cette durée optimale. La détermination de cette durée optimale
nécessite qu’on dissocie la préparation à l’arrivée du stimulus et la préparation
de la réponse. C’est ce qu’a réalisé Bertelson (1967) dans son expérience. Dans sa
situation expérimentale, il utilise deux lampes. Le sujet doit indiquer, à chaque
essai, laquelle des deux lampes s’allume en appuyant sur le bouton correspondant.
Comme le sujet ne sait pas à l’avance quelle lampe va s’allumer, il ne peut préparer
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sa réponse. Les stimuli sont précédés d’un signal préparatoire (un son ou un signal
lumineux) et l’expérimentateur fait varier l’intervalle entre le signal et la survenue
du stimulus (0, 30, 70, 120, 200, 350 ou 700 millisecondes). Afin que le sujet ne
puisse pas se préparer pour l’essai suivant, l’intervalle entre deux essais variait
de 1,5 à 2,5 secondes. Les résultats permettent d’observer que la présence d’un
signal auditif réduit le temps de réponse par rapport à la situation contrôle, sans
signal préparatoire. La diminution la plus forte est observée pour un délai de 70 à
120 millisecondes. Dans la condition où le signal est présenté visuellement, le temps
de réponse est également plus court que dans la situation contrôle. La diminution

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Mémoires, représentations et traitements

maximale est obtenue aux alentours de 120 à 200 millisecondes. L’optimum n’est
donc pas le même dans les deux modalités. Un signal lumineux est plus long à
traiter qu’un signal auditif.

‡ Le maintien de la préparation
L’optimum de préparation est atteint entre 100 et 200 millisecondes et l’attention
décroît lentement ensuite. On peut alors se demander combien de temps le sujet
peut maintenir cette préparation. Un des problèmes pour déterminer cette durée
consiste à s’assurer que le sujet n’abandonne pas son attitude de préparation pour
ensuite se remobiliser. Pour pallier ce problème, Gottsdanker (1979) a imaginé un
dispositif composé d’un disque tournant à vitesse constante (8 secondes par tour)
sur lequel on a tracé deux rayons passant devant un pointeur. L’angle formé par les
deux rayons est calculé de façon que le second rayon passe devant le pointeur un
certain temps après le premier. Les intervalles utilisés sont de 200, 400, 600, 800,
1 600 et 3 200 millisecondes. La tâche du sujet consiste à appuyer sur un bouton
lorsqu’il entend un clic. Ce clic survient au moment où l’un des deux rayons passe
devant le pointeur, mais le sujet ne sait pas lequel, de sorte qu’on est assuré qu’il
est préparé entre les deux rayons si le délai lui permet de maintenir sa préparation.
Pour le contrôler, un autre clic se produit à certains essais à mi-passage entre les
deux rayons. Si le sujet maintient sa préparation, il pourra répondre rapidement.
Dans le cas contraire, sa réponse sera plus longue.

Figure 3.13 – Temps moyen de réponse pour chaque type de clic en fonction
de la durée entre les deux rayons (d’après Gottsdanker, 1979).

On peut voir dans la figure 3.13 que les temps de réponse synchronisés avec le
passage d’un des rayons devant le pointeur sont relativement constants, que ce soit
dans le cas d’un clic sur le premier rayon ou dans le cas d’un clic sur le second. En
apparence, la préparation attentionnelle a été maintenue pour tous les intervalles

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Les traitements ■ Chapitre 3

étudiés. Dans ces deux conditions, l’arrivée du stimulus est parfaitement prévisible,
la vitesse du disque étant constante.
Le sujet pouvait donc parfaitement se démobiliser après le premier rayon et se
préparer à nouveau à l’approche du second. C’est effectivement ce qui se passe pour
les durées supérieures à 600 millisecondes. Pour ces intervalles, le temps de réponse
pour les clics à mi-passage est nettement plus long. Les sujets ne maintiennent
donc pas leur préparation entre les deux rayons. Le maintien de la préparation
n’est donc possible que pour des durées brèves. Si la situation exige de maintenir
une préparation plus longue, les sujets ont tendance à relâcher leur attention, puis
à se préparer à nouveau.

‡ Préparation de la réponse
Avec les précédentes expériences, nous avons étudié les aspects temporels de la
préparation attentionnelle. Un autre aspect concerne la préparation de la réponse.
Plusieurs recherches ont montré que le temps de réponse augmentait linéairement
avec le nombre d’alternatives (Hick, 1952). Cependant, cette relation ne vaut que
dans le cas des réponses apprises et pas dans le cas des réponses automatisées.
Ainsi Theios (1973) a utilisé des chiffres et des lettres et a mesuré le temps de
réponse à ces deux types de stimulus. La moitié des sujets devaient lire des chiffres
et des lettres (tâche de lecture). Dans ce cas, la réponse à fournir repose sur des
associations en mémoire à long terme. L’autre moitié des sujets devait indiquer la
réponse en appuyant sur la touche correspondante d’un clavier (tâche motrice).
La correspondance entre stimuli et touches devait donc être apprise. Les résul-
tats montrent que le temps de réponse augmente avec le nombre d’alternatives
uniquement lors de la tâche dite « motrice ». Autrement dit, s’il faut répondre à
chaque chiffre ou à chaque lettre en appuyant sur une clé de réponse différente,
alors le temps de réaction s’allonge quand le nombre d’éventualités augmente. Le
nombre d’éventualités n’a donc un effet sur le temps de réponse que s’il n’y a pas
de liaisons entre stimulus et réponse en mémoire à long terme (Richard, 2004).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

‡ Facilitation et inhibition dans la préparation attentionnelle


En introduction de ce chapitre, nous avons dit qu’une des fonctions de l’attention
était de permettre un meilleur traitement des informations de la situation. Une
autre de ses fonctions est également de limiter l’intrusion des informations non
pertinentes. Posner et Snyder (1975) ont étudié ces deux aspects de l’attention
dans une expérience devenue classique. Selon eux, il convient de distinguer deux
types de préparation de la réponse, l’une automatique qui serait déclenchée par la
survenue du signal dans le champ visuel et l’autre contrôlée qui interviendrait dans

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Mémoires, représentations et traitements

les cas où il est nécessaire de limiter l’intrusion des stimuli non pertinents. Dans
leur expérience, les sujets doivent indiquer si les deux lettres qui sont présentées
sont ou non les mêmes. On mesure le temps de réponse. Seuls les cas d’identité
entre les lettres sont intéressants, les autres cas servant d’items de remplissage
pour éviter que le sujet n’ait à répondre systématiquement oui. Chaque stimulus
est précédé d’un signal préparatoire qui peut être une lettre identique (signal
congruent), différente (signal non congruent) ou un signe + (neutre). Un signal
congruent avec la lettre cible devrait engendrer une préparation automatique. Par
ailleurs, les auteurs font varier la proportion de cas où il y a congruence (probabi-
lité). Le tableau 3.2. détaille les six conditions pour les cas d’identité. Dans les cas
de forte probabilité (80 % des stimuli sont précédés d’une lettre identique, signal
congruent), le filtrage des stimuli non pertinents est rendu moins nécessaire, et
cette condition induit non seulement une préparation automatique (beaucoup
de cas d’identité) mais aussi attentionnelle. Dans le cas de faible probabilité (20 %
seulement des stimuli sont précédés d’une lettre identique), cette condition est
peu favorable à la mise en œuvre d’une préparation attentionnelle (puisqu’il y a
peu de cas d’identité).

Tableau 3.2 – Probabilités de congruence entre l’indice et la cible.


Indices (signaux
Stimulus Probabilité forte Probabilité faible
préparatoires)
Congruent (A) AA 80 % 20 %
Non congruent (B) AA 10 % 40 %
Neutre (+) AA 10 % 40 %

L’effet de facilitation est mesuré en calculant la différence entre la situation


congruente et la situation neutre. L’effet d’inhibition est évalué par la différence
entre la situation non congruente et la situation neutre. Dans la condition de forte
probabilité, les résultats montrent un effet de facilitation lors d’un signal congruent
(A) (les temps de réponse sont plus courts par rapport à la situation neutre) et un
effet d’inhibition lorsque le signal est non congruent (B) (les temps de réponses sont
plus longs). Dans la condition où la probabilité de la congruence est faible (.20),
(peu favorable à la mise en œuvre d’une préparation attentionnelle puisque 80 %
de signaux préparatoires sont non congruents), on observe un effet de facilitation
dans les rares cas où le signal est congruent mais en revanche pas d’effet d’inhi-
bition lorsque le signal est non congruent. Ainsi une préparation attentionnelle
produit à la fois un effet de facilitation et un effet d’inhibition et une préparation
automatique produit un effet de facilitation mais pas d’effet d’inhibition. En d’autres
termes, quand le sujet est préparé à un type de stimulus, le temps de réponse est

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Les traitements ■ Chapitre 3

allongé si le stimulus ne correspond pas à l’état de préparation. On dit alors que la


préparation attentionnelle est sélective alors que la préparation automatique ne
l’est pas (Richard, 1980).

3.2 L’attention partagée entre sources d’information


L’attention ne consiste pas seulement à se focaliser sur un stimulus. Les infor-
mations nous parviennent de l’environnement par nos différentes modalités
sensorielles (vision, audition, etc.) et dans bon nombre de situations, nous avons à
traiter plusieurs sources de stimulation à la fois. L’attention doit alors être partagée
entre ces différentes sources. Dans cette section, nous allons aborder cette forme
d’attention.
La tâche privilégiée pour étudier l’attention partagée est la situation d’écoute
dichotique (Broadbent, 1954 ; 1958). Elle dérive des situations de mesure d’empan
mnésique. Rappelons que, dans ces dernières, le sujet se voit présenter une liste
d’items qu’il doit rappeler immédiatement après sa présentation. On s’intéresse
alors au nombre d’items que le sujet est capable de rappeler. Dans la situation
d’écoute dichotique, au lieu de présenter un message unique aux sujets, on diffuse
des messages différents (deux listes de chiffres) dans chacune des oreilles, en même
temps c’est-à-dire que les participants entendent en même temps un chiffre diffé-
rent dans chaque oreille. Au moment du rappel, on demande alors aux sujets
d’énumérer les chiffres dans l’ordre où ils ont été présentés (rappel total), ou bien
de rappeler séparément (rappel partiel), mais toujours dans l’ordre de présentation,
la liste d’items présentés à chaque oreille (fig. 3.14).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 3.14 – Schéma de la situation d’écoute dichotique.

Lorsque les six chiffres sont présentés aux deux oreilles à la fois, les rappels
corrects sont de près de 95 %. Ce qui est normal, puisque nous sommes, dans ce
cas, dans une tâche classique d’empan mnésique. En situation d’écoute dichotique

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Mémoires, représentations et traitements

où les six chiffres sont partagés entre les deux oreilles (voir figure 3.14), la perfor-
mance chute à 20 % de rappels corrects si on demande un rappel total (alternance
des chiffres entendus par l’oreille droite puis l’oreille gauche ou par l’oreille gauche
puis l’oreille droite) et à 65 % si on demande un rappel par oreille (tous les chiffres
entendus à l’oreille droite ou gauche puis tous les chiffres entendus par l’oreille
gauche ou droite). La difficulté de la situation d’écoute dichotique avec rappel
tiendrait, selon Broadbent, à la nécessité de déplacer l’attention d’une oreille à
l’autre. Dans le rappel total, le sujet devrait traiter séparément le message arrivant
à l’oreille droite et à l’oreille gauche et stocker successivement les informations de
l’une et de l’autre. L’attention serait alors déplacée trois fois lors d’un rappel total
alors qu’elle ne serait déplacée qu’une seule fois lors d’un rappel par oreille. Ces
résultats ont été confirmés par Axelrod et al. (1968) avec une méthodologie un
peu différente. Dans cette expérience, le sujet devait comparer le rythme de deux
séries de clics d’une durée de six secondes. Dans une première condition, les clics
étaient tous présentés du même côté. Dans l’autre condition, ils étaient présentés en
alternance à l’oreille droite et à l’oreille gauche. Lorsque les séries avaient le même
rythme, les sujets jugeaient moins rapides les séries présentées en alternance aux
deux oreilles. Ces résultats confirment l’hypothèse du déplacement de l’attention
d’une oreille à l’autre dans l’écoute dichotique. Dans une expérience complémen-
taire, les mêmes auteurs ont montré, en faisant estimer aux sujets le nombre de
clics, que la sous-estimation due au déplacement de l’attention était sensible à partir
d’un rythme de quatre clics par seconde. Le déplacement de l’attention prend un
temps non négligeable qui entraîne une perte d’informations.
Dans la situation d’écoute dichotique de Broadbent, le sujet est invité à traiter
toute l’information arrivant aux deux oreilles. Mais le fait-on spontanément ? Cela
nous ramène à la question de la sélection précoce ou tardive de l’information
évoquée dans la section précédente. Les résultats de Treisman et Geffen (1967)
vont plutôt dans le sens d’une sélection précoce. Dans l’expérience de Treisman
et Geffen, les sujets sont placés en situation d’écoute dichotique. On présente à
chacune des oreilles une liste différente de mots, mais en leur demandant de se
concentrer sur une seule des deux oreilles (oreille attentive). La tâche du sujet
consiste à répéter ce qui est dit sur l’oreille attentive et à signaler chaque fois qu’un
nom d’animal est mentionné dans l’autre oreille. Leurs résultats montrent que la
détection de l’oreille attentive est très bonne, mais pas celle de l’oreille négligée.
Les situations dans lesquelles nous surveillons plusieurs sources d’information
sont pourtant nombreuses. L’effet cocktail-party montre bien que sous certaines
conditions, nous sommes capables de réorienter notre attention vers des sources
auxquelles nous ne prêtions pas a priori d’attention. L’étude de Lackner et Garrett

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Les traitements ■ Chapitre 3

(1972) évoquée précédemment, mais aussi un certain nombre d’autres conduisent


à penser que l’information est perçue et traitée au moins partiellement et militent
en faveur de l’hypothèse d’un traitement précoce de l’information (Dixon, 1981 ;
Treisman, 1964).

3.3 L’attention partagée entre tâches


Partager l’attention entre plusieurs sources d’information présente de
nombreuses difficultés mais, sous certaines conditions, nous sommes capables
de traiter et éventuellement de réorienter notre attention. Le traitement de l’in-
formation non prioritaire semble cependant n’impliquer que des traitements
périphériques de bas niveau. Il en va tout autrement des situations où nous avons
à partager notre attention entre plusieurs tâches qui ne sont pas automatisées. Dans
ce cas, les deux tâches vont mobiliser, pour leur traitement, la mémoire de travail.
Les deux tâches peuvent impliquer un même système de réponses. Saisir deux
objets simultanément avec chacune des deux mains est un exemple de ce type de
situations. Ainsi Kelso, Southard et Goodman (1979) ont demandé à leurs sujets
de saisir un objet proche et de grande taille de la main droite et un autre, petit et
éloigné, de la main gauche. Dans ce type de situation de préhension, on a établi
que la vitesse de saisie augmentait inversement avec l’éloignement et la taille de
l’objet. On saisit plus rapidement un objet de grosse taille à proximité qu’un objet
de petite taille éloigné. Dans ces conditions, on devrait s’attendre à ce que la main
droite saisisse l’objet bien avant la main gauche. Pourtant, les auteurs ont observé
que dans la situation de saisie des deux mains de deux objets différents, la vitesse
des mains tendait à se synchroniser, de sorte que les deux objets étaient saisis en
même temps. La coordination des deux mains semble donc impliquer un seul
et même système de calcul de la trajectoire pour la saisie. Ce phénomène appa-
raît généralisable à d’autres situations de double tâche. Posner et Boie (1971) ont
présenté des séquences de deux lettres en demandant à leurs sujets de dire si deux
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

lettres successives étaient identiques ou non (tâche principale) en appuyant sur


un bouton. Parallèlement, ils faisaient entendre des sons et les sujets devaient
presser un bouton pour signaler leur apparition. Les deux boutons étaient situés
de façon à pouvoir être actionnés tous deux par la main droite, donnant ainsi la
possibilité aux sujets d’appuyer si nécessaire sur les deux boutons à la fois. Les sons
pouvaient survenir en même temps que la première lettre, ou bien en même temps
que la seconde lettre, ou alors au milieu de l’intervalle entre les deux lettres. Ce
sont les temps de réponse pour les sons qui nous intéressent. Le temps de réponse
est d’autant plus long que le son apparaît de manière tardive dans la séquence de

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Mémoires, représentations et traitements

deux lettres. Ainsi, les temps de réponse les plus courts sont observés pour un son
apparaissant en même temps que la première lettre. Il est un peu plus long pour un
son apparaissant entre les deux lettres. C’est lorsque le son apparaît en même temps
que la seconde lettre que le temps est le plus long. Les sujets ayant la possibilité de
répondre simultanément pour les lettres et le son, ce résultat est surprenant. On
ne peut le comprendre que si on fait l’hypothèse que les sujets différaient le trai-
tement du son pour répondre à la tâche sur les lettres. De fait, dans les situations
de double tâche, il est fréquent d’observer que la tâche secondaire est délaissée au
profit de la tâche principale. Si l’accent est mis sur la tâche secondaire, on observe
en général une diminution de la performance à la tâche principale. En contrôlant
le niveau d’exigence sur la tâche secondaire, Kalsbeek et Sykes (1967) ont montré
que les performances aux deux tâches variaient à l’inverse l’une de l’autre.
Faire deux choses à la fois apparaît donc réalisable, mais dans quelles conditions
pouvons-nous le faire ? Plusieurs travaux ont étudié la réalisation simultanée de
tâches qui ne soient pas seulement des tâches de laboratoire. Allport, Antonis
et Reynolds (1972) ont demandé à des pianistes expérimentés d’interpréter un
morceau à partir d’une partition, tout en répétant un texte qu’on leur donnait à
entendre. Shaffer (1975) a demandé à des dactylos professionnelles de recopier des
caractères tout en écoutant et en répétant un texte. Dans ces deux recherches, il est
à noter que la capacité à effectuer les deux tâches simultanément était liée à l’ex-
périence des sujets sur une des deux tâches et notamment au caractère automatisé
de celle-ci. Cet effet de l’apprentissage répété dans la réalisation de double tâche
a été mis en évidence par une recherche de Spelke, Hirst et Neisser (1976). Dans
cette expérience, les sujets ont été entraînés à lire des histoires tout en écrivant des
mots sous la dictée. L’entraînement a duré vingt semaines et, au terme de celui-ci,
les sujets pouvaient mener de front les deux tâches et pouvaient même catégoriser
les mots qu’on leur dictait. Ces résultats peuvent paraître surprenants mais, à bien
y réfléchir, nous connaissons de tels exemples dans notre vie quotidienne, dans
d’autres domaines. Ainsi, pour peu que nous ayons un peu d’expérience dans la
conduite automobile, nous sommes capables de conduire tout en conversant avec
notre passager. Cette capacité à faire plusieurs choses à la fois a cependant ses
limites. Un cas particulièrement dangereux est l’usage du téléphone en voiture
même avec un kit mains libres : prélever des informations de l’environnement
extérieur, effectuer les actions nécessaires à la conduite tout en menant une activité
complexe d’écoute et de réponse à son interlocuteur est difficile à mener simultané-
ment, puisque ce sont des activités complexes et coûteuses en ressources cognitives
(Bruyas et Martin, 2012 ; Lieury et Léger, 2020).
Dans une autre ancienne étude de Brown, Tickner et Simmonds (1969), les sujets
devaient répondre à un test de raisonnement syntaxique. Par exemple, vérifier

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Les traitements ■ Chapitre 3

que la proposition « A suit B » est vraie lorsqu’on présente « BA » et répondre si


la proposition était vraie ou fausse. Simultanément, les sujets devaient effectuer
un parcours en voiture en passant entre des piquets dont les espacements étaient
variables. Pour des raisons évidentes de sécurité, le test se déroulait, bien sûr, hors
circulation sur un terrain d’aviation. Un groupe contrôle n’avait que la conduite à
effectuer. Les résultats montrent que le test de raisonnement a influencé négative-
ment l’appréciation des espaces entre les piquets, particulièrement lorsque ceux-ci
étaient étroits. Les erreurs d’appréciation passent ainsi de 43 % en conduite seule à
56 % avec le test de raisonnement. La tâche additionnelle ne semble cependant pas
influencer la capacité à se diriger. Les erreurs de direction sont de 7 % en conduite
seule et de 10 % en conduite avec test de raisonnement et cette différence n’est pas
supérieure au hasard.
Plus récemment, des auteurs Charron et Koechlin (2010) ont montré que le fait
d’effectuer une seule tâche active les deux hémisphères cérébraux (notamment
le cortex préfrontal). Si l’on ajoute une seconde tâche à réaliser simultanément,
l’activation est répartie entre les deux hémisphères puisque l’IRM fonctionnelle
montre que l’activité du cortex préfrontal de l’hémisphère droit correspondait à
la réalisation de la première tâche, celle du gauche à la réalisation de l’autre tâche.
Chaque côté du cerveau travaillait indépendamment, accomplissant les deux tâches
de manière satisfaisante. Cependant, lorsque les participants se sont vus confier une
troisième tâche, ils ont commencé à éprouver des difficultés et ont souvent oublié
d’effectuer l’une des tâches : ils ont commis trois fois plus d’erreurs que lorsqu’ils
n’avaient à effectuer que deux tâches. Charron et Koechlin (2010) concluent que
le cerveau ne peut pas gérer efficacement plus de deux tâches.
Toutes ces études conduisent à penser que pour réaliser plusieurs tâches à la
fois, il est nécessaire que certaines ne requièrent pas ou peu d’attention, c’est-à-dire
qu’elles soient automatisées. Lorsque dans la vie courante, on qualifie une personne
de « multitâches », soit une des tâches est plus ou moins automatique, soit elles ne
sont pas réalisées correctement, soit elles sont effectuées en alternance (switching)
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

(Lieury et Léger, 2020).

3.4 Les modèles de l’attention


Différents modèles théoriques ont tenté de rendre compte plus ou moins complè-
tement des résultats expérimentaux que nous venons de présenter. Une première
série de modèles s’est attachée à décrire les limites de l’attention en explorant l’idée
selon laquelle le système cognitif fonctionne comme un canal unique de traite-
ment. Lorsqu’on aborde de ce point de vue la notion d’attention, une des questions

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Mémoires, représentations et traitements

cruciales est de savoir à quel moment se fait la sélection du stimulus et nous allons
voir, en première partie de cette section, les différentes réponses théoriques qui ont
été apportées. Une seconde catégorie de modèles a tenté d’aborder les limites de
l’attention en développant l’idée selon laquelle les ressources attentionnelles sont
limitées. Ces modèles s’appuient sur la notion de charge mentale. Cette seconde
catégorie de modèles ne met pas l’accent sur le moment de la sélection, mais sur
les modalités de gestion des ressources attentionnelles. Nous les développerons
en traitant de la charge mentale.

3.4.1 L’hypothèse du canal unique de traitement


Une première façon de concevoir l’attention est de la concevoir comme un
filtre dont la fonction est de gérer les différentes informations provenant de nos
systèmes sensoriels. Une telle conception s’appuie sur l’idée que la mémoire de
travail qui est sollicitée dans les phénomènes attentionnels est caractérisée par
un fonctionnement séquentiel. Les informations y sont traitées une par une dans
l’ordre d’arrivée (voir l’expérience de Sternberg, 1966). La mémoire de travail aurait
donc la fonction d’un canal unique de traitement, passage obligé de l’information
provenant de l’extérieur ou activée depuis notre mémoire à long terme. Les limites
de l’attention seraient alors explicables à partir des limites de la mémoire de travail.

‡ Le modèle de filtre attentionnel de Broadbent


Une telle conception s’accorde bien avec les résultats de Broadbent (1958) pour
l’écoute dichotique. Rappelons que dans cette situation, l’auteur montre la difficulté
à gérer plusieurs sources d’information. La situation de rappel de l’ensemble des
items dans l’ordre où ils étaient présentés s’avérait plus difficile que la situation de
rappel oreille par oreille. En 1958, Broadbent a proposé un modèle de l’attention,
conçue comme un filtre, pour expliquer ses résultats. Ce modèle est présenté de
façon schématique dans la figure 3.15. Dans son modèle, l’information arrivant
des deux oreilles est d’abord stockée dans une mémoire tampon, équivalent de la
mémoire sensorielle. Elle passe ensuite par un filtre sélectif qui va autoriser, en
fonction de la focalisation attentionnelle, le passage des informations de l’une ou
l’autre des sources d’information dans le canal à capacité limitée où elles seront
traitées, et préparer la réponse.
En situation de rappel total de l’ensemble de la liste, dans l’ordre de présenta-
tion, le filtre va devoir basculer d’une oreille à une autre plus souvent que dans la
condition de rappel oreille par oreille. La mémoire tampon étant très labile et la
capacité du canal de traitement étant limitée, il s’ensuit une perte d’informations
plus importante dans la première condition que dans la seconde.

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Les traitements ■ Chapitre 3

Figure 3.15 – Représentation schématique du modèle


de filtre attentionnel de Broadbent (1958).

‡ Le modèle d’atténuation de Treisman


On le voit, le modèle de Broadbent permet de très bien expliquer les résultats
observés dans la situation d’écoute dichotique. Cependant, il prévoit une sélection
des informations pertinentes très précoces, les informations non sélectionnées
n’étant pas traitées et perdues. Des recherches ultérieures ont cependant montré
que certaines informations étaient traitées même si on n’y prêtait pas attention (voir
l’attention partagée entre plusieurs sources d’information). Ces résultats expéri-
mentaux et d’autres ont conduit Treisman (1964) à proposer un nouveau modèle de
l’attention compatible avec une sélection plus tardive de l’information pertinente.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 3.16 – Représentation schématique du modèle de Treisman (1964).

Dans ce modèle, les informations sont sélectionnées après le passage du filtre


(fig. 3.16). Nous sommes toujours dans une conception de type canal unique de
traitement, mais les informations qui entrent dans le canal sont sélectionnées
en fonction de leur seuil d’activation. L’orientation attentionnelle a pour effet
d’abaisser ce seuil, ce qui explique que les informations provenant de l’oreille
attentive soient mieux traitées que celles qui proviennent de l’oreille négligée.
Mais le seuil d’activation dépend également de la familiarité des mots et de leur

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Mémoires, représentations et traitements

valeur affective. Ainsi, le nom de l’auditeur est caractérisé par un seuil très bas,
de même que des signaux d’alerte. Ceci permet d’expliquer l’effet cocktail-party
évoqué précédemment. Imaginons que le mot « table » se présente à l’oreille atten-
tive, en même temps que le nom du sujet, sur l’oreille négligée. Sur la figure 3.16,
nous avons symbolisé la vitesse de traitement par le type et la longueur de la flèche.
On voit que le nom du sujet bien que présenté à l’oreille négligée sera malgré tout
traité, son seuil de détection étant plus bas.

‡ Le modèle de la sélection tardive de Deutsch et Norman


Dans les modèles de Broadbent et de Treisman, l’identification d’un stimulus se
fait après l’action du filtre attentionnel. Norman (1968) a posé, à partir du modèle
de Deutsch et Deutsch (1963), que le filtrage attentionnel se faisait après la recon-
naissance des stimuli (sélection tardive). Si, dans les deux précédents modèles,
l’information non focalisée était perçue mais non reconnue parce que bloquée par
le filtre de l’attention, Norman et Deutsch posent que les stimuli sont plus rapi-
dement identifiés, mais tout aussi rapidement oubliés, s’ils s’avèrent sans intérêt.
La sélection d’un stimulus dans le champ de l’attention dépend, dans ce modèle,
de deux paramètres :
• Le niveau général de vigilance de l’individu. Les stimuli seront plus rapidement
détectés si l’individu est en alerte que s’il somnole. Ce paramètre permet, entre
autres, de rendre compte des effets de préparation attentionnelle.
• La pertinence du stimulus. Celle-ci est relative à la tâche en cours. Ce paramètre
permet de prendre en compte la priorité accordée aux informations provenant
de l’oreille attentive et la moindre importance des informations provenant de
l’oreille négligée.
La figure 3.17 illustre le fonctionnement du modèle. Trois stimuli sont perçus
et associés par le sujet à leur représentation en mémoire (R1, R2 et R3). Chacun de
ces stimuli est caractérisé par un seuil d’activation dépendant de l’intensité de la
stimulation, de la familiarité et de l’importance pour le sujet de la représentation.
Dans le schéma, le seuil d’activation est d’autant plus haut que la flèche I1, I2 ou
I3 est longue. Certaines représentations (R3, R4 et R5) présentent pour la tâche
une pertinence élevée. Le degré de pertinence est figuré également par la longueur
des flèches P3, P4 et P5. Chacune de ces représentations peut potentiellement
être sélectionnée et entrer dans le champ de l’attention. La probabilité, pour une
représentation, d’être sélectionnée est représentée par la longueur des flèches de
S1 à S5 qui résulte de la combinaison des activations (I1, I2, I3) et de la pertinence
de la tâche, P3, P4, P5). On voit que R3 a le seuil d’activation le plus faible et la
pertinence la plus élevée avec une résultante (matérialisée par la flèche S3) qui est
logiquement la plus longue et c’est donc cette représentation qui aura le plus de

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Les traitements ■ Chapitre 3

chances d’être sélectionnée. La sélection s’effectue bien après l’analyse des carac-
téristiques physiques et sémantiques des stimuli. Dans ce modèle, les limites du
canal unique n’entrent en jeu qu’après la sélection.
Le modèle de Treisman et celui de Norman et Deutsch permettent tous deux de
rendre compte de l’identification des messages sur l’oreille négligée tout en expli-
quant la meilleure performance sur l’oreille attentive. Ces modèles se distinguent
par le niveau auquel la sélection attentionnelle est faite. Un certain nombre de
résultats expérimentaux récents (voir la section sur l’orientation et la sélection
attentionnelle) semblent montrer que les deux types de sélection ne sont pas
incompatibles et que pour certains types de stimuli, la sélection se fait précoce-
ment (attention exogène) tandis que pour d’autres, elle se fait plus tardivement
(attention endogène).

Figure 3.17 – Schéma du modèle de la mémoire sélective de Norman (1968).

Actuellement des modèles du contrôle attentionnel en vision artificielle tentent


de mettre en avant le concept de carte de saillance, c’est-à-dire une carte bidimen-
sionnelle qui coderait la saillance ou la visibilité des objets dans l’environnement à
l’aide de caméras mobiles (Itti et Koch, 2000 ; Tarroux et Auvray, 2012).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

3.4.2 La notion de charge mentale


Les trois modèles que nous venons de présenter sont caractérisés par le fait qu’ils
se focalisent sur un canal unique de traitement, sorte de goulet d’étranglement par
lequel l’information doit passer. De ce point de vue, le débat théorique a surtout
porté sur la place de l’étape de la sélection de l’information. Dans les années 1970,
l’intérêt des chercheurs dans le domaine de l’attention s’est orienté vers un autre
aspect des phénomènes attentionnels : les limites des ressources attentionnelles
et la gestion de ces limites par le sujet. Les phénomènes attentionnels mobilisant
la mémoire de travail qui est limitée dans sa capacité et sa durée de rétention de

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Mémoires, représentations et traitements

l’information, l’augmentation du nombre d’informations et de traitements à effec-


tuer n’est possible que dans une certaine limite. Cette quantité d’informations et
ce nombre de traitements déterminent ce que l’on appelle la charge mentale. On
peut la considérer comme une mesure de la complexité de la tâche.

Figure 3.18 – Modèle de distribution des ressources de Kahneman (1973).

Le paradigme classique de mesure de la charge mentale est le paradigme de la


double tâche (paradigme présenté dans la section relative au partage de l’attention
entre tâches). La mesure de la charge mentale nécessite de postuler une quantité de
ressources attentionnelles constante. Pour mesurer la charge mentale d’une tâche, on
fait varier le niveau d’exigence sur la tâche secondaire et on regarde les effets sur la
performance à la tâche principale. Dans ce type d’expérience, on observe en général
que la performance à la tâche principale varie inversement avec le niveau d’exigence
à la tâche secondaire. Autrement dit, plus l’expérimentateur demande de rapidité
et de précision sur la tâche secondaire, moins la tâche principale sera bien réussie
(Kalsbeek et Sykes, 1967). Le niveau maximal d’exigence sur la tâche secondaire sans
détérioration de la performance à la tâche principale peut alors être considéré comme
une mesure des ressources attentionnelles non utilisées par la tâche principale.
Kahneman (1973) a proposé un modèle de répartition des ressources attention-
nelles (fig. 3.18). Dans son modèle, la quantité de ressources rendues disponibles
pour une tâche varie en fonction du niveau d’activation. Elle est beaucoup plus
importante pour un état d’activation élevé que pour un état d’activation bas.

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Les traitements ■ Chapitre 3

La répartition des ressources disponibles est contrôlée par des règles de distri-
bution qui déterminent les priorités d’allocation de ressources entre les différentes
activités. Ces règles sont influencées par des dispositions stables qui correspondent
aux mécanismes attentionnels involontaires et permettent la réorientation de l’at-
tention (par exemple, lorsque votre nom surgit sur l’oreille négligée). Les règles
de distribution sont également influencées par les mécanismes d’orientation
volontaire de l’attention en fonction des buts du sujet dans la situation. Enfin, un
mécanisme d’évaluation de la demande de ressources contrôle par rétroaction l’état
d’activation et les règles de distribution. Par exemple, en arrivant en voiture dans
une zone où de nombreux piétons se promènent, vous ferez davantage attention
à ce qui se passe autour de votre véhicule.
Le modèle de Kahneman complète les précédents modèles plus qu’il ne les
remplace. Il explique comment deux activités simultanées peuvent interférer, en
fonction des priorités du moment. Une différence essentielle, cependant, réside dans
l’explication des causes de l’interférence. Dans les modèles précédents, elle était
due à l’utilisation simultanée du canal unique pour deux activités. Dans le modèle
de Kahneman, la réalisation de deux tâches à la fois est possible à condition que
les activités ne requièrent pas plus de ressources que le total disponible. Le modèle
de distribution des ressources permet donc de rendre compte de la variation de la
performance en fonction de la charge mentale requise pour chacune des tâches.
La notion de charge mentale pose cependant des difficultés lorsqu’on veut la
définir et la mesurer précisément (Tricot et Chanquoy, 1996). Cette notion est
en effet très liée aux limites de la mémoire de travail. Selon ces auteurs, la charge
mentale mesurerait la capacité de mémoire immédiate mobilisée par un sujet lors
de la réalisation d’une tâche. Or la mesure de la capacité de la mémoire n’est pas
relative à la quantité d’informations à traiter, mais au nombre d’unités de traite-
ment manipulées par le sujet (voir la notion de chunks de Miller, 1956). Les unités
de traitement, pour une tâche donnée, dépendent du sujet (notamment de ses
connaissances) et de son codage des items, ce qui rend très difficile la mesure de la
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

charge mentale à partir des caractéristiques de la tâche. Pour Tricot et Chanquoy,


la notion de charge mentale n’a de sens que de manière relative, en tenant compte
des caractéristiques de la situation et du sujet.
Du côté des paramètres de la tâche, les auteurs distinguent un certain nombre
de paramètres augmentant la charge mentale (flèches pleines sur la figure 3.19).
Ainsi, plus il y a d’informations à traiter dans la situation, plus la charge mentale
sera importante. En revanche, les liens entre les informations allègent la charge
mentale (flèches pointillées). Au cours de la lecture d’un texte, la charge mentale
augmente avec le nombre de propositions à traiter et dans un raisonnement, elle

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Mémoires, représentations et traitements

augmente avec le nombre de pas inférentiels à effectuer. Du côté du sujet, la charge


mentale dépend du niveau de contrôle auquel le sujet traite la tâche. Pour un
niveau de contrôle automatisé (phase d’exécution), la mise en œuvre de procédures
et d’habiletés allège la charge mentale. Pour un niveau de contrôle par les règles
(phase de planification), l’application de plans et de schémas aura le même effet.
En revanche, avec un contrôle par les représentations (phase d’interprétation), ce
sont les connaissances de la situation du sujet qui diminueront la charge mentale.

Figure 3.19 – Effets des paramètres de la tâche et du sujet


sur la charge mentale (tiré de Tricot et Chanquoy, 1996).

Exercices

QCM
1. Selon Fodor (1983), les processus modulaires sont caractérisés par…
a) un accès à toute l’information du système.
b) leur rapidité et leur caractère irrépressible.
c) la possibilité d’effectuer des traitements généraux à partir des autres
modules.
2. Selon Rasmussen (1983) le contrôle de l’activité peut être réalisé par…
a) les connaissances, les règles et les automatismes.
b) les modules, les règles et les automatismes.
c) les automatismes, les règles et le raisonnement.

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Les traitements ■ Chapitre 3

3. Comment peut-on caractériser la notion de processus ?


a) C’est un traitement envisagé du point de vue du type de contrôle.
b) C’est un traitement envisagé du point de vue de sa finalité.
c) C’est un traitement envisagé du point de vue de son déroulement.
4. Le déclenchement des processus contrôlables par les objectifs dépend…
a) des objectifs immédiats.
b) des objectifs de haut niveau.
c) des objectifs immédiats et de haut niveau.
5. Quelle conclusion peut-on tirer de l’expérience de Schneider et Shiffrin
(1977) ?
a) La récupération en mémoire de travail est un processus attentionnel et
automatique.
b) La récupération en mémoire à long terme est de nature non séquentielle et
automatique.
c) La récupération en mémoire de travail est un processus automatique et non
séquentiel.
6. Dans les processus de récupération de l’information en mémoire à long terme,
la principale différence entre le rappel et la reconnaissance tient au fait que…
a) la reconnaissance se fait en mémoire de travail et le rappel en mémoire à
long terme.
b) la reconnaissance est un processus automatique, le rappel un processus
attentionnel.
c) la situation fournit plus d’indices dans la reconnaissance que dans le rappel.
7. Dans les processus de mémorisation et de récupération de l’information en
mémoire à long terme, qu’entend-on par « encodage spécifique » ?
a) La forme d’encodage varie selon le type d’items à rappeler.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

b) Le type d’encodage de l’élément à rappeler n’est pas le même d’un sujet à


un autre.
c) L’encodage de l’élément à rappeler est lié au contexte d’apprentissage.
8. Comment peut-on caractériser la notion d’activation ?
a) C’est la partie de la mémoire à long terme disponible à un moment donné.
b) C’est la mise en œuvre de la boucle articulatoire en mémoire de travail.
c) C’est le passage des informations de la mémoire de travail à la mémoire à
long terme.

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Mémoires, représentations et traitements

9. L’effet d’amorçage sémantique a été étudié dans des tâches de décisions lexi-
cales où on présentait deux mots à intervalle variable, la décision lexicale se faisant
sur le second. Cet effet correspond à…
a) la facilitation de l’accès à la signification du deuxième mot.
b) l’inhibition des significations correspondant au premier mot.
c) la facilitation de l’accès à la signification du premier mot.
10. La notion de charge mentale est liée…
a) au nombre de tâches à effectuer.
b) à la facilité de la tâche.
c) à l’empan mnésique.
11. L’heuristique de représentativité consiste à fonder son jugement sur…
a) la facilité d’accès en mémoire de l’information.
b) la ressemblance d’une classe avec les caractéristiques d’un individu.
c) une valeur de référence.
12. Une inférence anaphorique est…
a) la mise en relation entre deux prémisses erronées.
b) la mise en relation entre le but et le mode de réalisation d’une action.
c) la mise en relation d’un terme général et d’un terme précédemment évoqué.
13. La cécité au changement survient…
a) lorsqu’on est fatigué.
b) lorsqu’on réalise une tâche automatique.
c) lorsque l’attention est déjà occupée.
14. L’optimum de préparation attentionnelle intervient dans quel intervalle après
la présentation du signal préparatoire ?
a) 200 à 300 ms.
b) 100 à 200 ms.
c) 50 à 100 ms.
15. Lequel de ces trois auteurs a proposé le modèle de l’attention caractérisé par
le filtre attentionnel le plus précoce ?
a) Broadbent.
b) Treisman.
c) Kahneman.

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Les traitements ■ Chapitre 3

Définitions
Définissez les concepts suivants en cinquante mots maximum : processus –
processus modulaires – activation – attention – charge mentale – catégorisation
– saillance perceptive – jugement.

Texte lacunaire
Complétez le texte suivant.
L’attention. Lorsqu’une seule tâche est donnée au sujet, on parle [A]. Ce type
d’attention a été étudié par de nombreux auteurs qui se sont attachés à préciser
les liens entre la focalisation de l’attention et [B]. Dès le début du xxe siècle déjà,
Külpe avait montré que le fait d’attirer l’attention sur un des aspects du stimulus
améliorait la performance des sujets lorsqu’ils étaient interrogés sur cet aspect.
Dans le cadre de l’approche cognitiviste, ce résultat peut trouver deux explications :
la première est [C], la seconde est [D]. Fraisse (1961) a cependant montré que cette
deuxième explication ne suffisait pas, dans la mesure où même lorsqu’on faisait
varier l’ordre de réponses sur les différentes dimensions du stimulus, le pourcentage
de rappel restait plus élevé pour la dimension pertinente. Il y a donc bien [E]. De
son côté, Broadbent (1954) a montré que l’efficacité de la sélection de l’information
pertinente était plus grande pour [F] que pour [G]. De même que les différences
étaient plus importantes pour [H] que pour [I]. Dans tous les cas cependant, on a
retrouvé l’effet de facilitation de [J].
On a étudié aussi l’évolution temporelle de [K] en mesurant le temps de réponse
en fonction de l’incertitude sur le moment de survenue du stimulus. Cette étude
réalisée par Alegria (1975) montre que [L]. Les sujets peuvent donc se préparer en
situation d’incertitude et tenir compte de la probabilité des différentes périodes
préparatoires. La durée optimum de préparation est de l’ordre de [M]. C’est ce qui
ressort d’une étude de Bertelson (1967), dans laquelle il faisait varier l’intervalle
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

entre le signal préparatoire et le stimulus. Ses résultats permettent aussi d’observer


une différence entre le signal préparatoire [N] et [O]. Le temps de réponse est plus
long pour ce dernier, ce qui tient au fait qu’un stimulus visuel est plus long à traiter.
Cet état de préparation ne peut néanmoins se maintenir très longtemps. Dans son
expérience, Gottsdanker (1975) a fait varier l’intervalle entre le signal préparatoire
et le stimulus. Ces résultats montrent que les sujets ne maintiennent leur état de
préparation [P]. Au-delà de cette durée, l’attention se relâche.
La préparation de la réponse a été étudiée en faisant varier [Q]. Plusieurs études
ont montré que le temps de réaction augmentait [R]. Cette relation n’est cependant

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Mémoires, représentations et traitements

pas vraie si [S]. C’est ce qu’a montré Theios (1975) en comparant le temps de réac-
tion pour deux catégories de stimulus, une réponse motrice qui doit être apprise
et une tâche de lecture qui est automatisée.

Questions de réflexion
1. Du point de vue attentionnel, quelles sont les différences entre voir et regarder
ou encore entre entendre et écouter ?
2. Quelle est la relation entre la charge mentale engendrée par un traitement et
le type de mémoire impliquée dans ce traitement ?

Lectures conseillées
CHANQUOY L., TRICOT A. et SWELLER J. (2007). La L IEURY A. (2020). Manuel visuel de
Charge cognitive. Théorie et applica- Psychologie cognitive. Malakoff :
tions. Paris : Armand Colin. Dunod.
LIEURY A. (2017). 35 grandes notions de psy-
chologie cognitive. Malakoff : Dunod.

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Corrigés des exercices

QCM
Chapitre 1 : 1a – 2b – 3a – 4b – 5c – 6b – 7a – 8b – 9a – 10 : 1d – 2c – 3b –
4a 11b – 12c – 13c – 14a – 15c.
Chapitre 2 : 1a – 2c – 3b – 4c – 5b – 6a – 7b – 8a – 9a – 10b – 11b – 12a –
13b – 14c – 15a.
Chapitre 3 : 1b – 2a – 3c – 4c – 5b – 6c – 7c – 8a – 9a – 10a – 11b – 12c –
13c – 14b – 15a.

Définitions
Activation. L’activation correspond à la partie de la mémoire à long terme dispo-
nible à un moment donné. Elle se réalise automatiquement et dépend de la typicalité,
de la fréquence des items, et de la distance entre les concepts dans le réseau. Elle ne
diffuse généralement pas au-delà des liens directs.
Amorçage sémantique. C’est l’activation la plupart du temps non consciente et
automatique d’un item en mémoire à long terme consécutive à la présentation d’un
autre item lié sémantiquement. L’item activé est la cible et l’item activateur, l’amorce.
Attention. Elle se définit par la focalisation de l’activité sur la réalisation d’objec-
tifs. Elle peut prendre plusieurs formes. La première est l’attitude de préparation,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

généralement étudiée sur une seule tâche. On distinguera ensuite les formes de
partage de l’attention selon qu’elle est partagée entre sources de stimulation ou
entre tâches.
Catégorisation. Affectation d’un stimulus à une catégorie en mémoire à long
terme. Ce mécanisme de traitement est à la base des mécanismes de jugement et
d’inférence.
Charge mentale. Étudiée surtout dans les situations de partage de l’attention
entre tâches, la charge mentale est liée à la complexité de la tâche en cours, à la

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Mémoires, représentations et traitements

notion de canal unique et à la limitation des capacités de traitement. Elle corres-


pond à la partie des ressources cognitives mobilisées dans la réalisation d’une tâche.
Concept. Un concept est une catégorie d’objets possédant certaines propriétés.
Selon le point de vue logique ces propriétés sont nécessaires et suffisantes. Dans le
modèle du prototype, il correspond à l’exemplaire le plus semblable aux autres
exemplaires. Une conception intermédiaire propose la distinction entre traits
essentiels et traits caractéristiques.
Encodage. C’est une opération de transformation de l’information venant de la
mémoire sensorielle qui consiste à la mettre sous une forme qui soit utilisable par
la mémoire de travail. C’est sous cette forme qu’elle sera éventuellement trans-
férée en mémoire à long terme. La rapidité d’encodage dépend de la familiarité
des items.
Effet de primauté. Dans l’étude de la mémoire à court terme, il correspond
à un meilleur rappel des premiers items d’une liste. Il a été mis en évidence par
Postman et Phillips (1965).
Espace problème. C’est l’ensemble des états et des transitions possibles entre
les états correspondant à l’interprétation d’une situation problème par un individu
à un moment donné.
Interférence. Elle peut être proactive ou rétroactive. Dans le premier cas, ce
qui a été antérieurement acquis perturbe l’apprentissage en cours. Dans le second
cas, c’est l’apprentissage en cours qui perturbe la rétention de l’information anté-
rieurement acquise. Ces effets s’expliquent par un effet de généralisation des
apprentissages entre les deux tâches.
Interprétation. C’est la conception qu’un sujet peut se faire d’une situation
particulière à un moment donné. Elle est élaborée en mémoire de travail en fonc-
tion de la finalité et des caractéristiques de la tâche en cours. Une interprétation,
à l’inverse des connaissances, n’a pas besoin d’être activée et est immédiatement
disponible.
Jugement. Le jugement peut être vu comme un cas particulier de catégorisation.
Ce type de traitement consiste à attribuer une propriété à un objet, à évaluer sa
position sur une échelle ou par comparaison avec un autre objet.
Mémorisation. C’est une opération de traitement qui consiste à faire passer
l’information de la mémoire de travail vers la mémoire à long terme. Les princi-
paux facteurs influençant la fixation en mémoire à long terme sont la répétition,
la compatibilité des informations avec les associations, les activités de traitement
et leur profondeur.

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Corrigés des exercices

Mémoire procédurale. Partie de la mémoire à long terme contenant les connais-


sances sur l’action relatives aux savoir-faire et à leur mise en œuvre. On y trouve à
la fois des connaissances conceptuelles (exemple : schéma ; script) et des connais-
sances motrices.
Macrostructure. C’est une structure propositionnelle d’interprétation corres-
pondant à la représentation des propositions les plus importantes d’un texte. Elle
est construite au cours de la lecture par cycles successifs par suppression des propo-
sitions accessoires, généralisation de certaines propositions et construction de
macropropositions.
Processus modulaires. Introduite par Fodor (1983), cette notion désigne des
systèmes de traitement autonomes, appelés modules. Ils sont caractérisés par la
spécificité des traitements, leur rapidité et leur irrépressibilité. L’information des
modules est encapsulée, c’est-à-dire insensible aux représentations ou savoirs de
haut niveau et imperméable aux processus de traitement centraux.
Processus. C’est une activité de traitement de l’information envisagée dans
son déroulement et composée de plusieurs mécanismes. Un processus peut être
modulaire ou contrôlable par des objectifs. Lorsque l’objectif est de haut niveau,
on l’appelle opération. Si l’objectif est immédiat, ce sont des activités d’exécution
ou de résolution de problèmes.
Profondeur de traitement. Cette notion correspond au niveau cognitif auquel
le stimulus est traité. On peut distinguer trois niveaux : le niveau infra-séman-
tique correspondant à l’exécution des mouvements et à la perception, le niveau
sémantique de l’identification des objets et le niveau sémantique du traitement des
significations et de l’élaboration des décisions d’action.
Prototype. Cette notion introduite par Rosch et Mervis (1975) correspond à
l’exemplaire le plus semblable aux autres exemplaires de la classe. Il maximise les
ressemblances intra-classe et les différences interclasses. Selon de Rips, Schoben
et Smith (1973), le prototype est l’exemplaire qui possède les traits essentiels de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

la classe.
Représentation. Cette notion renvoie aux conceptions qu’on peut avoir sur un
domaine ou une situation. On distingue deux sens selon qu’on parle des connais-
sances stabilisées en mémoire à long terme, ou des interprétations de la situation
stockées en mémoire de travail. Ces représentations peuvent être conceptuelles,
imagées ou liées à l’action.
Saillance perceptive. Identification rapide d’un objet dans une situation à partir
d’une caractéristique qu’il est le seul à avoir dans une scène visuelle.

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Mémoires, représentations et traitements

Script. C’est une structure conceptuelle schématique permettant de rendre


compte de la représentation d’événements ou d’actions. Ils sont composés des diffé-
rents éléments et de la succession des actions nécessaires à la réalisation d’un but.
Typicalité. C’est une notion introduite par Rosch (1973) pour expliquer que
les exemplaires d’une classe ne sont pas équivalents. Les exemplaires typiques
sont les plus représentatifs. Ce sont ceux auxquels on accède le plus rapidement
dans les tâches de jugement et qu’on cite le plus fréquemment dans les tâches de
dénomination.

Textes lacunaires
La mémoire de travail. [A] moniste [B] l’associationnisme [C] dualiste [D] les
limitations des capacités de traitement [E] la mémoire à court terme [F] la mémoire
à long terme [G] court, [H] long [I] 4 ou 5 items [K] acoustique [M] sémantique [N]
Sternberg (1966) [O] sérielle et exhaustive [P] la longueur de la liste à apprendre
[Q] la présence ou absence [R] Schneider et Shiffrin (1977) [S] du nombre d’items
à surveiller [T] non séquentiel.
Les représentations imagées. [A] l’introspection [B] soixante [C] la chrono-
métrie mentale. [D] Santa [1977] [E] les propriétés spatiales [F] les propriétés
temporelles de l’ordre de lecture [G] Kosslyn, Ball et Reiser (1978) [H] les compor-
tements d’exploration sur des objets réels [I] la distance à parcourir sur la carte [J]
la forme et les propriétés topologiques [K] liées à une modalité perceptive particu-
lière [L] difficilement décomposables [M] comparaison [N] sériation mentale, [O]
l’analyser [P] Reed et Johnsen [1975] [Q] bien meilleur [R] la recoder différemment,
[S] d’une image mentale.
L’attention. [A] d’attention focalisée [B] la mémoire à court terme [C] un meil-
leur traitement de la dimension pertinente, [D] une préparation de la réponse en
mémoire à court terme [E] un meilleur traitement de l’information [F] les dimen-
sions physiques [G] les dimensions sémantiques. [H] la modalité auditive [I] la
modalité visuelle. [J] la préparation sélective [K] l’état de préparation [L] le temps
de réponse augmente avec l’incertitude. [M] 100 à 200 ms. [N] auditif [O] visuel
[P] qu’environ 600 ms. [Q] l’incertitude sur la réponse à fournir. [R] avec le nombre
de réponses alternatives. [S] stimuli peuvent être traités de manière automatique.

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Corrigés des exercices

Questions de réflexion
Chapitre 1
1. Quels arguments justifient la distinction entre mémoire à court
terme et mémoire à long terme ?
La distinction entre ces deux types de mémoire repose sur deux séries d’argu-
ments : la première montre l’effet différencié de plusieurs facteurs selon la durée
de rétention, la seconde montre des propriétés différentes en ce qui concerne le
codage, le stockage et la récupération de l’information.
Les différents facteurs étudiés selon la durée de rétention sont la répétition,
la distribution de l’apprentissage. Ces deux facteurs ont pour effet d’améliorer la
performance pour des délais entre apprentissage et rappel de l’ordre d’une dizaine
de secondes. En revanche, distribuer l’apprentissage ou répéter ne change pas la
performance lors du rappel pour des délais de l’ordre de 2 à 4 secondes. Que ces
facteurs n’aient pas le même effet selon la durée de rétention indique que ces
deux mémoires n’obéissent pas aux mêmes lois. L’expérience de Rundus (1971) est
particulièrement démonstrative de ce double mécanisme. Dans cette expérience,
les sujets avaient à mémoriser une liste d’une vingtaine d’items. Ils devaient aussi
répéter la liste à voix haute entre deux présentations. Les résultats font apparaître
un meilleur rappel pour les premiers et les derniers items. Or seuls les premiers
ont bénéficié d’une répétition importante, les sujets répétant préférentiellement la
liste depuis son début. Mais seuls les derniers étaient sensibles à une tâche d’inter-
férence. Ce qui veut dire que les premiers et les derniers items sont stockés dans
des registres différents. Les premiers items, stockés de manière stable sous l’effet
de la répétition, sont en mémoire à long terme, tandis que les derniers items sont
en mémoire à court terme.
Du point de vue du codage, l’étude du taux de confusion entre des lettres montre
que la forme sous laquelle est stockée l’information n’est pas la même dans les deux
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

mémoires. À court terme, ce sont les similitudes acoustiques qui perturbent le rappel ;
à long terme, ce sont les similitudes sémantiques. L’information ne serait donc pas
stockée de la même façon en mémoire à court terme et en mémoire à long terme.
Les deux mémoires peuvent aussi être distinguées du point de vue de leur capa-
cité de stockage. À court terme, la capacité de la mémoire est faible, de l’ordre de
4 à 5 items lorsque le sujet n’a pas le loisir de les répéter (mesure en continu de
l’empan mnésique). À long terme, elle paraît illimitée, bien que son organisation,
par blocs d’environ 5 items, suggère que la mémoire à long terme serait aussi
limitée en capacité.

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Mémoires, représentations et traitements

La durée de rétention de l’information permet aussi de distinguer les deux


mémoires. À court terme, l’information est très labile. Si on empêche la révision
mentale, l’information disparaît très vite. En revanche, en mémoire à long terme,
l’information est stockée de manière stable, pour un temps très long, voire de façon
permanente, ce qui a amené certains auteurs à concevoir l’oubli comme une défail-
lance du mécanisme de récupération et non comme une perte de l’information.
Enfin, les deux types de mémoires semblent faire appel à des mécanismes de
récupération différents. Les expériences de Sternberg (1969) montrent que la
récupération de l’information se fait de façon séquentielle et exhaustive de la liste
des items, mettant en œuvre des processus attentionnels impliquant une charge
mentale. En revanche, l’accès en mémoire à long terme semble se faire de manière
directe et automatique. On a en effet pu montrer que l’augmentation du nombre
d’items à apprendre augmentait le temps de récupération à court terme, tandis
qu’il n’influençait pas le rappel à long terme.

2. En quoi l’apprentissage par cœur peut-il être une mauvaise


façon d’apprendre ?
C’est un fait que connaissent tous les écoliers, la répétition aide à se souvenir.
Encouragé parfois par le système scolaire et les parents, la tentation est belle de
ne fonder l’acquisition des connaissances que sur la répétition, c’est-à-dire d’ap-
prendre par cœur ses cours. Pourtant, au-delà des efforts d’attention et de son
caractère rébarbatif, l’apprentissage par cœur peut s’avérer n’être pas aussi efficace
qu’il y paraît. Deux séries d’arguments peuvent permettre de comprendre cela :
d’abord la répétition n’est qu’un des facteurs influençant la mémorisation, ensuite
l’accès aux informations en mémoire est très dépendant de la façon dont elles ont
été apprises.
Si les travaux de Rundus (1971) ont bien montré que la répétition était un
facteur crucial dans le passage des informations en mémoire à long terme, ceux
d’Atkinson (1972) montrent aussi que la stratégie des sujets est moins efficace
que celle dirigée par ordinateur sur la base de leurs erreurs. Ce qui laisse penser
que les sujets évaluent mal leurs connaissances. D’autres facteurs influencent la
mémorisation : ce sont l’organisation du matériel et la profondeur de traitement.
Indépendamment de la répétition, Mandler (1967) a montré qu’une tâche de caté-
gorisation améliorait la performance au moment du rappel. Selon cet auteur, la
mémorisation se ferait par construction d’un réseau hiérarchique d’environ cinq
éléments. Les éléments seraient accessibles par les catégories. On comprend tout
de suite l’intérêt qu’il peut y avoir à organiser ce que l’on a à apprendre. Mais

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Corrigés des exercices

l’expérience la plus démonstrative du peu d’intérêt de l’apprentissage par cœur est


celle de Hydes et Jenkins (1973). Ces auteurs ont repris la notion de profondeur
de traitement de Craik et Lockart (1972) et ont manipulé le niveau de traitement
en donnant aux sujets des tâches différentes. On peut faire la lecture d’un texte à
différents niveaux, phonétique, grammatical ou sémantique. Hydes et Jenkins ont
constitué deux groupes dont l’un avait à détecter des lettres, et l’autre, à évaluer l’at-
trait des mots. D’autre part, la moitié des sujets de chaque groupe étaient prévenus
de la tâche de rappel qui suivait la première tâche. Les résultats montrent une
nette supériorité des sujets qui ont eu à juger de l’attrait des mots (traitement
sémantique) par rapport à la détection de lettres. Et ces résultats sont les mêmes,
que les sujets aient ou non été prévenus. L’intention d’apprendre ne semble donc
pas jouer de rôle dans la performance. Il est à noter que ces sujets n’ont pas eu à
répéter le texte pour bien l’apprendre, ce qui laisse penser que bien comprendre
peut suffire pour bien retenir.
L’autre argument en faveur de l’idée qu’apprendre par cœur n’est pas une bonne
façon d’apprendre tient aux mécanismes de récupération de l’information en
mémoire à long terme. Les travaux de Tulving et Pearlstone (1973) ont montré le
rôle de la catégorisation dans le rappel. Ces auteurs ont aussi introduit la notion
d’encodage spécifique pour rendre compte du fait que le rappel dépendait beau-
coup du contexte d’apprentissage et des indices associés à ce que l’on avait appris.
Ainsi, ce qui a été appris dans un certain contexte peut être facilement évoqué si
on se trouve dans un contexte similaire. Or dans l’apprentissage par cœur, on ne
se donne souvent qu’un seul contexte d’apprentissage. L’information s’y trouve
généralement sous une forme figée. Il est probable qu’au moment du rappel, si le
contexte est un peu différent, on n’arrive pas à évoquer ses connaissances. Plutôt
qu’un apprentissage par cœur, figé dans sa forme et dans les indices qui permettront
la récupération de l’information, on aura tout intérêt à multiplier les liens avec les
autres concepts en cherchant à bien comprendre de sorte que pour le rappel, on
n’ait pas qu’un seul, mais une multiplicité d’indices permettant le recouvrement
de l’information. C’est pour cela que la plupart des pédagogues avertis insistent
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sur l’inutilité de l’apprentissage par cœur, et sur la nécessité de bien comprendre


pour bien apprendre.

3. Quels sont les facteurs facilitant la fixation en mémoire


à long terme ?
Plusieurs facteurs sont susceptibles d’intervenir dans la fixation des informations
en mémoire à long terme, parmi lesquels l’attention et la motivation apparaissent
comme des facteurs importants. Cependant, il semble que la motivation à elle

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Mémoires, représentations et traitements

seule ne suffise pas, comme en témoigne l’étude de Nilson (1987) qui montre
que l’augmentation de la récompense en fonction de la performance au rappel ne
suffit pas toujours à influencer l’apprentissage. L’hypothèse la plus vraisemblable
consiste à penser que la mémorisation dépend des traitements de l’information
au moment de l’apprentissage.
La répétition du matériel à apprendre constitue un autre facteur influençant la
fixation de l’information en mémoire à long terme. Des expériences comme celles
de Postman et Phillips (1965) ou Rundus (1971) montrent, s’il en est besoin, à
travers l’effet de primauté, que la répétition concourt à la mémorisation. Cependant,
Atkinson (1972) a mis en évidence que les sujets avaient tendance à surestimer le
degré de leur apprentissage. La sélection libre des items à réviser s’avère en effet
moins efficace, au regard des fréquences de rappels corrects, qu’une sélection infor-
matisée fondée sur le nombre d’erreurs aux essais précédents.
Le rythme de l’apprentissage influence également la performance au rappel.
Ainsi, Baddeley et Longman (1974) ont montré dans une situation d’apprentis-
sage de la dactylographie que l’apprentissage distribué était plus efficace qu’un
apprentissage massé. Dans le même ordre d’idée, des recherches sur la fréquence
des essais comme celles de Melton (1970) suggèrent un effet positif d’un intervalle
relativement long entre deux répétitions bien que « l’effet de la pratique du rappel »
laisse à penser qu’il doit exister un optimum en fonction de l’état de mémorisation
d’un item (Landauer et Bjork, 1970).
L’organisation du matériel à apprendre intervient également dans la mémorisa-
tion. Ainsi, Tulving (1962) a montré que la restitution de liste de mots présentés
dans un ordre aléatoire tendait à s’organiser en catégories de mots au fur et à
mesure des répétitions. Cet effet semble indépendant de l’intention de mémoriser
comme le suggère l’expérience de Mandler et Dean (1969) dans laquelle les sujets
devaient classer une liste de mots en catégorie. Les résultats montrent que prévenir
les sujets que le classement serait suivi d’une épreuve de rappel n’a pas d’effet sur
la performance au rappel.
L’ensemble de ces travaux ont favorisé l’idée que la profondeur de traitement
jouait un rôle essentiel dans la mémorisation. On peut manipuler la profondeur
de traitement en donnant aux sujets des tâches portant sur les aspects superficiels
des stimuli (identifier la présence d’un caractère), sur des aspects phonétiques
(identifier la présence d’une rime) ou sémantiques (compatibilité avec une phrase
lacunaire ; Craik et Tulving, 1975). Les résultats montrent que lors de l’épreuve de
reconnaissance qui suit cette tâche, la performance augmente avec la profondeur
de traitement.

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Corrigés des exercices

Chapitre 2
1. Les représentations imagées sont-elles des copies
de la perception visuelle ?
Les représentations imagées sont caractérisées par leur caractère analogique et
servent, entre autres, à coder les informations visuelles. De nombreuses expériences
accréditent l’idée que l’exploration des images mentales présente des similitudes
avec l’exploration physique des objets (voir par exemple l’expérience de Kosslyn et
al., 1978). On est alors en droit de se demander si les images mentales constituent
des copies de la perception visuelle. Plusieurs arguments contredisent cependant
cette idée.
En premier lieu, les représentations imagées ne conservent pas toutes les
propriétés du percept visuel. Reed et Johnson (1975) ont ainsi montré qu’une image
mentale n’était pas décomposable. Ainsi, si on présente à des sujets une figure
géométrique complexe et qu’on les soumet à une épreuve de reconnaissance sur
des parties de la figure, la performance est nettement moins bonne lorsque les
sujets doivent répondre à partir de l’image mentale qu’ils ont construite, que s’ils
doivent répondre avec le dessin de la figure sous les yeux.
Ensuite, les représentations imagées constituent une vision idéalisée du percept
visuel comme le montre l’expérience de Hinton et Parsons (1981) où les sujets
doivent imaginer un cube posé sur un de ces coins. Bien peu de sujets sont capables
de reconnaître que les autres coins ne sont pas alignés horizontalement. Dans le
même ordre d’idée, Nickerson et Adams (1979) ont montré que peu de sujets
étaient capables de reconnaître une vraie pièce dans un ensemble de fausses pièces
lorsque celles-ci diffèrent de la vraie pièce par des détails. Les représentations
imagées semblent d’ailleurs interagir avec les autres connaissances. Les Européens
ont ainsi tendance à penser que Berlin est au milieu de l’Allemagne puisque le mur
qui séparait autrefois les deux Allemagne passait par Berlin (Stevens et Coupe,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1978).
Enfin, Une dernière série d’arguments provient de la possibilité de construire
des représentations imagées de scènes qui ne sont pas visuelles, représentations
qui peuvent même s’avérer relativement abstraites. Ainsi peut-on se construire
une représentation imagée, sous la forme d’une carte mentale, des relations qui
existent entre différents lieux. Cette carte mentale, même si elle code des infor-
mations sur la métrique et les relations topologiques, est une représentation très
schématique comme semblent le suggérer les travaux de Thorndike et Hayes (1982)
ou de Pailhous (1970) sur la construction et la manipulation de cartes mentales.

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Mémoires, représentations et traitements

Tous ces arguments conduisent donc à penser que les représentations imagées ne
dépendent pas seulement de la modalité visuelle et qu’elles ne constituent pas une
copie de ce qui est perçu.

2. Comparez les notions de réseau sémantique,


de schéma et de script
Réseaux sémantiques et scripts sont tous deux des structures conceptuelles
supposées être stockées en mémoire à long terme. Ils constituent donc des connais-
sances du sujet. Ce qui les différencie, c’est le type de relation qui les organise et
le type de processus qui permettent leur recouvrement. On pourra aussi les diffé-
rencier selon le type de connaissance qu’ils expriment
Les réseaux sémantiques sont organisés par des relations d’inclusion de type
général/spécifique et permettent de rendre compte de l’organisation des concepts
en mémoire. On peut citer à titre d’exemple le modèle de Collins et Quillians
(1969) ; dans ce modèle les concepts sont définis par un ensemble de propriétés et
organisés par des relations du genre « est une sorte de ». Aux nœuds dans le réseau
correspondent les concepts. Les liens quant à eux représentent les relations entre
concepts. Par héritage de propriétés, un concept est défini par les propriétés de la
ou des classes superordonnées auxquelles il appartient et par ses propriétés spéci-
fiques (définition en intension). Un concept peut aussi être défini par l’ensemble
des exemplaires qui possèdent les propriétés qui le définissent. On parle alors de
définition en extension.
Les scripts en revanche sont surtout utilisés pour décrire les connaissances sur
l’action et les événements. Ce peut être, par exemple, « prendre son petit-déjeuner ».
Ce script peut être composé de plusieurs actions comme :
• préparer le café et les tartines ;
• dresser la table ;
• servir le café ;
• manger ;
• desservir la table.
Ce script peut comporter des variables, ce serait dans notre exemple le café
et les tartines (on peut prendre autre chose au petit-déjeuner). Les scripts sont
organisés par la relation partie-tout. Les scripts permettent comme les réseaux de
décrire des connaissances générales et abstraites et expriment aussi des connais-
sances déclaratives. Mais à la différence des réseaux, ils constituent des blocs de
connaissances, des totalités constituant un tout indépendant par rapport aux autres
connaissances. De ce fait, ils seront récupérés en mémoire dans leur globalité. On

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Corrigés des exercices

ne peut avoir accès à une partie du script, sans accéder au script tout entier. L’accès
à un concept dans le réseau sémantique, en revanche, est vu comme une activation
de la partie concernée du réseau. Il n’est pas nécessaire d’accéder à tout le réseau
lorsqu’on veut accéder à un concept.

Chapitre 3
1. Du point de vue attentionnel, quelles sont les différences
entre voir et regarder ou encore entre entendre et écouter ?
Lors d’une tâche, afin de ne pas détourner sans cesse notre attention sur tous
les événements qui se déroulent dans notre environnement, nous avons développé
une capacité à filtrer les informations et à se focaliser sur celles qui nous intéressent
à un moment donné.
On parle d’attention focalisée lorsque la tâche à réaliser ne comporte qu’un seul
but, un seul objectif. En écoute dichotique, par exemple, lorsque le message est
délivré aux deux oreilles en même temps, la condition d’attention focalisée (ou
sélective) consiste à inviter le sujet à se concentrer sur son oreille droite et à ignorer
ce qu’il entend dans son oreille gauche. Cette situation d’attention focalisée amène
le sujet à concentrer son attention sur une seule source et à ignorer les autres. Les
performances d’identification des cibles émises par cette source seront supérieures
à ce qui est observé en situation d’attention partagée.
En effet, la situation d’attention partagée amène le sujet à répartir son attention
entre plusieurs sources différentes, dont chacune est susceptible de produire une
cible, ou, autrement dit, lorsque la tâche à réaliser comporte plusieurs buts et que
l’on doit orienter notre attention. La condition d’attention partagée, en écoute
dichotique par exemple, consiste à inviter le sujet à répartir également son attention
sur ses deux oreilles pour y détecter des cibles (par exemple des chiffres qu’il doit
mémoriser) et à ignorer les distracteurs simultanément présentés (par exemple des
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

lettres). L’attention est alors engagée de manière globale ou diffuse. Dans ce cas,
la performance est grandement détériorée. Les sujets échouent à suivre plusieurs
événements simultanés. Partager son attention semble plus facile si les informa-
tions parviennent par des canaux sensoriels différents, bien que la performance
soit moins bonne que celle obtenue dans des situations d’attention sélective.
Dans ces conditions, la différence entre voir et regarder, ou entendre et écouter,
concerne la forme de notre orientation attentionnelle : « voir » et « entendre »
décrivent un niveau d’attention diffus, ouvert sur le cadre environnant, et
« regarder » ou « écouter » évoquent une activité orientée vers une source ciblée.

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Mémoires, représentations et traitements

Pour voir et entendre, il faut donc déployer une attention globale et diffuse, partagée
entre plusieurs sources ou répartie également sur l’ensemble du champ perceptif.
Pour regarder et écouter, il faut focaliser son attention sur une partie réduite du
champ. Cette dernière forme améliore considérablement la qualité du traitement
perceptif effectué sur les cibles apparaissant à cet endroit. En contrepartie, les cibles
apparaissant ailleurs sont négligées, voire ignorées.

2. Quelle est la relation entre la charge mentale engendrée


par un traitement et le type de mémoire impliquée
dans ce traitement ?
Les activités qui mettent en jeu des traitements qui sont sous la dépendance
d’objectifs conscients, ceux qui ne peuvent être réalisés qu’intentionnellement
engendrent ce que l’on appelle une charge mentale. Elles font appel à des ressources
cognitives qui ne sont plus disponibles pour réaliser d’autres activités de même
type. Ce sont les activités qui entrent en concurrence et qui ne peuvent être menées
simultanément : par exemple on ne peut répondre à une question et continuer une
addition : ou bien on interrompt le calcul, ou bien on termine le calcul avant de
répondre. On a émis l’hypothèse que ces traitements faisaient appel à un canal à
capacité limitée traitant les informations de façon séquentielle, l’une après l’autre,
et non de façon parallèle, c’est-à-dire en même temps.
On peut aussi expliquer ce phénomène de concurrence par l’idée que les traite-
ments qui engendrent une charge mentale font appel à la mémoire de travail verbale.
Le caractère séquentiel du traitement vient de ce que l’information est verbalisée
au moment du stockage, et la verbalisation est nécessairement séquentielle. La
capacité limitée de traitement s’explique par la capacité limitée de stockage de la
mémoire de travail. Les traitements qui sont contrôlés par des objectifs requièrent
que les objectifs soient stockés en mémoire de travail, de sorte que si la tâche est
interrompue par une tâche parasite, les objectifs qui étaient en mémoire de travail
sont perdus, ce qui se traduit par l’impression de ne plus savoir où l’on en est.
En revanche le fait que les traitements automatiques puissent être effectués en
parallèle, c’est-à-dire s’exercer simultanément, peut s’expliquer à partir de l’idée
que l’information qu’ils requièrent est récupérée immédiatement en mémoire à
long terme. Ces traitements automatiques interviennent alors même que d’autres
traitements sont en cours. C’est ce qui apparaît en particulier dans le phénomène
de Stroop : si on lit des mots écrits avec différentes couleurs en désignant la couleur
dans laquelle est écrit le mot, il faut plus de temps pour dire la couleur du mot
quand ce mot est un nom de couleur et qu’il n’est pas écrit dans la même couleur

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Corrigés des exercices

que celle qu’il désigne. Par exemple, il faut plus de temps pour dire « bleu » quand
c’est le mot « rouge » qui est écrit en bleu que lorsque c’est le mot « maison ». On
ne peut s’empêcher de lire « rouge » en voyant le mot même si l’on a comme tâche
non pas de lire mais de dire le nom de la couleur. La lecture de « rouge » entraîne la
récupération en mémoire de la signification de rouge qui interfère avec la couleur
du mot qui doit faire l’objet de la réponse : cette opération est l’accès lexical.
L’expérience de Schneider et Shiffrin est un argument important en faveur de
l’idée que les traitements automatiques sollicitent la mémoire à long terme, alors
que les traitements contrôlés font appel à la mémoire de travail. Cette expérience
montre en effet qu’une tâche de reconnaissance qui fait appel à la mémoire de
travail entraîne des effets de charge mentale quand on fait varier le nombre de
stimulus à reconnaître qui sont susceptibles d’apparaître : le temps de reconnais-
sance augmente avec le nombre de stimuli. La même tâche n’entraîne plus d’effet
de charge mentale quand elle sollicite la mémoire à long terme. Pour que la tâche
sollicite non plus la mémoire de travail mais la mémoire à long terme, on procède
à un apprentissage très long pour que l’ensemble des stimuli qui ont à être signalés
quand ils apparaissent soient bien fixés en mémoire.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Index des notions

A concept 14, 23, 38, 41, 42, 87, 106, 107,


accès 116, 117, 133, 136, 138, 151, 191, 200, 208,
209
— parallèle 23
— séquentiel 14, 22, 37, 41, 52, 54, D
145, 188, 195, 202, 210 dichotique 144, 183, 184, 188, 189, 209
activation 23, 32, 33, 51, 52, 53, 75, 76, disponibilité 22, 23, 73, 74, 75, 81, 135,
81, 94, 115, 116, 121, 131, 132, 133, 134, 165
145, 149, 187, 189, 190, 192, 193, 195,
dualiste 31, 32, 41, 42, 202
197, 199, 209
administrateur central 42, 47, 48, 51, E
80 économie au réapprentissage 74
amorçage 57, 62, 75, 81, 196 effet de position sérielle 30, 32, 66
apprentissage effet de primauté 31, 32, 81, 206
— distribué 67, 206 empan mnésique 26, 34, 35, 37, 38, 39,
— massé 67, 206 44, 48, 55, 79, 80, 183, 196, 203
attention partagée 47, 65, 209 empan perceptif 16, 17, 18
encodage 28, 37, 38, 39, 41, 44, 45, 53,
B 61, 63, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 87, 195,
béhaviorisme 7 200, 205
boucle phonologique 42, 43, 45, 46, 48,
49, 50, 87 F
facilitation 31, 57, 75, 182, 196, 197
C focalisation 55, 160, 175, 177, 178, 179,
calepin visuo-spatial 42, 45, 46, 48, 188, 197, 199
49, 80
focus attentionnel 51, 52, 54
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canal unique 187, 188, 189, 191, 193, 200


catégorisation 106, 111, 112, 115, 127, 128, H
143, 144, 151, 153, 155, 159, 197, 200, habituation 62
204, 205 heuristique 135, 165, 166, 172, 196
charge mentale 136, 188, 191, 192, 193,
194, 196, 197, 198, 199, 204, 210, 211 I
codage 28, 29, 30, 42, 43, 45, 52, 69, image mentale 19, 85, 87, 89, 90, 92,
71, 81, 86, 87, 88, 94, 137, 138, 139, 175, 137, 138, 202, 207
193, 203 inférence 122, 169, 170, 171, 196, 199

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Mémoires, représentations et traitements

interférence 39, 40, 71, 72, 73, 81, 92, mémoire implicite 59, 62
134, 135, 193, 203 mémoire primaire 27
interprétation 9, 13, 25, 31, 32, 36, 37, mémoire secondaire 27
40, 56, 70, 71, 85, 92, 93, 94, 98, 101,
mémoire sémantique 57, 58, 59, 60,
104, 105, 116, 119, 124, 126, 128, 129,
61, 62, 63, 65, 85, 105, 108, 132, 133
130, 131, 132, 135, 137, 138, 144, 149, 151,
155, 169, 170, 171, 194, 200, 201 mémoire sensorielle 14, 15, 16, 17, 18,
20, 21, 23, 24, 25, 26, 30, 79, 80, 188,
J 200
jugement 110, 112, 144, 146, 147, 159, 160, modèle de situation 105, 170
162, 163, 164, 165, 196, 197, 199, 200, modèle mental 105
202 moniste 14, 41, 42, 50, 51, 56, 80, 202
L O
labilité 14, 17, 33, 35, 39, 56 orientation attentionnelle 174, 189, 209
M oubli 22, 35, 36, 40, 41, 54, 65, 204
macrostructure 101, 102, 138 P
mémoire à court terme 14, 23, 26, 27, perception 7, 15, 16, 23, 24, 25, 60, 69,
28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 92, 135, 139, 144, 151, 159, 176, 201, 207
38, 39, 40, 41, 42, 45, 48, 49, 51, 66,
prédicat 94, 95, 96, 161
69, 70, 71, 74, 79, 81, 82, 200, 202, 203
préparation attentionnelle 75, 173, 174,
mémoire à long terme 14, 15, 23, 26,
176, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 190, 196
27, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 36, 41, 42,
47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 56, 57, 58, processus automatique 195
59, 61, 62, 64, 65, 66, 69, 71, 73, 74, processus centraux 148, 149
75, 79, 80, 81, 82, 85, 86, 87, 105, 119, processus contrôlés 147
145, 147, 158, 181, 188, 195, 199, 200,
processus modulaires 147, 148, 149,
201, 202, 203, 204, 205, 206, 208,
150, 194, 197
210, 211
prototype 109, 110, 111, 112, 113, 114, 136,
mémoire déclarative 58, 59
138, 162, 200, 201
mémoire de travail 27, 41, 42, 43, 44,
45, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 56, 60, R
64, 65, 69, 74, 75, 79, 80, 81, 82, 85, raisonnement 105, 135, 147, 148, 167,
86, 87, 89, 90, 97, 101, 130, 135, 137, 168, 171, 172, 186, 193, 194
145, 147, 175, 177, 185, 188, 191, 193, 195,
reconnaissance 20, 21, 22, 23, 24, 36,
200, 201, 202, 210, 211
37, 38, 41, 46, 57, 58, 59, 69, 70, 74,
mémoire épisodique 57, 58, 59, 60, 61, 75, 76, 77, 78, 80, 88, 89, 90, 92, 98,
62, 63, 64, 65, 85 99, 103, 104, 139, 145, 190, 195, 206,
mémoire explicite 59, 62 207, 211

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Index des notions

représentation 8, 14, 21, 22, 30, 36, 45, S


50, 61, 62, 63, 85, 86, 87, 88, 92, 93, schéma 116, 117, 119, 137, 139, 147, 171,
94, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 106, 190, 201, 208
110, 116, 117, 118, 119, 121, 123, 130, 131,
script 117, 118, 119, 137, 138, 139, 201, 208,
132, 134, 137, 138, 154, 169, 170, 173,
209
175, 190, 201, 202, 207
sélection attentionnelle 176, 177, 178,
représentation imagée 88, 92, 94, 104,
191
110, 138, 154, 207
représentations liées à l’action 86, 119 T
représentations propositionnelles 86, tachistoscope 15, 177
88, 94, 105 typicité 109, 110, 123, 126, 154
représentativité 109, 165, 166, 196
réseau sémantique 107, 114, 115, 125,
127, 139, 150, 208, 209
ressource attentionnelle 54
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