Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
El Mal Un Defie..
El Mal Un Defie..
Un défi à la philosophie
et à la théologie
[compte-rendu]
Löwy Michael
Archives de Sciences Sociales des Religions Année 1987 64-2 p.
323
Référence bibliographique
Le mal, un défi à la philosophie et à la théologie
Vint la sagesse
La gnose et la gnose
anti-gnostique
La théodicée
La dialectique brisée
Karl Barth affirme, dans son livre Dieu et le Néant, que seule une
théologie renonçant à la totalisation, c’est-à-dire. « brisée », est
susceptible de traiter l'aporie du mal. Brisée, elle concède au mal
une réalité incompatible avec la bonté de Dieu. Ce qui doit être
tributaire de Dieu, c'est la seule bonté de la création, d'où est
exclu complètement le cycle du mal. Ce dernier n'est pas une
rétribution, et il n'est pas inclus dans l'idée de la providence : il est
un néant hostile à Dieu. Anéantir le néant est l'affaire de Dieu seul.
En voulant combattre le mal, l'homme le sert. En plus le mal est
déjà vaincu. Mais ce qui fait défaut, c'est la pleine manifestation
de sa défaite. Il en découle l'idée de la permissio : Dieu permet que
nous ne voyions pas encore son règne et que nous soyons encore
menacés par le néant. Pour Barth, le mal n'est pas voulu par Dieu,
car il est engendré par sa « main gauche » : « le néant est ce que
Dieu ne veut pas. Il n'existe que parce que Dieu ne le veut pas».
C'est dire que le mal ne se trouve que pour être un objet de la
colère de Dieu. Ricœur note que cette dialectique brisée se réduit
en fin de compte à un faible compromis. En plus, une telle
manière de penser peut donner lieu à ce que Kant appelle
enthousiasme et folie mystique.
Il est donc plus prudent d'avoir conscience du caractère
extrêmement difficile du problème du mal. D'où la nécessité de le
penser plus et autrement. Pour ce faire, il convient de combiner
l'effort de la pensée, de l'action et des sentiments.
p Penser.
La pensée a révélé le caractère aporétique du mal. Ce dernier est
donc un défi, signifiant à la fois l'échec des systèmes
philosophiques et une incitation à penser plus et différemment.
L'échec n'engendre pas l'abdication devant le problème, mais le
raffinement de la spéculation. Cette aporie, qu'est le mal, fera
l'objet de l'action.
p Agir.
Agir, c'est répondre à la question : que faire contre le mal ? Il s'agit
de penser l'avenir, non d'explorer une origine. Une action éthique
ou politique est en mesure de diminuer les nombres des souffrants.
Mais puisqu'il y aura toujours des victimes innocentes, et qu’il y a
une source naturelle de la souffrance (catastrophes naturelles,
etc.), l'agir n'est pas suffisant.
p Sentir.
Une transformation spirituelle est requise pour percevoir
autrement la souffrance. La lamentation deviendrait alors une
sagesse enrichie par la spéculation. Ricœur en donne l'exemple du
deuil, comme l'a analysé Freud, dans son essai Deuil et mélancolie.
Le deuil est un travail de détachement progressif de tout ce qui
nous lie sentimentalement à notre objet d'amour. Après le travail
de deuil, nous sommes libres et nous pouvons aimer un autre objet.
De même, la sagesse et les spéculations philosophiques seront
une aide spirituelle au travail de deuil. L'objectif ? Opérer un
changement qualitatif de la lamentation et la plainte.
Pour ce faire, Ricœur propose trois stades. Premièrement, avouer
son ignorance, et réduire la plainte au degré zéro de la
spiritualisation : je ne sais pas pourquoi; il y a du hasard dans le
monde, etc. Deuxièmement, articuler une « théologie de la
protestation » : La lamentation se répand contre Dieu. Cette
spiritualisation a son origine dans le cri du psalmiste : « Jusques à
quand, Seigneur ? ». Troisièmement, dissocier la croyance en Dieu
et le besoin d'expliquer l'origine du mal : nous croyons en Dieu, en
dépit du mal.
*CPGE- Salé
Paul Ricœur, «Le mal, un défi à la philosophie et à la théologie»,
éditions Labor et Fides, 2004, 65 pages.