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s'établíssent dans des domaines prívés.

Pour cette raison, les


chartes interdisant aux Roumains de quitter ,,les terres royales"
se succédérent au cours du XIII e siécle. Cependant, il arriva,
que, sous le régne du roi Ladislas IV (1272—1290), en consé-
quence des guerres civiles, le pouvoir central s'affaiblit et le
contrőle exercé par lui se relácha. En vue de s'attacher des par-
tisans, le roi lui-méme permit le premier aux Roumains de s'éta-
blir sur des propriétés privées (voir nos documents nos. 21, 22
et 24). Le roi André III (1290—1301) essaya d'enrayer ce mou-
vement dangereux et ordonna de ramener dans sa propriété
royale de Székes tous les Roumains établis dans des propriétés
privées, ce qui prouve que jusque-lá peu de Roumains y avaient
pénétré. Bien vite, le roi lui-méme se vit obligé de fairé des ex-
ceptions (voir les documents nos. 20 et 21) et aprés sa mort, en
conséquence des troubles intérieurs, les bénéficiers et les sei-
gneurs pouvaient se donner plein pouvoir á coloniser de Rou-
mains leurs propriétés.

Les différentes colonies roumaines.

Parmi les neuf colonies roumaines que nos documents nous


font connaitre au XIII e , siécle, il y en a sept dont la date de
naissance est connue (Illye, Fenes, Szád en 1292, Fülesd, Enyed,
Dálya, Ompoica aprés 1272). Quatre colonies se formérent donc
sous le régne de Ladislas IV, tandis que trois colonies ne sont pas
antérieures á 1292. Les deux colonies d'Oláhtelek (1283 et
1295.) furent fondées, comme leur nom l'indíque, dans une ré-
gion habitée par des Hongrois et elles devaient étre de grandeur
peu considérable, autrement on ne les aurait point appelées ,,telek"
(lopin de terre) et on ne se serait pas servi de l'adjectif ,,oláh"
(roumain). Nous ne devons pas ignorer que le mot ,,telek" dési-
gnait au moyen áge une petite propriété dont les produits suffi-
saient á nourrir une famille de serfs. L'adjectif ,,oláh" servait á
distinguer la colonie perdue dans une région non roumaine. II
n'est pas superflu de remarquer que sept colonies sur neuf ont des
noms d'origine purement hongroise, tandisque deux noms sont
d'origine slave (Dálya et Ompoica). Ces propriétés que l'on con-
state pour la premiére fois au XIII e siécle, finissent par avoir au
siécle suivant le caractére d'une loi. La majorité de plusieurs
centaines de villages roumains de Hongrie ont en effet des noms
d'origine hongroise; nombreux villages portent des noms d'ori-
gine slave, moins souvent des noms d'origine allemande et il
y a trés peu de villages au nom d'origine roumaine, Le premier
de ceux-ci est mentionné en 1337, sous le nom de Kaprevár
(voir le document no. 49) On ne peut ne pas tenír compte d'un
fait trés significatif: tous les grands fleuves de la Transylvanie,
sans exception, ont un nom d'origine inconnue ou bíen d'origine
hongroise, slave ou allemande, et s'íl existe des formes rou-
maines de ces noms de fleuves, elles ont été empruntées á ces
troís langues. 15 C'est aussi le cas de tous les noms de lieux con-
nus avant le XIV e siécle.16 Les chartes édíctées au XIV e siécle
ne mentionnent que six villages á noms d'origine roumaine
[Kaprevár en 1337, Nuksora en 1359, Margina en 1365, Radest
en 1369, Charamida en 1373, Szekuláj en 1379). En dehors d'eux
il n'y a que les monts et quelques petites riviéres quí aient une
dénomination d'origine roumaine (monts: peut-étre Neutidul, en
1307; Pelys en 1341; Gegeuch en 1358; Nedele en 1373; fleuves:
Riusor en 1377; Chernyswara en 1380; Malanista en 1389;
Síromba en 1390.) II ressort de tout cela qu'á l'exception de la
région des hautes montagnes, et parfois mérne la aussi, les Rou-
mains étaient partout devancés par des colons d'une autre race,
surtout par des Hongrois et des Slaves. Le terme de „oláh" (rou-
main) se rencontre trés souvent comme la premiére partié de
noms composés désignant des villages roumains, Ce fait sígnifie
que d'habítude les Roumains s'établíssaient dans le voísínage
d'un village hongrois ou dans celuí d'un village slave; leurs maí-
sons prímitíves y avaient au commencement le mérne rőle de
simples annexes comme de nos jours les cantonnements des Bo-
hémíens aux extrémités des villages, Dans la suite oü la colonie
roumaine s'allia au village (c'est le cas le plus fréquent) con-
servant, ou pour mieux díre, empruntant le nom ancien d'origine
hongroise, slave ou allemande de celuí-ci, oü elle se développa
séparément et prit le nom du village ,,frére" précédé du qualífi-
catíf de ,,oláh". Nous avons nombreux exemples pour tous les
deux cas, et nous connaissons méme des formes míxtes et des
formes de transition. 17

15
Etienne Kniezsa: Die geographischen Namen Siebenbürgens, Étude
dans l'album „Siebenbürgen". Budapest, 1940. p. 77.
16
Ibid.
17
On mentionne en 1364 un village roumain á propos du bornage de
la commune de Szekérberéte. Plus tard il s'allia á la commune et aujourd'hui
les deux ne font qu'un seul village á population mixte, Sans aucun doute,
cela arriva aussi á plusieurs autres villages an nom d'origine hongroise ou
autre mais ayant une population roumaine, Dans quelques-uns de ces vil-
Une forme d'établissement spéciiiquement roumaine est le
village kénézial, répandu dans les montagnes de l'Ouest, dans
les comitats de Hunyad, de Krassó, de Temes, de Bihar, de
Szilágy, de Máramaros et de Bereg. C'étaient de petites agglo-
mérations humaines 18 habitées á peine par quelques hommes que
le kénéze avait conduíts d'un grand village voisin sur le terrain
oü allait s'élever le nouveau village perdu dans une région cou-
verte de bois et jusqu'alors inhabitée. Ordinairement le village
prit le nom du kénéze. Ces colonies sont postérieures aux deux
autres genres d'établissements que nous venons de mentionner.
Leur postériorité est prouvé d'une part par leurs noms compo-
sés (le nom du kénéze fondateur est suivi de falva „village",
de háza „demeure" et de telke ,,tenure" qui ne se repandirent
pas en Hongrie avant le XIV e siécle), d'autre part par le
fait qu'au XIV e siécle nous trouvons souvent le kénéze
vivant encore dans le village auquel il avait donné son nom.19

lages la population primitive fut complétement absorbée par les nouveaux


venus. Noms doubles de villages: Szászerkes-Oláherkes (1310), Magyar-
báród—Oláhbáród (1390), Magyarkapus—Oláhkapus (1391), Magyarfráta—
Oláhfráta (1391). Pour la plupart, on peut démontrer la priorité du vil-
lage hongrois ou celle du village saxon. La fondation d'Oláhfráta est ra-
contée dans une charte de 1391. D'aprés le récit, dans le village de Fráta
„magnam villám Olachorum descendi fecissent." Plus tard les deux colo-
nies s'étaient séparées et elles restérent séparées jusqu'á présent. L'histoire
de Magyar-Bocsárd et d'Oláh-Bocsárd est curieuse. En 1346 Pierre, vice-
vo'ívode de Transylvanie établit par force des Roumains dans le domaine
appelé Bocsárd du chapitre de Transylvanie. C'est de cette colonie que se
développa le village d'Oláhbocsárd.
Cas mixtes: Bányabükkfalu. Au commencement il n'y avait qu'un
seul village hongrois. En 1358 on mentionne les villages roumains qui
lui appartiennent. En 1416 le village se dédoubla. Ainsi naquirent Magyar
Banabiky et Oláh Banabiky qui se réunirent á la suite et forment aujourd'hui
un seul village á population mixte dénommé en hongrois Bányabükk et
Banabic en roumain. Le nom primitif de tels villages géminés trahit
toujours la nationalité de la population de l'établissement primitif. Dans
les cas que nous venons d'énumerer, la population était toujours d'origine
hongroise. Nous n'avons aucune donnée du contraire.
18
Voir nos documents nos. 242 et 324. — Parmi les trois villages des
kénézes Guden, Pál et István, situés dans le comitat de Krassó, il n'y
avait que deux dont chacun était habité par 5 serfs, tandis que le troisiéme
village ne comptait que 4 habitants. Parmi 22 villages kénéziaux il ne
se rencontrait que 4 oü il y avait plus de 20 serfs; dans 8 villages le nom-
bre respectif des serfs n'atteignait pas le chiffre 10.
19
Par exemple: Gergelyfalva (1343, 1389), Fintafalva (1343, 1369), Pri-
bifiamiklós falva (1369, 1380, 1389), Supafalva (1369, 1389), Nekcsefalva
(1376), Jánoskenézfalva (1389), Kecsafalva (1389), Fileskenézfalva (1378,
Or, si le fondateur est en vie, cela prouve que la fondation du
village remonte tout au plus á un demi-siécle, II est caractérís-
tique que ce genre de village se rencontre plus souvent sur des
propriétés privées que sur les domaines royaux. Ce fait nous
permet de conclure á nouveau que ces villages avaient été fon-
dés á une époque relativement moins reculée, puisque les Rou-
mains n'apparurent sur les propriétés privées que bien aprés
leur établíssement dans les domaines du roi. Ces villages avaient
peu d'importance et un caractére provisoire comme leur dispa-
rition et le fait qu'ils ont depuis changé de nom, le prouve suffis-
samment.

La société roumaine primitive.


L'organisation de la société roumaine de Hongrie telle
qu'elle nous est présentée par les premiers documents y relatifs,
manque de tous traits de caractére qui prouveraient ses origines
locales ou déceleraient une longue vie en commun sur les mémes
lieux, Parmi les Roumains il n'y a pas de trace de traditions
nationales fondées sur les liens du sang, moins encore d'une
ferme organisation de tríbu. Leurs organisations politiques sont
absolument artificielles: elles nous font penser á une population
de colons dont les petites troupes occasionnellement réuníes ne
cessaient pas de s'infiltrer dans notre pays. La colonie adminis-
trée par le kénéze est la moindre et en mérne temps la plus
grandé unité sociale chez eux; les organisations administratives
de plus grandé envergure quí les reliaient entre elles, doivent
sans doute leur naissance á l'initiative des pouvoirs publics
hongrois.
Aujourd'hui le röle du kénéze n'a plus de mystére pour
nous. Le nom lui-méme est, comme on le sfiit, d'origine germani-
que (11 provient de 'kuníng' qui signifie roi), mais les Hongrois
et les Roumains le doivent également á l'intermédíaire des Sla-
ves (knjezó). Pendant que les peuples slaves s'en servaient gé-
néralement dans son acception de „chef" ou de „prince", chez
les Roumains primitifs le kénéze n'était point le souverain de
son peuple, mais un chef populaire, une sorté de guide élu,
„primus inter pares", qui dévait partager le pouvoir avec les

1389) situés dans le comitat de Krassó; Stroyafalva (1366) situé dans le


comitat de Hunyad; Makszemháza (1341), situé dans le comitat de Bereg;
Gyulafalva (1349), Gorzóháza (1349), Dormánháza (1376), dans le comitat
de Máramaros, etc.
anciens du peuple (seniores). 20 Le titre de kénéze et l'organisa-
tion politique y correspondante, le kénéziat, les Roumains les
avaíent apportés des Balkans; nous en retrouvons les traces chez
les Roumains de Serbie depuís disparus, dans les deux voívo-
dats roumains, en Valachie et en Moldavie aussi, 21 Le mot de
„kénéze" était connu mérne en Hongrie, et cela avant l'appari-
tion des Roumains dans le pays, dans les comitats de Sopron,
de Nyitra, de Zemplén et en Bosnie, territoires sur lesquels ni
avant ni aprés on ne peut retrouver aucune trace de la présence
des Roumains. 22 Ces faits nous permettent de conclure que le
kénéziat n'était nullement une organisation politique originale
des Roumains, mais qu'elle a été empruntée aux peuples voisins.
Pour désígner le kénéze, les Roumains de Hongrie ne se ser-
vaient point du slave knjezó, mais du chinez, provenant du hon-
grois kenéz, et le mot subsiste encore sous cette forme dans le
langage populaire roumaín de nos jours, 23
Eu égard á la situation spéciale de Hongrie, nous devons
considérer le kénéze comme le chef populaire d'une troupe de
Roumains occasionnellement réunís dans le but de chercher une
nouvelle patrie pour s'y établir. Sa missíon se bornait á repré-
senter les futurs colons devant le propriétaire du lieu de coloni-
20
Nous manquons de preuves posítives concernant l'élection des
kénézes, mais nous savons que les Roumains de Bereg procédaient par élec-
tion au choix mérne de leur voi'vode (voir le document no. 139, de l'année
1364) Du fait que primitivement le kénézat n'était point une dignité trans-
missible du pére au íils par succession, il ressort clairement que l'on dé-
vait Télire (voir le document no. 232, de l'année 1377), Quant á l'état juri-
dique des kénézes, égal á celui des Roumains communs, nous avons de for-
tes preuves dans une charte de 1360 (voir le document no, 112), selon le
texte de laquelle les kénézes prennent part, en compagnie des Roumains
communs, aux assises du tribunal de district.
21
Cf. Dragomir: o. c. p. 281 et Giurescu: o. c. t. II, p, 467.
22
Voir le document no, 428 et la note 2.
23
Cf. Bogdán, Despre cnejii románi. Anal. Acad. Rom. Mem, Sect, Ist,
Sér. 2. t. XXVI (1903—4) p, 13. — Pour plus de renseignements, cf. Ladislas
Hilibi Gál: Vizsgálódás az erdélyi kenézségekről. (Considérations sur les
kénézats transylvains). Nagyenyed, 1846. — Joseph Kemény: Über die
ehemaligen Knesen und Keneziate der Walachen in Siebenbürgen. Kurz's
Magasin II. 1848. — Francois Sólyom Fekete: Vázlatok az oláh kenézi in-
tézmény történetéhez (Contributions á l'histoire du kénézat chez les Rou-
mains). A Hunyadmegyei Tört. és Rég, Társ. 1884. évi évkönyve (Annuaire
de la Société Historique et Archéologique du Comitat de Hunyad, en 1884).
Tivadar Lehoczky: Adalékok az oláh vajdák, oláh és orosz kenézek vagy
soltészok intézményéhez. (Contributions á l'histoire des voi'vodes roumains
et des kénézes ou scultétes roumains et russes). Tört. Tár, 1890,

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