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Association Algérienne pour la Sauvegarde

et la Promotion du Patrimoine Archéologique (AASPPA)


Siège : Babzman, résidence Chabani, Bt. F5E, Val d'Hydra, 16 028 Alger
Téléphone : 213 (0)7 70 35 15 97 ou 213 (0)7 70 17 75 80
Adresse électronique : ikosim.aasppa@gmail.com

Comité scientifique
Aïn-Séba Fauré Nagète, préhistorienne, Institut d’Archéologie, Alger
Aït Amara Ouiza, historienne, Institut d’Histoire, Alger
Aumassip Ginette, préhistorienne, Alger
Blanc-Bijon Véronique, archéologue, Aix-Marseille Université/CNRS (France)
Chaïd-Saoudi Yasmina, préhistorienne, Institut d'Archéologie, Alger
Dahmani Saïd, archéologue, Musée d’Hippone, Annaba
Desanges Jehan, historien, Académie des Inscriptions et Belles Lettres (France)
Ghaki Mansour, archéologue, Universita degli studi di Napoli « L’Orientale » (Italie)
Heddouche Abdelkader, préhistorien, CNRPAH, Alger
Leveau Philippe, historien, Université Aix-Marseille (France)

Rédaction
F. Benouis, directrice
N. Aïn-Séba, G. Aumassip

© AASPPA
ISSN n°2170-1016

Conception couverture et infographie


Rym Mokhtari

Photo de couverture réalisée par A. Hadjilah


A.A.S. P. P. A.
Association Algérienne pour la Sauvegarde et la Promotion
du Patrimoine Archéologique

2016 N° 5
La rue Bab Azoun - Bab el Oued à la période romaine.
Essai de restitution du cardo d'Icosium
Asma Hadjilah*

Mots clés - Alger, Icosium, restitution, voie romaine, cardo, antiquité.

En 2009, l’ouverture du chantier de la station de voyageurs devant être élevée dans la basse Cas-
bah, au nord de la Place des Martyrs, a imposé un diagnostic d’archéologie préventive. Celui-ci est
mené conjointement par des archéologues du CNRA (Centre national de recherche en archéologie) et
une équipe de spécialistes de l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives). Il
a pour objectif « d’ évaluer le potentiel archéologique à l’emplacement des travaux et de préciser l’ étendue,
la chronologie et l’ état de conservation des vestiges présents dans le sous-sol » (Souq et Stiti, 2011, p. 44).
1MVTJFVSTEÏCSJTBOUJRVFTPOUOPUBNNFOUÏUÏNJTBVKPVSËDFUUFPDDBTJPO EPOUMFTSFTUFTEVOCÉUJNFOU
absidal.
Ces récentes découvertes archéologiques faites à l’occasion de travaux urbains ne constituent pas
un fait inédit, car Alger dévoila son passé à chaque fois que son tissu fut remanié. Dès 1830, la démo-
MJUJPOEFCÉUJNFOUTUVSDT MBSÏBMJTBUJPOEFUSBODIÏFTMFMPOHEFTWPJFT MFDSFVTFNFOUEFTGPOEBUJPOTEF
maisons européennes, ou simplement, les opérations de réparation et de nivellement ont ainsi mené à la
découverte des traces d’Icosium, la ville romaine enfouie dans le sol d’Alger.
A. Berbrugger (1845) et A. Devoulx (1875) signalèrent et donnèrent quelques descriptions des
débris antiques dévoilés au XIXe siècle. Leurs écrits furent rassemblés en 1911 dans l'Atlas archéologique
de l'Algérie (Gsell, 1997)1(SÉDFË).VSBUEFOPVWFBVYÏMÏNFOUTTPOUBQQPSUÏTËMBDPOOBJTTBODF
d’Icosium au début du XXe siècle. Cet ingénieur érudit découvrit plusieurs substructions romaines qu’il
décrivit dans les colonnes de L’Afrique du nord illustrée (Murat, 1931/1935) et de L’effort algérien (Murat,
1928/1934).
Le long de la rue Bab Azoun - Bab el Oued2, une des plus importantes voies de la basse Casbah,
les découvertes antiques furent nombreuses, avec la mise au jour de plusieurs tronçons d’une voie, de
portions de murs et de substructions. Les fouilles préventives menées depuis 2009 et celles effectuées
en 1995-1997 dans l’îlot Lallahoum (Souq, 2004) attestent de l’importance de cette ancienne artère
ottomane du temps d’Icosium. A. Berbrugger fut le premier à entrevoir à son emplacement le cardo

1 Cet ouvrage est accompagné de planches qui situent par ville les découvertes antiques. Voir fig. 1.
2 Il est à noter que le dégagement de la Place d’Armes (actuelle Place des Martyrs) en 1830 eut pour conséquence le
scindement en deux de cette voie. Chacune des rues résultantes prit le nom de la porte à laquelle elle aboutissait.
* Architecte, Maître-assistante et doctorante. École Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme, EPAU - Laboratoire
LVAP. (a.hadjilah@epau-alger.edu.dz).

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Ikosim

structurant de la ville (Berbrugger, 1845, p. 32)3. Une assertion que le matériel archéologique ne peut
pleinement justifier, mais qui constitua vite un postulat pour les nombreuses études abordant l’évolu-
tion urbaine de la ville d’Alger4.
Aujourd’hui, une restitution de la voie romaine retrouvée sous la rue Bab Azoun – Bab el Oued
peut être tentée . Elle vise à définir son statut ; s’agit -il d’une voie publique , via publica , comme
semblent le suggérer ses dimensions ? L’identification de son tracé et de la nature des édifices qui la
bordaient devra le confirmer . Cette restitution permet par ailleurs d’appuyer l’assertion d’A.
Berbrugger quant à sa synonymie avec le cardo d’Icosium.
Pour ce faire, les découvertes antiques seront retracées, de 1830 jusqu’aux premiers résultats5 des
récentes fouilles menées depuis 2009. Il est à noter que seuls les débris antiques fondés dans le sol seront
rappelés, car ce sont eux qui permettent d’établir une topographie des édifices et des éléments urbains6.

DES DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES EN MARGE DE L'EXPLORATION SCIENTI-


FIQUE DE L'ALGÉRIE

Entreprise à partir de 1840, au moment où Alger connait une fièvre de construction, la cam-
pagne d’exploration scientifique de l’Algérie n’intégra dans son itinéraire que les environs de la ville.
A. Berbrugger7 compte parmi les rares personnes à avoir relevé et décrit des débris antiques avant qu’ils
ne soient de nouveau ensevelis sous les maisons européennes ou simplement détruits8.

Les découvertes antiques de la première moitié du XIXe siècle

L’antique sol d’Icosium fut découvert lors du creusement des fondations des premières maisons
européennes. Entre 1835 et 1845, une voie romaine est ainsi retrouvée sous la rue Bab el Oued, à envi-
ron 2 m de profondeur (Berbrugger, 1845, p. 34-35). Elle est couverte de dalles dont la disposition en
losanges s’apparente à celles des voies principales de Timgad (Planche V ; Fig. 1). Notons que le dallage
des voies n’était de rigueur qu’à l’intérieur des villes, quand celles-ci sont entourées de remparts, et aux
abords immédiats de ces derniers (Chevallier, 1997, p. 112).
En 1845, un autre tronçon de cette voie antique a été découvert à l’occasion de la réalisation d’une
tranchée à l’angle de la rue Charles-Quint9. A. Berbrugger livra une description détaillée de son mode
de construction : « C’est une chaussée dont la largeur totale en y comprenant l’ épaisseur des parapets, est
de cinq mètres cinquante centimètres. Elle est formée de pierres-dalles d’environ quatre-vingts centimètres

3 L’auteur parle, dans sa notice sur Icosium de la permanence du tracé des rues Bab Azoun – Bab el Oued et de la Marine
depuis l’Antiquité et suppose qu’à leur intersection se trouvait jadis le forum romain.
4 Parmi ces travaux : Pasquali, 1955 ; Cresti, 1993 et Missoum, 2003.
5 Ces fouilles sont toujours en cours, à terme, elles devraient permettre la création d’une station métro-musée.
6 Il convient de signaler que les travaux urbains ont également mené à la découverte de nombreux objets antiques dont
la provenance n’a pu être vérifiée. C’est le cas par exemple du chapiteau d’ordre ionique retrouvé lors de la réalisation d’une
tranchée en 1845 au numéro 18 de la rue Bab Azoun (Le Glay, 1968, p. 50). Ces objets pourraient ainsi provenir des villes
avoisinantes ; de Rusguniae (Matifou), de Teffassedt (Tipasa) ou encore de Julia Caesarea (Cherchel).
7 Il fut conservateur de la bibliothèque-musée d’Alger à partir de 1836.
8 Notons néanmoins que de nombreux objets ont pu être sauvés. Ils furent conservés et exposés à la bibliothèque-musée
d’Alger.
9 Cette rue n’existe plus. Elle était bordée au nord par l’îlot abritant la mosquée Ali Bitchine.

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A. Hadjilah — La rue Bab Azoun. Bab el Oued à la période romaine

Fig. 1 - Situation des vestiges retrouvés au XIXe siècle (sur le fond de plan : Gsell, 1997, n° 11).

de longueur, cinquante de largeur et vingt-sept d’ épaisseur et disposées en losanges afin d’ être coupées sous
des angles plus ou moins aigus par les roues des chars ; elle est bordée par de fortes pierres de taille placées de
champ. Ces pierres ont cinquante centimètres de hauteur, un mètre de large et une épaisseur de trente-trois
centimètres. La partie supérieure, la seule qui soit visible, dépasse la chaussée d’une vingtaine de centimètres ;
elle est demi-cylindrique, de sorte que l’ensemble de ces pierres a l’aspect de colonnes qui seraient placées hori-
zontalement le long de la voie » (Berbrugger, 1845, p. 34).
L’auteur note enfin, la présence d’une épaisse couche d’alluvions ; signe, selon lui, que la voie fut
BCBOEPOOÏFBWBOUMBDPOTUSVDUJPOEFMBWJMMFBSBCPCFSCÒSF #FSCSVHHFS  Q %VDÙUÏEFMBSVF
Bab Azoun, à 1,66 m de profondeur, cette voie fut également perçue en 1844 : tout d’abord, à proximité
de la caserne d’al-kharratine qui occupait la parcelle délimitée par les rues de Bab Azoun, de l’Aigle,
actuelle Ait-Moussa Youcef, et de Bosa, aujourd’hui, Hachemi Hamid, puis chaque fois que l’on a exé-
DVUÏEFTGPVJMMFTEVDÙUÏFTUEFMBSVF %FWPVMY  Q 
-FTMJNJUFTEFMBWPJFSPNBJOFEÏDPVWFSUFQFVWFOUÐUSFEÏëOJFTEVOFQBSU HSÉDFËMBTJUVBUJPOEFT
nécropoles ; celles-ci se trouvaient à proximité de la ville, contigües à ses remparts. D’autre part, par le
repérage du tracé de ces derniers.

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Ikosim

Au lendemain de la conquête, des travaux de terrassement visant la création d’une esplanade au-delà
de la porte Bab el Oued (Fig. 1), sur une partie du cimetière des Deys, ont révélé que sous les tombes
musulmanes se trouvaient des sépultures romaines. La présence de ces dernières permet de situer une
nécropole dans la partie septentrionale d’Alger. Un second groupement de tombes fut signalé par des
habitants, en dehors de la porte Bab Azoun (Berbrugger, 1845, p. 45).
Quant aux remparts de la ville, il semblerait que leur tracé ait plus ou moins correspondu à celui
des remparts de la ville turque (Gsell, 1997, p. 2). Si l’on se rapporte aux traces découvertes de murs
d’enceinte romaine constituant le soubassement de l’enceinte turque (Benseddik, 2004, p. 30), la ville
est délimitée par la place Bab el Oued au nord et par le square Bresson, actuelle place Mohamed Touri,
au sud. Cependant, elle n’arrivait pas jusqu’à la partie haute de l’actuelle Casbah, mais elle commençait
à l’instar de cette dernière à partir du rivage10.
En 1845, lors de la réalisation d’une tranchée en face de la rue Jénina, furent découverts des restes
d’un monument antique. Ils sont constitués de deux sortes de piliers superposés dans le sens de leur
longueur (Devoulx, 1875, p. 316). L’année suivante, à l’extrémité sud-est de la rue Bab Azoun, entre
la halle aux grains et la caserne de Bab Azoun, des blocs de béton constituant les assises inférieures
d’un mur turc dont le service du génie eut la charge de réparation furent identifiés comme romains
(Devoulx, 1875, p. 317).

Les découvertes antiques de la seconde moitié du XIXe siècle

En cette seconde moitié du XIXe siècle, outre les nouvelles constructions qui s’élèvent le long de
l’artère Bab Azoun - Bab el Oued, certains édifices majeurs de la rue qui échappèrent à la destruction
connaissent des transformations visant à les adapter aux nouvelles affectations (Hadjilah, 2014). Par
BJMMFVST EFTCÉUJNFOUTQVCMJDTTPOUDPOTUSVJUTTVSMFTUFSSFTFOHMPCÏFTEBOTMBOPVWFMMFFODFJOUFEF
Ces travaux ont constitué un second moment de découvertes archéologiques. Ils ont, de plus, apporté
de nouveaux éléments à la connaissance des vestiges dévoilés dans la première moitié du XIXe siècle.
En 1851, un autre tronçon de la voie romaine est mis au jour lors du creusement des fondations
d’une arcade de consolidation réalisée en prévision des constructions qui devaient s’élever sur la par-
celle délimitée par les rues Bab el Oued et Neuve Jénina11 (Devoulx, 1875, p. 387). La découverte de ce
tronçon revêt une importance particulière, car celui-ci constitue la jonction avec une autre voie romaine
découverte en 183712.
Un autre tronçon de la voie romaine a été découvert en 1858, lors de l’ouverture d’une tran-
DIÏF ËMBOHMFEFMBSVF#BCFM0VFEFUMBSVF$MÏPQÉUSF13. Son bon état de conservation a permis à
C. Delmarès, alors conducteur des Ponts et Chaussées en charge de ces travaux, d’en établir un relevé
(Berbrugger, 1858, p. 68). A. Devoulx proposa plus tard une reproduction revue et complétée de ce
dernier (Fig. 2).
10 Pour les différentes hypothèses se rapportant aux limites de la ville durant la période antique, voir : Cherif-Seffadj,
2008, p. 50-51.
11 Cette rue n’existe plus. Elle constituait le prolongement à l’est de la rue Jenina (Zouaoui Mokhtar). Elle est englobée
dans le site de la station de métro de la Place des Martyrs.
12 *MTBHJUEVUSPOÎPOEÏDPVWFSUMPSTEFMBDPOTUSVDUJPOEFMIÙUFMEFMB3ÏHFODF ËMBOHMFEFMBSVF.BIPORVJBDPOTFSWÏ
son nom et de la rue Bab el Oued. Voir : Berbrugger, 1845, p. 33.
13 Cette rue n’existe plus aujourd’hui. Elle est, à l’instar de la rue Neuve Jénina, englobée dans le site de la station de
métro de la Place des Martyrs.

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A. Hadjilah — La rue Bab Azoun. Bab el Oued à la période romaine

Fig. 2 - Relevé du tronçon de la voie romaine retrouvé entre la rue Cléopâtre et la rue Neuve Jénina,
par A. Devoulx (BN Alger, Section Manuscrits, Ms n° 3213, f° 21).

Ce tronçon partage avec ceux découverts précédemment les mêmes dimensions avec d’insigni-
fiantes variations dues certainement à la topographie du site. Il permet aussi de constater que la voie
romaine était bordée de part et d’autre de trottoirs de 2,60 m de largeur (Devoulx, 1875, p. 388-387).
Il est à noter par ailleurs que des restes de chaines de pierres de taille ont été relevés en bordure d’un des
trottoirs, attestant de ce fait la présence de constructions riveraines (Fig. 2).
La voie romaine mise au jour ne semble suivre que partiellement le tracé de la rue Bab Azoun - Bab
el Oued. En effet, elle s’en écarte à partir du tronçon retrouvé entre les rues Charles-Quint et Jénina,
actuelle Zouaoui Mokhtar. En prenant la direction ouest, elle longerait la rue Lallahoum et son prolon-
gement la rue Lahemar, toutes deux héritées de la période médiévale, pour rejoindre une porte que les
sources situent 130 mètres plus haut que la porte ottomane Bab el Oued (Devoulx, 1875, p. 513-515).
La voie romaine aboutirait ainsi à la nécropole d’Icosium enfouie sous le cimetière des Deys.
4.JTTPVNMPDBMJTF HSÉDFËVOQMBOEFMBWJMMFEBUBOUEF VOQFUJUEÏUBDIFNFOUËQSPYJNJUÏEF
cette hypothétique porte. Il s’agirait d’une ancienne tour héritée de la période romaine destinée à la
protéger (Missoum, 2003, p. 25). Selon l’auteure, elle apparaît sur une vue de 1830 du rempart nord,
au bout de la première volée d’escalier correspondant au chemin de ronde (Fig. 3)14.
En 1861, les fondations réalisées pour une nouvelle construction située à l’emplacement des dépen-
dances de la Jénina15, ont révélé à la lumière du jour un important matériel archéologique constitué
d’une base d’une colonne d’ordre ionique, plusieurs substructures et même le seuil d’une porte romaine
resté en place (Devoulx, 1875, p. 315-316). A été découvert également un conduit recouvert de très fortes

14 Voir : Missoum, 2003, p. 38, en note n° 47 de l’auteure. Rappelons que les sources s’accordent à dire qu’au nord et au
sud les limites de la ville romaine furent reprises aux périodes médiévale et ottomane.
15 A. Devoulx note que plusieurs pierres taillées d’origine romaine furent retrouvées lors de la démolition du palais de la
Jénina en 1856. Voir : A. Devoulx, 1875, p. 315.

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Ikosim

Fig. 3 - Rue Maringo et Sidi Abderhaman, 1830. Carte postale n° 12, série Vieil Alger. Collection particulière.

pierres et reposant sur de la maçonnerie (Devoulx, 1875, p. 317). Une telle disposition permet de sup-
poser que la voie romaine recouvrait un égout axial.
En 1862, le creusement des fondations du lycée qui devait s’élever en dehors de l’enceinte turque,
sur une partie du cimetière des Pachas a induit la destruction de tombes musulmanes et a causé de
plus, la perte définitive de sépultures romaines qui se trouvaient en-dessous (Fig. 1). L’année suivante,
BVNPNFOUEFMPVWFSUVSFEVOFUSBODIÏFËMFNQMBDFNFOUEFDFCÉUJNFOU VOFDIBNCSFTÏQVMDSBMFFTU
découverte (Devoulx, 1875, p. 396). Cet aménagement, creusé dans le sol, constitua une preuve irréfu-
table de l’exactitude de la localisation de la nécropole d’Icosium.
Dans cette seconde moitié du XIXeTJÒDMF SBSFTGVSFOUMFTEÏDPVWFSUFTEFEÏCSJTBOUJRVFTEVDÙUÏ
de la rue Bab Azoun. En effet, il n’y est signalé qu’une seule découverte, celle d’un mur formé d’un
blocage extrêmement dur. Il fut retrouvé en 1870, lors de la démolition de l’ancien lycée aménagé dans
la caserne de janissaires contigüe à la porte Bab Azoun (Devoulx, 1875, p. 318). Ce mur semble appar-
tenir à celui retrouvé en 1845 au même emplacement, à savoir entre cette caserne et la halle aux grains.

SUR LES TRACES D'ICOSIUM

Au début du XXe siècle ressurgissent des considérations hygiénistes ; celles même qui, près d’un
siècle auparavant, ont conduit à la transformation de la partie basse de la Casbah. Ce premier noyau de
la ville européenne devait, suivant le PAEE (Plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension des
villes)16MBJTTFSQMBDFBVYCÉUJNFOUTNPEFSOFT.BJTDÏUBJUTBOTDPNQUFSTVSMF$PNJUÏEVWJFJM"MHFS
qui, sous la présidence d’Henri Klein, entrevoit dans les propositions de son réaménagement un réel
danger pour ses nombreux monuments (Hakimi, 2011, p. 131).
16 L’extension urbaine et le desserrement hygiéniste sont les maîtres mots de ce plan.

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A. Hadjilah — La rue Bab Azoun. Bab el Oued à la période romaine

C’est dans ce contexte qu’on assistera à un


regain d’intérêt pour le passé d’Alger ; son passé
turc, mais aussi antique pour lequel Henri Murat
apporta de nouveaux éléments de connaissance
en explorant les souterrains de la ville.

H. Murat et l’exploration
des souterrains d’Alger

H. Murat livre en 1928 une description


du bagne de Chiobali qui occupait les sous-
sols des maisons mitoyennes à la mosquée d’Ali
Bitchine. Cette dernière se trouve dans l’îlot
formé par les rues Bab el Oued, de la Casbah
(actuelle Soualah Mohamed), Bruce (Hadj
Omar) et Charles-Quint. L’auteur qui visita les
lieux, affirma que le bagne avait survécu aux
travaux urbains entrepris au lendemain de la
conquête. Il le décrit comme un ouvrage de
forme quadrangulaire, ayant une profondeur Fig. 4 - Restitution d’un tracé en lignes
concentriques des vestiges retrouvés au quartier
de 10 m. Les deux étages qui le constituent Lallahoum (Atelier Casbah, 1981, Pl. 02).
couvraient une superficie de plus de 500 m2
(Murat, 1928).
Selon l’auteur, l’origine romaine de ce
bagne est incontestable pour avoir reconnu dans
les murs, des briques formant des chaînages en
arêtes de poisson et ayant les mêmes dimensions
que des briques romaines (Murat, 1928). Cette
construction avait dix longues salles à l’étage,
séparées par des murs mesurant de 1,2 m à 1,6 m
de largeur. Elles reposaient sur la voûte en ber-
ceau recouvrant le rez-de-chaussée qui donnait
sur l’ancienne voie romaine retrouvée sous la
rue Bab el Oued. Chacune de ces salles mesure
7 m sur 3 m de largeur et était percée de petites
ouvertures.
Quant à la vocation initiale de ce bagne,
H. Murat suppose qu’il s’agissait d’un maga-
TJOFOUSFQÙU *M MB KVTUJëF QBS TB DPOëHVSBUJPO
spatiale et sa situation non loin de la porte sep-
tentrionale de la ville. De plus, l’auteur signale
que des fouilles entreprises entre 1919 et 1920 Fig. 5 - Vestiges d’une maison romaine mis au jour en
(Murat, 1935) ont permis la mise au jour de la 1995-1997 (Ph. et traitement A. Hadjilah).

83
Ikosim

Fig. 6 - Fouilles de 2009 et chantier de la station de métro-musée, juin 2015 (Ph. et montage A. Hadjilah).

moitié d’un merlon niché dans le retour du mur de la fontaine adossée au mur de la mosquée. Selon
l’auteur, il s’agit du sommet du mur d’un édifice romain à l’aspect défensif ; il fixe sa hauteur à 3,90 m.
Quelques années plus tard, en 1934, H. Murat situe un ensemble de monuments composé du
forum d’Icosium, d’une partie de la Curie romaine et de l’Icarium ou Trésor. L’auteur, qui ne donne
malheureusement pas ses sources, affirme que la Curie existait encore, du moins partiellement, au XIe
siècle. Il ajoute également que le palais de la Jénina fut construit à son emplacement car il identifie sur
des documents inédits, d’anciennes photographies et dessins du rez-de-chaussée et du premier étage du
palais, des parties antiques formées par des portions de murs en grands blocs percées de fenêtres réso-
lument romaines (Murat, 1934). Cette interprétation est confortée par le signalement de pierres taillées
retrouvées en 1856 lors de la démolition de ce palais (Devoulx, 1875, p. 315).

Les fouilles récentes de la rue Bab el Oued

Dans les années 1980, l’effondrement au quartier Lallahoum d’un îlot d’habitations a dévoilé des
SFTUFTEVONPOVNFOUBOUJRVFEPOUMBGPSNFDJSDVMBJSF 'JH TVHHÒSFOURVJMTBHJUEVUIÏÉUSFEIco-
sium (Missoum, 2003, p. 16). La découverte fortuite de cette substruction atteste de l’importance de la
zone autour de la rue Bab el Oued. C’est ce qui a conduit à l’entreprise d’investigations archéologiques

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A. Hadjilah — La rue Bab Azoun. Bab el Oued à la période romaine

entre 1995 et 1997 dans le quartier Lallahoum17. Bien qu’aucun sondage profond n’ait été réalisé à cette
occasion, des fragments antiques qui se trouvaient quasiment en surface, à 0,5 m de profondeur, ont pu
être dégagés. Il s’agit d’une portion de cour pavée de mosaïque et d’un bassin de forme semi-circulaire,
tous deux, appartenant à une maison romaine (Benseddik, 2004, p. 31).
Ce n’est que récemment, en 2009, que le sol a été exploré à une importante profondeur. Le site
fouillé abritait jusqu’aux années 1950 les immeubles à galeries d'arcades constituant la paroi est de la
SVF#BCFM0VFEFUCPSEBOUMB1MBDFEFT.BSUZSTEFTPODÙUÏOPSE18. Des explorations archéologiques
y ont été menées une année auparavant par le CNRA, et ont contribué à définir deux zones de fouilles
(Planche V ; Fig. 2). La profondeur de 7 m de ces dernières19 a dévoilé plusieurs strates de la ville, allant
de la période romaine jusqu'à la période coloniale.
La première zone de fouilles est située à l'extrémité sud du site (Fig. 6). Elle a permis la mise au jour
EhVOCÉUJNFOUBCTJEBMFOGPVJËDJORNÒUSFEFQSPGPOEFVS EPOUMJSSÏHVMBSJUÏEVQMBOTFNCMFEVFËEFT

17 Ces fouilles avaient concerné en outre le quartier de Zoudj-ayoun (îlot Lallahoum). Il est fait mention également de la
mise au jour dans ce quartier, d'habitations médiévales comportant citernes, puits, silos et dépotoirs. Voir : Souq, 2004, p. 82.
18 Pour l’histoire de la construction de la rue Bab el Oued au XIXe siècle, voir : Hadjilah, 2014.
19 La profondeur de ces deux zones de fouilles a été déterminée à la suite de sondages géotechniques de reconnaissance
du rocher naturel.

85
Ikosim

contraintes topographiques ou urbanistiques (Stiti et Souq, 2010, p. 39-45). Ses restes consistent en :
- deux alignements de bases de colonnes qui dessinent une nef à la largeur irrégulière20.
- un podium positionné dans l’axe de la nef et composé de cinq blocs taillés de 0,25 m de hauteur.
MFTSFTUFTEVOFDMÙUVSFTJUVÏFËNBVTVEEVQPEJVN*MTTPOUDPOTUJUVÏTEFTJYCMPDTNPSUBJTÏT
- une mosaïque polychrome au sol.
Selon les fouilleurs, cet édifice pourrait correspondre à une basilique paléochrétienne datant du
IV siècle (Stiti et Souq, 2010, p. 43). Par ailleurs, il est à signaler que H. Murat situe à son empla-
ème

cement l’ensemble de monuments donnant sur le forum d’Icosium (Murat, 1934), ce qui conforte la
seconde hypothèse émise quant à sa fonction de basilique civile construite au IIème ou IIIème siècle et
faisant partie d’un complexe architectural s’ouvrant sur un forum (Stiti et Souq, 2010, p. 43-44).
La seconde zone de fouilles située au nord de la première (Fig. 5) a permis la mise au jour de ce
qui semble être les restes d’un habitat. Ils sont constitués par quatre murs délimitant un espace à voca-
tion artisanale (Stiti et Souq, 2010, p. 72-77). Il est à rappeler que les fouilles de 1995-1997 effectuées
non loin de la zone 2 ont également révélé l’existence d’une habitation ce qui permet de situer dans
cette partie de la ville un quartier à vocation résidentielle.

CONCLUSION

-BEÏDPVWFSUFTVSMFTQFOUFTCBTTFTEFMB$BTCBI EVDÙUÏPVFTUEFMBSVF#BC"[PVO#BCFM0VFE
BJOTJRVFEFTPODÙUÏFTU EFWFTUJHFTBQQBSUFOBOUËQMVTJFVSTDPOTUSVDUJPOTSPNBJOFTQFSNFUEBïSNFS
que la voie romaine avait une position centrale. Indépendamment des édifices et portions d’édifices
se trouvant en bordure, la situation proche d’édifices publics permet de supposer qu’elle desservait ces
derniers (Planche V ; Fig. 3).
La voie romaine retrouvée était couverte de dalles disposées en losanges, bordée de trottoirs déli-
mités par des parapets, ce qui laisse supposer qu’elle fut destinée à la circulation de voitures. Notons par
ailleurs que sa largeur est plus ou moins constante et atteint les 11 m.
Ce sont là les caractéristiques d’une voie publique. Il est possible donc d’en conclure que l’axe Bab
Azoun - Bab el Oued correspondait plus ou moins, durant la période antique à une via publica, une
des artères maitresses d’Icosium. La couche d’alluvions qui la recouvre semble justifier d’autre part, une
perte de son tracé à la période ottomane.

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