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L’ATHENES IMPERIALISTE : UNE CITE TYRANNIQUE ?

Pentékontaétie (478-431) : fin guerre médiques, début guerre du Péloponnèse, les 50


glorieuses d’Athènes.
« Athènes renforce son autorité et parvient à un haut degré de puissance » (Thucydide, Guerre
du Péloponnèse).
La plupart des cités alliées sont des îles (cités côtières ou insulaires).
Athènes-Le-Pirée se pense comme une île centrale.

I. Une emprise athénienne multiforme sur les Alliés

L’archè exercée par Athènes sur les Alliés, devenus hypekooi (sujets, en dessous), repose sur
une ingérence (domination) économique, territoriale, politique, militaire et culturelle (voir
exemples p.23 28).

A. L’emprise économique et le détournement de fonds du Trésor


Décret de Cleinias, 446 : réorganise et optimise la perception du tribut (phoros).
Réorganisation des 5 districts de perception du phoros : IONIE, HELLESPONT, THRACE,
CARIE, ILES.
Toutes les cités (sauf 3) participent au financement de la Ligue en apportant des tribus
(argent, fixé tout les 4 ans à Athènes par la Boulè).
Les hérauts athéniens parcourent chaque district pour réclamer le phoros, apporté ensuite à
Athènes en mars-avril.

L’utilisation du Trésor de la Ligue de Délos


454 : désastre de l’expédition d’Egypte, 200 trières athéniennes détruites. Périclès prétexte ce
désastre et le risque de piraterie pour mettre le trésor à Athènes.
454 : transfert du Trésor sur l’Acropole d’Athènes. Les hellénotames (athéniens) prélèvent
1/60e du phoros annuel pour le Trésor d’Athéna.
Une partie du trésor de la Ligue est utilisé pour faire de grands travaux.
Attention, Athènes a aussi ses ressources propres = mines du Laurion, taxes portuaires (p.32)
Mais l’utilisation d’une partie du phoros sert à fins strictement athéniennes…
480 : La reconstruction de l’Acropole brûlée par les Perses (sous l’initiative de Périclès).
Reconstruction du Parthénon :
447-438 (p.29-31). Sculpteurs : Phidias assisté d’Ictinos, Callicratès. Le Trésor qui abrite la
statue chryséléphantine d’Athéna Parthénos (tient Nikè, la Victoire dans sa main droite).
Offrande à Athéna mais message de propagande : Athènes victorieuse et puissance. Athènes
victorieuse contre les barbares (guerres médiques) et monte un empire avec la ligue de Délos.
Les décors du Parthénon sont aussi sculptés : combats mythologiques contre des monstres
(chaos, barbarie : les centaures, les géants, les amazones). Les athéniens représentent l’ordre,
sont civilisés, justiciers.
Fronton ouest : Athéna et l’olivier (déesse tutélaire, majoritairement représentée), Poséidon et
le trident (thalassocratie, protection maritime) se disputent la ville, p.17.
Frise intérieure cachée : « Frise des Panathénées » : représente le cortège de la fête en
l’honneur d’Athéna, les Panathénées.
¨Propylées = entrée monumentale de l’Acropole, construite par Mnésiclès entre 437 et 432.
Chantier de l’Erechteion (initiative de Périclès mais travaux entre 421-405). Cultes de
l’Erechteion = Athéna, Poséidon, Erechthée et Kekrops (héros du mythe de l’autochtonie
athénienne).
Le premier Athénien né du sol. Athéna vient chercher ses armes sur Héphaïstos, essaie de la
violer, éjacule sur sa cuisse. Athéna essuie sa semence avec un morceau de laine et le jette sur
le sol (Gaïa), ce qui donne Erechthée. Filiation avec la terre, Athéna.
Kekrops : roi mi-homme, mi- serpent, née du sol.
L’Odéon de Périclès (444-443), à côté du théâtre de Dionysos.
Sur l’Agora, reconstruction :
- Nouveau bouleutérion
- Nouveau Prytanée (bâtiment rond avec les Prytanes et le foyer de la cité)
Rappel : les misthoi civiques sont aussi financés par le Trésor de la Ligue de Délos.
449-448 ou 425 ? = décret de Cléarque ; obligation pour les Alliés d’adopter la monnaie
athénienne et le système de poids et mesures athéniens. Les tortues d’Egine étaient une
monnaie aussi courante, renoncer à sa propre monnaie est un symbole fort. Autre volonté de
l’unification : faciliter les échanges commerciaux.
Les athéniens contrôlent la circulation maritime, sécurisent la route du blé, ravitaillement est
indispensable pour la survie des athéniens. Stratégie spartiate : blocus alimentaire.

B. L’emprise administrative et judiciaire


Suppression du synedrion ; désormais les institutions athéniennes remplacent le conseil de la
Ligue, Athènes prend les décisions.
Les alliées doivent prêter serment à Athènes, des magistrats (surveillances) s’installent dans
les cités, de 1 à 3 en fonction des possibilités de rébellion de la ville : 700 par an. Des
Phrourarques et des Episcopoi (= magistrats athéniens) doivent faire des rapports à Athènes.
Surveillance de la route du blé par les « hellespontophylakes » qui contrôlent les flux depuis
l’Hellespont.
Installation de régime démocratique dans certaines cités (pas systématique).
Mise en place d’une justice athénienne impériale = les jugements impliquant des peines
graves (atimie, exil et peine de mort) sont transférés aux tribunaux athéniens ; centralisation
judiciaire : Décret de Chalcis en 446 (p.24-25).

C. Emprise territoriale (p.23-24)


Installation de garnisons militaires qui patrouillaient dans certaines cités alliées (Byzance,
Cyzique…).
Système des clérouquies, favorisé par Cimon et Périclès. Le cléros est donné aux clérouques
(citoyens pauvres), permet une ascension sociale, permet de surveiller des communautés
potentiellement Création de colonies : nouvelles communautés politiques.
Ex 1 : création d’une colonie en 431 à Egine, après avoir expulsé une partie de la population.
Ile obligée de rentrer dans la Ligue de Délos ; plainte aux Spartiates ; responsable en partie du
déclenchement de la guerre du Péloponnèse. Pour les punir, les athéniens s’installent sur l’île.
Permet de neutraliser une concurrente économique, et d’avoir un point aux abords du
Péloponnèse. Les Athéniens qui s’installent deviennent des éginètes (différence d’une
clérouquie).
Ex 2 : en 437, les cités du Pont font appel à Athènes pour endiguer la piraterie. Installation de
600 colons athéniens à Sinope, sur la Mer Noire, après avoir chassé le tyran local = contrôle
aussi de la route des céréales.
Jusqu’à 9000 colons-clérouques dans l’empire athénien (pour 40 000 citoyens).
Colonies = Bréa, Histiée, Sinope, Egine, Amphipolis, Skyros…
Clérouquies = Eretrie, Naxos, Lesbos… (Clérouquies mises en place après une révolte).
Permet d’augmenter le nombre d’hoplites, restreint quand Périclès redéfinit le système de
citoyenneté. Les citoyens pauvres peuvent être mobilisés en fantassins lourds.
Implantations extérieures d’Athènes permet l’importation de bois, de poix, de métaux
précieux depuis des espaces contrôlés par les Athéniens. (Bois + poix = trières).
Rappel : après révolte de Thasos en 465-462, Athènes récupère les revenus fiscaux et miniers
des Thasiens.
Colonies athéniennes = taxe de 5% sur les échanges reversés à Athènes.
En 413, le phoros est remplacé par une taxe de 5% sur les échanges. Symboliquement, cela
assimile les Alliés à des colonies d’Athènes.

D. L’emprise culturelle et religieuse


Diffusion sous l’impulsion des Athéniens du culte d’Apollon Délien.
Réorganisation par les Athéniens de la fête des Délia à Délos en 426 : toutes les cités de la
Ligue doivent y participer tous les 4 ans.
Véritables marqueurs de la domination culturelle athénienne : obligation faite aux Alliés de
fournir des bêtes de sacrifice pour Athéna, lors des Grandes Panathénées. Fournissent aussi
une panoplie (d’hoplites) pour le défilé.
Les Panathénées :
Fondées par Thésée (pdv mythologiques), réorganisation par le tyran Pisistrate (pdv
historique). Fin juillet, tous les ans = petites Panathénées.
Tous les 4 ans = Grandes Panathénées = 21 au 28 Hékatombaion.
Jeux sportifs, courses de chevaux, concours de musique. Prix des compétitions sportives =
vases remplis d’huile d’olive sacré (pressé avec les olives des oliviers sacrés d’Athéna).
Point culminant : le dernier jour, grande procession le long de la voie des Panathénées jusqu’à
l’Acropole, où l’on apportait à la statue d’Athéna Polias une nouvelle technique.
Fin de la fête : hécatombe de bœufs et distribution de viande au peuple lors d’un banquet.
Les Dionysies :
Autre fête instrumentalisée par les Athéniens pour assurer leur domination culturelle. Permet
de montrer Athènes en tant que « vitrine de la Grèce », mise en scène de l’éclat d’Athènes lors
des fêtes religieuses. « Soft power » : démonstration d’un modèle culturel supérieur.
Le phoros est apporté par les Alliés pendant cette fête.
Fête du théâtre = procession, sacrifice et banquets, en l’honneur de Dionysos.
Tous les 4 ans, Grandes Dionysies = concours de tragédies et de comédies dans le théâtre de
Dionysos.

II. Une domination de plus en plus contestée

A. L’empire contre-attaque : les révoltes de l’Eubée et de Samos


449 : paix de Callias avec les Perses. Traité de Paix : la mer Egée est interdite aux Perses, les
cités grecques d’Asie mineure sont déclarées autonomes, Athènes n’intervient plus en Egypte
et en Lybie.
447 : révolte de l’Eubée (p.29 et 24-25). Les Athéniens envoient les troupes de Périclès dans
chaque cité eubéenne et reprennent le contrôle en établissant des démocraties dans chaque cité
(régime pro-athénien). Expulsion des habitants d’Histiée pour établir une clérouquie.
441-439 : Guerre de Samos (cité insulaire) p.29. Commence par un conflit entre Milet et
Samos. Milet perd et fait appel à Athènes, qui en profite pour mater Samos (refusant
d’appliquer le décret sur les monnaies). Les Athéniens mènent un siège de 2 ans, les Samiens
subissent une défaite violente.
Sanctions habituelles : abattre les murailles, livrer la flotte, remboursement des frais de
guerre.
Sanctions inhabituelles : chaque camp torture ses prisonniers en marquant à blanc les
monnaies de l’ennemi sur les joues, torture des généraux samiens sur l’agora de Milet, frappés
à coups de bâton pendant 10 jours, privés de sépulture (marque d’hybris de Périclès).
Athènes prive les Alliés de leur autonomia (contrôle de son organisation politique et
judicaire).
Athènes prive les Alliés de leur eleutheria (liberté = maîtrise des rapports avec les autres). Le
terme « tyran » apparaît chez Thucydide (discours des Corinthien).
Cynisme chez Périclès pour justifier la domination d’Athènes : la loi du plus fort. Athènes
fourni les efforts de guerre, protège les autres cités (volonté de départ des Alliés).

B. La montée des antagonismes externes :


A partir de 461 : les affrontements locaux entre troupes athéniennes et spartiates.
447 : défaite d’Athènes à Coronnée mais reprise de l’Eubée.
446 = Traité de paix ; Paix de Trente ans.
Reconnaissances de deux symmachies, la Ligue de Délos et la Ligue du Péloponnèse.
Principe de non-intervention.

Conclusion : Athènes est-elle une « tyrannie » ?


Comment expliquer la solidité de l’archè ? Comment l’empire d’Athènes a survécu pendant
73 ans ? Pas seulement la peur et la crainte, mais des avantages et intérêts des Alliés de la
Ligue de Délos.
Les avantages tirés par les membres de la Ligue de Délos :
- Libre circulation dans un espace maritime contrôlé par les Athéniens.
- Le phoros est une contrepartie de la protection athénienne, coûteuse.
- Lutte efficace contre la piraterie endémique en Mer Egée. Les Alliés profitent de la
prospérité économique créée par l’empire sécurisé.
- Cyclades protégées par les Naxiens, puis les Samiens, puis les Achéménides, puis les
Athéniens.
- Possibilité d’emprunter, pour des cités ou des individus de la Ligue, auprès du Trésor
de la Ligue, comme une « banque » à des taux d’intérêts très intéressants.
Bref, « l’empire athénien conserve une composante coercitive mais il est avant tout fondé sur
une acceptation de la part du plus grand nombre des Alliés. Sans cette acceptation, l’empire
athénien n’aurait pas pu survivre, en particulier après la disparition de l’ennemi commun ».
(G. Bonnin)

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