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La Femme Au Temps Des Colonies
La Femme Au Temps Des Colonies
RÉGINE PERNOUD, L a F e m m e a u t e m p s d e s c a t h é d r a l e s .
A paraître
La f e m m e
au temps
des colonies
Stock
Les témoignages inédits dans ce livre ont été recueillis dans le cadre d'une
étude sur le thème « Femmes et colonisation », grâce à une subvention du
ministère des Affaires étrangères, grâce aussi au travail de plusieurs
enquêtrices et à la confiance de nombreux témoins. A toutes celles et tous
ceux qui nous ont aidés, nous tenons à exprimer notre vive gratitude.
Les d e u x e m p i r e s c o l o n i a u x
La part de l'imaginaire
L'orientalisme
La bonne sauvage
Après tout, Joséphine et ses belles amies des Iles, Mme Hu-
lot ou la scandaleuse Mme Hamelin, ne se sont pas signalées
par un excessif puritanisme dans la société parisienne du
Directoire.
La plus extrême licence sévit partout au point que le
Manuel du parfait indigotier recommande à l'économe des
rondes de nuit dans les cases pour empêcher les esclaves
« de s'adonner tant aux larcins qu'aux femmes 17 ». Sur les
plantations, « la ménagère », concubine attitrée du maître,
représente un haut degré de la hiérarchie. On peut ironiser
sur cette dénomination, si peu méritée : « c'est là le moyen
d'envoyer le ménage à tous les diables parce que cette sorte
de femmes ne vous est attachée que pour les dépenses ».
Le terme de ménagère est pourtant employé dans les
textes les plus officiels. Par exemple : un testament
ordonne l'affranchissement de Marie Jeanne Vénus « ayant
toujours servi comme ménagère » ; une affiche annonce la
vente d'une jeune griffonne « qui ferait une parfaite ména-
gère ». Quelquefois noire, le plus souvent mulâtresse, par-
fois libre, la ménagère occupe toutes les fonctions d'une
épouse, mais disparaît lorsque viennent des visiteurs, si le
maître est célibataire. S'il est marié, la situation se com-
plique à peine : la favorite se dissimule dans la domesticité
ou réside à l'extérieur.
On peut suivre, par les péripéties de sa vie sexuelle,
l'ascension d'un de ces petits Blancs, spécialement détestés
des esclaves, à qui les maîtres préférant vivre en métropole
confient l'habitation. D'abord économe accablé de besogne,
il se contente d'une ménagère noire, esclave du domaine,
qu'il conserve peut-être - elle ou une autre - quand il est
devenu « géreur ». Mais s'il parvient au grade de procureur,
« la négresse ménagère est abandonnée pour une mulâtres-
se, qui désole les nègres; c'est presque toujours une chèvre
insatiable ». Cette facilité de se pourvoir à demeure d'une
concubine n'empêche d'ailleurs pas le jeune homme de
fréquenter en ville le bal des mulâtresses, qui n'est ouvert
qu' aux Blancs, et d'asseoir définitivement sa réussite par un
mariage avantageux qui ne va rien changer à son mode de
vie.
C'est là en somme une licence aristocratique, mais à tous
les niveaux sur l'habitation sévit la même pratique. Le
maître propose à un employé blanc de faire un choix parmi
ses négresses. Les commandeurs, qui sont peut-être des
Noirs, se sont constitués « un sérail de négresses nouvel-
les ». Un esclave cède sa femme pour un sou. Comment
pouvait-il en être autrement alors que dans une famille
esclave c'était un honneur insigne qu'une fillette ait attiré
les regards et les désirs du maître!
Chaque bourg ou village peut fournir des prostituées et
même des établissements de plaisir. Saint-Pierre en Marti-
nique, le Paris des Antilles, propose une maison close
« tricolore » avec des Blanches, des Noires et des mulâtres-
ses. Ces turpitudes largement étalées n'ont d'ailleurs pas fini
d'inspirer jusqu'à nos jours maints écrits salaces 18
Qui est en fin de compte responsable de cette perversion
universelle? Car on ne distingue pas moins de treize com-
binaisons raciales, selon des subtilités dans les nuances de
peau impossibles à suivre pour un œil non exercé : quarte-
ronne, métisse, mamelouque, mulâtresse, griffonne, saca-
bra... Ce sont, dit-on, les mulâtresses formellement accusées
de pervertir des hommes vertueux. « Des pères de famille se
ruinent, des jeunes gens se perdent, pour satisfaire ces
femmes lubriques. » Il y eut même au Cap, français en 1788,
un savant médecin naturaliste pour démontrer comment les
femmes de couleur provoquent la mortalité des jeunes
émigrants.
En chanson, voici les conseils donnés aux pères de
famille, soucieux de l'avenir de leurs fils.
L'ÉTERNEL MASCULIN
r é e l », e t p e r m e t t e n t d e m o n t r e r q u e l'on est a u T o n k i n o u à
Tunis. Mais, à côté de ces notations superficielles, toutes les
héroïnes, toutes les « petites épouses » se ressemblent.
C h a c u n e n'est q u ' u n objet, souvent c h a r m a n t , parfois
curieux et déconcertant, jamais digne d ' u n e attention suivie
qui permettrait, au-delà d'elle, u n e a p p r o c h e de la c o m m u -
nauté dont elle est issue. A u c u n e réflexion sérieuse n'est
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Programme de génération ‒ Louis Eveillard
Typographie ‒ Linux Libertine, Licence OFL
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