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Remarques sur la transformation des structures de l’antiquité tardive en Pannonie à

travers l’exemple de Keszthely-Fenékpuszta1

Orsolya Heinrich-Tamáska
Leipzig

Le site de Keszthely-Fenékpuszta1joue un rôle prépon- édification et de leur utilisation dans un cadre mili-
dérant dans l’étude des structures de l’antiquité tardive taire ou civil – est autant controversée que leurs dates
des provinces pannoniennes : la Valérie et la Pannonie de construction et destruction. De ce point de vue les
Première. Cette position-clé est due à la variété des tentatives de datation soutenues jusqu’à maintenant,
découvertes et vestiges mis au jour, grâce aux fouilles englobant presque tout le 4e siècle sont typiques (Hein-
qui se sont poursuivies pendant plus d’un siècle, ainsi rich-Tamaska 2007/08 tab. 2; Müller 1996c).
qu’à l’étendue des interprétations qu’ils suscitent et à Pour la datation sont majoritairement avancés les ar-
une large période chronologique qui s’étend des pre- guments des techniques de construction qui contien-
mières provinces romaines de Pannonie jusqu’au Haut nent en effet d’importants indices pour la chronologie
Moyen-Âge. Les questions de continuité et de migra- relative mais qui ne peuvent cependant pas détermi-
tion sont traditionnellement étudiées dans ce cadre et ner la chronologie absolue. Pour les fortifications
font jusqu’à présent l’objet d’intenses discussions. valériennes, deux phases ont pu être identifiées: Sous
Dans ce cadre, la culture dite de Keszthely du 6e au les tours circulaires d’angle et de côté, qui caractéri-
8e siècle est avant tout autre au centre des intérêts sent l’emplacement de la période récente, se trouvent
(Müller 1992; Daim 2000; Bierbrauer 2004; Heinrich- les tours en forme de fer-à-cheval et en forme de U
Tamaska 2002; idem 2008b; Kiss 2006; idem 2008). des bâtisseurs précédents (fig. 2b), qui ont été presque
Les réflexions suivantes ont pour but de résumer les complètement démantelées lors de la reconstruction.
recherches archéologiques menées jusqu’à nos jours En conséquence, il faut supposer que Fenékpuszta est
autour de Keszthely-Fenékpuszta et d’avoir un regard apparue pendant la deuxième phase de construction à
critique sur leurs résultats : au sujet des fortifications tours rondes, puisque ce type a pu être identifié exclu-
intérieures romaines tardives sera envisagée d’une part sivement à cet endroit (Sági 1989, 264-269; Tóth 1985,
la question de leur installation près du Lac Balaton, 124-129; idem 2009, 64-70). Le problème fondamental
et d’autre part, celle de leur rapport avec la culture de consiste à situer exactement dans le temps les types de
Keszthely mentionnée plus haut. En lien avec cela doi- tours ci-dessus (Petrikovits 1971). Les variantes en for-
vent être discutées quelques questions de méthode qui me de fer-à-cheval et en U ont été datées des époques
ont orienté la compréhension des processus de trans- de Dioclétien à Valentinien, pour les tours circulaires il
formation en Pannonie. s’agit d’une variante régionale, qui apparaitrait en Pan-
nonie et en Mésie à partir de l’époque de Constantin
Les fortifications intérieures romaines tardives en Ier. Les tours en fer-à-cheval et en U ont aussi pu être
Pannonie et Keszthely-Fenékpuszta observées dans les forts romains du Limes de la section
Keszthely-Fenékpuszta fait partie avec trois autres éta- pannonienne, à la différence des variantes circulaires.
blissements fortifiés, Környe, Ságvár et Alsóhetény- Ceci par exemple a été expliqué par le fait que la phase
puszta, des dites fortifications intérieures de Pannonie. des tours rondes des fortifications intérieures doit être
La qualification de fortification intérieure est due à la située après l’époque de Valentinien, alors que le Li-
position des établissements derrière le Limes, à l’in- mes sur le moyen Danube n’a plus fait l’objet de nou-
térieur de la province pannonienne. Környe, Ságvár veaux aménagements (Barkóczi/Salamon 1984, 169).
et Alsóheténypuszta sont situées le long de ce qui est De nouvelles recherches montrent qu’une typologie
considéré comme la frontière ouest de la province de plus précise des formes de tour est nécessaire et qu’elle
Valérie. Seule Fenékpuszta se trouve plus loin à l’ouest ne pourra être argumentée chronologiquement qu’avec
dans le territoire de Pannonie Première (cf. fig. 1). Il l’intégration de nouvelles observations sur le bâti his-
s’agit d’enceintes pratiquement rectangulaires avec des torique (Kovács 2001, 158-166).
tours de côté, qui occupent une vaste superficie entre Parallèlement aux tentatives de datation relativement
14 et 21 ha (p. ex. fig. 2a et 3). La fonction exacte des incertaines basées sur les formes de tours, la circula-
installations – et dans ce contexte la question de leur tion des monnaies a également été proposée comme
argument chronologique dans la discussion. Ainsi
1
Cet article a été élaboré dans le cadre du projet conduit par la Róbert Müller a regroupé les monnaies provenant de
Fondation Allemande de Recherche (Deutsche Forschungsgemein- Fenékpuszta en fonction des années de règne des em-
schaft) et l’Académie des Sciences de Hongrie (Magyar Tudomán- pereurs romains et a constaté, que la majorité avait été
yos Akadémia): «Continuité et migration à et autour de Keszthely- frappée sous Constantin Ier, puis sous Constance II
Fenékpuszta de l’Antiquité tardive au 9e siècle». Une version longue
de cet article est paru en allemand cf. Heinrich-Tamaska 2007/08. Je (Müller 1987, 108; Müller 1996c). A Ságvár la plupart
tiens à remercier Ilona Bende pour la traduction. des monnaies proviennent de la période qui suit l’an-
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Fig. 1. Pannonie durant de 4e siècle (Carte de O. Heinrich-Tamaska).

née 364, ce qui correspond à la datation de la deuxième nommées fortifications intérieures (cf. fig. 1). Celles-ci,
phase de construction. Les monnaies de la nécropole installées à des distances régulières les unes des autres,
I de Ságvár doivent en revanche aider à inscrire l’édi- formaient deux cordons : L’un courait parallèlement au
fication de la construction précédente ultérieurement Limes depuis Scarbantia en passant par Környe, Ságvár
aux années de règne de Constantin Ier (Tóth 1985, 123- et Alsóhetény jusqu’à Sopianae, l’autre reliait dans la
125; idem 2009, 36). diagonale Scarbantia et Sopianae en passant par Sava-
L’intégration des fortifications intérieures dans l’in- ria et Fenékpuszta. Ce système complexe de défense
frastructure de l’Antiquité tardive, leur position stra- a été à partir de la fin du 3e siècle, après la défection
tégique constitue le troisième point d’appui pour la de la Province de Dacie, progressivement consolidé et
délimitation plus précise de leur période d’apparition. maintes fois reconstruit. L’époque de la Tétrarchie et
Sándor Soproni a reconstitué une structure défensive les années de règne de Constantin le Grand, Constance
composée de trois lignes entre Carnuntum et Vimina- II et Valentinien Ier sont souvent invoquées comme
cium. Dans le barbaricum sarmate, un aménagement césure historique. L’émergence de la première phase
complexe de remparts en talus, appelés fossés du dia- des lignes de défense intérieures à laquelle appartien-
ble, s’étendait du coude du Danube jusqu’aux Portes nent Környe, Ságvár et Alsóheténypuszta, a été située
de Fer. Il a été deux fois rétréci et reconstruit durant le par Soproni à la période constantinienne, la deuxième
4e siècle. Comme ligne défensive suivante subsistait en phase, celle des reconstructions avec les tours circulai-
outre la ripa pannonica le long du Danube. Enfin les res et de l’édification de Fenékpuszta, au milieu du 4e
villes de l’arrière-pays ont été ceinturées de murs et des siècle, soit pendant le règne de Constance II (Soproni
fortifications supplémentaires ont été édifiées, les dé- 1978, 113-155; Heinrich-Tamáska 2007/08 tab. 2).
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Sági a reconstitué ces structures défensives arrière horrea (fig. 2a et 3) qui appartenaient aussi certainement
de façon divergente et est partie des lignes orientées à l’équipement dans d’autres camps militaires de l’an-
nord-sud. La première ligne devait courir de Környe tiquité tardive et dans les habitats civils fortifiés plus
via Ságvár et Alsóheténypuszta jusqu’à Sopianae, la ou moins proches du Limes. Ces magasins de céréales
deuxième depuis Kisárpás en passant par Fenékpuszta devaient assurer le ravitaillement des troupes frontaliè-
jusqu’à Lundberg et la troisième la plus occidentale le res de l’armée romaine. Borhy y voit même la caracté-
long de la Route de l’ambre depuis Scarbantia jusqu’à ristique principale des fortifications intérieures (Borhy
Savaria. Selon lui, les établissements orientaux étaient 1996, 212-216; idem 2007, 111 f.) A côté des horrea
les plus anciens et étaient les composantes d’un nou- se trouvent en outre de grands fours, qui appuient la
veau rempart défensif structuré qui a été consolidé vers théorie de la fonction d’intendance des fortifications
la fin du 3e siècle sous Dioclétien. La deuxième ligne intérieures (Straub 2002; Heinrich-Tamaska/Prohászka
et avec celle-ci Fenékpuszta ainsi que la reconstruction 2008; Tóth 2009, 50). Enfin de nombreux objets métal-
des forteresses valériennes ont été situées par Sági à la liques parvenus jusqu’à nous témoignent de la pratique
fin du premier tiers du 4e siècle (Sági 1989, 268 f.). d’activités agricoles et artisanales dans les forteresses
La question du choix du site a également été introduite de l’époque (Tóth 1975; Sági 1979; Müller 1978).
dans la discussion concernant les fortifications intérieu- La problématique des habitats antérieurs présente aussi
res. Endre Tóth est le premier à faire remarquer l’unité un intérêt concernant le choix du terrain, la chronolo-
des réalités topographiques qui caractérisent les terrains gie et la fonction des forteresses. Barkóczi et Salamon
où ont été bâties les fortifications intérieures. Les for- ont souligné que des fortifications intérieures similaires
teresses sont situées sur des sols peu élevés, ainsi des présentaient des villages du Haut Empire à leurs abords,
cours d’eau et des terrains marécageux ont été inclus qui pendant le 2e siècle ont perdu leur sens avec le ren-
dans le projet de construction. Par ailleurs, il a fallut forcement du Limes puis ont été seulement revitalisés
surmonter des différences de hauteur de plus de 10 mè- au cours du 4e siècle (Barkóczi/Salamon 1984, 168).
tres afin d’appliquer le plan rectangulaire sur la place Pour Fenékpuszta, Edith Thomas et DezsĘ Simonyi, ont
choisie (Tóth 1975; idem 2009, 72; Heinrich-Tamáska supposé qu’avant la construction de l’établissement for-
2008c, fig. 2–6). En raison de leur position, les forte- tifié existait un habitat de villas constitué de plusieurs
resses réunissaient deux aspects: d’une part défensif, bâtiments. Thomas a identifié l’aile nord du bâtiment A,
puisque elles étaient faciles à défendre en raison de leur enregistré à Csák, comme un type de péristyle connu
emplacement protégé, et d’autre part infrastructurel, en Pannonie depuis le 2e siècle ; et il a comparé l’aile
puisqu’elles se trouvaient sur les nœuds de communi- sud avec des modèles italo-africains (Thomas 1964,
cation d’importantes voies terrestres et fluviales. 61; Simonyi 1962, 21). D’ores et déjà cette différen-
Il existe deux conceptions opposées concernant la ciation des styles architecturaux indique que les deux
fonction des fortifications intérieures: l’une envisage éléments du bâtiment ne sont pas apparus à la même pé-
une utilisation civile et l’autre militaire. András Mócsy riode. D’autres arguments peuvent être avancés pour un
appela ces établissements habitats fortifiés antiques phasage multiple du bâtiment et explicitent que celui-ci
tardifs et discuta de leur fonction en tant que refugia pour est issu de la démolition et/ou la reconstruction de zo-
les populations locales (Mócsy 1962, 700). Simonyi les nes isolées. Dès lors le plan publié représente d’une part
considéra comme des latifundii, Bíró en raison de la plusieurs phases et d’autre part il est faux sur certaines
taille et l’homogénéité des établissements, pensa qu’il zones. Premièrement, Sági a enregistré dans ses deux
s’agissait plus encore de latifundii impériales (Simonyi coupes de travail trois niveaux de sol, dont un sol de
1962, 21; Bíró 1974). La recherche moderne depuis terrazzo (Sági 1989, 290 f. fig. 35). A l’inverse, Müller,
Soproni souligne la fonction militaire des fortifications près d’un demi-siècle plus tard, a trouvé un seul niveau
intérieures (Soproni 1978, 138-155). Fitz, Tóth et Borhy de sol dans l’aile sud. Deuxièmement, sur l’apside ouest
insistent sur le fait que l’édification d’un établissement de l’aile sud, se trouvait une petite installation balnéai-
construit en une seule fois n’était concevable que re, qui n’est apparue que lorsque cette partie de l’édifice
dans le cadre d’une organisation militaire. Ainsi les n’existait plus, ce qui pourrait expliquer simultanément
forteresses furent interprétées comme bases militaires la différence dans le nombre des niveaux de sol. Troi-
des comitatenses et comme bases de stockage pour les sièmement la place du bâtiment B est peu concevable
défenses du Limes, pour les limitanei qui formaient dans le cadre d’une existence simultanée avec l’aile sud
dans l’arrière pays une ligne défensive commune avec du bâtiment A. Quatrièmement, les mesures géomagné-
les villes fortifiées de Pannonie (Fitz 1980; Tóth 1988, tiques dans la zone de l’aile nord montrent que le plan
33-36; Visy 1994, 430; Borhy 1996; idem 2007, 111 utilisé jusqu’ici est faux et qu’au lieu d’un péristyle se
f.). Alsóheténypuszta, un habitat civil, qui existait trouvait à cet endroit une construction en apside avec
simultanément à la forteresse, doit également renfermer des rangs de colonnes parallèles (fig. 3).
le caractère militaire des places fortes (Tóth 1988, 23 f.; Sági a également traité la question d’une proto-occu-
idem 2009, 81-86). pation à Fenékpuszta. Il renvoie à deux nécropoles à
Le rôle des fortifications intérieures comme centres lo- urnes dans la région, datées du Haut-Empire (Bakay/
gistiques a surtout été appuyé par la présence des grands Kalicz/Sági 1966, 76/4, 88/35, 89/37, 43). Il peut être
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Fig. 3. La fortification intérieure de Keszthely-Fenékpuszta. Carte de O. Heinrich-Tamaska.

considéré avec certitude qu’il y a eu une occupation à point de vue, le problème de l’identification de la phase
Fenékpuszta avant la construction de la forteresse, qui de construction du bâtiment A qui fut intégrée à la for-
eut en premier lieu un caractère purement civil.2 De ce teresse est d’une importance capitale. Il faut supposer
que la partie nord de la villa, au moins le portique,
2
R. Müller signale dans un article de 1987 la prise d’une photo existait encore lors de la construction des fortifications,
aérienne sur laquelle les traces d’une installation rectangulaire ont
été interprétées comme le talus d’un fort romain. Les prospections
pédestres n’ont néanmoins pas mis au jour de découvertes jusque fonctionnelle de l’établissement. Cf. Müller 1987, 105; Sági 1989,
là, ce qui soulève la question de la datation et de la détermination 261-264 fig. 1; Müller 1996c.
104

car la via principalis, entre les portes est et ouest, est


alignée à la rangée de colonnes du portique (fig. 3).3
S’il faut placer les fortifications intérieures dans un
contexte militaire, il faut ensuite aussi s’interroger sur
la fonction que possédait ce bâtiment de villa après la
construction des fortifications. Thomas signale que les
plans d’autres bâtiments à l’intérieur des murs ressem-
bleraient à ceux de villae (Thomas 1964, 63-69).
Il a été plusieurs fois soulevé, dans les contextes de
fortifications intérieures, que leur structure urbaine in-
terne ressemblait également à celle des établissements
de villas, du fait d’une implantation dispersée des édi-
fices isolés sur l’emprise de la forteresse. En général
elles présentent toutefois une organisation régulière.
Dans le fort de Keszthely-Fenékpuszta il faut noter
l’alignement des bâtiments intérieurs à la via princi-
palis et à la via praetoria. Comme le montre ci-dessus
l’exemple du bâtiment A, les bâtiments existants ont
probablement été inclus dans le projet de construc-
tion des enceintes. Sági a en outre remarqué que dans
de nombreux cas il fallait aussi identifier la destruc-
tion des bâtiments et il partit du principe qu’avant la
construction il y eut une forte planification du terrain
de la forteresse (Sági 1989, 262-265). Des recherches
géophysiques montrent également, qu’il n’y a pas eu
de zone non urbanisée comme cela est souvent admis
(fig. 3). La structure de l’occupation n’est toutefois pas
comparable avec des structures urbaines denses, mais Fig. 4 Les sites de la Culture de Keszthely:
dans les quartiers dessinés par les axes principaux une 1 VindornyaszĘllĘs; 2 Vállus; 3 Lesencetomaj-Piros-
orientation est-ouest et nord-sud peut aussi être obser- kereszt; 4 Raposka-Römisch-katholische Kirche;
vée dans les vastes insulae carrées (cf. Heinrich-Ta- 5 Balatonederics-Szénkéngyár; 6 Szigliget-Várhegy;
maska 2008a, fig. 1). Demeure encore à expliquer la 7 Balatongyörök-Zsöllehát; 8 Gyenesdiás-Dönge-
question, et non la moindre, de la persistance, après la leg; 9 Keszthely-Dobogó; 10 Hévíz-Hévízdomb,
construction de la fortification, des deux constructions Alsópáhok; 11 Keszthely-Stadt; 12 Keszthely-Fenék-
de pierre identifiées devant le mur sud de la forteresse puszta; 12 Balatonberény; 13 Kéthely-Meleg-oldal.
de Fenékpuszta, et celle de la fonction qui leur fut attri- Carte de O. Heinrich-Tamaska.
buée sur l’espace de la nécropole.

La Culture de Keszthely et Keszthely-Fenékpuszta


Fenékpuszta et la culture dite de Keszthely, depuis la de 1926 d’András Alföldi, dissocié des bronzes coulés
découverte du premier cimetière par Vilmos Lipp à la avars tardifs et défini par les principales découvertes
fin du 19e siècle (Lipp 1886), sont indissociablement telles les fibules discoïdes, les boucles d’oreilles à cor-
reliées dans la littérature spécialisée internationale. La beille, les épingles à vêtement et les bracelets à tête de
diffusion régionale de la culture de Keszthely se can- serpent (Alföldi 1926). Ilona Kovrig a encore restreint
tonne à un rayon d’environ 20 km autour de Fenékpusz- ce résultat dans le cadre de travaux plus tardifs à tra-
ta (cf. fig. 4) et à quelques sites de découverte dans la vers lesquels elle a pu prouver une séparation spatiale
région de Pécs, la Sopianae romaine (cf. fig. 1). Jusqu’à entre les sépultures de la culture de Keszthely et de la
ce jour les mobiliers funéraires résident au centre des période avare tardive de la nécropole de Keszthely-
intérêts, ce qui peut aussi être expliqué par le grand ville (Kovrig 1958; idem 1960). Attila Kiss a défendu
déficit des sites d’habitat (Müller 1992 carte 1). Après une nouvelle restriction de l’acception du terme de
des décennies de spéculations sur le classement eth- Keszthely dans laquelle il considérait la présence des
nique et chronologique du matériel découvert, le mo- quatre composantes du vêtement dans un même lieu
bilier de la culture de Keszthely a été, grâce à l’étude de découverte comme un critère pour une classification
(Kiss 1965; idem 1968).
3
Ceci pourrait du reste aussi expliquer pourquoi la forteresse ne s’est Dans la recherche actuelle, la culture de Keszthely
pas étendue vers l’ouest, où les conditions de construction auraient
est divisée en deux horizons chronologiques. Le plus
été meilleures. Pour le cas du mur est, il a pu être observé sur plu-
sieurs fouilles archéologiques, que les tours ont été érigées sur des ancien est daté de 568, de l’invasion avare, jusqu’au
terrains descendant vers le Balaton. début du 7e siècle, vers 630 et le plus récent du milieu
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du 7e siècle au début du 9e siècle. Alors que pour la (Kovrig 1958, 66-72; idem 1960, 136-160). Par là elle
période ancienne de vives relations avec le monde mé- contesta András Alföldi, qui s’était auparavant expri-
diterranéen ainsi que de fortes composantes germani- mé pour une survivance d’éléments de la population
ques mérovingiennes ont pu être décelées, la culture de romaine dans la région de Keszthely (Alföldi 1926).
Keszthely pendant la période tardive a un caractère in- Depuis lors, la continuité ou discontinuité de la popu-
sulaire, les formes de costume ont ainsi poursuivi leur lation romanisée est une question d’actualité et reste à
développement à l’écart des influences extérieures. La la fois irrésolue. Hormis quelques opinions en faveur
taille croissante des boucles d’oreille en corbeille et des d’une survivance (Kiss 1965; idem 1968; Tóth 1994;
épingles de vêtement a manifestement aussi conduit à Garam 2001, 196 f.), la recherche hongroise plaide ma-
des changements dans le port du vêtement (Daim 2002, joritairement pour une immigration, avant tout en rai-
472). Ainsi il a été maintes fois soutenu que seule cette son d’une soudaine richesse dans les sépultures qui ne
phase tardive devait être attribuée à l’acception de la connaît pas d’antécédent local. La détermination de la
culture de Keszthely (Müller 1996b, 100). Malgré une composition ethnique de ces groupes migratoires reste
diffusion spécifiquement régionale, il a été démontré jusqu’à maintenant au centre des tentatives d’explica-
assez tôt que la culture de Keszthely ne doit pas être tion. Le spectre des interprétations données jusqu’alors
traitée comme un phénomène isolé mais doit être exa- est large, Károly Sági présumait qu’il s’agissait d’Ala-
minée sous l’angle d’une possible continuité locale mans, plus tard de Francs, László Barkóczi supposait
ainsi que de relations culturelles (Bóna 1971, 296). une occupation byzantine, ainsi que István Bóna et Ró-
Ce débat a lieu alors qu’est sans cesse relancée la dis- bert Müller. En outre il a été argumenté que des prison-
cussion sur la fin du peuplement de l’Antiquité tardive niers de guerre de Sirmium, Singidunum et du Forum
particulièrement leur survie en Pannonie (dernière- Iulii auraient été déplacés par les Avars.5 En résumé
ment: Bierbrauer 2004). le début, très étroitement orienté chronologiquement
Les sépultures de Fenékpuszta-Horreum et de la ba- par les données historiques, et la fin de la culture de
silique voisine, qui arborent les traits caractéristiques Keszthely doivent être reconsidérés. Dernièrement
méditerranéens ainsi que germaniques proches, consti- Volker Bierbrauer s’est exprimé contre cette distribu-
tuent une base de référence pour l’analyse de la culture tion chronologique liée à la problématique de la conti-
de Keszthely ancienne. Les tombes découvertes à cet nuité des groupes de populations antiques tardives ou,
endroit ne sont pas seulement les plus importantes mais plus précisément, romanisées. Il soutint la thèse selon
plus largement aussi les seules sources pour une clari- laquelle il est possible archéologiquement de partir du
fication de la chronologie de la période ancienne de la principe d’une survivance d’une population romaine
culture de Keszthely mais aussi pour la question de la provinciale, ce qui a pu être observé aussi dans d’autres
survie de peuples romanisés dans la région (Barkóczi régions comme en Dalmatie ou dans les territoires des
1968; Müller 2010). Ce n’est qu’en partant de cette Alpes centrales ou orientales. Quoi qu’il en soit, pour
persistance que les contacts avec les autres cimetières son analyse, il invoque les cimetières du type Csákvár-
de la région peuvent être discutés. D’une part les cime- Szabadbattyán, dont la typochronologie est de la même
tières de Keszthely-Ville, Lesencetomaj-Piroskereszt manière chargée de nombreux problèmes encore non
et Kéthely-Melegoldal, dont le début de l’occupation résolus (Bierbrauer 2004). Récemment, Gábor Kiss a
est situé pendant la période allant du deuxième au troi- souligné le fait que la phase ancienne de la culture de
sième quart du 7e siècle et appartenant à la culture de Keszthely ne pouvait pas être attribuée à cette accep-
Keszthely, sont propices à l’analyse.4 D’autre part, il tion, car il n’existe pas encore d’homogénéité du ma-
est possible de déceler dans les cimetières avars des tériel archéologique pour cette période. Selon son idée
6e et 7e siècles des éléments de costume, qui attestent il faut, pour les 6e et 7e siècles, distinguer différents
de la présence de groupes de populations romanisées groupes, qui ont probablement immigré durant des dé-
(Bierbrauer 2004, 77; Vida 2005; idem 2008). cennies et dont les cimetières présentent de ce fait des
Ilona Kovrig a associé l’apparition du cimetière de divergences quant au début et à la fin de leur phase
Keszthely-Ville vers le début du deuxième tiers du 7e d’occupation. Ces « groupuscules germaniques » ont
siècle à un transfert de la population de Fenékpuszta dû rencontrer sur les lieux des populations provinciales
étant donné que, selon l’état de la recherche actuelle, romano-chrétiennes et utiliser des espaces d’inhuma-
les inhumations de la phase tardive de la culture de tion communs avec ces-dernières (Kiss 2006, 156-158;
Keszthely y sont manquantes. Elle remarqua égale- idem 2008). Kiss amorce par là un point important de
ment que les individus inhumés de la période ancienne la recherche sur Keszthely : Doit-on user de l’année
de la culture de Keszthely ne doivent pas être considé- 568 comme date décisive pour le début de la culture
rés comme les descendants de la population romaine de Keszthely ou n’est ce pas de cette façon que l’on
tardive mais interprétés comme de nouveaux venus s’empêche de considérer un processus de transition
reliant chacune des périodes? La discussion semble
4
La littérature publiée jusqu’à ce jour sur ces cimetières est rassem-
5
blée par Müller (1992, 255-259). Nouvelle publication par Heinrich- Résumé par Müller 1996a, 75 f. Pour l‘argumentation contraire voir
Tamaska 2008a, id. tab. 1 pour la datation des nécropoles. Bierbrauer 2004, 77 f.
106

encore ouverte pour longtemps, même s’il doit être re- 2002; Heinrich-Tamaska, in press). Il est en outre sur-
marqué qu’il devait s’agir là aussi des aspects méthodi- prenant qu’à Fenékpuszta aucun monument de pierre,
ques, alors qu’une décision devait être impérativement qui comporterait une fonction sacrée de l’édifice, ne
prise pour une datation antérieure ou postérieure à 568, soit connu, en résumé les renseignements correspon-
comme cela a été tenté ces derniers temps à l’aide des dants à un équipement intérieur sont manquants.6
mesures radiocarbone (cf. Fóthi u.a. 2009; Müller, in
press). La transformation des structures romaines
La distinction ethnique entre les peuples romanisés et en Pannonie
germaniques représente un aspect important des re- Il est remarquable que tant les archéologues que les
cherches menées jusqu’à nos jours sur les thématiques historiens mettent en garde contre une argumentation
de continuité et de migration. Tant archéologiquement disparate dans la recherche sur la transition entre l’an-
qu’anthropologiquement, le but initial est de différen- tiquité tardive et le Haut Moyen-Âge dans le territoire
cier ces deux groupes l’un de l’autre (p. ex. Lengyel de Pannonie. Sachant pleinement que non seulement
1971; Kiss 2006, 156). Maintes fois les discussions ac- les sources historiques mais aussi archéologiques sont
tuelles ont renvoyé aux impasses méthodiques (Brather utiles pour saisir les processus complexes de cette
2004, 290-300, 318-322). Qui plus est, il est étonnant époque, quelques scientifiques signalent les impasses
qu’il n’ait pas été question d’une éventuelle existence méthodiques, alors que les approches théoriques des
d’habitats. Par le grand nombre d’inhumations et leur recherches ne sont pas diffusées (cf. Tóth 2006, 580
richesse il est permis de poser la question de la nature avec des renseignements supplémentaires). Le problè-
et de la localisation de ceux-ci. L’étude en cours, en me ne réside pas fondamentalement dans l’utilisation
rapport avec les découvertes des habitats de Fenék- des deux genres de sources, mais dans le fait que les
puszta, peut en effet fournir des éléments essentiels, phénomènes archéologiques doivent être expliqués à
mais il est également nécessaire d’analyser d’autres l’aide des sources écrites. La cause de cela devait être
sites d’habitats de l’antiquité tardive sous l’angle de basée sur l’exigence d’une séparation claire des pério-
la persistance de leur utilisation et/ou réutilisation (cf. des chronologiques, comme par exemple la fin de la do-
Heinrich-Tamaska 2008a; Christie 1992, idem 1996; mination romaine du début de la période hunnique. La
idem 2000; Virágos 2007). reddition des provinces, issue de la tradition historique,
Au-delà de l’analyse des petites découvertes, la sphère – même si elle ne peut être clairement perçue à l’aide
des problématiques sur la première christianisation en des sources écrites tant du point de vue chronologique
Pannonie doit aussi être traitée sous la loupe des dé- que dans la perspective de sa mise en oeuvre – est pro-
couvertes de sites d’habitat. Son étude est évidemment jetée comme un fait sur le matériel archéologique et
étroitement liée à la survivance des éléments de popu- le mobilier est interrogé à travers ce postulat. Cela si-
lation romanisée qui sont considérés comme les vec- gnifie que l’on est à la recherche de changements dans
teurs locaux de cette croyance (Tóth 1987, 261 f.; idem les vestiges archéologiques, qui sont perçus à travers
1990; idem 1994). Il faut alors clairement insister sur le prisme des processus historiques que l’on connaît
le fait que la basilique de Keszthely-Fenékpuszta passe grâce à la documentation (Bóna 1971, 269).
jusqu’ici pour le seul témoignage archéologique d’un Concernant le problème de la transition entre l’antiqui-
habitat de la Chrétienté en Pannonie pour la période té tardive et le Haut Moyen-Âge, ceci signifie qu’il faut
de transition du 6e au 7e siècle. Bien qu’un rôle impor- délimiter les groupes de découverte qui témoignent si-
tant dans l’interprétation peut être accordé aux petites multanément de la fin de l’administration romaine et
découvertes comme les fibules discoïdes, considérées du début de la période de la migration des peuples. Au
comme signes des pèlerins, ou les croix de types variés sein de la science historique les conséquences d’un tel
ainsi que d’autres amulettes chrétiennes (Daim 2002; processus et leur ampleur font débat (p. ex. Várady
Curta 2002, 58-64; Vida 1996 ; idem 2002, 183 f.), il 1969, en particulier 307). L’objectif principal de l’ar-
reste à soutenir qu’une église puisse indubitablement chéologie est ainsi la distinction de chacune des pé-
prouver à elle seule l’existence d’une communauté riodes et non la reconstitution de la multiplicité d’un
chrétienne. Jusqu’à présent, la datation de la basi- processus et de ses variantes régionales (Bóna 1971;
lique de Fenékpuszta était issue du plan alors que la Vida 2007). Ce problème s’explique entre autres par
répartition des phases de construction proposée par le le déplacement entre la période romaine et celle des
fouilleur Károly Sági n’a été suivie que partiellement Grandes Migrations du centre de gravité de la docu-
(Sági 1961, fig. 3). Le problème réside en effet dans la
question du plan correspondant à la période avare, ce 6
La nouvelle évaluation des vestiges et des trouvailles s’opère dans
qui ne peut être résolu uniquement sur la base d’obser- le cadre du projet nommé dans la note 1 et se trouve actuellement en
vations typologiques du bâti. Il est nécessaire de faire cours d’étude, de ce fait aucun résultat définitif ne peut être présenté.
également attention à la stratigraphie réellement com- Des églises comparables de l’époque des 6e et 7e siècles disposent
toutefois d’un équipement intérieur, dont il manque la trace à Fenék-
plexe, et au sein de laquelle chaque détail est l’objet
puszta. Voir p. ex. Milinkoviü 1995 fig. 7, 9, 13–14; Popoviü 1997
d’incertitudes, ainsi qu’à la chronologie relative trop fig. 4, 9; Jeremiü 1995 fig. 7; Jeremiü/Milinkoviü 1995 fig. 9–10,
restrictive qui en résulte (Tóth 1987, 259-261; Mulvin 12–14, 16–25.
107

mentation: ainsi jusqu’au deuxième tiers du 5e siècle, Cela implique nécessairement la reconstitution du mi-
les nombreux vestiges d’habitats sont encore les vec- lieu topographique. En partant de Keszthely-Fenék-
teurs de l’information, ensuite le tableau est dépeint puszta, plusieurs aspects peuvent être avancés. Parmi
par les inhumations. Ces derniers temps, des sites ceux-ci par exemple, le fait que l’habitat du Haut Em-
d’habitats ont été toutefois découverts qui, datés de la pire et la forteresse romaine tardive n’étaient à l’ori-
deuxième moitié du 5e siècle et de la première moitié gine pas aussi facilement accessible par la terre ferme
du 6e, suggèrent au-delà de leur existence la survivance qu’aujourd’hui. Comme le montrent les cartographies
de traditions artisanales en Pannonie, étant donné que des sols et les analyses de sédiments, l’environnement
de la céramique romaine tardive est présente dans leur de l’enceinte romaine était pris dans les marais et les
inventaire de mobilier voire que la composition de ce- plans d’eau. Ceci restreignait les accès à l’ouest, au
lui-ci le montre (Bocsi 2008; Skriba/Sófalvi 2004).7 sud et à l’est et rassemblait trois aspects stratégiques:
Dans la recherche archéologique menée jusqu’à pré- premièrement la forteresse était ainsi plus facile à dé-
sent sur le territoire de la province de Pannonie Pre- fendre, deuxièmement cela sécurisait le passage en
mière et de Valérie, il s’est agit primairement d’étudier direction du sud le long des voies reliant Scarbantia
des époques archéologiques strictement circonscrites. et Sopianae ainsi que Poetovio, et troisièmement, il
De nettes frontières ont été tracées entre l’occupation faut supposer qu’un port se trouvait à proximité de la
romaine tardive et celle de la période suivante des forteresse et que s’y opéraient les transbordements de-
Grandes Migrations et du Haut Moyen-Âge. Le rapide puis les voies terrestres vers les voies maritimes, vers
changement des gentes nomades steppiques et germa- le Balaton et inversement (cf. fig. 4; Sági 1967, 41-46;
niques sur ce territoire orienta l’intérêt de la recherche Heinrich-Tamaska 2008b).
vers la mise en reliefs de groupes de matériels archéo- Les fluctuations de la surface de l’eau ont en consé-
logiques ainsi que sur la question de la manière dont quence influé de façon décisive sur l’occupation de
ces groupements, dans leur homogénéité ou leur hété- la presqu’île de Fenékpuszta. De toute évidence, ces
rogénéité, pourraient être circonscrits dans un espace. changements ne peuvent pas toujours être exactement
Il s’agissait de la localisation de telles zones de domi- délimités dans le temps. Pour la période romaine, il est
nation de courtes durées et non de la reconstruction de question d’une régulation artificielle du niveau du lac,
structures d’habitat regroupant plusieurs époques (en qui doit être suivie par son rehaussement pendant les
résumé dans: Alföldi 1932; Bóna 1971; Vida 2007). Grandes Migrations. Un haut niveau des eaux du Bala-
Dans ce cadre, deux aspects ont fait l’objet de peu ton a également conduit à l’agrandissement des plans
d’attention : premièrement, le fait que le changement d’eau ainsi qu’à l’inondation partielle le long des ber-
de la domination politique en général ne se répercute ges des baies et des vallons de ruisseaux et rivières, ce
pas immédiatement sur la structure d’occupation et dès qui a dans le cas de Fenékpuszta compliqué l’accès à la
lors qu’il faut compter sur une continuité d’utilisation, forteresse, mais a aussi accru sa protection (en résumé
des passages, et une succession de couches dans les dans: Heinrich-Tamaska 2008b; 2008c, 258-262).
structures d’habitat et deuxièmement, le fait que les La sécurité du passage en direction des collines de
transformations du paysage et du climat peuvent jouer Marcali était certainement une des tâches les plus
un rôle bien plus marquant dans l’aspect de l’habitat importantes de la forteresse romaine de Keszthely-
qu’un changement de domination. Fenékpuszta. Cette position stratégique importante à
Dans le cadre de la question sur l’existence post-romai- l’intérieur de l’infrastructure romaine reposait sur le
ne des structures de l’habitat, leurs fondements doivent fait qu’une route en direction du sud-ouest mais aussi
en premier lieu être librement interrogés: quelles for- du sud-est était accessible à partir de cette élévation
mes d’habitat, d’installations défensives, de tracés de de terrain étroite près de Fenékpuszta. L’autre rétré-
voies comportaient vraiment, au delà de la domination cissement de butte situé quelques kilomètres plus loin
romaine, une importance pour l’occupation? Bien qu’il vers l’ouest, à Balatonhídvég, n’autorisait à l’inverse
existe plusieurs travaux sur la continuité des cités et qu’une connexion nord-sud (Sági 1967, 41-46 fig. 40).
des petites agglomérations romaines pendant la période De ce point de vue, il semble évident que le passage de
des Grandes Migrations (p. ex. Fülep 1984, 285-299; Fenékpuszta ait perdu son importance à l’époque caro-
Thomas 1987), il manque toujours l’approche visant à lingienne au profit de Balatonhídvég, lorsque Zalavár/
mener une étude, recouvrant plusieurs périodes et dans Mosaburg est devenu le nouveau centre de la région
des espaces d’habitat déterminés, sur les changements (SzĘke 2002) et que la forteresse de Fenékpuszta ne
voire les déplacements de l’activité de l’habitat.8 jouait plus de rôle central. Les raisons de ce transfert
sont encore à étudier. L’abaissement du niveau des
7
Il manque toujours une vaste comparaison pour le territoire panno- eaux du lac constituerait l’une des raisons, puisqu’à
nien, avant tout en direction du Bas Danube. Un regard vers la Serbie l’inverse de la période des Grandes Migrations, exis-
montre que là aussi la période entre la deuxième moitié du 5e siècle et tent au 9e siècle de nombreux habitats insulaires ou de
le commencement du 6e siècle présente une lacune dans la démons-
rivages dans la région du Petit-Balaton. On peut penser
tration archéologique sur la continuité des habitats. Cf. Milinkoviü
2007, 161-163.
8
Ces types d’approche se trouvent dans les travaux de Christie 1992, 1996; idem 2000 ; voir aussi Virágos 2007.
108

toutefois à un autre type de structure d’habitat, pour la- funéraires, doit prendre une place essentielle dans la
quelle aurait pu être privilégiée une position défensive, discussion scientifique.
retirée dans le marais.
Parallèlement à l’infrastructure, les possibilités et les
formes d’exploitations agricoles ainsi que l’épuisement Résumé
de ces possibilités ont une importance particulière pour La point central de cette étude est la fortification in-
pouvoir reconstituer l’activité de l’habitat et la culture térieur romaine tardive de Keszthely-Fenékpuszta, se
agricole au-delà des frontières des périodisations his- trouve dans la Hongrie d’aujourd’hui, située à l’extré-
toriques. Les recherches paléo-environnementales et mité ouest du lac Balaton. Le site a permis au cours
paléobotaniques dans la région des rives du Balaton des 125 dernières années de nombreuses traces de la
confirment qu’il existait une culture fruitière et viti- colonie, essentiellement de la période de l’Antiquité
cole développée sur ce territoire pendant la période ro- tardive, la culture Keszthely (6e à 7e siècles) et la pé-
maine, complétée par la culture agraire de différentes riode carolingienne. Dans la présente étude fera la lu-
sortes de céréales qui apparut suite à de grands défri- mière sur deux questions clés qui seront discutées dans
chements extensifs (Sümegi u.a. 2007; Gyulai 2005). le cadre de la localité de Keszthely Fenékpuszta long-
Un point décisif est la compréhension de l’ampleur de temps: la problématique de la Pannonie et des fortifi-
la transformation qui s’est engagée pendant le milieu cations intérieures romaines tardives et de la culture
du 5e siècle alors que se dissipait le pouvoir en place de Keszthely. Suite à cela, les questions sont abordées
de l’administration provinciale romaine. A supposer qui ont jusqu’ ici principalement porté sur des aspects
que l’évolution se déroulait différemment selon les ré- de la migration au-delà de la continuité et d’obtenir de
gions, les données des diagrammes polliniques locaux nouvelles perspectives méthodologiques dans l’explo-
ne peuvent pas être généralisées. Les résultats obtenus ration de la «Transformation of the Roman World» en
jusqu’à présent indiquent justement de semblables di- Pannonie.
vergences de tendances: quelques uns montrent une
transformation pendant le 5e siècle, d’autres suggèrent
une pratique agricole continue (Juhász 2007a; idem Zusammenfassung
2007b). Dans la région de Keszthely-Fenékpuszta une Im Mittelpunkt der vorliegenden Studie steht die spät-
telle culture de forme méditerranéenne peut par exem- römische Innenbefestigung von Keszthely-Fenék-
ple avoir été adoptée jusqu’au 7e siècle (Heinrich-Ta- puszta im heutigen Ungarn, am Westende des Balaton
maska 2008a). gelegen. Der Fundplatz lieferte im Verlauf der letzten
Dans la recherche hongroise l’étude du passage entre 125 Jahre zahlreiche Spuren der Besiedlung, überwie-
l’antiquité tardive et le Haut Moyen-Âge a été jusqu’à gend aus der Zeit der Spätantike, der Keszthely-Kultur
présent primairement limitée à des questions détermi- (6.–7. Jh.) und der Karolingerzeit. In der vorliegenden
nées par les notions de continuité et de migration. Tou- Arbeit werden zwei zentrale Frage näher beleuchtet,
tefois si complexes soient les processus qu’il s’agit de die in Verbindung mit dem Fundort von Keszthely-
saisir ici, ils présentent un grand nombre de nouvelles Fenékpuszta seit Langem diskutiert werden: der Pro-
approches et problématiques qui apparaissent maintes blemkreis der pannonischen Innenbefestigungen und
fois dans la discussion sur la « Transformation of the der der Keszthely-Kultur. Im Anschluss daran werden
Roman World » et qui vont bien au-delà de ces deux Aspekte besprochen, die über die bisher primär behan-
dernières notions (cf. Brather 2008 note 1). Le travail delten Bereiche der Kontinuität und Migration hinaus-
commun avec les sciences naturelles ainsi que les re- gehend neue methodische Perspektiven bei der Erfor-
cherches régionales par delà les périodes dessinent les schung der „Transformation of the Roman World“ in
bases de la compréhension de ces phénomènes. Ainsi Pannonia erhalten.
l’archéologie de l’habitat, aux côtés des découvertes

Bibliographie
Alföldi 1926 Barkóczi 1968
A. Alföldi, Der Untergang der Römerherrschaft in Pannonien, B. 2, L. Barkóczi, A 6th Century Cemetery from Keszthely-Fenékpuszta.
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Alföldi 1932 Barkóczi/Salamon 1984


A. Alföldi, Leletek a hun korszakból és ethnikai szétválasztásuk L. Barkóczi/Á. Salamon, Tendenzen der strukturellen und organisa-
(= Funde aus der Hunnenzeit und ihre ethnische Sondierung). torischen Änderungen pannonischer Siedlungen im 5. Jahrhundert.
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Bakay/Kalicz/Sági 1966 Bierbrauer 2004


K. Bakay/N. Kalicz/K. Sági (éd.), Magyarország régészeti topográ- V. Bierbrauer, A Keszthely-kultúra és a késĘ római továbbélés kérdé-
fiája 1. Veszprém megye régészeti topográfiája. A keszthelyi és ta- se Pannoniában (Kr. u. 5-8. század). Újabb gondolatok egy régi pro-
polcai járás (Budapest 1966). blémáról (= Die Keszthely-Kultur und die romanische Kontinuität in

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