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Fichir Article 1819
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KOUAME N’Guessan
Enseignant-chercheur
Institut d’Ethno-Sociologie
Université de Cocody Abidjan
1- Yaou serait la première localité à pratiquer la culture de l’ananas. Les exploitants louaient les
terrains à Bonoua.
Le village actuel a été fondé, dans les années 1960, par les ouvriers de
la SIACA et des employés, d’ethnie yacouba, de l’exploitant forestier français
Laporte. Les Yacouba ont été, plus tard, rejoints par d’autres Ivoiriens originaires
de l’Ouest de la Côte d’Ivoire (Wobè, Bété) et une importante communauté
étrangère ouest-africaine dominée numériquement par les Burkinabé. Gbè
Jeannot (un Yacouba) serait le premier habitant d’Impérié. La plupart des
ressortissants burkinabé viennent de Koupéla.
La population totale du village tournait, en 2000, autour de 300 habitants.
Elle est en majorité composée de Burkinabé. La communauté ivoirienne,
d’origines diverses (Guéré, Yacouba, Agni, Baoulé et N’Zima), se réduisait à
une quinzaine de membres. Le premier chef du village était Gondo Etienne, de
nationalité ivoirienne et d’ethnie yacouba. Le deuxième, en poste depuis 1973,
de nationalité burkinabé et originaire du département de Koudougou (sous-
préfecture de Yako), est arrivé en Côte d’Ivoire en 1956. Malgré l’existence d’un
chef central ayant autorité sur tout le village, chaque groupe ou sous-groupe
ethnique a le sien propre. Tous les habitants du village comprennent et parlent
le moré, qui est la langue de la communauté burkinabé qui se confond aux
Mossi. Cette langue est devenue une langue de communication et un trait
d’union entre les habitants du village, surtout pour les enfants.
Impérié dispose d’une église catholique, d’un noviciat, d’une mosquée
et d’une école primaire de 6 classes avec un jardin d’enfants. Le domaine
scolaire couvre une superficie d’un hectare. En 2000-2001, il y avait 193
élèves au primaire et 55 au préscolaire, avec un effectif de 8 enseignants dont
6 instituteurs titulaires et deux bénévoles. L’effectif des élèves de l’école est à
plus de 90% burkinabé. Le village a été loti en 1996. La répartition des lots2,
d’un coût de 100.000 F, a été effectuée en 19983. Le lotissement offrait à tous
les habitants du village, quelle que soit leur nationalité, la possibilité de disposer
d’un terrain pour bâtir leur maison et accéder ainsi à la propriété foncière. Mais
certains Burkinabé ont préféré revendre leurs lots, entre 400.000 F et 500.000
F, et partir ailleurs.
Tchintchébé, comme Impérié, fait partie de la commune de Bonoua. Il a été
créé en 1962. Le village est essentiellement habité par des Burkinabé, même
si l’on note la présence de Maliens et de Togolais. L’origine des membres de la
4- Selon une troisième version, Tchintchébé est la déformation de Tchanchévè, nom de l’une
des sept familles originelles abouré qui aurait habité sur le site de ce village avant de migrer
à Bonoua.
Rev. ivoir. anthropol. Sociol. KASA BYA KASA 8
Les étrangers ont préféré abandonner cette localité pour s’installer à Samo qui
est situé au bord de la route. Le village est loti et dispose d’une école primaire
construite par la population étrangère. Le chef de la communauté burkinabé était
à la fois le chef de sa propre communauté, le chef de la communauté de tous les
étrangers et le chef du village. Depuis 2001, le chef du village est un Abouré.
A Impérié, Tchintchébé et Samo, la première génération de migrants
burkinabé est arrivée dans les années 1950, la deuxième autour de 1960,
année de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, et la troisième dans les années
1970. La dernière vague se situe dans les années 1990. Des membres de cette
communauté sont toutefois arrivés dans la région de Bonoua dans les années
1930. Dans toutes les localités, les Maliens représentent, démographiquement,
la deuxième communauté étrangère après celles des Burkinabé.
Les premiers migrants étrangers étaient des manœuvres dans les plantations
de café et de cacao tenues par des autochtones ou des Européens. Dans les
plantations de café ou de cacao des autochtones abouré, ils étaient soumis
à trois régimes : «bougnon»5, «aboussan»6 et «tréklé»7. Mais l’économie
vieillissante de ces cultures va être supplantée par celle de l’ananas qui sera
introduite par la SALCI, une société française, en 1947 à Ono. L’Etat ivoirien
concédera à la SALCI, pour la réalisation de ses plantations, 1.000 ha de terre ;
cette superficie sera étendue par la suite à 1.500 ha.
Les activités de la SALCI, plantations et usine de transformation de l’ananas,
vont drainer une importante main-d’œuvre. Il va y avoir un transfert de la
main-d’œuvre agricole burkinabé des plantations de café et de cacao vers les
plantations agro-industrielles d’ananas. C’est donc avec raison que certains
étrangers déclarent qu’ils n’étaient pas venus pour produire de l’ananas mais
que c’est l’ananas qui les a trouvés sur place.
La vocation de Bonoua pour la culture de l’ananas sera renforcée par la
naissance de la SOCABO (Société de Culture de l’Ananas de Bonoua) et la SIACA
(Société Ivoiro-Allemande de la Culture de l’Ananas). Cette dernière société était
chargée de la transformation de l’ananas produit par la SOCABO.
8- Les rapports de dépendance qui existent toujours entre ces étrangers et leurs hôtes autochtones
constituent à la fois pour eux une contrainte (prestations dans les exploitations, prestations
sociales) mais aussi un moyen de sécurisation foncière.
Rev. ivoir. anthropol. Sociol. KASA BYA KASA 10
Les contrats de location dont le montant si situait entre 15.000 et 20.000 F/ha
entre 1970-1980 se faisait oralement. Entre 1980 et 1985, le montant atteint
30.000 F/ha. Les coûts de location ont connu une nette évolution depuis les
années 1990. Aujourd’hui, des terres sont louées à plus de 100.000F l’hectare.
On atteint parfois des sommets avec 300.000 F l’hectare.
Il y a également un changement dans les conditions de conclusion des
contrats. Des ententes orales reposant sur la foi des deux parties, on est
passé à des arrangements écrits devant des témoins. La forte demande sur
un marché foncier face à des offres limitées entraîne souvent des remises en
cause ou le non-respect des engagements pris par les propriétaires : double
vente d’une même parcelle, refus de reconnaissance du contrat par un autre
membre de la famille, refus de céder la parcelle après avoir perçu le montant
de la location suite à des conflits intra-familiaux, vente d’une parcelle dont la
propriété est contestée par quelqu’un d’autre, etc. Les arrangements écrits
permettent de sécuriser les transactions foncières à l’avantage du locataire.
La parties impliquées dans la conclusion d’un contrat sont :
- le chef de la communauté autochtone, - le chef de la communauté étran-
gère, - le propriétaire, - l’acquéreur ou locataire, - les témoins.
Les gros producteurs d’ananas, qui louent des terres sur une longue
période, s’assurent une seconde précaution en faisant légaliser le contrat à
la mairie ou à la sous-préfecture. Généralement, les informations portées sur
les contrats sont les suivantes : les identités des personnes contractantes
(nom et prénoms), la durée ( entre un et trois ans) et la date de signature du
contrat, la superficie de la parcelle cédée (de 1 à plus de 20 ha), la culture à
pratiquer (ananas) et le prix de location (à l’hectare) de la parcelle, l’intégralité
de la somme payée au propriétaire foncier. La situation géographique de la
parcelle est parfois indiquée.
Le paiement du coût de la location n’exclut pas la satisfaction des clauses
sociales des transactions foncières ou clauses implicites qui consistent à
offrir de la boisson ( en nature ou en espèces) au propriétaire foncier. Si ce
geste est destiné à attirer la protection des ancêtres défunts, pour qui les
libations sont faites, sur l’exploitant pour que ses affaires prospèrent, sa finalité
réelle est de renforcer les liens entre le locataire et le propriétaire foncier. La
sécurisation foncière passe également par une sécurisation des relations avec
les propriétaires fonciers envers qui des gestes d’amitié sont constamment
faits : travail gratuit, lorsqu’ils en possèdent, dans leurs plantations d’hévéa
ou de palmier à huile.
KOUAME N’Guessan : Les étrangers dans l’arène socio-foncière ... pp. 5-30 11
9- Alassane Dramane Ouattara, ancien Premier ministre du président Félix Houphouët-Boigny dont
la nationalité ivoirienne est constatée par une partie de la population et de la classe politique.
Rev. ivoir. anthropol. Sociol. KASA BYA KASA 18
Parmi les mesures prises par les autochtones pour réglementer leurs
rapports avec les étrangers, mesures suscitées par les jeunes mais qui
semblent avoir eu de façon implicite et même explicite l’adhésion et la caution
de l’ensemble de la communauté abouré, il y a l’interdiction des relations
sexuelles entre autochtones et étrangers, l’interdiction de la location de terre
aux étrangers. Dans le procès-verbal de l’assemblée des jeunes du 22 janvier
2001, il est spécifié qu’il «est défendu à tout parent d’attribuer une partie
des terres à une communauté étrangère pour une quelconque activité. Une
amende de 500.000 F sera exigible au propriétaire dudit terrain. Les activités
du locataire étant suspendues». Il est, d’autre part, «interdit de la façon la
plus stricte, le mariage mixte à Bonoua (Abouré-communauté étrangère)». Un
séminaire de réflexion initié par les cadres de Bonoua et qui s’est tenu les 18-
19-26 septembre 2000 sur « Evolution et réadaptation des us et coutumes aux
réalités de la vie sociale à Bonoua » avait déjà préparé le chemin aux jeunes.
Dans le document relatif aux résultats de ce séminaire, il est mentionné au
titre «De la location de terre» que :
1) La location directe de terre aux non ivoiriens est interdite ;
2) Tout terrain en attente de location devra être confié aux chefs N’Nowé.
Ces derniers procéderont à leur mise en location à travers un bureau de gestion
qui sera créé à cet effet.
Le document du séminaire a été paraphé par le roi de Bonoua, les chefs de
groupes d’âge et de quartiers, les différents représentants de la communauté
et les notables.
L’interdiction de location de la terre aux membres de la communauté
étrangère et de mariage entre les membres de cette communauté et ceux
de la communauté autochtone visent le même objectif : réduire l’importance
de la population étrangère dans la production de l’ananas. Les alliances
matrimoniales ont parfois servi de canal d’accès à la terre. Epouser ou avoir
des relations sexuelles avec une fille abouré apparaît comme une stratégie
d’accès au domaine foncier des parents de celle-ci. Ces deux mesures se
rejoignent dans le fond car elles ont une portée économique.
Dans la contestation des avantages liés aux unions matrimoniales, des
dons de portions de terre qui avaient été faits à des beaux-parents à une
date relativement ancienne, pour qu’ils puissent y créer leurs plantations,
sont aujourd’hui remis en cause. En filigrane de tous ces nouveaux rapports
sociaux et fonciers transparaît le code foncier rural dont on ignore véritablement
les contours mais qui devient la boussole quand il s’agit de revendiquer des
droits sur des terres qui sont occupées par des étrangers, quelle que soit leur
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Samo ont été épargnées. Les étrangers migrants temporaires, non assujettis
à un tuteur de leur communauté, ne sont pas non plus solidaires de leurs
compatriotes producteurs d’ananas. Ils préfèrent d’ailleurs travailler, en tant
que manœuvres journaliers (tréklé), sur les exploitations des autochtones où
les possibilités d’emploi sont plus variées (ananas, palmier à huile, cocotier,…)
et plus permanentes.
Les conflits qui existent aujourd’hui entre les autochtones et les étrangers
sont des conflits qui ne relèvent pas, apparemment, du foncier. Il s’agit de
conflits nés des relations de coexistence entre la communauté étrangère et la
communauté autochtone même si leurs conséquences touchent l’accès à la terre
pour les exploitants étrangers. La communauté étrangère est d’ailleurs réduite
pour la circonstance à la communauté burkinabé qui est fortement représentée
dans la production de l’ananas. Les conflits extra-fonciers apparaissent donc
comme des prétextes pour retirer aux communautés étrangères qui sont dans
la filière de l’ananas leur principal moyen de production qui est la terre. Mais
ces conflits sont, avant tout, la matérialisation des contradictions internes à la
société abouré.
La société abouré est une société à classes d’âge. Comme la plupart des
sociétés akan du Sud de la Côte d’Ivoire, elle repose sur le principe d’une
gestion rotative du pouvoir par les différentes classes d’âge selon des règles
bien précises. A Bonoua, le pouvoir change de main tous les vingt ans. Cette
organisation, très démocratique, est en contradiction avec la monarchisation qui
veut actuellement se construire à travers l’incarnation d’un roi. Dans la gestion
de la société, le «roi», qui est en fait un chef de village, est entouré d’un conseil
de notables dont les membres sont choisis parmi les «familles-chaises»10.
La société abouré de Bonoua était composée de sept clans originels :
Ehivévlé et Honlonvin, Oboum, Koho, Tchantchévé, Adévessé, Agbissi, Moho.
Par démembrement des premiers, le nombre de clans est passé à 11. Aux
clans originels, sont venus s’ajouter les clans Adjéké, Memmlé et Essinvlin.
L’ensemble des clans est composé de 39 familles-chaises. Chaque famille-
chaise est dirigée par un notable ( mlinté ). L’individu appartient à la famille-
chaise de sa mère. Le roi est toujours issu de la famille-chaise du clan Ehivévlé.
Le représentant du clan Oboum, qui est le chef de tous les notables, joue le rôle
de Premier ministre du roi et le supplée en cas d’absence. Le roi et le conseil
des notables exercent les pouvoirs exécutif et judiciaire. Ils sont assistés par
les classes d’âge au pouvoir et la génération N’Nowé qui représente le peuple
(m’man)11. Les m’man sont obligatoirement consultés quand il s’agit de discuter
des questions qui engagent la vie de l’ensemble de la communauté. Ils ont
l’initiative des lois.
Auprès de cette structure traditionnelle, siège, depuis 1999, «Le conseil de
surveillance de la coutume» créé par les N’Nowé.
La cour royale a été organisée à l’image de l’administration officielle, avec
des permanences assurées à tour de rôle par des bénévoles. Elle célèbre des
mariages, tient des registres de décès, peut être saisie de tous les problèmes
et siège en tant que tribunal. Dans le domaine foncier, elle s’est arrogée, depuis
les conflits autochtones-étrangers, le droit de la gestion de toutes les terres ; de
cette manière, le roi détient aussi un droit de regard sur le comportement des
propriétaires autochtones dont la tendance à l’aliénation des terres familiales
est perçue comme un danger pour la société locale. La Cour royale est le
dernier recours, surtout pour les étrangers, dans le règlement des conflits.
10- La chaise dans la société akan est un attribut du pouvoir et de l’autorité. La chaise est le
symbole par lequel les membres d’une famille se reconnaissent.
11- Les porte-parole de la génération au pouvoir sont tous de la génération N’Nowé.
KOUAME N’Guessan : Les étrangers dans l’arène socio-foncière ... pp. 5-30 23
s’était approprié les terres sur lesquelles il avait fait une plantation de palmier,
ont porté plainte, après avoir été déboutés par la famille et la Cour royale de
Bonoua, à la justice contre leur famille paternelle.
L’acquisition par le père, à titre personnel, d’une terre en dehors du patrimoine
foncier familial n’est pas non plus une garantie pour l’accession des enfants à sa
succession. La famille paternelle peut revendiquer des droits sur cette propriété
privée si le défunt a eu en héritage des terres ou des plantations. La logique
qui sous-tend une telle revendication est que les acquisitions personnelles du
père l’ont été grâce à la fructification du patrimoine, surtout foncier, familial.
Les règles de partage sont ici inversées et à l’avantage des enfants : le tiers
des terres revient à la famille paternelle et les deux-tiers aux enfants.
Les conflits fonciers à l’intérieur des familles sont exacerbés par les
divers changements qui marquent la société ivoirienne dans son ensemble.
L’année 1990 est considérée comme l’année où les remises en cause des
structures traditionnelles ont commencé à se faire sentir de manière plus
forte. Le multipartisme, l’esprit démocratique occidental, les lois modernes
de succession, précédés d’une scolarisation qui a entraîné une rupture dans
les comportements et les relations entre les générations, ont eu pour effet de
transformer les attitudes des jeunes qui «sont chauds sur les héritages de leur
père et font palabre avec les vieux».
La classe de la population autochtone qui tire l’essentiel de ses revenus
de la location des terres est représentée par la classe des aînés ayant la
gestion des terres familiales. Cette classe est contestée pour deux raisons
principales : La jouissance individuelle des revenus de la location ; la trop
grande propension à la location des terres aux étrangers. Dans un contexte
où les jeunes deviennent de plus en plus autonomes et ne sont plus soumis
aux obligations traditionnelles envers leurs oncles, ces derniers ne sont plus
sûrs de pouvoir compter sur la force de travail des enfants de leurs sœurs.
Ils préfèrent louer les terres dont ils ont la gestion aux étrangers. On peut
aujourd’hui parler de l’existence d’une véritable classe de rentiers de la terre à
Bonoua dont les intérêts constituent un frein à l’accès à la terre pour les jeunes
générations. Les étrangers vont se trouver ainsi au centre de conflits fonciers
intra-familiaux aboutissant régulièrement à la remise en cause des contrats
signés avec les propriétaires de terre. Lors du conflit Abouré-étrangers de
2001, les propriétaires fonciers qui tirent leurs revenus de la location de la terre
se sont opposés aux actions de destruction des plantations et à l’interdiction
d’en créer de nouvelles. Pour protéger les exploitations des étrangers, ils se
sont déclarés propriétaires de leurs plantations.
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12- Le baril, d’une contenance de 200 litres, est livré aux vendeurs grossistes à 100.000 F sur le
site de production du koutoukou.
KOUAME N’Guessan : Les étrangers dans l’arène socio-foncière ... pp. 5-30 27
Les remises en cause vont aller au-delà des droits d’usage de la terre pour
atteindre les droits de propriété des étrangers. Si la plupart d’entre eux n’ont qu’un
droit d’usage sur les terres qu’ils exploitent, quelques-uns de la première génération
de migrants ont pu, par des achats aux allochtones qui étaient à Bonoua et qui
retournaient chez eux ou allaient dans d’autres régions de la Côte d’Ivoire, acquérir
des terres dont ils détiendraient des titres fonciers ou des certificats de plantation
reconnaissant leurs droits sur les parcelles qu’ils exploitent.
Les jeunes les plus actifs dans les revendications des terres sont les neveux.
Il est rapporté que ces derniers souhaitent la mort de leurs oncles pour prendre
la possession des biens dont ils ont la gestion. Mais face à eux se dressent
les fils qui sont les principaux laissés pour compte d’un système de dévolution
des biens qui fait des neveux les héritiers exclusifs de leurs oncles maternels.
A l’intérieur de la famille se développent des conflits cristallisés autour de trois
pôles : le pôle oncle maternel-neveu utérin ; le pôle neveu-fils et le pôle fils-
oncle. Les conflits neveux-fils prennent l’allure d’une véritable guerre de clans
quand les biens (terres, plantations, immeubles) laissés par le défunt suscitent
beaucoup de convoitises.
Le sens de la dévolution des biens qui suit cette logique sociale fait du
neveu l’héritier exclusif de son oncle maternel. Les conflits intra-familiaux se
règlent généralement dans le cadre familial ou devant l’autorité traditionnelle
que représente le roi. Ils peuvent être portés devant le sous-préfet. Le choix
de la juridiction de règlement des conflits est déterminé par la position des
protagonistes par rapport au droit moderne et au droit traditionnel. La préférence
des neveux va à la juridiction traditionnelle et la cour royale alors que les fils
optent pour le droit moderne et les tribunaux. Les fils essaient de susciter,
avec l’appui du droit moderne, un courant de réforme réglementaire qui intègre
leur situation dans le mode d’héritage traditionnel. La société autochtone,
consciente des conflits entre les neveux et les enfants, tend vers une solution
où le patrimoine qui est laissé par le défunt est divisé et réparti équitablement
entre les deux parties. Elle essaie de dégager des principes généraux qui
doivent servir de base pour régler la dévolution des biens entre les cousins et
les neveux. Par exemple, les entreprises créées par le père et la cour dans
laquelle il vivait reviennent aux enfants alors que tous les autres biens sont
cédés aux neveux. Ce mode de répartition, qui est le résultat d’un compromis
mais qui ne repose sur aucune norme juridique, traditionnelle ou moderne,
n’est pas toujours accepté et les litiges se terminent souvent au tribunal. Les
conflits intra-familiaux peuvent entraîner une remise en cause des transactions
foncières conclues entre les propriétaires terriens et les locataires par leurs
héritiers potentiels.
Rev. ivoir. anthropol. Sociol. KASA BYA KASA 28
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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ajustements, recompositions. Paris, Karthala/ORSTOM,
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de travail.
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ethnonationaliste, 78, 94-125.
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Memel-Fotê, H., (éds), 1997 : Le modèle ivoirien en questions. Crises, ajustements,
recompositions. Paris, Karthala/ORSTOM., pp. 779-798
Koné, M., (2001), Droits délégués d’accès à la terre et aux ressources naturelles dans
le Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire : Bodiba (Oumé) et Zahia (Gboguhé), Paris/
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Koné, M., Basserie, V., Chauveau, J-P, (1999), «‘‘petits reçus’’ et ‘‘conventions’’ : les
procédures locales de formalisation des droits fonciers et les attentes de ‘‘papiers’’.
Etude de cas dans le centre-ouest ivoirien» in : Lavigne Delville, P., et Mathieu,
P., (éds) : Formalisation des contrats et des transactions : repérage des pratiques
populaires d’usage de l’écrit dans les transactions foncières en Afrique noire. Paris/
Louvain, GRET/UCL.
RÉSUMÉ
Bonoua, localisée dans le sud-est ivoirien, est une véritable mosaïque démographique
et culturelle. Aux autochtones abouré, sont venues s’ajouter, progressivement et au fil
des décennies, des populations ivoiriennes provenant des régions montagneuses de
l’Ouest, des savanes du centre et des pays limitrophes, particulièrement du Burkina
Faso. Si la plupart des Ivoiriens sont retournés dans leur région d’origine ou ont opté
pour d’autres destinations migratoires, les étrangers, particulièrement les Burkinabé et
les Maliens, vont s’y fixer et s’investir dans la culture de l’ananas, d’abord, en tant que
manœuvres, ensuite, en tant qu’exploitants agricoles.
En matière de colonisation agricole, Bonoua est un cas particulier en Côte d’Ivoire.
Depuis des décennies, la location est presque l’unique mode d’accès à la terre pour
les étrangers. Les enjeux ne sont font pas autour de la terre qui ne fait pas l’objet de
conflits de propriété entre les autochtones et les étrangers mais autour de l’économie
de l’ananas. A travers les contradictions au sein de la société, la modification des
rapports économiques entre les principaux acteurs de l’arène foncière, les relations
entre les étrangers et les autochtones vont être calquées sur celles qui ont cours dans
les zones forestières de l’Ouest.
Mots-clés : Côte d’Ivoire, Bonoua, Conflits fonciers, Immigration, Ananas.
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SUMMARY
Bonoua, localized in the of the Ivory Coast southeast, is a true demographic and
cultural mosaic. To the aboriginal Abouré, are come adds to them, progressively and with
the passing of the decades, the Ivory Coast populations proceeding of the mountainous
regions of the west, of the savannas of the centre and the adjacent fellow-countryman,
particularly of Burkina-Faso. If most of the Ivory Coast returned in their region of origin or
opted to other migratory destinations, the foreigners, particularly the Burkinabé and the
Malians, go settle down and invest in the cultivation of the pineapple, first, as handlings,
after, as agricultural operators.
Concerning agricultural colonization, Bonoua is a particular case in Ivory Coast
Republic. Since of the decades, the hire is almost the only access mode to the land for
the foreigners. The stakes are not doing around the land that does not do the object of
conflicts of property between the autochthons and the foreigners but around the economy
of the pineapple. Through the contradictions within the society, the modification of the
economic yields between the principal actors of the of land sand, the relations between
the foreigners and the autochthons go be traced on those that have run in the forested
zones of the west.
Keywords : Ivory Coast, Bonoua, Conflicts of land, Immigration, Pineapple.