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4/8/2020 Olivier Mongin, La ville des flux ; L’envers et l’endroit de la mondialisation urbaine

Territoire en mouvement Revue


de géographie et aménagement
Territory in movement Journal of geography and planning

36 | 2017 :
La Guyane : enjeux internationaux, adaptations locales
Comptes-rendus de lecture

Olivier Mongin, La ville des flux ; L’envers


et l’endroit de la mondialisation urbaine
Fayard, 2013, 528 pages

P Z
Référence(s) :
Olivier Mongin, La ville des flux ; L’envers et l’endroit de la mondialisation urbaine
Fayard, 2013, 528 pages

Texte intégral
1 L’auteur, qui se présente comme essayiste et éditeur (il est notamment directeur de publication de la revue
Esprit), tente d’approfondir dans cet ouvrage son idée déjà développée en 20051, et même esquissée dix ans
auparavant2, d’une déterritorialisation progressive des villes, qui échappent aux régulations politiques
(l’urbanisme, l’aménagement) et sociétales (l’habiter) et qui se différencient aussi bien entre elles qu’en leur
sein entre « hyperlieux » et non-lieux, du fait de leur insertion dans un vaste mouvement mondial matérialisé
par des flux.
2 L’introduction pose les termes du débat que l’auteur souhaite lancer : devant l’explosion de l’urbanisation
qui est un symptôme de la mondialisation, au sens de changement radical des modalités de fonctionnement
du monde, de circulation des biens, des personnes et surtout des capitaux et de l’information, « nous n’en
avons pas vraiment pris acte, nous nous racontons des histoires pour ne pas trop avoir à le faire. On se
repaît du mot crise pour ne pas admettre ce qui est un changement de monde » (p. 13). On peut décomposer
le mouvement en deux sous-ensembles :
3 -la mondialisation de l’économie est considérée comme une évolution conjoncturelle, où l’on tire avant tout
parti de l’ouverture des frontières, de différences de conditions et de coûts de production entre aires
géographiques parfois éloignées, ainsi que d’une sous-tarification des transports, toutes facilités qui peuvent
être remises en cause à tout moment ;
4 -la révolution numérique, qui est considérée comme structurelle et irréversible.
5 La mondialisation urbaine se situe au carrefour de ces deux sous-ensembles. C’est au sein des villes que
s’entrecroisent des logiques parfois antagonistes qui mêlent l’économie, le politique, l’identité et le patrimoine,
le religieux, etc.
6 Olivier Mongin développe ensuite l’idée de « rupture anthropologique » : l’urbain devient protéiforme, pas
aisément identifiable ; il est partout et nulle part sans revêtir forcément les caractéristiques morphologiques
traditionnellement établies. Le sentiment d’appartenance s’en trouve forcément atténué, l’idée qu’il faut
réguler ces ensembles en expansion également. Les modes de vie et les attentes des populations qui en
découlent s’exercent aussi bien en milieu urbain traditionnel qu’en milieu rural en voie de colonisation, avec
des nuisances accrues et un risque écologique croissant. Au bout du compte se profile une « urbanisation sans
urbanité », marquée à la fois par le morcellement mais aussi par l’émergence d’un style global pastichant des

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éléments emblématiques à l’infini (pour créer un effet de vitrine), sans rechercher une structuration
d’ensemble plus harmonieuse et davantage intégratrice. Cette banalisation des paysages et des symboles, qui
s’accompagne d’une course à la visibilité et à l’attractivité économique, qui met à mal l’imaginaire urbain des
habitants au profit de celui des touristes et des gens d’affaires.
7 Pour autant, les agglomérations ne se réduisent pas à leurs morceaux emblématiques : de vastes pans
d’urbanisation émergent en dehors de toute légalité, y compris dans les pays anciennement urbanisés. La
place de l’informel doit donc être discutée, surtout si les autorités publiques n’ont pas les moyens de
l’éradiquer.
8 De cet ensemble de considérations préliminaires, largement appuyées sur la littérature scientifique mais
aussi sur des visions d’architectes voire de cinéastes, émerge une proposition de classification complexe dans
la mesure où l’auteur distingue trois tendances lourdes, huit « figures urbaines » et trois « dispositions
spatiales ». Les trois parties de l’ouvrage, qui peuvent être lues indépendamment les unes des autres, tentent
de conjuguer l’ensemble de ces catégories dans un souci d’interrogation globale sur l’état actuel du processus
d’urbanisation-mondialisation et sur son devenir.
9 La première partie se focalise sur le rôle des flux et de la vitesse. Olivier Mongin pose en premier lieu la
question lien entre la déterritorialisation et l’habiter. Il part pour cela de la définition de l’habiter, longtemps
réduite par les politiques au seul logement alors qu’elle a de nombreuses dimensions d’ordre relationnel,
comme les rapports entre intérieur et extérieur, public et privé, etc. L’espace public et le monde commun sont
en voie de désaffection du fait du « recul structurel du dehors au profit du dedans » (p. 61). Cela tient, selon
l’auteur, à une enfilade de politiques urbaines nées lors de la première révolution industrielle, développées
sous la houlette des hygiénistes puis des fonctionnalistes, avant que l’État social ne s’en empare, et qualifiées
d’ « urbanisme antiville » (p. 73). L’édifice est pensé comme objet technique, la rue et les piétons sont exclus
des plans, la mixité sociale n’est pas recherchée –bien au contraire ! Les tentatives de correction ultérieures ne
sont pas jugées convaincantes et ne font pas l’objet de longs développements, ce qui donne à penser au lecteur
que l’ensemble de l’urbanisation contemporaine est dominée par la pensée fonctionnaliste, alors même que
l’auteur minimise de fait sa portée par le faible nombre de réalisations strictement conformes au modèle.
Vient ensuite une réflexion sur l’intrusion du virtuel et des TIC, très historique et assez proche de ce
qu’écrivait Gabriel Dupuy en 1991 dans l’Urbanisme des réseaux. On saisit bien que l’habitant est multi-
connecté, qu’il appartient désormais à une « société des écrans », que le privé et le public s’entremêlent et que
l’expérience virtuelle est à portée de clavier (pp. 89-93). Mais on a plus de mal à en voir les conséquences sur
les modes d’habiter, ni même sur les pratiques de la ville qui pourraient en résulter. Le second lien exploré est
celui entre vitesse et expérience spatio-temporelle. L’auteur part de considérations sur la perception du
paysage à partir d’un mobile circulant à vitesse élevée, faisant une généalogie de la vitesse basée sur de
nombreuses et diverses sources du XVIIIe siècle à nos jours, mode par mode. Suit un développement sur le
processus de « liquidation » dont la terre fait l’objet (dans un double sens : juridique et économique), du fait
du caractère désormais central des espaces maritimes dans un monde globalisé (zones de non-droit que les
États essayent de conquérir sur leurs marges) et de la marchandisation de l’ensemble des ressources
terrestres ; sur la globalisation comme détachement du globe et fin de la géographie ; sur la révolution
technique (notamment Internet et la mise en réseau globale) comme source de prolifération des possibles. La
première partie s’achève par une explicitation des trois concepts de non-lieux, hyperlieux et milieux. Dans
tous les cas, il s’agit de produits d’un processus de déterritorialisation. Les non-lieux sont des zones tentant
d’échapper à toute forme de contrôle (inabordables, interstitielles), comme les zones de piraterie maritime ou
le deep web. Les hyperlieux sont au contraire ceux qui donnent le plus à voir, à s’exhiber : « leur ambition est
de se démarquer du contexte proche pour mieux s’articuler au réseau immatériel et invisible » (p. 134). Les
milieux au sens d’Olivier Mongin sont plus difficiles à appréhender : entrent dans cette catégorie les
manifestations politiques qui surviennent contre toute attente sur la base d’une mobilisation sur les réseaux
virtuels, la matérialisation des réseaux sociaux sous une forme ou sous une autre sur le territoire.
10 La seconde partie, intitulée « Une urbanisation à plusieurs vitesses », traite de la contradiction entre une
mondialisation urbaine créant des signes de ville génériques (quartiers d’affaires, centres commerciaux, gares
TGV monumentales et autres ronds-points) et une vie interne locale fondée sur la connexion et l’établissement
de relations entre habitants, souvent perturbée par l’émergence d’enclaves huppées et de séparations internes
plus ou moins matérialisées. Assez touffue, elle passe en revue différentes thématiques :
11 -la recherche des limites de l’urbain généralisé : « la “dissémination“ spatiale va de pair avec des processus
de dissociation et de démarcation » (p. 154). En prenant l’exemple de la ville américaine « nomade et
rampante », de la domestication initiale de territoires présumés vierges à l’étalement urbain puis à la
communautarisation résidentielle (gated communities), l’auteur tente de démontrer que le nomadisme reste
un mouvement de fond et que l’urbain n’est qu’un lieu de passage dans un parcours de vie. Le nomadisme est
ensuite élargi à la mobilité internationale avec la figure du clandestin, bloqué par de multiples limites et
condamné à l’invisibilité. Dans un souci de comparaison avec la ville européenne, Olivier Mongin tente une
différenciation entre paysages vernaculaires et paysages véhiculaires. Les premiers, « territoires striés à
visibilité forte » (p. 170) sont liés au pouvoir politique et au temps long, alors que les seconds, « lisses à
visibilité faible », sont façonnés par les habitants mais faiblement organisés. L’éclatement et l’hétérogénéité
apparents sont à relativiser du fait de l’importance des connexions, d’où un développement sur l’idée que les
fonctions urbaines, concept né de l’urbanisme industriel, cèdent désormais la place aux connexions, avec une
place éminente des transports. « Dans un urbanisme de secteurs, les transports ne sont plus une fonction à
côté d’autres fonctions, ils sont l’élément déterminant et constitutif de tous les secteurs » (p. 173).

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12 -la connexion des flux : c’est dans ce chapitre qu’est détaillé le concept d’hyperlieu. Pour commencer,
l’auteur tente un historique des circulations en ville, de la rue médiévale à la ville connectée, montrant que la
modernité passe progressivement des lieux de représentation du pouvoir aux lieux du transport et de la
connexion (ce qui est visible dès la fin du 19è siècle). L’urbanisation contemporaine s’organise autour de la
connexion, qui n’est plus forcément la relation au centre des villes. Les connexions mettent en relation des
modes de communication qui fonctionnent à des vitesses et à des échelles différentes, et par extension un
hyper-urbanisme (connexion des hyperlieux entre eux avec des vitesses et des débits élevés) avec un hypo-
urbanisme (boucles locales) (p. 187).
13 -l’extension du domaine du contrôle : la multi-connectivité entre individus et entités de toutes sortes
échappe au contrôle des pouvoirs publics, qui multiplient les tentatives de reprise en main (comme c’est le cas
vis-à-vis des flux circulant sur Internet) pour que le réseau ne devienne pas un non-lieu propice à toutes sortes
d’activités illégales. On note également des stratégies de maîtrise des flux physiques qui permettent à de petits
États comme Singapour ou Dubaï de devenir des plaques tournantes incontestables. D’autres acteurs, cette
fois-ci privés et à vocation commerciale, tentent des opérations du même ordre sur les réseaux de circulation
d’informations, de façon à valoriser le transit des données, leur archivage ou leur exploitation à des fins
diverses. Ces tentatives de contrôle se traduisent par la mise en place de dispositifs de filtrage voire de
décryptage et d’interception des flux, avec une certaine perméabilité entre intérêts étatiques et intérêts
purement commerciaux. Demeurent hors de tout contrôle (et de toute connexion ?) de vastes territoires à
toutes les échelles, que leur enclavement semble plonger dans un chaos relatif (toutes les zones de tensions
géopolitiques actuelles, si l’on en croit l’auteur).
14 -des connexions à plusieurs vitesses : l’auteur explore les différentes dimensions du transport maritime,
notamment les lieux de rupture de charge, en passant en revue les différents facteurs de succès de ce
mode (conteneurisation, flux tendus) et en notant que les métropoles portuaires figurent parmi les plus
dynamiques et que l’instauration de nouvelles routes valorise des lieux jusqu’ici peu fréquentés, et dévalorise
par ricochet les escales délaissées. À l’échelle des villes portuaires, les activités de transit se coupent
physiquement du reste de l’agglomération qui entre dans un processus de patrimonialisation (pp. 214-217).
Est ensuite abordé le transit aéroportuaire, à la fois hyperlieu de connexion des flux en développement
régulier, mais aussi filtre hautement sécurisé. Puis l’auteur ramène le lecteur dans la ville globale et branchée,
sur la base de la typologie établie par Saskia Sassen, réalisant un approfondissement sur Dubaï, ville-État
globalisée ex nihilo, dont les gestionnaires ont avant tout misé sur la connexion à toutes les échelles, au risque
d’une fragilité accrue. « Dubaï est une ville folle de ses hauteurs, une ville qui voit trop haut, une ville qui a
perdu le sens du bas. Pour une raison simple : elle n’a pas d’habitants […] » (p. 227). Le périple d’Olivier
Mongin nous emmène ensuite sans transition au réseau ferroviaire, et au rôle de connecteur joué par les gares.
La gare-TGV singeant l’aéroport est opposée à la gare traditionnelle environnée de friches, vision très franco-
centrée car la plupart des pays européens disposent de réseaux bien mieux intégrés où l’on essaie au contraire
de multiplier les connexions entre échelles et vitesses de desserte. Si la gare de Shanghai mérite que l’on s’y
attarde, elle n’est représentative que du rôle de vitrine que le pouvoir chinois entendait faire jouer au réseau
ferroviaire à grande vitesse, développé à marche forcée au prix de nombreuses concessions dans le domaine de
la sécurité, et freiné depuis dans son élan initial par un grave accident qui a mis au jour la face sombre de son
développement explosif. Les japonais ont eu une approche plus fonctionnelle et pragmatique qui s’est traduite
par moins de monumentalité (au point qu’il est parfois difficile de discerner les gares de leur environnement)
mais une attractivité majeure des lieux de connexion. Viennent ensuite des considérations sur les ronds-
points, l’urbanisme sectorisé (villes nouvelles et extensions urbaines assimilées) pour terminer par
l’émiettement périurbain (à la fois paysager, social et politique) et celui qu’introduisent au sein des grandes
métropoles les enclaves privées sécurisées et les bidonvilles.
15 -villes en suspens et villes enclavées : ce dernier chapitre traite du sentiment d’appartenance des habitants
et de l’imaginaire qui peut être sécrété par les villes, en abordant un certain nombre d’exemples comme
Kinshasa, la favela de Rocinha (Rio) ou la ville-marché d‘Iquitos (Amazonie). Ces villes qui n’ont été conçues
que par leurs habitants, loin de toute planification, sont considérées comme des laboratoires de la
mondialisation urbaine (p. 272). Elles incarnent une transposition des mœurs villageoises dans un univers
apparemment urbain, qui vit selon ses propres règles et qui recourt à un imaginaire protecteur à travers la
sorcellerie, la magie, la religion, en l’absence de toute présence des pouvoirs publics. Ces développements
spontanés s’opposent à l’urbanisation chinoise, sous contrôle permanent, mais aussi sous une pression
migratoire en provenance du monde rural sans équivalent.
16 La troisième et dernière partie entend donner des idées d’action et de pensée à contre-courant du
mouvement dominant de mondialisation urbaine précédemment décrit. Apparaît alors la figure de l’architecte
qui crée de la durée dans un univers en mouvement perpétuel, celle du paysagiste, désormais valorisé en ce
qu’il corrige par des espaces publics de qualité les défauts de l’urbanisme. La diversité des paysages, qui ont
inspiré de nombreux intellectuels comme Claude Lévi-Strauss, ou des cinéastes comme David Lynch ou Abbas
Kiarostami (abondamment cités), crée des sensations de tous ordres. Les sites naturels inhabités et grandioses
sont de l’ordre du patrimoine ; il en est de même pour les lieux qui ont été habités et qui ne le sont plus. Ils
témoignent d’un monde passé, et n’ont d’autre fonction que celle de se trouver là où ils sont. La place des
monuments est également évoquée : créent-ils un contexte à l’image des œuvres sculpturales et architecturales
de Doha ? Modifient-ils le regard porté sur un contexte urbain comme semble le faire la Tour Eiffel décrite par
Roland Barthes ? L’auteur va de sculpture en sculpture dans les Tuileries et ailleurs, puis fait l’apologie des
jardins, ensembles de signes en représentation (p. 315). Olivier Mongin nous invite ensuite à considérer le

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paysage urbain comme un milieu paradoxal, dans la mesure où la ville, qui n’a cessé de se construire en
opposition à l’ancien substrat campagnard et forestier, tend à devenir une nature artificielle. Mais que
considérer comme un paysage urbain ? Les lignes d’horizon lointaines sont rares, la vision est rapidement
bornée. Les morceaux de ville juxtaposés sont difficiles à appréhender dans leur ensemble, même
partiellement. En revanche, la mobilité –notamment pédestre - permet de les ressentir successivement en
sollicitant différents sens, d’où le terme de « mobilité multisensorielle » (p. 323). La mobilité a également une
dimension mentale : la ville se raconte, la toponymie révèle des visions du territoire, une culture urbaine se
révèle. D’où l’intérêt de promouvoir une « mondialisation par le bas » : « la métropole n’est pas condamnée à
être aspirée par le global si elle valorise ce qui la rend locale et ne se comporte pas comme une ville globale ou
globalisée parmi d’autres » (p. 337). Elle doit être portée par des récits, parier sur le contexte, s’insérer dans
un Grand Paysage, à l’image du Grand Paris initié par Antoine Grumbach. On en arrive à la politique d’image
telle que définie par notre collègue Michel Lussault, avec ses composantes narrative, géographique et politique
durablement associées. Afin d’illustrer son propos, Olivier Mongin entraîne ses lecteurs à Bogota pour y
découvrir l’œuvre architecturale de Rogelio Salmona. Elle se caractérise par une recherche d’accord avec le site
(entre petits et grands paysages urbains) pour offrir une expérience sensorielle (silence, son, lumière, ombre,
etc.), une conception de l’espace public comme préalable à toute réalisation (les bâtiments sont mis en scène,
l’espace public les magnifie tout en donnant l’impression de les mettre à l’écart du reste de la ville, et le souci
de créer avant tout pour les habitants des logements ou des biens communs accessibles au plus grand
nombre : Archives, Université, bibliothèque, etc.
17 Les derniers sous-chapitres traitent successivement de la condition métropolitaine et des pratiques des
espaces publics. Les métropoles se trouvent devant une alternative (p. 358) : soit évoluer vers le morcellement
(du fait notamment de l’autonomisation du périurbain), soit vers une reconfiguration à vocation inclusive
redonnant un minimum de solidarité entre territoires inclus dans les flux et territoires réfugiés dans l’entre-
soi. Olivier Mongin pose à juste titre la question de la taille des métropoles : entre la proclamation d’un statut
administratif éponyme (cas français) qui s’applique à partir de quelques centaines de milliers d’habitants, et
les mégapoles décamillionnaires, le grand écart est patent. La taille est-elle un critère suffisant, même en la
pondérant selon le continent ? L’auteur propose une définition associant taille et aspects plus fonctionnels
comme l’existence d’un réseau d’infrastructures permettant des liaisons intercontinentales ou la capacité à
intégrer des ressources dans un territoire. On peut également y distinguer une dimension stratégique (état
supérieur de la condition urbaine ?) où le souci de cohérence globale est associé à celui plus traditionnel
d’efficacité. Cette cohérence passe par une remise à sa juste place de l’automobile génératrice de coupures et
favorisant la privatisation de sous-ensembles, à une accessibilité accrue des différentes fonctions urbaines
combinant différents types de réseaux opérant à des vitesses elles-mêmes variées. La compacité urbaine
redevient une vertu (p. 364) et l’Université doit redevenir centrale au moins au sein des grands réseaux
métropolitains (connectivité universitaire). Se pose enfin la question du gouvernement des ensembles
métropolitains, en s’appuyant sur l’exemple du Grand Paris (p. 372) et ce qu’en disent d’éminents collègues
comme Pierre Veltz, Michel Lussault ou Philippe Subra. La légitimité démocratique des constructions
institutionnelles est insuffisante et les inégalités qui peuvent en résulter doivent être compensées par des
mesures de péréquation (p. 378). La place de l’État doit enfin être questionnée, dans un contexte
d’affaiblissement du pouvoir central et de volonté d’affirmation des métropoles dans leurs domaines
d’excellence. La réflexion finale sur les espaces publics et la place des monuments découle de ce
questionnement (p. 383 et suivantes). Les lieux de pouvoir se font plus discrets et la dématérialisation
générale rend le rapport à la monumentalité plus ténu. Les nouvelles monumentalités semblent être plutôt
l’expression de la puissance économique des villes et l’expression d’intérêts privés : l’auteur se réfère à juste
titre aux gratte-ciels et autres malls des pays émergents. Le rôle de la rue est également questionné : sur-
réglementée mais en même temps privatisée, elle constitue un enjeu de mise en relation des fonctions et des
populations (p. 394). Pour autant, elle ne peut constituer à elle seule l’espace public au sens large. Tout bien
commun, lieu de connexion, espace culturel, voire hôpital, doit être raccordé à l’espace public. Les espaces
verts, friches en attente de réutilisation et autres délaissés urbains ont vocation à en faire également partie.
L’auteur va même jusqu’à proposer que tout ce que l’urbanisation diffuse a rejeté au dehors soit intégré à
l’espace public (p. 405). La démonstration, après un détour peu convaincant sur les nouvelles modalités de la
patrimonialisation et la nouvelle génération de musées qui se construit de Lyon à Dubaï, s’achève par un
plaidoyer pour la reconnaissance des paysages : « L’idée n’est pas d’opposer le local et le global, mais
d’inscrire les flux globalisés dans le local entendu comme rareté et comme pluralité de paysages et de
pratiques d’habiter ». Et par un appel au rééquilibrage entre local et global.
18 Au final, un ouvrage brillant, bien troussé, où la réflexion fait appel aux contributions de nombreux
géographes, mais qui perd le lecteur en cours de route du fait de la multiplicité des détours, diverticules et
autres digressions incidentes qui affaiblissent l’ambition du départ.

Notes
1 Mongin O., 2005, La condition urbaine ; La ville à l’heure de la mondialisation, Paris : Seuil, 325 p.
2 Mongin O., De Portzamparc C., 1995, Vers la troisième ville, Paris : Hachette, 140 p.

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Pour citer cet article


Référence électronique
Pierre Zembri, « Olivier Mongin, La ville des flux ; L’envers et l’endroit de la mondialisation urbaine », Territoire en
mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne], 36 | 2017, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le
04 août 2020. URL : http://journals.openedition.org/tem/4428

Auteur
Pierre Zembri
Université Paris Est Marne-la-Vallée

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