Vous êtes sur la page 1sur 5

La gestion des conflits interlinguistiques

Ahmed Bououd , Université Hassan II Casablanca

1-langue et cohésion sociale

En régle générale, la langue peut être une source de conflit linguistique dans
certaines situations geopolitiques ; Les conflits linguistiques naissent
généralement lorsque différentes langues sont en présence territoriale et en
concurrence symbolique pour être utilisées dans des domaines tels que
l’administration, l'éducation, les médias, les affaires et la culture.

On peut imaginer diverses façons dont la langue peut être source de conflit,
mais la plus réalisable est la politique linguistique qui decrit des situations, dans
les pays ou régions, où plusieurs langues sont parlées, sans spécifications
institutionnelles ni fonctions linguistiques bien précises.

a-en géopolitique, la diversité linguistique est souvent définie comme source de


conflit et de segregation à l’intérieur d’un territoire géopolitique.pour cet effet ,
L’Etat interviendra alors pour gérer et réguler les tensions entre les langues par
la mise en place d’ une Politique linguistique adéquate , soit pour modifier le
corpus ou le statut de la langue en question , soit pour en conforter l'usage,
sinon parfois pour en limiter l’ expansion.

b-.Gestions des multilinguismes : les options des politiques linguistiques portant


sur les situations conflictuelles de contact de langues sont de eux ordres : le
pôle libéral qui prone le laisser-faire et la loi du marché linguistique et le pôle
interventionniste nécissitant l’intervention de l Etat ou de ses institutions.

Quand le multilinguisme devient la source de conflits , les langues ne sont plus


alors de simples instruments de communication mais le symbole linguistique
de la dominance géo-politique, économique ,technologique et sociale ;ce qui
entraine la configuration suivante .

1) Le statut des langues : les conflits sont souvent expliqués par une
répartition inégale et inequitable des fonctions sociales attribuées aux langues
en situation de concurrence. On recontre deux cas de figure : on propulse la
langue dominante aux spheres de l’Etat, à savoir l'administration, l'école, les
institutions économiques, les médias ….. Alors que. la langue dominée se
trouve réservée à la famille, aux communications restreintes et privées ; et à
des degrés variables ,la langue se voit ainsi interdite de toute reconnaissance
institutionnelle, c est le cas de la langue interdite ( le kurde en Turquie),
ignorée (les langues amérindiennes en Amérique), tolérée (le tibétain en Chine),
autorisée (le breton en France), reconnue comme langue nationale (le wolof au
Sénégal, le romanche en Suisse) ; contrairement à cette situation, la langue
dominante ,par certains privilèges et appuis de l’Etat , se proumouvoit au statut
de la langue officille .

2) Le développement géo-économique :. Il est aussi considéré comme le


deuxieme facteur de coflictualisation et de segrégation des langues ,chose qui
a fait naitre deux poles : le pole unilingue représenté par Les pays industrialisés
d'Europe et d'Amérique du Nord qui ont réussi à uniformiser leurs differences
linguistiques , par contre le pole multilingue a opté pour la diversité linguistique
favorisant la babelisation et la balkanisation des Etats et de leurs langues (
certains pays D’ Asie et d’Afrique).

Le facteur économique a permis donc à instaurer une veritable bi-polarité : le


multilinguisme serait l’apanage des sociétés sous- développées
économiquement ,quant à l’ unilinguisme il a été associe à l'homogénéité des
sociétés industrialisées,. au developpement econmique s’ajoute une dynamiqe
géolinguistique des langues qui, sur un espace géographique et territorial,
cherchent à se rapprocher le plus possible par une alliance linguistique (le cas
des langues romanes en Europe) , à la difference des langues afro-asiatiques
menacées de dispersion .

3) Le combat identitaire : La domination de l 'identité linguisico-culturelle se


matérialise par la langue, la race, la religion, les institutions, les arts, les us et
coutumes , qui par une quelconque légétimité cherche à s’imposer et entrer
en conflit avec les identités voisines sans vouloir partager ni la suprématie ni
le territoire. D'où le conflit de préséance et de hierarchie, les exemples des
situations du français et de l'anglais au Québec , de l'arabe et le français au
Maghreb , sont édifiants .

2- conflit linguistique et cohesion sociale :

a – le conflit linguistique : Il y a conflit linguistique quand deux langues


officiellement autonomes s'affrontent et se disputent un territoire pour acquerir
davantage de fonctions sociolinguistiques.
A titre d’exemple et à l’avenir , l’anglais n est-il pas menacé par l’espagnol
aux Etats-Unis et par le chinois dans le monde entier ? Une cartographie
lingusitique, à l’heure actuelle, indique que les enjeux sont essentiellement
politiques, economiques voire idéologiques. Les défenseurs de l’anglais
estiment que toute reconnaissance des langues minoritaires, est une menace
de la cohésion nationale, voire internationale.

Un autre exemple avance que les instruments de la domination et du


pouvoir se maintiennent par les discours linguistiques qui sont devenus un
moyen de s'approprier, de contrôler, de dominer socialement et politiquement.
Le pouvoir donc est une affaire de discours et de style par lequel une minorité,
qui use d'un français « standard », « correct » ou « soigné », dominerait
symboliquement une majorité, qui, elle, s'adonnerait à un usage « populaire »
ou « local » de la langue francaise.

b-le contact et le conflit des langues et des cultures

Rappelons le constat du départ qui stipule que c est dans le contexte du contact
des langues que le conflit linguistique se consolide et se renforce, l’exemple
du catalan, l’occitan, l’arabe, l’amazighe sont des arguments probants, sinon
convaincants. Ce qui entraine, en theorie et en paratique, que les puissantes
langues par leur penchant nationaliste, unitariste favorisent l’unilinguisme au
profit du multilinguisme ; ce nationalisme linguistique repose et s inspire sur le
«mythe de la langue « originelle unique commune à toute l'humanité» . Ce
mythe sera setounu par la pensée nationaliste du siècle dernier qui fait de la
langue, en l’occurrence le francais, l’objet d’une adoration , voire une sacralité
proche de la glottomanie, en établissant un lien organique et indefectible entre
la langue et la nation, faisaant de l'État-Nation un modèle idéal à préconiser ,
ce modele a longtemps sacralisé une langue de l Etat au détriment des autres
langues ,considerées comme regionales et peripheriques , ayant des attributs
depréciatifs et des usages minoratifs comme : « dialectes » ,« patois »
,charabia, baragouin ; les contre-normes sont qualifiées de « fautes » ; à propos
des pratiques « impures » du français , elles sont souvents rejetées hors de
la langue par des formules toutes faites , comme « ce n’est pas français » ; en
définitive , un mauvais usage de la langue sous entend le non respect de la
langue francaise , voire le non respect de la France.

l’idéologie nationaliste française a fait de la langue française une langue


emblématique , vectrice de l’ identité nationale avec une certaine conception
ethnicisante et discriminatoire qui excluent les autres ( sous des appelations
péjoratives comme ,régionaux, banlieusards, populaires, métissés, les hors de
France, les Dom Tom, les francais de l’Afrique ,du maghreb etc.).

Pour cela, elle a posé comme filtre d’accès à la promotion sociale, au pouvoir
politique et culturel, voire économique, le français normé, élaboré par
l’Académie française pour distinguer les dominants (aristocrates et bourgeois)
des dominés (les « provinciaux », les paysans, les ouvriers, les étrangers,
les immigrées, la Diaspora…).

Donc, pour certains, la maîtrise de la langue relève de la cohésion sociale en


permettant aux immigrés et aux etrangés de s’ouvrir su la société francaise et
d’éviter le repli sur soi. Ainsi, l'apprentissage du français peut devenir un moyen
de lutte contre les idées reçues, voire contre le racisme et la xénophobie, ce qui
permettra de favoriser et de promouvoir l’égalité, de lutter contre les inégalités
et les discriminations.

Un autre filtre pour l’octroi de la nationalité françaisest, la France pose


désormais une condition linguistique (la connaissance et la maitrise de la
langue par des tests DALF , DELF ) , alors qu’on peut être né français et ne pas
être francophone et inversement on peut etre francophone sans etre francais ,
les exemples sont multiples : la population d’Outre-Mer ,les enfants d’émigrés
français à l’étranger ou en Franc , prouvent combien la fonction des langues est
investie d’une fonction politique.

Ainsi, on voit que l integration sociale passe d’ abord par l’intégration


linguistique :La langue est un outil indispensable pour accéder à la citoyenneté
et à l’insertion professionnelle ; cet accés permet de participer à la vie de la
cité, de suivre la scolarité , de travailler, de parler la langue du pays d’accueil
d’ accéder à un emploi ; alors un droit à la langue appartient à la famille des
droits économiques, sociaux et culturels.

References webo, bibliographiques

- Henri Boyer , Les politiques linguistiques https://doi.org/10.4000/mots.19891


p. 67-74
-Louis-Jean Calvet Politique linguistique, dans Langage et société 2021/HS1
(Hors série), pages 275 à 280

-Francis Manzano Diglossie, contacts et conflits de langues ... A l'épreuve de


trois domaines géo-linguistiques : Haute Bretagne, Sud occitano-roman,
Maghreb, Cahiers de sociolinguistique 2003/1 (n° 8), pages 51 à 66

-Jean William Lapierre , Les conflits linguistiques dans l’Etat unitaire, Dans Le
Pouvoir politique et les langues (1988), pages 133 à 164

Ahmed Bououd , Rabat , Mars 2023.

E mail : bououd1@yahoo.fr Site : bououd.e-monsite.com

Vous aimerez peut-être aussi