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Electre
Electre
Électre
Lecture
INTRODUCTION
EXPLORATION
Le mythe d’Électre
Le mythe original d’Électre fait remonter la généalogie
des Atrides à l’un des fils de Pélops : Atrée, roi de Mycènes,
bannit son frère Thyeste qui avait séduit sa femme Aeropé,
mais il le fit revenir peu après sous prétexte de se réconcilier
avec lui. Il prépara un banquet où l’on servit à Thyeste la
chair de ses enfants : ce dernier s’enfuit en jetant une malé-
diction sur les Atrides. Grâce à sa propre fille, Pélopia, il
devint père d’un autre enfant, Égisthe. Selon la légende,
Égisthe et Agamemnon sont donc familialement ennemis,
cousins et rivaux. Cette histoire est à la base du mythe,
même si les différentes versions comportent des variantes
et si d’autres personnages viennent s’y ajouter. Ensuite, la
légende raconte comment la rivalité entre les cousins aboutit
au meurtre d’Agamemnon par Égisthe, avec la complicité de
Clytemnestre, épouse du premier, amante du second. Oreste
Électre 3
revient sept ou huit ans plus tard pour venger son père. Si
Électre apparaît vite comme un acteur essentiel pour la réso-
lution de la vengeance (les pièces de Sophocle et d’Euripide
en font déjà une figure de premier plan), elle n’est qu’un
comparse dans la légende originelle.
Les couples
– Électre et Oreste : le frère et la sœur (enfants de Clytemnestre
et d’Agamemnon), ils sont aussi symboliquement mari et
femme (I, 7), définitivement liés par le meurtre, voulu par
l’une, commis par l’autre.
– Clytemnestre et Égisthe : ils sont amants et les principaux
acteurs de l’histoire racontée de façon rétrospective. La
lumière se fait progressivement sur leur rôle dans le meurtre
d’Agamemnon et sur leurs rapports. Dans le drame présent,
ils sont passifs, en attente de l’accomplissement de leur des-
tin, identifié à la vengeance d’Électre et d’Oreste.
– Agathe et le Président : ils constituent, par rapport aux
couples précédents, le couple légitime, incarnation des vertus
bourgeoises. Le développement de l’intrigue va révéler l’alté-
ration de ces solides valeurs en avérant l’infidélité d’Agathe
et en dévoilant ses nombreux mensonges. La vérité, si elle
est au cœur de l’intrigue principale, fonctionne aussi par rap-
port aux histoires secondaires.
Les duos
– Le Jardinier et la femme Narsès : tous deux représentent
les humbles contre les rois. Tous deux font, à un moment de
la pièce, le lien entre les deux groupes, le Jardinier en accep-
8 Giraudoux
– Interprétation mythique
Elle juxtapose plusieurs versions du mythe d’Électre pour
dégager l’actualité de celle de Giraudoux, en insistant parti-
culièrement sur le déroulement de deux temporalités, à la
fois superposées et distinctes.
– Interprétation psychanalytique
Elle permet de lire, dans Électre, une histoire parallèle à
celle qui est au fondement du complexe d’Œdipe, d’une fille
Électre 9
– Interprétation politique
Elle oblige à lire la tragédie non plus en termes de destin
et de justice divine mais en fonction de valeurs humaines
inconciliables, la pureté et la raison d’État. L’opposition
entre deux types de justice, l’une humaine et politique, repré-
sentée par le Président du tribunal Théocathoclès et l’autre,
immanente et mythique, incarnée par Électre, permet de
déplacer le tragique de la transcendance vers l’humain. L’inté-
rêt du personnage d’Électre, dans la version de Giraudoux,
tient à ses ambiguïtés : figure paradoxale du conservatisme
et de la révolte, elle trouve des correspondances aujourd’hui
dans certaines rigueurs idéologiques. Égisthe, métamor-
phosé de manière inédite par l’auteur en « grand roi » fait
passer la raison d’État avant une justice divine estimée suran-
née, moins urgente que la paix et la sauvegarde de la patrie.
Gérard Genette, dans Palimpsestes, voit en lui « l’une des pre-
mières figures modernes de l’homme d’État, peu scrupuleux
sur les moyens, mais dévoué à sa cause ».
Études
EXPLICATIONS DE TEXTES
Rapidité d’exécution
Le dialogue entre Électre et l’Étranger enchaîne des
phrases brèves, comme les stichomythies de la tragédie clas-
sique (moments où les interlocuteurs se répondent vers pour
vers). Cette brièveté augmente la rapidité du rythme. Le dia-
logue se fait en quinze répliques et la reconnaissance survient
à la quatorzième ; cependant, la scène se joue en trois temps
bien distincts. Le premier (les huit premières répliques)
conjugue lutte physique et lutte verbale ; le deuxième (les
cinq répliques suivantes) présente l’énigme de l’identité de
l’Étranger ; le troisième (les deux répliques finales) impose la
reconnaissance du frère et de la sœur.
De la lutte à la résignation
Les deux premières répliques évoquent concrètement la
lutte entre Électre et l’Étranger : la clôture par le substan-
tif « mort » insiste sur la gravité du combat. La polysémie
du terme utilisé (« débattre ») signale qu’il s’agit à la fois
d’une lutte physique et d’une lutte verbale par laquelle se
poursuit le dialogue. La figure de l’antanaclase (quand le
personnage reprend le mot de l’interlocuteur et tente de le
charger d’un sens différent) donne à ce dialogue les carac-
tères d’une lutte verbale (« mot » / « mensonge », « mon
nom » / « un nom »). Dans la fin de la scène, Électre rend
Électre 11
Conclusion
Comme pour compenser une certaine rapidité d’exé-
cution, Giraudoux fait rejouer plusieurs fois la scène de la
reconnaissance dans cette partie de la pièce : elle se repro-
duit en effet, scène 11, entre la mère (qui survient à la fin
de la scène étudiée) et le fils. Là encore, la reconnaissance
se fait en deux répliques : « Clytemnestre. – Ainsi c’est toi,
Oreste ? / Oreste. – Oui, mère, c’est moi. » Le parallèle est
sensible puisque, chaque fois, Oreste répond en nommant le
lien de sang qu’il entretient avec son interlocutrice (« mère »
et « sœur »). Enfin, la scène est répétée une troisième fois,
12 Giraudoux
Conclusion
Ce discours oblige ainsi le spectateur à avoir une autre
lecture des événements, une lecture double. La haine de la
tragédie dit, aussi bien que la tendresse, l’amour pour autrui.
L’optimisme apparent et constamment paradoxal du Jardi-
nier dit en même temps, et peut-être encore mieux ainsi, son
émouvante tristesse.
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Perspectives d’analyses
Un amour impossible
• L’amour d’Égisthe pour Électre.
• Les raisons de la haine d’Électre.
Électre 15
Métaphores
• La faune et la flore (importance du bestiaire comme
instrument analogique).
• Un langage parabolique (le Mendiant et le Jardinier).
Un langage polysémique
• La polysémie de la lumière (jour et vérité).
• Des distinctions sur le genre : par exemple, au début
du deuxième acte : « Le Mendiant. – Il n’est plus bien loin,
n’est-ce pas, Électre ? / Électre. – Oui. Elle n’est plus bien
loin » : l’un parle du jour et l’autre de la lumière.
• Les ambiguïtés de l’emploi du présent.
Le rapport à la nature
I, 3 (les paraboles du Mendiant) et II, 2 (l’éveil de l’aube) :
étude du bestiaire métaphorique, de la flore réelle (à travers
le personnage du Jardinier), de l’importance des rythmes
naturels (nuit, aurore…).
Électre 17
Giraudoux et Anouilh
Comment la figure giralducienne d’Électre tient à la
fois de l’Électre et de l’Antigone antiques ? Parallèlement, il
sera possible de montrer les traits communs que présentent
Égisthe et Créon.
Dissertations
• Le jardinier, dans son lamento de l’Entracte, donne une
définition de la tragédie : « On réussit chez les rois les expé-
riences qui ne réussissent jamais chez les humbles, la haine
pure, la colère pure. C’est toujours de la pureté. C’est cela
que c’est, la Tragédie, avec ses incestes, ses parricides : de
la pureté, c’est-à-dire de l’innocence » (p. 73). Que pensez-
vous de cette définition ? Trouvez-vous qu’elle convienne à
Électre de Giraudoux ?
• Si l’on définit la tragédie comme la confrontation de héros
avec la fatalité, pensez-vous qu’Électre de Giraudoux soit une
tragédie ?
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE