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analyse et prospective | futuribles La lutte contre les discriminations Le batiment a énergie positive Désindustrialisation ou modernisation ? TELE yy Alain Maugard, Jean-Christophe Visier, Daniel Quénard * Le batiment a énergie positive Le réchauffement climatique et les risques de pénurie d’énergies fos- siles sont deux des enjeux majeurs auxquels les sociétés modernes, et Ia planéte dans son ensemble, auront a faire face au cours du XXF siécle. Outre les nécessaires efforts & faire en termes de consommation indi- viduelle, de transports ou de techniques de production industrielle, un secteur conserve encore dimportantes marges d’amélioration de ses capacités en matiére énergétique : celui de Vhabitat. Comme le montrent, dans cet article, trois acteurs du secteur tra- vaillant pour le CSTB (Centre scientifique et technique du batiment), de nombreuses techniques existent déja et pourraient encore progresser concemant d'une part le renforcement des économies dénergie, d'autre part le développement de capacités autonomes de production déner- gies renouvelables, dans les habitations. Lutilisation de matériaux spécifiques (capteurs solaires, doubles vitrages, isolants..), le développement des « batiments @ énergie posi- tive » : autant de pistes techniques proposées par ces spécialistes de la question, qui montrent combien le secteur de habitat est sous-exploité pour Vamélioration du bilan énergétique, en France en particulier (Allemagne et la Suisse étant trés en avance en ce domaine). Dot un certain nombre de propositions, ici formulées, visant @ encourager les pouvoirs publics a mettre en place divers dispositifs d’incitation des citoyens a opter pour un habitat « intelligent » du point de vue énergétique. so. 1. Respectivement : président du CSTR (Centre scientifique et wechnique du bitiment); chef de [a division Automatiames ct gestion de Ténerpie, déparement Développement durable, CSTB ; chef dela division Caracterisation physique dee matériaux, département Enveloppe et revtements da CSTE 39 fiauribles n° 304 - janvier 2005 _2.aueston du changement climatique est devant nous. Ce nest pas un accident, c'est tune crise profonde et de longue durée, L’sugmentation inéluctable de la consommation énergétique mondiale constitue l'un des défis majeurs des prochaines décennies. Le nouvel acte n'est pas de repro- duire 1974 pour maitriser seulement la demande énergétique mais de trouver les moyens de faite face, dans des conditions satisfeisantes pour lenviron- nement, ala question énergétique. Or, force est de constater que nos modes de consommation privilégient encore des produits, des services, des pratiques, qui consomment de plus en plus d'énergie : produits finis de plus en plus sophistiqués, conditionnés, ha- Ditat plus chaud en hiver et plus frais en été, déplacements plus individuels, Nos modes de production et d'utilisation de l’énergie sont a Vorigine de la plupart des risques environnementaux et du déréglement qui menace notre climat et notre cadte de vie. Laccroissement de Peffet de sere est une réalité cet ses effets risquent d'atteindre des seuils aux conséquences irréversibles. Rompre avec cette logique signifie réduire de 50 % les émissions de gaz & effet de serre mondiales. Les pays développés, qui sont aujourd'hui les plus gros émetteuis de gaz & effet de serre, devront faire un effort plus important et diviser par quatre leurs émissions. Ceci permettra a de nombreux pays, dont la Chine, aujourd'hui trés peu émeticurs, de se développer, en adoptant ‘un modele de développement sobre, ts différent de celui qui prévaut aujour- hui dans les pays industrialisés. Cest au prix de cette recherche de solutions de développement durable par ‘chaque pays qute nous pourrons espérer stabiliser le réchauiffement climatique, Nouvelle indépendance énergétique La nouvelle indépendance énetgétique consiste 4 mettre en position de production des secteurs traditionnels de consommation. La consommation énergie des batiments représente aujourd'hui 46 % de Ia consommation finale francaise et 25 96 des émissions de gaz.a effet de serze. Les efforts faits depuis la premigre crise de l’énergie ont permis une forte réduction de ces ‘consommations mais, aujourd'hui, protéger la planéte impose de franchir ‘une nouvelle étape, Cotte étape est d'autant plus importante que la demande croissante de confort, augmentation de la taille des logements, 'appétence des Francais pour Ja maison individuelle, l’étalement urbain qui conduit 4 une plus grande mobilité, sont autant d'éléments qui tendent & faire croitre progressivement les consommations. Nous sommes donc contraints d’envisager des options en rupture radicale avec les tendances actuelles, sachant que nous ne pour- rons pas revenir en arriére sur les besoins de confor. 40 LE BATIMENT A ENERGIE POSITIVE 1 parattilusoire de vouloir changer le mode habitat favori des Francais, la maison individuelle. En revanche, on pourrait leur expliquer qu'ils peuvent devenir trés exigeants sur leur habitat pour réduire la production de gaz effet de serre et conserver, ainsi, leur liberté dans les moyens de transports individuels, Batiment producteur d’énergie Liidée-force de la mutation est de faire du batiment un lieu de production énergie décentralisée utilisant les énergies renouvelables : vent, soleil, géo- thermie superficielle, biomasse... Le batiment assure ses propres besoins et énergie non conson:mée est restituée sur le réseau qui devient une immerse coopérative de production, Cest le concept cu batiment & énergie positive. Crest une révolution mais elle est déja en marche dans des pays comme Allemagne ou ls Suisse. Des exemples, qui se rapprochent de cette ambition, existent déja avec les maisons basse énergie labellisées Passivhaus en Allemagne et Minergie en Suisse ou Zero Energy Buildings aux ftats-Unis. Des maisons sans systéme de chauffage actif voire & bilan Energétique positif sont en cours de dévelop- pement en Allemagne (label Plus-Energie-Haus). Le label Minergie est atti- bbué a des batiments dont la consommation n’excéde pas quatre litres de fioul par métre carré et par an, la moyenne suisse étant de ra litres pax metre carré contre 19 en France, Cependant, le batiment est un secteur od les progrés se font & petits pas. Ce rythme est incompatible avec cette ambition. II doit changer de braquet. Aller vers des batiments 4 énergie positive nécessite de parvenir a un double équilibre entre production et consommation de chaleur d'une part, et entre production et consommation d’électricité d’autre part. Or, si les consomma- ‘ions, par unité de surface, de chaleur n'ont que faiblement augmenté depuis 1973, celles ¢’Gectricité senvolent et pourraient dépasser les consommations de chaleur. D’oit la nécessité d'amplifier les progres réalisés depuis 1974 sur la consomimtation de chaleur et de réaliser une rupture franche sur les consom- mations d'électricté Equilibre chaleur Casser les consommations de chaleur dans les logements neufs ne reléve plus de la science-fiction ou de la recherche amont sur des technologies ex- core peu maitrisées. Réaliser des batiments 2 consommation nulle ¢’én: pour la production de chaleur est possible via l'utilisation intensive de capteurs solaires, @abord pour la production d'eau chaude puis pour le chaufage. a futuribles n° 304 - janvier 2005 ‘Standard Minnie Mele? epee mowelier su eee ee aL aN enh tae < Stee ——>f tt etic ' Ae ‘abit de ke Sehr Wh Bier ‘esenee twa Inde ene lr Sotalian lune maison Minetgie permet aux frais, sane poussiéve. Elle rvuttise habitants de_profiter dun niveau qu'un tiers de energie consommee levé de confort, lle offie une protec: pat une structure traditionnele ‘on contre les Bruits, des tempéra ‘tures constantes et platsantes, de air AM,L-C¥, 00. Jour site nternet woimlnergia ch NT Graphique 1— Evolution des consommations totales de chaleur (chauffage et eau chaude) et des consommations totales a electricté spécifique en France en Mtep* 20 HBB craurage bas MHI 20 chaude sanitaire et cusson eo Frectrete spectique ef ny “atte ritons de tes dual rl 2 7 Source Tableau des consommations ° ‘Fores en France Past de ws 898901889 Tndustie, 007 a Le DATIMENT A ENERGIE POSITIVE En revanche, le saut technologique & franchir est plus important pour Je parc de bitiments existants. Compte tenu de la variété des batiments, i fau- dra développer des techniques adaptées & chacune d'entre elles. Les sokutions pour un immeuble haussmannien, pour une éole de village ou pour un immeuble de banlieue seront forcément différentes. Elles restent 4 décliner a pattir d’expérimentations prometteuses mais encore en petit nombre. ‘Une idée simple pour illustrer cette capacité & progresser sur les consom- mations de chaleur : si chacun d’entre nous disposait d’un métxe carzé de capteurs solaires thermiques, on diviserait par deux la consommation d’ner- gie pour l'eau chaude sanitaire, Equilibre électricité Pour électricité, le probléme est d'une tout autre ampleur en raison de la croissance considérable de la demande : explosion de la climatisation dans le logement suite & la canicule, rmultiplication des appareils informatiques et audiovisuels... La situation est identique a celle de 1974 : une forte augmen- tation de la demande sans effort notable pour apporter des réponses 6conomes. Comment rompre avec ces modes de consommation de Wélectricité et assurer sa production par le batiment > Le défi parait & premiére vue impos- sible & relever. L’électricité est dans notre imaginaire associée au confort ‘moderne. Qui envisagerait de se passer d’ordinateur pour ne pas trop consom- mer d’électricité > Mais en y regardant de plus prés, on s‘apercoit que sobriété peut rimer avec progrés, a limage de cette banque suisse qui a réduit consi- dérablement ses consommations électricité en remplacant les 6crans catho- diques des ordinateurs des salles informatiques par des écrans plats. Plus modemes, moins gourmands en électrcité, ils dégagent moins de chaleur ct les besoins de climatisation en sont réduits, Lindustrie des équipements électriques et informatiques peut donc appor- ter sa pierre a cette « chasse au gaspi » pour concevoir des produits économes et apportant plus de confort. Cette révohution est déja en cours pour I'éclai- rage avec les lampes LCD (liquid crystal display) qui devraient prochainement anriver a des efficactés énergétiques nettement supéricures & celles des lampes fluorescentes les plus performantes actuellement, ainsi qu’avec les capteurs de lumidre naturelle pour piéces aveugles. Penser énergie positive dés la conception Das lors que I'on arrive & maitriser la consommation d’électricté, la pro- duire en quantité nécessaire de maniére décentralisée, sur place, devient & portée de main, La réduction massive des consommations d’élecricté risque de ne pas suffire pour juguler la croissance des consommations de climatisation, B futuribles n° 304 - janvier 2005 SL Lntass: Passivilaus (aaison passive) ‘Fira ps wre Développe en Allemagne, ce label — la Yecupéiation aenergte sur la atteste que la malson combine ventilation plus préchauffage (puits = ne envelope avec une Isolation canadien); thermique tes performante (j0 et — des panneaux solaires pour le ‘gocmdepatsseur); chauffage. Sune perméabilité& Yate fable; AMJ-CV,0 architecture a un réle important & jouer non seulement pour réduire le recours & la climatisation, mais aussi pour produire de I’électricité Les batiments construits ces demires années affichent une certaine aisance énergétique avec des facades trés transparentes qui conduisent a des solutions souvent trés fortement consommatrices de climatisation et fré quemment inconfortables en été. II nous faut donc réinventer une architec- ture de production d’énergie pour bien marquer cette période de lutte contre effet de serre en jouant avec le solaire passif et en prenant en compte les caractéristiques climatiques du site de construction. Ce renouveau d'une architecture bioclimatique peut réduire considérablement les besoins en cli- ‘matisation en se protégeant du soleil ou en utilisant la fraicheur de la nuit pour raftatchir les batiments. 44. LE BATIMENT A ENERGIE POSITIVE Certains objecteront que cela crée une rupture architecturale avec les bati- ‘ments classiques. Cette nouvelle architecture peut étre tres différente de celle des bitiments classiques. Il faut assumer cette évolution car Parchitecture doit représenter et répondre aux grandes questions de la société qui, aujour- hui, doit faire face au changement climatique. Ge serait une grave erreur que @'ignorer cette mutation profonde. Les architectes qui se passionnent pout les bitiments & haute qualité environnementale Yont bien compris. Ils inventent des solutions permettant dl’aboutir & des batiments bien intégrés dans leur site, agréables a vivre et ayant peu d'impact sur l'environnement. En créant le concept de batiment producteur d'énergie, on renowvelle pro: fondément la manitre de concevoir un programme de bitiment. On ouvze également de nouvelles libertés expression pour V'architecte tout en conser- vant la diversité énergétique du programme. Déja, des batiments intégrent astucieusement des panneaux solaires thermiques et photovoltaiques en toi- ture et en facade pour assurer le confort (chauffage et raftaichissement) et Vautonomie énergétique. Les zones du batiment oi se fabriquent 'électrcité, les frigoties, les calories, doivent étre valorisées en en faisant presque des objets de huxe ou Vaffichage d'une identité. Certains objecteront que cela crée une rupture avec les toits et facades traditionnels, mais ces nouveaux maté- riaux ont des qualités esthétiques indéniables. S'ily a des discontinuités dans Varchitecture, nous devons les assumer sans complexes puisqu'l s‘agit d'une ambition toute nouvelle concemant Tefficacité énergétique des batiments. Lassociation d'une architecture raisonnée et des technologies permet d’en- visager demain des batiments qui consomment deux 2 quatre fois moins énergie qu’aujourd’hui. La facade : capteur de chaud et de froid En considérant que Ie batiment, comme une automobile, est constitué de trois composants : la stracture (plate-forme), 'enveloppe (carrosserie) et les équipements (chauffage, éclairage, eau chaude sanitaire, électricite domes- tigue), la réduction des besoins énergétiques s’effectuera essenticllement par Venveloppe et les équipements. Lintégration de capteurs d’énergies renouvelables dans Tenveloppe rend celle

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