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AVC : quoi de neuf ?

Marine Cygler

19 juin 2023

Paris, France – Depuis 2015, la thrombectomie mécanique a transformé la prise en charge


de l'AVC avec occlusion antérieure dans la mesure où elle permet d'augmenter la fenêtre
thérapeutique de plusieurs, précieuses, heures par rapport à la thrombolyse. En 2018, deux
études randomisées contrôlées ont même montré qu'il était possible pour certains patients
sélectionnés à l'imagerie de réaliser des thrombectomies mécaniques très tardives, jusqu'à
24 heures après le début des symptômes. En 2021, l'intérêt de la thrombectomie mécanique
a été montré pour l'AVC avec occlusion de la circulation postérieure, notamment celle du
tronc basilaire. Et en 2023, quoi de neuf dans l'AVC ? Le Dr Richard Macrez (urgentiste, CHU
de Caen) a détaillé trois axes de réflexion et d'actualité lors d'une session dédiée au congrès
Urgences 2023 , qui s'est déroulé du 7 au 9 juin à Paris.

Association thrombectomie mécanique + thrombolyse

« Depuis deux ans, on se demande s'il faut associer la thrombectomie mécanique (TM) à la
thrombolyse », a indiqué l'orateur. Autrement dit, la TM associée à la thrombolyse fait-elle
mieux que la TM seule ? Depuis 2020, différentes études (DIRECT-MT, SKIP, DEVT,...) ont
conclu à une absence de différence significative des deux stratégies sur la transformation
hémorragique ou sur la mortalité à un mois.

Mais récemment, en mai dernier, les résultats d'une étude prospective observationnelle
allemande ont montré pour la première fois une différence en faveur de la stratégie
thérapeutique associant la TM à la thrombolyse [1]. « La proportion de décès était
significativement moins importante dans le groupe TM + thrombolyse », a expliqué Richard
Macrez qui, à l'instar d'autres spécialistes, s'interroge sur la discordance de ces résultats
avec ceux des études précédentes. « Il faut peut-être aller voir du côté de la microcirculation
comme le suggèrent les auteurs de cette étude », a-t-il avancé.

Vers quel thrombolytique se tourner ? Actéplase ou ténecplase ?

Deuxième point d'actualité, la question du thrombolytique à utiliser. Habituellement prescrit


dans l'AVC, l'altéplase pourrait-il être remplacé par le ténectéplase ? « Bien connu dans la
prise en charge de l'infarctus du myocarde, le ténectéplase a plus d’affinité pour la fibrine,
présente une demi-vie plus longue et peut s'injecter en bolus », a énuméré le Dr Macrez.
Sans compter que différentes études ont montré que son utilisation n'était pas risquée dans
l'AVC à la dose retenue de 25mg/kg.
Récemment, deux essais randomisés contrôlés multicentriques, AcT [2] et TRACE-2[3], ont
conclu que le ténectéplase ne fait pas plus saigner et n'était pas à l'origine de plus de
mortalité que l'altéplase.

« C'est un vrai avantage de pouvoir utiliser ce traitement puisqu'il est plus simple à manier.
Mais il faut mettre en avant deux problèmes actuels : il est coûteux et en rupture de stock »,
a commenté l'urgentiste normand.

Quelle stratégie de routage choisir dès l'appel au Samu ?

« Le troisième volet de recherche qui occupe la communauté des urgentistes est la stratégie
de routage, mothership ou drip and ship, après l'appel au 15», a continué le Dr Macrez. La
stratégie « drip and ship » consiste à envoyer un secours au chevet du patient, lequel est
transféré dans une unité neuro-vasculaire de proximité ou un centre de télé-AVC. Si
l'imagerie donne une indication pour une TM, il y a alors un deuxième transport vers un
centre de neuroimagerie interventionnelle (NRI) de référence. Dans la stratégie
« mothership », le patient est emmené directement dans un centre NRI.

« Pour identifier facilement les patients éligibles à la TM, il a été proposé de développer des
scores simplifiés issus du NIHSS et simples d'utilisation. En 2021, une étude danoise qui
comparait les différents scores proposés (RACE, G-FAS, LAMS,...) a montré que le score RACE
tirait son épingle du jeu [4] » a poursuivi l'orateur.

Développé pour les professionnels paramédicaux par une équipe de Barcelone, le score
RACE, avec ses cinq questions et ses 9 points maximum, est très simple à apprendre. C'est
donc lui qui a été choisi dans deux essais cliniques randomisés contrôlés comparant les
stratégies mothership et drip and ship.

L'essai RACECAT dont les résultats ont été publiés en 2022, indique une absence de
différence significative entre les deux groupes. « C'est décevant car l'objectif principal de
cette étude en vie réelle était de démontrer qu'il valait mieux emmener un patient
directement en TM », a commenté le Dr Macrez, qui est l'investigateur principal de l'autre
essai toujours en cours – l'étude PRESTO qui compare aussi les stratégies d'adressage. Et de
laisser planer le suspens : « Les résultats ne seront pas les mêmes car nos organisations sont
différentes, nos régions [8 sont impliquées dans l'étude] ne sont pas les mêmes... ». A suivre.

Demain, des Mobile Stroke Units ?

Le Pr Guillaume Turc (neurologue, GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences) a fait une


présentation sur les Mobile Stroke Units (MSU), ces ambulances spécialisées équipées d'un
scanner, dont l'objectif est de réduire le délai entre les symptômes et la reperfusion. « C'est
un concept qui a le vent en poupe avec des expériences dans de nombreux pays », a-t-il
rappelé. De ces expériences, ont été observés différents éléments en faveur des MSU :
réduction importante du handicap, gain de 30 minutes en moyenne pour réaliser la
thrombolyse intraveineuse, traitement de davantage de patients et triage préhospitalier
pour les suspicions d'AVC optimal. Mais aussi des arguments en défaveur de cette approche
ont aussi émergé comme le fait qu'il y a beaucoup de déploiement pour peu de patients
traités, leur manque d'utilité lié au déploiement des centres de TM ou encore leur coût
important. « Sur ce point, il faut savoir que le handicap post-AVC s'élève à 4 milliards d'euros
par an en France. Je pense qu'il faut absolument faire une évaluation médico-économique
de ce dispositif », a indiqué le Pr Turc. C'est l'objectif de l'étude ASPHALT qui vise à recruter
450 patients avec un infarctus cérébral au cours de trois prochaines années. La
randomisation sera faite au moment de l'appel. Dans le groupe intervention, le MSU se
déplacera et il y aura la prise en charge habituelle ; le groupe contrôle bénéficiera de la prise
en charge habituelle. « Il y aura plusieurs critères de jugement principaux : le handicap à
trois mois et le ratio coût-utilité ».

Financements et liens d’intérêts


Le Dr Macrez est investigateur de l'étude PRESTO.
Le Pr Turc a déclaré ne pas avoir de lien d'intérêt.

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