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Philippine BLAJEAN

DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ


« Le DIP, science des élites, le DIP spéculation, absconse et stérile. Adulée par les uns, honnie par les
autres, le moins que l’on puisse dire, c’est que le DIP laisse rarement indifférent ».

INTRODUCTION

Un français domicilié en France vend une voiture à un marocain domicilié au Maroc. Pour des raisons
de commodité géographique, la vente est conclue et exécutée en Espagne. L’acquéreur marocain
découvre un défaut sur la voiture et souhaite engager une action en GVC contre le vendeur fr. Quel
juge est compétent ? Quelle loi applicable ?
=> Si le juge fr rend un jugement qui condamne le vendeur fr, mais celui-ci se refuse à exécuter sa
condamnation, alors qu’il possède également des biens au Maroc : l’acquéreur marocain créancier,
peut-il faire reconnaitre et faire exécuter le jugement français au Maroc = question de l’effet des
jugements étrangers.

Question des mères porteuses et de la GPA = en FR c’est prohibé par l’article 16-7 CC = principe d’OP
d’indisponibilité du corps humain. Du pdv fr, la GPA est nulle, mais d’autres pays considèrent que
c’est légal et réglementé. Le processus de GPA se termine par une décision du juge californien qui
établit la filiation légale de l’enfant avec les parents d’intention, et nie le lien de filiation biologique
avec la mère porteuse.

- Hypothèse 1 : des époux californiens ont recours à une mère porteuse en Californie. L’enfant
nait en Californie et 10 ans plus tard la famille vient vivre en France. Va-t-on reconnaitre en fr
le lien de filiation de cet enfant alors qu’il n’aurait pas pu être établi en fr ?
Un droit régulièrement acquis à l’étranger selon la loi étrangère peut-il être reconnu en fr
alors qu’il est contraire à l’ordre public ? La CC dit que oui, car droit acquis conformément à la
loi étrangère sans fraude.

- Hypothèse 2 : un couple de français programme un voyage procréatif en Californie où ils


réalisent une opération de mère porteuse. Juste après avoir obtenu le jugement californien
établissant qu’ils sont les parents de l’enfant, ils rentrent en fr et demandent la transcription
du lien de filiation sur les registres de l’état civil fr. La même question se pose que dans la
première hypothèse. La CC dans un premier temps retient que le lien de filiation ne peut pas
être retranscrit car il y a eu fraude. Or, la fraude corrompt tout et sanction = inefficacité.
Dans une affaire subséquente dit que le lien de filiation est contraire à l’ordre public
international fr.
Or les droits de l’enfant sont ignorés : sources supranationales ont influencé la JP fr en
matière de GPA. La Fr a été condamnée par la Cour EDH, mais elle ne va pas jusqu’à obliger
de reconnaitre. Mais elle a invité les juridictions des Etats membres à adopter une opinion
nuancée. Ce qu’elle condamne c’est le refus de filiation à l’égard du père biologique.

La JP de la CC a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on transcrit les liens de filiation nés de GPA à


l’étranger.

PARAGRAPHE 1 : DÉFINITION DE TRAVAIL DU DIP

Le DIP est un ensemble de règles qui régit les rapports de droit privé à caractère
international.

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A) Un ensemble de règles
Il se divise en trois blocs = règles de compétence judiciaire internationales ; règles de conflit
de lois ; règles relatives aux effets des jugements étrangers.

B) Des rapports de droit privé

Dans un premier temps, le DIPv se distingue du DIPb, par la nature des sujets de droit
concernés. Cette approche doit être nuancée, il y a des points de contact entre les deux
matières (des personnes publiques peuvent parfois être concernées par des règles de DIPv) .

Distinction juri imperii / juri gestionis : la personne publique qui agit dans le domaine privé
ne peut plus se prévaloir de son immunité de juridiction et tombe sous les règles
internationales privées.

Est-ce que le DIPb influence d’un pdv normatif le DIPv? CPJI, 7 septembre 1927, Lotus : la
Cour précise que le DIPb ne défend pas à un État dans le ressort de son territoire d’exercer
sa juridiction s’agissant de faits survenus hors du territoire.

C) L’internationalité de la situation

C’est une condition d’applicabilité des règles de DIPv = si le rapport n’est pas international,
on applique le droit interne.

Plusieurs manières de constater l’internationalité :


- Internationalité subjective : elle se présente comme telle à l’organe étatique qui
contemple une situation.
Deux époux italiens domiciliés en Italie : du pdv du juge italien c’est du droit interne, mais
pour le juge fr c’est un rapport au moins étranger. Le juge fr constate le caractère étranger et
cet élément d’extranéité suffit à déclencher l’applicabilité du droit étranger.

- Internationalité objective : est objectivement internationale une situation qui met en


cause deux ou plusieurs pays par ses éléments intrinsèques.
La situation du vendeur fr + acquéreur marocain avec vente en Espagne = différentes
nationalités, et lieu d’exécution du contrat : la situation est toujours internationale .
L’élément d’extranéité doit être pertinent.
Cass. Civ.1ère., 4 octobre 2005, Keller Grundbau GmbH c/ EDF => un contrat de sous-
traitance avait été signé avec une société ayant son siège en Allemagne, ce qui constituait le
seul élément d’extranéité. En effet, l’opération de construction devait être réalisée en FR, au
profit de sociétés françaises par l’intermédiaire de l’établissement de la société Keller en fr,
lequel était devenu une société de droit fr pour la poursuite de ses activités. Est-ce que le seul
élément d’extranéité est suffisant ? La Cour a jugé que non, pas de caractère international.

- Internationalité économique : arbitrage international commercial (= mode normal de


règlement des litiges) il présente des avantages que ne présente pas la justice étatique.
Il est plus confidentiel (préserver le secret des affaires), c’est une justice sur mesure
(parties peuvent re-calibrer comme elles veulent).

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Dans le domaine spécifique du contrat commercial international et de l’arbitrage


commercial international, le droit fr adopte un critère économique. La JP retient qu’il
« faut qu’il se rapporte à une opération qui ne se dénoue pas économiquement dans un seul
pays. Il faut constater un flux de valeurs par-delà les frontières ».

PARAGRAPHE 2 : LES SOURCES DU DIP

Il existe une formule paradoxale en DIP : « le DIP est international par son objet, mais national
par ses sources ».
Il y a autant de droits internationaux privés que d’États, c’est un droit national qui
s’applique aux relations internationales privées (primauté des sources nationales au sens
chronologique du terme = les premières sources sont nationales).

Il y a une très grande diversité des règles internationales privées, car le DIP est une
prolongation du droit privé étatique. Ce phénomène de diversité porte le nom de
« particularisme des DIP ».
=> Néanmoins, des efforts sont faits pour harmoniser les règles de DIP au niveau
supranational.

A) Les sources de droit interne

Historiquement, en France, la loi est une faible source du DIP, la JP et la doctrine sont les
principales sources.

1. La loi

En France, il n’y a pas de code de DIP. Il y a déjà eu 4 projets de code DIP en 1950, 1960,
1967 et en 2022.
Sur le plan du conflit de loi, dans le CC en 1804 on a l’article 3. Mais d’autres règles
s’intègrent avec des réformes : loi 3 janvier 1972 sur la filiation qui introduit dans le CC une
règle de conflit de loi en matière de filiation. Même chose avec loi divorce 1975 + loi sur
l’adoption en 2001 + loi mariage pour tous 2013.

Sur le plan de la compétence internationale des tribunaux FR = art. 14 et 15 CC : le juge FR


est compétent si : le demandeur est FR ou le défendeur est FR.
Lacune => le juge fr serait incompétent pour les litiges concernant des personnes qui n’ont
pas la nationalité, mais qui résident en FR. Cette lacune sera comblée par l’extension à la
matière internationale des règles de compétence territoriale prévues dans le CPC aux art.
42 à 46.

Effet en fr des jugements étrangers : art. 509 CPC = la loi ne prévoit pas les conditions « Les
jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont
exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi » => JP qui
construit.

2. La JP

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Les grands arrêts du droit international privé, B. Ancel, Y. Lequette, Dalloz + revue critique DIP (RCDIP) +
JDI Lexisnexis.
Donc dans le silence de la loi = JP.

3. La doctrine

La doctrine émane des professeurs de droit, magistrats en DIP (Jean Pierre Ancel par ex pour le
projet de code DIP 2022), avocats... Elle permet de replacer les arrêts dans leur contexte, de
leur donner une portée.

Chaque État a son propre DPI ; néanmoins, cela peut donner lieu à des situations bancales
ou claudicantes.
Sur la capacité matrimoniale : si un État la soumet à la loi de nationalité, mais un autre à la loi du
domicile = conditions différentes, donc mariage valable dans un État et nul dans un autre . « Il serait
inadmissible qu’en passant d’un État à un autre, un homme perde ses qualités d’enfant légitime,
d’époux, de père de famille, qu’il avait régulièrement acquises ».

Il faut passer par l’unification des règles de DIP, cet effort d’harmonisation du DIP se
constate au niveau conventionnel et européen.

B) Les sources de droit international

Il y a des conventions internationales élaborées sous l’égide de La Haye, créée en 1893. Elle
favorise l’élaboration de conventions internationales de DIP (en matière de protection des
mineurs, de produits défectueux, d’accidents de la circulation de protection des majeurs incapables,
d’obligations alimentaires) = donc règles uniformes.

La convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la


reconnaissance, l’exécution, et la coopération en matière de responsabilité parentale, et de mesures
de protection des enfants. Donc assez complète. L’article 5 prévoit que la compétence juridictionnelle
revient à l’État de la résidence habituelle de l’enfant : tous les autres États saisis vont se déclarer
incompétents.

Convention du 15 juin 1955 sur la loi applicable de vente d’objets mobiliers corporels. Elle est moins
complète car ne concerne que la loi applicable mais permet d’unifier les solutions en la matière.

Il existe aussi des conventions bilatérales, comme avec le Maroc sur les conditions de
reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers.

Aussi, la CEDH influence et se veut une vraie source de plus en plus présente du DIP.

C) Le droit de l’UE

Le TFUE a autorisé l’UE à « assurer la compatibilité des règles de conflit de lois et de compétence
ou de procédure civile ».
Sur cette base, le législateur européen a élaboré plusieurs textes de DIP en matière de
compétence (règlement Bruxelles I bis en compétence civile et commerciale, et Bruxelles bis II
refondu en matière de séparation divorce et responsabilité parentale) et de loi applicable (Rome I

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en matière d’obligation contractuelle, Rome II sur l’obligation non contractuelle, Rome III sur la loi
applicable au divorce, et Rome IV sur la loi applicable aux successions).

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PARTIE I : THÉORIE GÉNÉRALE DES CONFLITS DE LOIS


Comment réglementer les rapports de droit privé à caractère international ? Diverses
méthodes envisageables : méthode directe (méthode des règles matérielle de DIP) ou indirecte
(méthode des règles de conflit des lois) . Il en existe d’autres, et parfois, elles se combinent les
unes aux autres au sein d’une même règle.

TITRE I : LA DIVERSITÉ DES MÉTHODES

CHAPITRE 1 : LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS


La règle de conflit de lois peut se présenter sous deux jours différents.

PARAGRAPHE 1 : LA RÈGLE DE CONFLIT UNILATÉRALE

Attribuer un caractère unilatéral à la règle de conflit c’est considérer que l’objet de cette
règle est de déterminer le champ d’application dans l’espace de sa propre loi.
=> C’est, par conséquent, limiter l’objet à la seule désignation de la loi du for.

Le postulat de l’unilatéralisme, est que, chaque loi ne doit être appliquée que
conformément à la volonté de l’Etat qui l’édicte.

RÈGLE DE CONFLIT UNILATÉRALE : consiste à déterminer le champ d’application dans


l’espace de la loi nationale.

Il existe une difficulté, qui se traduit par un :


- Conflit positif = vocation de plusieurs États à voir leur loi appliquée, donc vocations
concurrentes
- Conflit négatif = quelle est la loi applicable ? Le juge va se déclarer incompétent, s’il
pense que ses lois nationales ne s’appliquent pas.
Art. 309 CC : règle de conflit unilatérale en matière de divorce = plus
applicable, car règlement européen en 2012.

Le point de départ est la loi et on définit son champ d’application dans l’espace.

L’art. 3 CC dans sa version de 1804 pose des règles unilatérales : Al 3 : « Les lois concernant
l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger » = la loi
FR concernant l’état et la capacité des personnes suit les FR en quelque lieu qu’ils se
trouvent. Lacune = elle suit les français, mais pas les étrangers en fr.

L’art 3 a été bilatéralisé par la JP, le critère d’applicabilité dans l’art 3 = la nationalité.
Bilatéralisation => on applique la loi de la nationalité de la personne.

Le protagoniste de cette affaire = Mr Busqueta = moine capucin espagnol qui défroque (s’enfuit de
son ordre), il s’enfuit et arrive en Fr. Il essaie d’obtenir ses papiers en Fr mais n’y arrive pas. Il
rencontre une américaine en fr qu’il épouse, sans lui révéler son passé. Il essaie de revenir en Espagne
après le mariage. Son épouse réalise qu’il lui a caché son passé donc elle demande au juge fr

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l’annulation du mariage. Elle invoque l’incapacité du moine à contracter le mariage. Quelle est la loi
applicable à la capacité matrimoniale de Busqueta ?
En première instance, le tribunal applique la loi du domicile( = loi française), qui considère que la
qualité d’ecclésiastique n’est pas un empêchement donc mariage valable.
La Cour de Paris applique la loi nationale = loi espagnole = la qualité d’ecclésiastique est un
empêchement donc mariage nul. Donc bilatéralisation de l’article 3 alinéa 3 du cciv.

L’alinéa 2 « Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française ».
Bilatéralisation => les immeubles sont régis par la loi de leur situation.

Troisième voie envisageable : bilatéraliser les règles de conflit de lois.

PARAGRAPHE 2 : LA RÈGLE DE CONFLIT BILATÉRALE

La règle unilatérale suffit à savoir si la loi du for est applicable ; alors que la règle bilatérale
permet de savoir si c’est la loi FR ou étrangère qui est applicable.

A) Structure

La règle de conflit bilatérale est affectée à une catégorie de rapports de droit et elle
comporte un rattachement correspondant aux particularités de cette catégorie.

CATÉGORIE RATTACHEMENT
État et capacité Nationalité
Droits réels immobiliers Situation
Contrat Volonté des parties (si pas prévu = lieu
d’exécution du contrat)
Mariage (fond/forme) Fond : nationalité
Forme : lieu de conclusion
Délits Lieu du dommage

B) Caractères de la règle bilatérale

1. Les caractères traditionnels (la règle « savignienne »)

Théorie puriste « savignienne » = dégagée par Savigny (père du bilatéralisme).

a) Une règle bilatérale, abstraite et neutre

La règle est bilatérale (elle met toutes les lois sur un pied d’égalité et elle les départage d’une
manière abstraite et neutre), abstraite (critère de rattachement, ne se préoccupe pas du contenu
des lois en conflit) et neutre (ne poursuit pas un objectif substantiel de faveur d’une partie ou d’une
autre).

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b) La « crise » de la règle (savignienne) de conflit de lois

Crise sous l’influence de la doctrine américaine du milieu du 20e siècle, selon cette dernière,
la règle de conflit savignienne est critiquable à tous égards :
- Trop abstraite : il faut prendre en considération le contenu des lois en présence pour
réaliser une forme de justice substantiellement juste
- Trop neutre : elle néglige le fait que les conflits de lois sont de manière sous-jacente
des conflits de politique législative
- Elle est bilatérale : au lieu d’être unilatérale.

CA de New York, 1963, Babcock c. Jackson : les époux Jackson résidant à NY partent faire un
road-trip en Ontario avec Babcock résidant aussi à NY. Accident de la route et les époux et B ne sont
plus amis et Babcock assigne M. J en affirmant que sa négligence avait causé l’accident =
responsabilité délictuelle.
=> En matière de délit la loi applicable est celle du lieu de réalisation du dommage
(Ontario) : raisonnement bilatéraliste neutre et abstrait.

Le juge américain n’a pas raisonné de cette manière. Époux NY, ami NY, voiture immatriculée à NY,
accident en Ontario comme il aurait pu être n’importe où. Est-ce que c’est juste de lui appliquer la loi
de l’Ontario ? Celle-ci interdirait par ex d’assigner en justice alors que la loi de NY lui permettrait. La
CA de NY considère que non = raisonnement très concret et pas neutre ni abstrait = applique la loi de
NY.

2. Les exigences contemporaines et les infléchissements de la règle bilatérale

a) La clause d’exception

Dans un cas comme l’exemple vu précédemment de NY : désignation défectueuse de la loi


applicable par la règle bilatérale.
L’esprit de la règle de conflit bilatérale : elle appartient à une catégorie et correspond à un
rattachement qui conduit à désigner la loi qui présente les liens les plus étroits avec la
situation.
=> Parfois, ce critère aboutit à désigner une loi qui ne présente pas les liens les plus étroits
comme dans le cas de NY = c’est résolu par le mécanisme de la clause d’exception en DIP.

CLAUSE D’EXCEPTION : intervient lorsque le juge a mis en œuvre la règle de conflit de lois, a
désigné une première loi comme applicable, mais constate qu’une autre loi entretient des
liens manifestement plus étroits avec le rapport de droit. La clause d’exception permet au
juge d’appliquer cette loi en écartant la première.
=> On retrouve cette clause dans les sources européennes, et la CJUE qu’elle devait être
exceptionnel et pas un outil de retour dissimulé d’un arbitraire du juge.

Donc dans l’exemple de NY, le juge ne peut pas se contenter de dire : il faut montrer que c’est
manifestement plus étroit et répertorier les liens.

b) La règle de conflit à coloration matérielle

Elle poursuit des objectifs substantiels contrairement à l’autre.

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Art. 11 du règlement Rome I sur règles de conflit de lois en matière d’obligation contractuelle = si on a
une question de validité d’un contrat : conditions de fond et de forme ; donc il faut distinguer la loi
applicable à chaque condition. Art. 11 concerne les lois applicables aux conditions de forme de
validité du contrat. Il donne deux chances au contrat d’être valable pour préserver la validité du
contrat.

Cet objectif passe par la modification de la structure de la règle de conflit :


- Plus un rattachement unique mais un rattachement alternatif
- Rattachements cumulatifs
- Rattachements hiérarchisés ou en cascade (comme en matière d’obligation alimentaire)
- Rattachements orientés vers la protection d’une partie : la règle de conflit de lois ne
peut plus être neutre lorsque la relation est intrinsèquement déséquilibrée, comme
les contrats d’adhésion ou contrat de travail par ex . La règle doit tenir compte de la
position de faiblesse dans laquelle se trouve une des parties, donc rattachement à la
loi la plus familière.

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CHAPITRE 2 : LES MÉTHODES ALTERNATIVES


Trois méthodes différentes.

PARAGRAPHE 1 : LA MÉTHODE DES RÈGLES MATÉRIELLES DE DIPV

Il s’agit d’une méthode directe de réglementation des rapports internationaux, elle ne


suppose pas de passer par l'intermédiaire d’une règle de conflit de lois. Ces règles
matérielles de DIP fournissement directement la réponse au problème de droit privé qui se
pose.

Ex du contrat de vente entre le fr et marocain en Espagne. Le fr assigne le marocain en GVC.


Le défendeur dit que l’action est prescrite. Question : est-elle prescrite ? Si méthode des
règles conflictuelles : on cherche la loi applicable à la prescription. Si règles matérielles : on a
directement la réponse. Mais il faut que tous les États aient les mêmes règles. Donc des
règles contenues dans des conventions internationales mais c’est compliqué de tous se
mettre d’accord. Donc il en existe dans des secteurs particuliers = commerce international.

A) Le domaine des règles matérielles

Il existe des règles matérielles en droit des effets de commerce : conventions en matière
d’affacturage, de credit-bail, de lettres de change, de chèques, etc. Aussi des règles
matérielles en matière de transport international : routier, maritime, ou aérien = « jus
mercatorum ». Il existe diverses sources : sources internes, conventions internationales ou
institutions internationales (CNUDCI), règles sous l’égide de l’institut international pour
l’unification du droit privé (unidroit). Autre source : usages professionnels.

B) Rapports entre les règles matérielles et les règles de conflit de lois

Si j’ai une règle en DIP en matière de vente internationale je l’applique directement = exclue
la règle de conflit de lois. En réalité ce n’est pas toujours aussi clair. Les rapports entre la
méthode des règles matérielles et la méthode des règles de conflit dépendent de la source.

1. Règles matérielles de source nationale

a) Source législative

Elles sont très rares en fr. Mais article 1343-3 cciv qui concerne le paiement. « Le paiement,
en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros.// Toutefois, le paiement
peut avoir lieu en une autre monnaie si l'obligation ainsi libellée procède d'une opération à
caractère international ou d'un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le
paiement aura lieu en devise s'il intervient entre professionnels, lorsque l'usage d'une
monnaie étrangère est communément admis pour l'opération concernée ».

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Parfois le législateur peut intégrer une disposition matérielle en complément d’une règle de
conflit de lois = combinaison entre les deux méthodes. Exemple : article 370-3 du cciv sur la
filiation adoptive.

b) Source JP

LIZARDI => donne lieu à un arrêt de la Chambre des requêtes 16 janvier 1861, Mr. Lizardi
est un citoyen mexicain qui à l’époque des faits avait plus de 21 ans, mais moins de 25 ans.
A l’époque la loi Fr fixait la majorité à 21 ans, tandis que la loi mexicaine fixait la majorité à
25 ans. En France, il achète des bijoux à des joailliers, mais au moment de l’achat, il ne
dispose pas des fonds permettant de régler le prix des bijoux, de fait il souscrit des billets à
ordre (= reconnaissance par le débiteur qu’il doit une certaine somme d’argent à son
créancier, somme qu’il s’engage à payer à une date fixée) et des lettres de change (= ordre
donné par le créancier au débiteur de lui payer une certaine somme d’argent à une date
déterminée).
Il agit en nullité des ventes pour incapacité, en se prévalant de la loi mexicaine de sa
nationalité. La règle de conflit de loi, l’état et la capacité d’une personne sont régies par la loi
de nationalité de cette personne ; donc on consulte la loi mexicaine qui fixe la majorité à 25
ans. Au moment des faits il avait moins de 25 ans, donc il était incapable et la vente est nulle.
=> La Cour de Cass a jugé que Lizardi devait payer les sommes dont il était débiteur,
« les engagements contractés par un étranger, mineur selon sa loi nationale, mais
majeur selon la loi française, envers un marchand français n’en sont pas moins
valable si le français a agi sans légèreté, sans imprudence et avec bonne foi. »

Art 13 Rome I « Dans un contrat conclu entre personnes se trouvant dans un même pays,
une personne physique qui serait capable selon la loi de ce pays ne peut invoquer son
incapacité résultant de la loi d'un autre pays que si, au moment de la conclusion du contrat,
le cocontractant a connu cette incapacité ou ne l'a ignorée qu'en raison d'une imprudence de
sa part. »

Cass, Civ., 1ère, 20 décembre 1993, Dalico => « en vertu d’une règle matérielle du droit
international de l’arbitrage (droit français de l’arbitrage international qui contient pleins de
règles matérielles car impose le pdv FR sur l’arbitrage), l’existence et l’efficacité de la clause
compromissoire s’apprécie d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire
de se référer à une loi étatique »
On veut inciter les parties à choisir la France comme siège de l’arbitrage, puisque ça permet
d’apporter des contentieux à grands aspects financiers aux cabinets français.

On observe une éviction claire de la méthode conflictuelle lorsque la méthode des règles
matérielles est applicable.

2/ Règles matérielles de source internationale

CV sur la vente internationale de marchandise (ConvNU), cette conv a pour ambition de


porter une loi uniforme sur la vente internationale de marchandise (droit privé international
de la vente internationale de marchandise = spécifique à l’internationale ça devient
l’équivalent du CC).

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Elle détermine elle-même ses conditions d’applicabilité : s’applique directement lorsque


chacune des parties à la vente est ressortissante d’un État signataire.
Lorsque l’une des parties n’est pas ressortissante d’un État signataire, on repasse par la
méthode conflictuelle (si la règle de conflit désigne la loi d’un État parti à la CV, on applique
la CV, puisqu’elle se veut incorporée à la loi de cet État. À l’inverse, si elle désigne la loi d’un
État non membre, on applique la loi de cet État et pas de la CV.
=> rapport combinatoire, on utilise les règles matérielles et conflictuelles.

PARAGRAPHE 2 : La méthode des lois de police

Cela relève de la méthode unilatérale, il s’agit pour l’OJ français, de définir le champ
d’application international de certaines dispositions matérielles impératives dans l’OI
(étendre le champ d’applicable des règles impératives des normes de l’ordre interne au sein
de l’ordre international).

Certaines dispositions internes accèdent çà la super impérativité de loi de police ne raison du


but qu’elles poursuivent ; en raison d’une politique législative qui impose pour son efficacité
que ces dispositions soient impératives y compris en matière internationale.

A) La notion de loi de police

1. Définition abstraite

Phocion FRANCESCAKIS : LOI DE POLICE : « lois dont l’observation est nécessaire, pour la
sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique, du pays qui l’édicte ».

Cette définition a été reprise par la CJUE, 23 novembre 1999, Arblade ; puis en substance
par le règlement Rome I en son article 9 « Une loi de police est une disposition impérative
dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels
que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à
toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi
applicable au contrat d'après le présent règlement. ».
=> spécificités :
- Du but poursuivi (sauvegarde),
- Méthodo
- Éviction de la règle de conflit de lois.

Art. 7 projet code DPI reprend à peu près cette définition, mais reste flou.

2. Contenu

Les dispositions qualifiées de loi de police peuvent aussi protéger des intérêts privés, mais
reste abstrait (en protégeant des intérêt pv on protège des pb et inversement).

Cela consiste à étendre le champ d’application d’une loi FR à des rapports internationaux,
en fonction d’un critère.
=> Rare qu’un législateur prévoit expressément une disposition de loi de police

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On sait que l’on est en présence d’une loi de police lorsque l’on est en présence d’une
délimitation spatiale.
EX : Droit français, Art. L711 – 2 Code de la conso quelle que soit la loi applicable à la dette, il
faut des conditions d’applicabilité spatiale.

C’est la JP qui a dégagé au fur et à mesure des contentieux, un certain nombre de lois de
police :
- CE, 29 juin 1973, Compagnie internationale des wagons-lits => société Belge qui
exerce des activités en France.
=> Le CE a décidé de lui appliquer, impérativement, l’article 21 de l’ordonnance du
22 février 1945 sur la représentation des salariés et comités d’entreprise. Elle est
appliquée comme une loi de police, car elle met en œuvre le principe de valeur
constitutionnel de participation des salariés à la détermination des conditions
collectives de travail.
- Cass. Com., 8 janvier 2022 => règles FR régissant l’action en revendication à
l’encontre d’une société soumise à une PC ouverte en FR, qui sont soumises
impérativement au droit FR. Le droit FR des PC vise à permettre la sauvegarde de
l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif.

- Ch. Mixte., 30 novembre 2007 => (confirmé par Cass. Com. 27 avril 2011) = la loi du
31 décembre 1975 relative à la protection du sous-traitant est une loi de police, car
c’est une loi de sauvegarde de l’organisation économique du pays.

- Cass. Civ 1ère., 8 juillet 2020, Expédia => la Cass retient explicitement la qualification
de loi de police de l’article L442-6 I 2° et II d) du CdC sont des lois de police
concernant les pratiques commerciales déloyales (l’abus de dépendance éco est donc
une loi de police). Vient mettre fin à une controverse tirée de Monstercable.

La cour de justice de l’UE a eu l’occasion de dégager des lois de police européennes :


- CJCE, 26 octobre 2006, Mostaza Claro => a qualifié la directive euro de 1993 sur la
protection du consommateur contre les clauses abusives comme loi de police euro.

- CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar => en matière de pratique et concu déloyale, les art.
17 et 18 de la directive sur les agents commerciaux qui prévoient des dispositions
protectrices qui sont qualifiées de lois de police. Critère de l’exercice sur le territoire
de l’UE qui permet de soumettre un contrat a une loi de police alors qu’il est de base
soumis à la loi d’un état tier.

Exemple de différentes applications :


- La loi de modernisation de l’éco du 4 aout 2008 a modifié les règles relatives au délai
de paiement, qu’elle cherche à raccourcir à 45j. l’objectif est de protéger les petits
fournisseurs et d’assainir l’éco. Si un fournisseur fr, entre dans un contrat soumis à
une loi étrangère qui prévoit un délai de 60j, quel est le risque si on impose le délai ?
pour le client ce n’est pas attractif, donc il ira voir un autre fournisseur étranger pour
avoir un meilleur délai de paiement.

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Philippine BLAJEAN

3. Spécificités méthodologiques

Elles s’appliquent immédiatement, dans le sens où elles s’appliquent indépendamment de


l’intermédiaire de la règle de conflit de loi (l’application de la méthode conflictuelle est
subordonnée à la vérif préalable qu’aucune loi de police n’est applicable à l’espèce).

Les lois de police sont une méthode d’application unilatérale, unilatérale et immédiate de la
loi FR, qui exclue le recours à la méthode de conflit de lois. La loi de police s’applique sur le
point qu’elle tranche, mais pour le reste elle laisse les lois du for.

B) Le régime / la mise en œuvre des lois de police

1. Les lois de police du for

Ces lois ne s’appliquent pas si immédiatement que ça, pour qu’une loi de police du for
s’applique, il faut qu’un certain lien de proximité avec le for existe, cette exigence de
proximité se traduit par l’existence de critère d’applicabilité des lois de police. Ces lois de
polices nationales sont soumises à des contraintes issues de la JP de la CJUE.

a) Le critère d’applicabilité = lien de proximité

Lorsqu’un tribunal français est amené à rechercher si une loi de police française est
applicable à une situation donnée, il doit nécessairement chercher si cette situation
entrevient dans le champ d’applicabilité de sa loi de police. S’il y a lieu d’appliquer la loi de
police FR, plutôt que de rechercher l’applicabilité d’une loi étrangère, c’est parce qu’il existe
un lien entre le rapport de droit envisagé et le pays du for.

Il s’agit d’une autre version du procédé de rattachement, que l’on connait de la méthode
conflictuelle. Ce rattachement, peut revêtir des formes variées (généralement territoriale) et
se fonder sur des critères comme le domicile en FR d’une partie, le lieu de situation en FR
d’un bien, l’exercice en FR d’une activité pro…

b) Les contraintes européennes à l’application des lois de police nationales

La CJUE considère que l’application d’une loi de police nationale constitue une entrave aux
libertés de circulation. Le juge national lorsqu’il envisage d’appliquer une disposition de sa
loi, comme loi de police, doit non seulement faire ressortir que le rapport de droit entre
dans le champ d’application de sa loi de police, mais en plus il doit procéder à un test de
comptabilité avec le droit communautaire.
=> si la loi de police constitue une entrave aux libertés de circulation, qui n’est pas justifiée
au sens du droit communautaire, alors la loi de police ne peut être appliquée.

CJCE, Arblade => Une entreprise FR qui détachait des travailleurs en Belgique, est-ce qu’une
entreprise qui se trouve en France et qui envoie des travailleurs en Belgique soumise au droit FR de
sécu, doit-elle se soumettre également au droit belge de protection ? Le juge belge avait appliqué son
droit de protection social comme une loi de police. CE principe de double obligation de respect du

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Philippine BLAJEAN

droit du travail du pays d’établissement et de détachement, constitue une entrave a la circulation. Ici
injuste, car l’entreprise FR respectait déjà le droit FR qui se veut très protecteur.
=> la Cour explique que quand bien même on serait face à une loi de police, si elle entrave la
liberté d’établissement de manière injustifiée, le juge doit l’écarter.

Cette compatibilité s’apprécie au cas par cas, donc on est dans un domaine propice à
l’argumentation juridique.

Le plombier polonais : l’employeur s’établit dans un pays avec une loi peut protectrice et envoie ses
salariés en France pour frauder (dumping social).

c) L’influence de la volonté des parties sur l’applicabilité des lois de police

Monster Câble => contrat qui contenait une clause attributive de juridiction et une clause de choix
de loi désignant le juge et la loi de San Francisco. Un litige nait et le demandeur au lieu de saisir le
juge californien, saisit le juge français. Ce dernier doit se dessaisir au profit du juge américain. Mais le
juge français a constaté que le litige entrait dans le champ d’application de l’une de ses lois de police
L442-6 CdC (rupture abusive des relations commerciales).

Cass. Civ 1ère, 28 octobre 2008, Monster Cable => la cass a jugé que « la clause attributive de
juridiction devait être mise en œuvre, des dispositions impératives constitutives de loi de
police, fussent-elles applicables au fond du litige ».

La clause attributive de juridiction est-elle un moyen d’éviter les lois de police ?

Une loi de police est semi-impérative, elle s’applique impérativement si le juge du for est
saisi, mais les parties peuvent dérogées à la compétence du juge du for et ainsi se
soustraire à la loi de police.

2. Les lois de police étrangères

Lorsque la loi de police est issue du for, le juge du for est lié organiquement par la volonté
d’application de la règle en cause ; mais tel n’est pas le cas lorsque la loi de police est
étrangère, puisque le juge du for n’est pas lié organiquement au législateur étranger.

Dès lors, le juge du for n’a pas de raison d’accepter mécaniquement d’écarter sa propre
règle de conflit de loi contenue dans sa loi et de contribuer à l’efficacité de la politique
législative étrangère (juge FR doit appliquer avant tout la loi FR).
=> 2 manières pour qu’une politique législative étrangère s’applique en France.

a) Loi de police est contenue dans la loi étrangère désignée comme applicable par la règle
de conflit de lois

JFR = compétent = qualifie l’infraction de délit = RCL lex loci delicti = loi applicable est
espagnole qui contient une loi de police (disposition contenue dans la loi espagnole désignée
comme applicable = pas applicable en tant que loi mais disposition)

b) Loi de police n’appartenant pas à la loi applicable selon la règle de conflit de lois

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Philippine BLAJEAN

Rome I est la refonte de la Conv Rome de 1980 art 7 : « Lors de l’application, en vertu de la
présente convention, de la loi d’un pays déterminé, il pourra être donné effet aux
dispositions impératives de la loi d’un autre pays avec lequel la situation présente un lien
étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces di»

Cass. Civ 1ère, 16 mars 2010 => contrat de vente de viande bovine FR, a destination du Ghana. Les
vendeurs avaient fait appel à des transporteurs, qui se sont heurtés à une loi d’embargo ghanéenne
contre la viande FR. La loi d’embargo s’apparente à une loi de police. Les transporteurs se sont fait
assignés par les fournisseurs, et ont répliqués qu’ils étaient en impossibilité de livrer. Il se trouve que
c’est la loi FR qui était applicable au contrat. La CA avait retenu que l’embargo n’avait pas de force
obligatoire à l’égard des parties. Les transporteurs demandaient l’annulation au visa de l’art. 1133CC
(nullité pour cause illicite). La CA a dit non, l’embargo n’est pas une cause illicite au sens de 1133 CC.
=> La Cour de Cass a cassé l’arrêt d’appel, en lui reprochant de ne pas avoir envisagé
l’application de la loi ghanéenne comme loi de police étrangère sur le fondement de l’art 7
de la Conv de Rome.

Le règlement Rome I va réduire la possibilité d’appliquer des lois de police étrangère, aux
seules lois de police du pays d’exécution du contrat, à condition qu’elles rendent l’exécution
du contrat illégale.
= double encadrement : origine et effet (seulement celles qui rendent l’application illégale).

CJUE, 18 octobre 2016, Nikiforidis => Savoir si le juge allemand était tenu d’appliquer une loi
grecque de police, alors que la Grèce n’était pas le lieu d’exécution du contrat.
=> CJUE se tient à une lecture stricte de l’art 9 § 3 du règlement Rome I = il est exclu que le
juge du for puisse appliquer des lois de police autres que celle de l’état d’exécution du
contrat ; en revanche, il peut prendre en compte ne tant qu’élément de fait les lois de police
de l’état autre que celui d’exécution du contrat.

Pour faire produire des effets juridiques à une loi étrangère :


- Application = moment de la majeure
- Prise en considération = moment de la mineure

PARAGRAPHE 3 : LA MÉTHODE DE RECONNAISSANCE DES SITUATIONS

A) Pas traité

B) La méthode de la reconnaissance des situations

1. Principe et exemples conventionnels

Le juge FR est saisi d’une question portant sur la validité d’un mariage :

MÉTHODE DE CONFLIT DE LOI RECONNAISSANCE


RCL FOND : loi nationale On se tient au pdv de l’État de célébration,
on ne s’intéresse pas au reste.
RCL FORME : loi du lieu de célébration
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Philippine BLAJEAN

Avec la méthode de la reconnaissance, on tient comme acquise la validité d’un mariage


célébré à l’étranger conformément à la loi étrangère (= méthode de reconnaissance
automatique).

Cette méthode se justifie, par le respect de la prévision des parties, c’est-à-dire leur
croyance dans la validité de la situation cristallisée à l’étranger.

Deux fondements exigent ce type d’infléchissement méthodologiques surtout en matière


personnelle et familiale :
- Art. 8 CEDH => droit au respect de la vie privée et familiale qui implique de veiller à
la continuité transfrontière des situations individuelles (CEDH, 28 juin 2007,
Wagner = adoption valide au Pérou puis annulée au Luxembourg => CEDH veut faire
prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant + estime que les j luxembourgeois ne
pouvaient passer outre le lien juridique créer au Pérou).
- Droit de l’UE => liberté de circulation et d’établissement (CJCE, 14 octobre 2008,
Grunkin-Paul = conflit de loi relatif au nom de famille d’un enfant résidant au
Danemark de nationalité Allemande. En Allemagne, le nom de famille est régi par la
loi et ne permet pas le port d’un double nom. La CJCE a jugé que la liberté de
circulation des individus, s’oppose à ce qu’un pays refuse de reconnaitre le nom
patronimique tel qu’il a été enregistré au sien d’un autre état membre).

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Philippine BLAJEAN

TITRE II LE DÉROULÉ DU RAISONNEMENT CONFLICTUEL


La règle de conflit bilatérale est affectée à une catégorie et comporte un élément de
rattachement, qui permet à la règle de désigner la loi applicable.

CHAPITRE 1 : LA QUALIFICATION (CLASSEMENT DE LA QUESTION DE


DROIT DANS UNE CATÉGORIE DU DIPv)
La qualification est une opération d’analyse juridique, qui consiste à prendre un
élément/fait/acte, et à le faire rentrer dans une catégorie juridique. En DIP, la qualification
est une opération qui consiste à déterminer la nature juridique d’une question de droit, afin
de la rattacher à une catégorie, pour mettre en œuvre le rattachement affecté à cette
catégorie et ainsi désigner la loi applicable.

L’objet de la qualification est la question de droit posée au juge, relève-t-elle de la matière


contractuelle/délictuelle/de droits réels… ? la qualification aiguille vers la règle de conflit de
loi applicable, qui grâce à un élément de rattachement (nationalité, domicile, résidence
habituelle, volonté des parties…) désignera la loi applicable.

PARAGRAPHE 1 : LA LOI APPLICABLE À LA QUALIFICATION

En DIPv, on est confronté au particularisme (= différence de pdv des ordres juridiques sur
une manière de traiter le problème de droit).
La prescription de l’action en justice = en common law elle est rattachée à la question procédurale. En
procédure, c’est régi par la loi du for. A l’inverse, en droit FR, la prescription est une question de fond,
régie par la loi du droit qu’elle concerne. On parle de conflit de qualification, lorsque le système du for
et un autre système avec lequel la situation juridique entretient des liens ne classe pas la question à
résoudre dans la même catégorie.

A) En DIPv national : le principe de qualification lege fori

Ce principe a été posé par l’arrêt ⚠️Cass. Civ 1ère., 19 juin 1955, Caraslanis.
Un grec orthodoxe épouse une française en France, devant l’officier d’état civil, mais pas à l’église. Le
mari prétend que le mariage est nul, en soutenant que « en droit grec la cérémonie religieuse est une
condition de fond du mariage ». En droit français, la cérémonie religieuse est une condition de forme
du mariage.
=> La cour de cass dit qu’il faut statuer au regard de la loi du for

Cass. Civ 1ère, Silvia => la requérante de nationalité italienne souhaitait obtenir l’annulation
d’actes qu’elle avait passé sous l’empire de la démence. La démence concerne-t-elle la
capacité (= loi de nationalité) ou les vices du consentement (= loi applicable au contrat).
=> Cass estime qu’il s’agit d’une question de capacité relevant de la loi nationale de
l’intéressée et donc ici italienne.

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Philippine BLAJEAN

B) En DIPv européen : la qualification autonome

Il est naturel que la règle de conflit de loi (RCL) européenne soit interprétée selon les vues
du droit de l’UE. Ces RCL de l’UE unifie le droit dans tous les pays de l’union, il ne faut donc
pas qu’à l’occasion de l’interprétation de la RCL, chaque droit national puisse introduire des
variations (ruine l’effort d’harmonisation).

La CJUE interprète les textes européens et a recours à des qualifications autonomes (=


qualification détachée des conceptions nationales et qui sont propres à l’ordre juridique
européen).

1. L’exemple de l’action directe dans une chaine de contrats

CJCE, 17 juin 1992, Jacob Handte => chaîne de contrats entre vendeur, acquéreurs et sous
acquéreur, on devait qualifier l’action directe. Les ordres juridiques de l’UE qualifient
différemment entre délictuel et contractuel.

La CJCE retient la qualification délictuelle de l’action directe, en justifiant cela au regard de la


définition du contrat qu’elle va donner : « un contrat est un engagement librement assumé
d’une partie envers l’autre ».
=> En droit Français, c’est une qualification contractuelle, néanmoins, il se doit de respecter
la qualification délictuelle en cas de contrat européen.

2. L’exemple de la responsabilité précontractuelle

CJCE, 27 septembre 1988, Kalfelis => on qualifie l’action en responsabilité précontractuelle,


en action délictuelle, on retient cette vision en France, mais en Allemagne c’est qualifié
comme contractuel.
La matière délictuelle est définie comme « concerne toute demande qui vise à mettre en
cause la responsabilité d’un défendeur et qui ne se rattacher pas à la matière contractuelle ».

PARAGRAPHE 2 : LES DIFFICULTÉS DE QUALIFICATION

A) L’institution étrangère inconnue

CA Alger, 24 décembre 1889, Affaire Bartholo => institution de droit maltais, que le juge français
ne connaissait pas. Étant en cause la quarte du conjoint pauvre, deux époux maltais se sont mariés à
Malte sans contrat de mariage, après ce mariage il s’s’établissent en Algérie et le mari y acquiert un
immeuble. Le mari décède et la veuve réclame sa part dans l’immeuble acquis par son défunt mari
contre une autre héritière du défunt ; elle se fondait sur la quarte du conjoint pauvre.
Le juge français hésitait entre la catégorie succession (= orientait vers la loi FR, suite à la
situation du bien) et régime matrimonial (= défendu par la veuve orientait vers la loi maltaise
du premier domicile des époux), en fonction de la qualification, le rattachement changeait.

Le juge FR va se plonger dans le droit étranger pour comprendre à quoi sert ce droit, la cour
constate ici que cela relève du régime des droits matrimoniaux.

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Philippine BLAJEAN

⚠️Henry Batiffol, Aspect philosophique du DIP

La KAFALA, est une sorte de substitue à l’adoption qui est prohibée en droit musulman. La
réception de cette institution en France, est difficile, on peut hésiter entre adoption ou
tutelle, mais aucune ne respect l’esprit de la KAFALA.

B) La question de droit qui en contient plusieurs

Un veuf réclame ce qu’il lui revient dans les biens de son épouse défunte => il va falloir déterminer ce
qui relève de l liquidation du régime matrimoniale et ce qui relève de la vocation successorale.

Après un divorce, un ex-époux doit à l’autre ex-époux, une prestation compensatoire, le débiteur de
l’obligation alimentaire meurt, cette dette alimentaire se transmet-elle au parent le plus proche du
défunt ? On décompose en deux questions : extinction ou non de la dette au décès de l’époux ? Si elle
ne s’éteint pas, à qui est-elle transmise ? Loi qui régit les effets du divorce, puis la loi successorale
avec la dévolution des actifs successoraux.

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Philippine BLAJEAN

CHAPITRE 2 : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RÈGLE DE CONFLIT


Face à une situation internationale, une hésitation du juge apparait, loi du for ou loi
étrangère ? Pour résoudre cette hésitation, il faut mettre en œuvre une RCL, et pour savoir
laquelle il faut mettre en œuvre, on procède à la qualification.

Il reste 3 hésitations :
- Si aucune partie ne soulève l’internationalité du litige, le juge est-il tenu de soulevé
d’office l’internationalité et de rechercher la RCL applicable ?
- Quel est l’étendue de la désignation de l’ordre juridique étranger par la RCS ?
- Quelles conséquences emporte la modification géographique de l’élément de
rattachement au cours du temps

PARAGRAPHE 1 : L’OFFICE DU JUGE OU L’AUTORITÉ DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE


LOIS

A) L’évolution jurisprudentielle

Évolution en dents de scie :

- Cass, 1959, Bisbal => la Cour juge « les règles FR de conflit de lois, en tant du moins
qu’elles prescrivent l’application d’une loi étrangère n’ont pas un caractère d’OP, il appartient
aux parties d’en réclamer l’application. On ne peut reprocher au juge de ne pas appliquer
d’office la loi étrangère et de faire appel à la loi FR » : si la RCL désigne la loi FR le juge est
tenue de l’appliquer, si la RCL désigne la loi étrangère mais que les parties ne la
réclame pas, le juge FR n’est ps tenu de l’appliquer.

- Cass, 1988, Rebouh & Schule => sur l’Art. 12 al 1er CPC, la Cour pose l’obligation pour
les juges du fond de relever d’office la RCL.

- Cass, 1990, Coveco => la CA avait appliqué la loi FR sans avoir appliqué la RCL qui désignait
la loi étrangère.
La Cass rejette le pourvoi au motif que « les parties n’avaient pas invoquées dans leur
litige une autre loi que la loi du for ; or, le litige concernant une matière qui n’était soumise à
aucune convention internationale et la société Coveco avait la libre disposition de ses droits »
= la RCL doit être appliquée d’office par le juge lorsqu’elle concerne une matière
dans laquelle les parties n’ont pas la libre disposition de leur droit et lorsque la RCL
est issue d’une conv internationale.

B) Les solutions actuelles

1. La distinction des droits disponibles et indisponibles

Cass, 26 mai 1999, Mutelle du Mans => droits disponibles


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Philippine BLAJEAN

Cass, 26 mai 1999, Belaid => droits indisponibles


Si les droits sont indisponibles, le juge doit appliquer d’office la RC ; à l’inverse si les droits
sont disponibles le juge n’est pas tenu de soulever d’office la RCL, même si une RCL issue
d’une convention internationale était applicable.

Cass, Civ 1ère, 11 mars 2009 => divorce avait été prononcé par application de la loi FR et l’ex-époux
fut condamné à verser une prestation compensatoire à son ex-épouse, dont le montant avait été fixé
par référence à la loi FR. Mais les deux époux étaient tous deux marocains, or la FR a conclu avec le
Maroc une ConvIntle le 10 aout 1981 . D’après cette dernière, c’est la loi de la nationalité commune
des époux qui s’applique au regard du montant de la prestation compensatoire.
=> la Cass rejette le pourvoi au motif que « le pourvoi portait sur la prestation
compensatoire, or la convention franco-marocaine ne vise que les effets personnels du
divorce », distinction effet personnel du divorce (droit indispo) et les effets patrimoniaux du
divorce (droit disponible).

Cass, Civ 1ère, 20 mai 2021 => Cass se prononce sur l’office du juge quant à une action en concurrence
déloyale pour des faits survenus en Égypte, les parties s’étaient abstenues de soulever
l’internationalité du litige et d’invoquer la loi désignée par l’Art 6 du règlement Rome II sur la loi
applicable aux obligations non contractuelles.
=> La cour a relevé d’office un moyen fondé à la fois sur l’Art. 12 CPC sur le principe de primauté et
effectivité du droit de l’UE + art. 6 règlement Rome II. La Cour affirme que « si le juge n’a pas, sauf
règle particulière, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu lorsque les
faits dont il est saisi le justifient de faire application des règles d’OP issues du droit de l’UE, telle une
RCL même si les parties ne les ont pas invoquées. En l’espèce, la CA n’a pas mis en œuvre d’office,
comme il lui incombait les dispositions impératives de l’art. 6 du règlement Rome II »
Est-ce tout le DIP européen qui est rendu ainsi impératif ? Il n’est fait aucune référence à la nature des
droits en question dans cet arrêt. On ne connait donc pas bien la portée, à suivre.

2. La théorie de l’équivalence

Admettons, qu’alors qu’il est tenu de soulever d’office la RCL, le juge FR ne le fasse pas et
applique directement la loi FR.
Admettons encore que la loi FR appliquée, et la loi étrangère désignée par la RCL qu’il aurait
dû appliquer ont un contenu équivalent.

L’équivalence permet-elle de sauver l’arrêt d’une cassation pour manquement à l’office du


juge ?

Cass, Civ 1ère, 13 avril 1999, Compagnie royale Belge => affirme que l’équivalence permet de
sauver un arrêt d’une cassation purement formelle. L’équivalence s’entend en ce que la
situation de fait constatée par le juge aurait les mêmes conséquences juridiques entre ces
deux lois.

D’un côté la Cass admet que l’équivalence sauve la décision des juges du fond de la
cassation, mais de l’autre, elle exige que les juges du fond prouvent l’équivalence =
mécanisme étonnant qui fait tomber le bon sens.

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Philippine BLAJEAN

C) L’accord procédural
Des parties qui ne souhaiteraient pas que le juge FR n’applique pas la loi étrangère désignée par la
RCL, peuvent-elles exclure cette loi ?
Les parties peuvent-elles procéder à une exclusion conventionnelle de la loi désignée par la RCL ?

La réponse est oui, dans une certaine mesure.

Cass, Civ 1ère, 19 avril 1988, Roho => litige relatif à un accident de la circulation qui s’est produit à
Djibouti, les parties étaient de nationalité FR et avaient demandé l’application de la loi FR et les juges
du fond acceptent. La partie tenue pour responsable reproche au juge du fond de ne pas avoir mis en
œuvre la RCL de Djibouti.
=> Pourvoi rejeté par la Cass, qui admet que « les parties puissent, pour les droits dont elles ont la
libre disposition demander l’application d’une loi différente de celle désignée par la RCL. » sur le
fondement de l’art. 12 CPC.

Les parties peuvent obliger le juge français à appliquer la loi FR en lieu et place de la règle
désignée par la RCL, grâce à l’accord procédural.

Cass. Civ 1ère, 6 mai 1997, Hannouer International => Art. 12 al 3 CPC est abandonné comme
fondement de l’accord procédural, forme d’automatisation en DIP. L’arrêt réitère que pour
leurs droits dont elles ont la disposition, les parties peuvent s’accorder pour faire appliquer la
loi FR du for. Un accord procédural ne peut donc être fait qu’en, faveur de la loi FR. Un accord
procédural peut prendre une forme expresse ou tacite (= il se manifeste par une abstention
des parties dans le jeu de conclusion d’invoquer la loi étrangère = discutable en cas
d’incompétence de l’avocat).

PARAGRAPHE 2 : LE CONFLIT DE SYSTÈMES ET LE RENVOI

CONFLIT DE SYSTÈME : difficulté

RENVOIE : réponse à la difficulté

A) Position du problème du conflit de systèmes

Le problème du conflit de système peut survenir patres la phase de qualification, de sélection


et de mise en œuvre de la RCL.

Hypothèse où la RCL a désigné une loi étrangère : que faut-il entendre par le terme de loi
étrangère ? S’agit-il seulement de son droit matériel ou bien aussi du DIP étranger ? Lorsque
la RCL désigne un droit étranger faut-il comprendre qu’elle désigne le droit interne étranger
seulement ou bien également les règles de conflit de loi contenu dans la loi étrangère ?

La désignation de la loi étrangère englobe les RCL étrangères, la situation peut alors se
présenter de la manière suivante : le juge constate que la loi étrangère désignée par sa RCL
désigne une autre loi.

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Philippine BLAJEAN

Le juge est alors confronté à un conflit de système (= conflit entre deux règles de conflits de
loi).

La RCL FR désigne la loi anglaise, pour régir la capacité d’un individu de nationalité anglaise
domicilié en France. L’ordre juridique FR retient la nationalité, alors que l’ordre juridique
anglais retient le domicile.

On se demande s’il faut tenir compte du « refus » de la loi étrangère désignée par la RCL FR
et appliquer la loi désignée par la RCL étrangère.

B) Résolution du problème

1. Le mécanisme du renvoie

a) Le renvoie au 1er degré / renvoie retour

Cass. Req., 24 juin 1878, Forgo => le droit FR admet le renvoie au 1er degré en matière
successorale.
Succession d’un français en Allemagne, la loi FR désigne le lieu de résidence du défunt, donc
la loi allemande, qui elle retient la loi de nationalité du défunt.
=> C’est un renvoie retour, puisque l’on opère un renvoie à la loi de départ.

Quand la loi étrangère désignée par la RCL FR opère un renvoie à la loi du for = renvoie
retour

Ce renvoie est admis dans plus matières (filiation…).

b) Le renvoie au 2nd degré

Lorsque la loi étrangère désignée par la RCL FR opère un renvoie à la loi du for, mais que
cette dernière renvoie à une 3ème loi = renvoie au 2nd degré

Le juge FR se prononce sur le statut personnel d’un anglais domicilié au Danemark, la RCL FR en
matière de statut perso à comme critère de rattachement la nationalité. L’individu est anglais, donc la
RCL désigne la loi anglaise, sauf que la loi anglaise en matière de statut perso désigne la loi du
domicile, donc ici la loi danoise.

Ce renvoie est admis dans certaines matières.

Cass, 7 mars 1938, De Marchi => admet le renvoie au 2nd degré.

2. Justification du renvoie

Après l’arrêt Forgo, une partie de la doctrine a considéré qu’il s’agissait d’un abandon de
souveraineté, puisque l’on ne respecte pas la RCL FR. La jp considère avoir trouvé le

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Philippine BLAJEAN

rattachement le plus significatif, procédé semble parfait, mais on le met à mal en cherchant
une règle de conflit étrangère.

De l’autre côté, ils disent que l’on ne peut appliquer une loi étrangère qui ne se reconnait pas
compétente.

La question de souveraineté a été oublié, au profit de justifications plus convaincantes.

La justification la plus noble, qui vaut surtout pour le renvoie au 2 nd degré : celui-ci assure la
coordination des systèmes de DIPv.

La justification la plus pragmatique vaut pour le renvoie au 1 er degré : l’économie


procédurale (on applique la loi du for c’est plus simple).

⚠️a) Justification du renvoie au 2nd degré

L’origine du conflit de système est le particularisme des DIPv nationaux.

L’allemand Raape, a justifié le renvoie au 2 nd degré par un exemple doctrinal, un oncle et sa nièce
suisses se marient en Russie où ils sont domiciliés. Les époux sont sereins car les juges suisse et russe,
appliquent tous deux à la validité du mariage la loi du lieu de célébration, donc russe. Or, au 19e la loi
russe validait les mariages entre oncle et nièce. Les époux viennent vivre en FR, le juge FR est saisi
d’une question relative à la validité du mariage.
=> Le juge FR désigne la loi suisse car ils sont de nationalité suisse, si on accepte d’appliquer
la RCL suisse alors on applique la RCL Russe. Idéale pour l’harmonie internationale des
solutions = coordination des systèmes.

b) Justification du renvoie au 1er degré

Il ne s’agit pas de coordonner les systèmes, mais de faire preuve de réalisme en admettant
qu’il est plus facile et rapide, pour le juge FR d’appliquer la loi FR.

Cass, Req., 1910, Soulié => on affirme que la RCL FR ne souffre d’aucune manière du renvoie
qui est fait à la loi interne FR par la RCL étrangère.

c) Renvoie fonctionnel

Parfois, on justifie le renvoie par l’idée qu’il permet d’atteindre un résultat substantiel donné.

Cass. Civ 1ère, 11 février 2009, Riley => succession ouverte en FR, porte sur des meubles et
immeubles situés en Espagne. On distingue la succession mobilière (= loi du dernier domicile
du défunt : loi FR en l’espèce) et immobilière (= lex rei sitae : loi espagnole).
Morcèlement de la succession, quand on désigne la loi étrangère, on désigne aussi ses RCL,
or la RCL espagnole désigne la loi du dernier domicile, donc la loi FR.

C’est parce que le renvoie permet d’unifier la loi applicable à la succession qu’il est admis en
matière de succession.
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Philippine BLAJEAN

3. Le domaine restreint du renvoie

Le renvoie ne concerne que certaine matière, il est exclu lorsqu’il n’est pas conforme à
l’esprit de la règle de conflit.

Catégories de RCL : statut perso, succession, régime matrimonial, filiation, contrat, mariage…

Le renvoie est exclu dans le domaine de la loi d’autonomie (= loi de conflit selon laquelle la
loi applicable est celle choisi par les parties), on pense ici au contrat + régimes matrimoniaux.

Art. 20 Règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles lorsque le
présent règlement prescrit la loi d’un pays, elle entend l’exclusion du renvoie :
- Dans le domaine de la loi d’autonomie (contrat + régime mat)
- Lorsque la règle de conflit à une finalité substantielle
- Par la RCL elle-même qui limite le champ du renvoie (succession…)
- La RCL désigne la loi qui entretient les liens les plus étroits (clause d’exception)

PARAGRAPHE 3 : INCIDENCE DE LA MODIFICATION DE LA SITUATION JURIDIQUE


SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA RCL

En droit interne, on a un droit transitoire concernant l’application de la loi dans le temps.

En DIP on a plusieurs hypothèses de modifications :


- La règle peut changer dans le temps (succession deux 2 RCL non rétroactivité = règle de
nationalité qui passe en règle de lieu du domicile)
- La loi applicable peut changer (réforme législative dans, la loi étrangère applicable)
- L’élément de rattachement change d’endroit dans le temps (domicile en FR pdt 10 ans
puis en Espagne)

Lorsque c’est la RCL désigné par la loi étrangère qui a changé, on consulte le droit transitoire
de droit étranger.

A) Le conflit mobile

CONFLIT MOBILE : l’élément de rattachement change de lieu dans le temps

Parfois, la RCL tranche la question d’avance et fixe un critère temporel (Art. 311 – 14 CC prévoit
que la filiation est régie par la loi de nationalité de la mère au jour de la naissance de l’enfant).

En matière de meuble, la Cass estime qu’il faut prendre en compte le lieu actuel de situation
du meuble, et non le lieu de situation d’origine (achat d’une voiture en Allemagne en
contractant un crédit, et la banque avait pris une sureté réelle particulière du droit allemand sur ce
bien. Par la suite, la voiture se retrouve en FR, or en FR cette sureté s’apparente au pacte commissoire

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Philippine BLAJEAN

qui était interdit en droit FR. Le juge FR a considéré que la loi applicable était la loi de situation du lieu
de la voiture, ce déplacement dans l’espace, la sureté saute).

B) La fraude à la loi

« La fraude corrompt tout »

Le DIPv est le terrain d’élection de la fraude, parce qu’il est enclin au phénomène de la
frontière. Le sujet de DIPv, par définition, se retrouve face à un paysage normatif immense.

FRAUDE À LA LOI : créer artificiellement un conflit mobile, avec l’intention de soustraire à


une loi l’élément de rattachement.

1. Les conditions de caractérisation de la fraude

L’existence de la fraude est appréciée souverainement par les juges du fond, qui doivent
caractériser 3 choses :
- Un élément matériel = la manipulation d’une RCL
- Un élément légal = la loi normalement applicable
- Un élément intentionnel = intention frauduleuse

a) Un élément matériel de la fraude

La physionomie de la fraude a évolué au cours du temps :


- Agir sur l’élément de rattachement = la fraude à la loi c’est la princesse de Beaufremont
qui fraichement séparée de corps de son prince de mari, dans une France où le divorce est
interdit, obtient une naturalisation de complaisance et devient sujette du duché allemand de
Saxe-Altembourg pour obtenir le bénéfice de la loi locale qui considère les époux séparés de
corps comme divorcés.
=> Arrêt Princesse de Beaufremont, 18 mars 1878, les juges FR ont dit que la
naturalisation était frauduleuse, donc le divorce et remariage étaient dépourvus
d’efficacité en France.

- Agir sur l’élément de catégorie = Cass. Civ 1ère, 20 mars 1985, Caron => Mr Caron
voulait échapper à la réserve héréditaire de droit FR (part dans la succession dont le défunt
ne peut disposer comme bon lui semble, car réservée aux enfants) et dans sa succession, il y
avait un immeuble situé en FR. Mr Caron à crée une SCI à laquelle il a donné en apport
l’immeuble, en convertissant son immeuble en meuble, il a déclenché l’application d’une autre
RCL et donc d’une autre loi.

- Agir sur la compétence juridictionnelle => Cass. Civ, 22 janvier 1951, Weiller =
l’épouse se fait artificiellement domicilier au Canada pour obtenir son jugement de
divorce.

b) L’élément légal de la fraude

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Philippine BLAJEAN

La JP FR s’est montrée ok pour sanctionner la fraude à la loi FR et étrangère. On considère


que dans une version ancienne/obsolète, que l’élément légale est la loi normalement
applicable. Mais, quand on est en présence de la loi d’autonomie, la liberté de choix de la loi
fait obstacle (prétendument) à la caractérisation de fraude à la loi.

c) L’élément intentionnel de la fraude

INTENTION FRAUDULEUSE : élément intentionnel qui rend la manœuvre frauduleuse, alors


que sans élément intentionnel la manœuvre n’est pas frauduleuse.

Un auteur a proposé de considérer que cet élément est le fait de ne pas accepter les
conséquences normalement attachées au changement opéré (ne pas rester sur le territoire qui
a autorisé la domiciliation).

L’élément intentionnel de la fraude résulte d’un faisceau d’indices objectifs concordants.

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