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Le mensonge
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TEXTE 1 : QUELQUES VÉRITÉS SUR LE MENSONGE
CHRONIQUE DE PSYCHOLOGIE
Psychologue invitée : Johanne Bernatchez
La vérité peut être une affaire très subjective. Devant un évènement, plusieurs
perceptions d'une même réalité peuvent être évoquées, sans que la vérité ne soit
entachée, parce que les témoins, dans ce cas-là, sont généralement de bonne foi et
sincères. Mais il arrive que la vérité soit maltraitée. Lorsqu'il y a une intention consciente
de biaiser les faits, de modifier la réalité pour arriver à des fins plus ou moins louables.
Bleu...
D'abord, il y a le mensonge bleu. Bleu ciel. C'est un mensonge qu'on dit pour faire du
bien. Il se veut bien intentionné et est plutôt innocent. On le commet sans trop de
culpabilité, parfois allègrement. À la personne qui découvre la vérité, un peu plus tard,
il ne fait généralement pas de mal. On le pardonne aisément. Il se veut parfois ludique.
Levez la main, celles et ceux qui n'ont jamais parlé du Père Noël à un jeune enfant!
Pour un enfant, le gros personnage rubicond a quelque chose de bon et de
bienveillant. Lorsqu'en grandissant, l'enfant finit par découvrir la vérité, sa déception est
souvent éphémère. Il lui reste, dans certains cas, une impression de magie en cette
période de l'année. L'innocuité de cette fausseté est telle que la majorité des adultes
perpétuent la légende!
Le mensonge bleu se veut aussi flatteur à ses heures. Chez l'adulte, il est alors
pardonnable aussi car, en vérité, il se produit dans une complicité tacite des
interlocuteurs. La parole est commise par l'un, mais l'autre, complaisamment, choisit d'y
croire, ou du moins de fermer les yeux… « Oui, la petite blonde est assez jolie, mais je
préfère les brunes comme toi ». Ah ! Bleu, bleu, l'amour est bleu lui aussi.
Blanc…
Il y a aussi le mensonge blanc. Celui que l'on commet pour protéger, pour éviter de blesser,
ou encore, par manque de courage : « Je n'ai pas osé lui dire… Il le saura bien assez vite. »
Dans ce dernier cas, on cherche davantage à se préserver plutôt qu'à ménager l'autre. On
cherche à s'éviter d'affronter la réaction de l'autre…
Et il y a le mensonge rouge. Rouge danger. Celui fait par duplicité, par égoïsme ou par
méchanceté pure. Il blesse à tout coup. Profondément, dans l'intégrité d'une personne.
Il démolit des relations. La perte de confiance est quasi irréversible : « Je ne sais pas si je
pourrai te faire confiance à nouveau ». Il a des odeurs de trahison. Il peut ronger de
remords celui qui l'a commis. Il finit toujours par rattraper celui qui le commet sans
scrupules. Malheur à celui qui, pour s'en sortir, utilise à nouveau le mensonge, car il se
retrouvera enlisé davantage dans la fausseté au point de ne plus savoir distinguer le
vrai du faux. Il est extrêmement difficile à rattraper. Parfois, miraculeusement, avec une
dose massive d'honnêteté, de vérité et de courage…
L'adage dit : faute avouée à demi pardonnée. Dire la vérité ? Oui, le plus souvent.
Surtout à considérer le peu d'avantages que le mensonge comporte, même avec les
intentions les plus généreuses et les plus honorables. Prendre le temps de réfléchir à
comment et quand dire la vérité fera probablement toute la différence. Mais le
mensonge le plus cramoisi de tous, celui qui provient d'une faiblesse momentanée de
l'être, celui dénotant d'une telle complaisance envers soi-même qu'il correspond ni plus
ni moins à une stagnation chez un individu, à un refus d'évoluer : le mensonge qu'on se
fait à soi-même. Heureusement, l'issue est en nous.
(Québec) Laurie, 13 ans, est la fille unique de deux parents qui l'adorent, mais qui sont
assez stricts. Elle sait qu'ils l'encadrent pour la protéger, mais elle les trouve parfois un
peu trop sévères.
Dans les derniers mois, elle a commencé à mentir à ses parents. Elle ment surtout en
niant des erreurs qu'elle a réellement commises, afin d'éviter les punitions. Parfois, cela
fonctionne. Par contre, à d'autres moments, ses parents la confrontent à des preuves
accablantes et alors elle s'effondre en larmes, sachant que la punition pour avoir menti
sera encore plus sévère que la punition qu'elle aurait eue pour l'erreur qu'elle a faite,
mais qu'elle a niée.
Ses parents commencent à perdre confiance. Ils ne savent plus comment réagir, car
bien qu'ils considèrent que mentir est mal et mérite une conséquence, ils ne veulent
pas perdre la relation positive qu'ils avaient avec elle... surtout durant cette phase de
l'adolescence où les relations parents-ados sont parfois difficiles.
Qui n'a pas déjà menti, ne serait-ce que pour complimenter une personne qui a
changé sa coiffure, même si l'on déteste le style ? Qui n'a pas déjà appelé au bureau
pour dire qu'il est malade, alors qu'il a tout simplement envie d'une journée de repos ?
Qui n'a pas déjà dit « je ne suis pas là » lorsque le téléphone sonne ? Tout le monde
ment un jour ou l'autre, et pourtant tout le monde n'est pas délinquant !
- le mensonge « blanc » : il s'agit d'un mensonge que l'on dit pour faire plaisir à
quelqu'un ou pour protéger son ego. À titre d'exemple, il peut arriver qu'une amie
change sa couleur de cheveux et que nous la complimentions même si la teinture est
ratée ! Dans ce cas, le mensonge provient d'une bonne intention, celle d'éviter de
blesser la personne ;
- le mensonge délibéré : il s'agit d'un mensonge qui vise à manipuler une personne pour
en abuser ou pour faire délibérément quelque chose de mal sans se faire prendre. Il
s'agit de la forme de mensonge qui est le plus souvent associée aux comportements
délinquants ;
- le mensonge défensif : il s'agit d'un mensonge qui vise à protéger notre estime de soi
ou à éviter les conséquences de certaines erreurs que nous avons pu faire sans
mauvaise intention. Il peut s'agir de mensonge par omission (ex. : l'enfant ne dit pas à
ses parents qu'il a été réprimandé à l'école pour ne pas avoir remis un devoir à temps),
ou une réelle distorsion de la réalité (ex. : l'enfant dit à ses parents que c'est le chien qui
a brisé le vase de sa grand-mère).
Dans le cas du mensonge défensif, l'enfant peut réagir ainsi pour échapper à une
discipline trop sévère ou à une attitude culpabilisante chez le parent.
Dans ce cas, la solution au problème de mensonge pourrait être entre vos mains, plutôt
qu'entre celles de votre enfant!
Si vous défendez à vos enfants de vous mentir, il vous arrive peut-être parfois de
recourir aux mensonges pour mieux vous faire obéir ou encourager votre loulou.
Ces petits arrangements avec la vérité sont-ils justifiables ? Le point avec Dana
Castro, psychologue clinicienne et auteur de Petits silences, petits mensonges
(Albin Michel, 2012).
Peut-on mentir à son enfant ? Selon une récente étude publiée dans
l’International Journal of Psychology, 98% des parents chinois avouent mentir à
leurs enfants, tout comme 84% des parents américains. Loin d’en avoir honte, ils
justifient ces mensonges par leur fin éducative. Si cette étude porte sur d’autres
continents, il est fort à parier que les parents français usent eux aussi de petits
mensonges au quotidien. « C’est en effet planétaire : on le fait tous ! », confirme
Dana Castro, psychologue clinicienne.
Mentir aux enfants : des mensonges-menaces pour se faire obéir par les enfants
« Si tu ne viens pas tout de suite, je te laisse tout seul ici / au parc ! » Nombreux
sont les parents qui, désespérés face à leur enfant récalcitrant, ont fini par dire
un ‘mensonge‘ de ce genre. « Plus qu’un mensonge, il s’agit d’une menace,
d’un chantage qui joue sur la peur, corrige Dana Castro. Or la peur n’est pas un
bon outil éducatif. L’enfant va obéir parce qu’il a peur, non parce qu’il
comprend l’enjeu ».
« Tu as très bien dansé pendant ton spectacle » (alors qu’objectivement, les dix
doigts de la main ne suffisent pas pour compter les erreurs dans la
[chorégraphie])… Ce genre d’embellissement de la vérité est également légion
chez nombre de parents. « Ce sont des ‘mensonges blancs’, explique la
psychologue. Ils ne font pas de mal aux enfants, bien au contraire ». Les
encouragements, les compliments sont en effet essentiels pour l’estime de soi
de l’enfant ; ils permettent de mettre l’enfant en confiance, de le faire se sentir
en sécurité. C’est une étape indispensable avant, éventuellement, de le
corriger dans un second temps. Attention toutefois à ne pas en abuser. L’idée
est de rassurer son enfant, non de le mettre sur un piédestal.
Les cloches, le Père Noël, la petite souris… mais aussi toutes ces petites histoires
de lutins, de fées que l’on invente au gré de ses envies, comme Alexandre,
papa de trois enfants : « j’aime leur raconter des histoires pour les faire rêver.
Juste pour embellir un peu la réalité, pour les maintenir un peu plus longtemps
dans le monde de l’enfance ». Là encore, « il ne s’agit pas vraiment de
mensonges, il n’y a aucune intention de nuire. », assure Dana Castro. Bien au
contraire, ces mensonges permettent de stimuler l’imagination de l’enfant, de
développer son monde intérieur. Ils sont donc plutôt recommandés !
Selon deux psychologues universitaires, mentir aux enfants au sujet du Père Noël
risque de ruiner leur confiance et d’altérer la relation parents-enfants. En
perpétuant ce bobard universel, les condamne-t-on à des années de divan
pour traumatisme ?
Las, un article publié à la fin de novembre dans la revue scientifique The Lancet
Psychiatry vient casser l’ambiance… Selon Chris Boyle, psychologue à
l’Université d’Exeter, et Kathy McKay, psychologue clinicienne à l’Université de
Nouvelle-Angleterre (Australie), mentir aux enfants à propos de l’existence du
Père Noël risque de saper leur confiance le jour où ils découvriront la vérité, en
les exposant à une « déception abjecte ». « Le mythe du Père Noël est un
mensonge si sophistiqué et constant entre parents et enfants que, si leur relation
est fragile, cela peut être la désillusion de trop », prévient Kathy McKay. « Si les
parents peuvent mentir de façon si convaincante, et pendant une si longue
période, les enfants risquent de se demander sur quoi d’autre ils peuvent
mentir». Il est vrai que certains en gardent encore un souvenir amer, comme
Joséphine : « Mes parents m’y ont fait croire jusqu’à 10 ans. A l’école, on se
moquait, mais je défendais le Père Noël car mes parents ne pouvaient pas
mentir. Quand ils m’ont avoué le canular, je leur en ai voulu de m’avoir
ridiculisée ».
Universelle, la magie de Noël ? Pas pour ceux qui se remémorent les conflits
familiaux dès que les guirlandes clignotent dans les grands magasins. Et pour qui
le Père Noël est plutôt une ordure. «L’intérêt du Père Noël réside dans le partage
d’émotions. Mais s’il réveille des souvenirs douloureux, on peut s’en passer,
confie Nadia Bruschweiler-Stern, pédiatre et pédopsychiatre, fondatrice du
Centre Brazelton à la Clinique des Grangettes. D’ailleurs, maintenir trop
longtemps sa progéniture dans le mensonge peut masquer le désir inconscient
des parents de s’accrocher à leur propre enfance. Il faut que cette fable reste
un jeu et, dès que l’enfant doute, inutile d’entretenir le mensonge ».
Pas simple quand le monde entier nourrit la légende. Depuis l’année dernière,
Google propose aux enfants de suivre le trajet du Père Noël « en temps réel » sur
son site, avec recensement « en direct » de la distribution des cadeaux. L’armée
américaine a également créé un site dédié et jure que son espace aérien
accueillera toujours le traîneau et les rennes. Même la pédopsychiatre
Françoise Dolto a participé à la mystification. En 1962, lorsque La Poste française
mit en place son secrétariat du Père Noël, elle rédigea de sa propre main la
réponse adressée aux bambins : « Mon enfant chéri, ta gentille lettre m’a fait
très plaisir. Je t’envoie mon portrait. […] Je ne sais pas si je pourrai t’apporter
tout ce que tu m’as demandé. J’essaierai, mais je suis très vieux et quelques fois
je me trompe. Il faut me pardonner. Sois sage, travaille bien. Je t’embrasse fort.
Le Père Noël ».
Car pour bénéficier des faveurs du gros bonhomme en rouge et blanc, il faut en
théorie une conduite irréprochable. Un chantage que les psychologues anglo-
saxons dénoncent âprement dans leur article à charge. Ce qui fait sourire le Dr
François Hentsch, médecin au service psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
des Hôpitaux universitaires de Genève : « Dans l’idéal, le parent devrait avoir
une autorité suffisante pour ne pas brandir le Père Noël comme une menace.
Mais prétendre qu’il ne faut jamais mentir aux enfants est idiot. Sinon il faudrait
leur répéter chaque matin qu’on va tous mourir… Le Père Noël fait partie des
mensonges altruistes, qui sont très différents des mensonges rassurants qu’on
raconte parfois aux enfants en cas de difficulté parentale, comme un deuil ou
une dépression. Cas durant lesquels il faut bien sûr dire la vérité, avec des mots
choisis ».
Cadeaux pansements
Cette année, les Suisses prévoient d’augmenter leur budget cadeaux de 7% par
rapport à 2015, et 55% des sondés affirment dépenser plus de 200 francs pour
l’occasion, selon une enquête du cabinet Ernst & Young Schweiz. Et si la vraie
nuisance du Père Noël était la taille de ces piles de cadeaux qui dépasseront
bientôt le sapin ? « Comme le sucre, les cadeaux sont partout, constate Nadia
Bruschweiler-Stern. Et quand les parents travaillent beaucoup, ils sont tentés de
compenser leur absence en couvrant les enfants d’amour, et donc d’offrandes.
Peut-être pourrait-on s’interroger sur les valeurs que l’on souhaite transmettre au
sujet de Noël, qui offre à l’enfant une conscience plus large de sa place dans la
société. C’est ce que l’on fait par exemple en s’adonnant au rituel des biscuits
laissés au Père Noël avant son passage, ou quand on décide d’offrir des
présents à ceux qui ont moins ».
Tous les parents souhaitent que leur enfant soit poli, serviable… et dise la vérité.
Ainsi, la majorité des garçons et des filles sont élevés dans un culte de la vérité,
toutes entorses à celle-ci donnant lieu à une demande de justification (« Mais
pourquoi m’as-tu menti ? ») voire à une punition. Le psychiatre Jacques Léna
rappelle que personne ne ment jamais, et que notre rapport à la vérité influence
celui de nos enfants.
Faut-il toujours voir une intention de dissimuler la vérité lorsqu’un enfant ment ?
Parlons plutôt de sincérité, puisque nous pouvons dire des contre-vérités de bonne
foi. L’intention de dissimuler la vérité suppose de la connaître : à quel âge pensez-
vous que l’enfant en soit clairement capable, et à quel âge se sera-t-il débarrassé
de cette intéressante capacité de l’être humain à se dissimuler la vérité ? Avant 7
ans, il ne fait pas toujours bien la part entre l’imaginaire et la description d’une
réalité objective. S’il y arrive à l’âge de raison, c’est déjà bien ; certaines personnes
ont encore du mal à le faire à l’âge adulte !
Cet âge dépassé, faut-il voir une volonté de dissimulation dans le mensonge ?
Les enfants jouent avec le langage et l’expression de la vérité, mais ils y jouent,
comme toujours au sujet du langage, à deux ou à plusieurs. Le mensonge a donc
du sens par rapport à la façon dont l’interlocuteur le reçoit. Et tous les parents ne le
reçoivent pas de la même manière.
Vous voulez donc dire que l’enfant va adopter à l’égard de la vérité l’attitude de
ses parents ?
Sûrement un peu et, d’autre part, il va interroger aussi la crédulité de ses parents.
Comme ceux-ci ont interrogé la sienne lorsqu’ils le convainquaient que le Père Noël
dépose les cadeaux au pied du sapin. Ce qui peut provoquer des réactions très
violentes et douloureuses lorsque l’enfant découvre la vérité.
Certains parents se servent de mythes comme le Père Noël tel un vaccin contre la
crédulité. Le soir du réveillon, les cadeaux sont une consolation après la découverte
de la supercherie. Ainsi, le passage de la crédulité à la réalité devrait s’en trouver
facilité et adouci.
Oui, cela s’apprend. L’enfant a du mal à regarder la vérité en face et peut aller
jusqu’à se cliver. Ainsi entend-on parfois des enfants se défendre : « Ce n’est pas
moi qui ai pris le gâteau dans l’armoire mais ma main ! »
Entre les parents qui essaient de ne jamais mentir à leurs enfants, même pas au
sujet du Père Noël et ceux qui abusent du mensonge, quelle est la juste attitude à
adopter ?
Il n’y a pas d’usage tempéré du mensonge, qui, même « pieux », reste une faute
morale. Il déforme notre représentation du monde.
Bien sûr. Encore une fois, le mensonge est souvent le dernier recours de la pudeur ou de
la honte, qu’appelle parfois la cruauté des enfants entre eux. Cela crée des cercles
vicieux désastreux.
Lorsque l’enfant est jeune, la détresse des parents m’est confiée en premier. Deux
détresses se superposent : celle, explicite, des parents et celle, implicite, de l’enfant
« menteur ». La construction du jugement moral de l’enfant se fait entre 18 mois et 3
ans. Durant cette période, il met en place son « tribunal intérieur » qui peut parfois
s’avérer d’une sévérité terrible !
Lorsqu’un enfant cache systématiquement ses mauvaises notes à l’école, cela tient soit
à des réactions abusives de ses parents – et certains sont capables d’une véritable
cruauté dans le domaine – soit à son incapacité à s’avouer à lui-même qu’il a eu des
notes trop basses. Et finalement, l’enfant se ment à lui-même.
Que pensez-vous du fait de traiter un enfant de menteur ?
Le mensonge, lorsqu’il est excessif, peut-il entraîner des problèmes avec la perception
du réel ?
Quelle punition ? Certains parents sont trop cramponnés sur la notion de vérité à toute
épreuve sans accepter qu’à trop pousser l’enfant dans ses retranchements, ils les y
installent et parfois pour toujours. Si le mensonge est toujours une faute morale, il faut
aussi prendre en compte son contexte. Le rappel de la règle morale me semble
suffisant dans la plupart des cas.
La vérité absolue n’existe pas, pas plus que les personnes qui ne mentent jamais.
Parlons plutôt de sincérité. Ainsi, il est utile pour les parents de désigner la notion de
vérité comme un idéal sans en faire un absolu.
COSTE, Benjamin, Le mensonge des enfants s’enracine dans celui des parents,
http://www.famillechretienne.fr/famille-education/enfants/apprendre-aux-enfants-a-dire-la-verite-154481/ce-qui-
se-cache-derriere-le-mensonge/le-mensonge-des-enfants-s-enracine-dans-celui-des-parents-154490, consulté le
3 mars 2017.
TEXTE 6 : Faut-il mentir aux enfants ?
Bien que chacun sache que mes confrères me considèrent comme mythomane, je
préfère dire que j'ai un grand sens de l'imagination. Une imagination débordante
comme dirait l'autre con. Seulement, cette imagination cache une grande blessure
remontant à l'enfance, et pas des moindres vu qu'on m'a menti durant quasiment toute
ma jeunesse.
Déjà on m'a menti quand on m'a dit que l'école c'était cool. Si par cool on entendait
rester […] sur une chaise à écouter une leçon d'arithmétique puis ensuite manger à la
cantine des betteraves par kilos ce qui créera un dégoût certain une fois adulte pour
les plante herbacées bisannuelles, je réponds LOL.
En maternelle, BFF m'a dit de regarder le ciel car le nuage était en réalité La Bête et
qu'il fallait lui faire coucou *coucou* car il avait mal au bras. *coucou*.
À 4 ans, mes parents m'ont dit que "tu vas voir c'est génial une petite soeur".
À 5 ans, ils m'ont dit "mais ça va passer, elle s'exprime c'est tout ...".
À 6 ans, ils m'ont dit "roooooh mais elle n'a que deux ans !!". Elle en a aujourd'hui 22.
Voilà voilà.
Tata m'a menti quand elle m'a dit que les gros cylindres de béton le long des routes
étaient remplis d'eau dans laquelle nageaient des sirènes. J'imaginais déjà Ariel faire
des cabrioles dans les vagues.
On m'a menti quand on m'a dit que si je jouais à loucher je resterais bloquée. Je n'ai
pas louché de toute mon enfance vous imaginez? Et j'ai un putain de strabisme, où est
la justice bordel?
À 8 ans, les animateurs du centre aéré m'ont dit que si les arbres dans la forêt avaient
un gros trou dans le tronc à la racine c'était pour que les lutins puissent rentrer chez eux.
"Ah regarde il danse derrière ... oh non mince!... Tu l'as raté."
Papa m'a menti quand il m'a dit que si le téléphone à l'étage avait disparu c'était
parce qu'il l'avait donné à Jean-Pierre alors que Jean-Pierre s'appelait en fait
CENSURED qui partage sa vie depuis maintenant 17 ans.
Mamé m'a dit que si je regardais trop la télé elle allait exploser et je deviendrais
aveugle. C'était arrivé au voisin "ma oui ma oui ".
FAIL.
Nos perruches Jessica et Laura [ont été adoptées] par un Monsieur en Afrique qui avait
une immense volière.
FAIL.
FAIL.
Mon chat Lisa ... ah Lisa. Lisa rien, ils ont rien trouvé cette fois-là.
Mes poissons ont fait des bébés poissons c'est pourquoi un matin ils étaient vingt-quatre.
D'où leurs noms, l'équipe des 24.
Vous me direz... la plupart de ces mensonges avaient pour but d'égayer l'esprit d'une
fillette en proie à la découverte du monde -j'en conçois- seulement moi, jeune crédule,
ai cru à la plupart de ces mensonges (je n'ai évidemment jamais salué un nuage...
jamais jamais), ce qui m'a valu quelques soucis étant donné qu'il y a peu de temps, j'en
croyais encore certains dur comme fer.
- Mais non! Il ne faut surtout pas enlever les peaux sinon ça retire tout le sucre et les
vitamines! Il faut les laisser c'est hyper important!
Là, sur une table bancale, […] ma clémentine recouverte de petites écorces blanches,
je me suis demandée pourquoi mes parents m'avaient toujours dit ça... Pour mon bien-
être sûrement mais dans quel intérêt?
- En fait je pense que tes parents avaient juste la flemme d'éplucher tes clémentines.
Donc en gros les adultes mentent aux enfants par flemme et pour les humilier en pleine
cantine dès qu'ils sont adultes. Très bien.
Pendant 26 ans, j'ai bouffé de la peau en veux-tu en-voilà tout ça parce que mes
ingrats de parents ne voulaient pas me nourrir (d'où je dramatise ?!?).
J'ai été une enfant maltraitée. C'est à cause d'eux si aujourd'hui j'ai une vie compliquée
et suis totalement instable sentimentalement parlant.
On m'a mené en bateau pendant des années et maintenant je navigue dans les flots
de l'amertume, sur les vagues de la déception. Et même pas dans un cylindre.
Je vais faire un procès à mes parents pour délaissement infantile ayant entraîné
l'instabilité adulte.