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Le projet ROV 3D : relev& sous-marin en grande profondeur par


photogrammétrie. Applications à l'archéologie sous-marine.

Article · January 2015

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8 authors, including:

Pierre Drap Julien Seinturier


French National Centre for Scientific Research COMEX SA
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Bilal Hijazi Djamel Djamal Merad


Institut national supérieur des sciences agronomiques, de l'alimentation et de l'e… Aix-Marseille Université
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HYDROGRAPHIE
Le projet ROV 3D : relevé 

sous-marin en grande profondeur


par photogrammétrie.
Applications à l’archéologie sous-marine.
Pierre DRAP - Julien SEINTURIER - Bilal HIJAZI - Djamal MERAD - Jean-Marc BOI - Bertrand CHEMISKY - Emmanuelle SEGUIN -
Luc LONG

Nous présentons ici une approche du relevé sous- MOTS-CLÉS tées par un ordinateur, le tout embarqué
marin à grande profondeur, par ROV, fondée sur la sur un ROV. Un éclairage adéquat par
Archéologie sous-marine, LED assure une illumination correcte
photogrammétrie. Une technique hybride nous permet photogrammétrie sous- de la scène. La fréquence élevée des
d’obtenir des résultats en temps réel, suffisants pour marine, odométrie, prises de vue assure une couverture
guider le ROV depuis le navire de surface, assurer une orientation temps- exhaustive, et l’échelle importante de
couverture homogène du site, et enregistrer sur un réel, modèle 3D haute ces prises de vues confère au résultat
ordinateur embarqué les images à haute résolution qui résolution une très grande précision.
permettront un relevé en temps différé d’une précision Le système ainsi déployé est totalement
millimétrique. L’opération de mesure est totalement sans contact et non invasive sans contact, non destructif et de très
haute précision. Une communication
Le temps d’immobilisation du site est minimal, et correspond au temps de survol ;
avec le navire de surface autorise un
Les prises de vues sont synchronisées à 10Hz, deux heures de survol ont ainsi été calcul 3D temps réel de la zone obser-
nécessaires pour réaliser l’expérience présentée dans cet article : le relevé de vée par le ROV, ce qui permet ainsi un
l’épave Romaine Cap Bénat 4, par 328 mètres de fond. L’approche présentée dans guidage optimal du ROV sur site, et
ce papier a été développée dans le cadre du projet ROV 3D. Financé par le FUI pour assure au pilote du ROV la complétude
trois ans, ce projet associe deux industriels et un laboratoire de recherche. du relevé lors de la remontée à bord de
l’engin.
La COMEX, COmpanie Maritime d’Expertise, a coordonné ce projet.
Le relevé photogrammétrique dans le
Introduction protection que leur profondeur pouvait contexte sous-marin permet d’obte-
leur accorder n’est plus d’actualité : nir, sans contact, un relevé exhaustif
n Le contexte les chaluts peuvent aujourd'hui être de toutes les parties visibles du site,
Si elles sont hors de portée des plon- déployés jusqu'à -1000 m. Par consé- dans un minimum de temps et avec
geurs, par conséquent des pilleurs, les quent, beaucoup de ces épaves sont une grande précision. Cette approche
épaves profondes échappent aussi à susceptibles d'être détruites avant offre au spécialiste comme au grand
l’action des scientifiques (au-delà de même de pouvoir être étudiées, voire public une vision globale du site que la
50 m, la plongée traditionnelle à l'air de pouvoir être observées. turbidité du milieu marin interdit habi-
est interdite et l'on doit recourir à l’utili- Indépendamment de l'accessibilité par tuellement (Drap et al., 2013).
sation de mélanges gazeux nécessitant les plongeurs, un site sous-marin est
d’importants moyens en surface). Ces hors de portée physique et pratique n Les acteurs et le projet ROV3D
épaves profondes sont également pour la majorité des archéologues, des Le projet ROV 3D, labellisé par le pôle
protégées par divers facteurs physico- biologistes marins ou des experts des de compétitivité “Mer PACA”, a été
chimiques naturels, de par leur position domaines étudiés (géologues, indus- partiellement financé pour une période
en pleine mer. L’obscurité, une tempé- triels). Il est donc important, voire de trois ans, dans le cadre du “Fond
rature basse et un faible taux d'oxygène crucial, d'adopter des techniques qui Unique Interministériel” (FUI). Le minis-
participent d’une préservation excep- peuvent être aisément mises en place, tère français de l'Industrie, la fondation
tionnelle de ces épaves. permettant de relever précisément ces européenne “FEDER”, la région PACA,
Cependant, même ces sites profonds sites sous-marins profonds. C’est ce le Conseil Général des Bouches du
sont maintenant menacés par les que nous présentons dans cet article. Rhône et Marseille Provence Métropole
nouveaux types de chalutages qui La technique employée ici est la photo- ont participé à ce financement.
détruisent la couche de surface des grammétrie. Trois caméras haute Le consortium se compose d'un labo-
sites et brouille leur lisibilité. En effet, la résolution sont synchronisées et pilo- ratoire de recherche universitaire, le

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LSIS (Unité Mixte de Recherche CNRS légère et plus rapide, autorisant un l’homme. D'abord à Marseille, André
7296) et de deux partenaires indus- relevé en deux heures de plongée. Les Tchernia développe entre 1968 et 1971
triels, la COMEX et la SETP. COMEX, deux approches sont présentées dans un cadre métallique de prises de vues
COmpagnie Maritime d’EXpertise, est le ce document. stéréoscopiques sur l’épave Planier 3,
spécialisée dans les opérations sous- par 30 m de fond (Liou, 1973). Doté d’un
marines de haute technologie, et la pont roulant pour déplacer la platine
SETP dans le contrôle dimension- L’état de l’art photographique, cet outil est perfec-
nel par voie optique. En marge de ce tionné ensuite par Jean-Pierre Négrel
n Un bref historique
partenariat, le DRASSM (Département et Nicolas Clerc sur l’épave Pointe de la
Sans aucun doute, l’initiateur de la
des Recherches archéologiques Luque, à 28 m de fond (Negrel & Clerc,
photogrammétrie archéologique sous-
Subaquatiques et Sous-Marines), a plus 1973). Ces avancées vont rapidement
marine fut l’archéologue G.-F. Bass,
ponctuellement joué le rôle de parte- se concrétiser avec succès sur la fouille
en 1963, sur l’épave byzantine Yassi
naire scientifique et institutionnel dans de la Madrague de Giens, par 20 m de
Ada 2, près de Bodrum, en Turquie
le cadre de l’intervention sur l’épave fond. Devenu une référence mondiale,
(Bass, 1970). Tandis que la National
Cap Bénat 4. ce chantier école du CNRS, mené sous
Geographic Society finançait son
la houlette d’Antoinette Hesnard, André
L'objectif du projet est le dévelop- opération, il procéda à des prises de
Tchernia et Patrice Pomey, servira
pement de procédures automatisées vues stéréoscopiques depuis le sous-
durant dix ans de terrain d’expérimen-
de relevé 3D, dédiées au milieu sous- marin Ashera, mis à sa disposition par
tation pour les relevés archéologiques
marin, à l'aide de capteurs acoustiques l’Univeristy of Pennsylvania Museum.
(Tchernia, Pomey, & Hesnard, 1978).
et optiques. Le capteur acoustique Si la profondeur du site n’était pas très
permet l'acquisition d'une grande importante (35 m), le procédé s’avéra Au demeurant, dans l’archipel de
quantité de données à faible résolution, cependant très efficace pour collecter Marseille comme sur la Madrague de
tandis que le capteur optique (utilisé à en un temps très court un maximum Giens, les prises de vues photogram-
grande échelle) permet le relevé de d’informations (Bass, 1970; Bass & métriques étaient toujours soumises à
surfaces plus restreintes mais à haute Rosencrantz, 1973). des contraintes géométriques fortes,
résolution. Grâce à la fusion de ces Au-delà de la simple mosaïque photo- notamment la stéréoscopie qui impo-
deux sources de données, nous obte- graphique, qui donne une vision sait des axes optiques parallèles, se
nons des restitutions de grandes scènes globale à plat d’un site, en ajustant traduisant toujours inévitablement par
complexes, sans se limiter à des struc- les clichés entre eux, la stéréophoto- la mise en place de structures métal-
tures traditionnelles d’élévation de grammétrie constituait le seul système liques fixes et coulissantes afin de
terrain de type DTM. capable de mesurer une épave et de guider les photographes. Ces appa-
Ces relevés complexes, grottes, modéliser en 3D la couche supérieure reillages, lourds, encombrants et longs
surplombs, peuvent également concer- de sa cargaison. à mettre en œuvre, nécessitaient une
ner des sites archéologiques, des sites Peu de temps après les premières équipe de plongeurs bien entraînés et,
industriels, ou l'évolution des paysages expérimentations de Georges Bass sur par conséquent, limitaient la profon-
dans le temps. Yassi Ada 2, Joseph Pollio, effectue deur d’utilisation. Ils ont représenté, un
La capacité de mesurer et de modéli- avec le Naval Oceanographic Office frein important en ce domaine durant
ser les grands sites sous-marins, dans (Washington), une carte topographique des années.
un court laps de temps, apporte de sous-marine par photogrammétrie. Ses Le système va s’alléger à partir de 1984,
nouvelles perspectives à l’archéolo- relevés se déroulent en Floride, entre lors de la fouille que mène A. Hesnard
gie sous-marine, à la biologie marine mars 1967 et juin 1968, à partir succes- sur l’épave doliaire Grand Ribaud D, par
ainsi qu'à l'industrie sous-marine (offs- sivement des submersibles Pegasus, 18 m de fond. Après un marquage du
hore, industrie portuaire, etc.) (Drap, Star III et Aluminaut. Le principal terrain par de nombreuses cibles, une
Merad, Boï, et al., 2014; Drap, Merad, problème est alors de maintenir une chambre métrique Sapho (COMEX),
Mahiddine, et al., 2014). hauteur des prises de vues constante en flottabilité nulle, se déplace cette
(Pollio, 1968). D’autres expériences de fois le long d’un guide constitué d’un
Cet article traite principalement des
ce type auront lieu, mettant en jeu les simple tube en PVC de 12 m de long,
relevés optiques automatisés, déve-
concepts de base que nous utilisons positionné perpendiculairement à deux
loppés et intégrés sur le sous-marin
encore aujourd’hui (Ciani, Hunter, barres transversales de 16 m de long,
Remora 2000, ainsi que sur le ROV
Dowling, & Brunk, 1971 ; Faig, 1979 ; elles aussi en PVC. Le système est léger,
Apache opérés par COMEX. En utilisant
Hoehle, 1971 ; Pollio, 1971). maintenu en position constante par des
le sous-marin, il est possible d’embar-
forces antagonistes générées par des
quer un spécialiste du domaine afin Au même moment, dans le cadre de la
lests et des flotteurs (Hesnard, 1989).
de lui offrir une vision plus immersive plongée autonome, vont avoir lieu en
du site, et d’être en mesure de choisir France, à partir de 1968 et plus géné- En 1984 et 1985, ce procédé va se simpli-
la zone la plus pertinente à étudier. La ralement dans les années 1970, des fier encore davantage sur la fouille de
mise en œuvre du système à partir d’un relevés stéréophotogrammétriques l’épave de blocs de calcaire de Carry-
ROV offre quant à elle une solution plus sur différentes épaves accessibles à le-Rouet, sous conduite de L. Long
q
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HYDROGRAPHIE

(DRASSM) et par 6 m de fond. Deux l’épave profonde Plage d’Arles 4, à modérée, à la limite de l’intervention à
q Hasselblad semi-métriques, équipés 700 m de fond, que supervisent L. Long l’air, autorise les deux types d’interven-
d’objectifs grand angles de 38 mm, sont (DRASSM) et M. Blaustein (SETP), avec tion (Drap & Long, 2001; Long, Drap,
cette fois fixés sur une petite platine le support de l’IFREMER. La couverture Gantes, & Rival, 2001)
hydrodynamique, d’abord en alumi- stéréophotogrammétrique sera opérée
C’est ce système, amélioré, qui
nium, puis en plastique, qui progresse à au moyen d’appareils photo moyen
prévaudra lors de l’intervention du
hauteur constante au-dessus des blocs format, semi-métriques (Long, 1995).
projet européen VENUS, en France,
de pierre. La hauteur est la même d’un Si les prises de vues furent réalisées
au large des calanques de Marseille,
couple à l’autre grâce, d’une part, à en 4 jours sur l’épave romaine Plage
sur l’épave Port-Miou C, par 105 m de
l'utilisation de bouées en surface, et, d’Arles 4 (20 m x 10 m), une seule jour-
fond. Préalablement, au cours du même
d’autre part, au fil nylon qui rattache née a suffi dans la foulée, pour couvrir
projet, la méthode a été testée en plon-
au sol la platine photo sur un triangle l’épave du vaisseau La Lune, coulé en
gée autonome par P. Drap, sur l’épave
métallique. Ce dernier est déplacé par 1664 à l’est de Toulon, par 90 m de fond
de Piannosa (Italie), à 35 m de fond,
plongeur et mis de niveau après chaque (Long & Illouze, 2002).
puis sur celle de Sesimbra (Portugal),
prise de vue, le long d’une corde à
C’est ensuite en 1996, que la méthode à 60 m (Chapman, Bale, & Drap, 2008 ;
piano de référence (Long, 1986). Dans
est perfectionnée, en Baie de Marseille, Long & Drap, 2010).
les deux cas, sur le Grand Ribaud D
sur l’épave romaine Sud-Caveaux 1, par
comme à Carry-le-Rouet, la société Aujourd’hui, réalisée en une seule
64 m de fond, au moyen du ROV Super-
SETP (Salon-de-Provence) procède à journée par une équipe bien entrai-
Achille et du submersible Rémora 2000,
la restitution des clichés sous forme de née, jusqu’à une profondeur qui peut
dotés d’une chambre métrique argen-
plan topométriques, avec points côtés atteindre 2000 m (limite actuelle des
tique (DRASSM, COMEX, SETP). Le
et courbes de niveaux. caissons des appareils photogra-
relevé fourni par la SETP tient même
Durant les années 1980, ce système va phiques pour la configuration utilisée
compte de zones dégagées au venti-
s’exporter sur plusieurs épaves fouillées dans le cadre de l’expérimentation
lateur Blaster, rattachées lors de la
par le DRASSM à faible profondeur. Ce présentée ici), les relevés optiques de
restitution 3D à la couche de surface
sera d’abord le cas en 1985 sur l’épave grande précision — de l’ordre du milli-
(Long & Delauze, 1996).
antique de Ploumanac’h, par 5 m de mètre — ne nécessitent plus aucune
fond, puis sur l’épave Pointe Lequin 2, Mais la photogrammétrie profonde va à intervention physique sur le site, ni
dans les îles d’Hyères, et enfin en 1986 nouveau progresser entre 2000 et 2002, pour la mise à l’échelle ni pour l’orien-
sur le vaisseau postmédiéval hollandais sur l’épave étrusque Grand Ribaud F, tation absolue sur la verticale.
Mauritius (Gabon), par 10 m de fond. par 61 m de fond, notamment grâce Cette méthode et ses résultats se
à l’irruption en ce domaine des cher- distinguent considérablement des
n Photogrammétrie et épaves cheurs du CNRS, notamment P. Drap récentes opérations menées sur
profondes (MAP-GAMSAU et LSIS), qui a long- l’épave du vaisseau La Lune, à l’initia-
En 1987, inspirée des captures stéréos- temps collaboré à l’origine avec la SETP. tive du DRASSM, dont les relevés sont
copiques réalisées précédemment sur En outre, le développement depuis les essentiellement de type acoustique,
des épaves par petit fond, une plongée années 1990 de la micro-informatique les images n’étant utilisées ensuite
avec le sous-marin Nérée 201 autorise et de logiciels de photogrammétrie libé- que pour draper le modèle de terrain
un relevé manuel de l’épave romaine rés de la contrainte de la stéréoscopie, (Gracias et al., 2013).
des Basses de Can (Saint-Tropez), sise en parallèle avec l’émergence d’appa- A l’heure actuelle, dans le domaine du
sur la pente entre 70 et 200 m de fond. reils photographiques numériques, relevé sous-marin à grande profondeur
Cependant, si le champ d’amphores est va considérablement démocratiser et à haute définition, il n’existe aucun
calibré au moyen de règles graduées la photogrammétrie en archéologie traitement automatique industrialisé.
et de mires altimétriques, la photo- et augmenter le degré de précision. Cependant, quelques entreprises privées
grammétrie est d’emblée disqualifiée Sur l’épave Grand Ribaud F, sont mis proposent des prestations de service en
pour une question financière : son à profit, d’une part, des systèmes de métrologie sous-marine fondées sur des
coût à la restitution. L’archéologue prises de vues simplifiés, qui ne fonc- techniques désormais traditionnelles de
limite donc l’expérience à un relevé tionnent plus sur le principe des couples photogrammétrie rapprochée. Ces offres
graphique plus ou moins précis à stéréoscopiques indépendants mais par qui utilisent la reconnaissance automa-
50 cm près, fondé sur les enregistre- ajustement de faisceaux, et, d’autre tique de cibles codées et l’ajustement de
ments vidéo et sur les photographies part, des outils de photogrammétrie faisceaux, nécessitent une intervention
verticales (Long, 1988). Dans le même numérique et des systèmes experts sur site au moins pour la pose de cibles
temps, l’état des besoins pour l’avenir pour la génération des données 3D qui sur les parties à mesurer ce qui, dans le
de l’archéologie sous-marine profonde sont utilisés dans un second temps. contexte sous-marin, peut être un grand
donnera lieu à de premières réflexions Au préalable, les prises de vues, sont handicap (Johannessen & Prytz, 2005)
(Tchernia & Pomey, 1990). Mais un opérées sur l’épave étrusque à la fois (http://www.parkermaritime.no/services-
saut qualitatif sera franchi en 1993 par des plongeurs et par des engins and-products/subsea-metrology).
lors du relevé photogrammétrique de submersibles, puisque la profondeur Comme le préconisait il y a trente ans

30 Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015


Patrice Pomey, (Pomey, 1985), les épaves visualiser en temps réel la trajectoire de la liaison de transfert de données
profondes ont toutes les chances d’être et la zone mesurée par le ROV. Nous entre l’engin et la surface, puisque
mieux conservées que les autres. A cette avons développé un ajustement dans cette configuration l’opérateur
époque, l’épave Cap Bénat 4, découverte de faisceaux dédié (Suenderhauf, accède directement à l’Unité d’Acqui-
à l’est des îles d’Hyères par l’IFREMER, Konolidge, Lacroix, & Protzel, 2005; sition Embarqué (UAE) via une liaison
à 330 m de fond, inaugurait une longue Xue & Su, 2012) ainsi qu’une orien- Ethernet haut débit établie entre l’inté-
liste de navires antiques profonds qui tation par bestFit3D sur les points 3D rieur de la sphère habitée et le système.
ont tous échappé aux récifs destructeurs, calculés en temps réel. Cette étape préliminaire a également
lors du naufrage, et atteint le fond sans • La génération d’un nuage de points permis de valider les spécifications
grand dommage. C’est sur cette épave dense en utilisant les photographies d’éclairage requis pour une exposition
emblématique que nous nous sommes faites sous-l’eau, avec des caméras suffisante des prises de vues.
penchés en novembre 2014 et dont nous non métriques, grand angle et un L’étape suivante a consisté à réunir
présentons ici les premiers résultats. hublot loin de la perfection : le calcul l’ensemble des composants du système
de ce nuage dense, s’appuyant sur ROV3D dans un support amovible
les travaux de Furukawa (Furukawa venant se fixer sous l’engin téléopéré.
L’approche proposée & Ponce, 2010) prend en compte la Le système est alimenté en énergie
forte distorsion des images et nos directement par l’engin, et une liai-
Dans le cadre de l’expérimentation
développements utilisent directement son de données Ethernet est établie
présentée dans cet article, aucun relevé
les images produites par les camé- avec la surface permettant le contrôle/
acoustique n’a été effectué sur site
ras sans étape de rectification ni de commande du système, ainsi que la
car la zone à couvrir — de l’ordre de
correction de la distorsion. remontée en temps réel des données
20 m sur 15 m — était suffisamment
• Enfin, pour les résultats en haute réso- traitées par le calculateur embarqué.
restreinte pour être aisément traitée en
lution, la réalisation d'un pont logiciel Ces données sont ensuite exploitées
photogrammétrie depuis le ROV. De
entre nos structures de données et des par un ordinateur en surface de façon à
plus une précision millimétrique était
logiciels du commerce. Pour l’ajuste- déterminer la trajectoire suivie par l’en-
nécessaire à une étude archéologique
ment de faisceau ainsi que pour la gin en temps réel, et à fournir ainsi au
fine. Un relevé multifaisceaux aurait
calibration, les logiciels PhotoScan pilote du ROV une aide à la navigation
été inapproprié, car ni assez détaillé, ni
d’Agisoft et Bingo ont été utilisés. afin de garantir la couverture exhaus-
assez précis.
tive du site à relever.
La solution adoptée est purement
n L’architecture ROV3D Les trois caméras qui composent
photogrammétrique articulée sur deux
Le système ROV3D a été conçu en le système sont chacune intégrées
calculateurs, l’un embarqué sur le ROV
conservant comme objectif une inté- dans un caisson étanche indépen-
avec les caméras et l’éclairage, l’autre
gration sur un engin téléopéré léger, dant, et synchronisées par un module
en surface dédié aux calculs photo-
ce qui sous-entend une optimisation du spécifique dans l’unité d’acquisition
grammétriques, à la visualisation et au
volume et du poids de l’ensemble. embarquée. Le flux de données, qui
pilotage.
Une première étape de validation peut atteindre 20 Go à la minute, est
Les tâches sont réparties ainsi : l’ordi- fonctionnelle sur le sous-marin habité stocké dans l’UAE et traité en temps réel
nateur de fond est chargé de piloter les Remora 2000 a permis de s’affranchir pour fournir les éléments nécessaires au
caméras, de sauvegarder les images
q
localement, d’extraire des points homo-
logues sur au moins deux couples
consécutifs (en combinant SIFT, SURF
et Harris) puis d’envoyer à l’ordinateur
de surface les points 2D “matchés” et
identifiés sur au moins quatre images.
L’ordinateur de surface reçoit donc
quant à lui ces points 2D. Connaissant
a priori la calibration des caméras sous-
marines, paramètres intrinsèques et
paramètres extrinsèques relatifs, il
assure le calcul du déplacement du ROV,
et visualise en temps réel la position du
véhicule et les points 3D calculés.
D’un point de vue photogrammétrique,
trois problèmes ont dû être affrontés :
• l’orientation temps réel des couples Figure 1. Le ROV Apache, équipé du système de photogrammétrie, pendant la phase
de photographies pris par le ROV d’acquisition sur l’épave Cap Bénat 4 à 328 mètres de profondeur. Prise de vue réalisée
à la fréquence de 10Hz, ceci afin de depuis le ROV Super Achille.

Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015 31


HYDROGRAPHIE

calcul d’odométrie. fenêtre contenant un sous ensemble


q L’éclairage, point crucial en photogram- des photographies consécutives au
(2)
métrie, doit répondre à deux critères : lieu de la totalité de photographies. Les
homogénéité d’exposition sur chaque photographies dans cette fenêtre sont
image et constance entre images. orientées, et les paramètres estimés
avec d(x,y), la distance euclidienne
Pour répondre à ces contraintes, un sont utilisés comme initialisation pour
entre deux point image x et y.
système fondé sur la technologie LED l’orientation suivante, pour laquelle la
La minimisation (2) peut être obtenue
est contrôlé depuis l’unité d’acquisition fenêtre est décalée d’une image. De
par la méthode des moindres carrés qui
embarquée. plus, pour résoudre le manque de préci-
fournit une solution en résolvant itéra-
sion causé par une trop petite variation
tivement une équation normale sous la
n La photogrammétrie entre les poses des photographies dans
forme suivante:
Pour assurer une couverture exhaus- la fenêtre, ne sont seulement retenues
tive par le ROV de la zone étudiée, la (3) que les photographies dont les poses
connaissance en temps réel de son sont suffisamment éloignées, c'est-
avec j jacobienne de la fonction de
déplacement est cruciale. Puisque à-dire distante de leur prédécesseur
reprojection (Lourakis & Argyros, 2009).
une transformation rigide lie ROV dans la fenêtre d’un certain seuil ; Ceci
La méthode des moindres carrés est
et système de photogrammétrie, la correspond à un avancement minimum
très coûteuse en temps de calcul et en
connaissance du déplacement de ce du véhicule entre deux prises de vues.
mémoire. De plus son coût augmente
dernier suffit à déduire celle du ROV. En combinant les travaux de
considérablement avec l’accroissement
Le déplacement du système de photo- Sünderhauf et ceux de Xue et Su, nous
du nombre des paramètres, i.e. des
grammétrie, composé de trois caméras avons implanté un nouvel algorithme
paramètres extrinsèques des caméras
haute résolution dont les orientations afin d’orienter les images stéréos prises
et des positions 3D des points. Donc,
internes et externes sont connues a par le ROV.
pour diminuer le temps de calcul il faut
priori, doit donc être évalué. Une phase
réduire le nombre de paramètres. 1. partant de l’image Ii, on cherche
d’étalonnage précédant la mission, est
Dans notre application, le système de l’image Ii+k la plus proche, de sorte
nécessaire. Ce déplacement est déduit
photogrammétrie utilisé est un système que le déplacement entre Ii et Ii+k
de l’orientation des photographies
stéréo dont l’orientation relative est fixe dépasse un certain seuil. Ceci est
faites sur des points homologues iden-
et connue préalablement par étalon- déterminé par odométrie.
tifiés et appareillés à la volée sur deux
nage. Cette caractéristique permet la 2. Ajout de Ii+k à la fenêtre.
prises de vues consécutives par l’ordi-
réduction du nombre des paramètres 3. i devient i + k , et on répète de l’étape
nateur embarqué sur le ROV.
liées aux cameras d’un facteur de 2 1, pour avoir 3 paires d’images stéréo
Dans la littérature, les méthodes (Xue & Su, 2012). En effet, pour un dans la fenêtre
d’ajustement des faisceaux utilisées couple stéréo les paramètres extrin- 4. On ajuste ensuite les faisceaux suivant
pour l’orientation des photographies sèques de la camera droite peuvent être la méthode proposée par Xue et Su,
ont prouvé leur efficacité (Lourakis déduit de ceux de la camera gauche. et en utilisant les poses obtenues par
& Argyros, 2009; Suenderhauf et al., En prenant en compte cette caracté- l’étape 1 comme initialisation.
2005; Xue & Su, 2012) ; néanmoins une ristique, Xue et Su ont proposé une 5. On décale la fenêtre d’une image.
phase de calcul est nécessaire afin de méthode d’ajustement des faisceaux
Calcul de l’orientation approchée des
déterminer des valeurs approchées qui réduit le nombre de paramètres,
photographies pour l’ajustement de
indispensables à l’ajustement de fais- tout en conservant les informations des
faisceaux.
ceaux. observations sur les photos gauche et
Afin de calculer l’ajustement de fais-
droite des couples stéréo. Puisqu’elle
Orientation des photographies. ceaux comme nous l’avons vu au
réduit le temps de calcul par rapport
Considérons que l’ensemble des camé- paragraphe précédent, il convient de
aux méthodes d’ajustement des fais-
ras à orienter, dont Mj est l’ensemble calculer des valeurs approchées pour
ceaux opérant sur les totalités des
des matrices de projections, observe un la pose des caméras.
photographes, cette méthode s’avère
ensemble de points dans l’espace Xi, et Nous disposons d’une série de points
adéquate pour notre application, une
que xij est la projection du iième point sur 2D, homologues sur quatre images
illustration de l’orientation de quelques
la jième image. Alors, l’orientation des (deux couples consécutifs). Les points
images est visible sur la Figure 1.
photographes revient à trouver les Mj sur le terrain ont été identifiés sur le
et Xi qui résolvent l’équation suivante : Odométrie : calcul rapide de l’orienta- couple de camera stéréo à l’instant t , et
(1) tion des photographies. les mêmes points avaient été identifiés
Dans le contexte de l’estimation du à l’instant t-1.
L’orientation des photographes par
mouvement des robots, Sünderhauf et A chaque étape un ensemble de points
ajustement des faisceaux revient à
son équipe (Suenderhauf et al., 2005) 2D, vus sur les couples t et t-1 sont
exprimer l’équation (1) en tant qu’un
ont proposé une méthode qui simplifie envoyés à l’ordinateur de surface pour
problème de minimisation :
et accélère l’ajustement de faisceaux. le calcul de la nouvelle position du véhi-
Cette méthode consiste à opérer sur une cule.

32 Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015


Calcul de l’orientation du couple t sur
le couple t-1 :
• On considère comme faible le dépla-
cement (t, t-1) du véhicule. Dans ces
conditions on affecte la pose des
caméras à l’instant t des résultats de la
pose à l’instant t-1 (on considère que le
véhicule n’a quasiment pas bougé par
rapport à la fréquence de prise de vue).
• Connaissant les orientations rela-
tives des caméras droite et gauche,
et sachant que ces valeurs sont consi-
dérées fixes dans le temps, on calcule
les points 3D en utilisant les points 2D
des couples t et t-1. On a donc deux
nuages de points homologues calcu-
lés à l’instant t et à l’instant t-1 mais
avec les poses des caméras pour les
Figure 2. Odométrie visualisée en temps réel à bord du navire. On peut voir sur cette figure
instants t et t-1.
le nuage de point 3D calculé sur le terrain survolé, la position du véhicule à chaque couple
[RT]droitet = [RT]droitet-1 de photographies. La densité des points mesurés sur chaque photo est représentée par un
[RT]gauchet = [RT]gauchet-1 code de couleur, jaune-vert-noir, qui donne un aperçu de la qualité de l’orientation (jaune
< 30 points, vert entre 100 et 200 points, vert sombre > 300 points).
Si le véhicule était effectivement à l’arrêt
alors les deux nuages de points seraient
confondus. En fait, le mouvement du Pour résoudre le problème nous points 3D obtenu est de faible densité.
véhicule entraîne un déplacement des pouvons utiliser la décomposition en Dans la chaîne de traitement mis en
images des points du terrain sur les valeurs singulières (SVD) de la matrice œuvre ici, l’orientation de ces quadru-
couples t-1 et t , et les points calculés de covariance C, ce qui correspond à plets est faite dans la boucle de temps
représentent deux nuages de points un algorithme robuste et peu coûteux réel à 10Hz ; Il peut être utile pour les
différents. en temps. responsables des opérations d’avoir un
La transformation rigide [RT] néces- modèle 3D partiel, à l’échelle, pendant
saire pour exprimer les caméras t dans que le ROV poursuit son relevé. Pour
le référentiel t-1 est la transformation ce faire, nous avons développé un
rigide nécessaire pour passer du nuage module de densification des nuages
de points 3D obtenu au temps t-1 à celui de points qui s’appuie sur les photo-
obtenu au temps t. graphies originales de la prise de vue,
Une fois exprimées les poses du couple
Le problème du calcul de l’orientation et qui est possible une fois les images
t dans le système de référence du
des caméras au temps t par rapport transférées à bord (dans le futur, cette
couple t-1, les points 3D peuvent être
au temps t-1 se ramène au calcul de la densification pourra être réalisée par
recalculés en utilisant les quatre obser-
transformation permettant de passer l’ordinateur embarqué dans le ROV,
vations dont on dispose pour chaque
d’un nuage de point à l’autre car dans mais le manque de ressource actuel
point.
notre cas les rotations sont minimes. de cette machine rend ceci difficile :
Un ensemble de contrôles est mis en
en effet, la machine embarquée est
Ci-après le calcul de la transformation place afin d’éliminer les fautes d’appa-
soumise à des contraintes de volume,
de passage du nuage de points calculé riement (contrôle de la droite épipolaire,
de consommation, et d'échauffement
au temps t, noté P, à celui calculé au contrôle de cohérence de la parallaxe
qui réduisent ses performances).
temps t-1, noté P’ : en y, contrôle des résidus de reprojec-
Cette densification est cependant
Nous disposons de deux ensembles de tion).
nécessaire afin de reconstruire un
n points homologues P = {Pi} et P' {P'i}
Une fois validée, les poses des camé- modèle 3D réaliste. Cela est réalisé par
avec 1≤i≤n. On a :
ras à l’instant t sont utilisées comme les méthodes MVS (Multi View Stereo)
valeurs approchées pour le calcul par qui produisent un nuage de point
où R est la matrice de rotation et T la
ajustement de faisceaux présenté au dense à partir des photographes et des
translation
paragraphe précédent. paramètres des caméras. Furukawa
La meilleure transformation minimise
(Furukawa & Ponce, 2010) a proposé
err, la somme des carrés des résidus
Reconstruction 3D dense. une méthode fondée sur une recons-
d’adaptation :
A l’issu de l’étape d’orientation, ici de truction par "patch, (PMVS Patch- Based
l’orientation de deux couples consé- Multi View Stereo ). La surface S, qui
cutifs d’images stéréo, le nuage de contient un point 3D p quelconque de
q
Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015 33
HYDROGRAPHIE

la scène, est modélisée par un morceau


q carré d’un plan tangent à S en p, le
"patch". La position 3D du patch est
ensuite déterminée par une minimisa-
tion de la variance entre ces projections
sur les photographes. L’algorithme
fonctionne en trois étapes :
• Initialisation d’un ensemble de patchs
par des points d’intérêt,
• Expansion qui consiste à reconstruire
de nouveaux patchs autour de ceux
déjà trouvés,
• Filtrage pour renforcer la cohérence et
éliminer les patchs erronés.
Nous avons implanté cette méthode
pour l’intégrer dans notre chaîne de
traitement (voir Figure 1). En revanche,
contrairement à PMVS, nos développe-
ments utilisent directement les images
produites par les caméras, sans étape
de rectification, ni de correction de la
distorsion, et une adaptation de l’algo-
rithme est donc nécessaire, surtout
pour le calcul des droites épipolaires.
En effet, la distorsion transforme la
droite épipolaire en une courbe épipo- Figure 3. Quatre couples stéréo consécutifs, orientés par l’approche bundle décrite plus
laire, dont la courbure s’accroît avec haut, et densification locale effectuées sur les images originales.
l’augmentation de la distorsion. Pour
que le déplacement du véhicule est de maîtriser l’ajustement final et la
des raisons de simplicité de calcul,
lent et que les images sont très proches précision du modèle résultant.
cette courbe est modélisée par un arc
d’une vue sur l’autre, ne peut donner La confrontation des deux modèles —
de cercle en se fondant sur le fait que
d’excellents résultats sur l’ensemble celui obtenu par odométrie avec celui
la distorsion radiale est beaucoup plus
des photographies. En effet, le prin- obtenu par ajustement de faisceaux
importante, et perturbe principalement
cipal problème est la restriction des traditionnel, dans lequel sont prises
la projection de la scène sur l’image.
points communs à quatre ou six photo- en compte toutes les observations
L’algorithme de calcul de l’équation de
graphies, c’est à dire à deux ou trois possibles de points 3D (l’appariement
la courbe épipolaire pour un point M
couples stéréo consécutifs. des points 2D y est fait sur toutes les
est le suivant :
photographies)— met en évidence, sur
1. Les coordonnées de M sont corrigées Si l’odométrie présentée ici est suffi-
des passes de plus de 1000 photogra-
de la distorsion et de l’excentrement. sante pour assurer en temps réel la
phies, des résidus de l’ordre de 5 mm
2. En utilisant les nouvelles coordon- couverture effective du site, il n’en va
dans le plan (X,Y) et du centimètre dans
nées de M, l’équation de la droite pas de même pour ce qui est de la préci-
le sens de la profondeur. Ces données
épipolaire idéale (dr) est déterminée sion du modèle final, car l’ambition
sont en fait à moduler en fonction de la
comme précédemment. est de reconnaître automatiquement
qualité du terrain survolé : dans le cas
3. Les deux points d’intersection de (dr) chaque artefact, et d’évaluer sa variance
de sol sableux, sans grand contraste et
avec le cadre de l’image sont calculés. au modèle théorique.
sans élément aisément remarquable,
4. L e point barycentre de ces deux Nous avons donc mis en œuvre une
les points identifiés sont peu nombreux
points est calculé seconde étape dans laquelle les points
et de qualité moyenne, tandis que dans
5. La distorsion et l’excentrement de la homologues sont extraits et appareil-
les zones de survol des amphores, le
camera 2 sont appliqués sur les trois lés sur toutes les photographies, tandis
nombre de- points est nettement plus
points, les deux points d’intersection qu’un ajustement de faisceaux assure la
important, leur qualité bien meilleure,
et leur barycentre. meilleure orientation possible, tout en
et les résidus entre modèles plus faibles
6. Les trois nouveaux points obtenus prenant en considération les contraintes
(voir Figure 2).
sont les points qui définissent l’arc liées à la triplette de caméras fixes et
de cercle calibrées. Le modèle global, obtenu par ajuste-
Deux logiciels sont alors interfacés ment de faisceau sur l’ensemble des
n Incertitude de mesure et contrôle avec le système développé : Photoscan images hautes résolutions est mis à
L’orientation en temps réel réalisée d’Agisoft et Bingo. L’utilisation l’échelle en introduisant la base stéréo,
durant l’odométrie, en utilisant le fait conjointe de ces deux logiciels permet d’environ 0.3 m comme contrainte dans

34 Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015


Figure 4. Prises de vue stéréo-photogrammétrique extraites du survol odométrique lors du relevé de l’épave Cap Bénat 4. On voit sur
l’image de droite une représentation de la courbe épipolaire rendant compte de la forte distorsion présente dans les images produites
par les caméras sous-marines. Cette modélisation par un arc de cercle est indispensable aussi bien dans le calcul temps réel de l’odo-
métrie que dans l’étape de densification du nuage de points.
le calcul. Au final, plus de 1 000 couples n Enjeux et apports de la mission le relevé sur l’épave Cap Bénat 4 n’a
sont concernés par cette contrainte et Cap Bénat 4 comporté aucun caractère intrusif pour
les résidus sur leur base sont tous infé- Faisant suite au projet européen Vénus le gisement puisqu’il était uniquement
rieurs au millimètre. (Virtual ExploratioN of Underwater fondé sur des prises de vues verticales
Sites), qui a été initié dans les eaux déclenchées à une distance d’environ
L’expérimentation françaises en 2008 sur l’épave profonde 1 m d’altitude. Il n’y a donc eu aucun
Port-Miou C par 105 m de fond, cette contact physique avec le sol, ni aucune
archéologique
nouvelle mission a réuni en 2014 trois pose au préalable de marqueur, de
n L’épave des partenaires marseillais officiels règle de mesure ou de calibration.
Immense tertre d’amphores empilées, à l’origine du projet Vénus. En effet, Dans le même esprit, tout prélèvement
l’épave Cap Bénat 4 a été découverte c’est sous la tutelle de la COMEX, était proscrit, car le but de cette mission
en 1977 au gré d’une promenade abys- du DRASSM et du laboratoire LSIS était de se démarquer aussi des opéra-
sale du sous-marin Griffon (Marine (CNRS) qu’une nouvelle incursion à tions prestigieuses, à gros moyens et
Nationale), par 328 m de fond, à envi- caractère scientifique en zone mésale fortement médiatisées, où les archéo-
ron 1 km au large du sémaphore de a pu être conduite, cette fois sur la plus logues, soumis au “syndrome de la
Bormes-les-Mimosas. L’année de sa profonde des épaves antiques recen- benne”, jouent aux apprenti-sorciers
découverte puis en 1981, l’épave a sées en France : l’épave Cap Bénat 4. sur des sites qu’ils mutilent et dont ils
bénéficié de deux courtes expertises, la On notera que ces trois partenaires sont ne conservent qu’une représentation
première avec le Griffon, celui-là même notamment impliqués dans l’étude des erronée. Ainsi en 1981, la plongée sur
qui l’avait repérée, et la seconde avec la épaves profondes depuis les années l’épave Cap Bénat avec la soucoupe
soucoupe Cyana (IFREMER). Ces deux 1990, un domaine d’intervention haute- Cyana et la logistique de l’IFREMER,
plongées, au cours desquelles une ment sensible, que le DRASSM a initié si elle avait autorisé techniquement le
dizaine de récipients furent collectés, dès les années 1980, et qui concerne prélèvement d’amphores, causant au
avaient permis d’évaluer approximati- l’étude et la protection d’un très riche, passage un peu de casse, n’avait en
vement la taille du tumulus d’amphores mais à la fois très fragile, patrimoine aucune façon permis à l’archéologue
à environ 15 m de long pour 5 ou 6 m sous-marin. d’enregistrer le moindre plan du gise-
de large et sa constitution à plusieurs Sur l’épave Cap Bénat 4, le but était ment, excepté quelques photographies
centaines d’amphores Dressel 1A. En d’obtenir, au moyen d’un ROV filoguidé et une vue d’artiste, voir Figure 3.
1981, pour compléter notre connais- Apache, un modèle 3D du gisement, Le bilan de l’opération 2014 est donc
sance du mobilier, trois urnes-gobelets à haute résolution et haute précision tout autre, l’ensemble des informa-
avaient été récupérées en même temps (millimétrique), avec une texture colo- tions a été recueilli en deux journées
que des amphores grâce au bras télé- rimétrique du site. Mais à la différence sur site, tandis que tous les objec-
manipulateur de la soucoupe Cyana. des autres opérations de ce genre, tifs ont été atteints, sans déplorer
q
Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015 35
HYDROGRAPHIE

d’incident technique, excepté un sant un grand nombre d’observations


q petit problème de mise au point de et de vérifications. Ces analyses pour-
la caméra principale du ROV Apache, ront porter sur le comptage précis des
au demeurant rapidement réglé. récipients, qui tiendra compte des cols
Si les données sont actuellement en très enfouis sortant à peine du sable,
cours de traitement au laboratoire LSIS, et sur les caractéristiques du tumulus
il apparaît-t d’ores et déjà que les orien- qui nous renseignent sur la forme du
tations et les évaluations faites lors des navire et l’organisation du chargement.
deux premières campagnes, en 1977 et A terme, des algorithmes permet-
1981, étaient devenues complètement tront de redresser virtuellement les
obsolètes et ont pu être reprécisées en amphores couchées et reconstruire
2014. Il faut rappeler ici l’intérêt pour le volume original du navire, afin de
les archéologues d’intervenir sur un site mieux appréhender ses lignes et son
profond qui n’a pas été chaluté et qui, type de navigation. Enfin, la possibi-
par conséquent, peut livrer des infor- lité de garder en mémoire la couche
mations capitales sur son organisation de surface du site, nous garantit de
structurelle et sur la disposition de son conserver des informations qui risquent
chargement. de disparaître les premières à l’ave-
Figure 5. “Vue d’artiste” de l’épave Cap
A la lumière de cette nouvelle mission nir, au gré du passage des chalutiers,
Bénat 4, réalisée en 1981 depuis le Cyana.
sur l’épave, on peut considérer désor- des navires câbliers ou de plongeurs
mais avec certitude que son tumulus après son naufrage au gré de l’effon- “tech”recourant à plusieurs mélanges
est orienté Ouest-Est, que sa longueur drement sous le poids des amphores gazeux, tandis que les données enfouies
de 16,5 m, sa largeur de 7 m et sa de ses parois progressivement gorgées sous le sédiment résisteront mieux au
hauteur maximale de 2 m. Le nombre d’eau, on peut néanmoins émettre une temps.
de récipients, évalué à l’origine à première hypothèse. Il pourrait s’agir en
quelques centaines, atteint d’emblée, effet de l’existence à l’origine de parties n Le mobilier archéologique
après révision, le millier d’individus et pontées —sur l’étrave et l’étambot—,
Les amphores
va être très prochainement précisé à qui limitaient le nombre d’amphores en
Du point de vue historique, ce charge-
l’amphore près. En outre, on dispose hauteur, et de parties qui ne le l’étaient
ment d’amphores s’inscrit dans le vaste
maintenant de l’emplacement précis pas —au centre—, où le chargement
mouvement de commerce qui draine
des urnes-gobelets qui composaient accusait par conséquent une couche
vers la Gaule, dans la deuxième moitié
un fret complémentaire et qui désigne d’amphores supplémentaires.
du IIe siècle avant J.-C., le vin italien et
vraisemblablement, à l’ouest, l’arrière
A l’évidence, et avec des captures la vaisselle de table ou de stockage.
du navire. Mais, le plus édifiant est
rapides d’informations 3D de ce type Les premières évaluations du char-
la nouvelle appréciation morpholo-
(voir Figure 3 et Figure 4), l’enjeu pour gement avaient conduit à penser dès
gique du tumulus qui laisse clairement
l’archéologue, sera désormais de 1981 qu’il pouvait s’agir d’un navire de
percevoir des zones de chargement
disposer très vite d’un fac simile du 300 amphores, comme le stipulait la Lex
différentes. Ainsi, sur le premier tiers
gisement, précis au millimètre, autori- Claudia en 218 avant J.-C., qui, selon
du navire, à l’est, on ne distingue que
2 couches d’amphores, qui se sont
visiblement couchées vers l’Est. Dans
le 2e tiers, qui correspond à la partie
centrale du navire, les amphores
droites sont cette fois disposées sur
une bien plus grande hauteur (2 m),
soit au moins sur trois couches, tandis
que sur le dernier tiers, à l’ouest, elles
sont à nouveau ensablées et accusent
un volume moindre. S’il est encore
prématuré de tirer des conclusions de
ces nouvelles observations, tant un
navire antique connaît des vicissitudes
Figure 6. Orthophotographie du site, projection sur un plan horizontal.

Figure 7. Orthophotographie du site, projection sur un plan vertical passant par l’axe longitudinal de l’épave.

36 Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015


Tite Live, limitait la capacité de charge
des navires appartenant aux sénateurs
ou à leurs fils. Mais le décompte des
récipients du navire grâce désormais
aux premières restitutions qui ont été
faites dans le cadre de notre mission,
laisse apparaître un nombre bien plus
important d’amphores qui doit se situer
autour d’un millier d’individus.
Du point de vue typologique, ces
amphores du chargement corres-
pondent à des récipients de transport
vinaires italiens de type Dressel 1A,
relativement standardisés et anépi-
Figure 8. Urne-gobelet, visible sur le relevé haute définition obtenu trois jours après la
graphes. Au vu des modèles qui ont
mission en mer.
été prélevés en 1977 et 1981, avec le
Scaletta, en Italie, Pointe du Brouil,
sous-marin Griffon et la soucoupe
Cavalière et Roche Fouras, sur la Côte
Cyana, elles sont plutôt petites, d’une
d’Azur. En conséquence, et dans l ‘état
hauteur totale qui n’atteint pas le mètre

(photo; Ph. Foliot, CCJ/CNRS)


de l’étude, la fourchette chronologique
(99 cm), et d’une contenance qui varie
qui paraît le mieux convenir à ce type
entre 19 et 19,5 litres. Elles sont donc
d’amphores paraît se situer dans les
encore assez éloignées du barème de
années 125-100 avant J.-C. Sur les
26 litres qui prévaut pour la plupart des
modèles qui avaient été récupérés, la
amphores Dressel 1B dès le début du
pâte de couleur incluant un dégrais-
Ier siècle avant J.-C. et qui correspond
sant constitué de particules noires et
à l’amphora, ou quadrantal, mesure de Figure 9. Deux des trois urne-gobelets
de fines inclusions brillantes, est assez
capacité romaine d’un pied cube. Par prélevées par Cyana en 1981.
proche des pâtes vésuviennes.
leur morphologie, elles appartiennent
bien à la famille Dressel 1A, même si Les urnes-gobelets à lèvre en amande caine tardive. Sa forme très répandue
elles correspondent semble-t-il à un Au total, durant cette courte campagne rappelle la tradition des urnes buché-
modèle hybride entre la gréco-italique d’observation de l’épave avec les ROV roïdes étrusques de la fin du Ve siècle
et la Dressel 1. La forme Dressel 1A Apache et Super-Achille, ont été loca- avant J.-C. dont des exemplaires sont
fut définie par N. Lamboglia en 1955 lisées huit urnes-gobelets à lèvre en connus sur l’épave Grand Ribaud F.
sur la base de la toute première table amande sur l’une des extrémités du Dans la typologie actuelle, on ratta-
typologique entreprise dès 1872 par site, ce qui porte à 11 le nombre total chera cette forme aux types : olla
H. Dressel et publiée en 1899 (Corpus de ces vases attestés sur l’épave, si COM-IT 1 de Lattes, 2 de M. Vegas, 1,
Inscriptionum Latinarum, volume l’on tient compte des 3 exemplaires 2, 3, 4 et 6 d’Albintimilium et 3 de la
XV). D’autre part, cette forme corres- récupérés en 1981 (voir Figure 6 et typologie des céramiques communes
pond, au type E de Lyding-Will. Les Figure 7). On peut considérer dès-lors produites à Rome et dans le Latium.
modèles de référence de la Dressel que ces ollae en céramique commune, En Italie, ces vases sont attestés à
1A sont donc un peu différents des dont certaines sont encore disposées Albintimilium, Luni, Cosa, Gabii, Sutri,
amphores de l’épave du Cap Bénat qui les unes dans les autres, étaient en Ostie, Rome, où ils appartiennent à
rappellent encore par certains détails phase de chargement et complétaient un contexte de la Domus Publica daté
les amphores gréco-italiques tardives, la cargaison d’amphores. Ces vases, entre les années 15-10 avant J.-C., dans
à panse en ogive, de la deuxième dont la lèvre en amande est directe- l’ager Veientanus où les plus anciens
moitié du IIe siècle avant J.-C. De fait, ment soudée sur le haut du corps, sont datés du Ve avant J.-C. , et sur de
du point de vue morphologique, les présentent en effet une panse assez nombreux sites de la vallée du Tibre.
amphores de Cap Bénat 4 sont notam- galbée et une variété dimensionnelle On les connaît par ailleurs à Pompéi et
ment reconnaissables par la forme des et morphologique qui permettait de Stabies ; en Gaule à Olbia, à Marseille,
anses et leur attache près du col, le col les emboîter les uns dans les autres au dans un contexte hellénistique
lui-même tronconique évasé vers le cours du voyage. (Baou de St Marcel) ; dans la pénin-
bas, les épaules tombantes, la panse Ce type de vase, utilisé pour la cuisine sule ibérique à Pollentia (Majorque),
fuselée, et le pied court et fin. Elles se et le conditionnement des produits, est Ampurias, Burriac, L’Argilera, Valence
rangent dans un groupe d’amphores bien attesté dans la zone tyrrhénienne et Siviglia et dans le territoire du
dont les chargements immergés ont septentrionale et centro-méridionale, Guadalquivir inférieur. Par ailleurs,
été recensés sur les épaves suivantes : au IIe et au Ier siècle avant J.-C. On des urnes à lèvre en amande de
Mont Rose, à Marseille, Canonnier du le retrouve ainsi dans le Latium et Tarraconaise ont été récemment attri-
Sud, à la Ciotat, Filicudi A et Punta l’Etrurie méridionale à l’époque républi- buées à l’aire de production de l’Italie
q
Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015 37
HYDROGRAPHIE

centrale et méridionale sur la base 


q d’analyses archéométriques.
Sur les épaves, en dehors de Cap
Bénat 4, un petit nombre d’ollae à
lèvre en amande, la plupart de taille
moyenne, sont connues sur des
navires d’époque républicaine tardive,
avec des amphores Dressel 1 et parfois
de la vaisselle campanienne à vernis
noir. C’est le cas sur les épaves d’Al-
benga (vers 90-80 avant J.-C.), Spargi
(vers 120-100 avant J.-C.), “Secca dei
Mattoni” (Ponza) (fin IIe-début Ier avant
J.-C.) sur la côte tyrrhénienne ; en
France sur La Ciotat 3 (vers 80 avant
J.-C.), Fourmigue C (vers 70-60 avant Figure 10. Modèle 3D de l’épave Cap Bénat 4. 328 m de profondeur, deux heures de
J.-C.), Cavalière (vers 100-75 avant plongée, 12000 photographies, Xxx millions de points.
J.-C.), Grand Congloué 2 (vers 110-70
avant J.-C.), et Sant Jordi (vers 100-75
avant J.-C.), à Majorque. Ces produc-
tions fragiles, vraisemblablement
chargées dans des caisses au-dessus
des amphores, sont associées à des
circuits commerciaux maritimes à long
rayon d’action, le plus souvent à la fin
de la République.

n Analyse des résultats


L’un des avantages de l'étude des
épaves profondes est leur lisibilité
directe, ce qui permet de comprendre
avec plus de facilité que pour d'autres
Figure 11. Modèle 3D de l’épave Cap Bénat 4. Détail.
épaves l’agencement du navire. Située
loin du bord, au-delà des zones d’her- du chargement que sur sa connais- plus intelligible que ne l’est la réalité,
bier et de sédimentation toujours très sance désormais plus approfondie du sans avoir besoin de replonger dans
forte près des côtes, les vestiges de complément de fret, constitué par une son milieu naturel.
l’épave Cap Bénat 4 se sont offerts sans série d’urnes-gobelets emboîtées les
Paradoxalement, les données récentes
difficulté à l’analyse scientifique. unes dans les autres, sur une extrémité
acquises sur l’épave Cap Bénat 4 riva-
Lors de la mission 2014, les informa- du navire, vraisemblablement l’arrière.
lisent aujourd’hui, dans les archives du
tions obtenues en très peu de temps Cette reconstitution de l’épave, issue
DRASSM, avec le contenu scientifique
sur le site permettent de reconsidérer d’une capture photogrammétrique
de bien des épaves identiques, fouillées
complètement notre connaissance du rapide et non intrusive, autorise donc
par des plongeurs sur des fonds facile-
gisement. Si l’analyse ne traite que la poursuite à terre de l’étude du site,
ment accessibles mais ô combien plus
de la partie supérieure du talus d’am- la mesure des objets au millimètre, tout
destructeurs.
phores, qui dépassait du sable, elle en affinant les observations et en géné-
apporte néanmoins des précisions sur rant de nouvelles problématiques.
l’orientation, les dimensions et la forme Ainsi, le travail d’analyse à partir des Conclusions et perspectives
du site. De fait, de nouvelles hypo- données collectées, va par exemple
thèses viennent nourrir la réflexion consister, à restituer également les L’approche présentée dans cet article a
sur ce gisement, plus précisément : amphores qui sortent à peine du été développée dans le cadre du projet
sur la structure et les aménagements sable, afin de réévaluer les étagements ROV 3D. Il s’agit de mettre en œuvre un
du navire, les différentes parties du successifs du chargement, et redres- relevé 3D d’une épave, ou de tout autre
chargement, le volume de la cargai- ser les parties affaissées, mettant ainsi site, par photogrammétrie, à grande
son, le nombre d’amphores visibles, en forme le navire. On le voit, il est profondeur, soit au moins au-delà de
les variantes morphologiques entre matériellement possible aujourd’hui 100 m.
les conteneurs. Le degré de connais- d’étudier en détail un gisement antique La méthode développée est totalement
sance de l’archéologue se décline profond au moyen de sa représentation sans contact et non intrusive, déployée
aussi bien sur une perception globale virtuelle, ce qui relève d’une perception depuis un petit ROV. Seul le temps

38 Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015


nécessaire au survol est indispensable très précis, le dessin ne retient que leur éventuelle déviation au modèle
au relevé. certaines observations pour soute- théorique. Cet aspect du travail est
L’approche photogrammétrique nir une démonstration, tout comme développé dans un projet de recherche
comporte deux aspects correspondant un discours ne retient que certains financé par l’Agence Nationale de la
à deux nécessités de ce type de relevé : arguments, mais ce tri n’est pas généra- Recherche (ANR), le projet GROPLAN
d’une part, une estimation temps réel lement explicite." Ceci pose en quelque (Généralisation du Relevé, avec
de la zone couverte, avec possibilité de sorte les fondements des prolonge- Ontologies et Photogrammétrie, pour
faire des mesures par sondages locaux, ments de ce travail : le relevé est tout à l'Archéologie Navale et Sous-marine)
d’autre part, un relevé haute définition, la fois une représentation métrique du (http://www.groplan.eu). l
en temps différé, offrant une précision site et une interprétation de ce même
millimétrique et une couverture quasi site par l'archéologue. Contacts
exhaustive. Le relevé est une composante très
Pierre DRAP, Julien SEINTURIER, Bilal
Ces deux aspects sont gérés simulta- importante de cette documentation, et
HIJAZI, Djamal MERAD, Jean-Marc BOI
nément par l’instrumentation mise en son importance est due en grande partie
LSIS - UMR CNRS 7296, Centre National de
œuvre sur le ROV. Un calcul d’odo- au fait que les concepts manipulés par
la Recherche Scientifique, Marseille, France
métrie temps réel, visualisable à les archéologues lors d’une fouille sont
bord, permet l’orientation approchée fortement liés à l’espace. La structure Bertrand CHEMISKY, Emmanuelle SEGUIN,
de toutes les photographies prises même de la fouille s’articule autour COMEX, Marseille, France
depuis le ROV, elle aussi en en temps de la notion d’unité stratigraphique. Luc LONG,
réel. Parallèlement, des images hautes Héritée d’une approche géologique Department of Underwater Archaeological
résolutions sont enregistrées sur l’ordi- puis formalisée pour l’archéologie par Research DRASSM, Marseille, France
nateur embarqué et permettent le calcul E.-C. Harris (Harris, 1979), les unités
d’un modèle 3D haute résolution de la stratigraphiques sont liées entre elles Références
zone survolée. par des rapports géométriques, topo- Bass, G. F. (1970). Archaeology under Water
Il est à noter que l’approche purement logiques et temporels, et structurent la (Penguin Book ed.). Harmondsworth:
photogrammétrique choisie autorise lecture de la fouille. Pelican Book.
des relevés de structures complexes, Deux familles d’objets sont donc à rele- Bass, G. F., & Rosencrantz, D. (1973).
grottes, surplomb et ne se limite plus ver : des portions de terrain, ou plus L’utilisation des submersibles pour
au relevé traditionnel bathymétrique où généralement des zones de l’espace, les recherches et la cartographie
le produit final n’est autre qu’un DEM organisées en unités stratigraphiques, photogrammétrique sous-marine.
(Digital Elevation Model). et des artefacts que l’on cherche à Paper presented at the L’archéologie
Une première expérimentation du positionner dans l’espace, et éventuelle- subaquatique, une discipline naissante. Paris.
système, présentée dans cet article, ment à représenter finement après une Buchsenschutz, O. (2007). Images et
a été effectuée en une seule plongée étude en laboratoire. Le travail présenté relevés archéologiques, de la preuve à la
au large de la commune de Bormes- ici fonde ces deux aspects —le relevé de démonstration Paper presented at the 132e
les-Mimosas, sur l’épave antique Cap l’espace et celui des artefacts— en abor- congrès national des sociétés historiques et
Bénat 4, par 328 mètres de profondeur. dant deux approches différentes, l’une scientifiques, Arles.
fondée uniquement sur la géométrie, Chapman, P., Bale, K., & Drap, P. (2008).
n Au-delà de cette approche et la seconde qui utilise des connais- Exploring Underwater Sites: Virtual
La fouille archéologique est le plus sances a priori lors de la mesure. Le Submarine Allows Access to Europe's
souvent irréversiblement destructive, il relevé du terrain, par exemple, s’appuie Shipwrecks. Journal of Ocean Technology,
importe alors de l’accompagner d’une sur des outils de photogrammétrie et 3 N° 4, 36-43.
documentation pertinente rendant n’est représenté que par un ensemble Ciani, J. B., Hunter, E. K., Dowling, C. B.,
compte des connaissances accumulées de points reliés entre eux. La seconde & Brunk, D. H. (1971). Seafloor surveying
sur le site. Cette documentation est géné- approche, fondée principalement sur la by divers. ASCE J Surv Mapp Div, 97(SU2),
ralement iconographique et textuelle. connaissance que l’on a des artefacts 149-164.
Les représentations graphiques mesurés, utilise cette connaissance Drap, P., & Long, L. (2001, 28-30 November).
des sites archéologiques dessins, pour dimensionner et positionner l’ob- Towards a digital excavation data
coupes, planimétries, esquisses, jet dans l’espace en s’appuyant sur le management system: the "Grand Ribaud
aquarelles, photographies, topogra- nuage de points existant. Un travail de F" Estruscan deep-water wreck. Paper
phies, photogrammétries sont un représentation des connaissances par presented at the VAST 2001. Proceedings
passage obligé pour parler de relevé. ontologie (Monroy, 2010) et de recon- of the 2001 conference on Virtual reality,
Cependant, comme le souligne Olivier naissance de formes tant 2D que 3D a archeology, and cultural heritage, Glyfada,
Buchsenschutz dans l'introduction au déjà été engagé (Mahiddine, Merad, Greece.
colloque Images et relevés archéolo- Drap, & Boï, 2014) et devra rapide- Drap, P., Merad, D., Boï, J.-M., Mahiddine,
giques, de la preuve à la démonstration, ment permettre d’extraire du nuage de A., Peloso, D., Chemisky, B., et al. (2014).
en Arles en 2007 (Buchsenschutz, point les objets pertinents, reconnaître Underwater Multimodal Survey: Merging
2007, Introduction page 5) : "Même leur typologie et mettre en évidence Optical and Acoustic Data. In O. Musard, Le
q
Revue XYZ • N° 142 – 1er trimestre 2015 39
HYDROGRAPHIE

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