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légére une interprétatíon ethnique du mot de ,,vlach ", mais elles

attirent aussi notre attention sur le fait que l'occupation ances-


trale des Roumains était la vie pastorale, á savoir la vie des
pátres nomades.
Les pátres roumains étaient des montagnards, D'aprés le
témoignage de nos chartes, les animaux élevés par eux indiquent
qu'il s'agit dans leur cas d'un élevage d'animaux en haut pátu-
rage ou dans les bois: ils élevaient, en premier lieu, des moutons,
des chévres, en second lieu des porcs et des chevaux. Le fait
qu'il faut entendre dans ce cas des chevaux de petite taille, es-
péce que l'on peut páturer en haute montagne, est suffisamment
prouvé par la situation actuelle et aussi par le texte d'une
charte de l an 1381, reproduite au no. 260. Les bétes á cornes
qui préférent les páturages de la plaine, sont beaucoup plus ra-
rement mentionnées chez les Roumains de Hongrie au cours du
XIII e et du XIV e siécles; cependant, elles sont signalées, dés
1381 et 1392, chez les Roumains habitant le territoire appelé
plus tard le Banat, oú la colonisation était dans un état trés
avancé. De ce poínt de vue il est caractéristique que nos char-
tes du XIII e et du XIVC siécles, parlant des impóts payés par
les Roumains, ne font mention, d'une fa^on constante, que de leur
élevage de moutons, de porcs et de chevaux, Signalons pourtant
quelques cas sporadiques d'oü il ressort que les Roumains s'ac-
quittaient de l'impőt aussi en argent comptant (Voir no. 303.)
ou par prestation de boeufs (voir le document no. 424,),
Le métier de pátre nomade est le type mérne de la vie
nomade. La migration des pátres roumains se faisait en deux
directions. La premíére les conduisait d'un páturage á l'autre,
situés sur une ligne paralléle aux grandes montagnes. La carte
ci-jointe montre d'une fa^on suggestive comment les Roumains,
partis de la Péninsule des Balkans, apparurent, toujours pous-
sant vers le Nord, dans la premiére moitié du XIII e siécle, dans
les Karpathes du Sud et, dans la seconde moitié du siécle, dans
le montagnes de Bihar, pour arriver enfin, au XIV e siécle,
dans les montagnes de Máramaros et celles de Bereg. La seconde
forme de la migration est la soi-disante transhumance qui con-
siste pour le pátre á páturer ses troupeaux en été dans les mon-
tagnes et á les mener, en hiver, dans les plaines situées aux
deux versants des montagnes. Au siécle passé on connaissait en-
core cette transhumance des pátres roumains qui, partis des mon-
tagnes de Transylvanie, parvenaient, dans la direction du Nord
et dans celle de l'Est jusqu'en Bessarabie, jusqu'á la Crimée
mérne, dans la dírection du Sud jusqu'au Bas-Danube, dans la
direction de l'Ouest jusque sur la rive de la Tisza. Notre collec-
tion de chartes offre également des données relatives á cette
transhumance. Elle indique par exemple que les Roumains, su-
jets au chátelaín de Sólyomkő, dans le comítat de Bihar, avaient
mené, en 1357, leurs porcs au panage dans les chenaies des raa-
rais de Nyírcsaholy, commune située dans le comitat de Szat-
már et fort éloignée de leur domicile oű ils étaient rentrés l'au-
tomne venu. (Voir le document no. 99) Deux autres cas de trans-
humance sont encore mentionnés dans nos chartes: l'un en 1357
á Kérsemlyén, dans le comitat de Szatmár (voir le document no.
98), l'autre en 1374 aux envírons de Mészpest, dans le comitat
de Zemplén (voir le document no. 209), deux endroits fort éloi-
gnés du territoire peuplé de Roumains. Cette migration á une
distance peu considérable s'entend d'elle-méme, puisque dans les
montagnes le bétail manquait de páture en hiver. 11
Outre ces preuves indirectes (manque de l'élevage de bétes á
cornes et de l'agriculture), nous disposons de données précises dé-
montrant nettement que la majorité des Roumains de Hongrie
menaít, au cours du XIII e et du XIV e siécles, la vie des pátres
nomades. En 1363, á l'occasion du bornage d'un domaine aux
environs de Krassószékás, on se trouva dans l'impossibilité
d'assigner les kénézes roumains „propter eorundem mansionis
seu resídentie íncertitudínem" (voir le document no. 126). En
1373, le Pape écrivit au sujet des Roumains habitant aux envi-
rons de Karánsebes: ,,Wlachi scismatici, quorum nonnulli in pas-
cuis et tentoriis habitant, anímalia, quibus habundant, pascendo."
(Voir le document no. 202) Encore au début du XIV e siécle un
chroniqueur, Antoine Verancsics décrit les Roumains comme suit:
,,rari in apertis locis incolae, montibus ac silvis plerumque cum
suo pecore pariter obditi." 12 II va sans dire que ce genre de vie
déterminait aussi le caractére des établissements roumains. Parmí
leurs habitations les plus primitives sont des cabanes de pátres
dispersées dans les montagnes et ne formánt aucune aggloméra-
tion, ni village. Elles comprenaient une seule piéce que le pátre
employait plus á y préparer et á y mettre en dépőt les produits
de laiterie qu'á y habiter. Nos chartes les mentionnent sous le

11
Pour les deux sortes de migration voir une étude allemande, Alfréd
Malaschofsky: EinflüBe des Hirtenlebens auf die Entwicklung von Volk und
Staat in Rumánien. Südostdeutsche Forschungen. Leipzíg, 1939. III. p. 810.
12
Monumenta Hungáriáé Historica, Scriptores II. Pest, 1867. p. 143.
nom de „descendus in alpibus" (voir le document no, 252, de
Fan 1830), ou sous le nom de ,,locus estivalis" (voir le docu-
ment no, 131, de l'année 1364). La charte du Pape dont nous
venons de citer un passage, les désigne du nom de tente (en la-
tin „tentorium"). L'archétype de village á cabanes de pátres iso-
lées, tel que l'on en trouve encore dans les régions montagneu-
ses de Hátszeg et de Bihar, puis le type de maison comprenant
une piéce et un réduit s'ouvrant sur l'extérieur et n'ayant pas
de communication intérieure avec la chambre (maison á cámará)
gardent encore le souvenir de cette forme d'établissement primi-
tive qui dévait étre généralement répandue parmi les Roumains,
Quand les pays de l'Europe orientale furent peuplés, la migra-
tion des pátres le long des montagnes cessa pendant que la
transhumance continuait d'étre pratiquée. Ainsi les établisse-
ments provisoires devinrent des colonies définitives tout en gar-
dant, dans leurs grandes lígnes, la forme primitive, Seule la ca-
bane de pátre se modífía et devint cette fois une véritable
maison. 13

L'apparition des Roumains en Hongrie.


e
A la fin du XII siécle les habitants de Transylvanie, les
Hongrois, les Allemands et les Slaves — ces derníers, dont les
ancétres y avaient vécu déjá avant la Conquéte du pays ou qui
s'y étaient pénétrés plus tard, en voie d'absorption par la ma-
jorité — y vivaient établis dans des víllages. Dans ces conditions
il va sans dire que les établissements formés par les cabanes
dispersées des pátres roumains ne passaient point pour des víl-
lages, qu'ils n'avaient pas de noms et que les autorités ne tenaient
pas compte d'eux et cela d'autant plus les pátres changeaient
constammant, au cours de leurs migrations, leurs líeux de domi-
ciles, Ce fait explique pourquoi nous ne connaissons, avant 1283,
aucun nom des premíers établissements provisoires des Roumains.
Pourtant, les nouveaux venus ne passaient pas inapertpus, ils
ne restaient sans surveillance non plus, Juste á l'époque de leur
premiere apparition dans le pays les rois de Hongrie s'occu-
paient á peupler la région frontiére de la Transylvanie du Sud
(voir les annotations des documents nos, 1, 3 et 4,), Ils desti-
naient un rőle dans leur plan de colonísation aux Roumains
aussi, L'élément ethnique que les Roumains, pátres montagnards

13
Cf. La Transylvanie, pp. 712 et 747.
pouvaient apporter, manquait en Transylvanie: les Hongrois,
pátres des plaines et laboureurs, avaient colonisé la partié du
pays quí va jusqu'á la hauteur des foréts de hétres. La région
des montagnes était ínhabitée et économiquement inexploitée. Les
Roumains paraissaíent étre aptes á se charger de la défense des
írontiéres et á exploiter le pays des montagnes. Ainsí les auto-
rités de la couronne cédérent aux premiers émigrés roumains des
páturages dans le comitat de Fogaras, dans le voisinage des
terres des Saxons, des Petchénégues et des Sicules (terra ou
silva Blacorum. Voir le document nos, 1 et 4.) Dans la Hongrie
du moyen ^age, les terrítoires ínhabités ou, pour mieux dire, les
territoíres que les Hongroís de la Conquéte n'avaíent pas occu-
pés étaient la propriété du roí et íls s'appelaíent „desertum"
ou autrement ,,la terre royale" (Könígsboden). Les personnes
qui s'y établíssaient relevaient directement du roi, Celui-ci pia-
cait au-dessus des colons un officier chargé du contrőle et se
réservait á soí-méme de les imposer. La plus grandé partié des
régions montagneuses était possession royale. La région des
hauts páturages habitée par une population slave peu nombreuse
ou, souvent, toute déserte, attírait les Roumains des Balkans.
L'émigration de ceux-ci fut facilitée par les rois de Hongrie eux-
mémes pour des motifs de défense nationale et pour des raisons
d'ordre économique, C'est aínsi qu'aprés avoír apparu dans le
comitat de Fogaras, les Roumains parurent, déjá au XIII e siécle,
dans les comítats de Brassó, de Szeben, de Hunyad, de Bihar et
d'Alsófehér, c'est-á-dire dans la région montagneuse du Sud et
dans celle de l'Ouest de la Transylvanie, partout oü ils trou-
vaíent des hauts páturages, Les montagnes de la frontiére oríen-
tale qui étaient, par manque d'alpages, inaptes á les recevoir, ne
sont habitées, mérne de nos jours, que par des Sícules.

L'établissement des Roumains.

La grandé invasion des Mongols en 1241—1242, marqua un


tournant décisif dans la vie des Roumains de Transylvanie. Jus-
que-lá les Hongrois et les Allemands suffisaient pour peupler
entiérement les terrítoires cultivables, de plus, ils disposaient
déjá d'un si grand excédent de population qu'ils fínirent par
peupler aussi les vallées des fleuves et les bassins haut situés
(les comítats de Szörény, de Háromszék, de Csík et de Mára-
maros) et par envoyer des essaims en Moldavie, en Petite Va-
lachíe et en Grandé Valachie (alors Coumanie et le Banat de
(

Szörény). 14 Sí cette évolution avait suivi son cours, les Rou-


mains de Transylvanie auraient dü rester dans les limites de
leur vie de pátres montagnards ou, descendus dans les plaines,
ils auraient été absorbés par les majorités hongroise et allemande.
Mais l'invasion des Mongols eut un résultat des plus funestes:
des centaines de villages furent complétement dévastés, leurs ha-
bitants massacrés ou faits prisonniers par 1'enriemi; ceux qui
restérent en vie, se réfugiaient dans les foréts et dans les mon-
tagnes. On a eu beaucoup de peine de les attirer hors de leurs
cachettes aprés le désastre. Les chefs tatares, Kadan et Bogoutay
traversérent les vallées de la riviére de Szamos, de la Maros,
des Kőrös et de l'Olt, c'est-á-dire une région á population trés
dense et en route ils exterminérent, en premier lieu, la popu-
lation d'origine hongroise. Les Roumains non liés á un lieu dé-
terminé et habitant les montagnes peu praticables, furent épar-
gnés de ce coup fatal. Ainsi, il est tout naturel que les grands
propriétaires terriens pensérent á eux quand ils devaient sup-
pléer au manque de main d'oeuvre rurale.
Ainsi l'invasion des Mongols eut deux conséquences pour le
pays: d'une part elle déclencha l'émigration des Roumains de
la région des montagnes vers les plaines, d'autre part elle causa
que l'agriculture en Transylvanie tómba en décadence vu que les
Roumains, éleveurs d'animaux, avaient besoin de plusieurs síé-
cles pour s'adonner, au moins á tour de rőle, á l'agriculture
aussi, Dans ces circonstances, l'agriculture resta longtemps á
l'état embryonnaire. Une civilisation primitive se propageait ra-
pidement en Transylvanie et y laissa une empreínte que l'on
retrouve encore de nos jours, dans certaines régions.
Les propriétaires terriens avaient de grandes difficultés á
vaincre en rapport avec l'établissement des Roumains, puisque
ceux-ci vivaient jusque-lá exclusivement sur les propriétés du roi
á qui ils payaient directement leurs impőts. La quinquagesima que
l'on percevait sur leurs revenus, assurait, d'aprés le témoignage
de nos documents nos. 12 et 14, un bénéfice considérable au roi
qui en aurait été dépourvu s'il avait permis que les Roumains
14
Radu Rosetti: Despre Unguri episcopiile catolice in Moldova
(Analele Acad. Rom. S. Ist, ser. 2. XXVII.) Bucure?ti, 1905. p. 249 et suiv.
Gábor Lükő: Havaselve és Moldva népei a X—XII. században. (Les élé-
in ents ethniques de la Valachie et de la Moldavie aux X—XII e siécles.)
Ethnographia-Népélet, 1936. Ladislas Makkai: A milkói (kun) püspökség és
népei. (L'évéché (couman) de Milkó et la population de son territoire).
Debrecen, 1936. pp. 26—34.

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