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Janin
Janin R. Le monachisme byzantin au moyen âge. Commende et typica (Xe-XIVe siècle). In: Revue des études byzantines, tome
22, 1964. pp. 5-44.
doi : 10.3406/rebyz.1964.1318
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1964_num_22_1_1318
LE MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE
COMMENDE ET TYPICA (Xe-XIVe SIÈCLE)
M λ ν si. XI.
\1.\nsi. XIII.
\1 sNsi. XVI.
8 REVUE DES ETUDES BYZANTINES
Elle vint à la fois des patriarches et des empereurs, mais elle subit
des fluctuations. S'il était difficile d'abolir complètement la commende,
entrée dans les moeurs, on pouvait du moins en limiter les funestes
effets.
Le patriarche Sisinntus II (996-998) avait interdit la donation de
monastères patriarcaux à des particuliers ou à d'autres maisons rel
igieuses. Parce que cette décision était un acte personnel, non approuvé
par les évêques, c'est-à-dire le saint synode, et par l'empereur, et donc
sans valeur canonique, son successeur Sergius II (1001-1019) la
(22) PG, 119, 741; cf. V. Grumel, Regestes des actes des patriarches, n° 821.
(23) PG, 119, 837 D-844 P; V. Grumel, op. cit., n° 833.
(24) V. Grumel, op. cit., n° 952; BIRC, V, 1900, 34.
(25) V. Grumel, op. cit., n° 1000.
R. JANIN : MONACniSME BYZANTIN AU MOYEN AGE 13
(:U)) On appelait monastères séculiers ceux que des personnages établissaient dans leur
propriété sans aucune intervention de l'Ëglise.
(31) Ρ G, CXXVI1, 9-11 C-945 B.
(32) PG, CXXXIII, 709.
R. JA!NTIN : MONACHISME BYZANTIN Al MOYEN AGE I Γ»
Par six novelles successives, Léon VI (886-912) avait mis les lois
de Justinien en harmonie avec les tendances nouvelles qui se manif
estaient parmi les moines et que s. Théodore Studite avait si heu
reusement concrétisées. Cependant il se produisit à partir du xe siècle
une grave innovation qui bouleversa la législation de l'Église. Les
auteurs en lurent des personnages qui, fondant de nouvelles maisons
religieuses, voulurent leur donner un statut juridique et des règlements
intérieurs conformes à leurs idées personnelles. Les τυπικά κτητορικα
ou chartes de fondation furent l'œuvre d'empereurs, d'impératrices,
de princes impériaux, de hauts fonctionnaires, voire de généraux.
La législation de Justinien et les canons des conciles qui mettaient
les monastères sous l'autorité de Γ évoque et lui en donnaient le contrôle
étaient ouvertement violés par ces chartes, dans le but, louable en
soi, de combattre la commende et les abus des prélats qui enrichissaient
leurs Églises aux dépens des monastères. C'est pourquoi les typica
revendiquent l'indépendance totale des nouvelles maisons religieuses,
tout en leur donnant des éphores (curateurs) qui veillent à leur bonne
marche et à la sage administration de leurs biens.
Certains fondateurs de monastères ou de groupements monastiques
des ive et ve siècles ont laissé des règles assez précises sur leur mode
de gouvernement et sur la vie des religieux, mais elles ne sont pas
des constitutions proprement dites. C'est saint Sabas qui a inauguré
au vie siècle, pour son monastère de Palestine, la série des typica
ou règlements; son texte, qui est presque entièrement d'ordre litur
gique, a été remanié à travers les siècles. Il a été imité en divers
monastères ou plus simplement adopté sous le nom de « typicon
de Jérusalem ». Saint Théodore, qui s'en est inspiré, en a composé
un pour son monastère de Stoudios à Constantinople au commenc
ement du ixe siècle. Cette charte a exercé une grande influence,
non seulement dans l'empire byzantin, mais encore en Russie. A
partir du xe siècle et jusqu'au début du xve, les typica se multiplient,
manifestant des formes particulières de vie religieuse et surtout
revendiquant, presque tous, la complète indépendance vis-à-vis des
autorités de l'État et de l'Église. L'un d'eux, celui de la Théotocos
Εύεργετίς, à Constantinople, en a inspiré d'autres, comme cela est
nettement dit dans ceux du Prodrome του Φοβερού (Bosphore), de
la Théotocos των Έλεγμών (Bithynie) et de la Théotocos του Μαχαφά
(Chypre). lien est un dont on ne connaît l'existence que par les emprunts
que lui a faits Grégoire Pacourianos pour son monastère de la Théotocos
de Pétritzos dans la province de Thrace. C'est celui du couvent των
Παναγίου, qui florissait au xie siècle sur les hauteurs du Phanar à
Constantinople et qui fut restauré plus tard sous Je nom populaire
de « Théotocos des Mongols ».
Nous donnons plus loin la liste des 31 typica, dont le texte a été
publié, en tout ou en partie, avec l'indication des éditions. Les monast
èrespour lesquels ils furent écrits appartenaient à des provinces
éloignées les unes des autres : Palestine (Laure de Saint-Sabas), Iles
(Saint-Jean-de-Patmos, Έγκλειστρα et Théotocos του Μαχαιρά en
Chypre, Théotocos της Βαιονίας en Crète), Asie (Latros et Saint-
Démétrius των Κελλιβάρων), Bithynie (Théotocos των 'Ηλίου Βωμών ήτοι
τών Έλεγμών et Saint-Michel du mont Saint Auxence), Rhodope (Théo
tocos Κοσμοσώτεφα), Thrace (Théotocos de Pétritzos), Macédoine
(Théotocos Έλέουσα de la région de Stroumnitza et Prodrome του
ορούς Μενοοκέως, près de Serrés), Mont Athos (Laure de Saint-Athanase,
monastère serbe de Karyès et deux typica concernant la confédé
rationathonite), Péloponnèse (Théotocos της "Αρειας) et enfin Saint-
Nicolas τών Κασούλων (Calabre) et Saint-Sauveur de Messine (Sicile).
Les autres concernent uniquement des monastères de Constantinople
et de sa banlieue immédiate.
Π. JANIN : Μ Ο Ν AC II IS Μ Ε BYZANTIN Al MOYEN AGE 17
reste
Églises
(38)lesLe
etruines
monastères,
monastère
de l'église
444-455.
τών devenue
Σ-ουδίου mosquée
était dans
sousla lepartie
nom de
sud-ouest
Mirahor deCamii.
Constantinople.
Cf. R. Janin,Il
1. Postulat et noviciat.
Le concile in Τr allô (c. 40) avait fixé à 10 ans le minimum d'âge
pour l'entrée en religion. Léon VI fit de même et fixa la tonsure ou
(57) Localisation imprécise; peut-être près du monastère de Lips. Cf. R. Jams, op. cit.,
29F).
(50) TI reste des ruines au sud de la Pointe du Sérail. Cf. H. Janix, op. cil., 5Ί1-5ΊΊ.
(59) Ce site est à fi kilomètres au nord de Serrés. Cf. M. Jr<;n·:, Byzantion xii, 1 9 ii 7 ,
25-09. Cf. André (irii.i.ov. Les archives de Saint- J ean- Prodrome sur le mont Ménéeéc, Paris,
.
1955.
((')(») Le monastère so trouvait sur la pente méridionale de la IIIe colline. Cf. R. Janin,
ΕχΙ. ri mon.. 100-108.
(01) Probablement dans l'épure hie de Hiérapétra. Cf. S. Pétridès, op. rit., B.I.R.C.,
XV. 1911, 92-9Ί.
02i S. Salavillf,. Messe et niiniuunion d'après les Typica înuiiasiicpies byzantins du
ν ;m \i\r siècles. d;m< Or. >l,rist. /irriodira. \'λ (I9'i7i. 282-298: K. Hermann, Die haullige
<
22 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES
und tägliche Kommunion in den byzantinischen Klöstern », dans Mélanges Louis Petit, 1948,
203-217; P. dk Meester, De monachico Statu juxla disciplinam byzantinam (Fonti), xxxix-
523 pages, Vatican, 1942.
n° (63)
30, ibid.,
Vita Sabae,
IV; Vila
n° Cyriaci,
29, dans n°
Cotelier,
4; Λ. SS.,Kcclesiae
sept. VIII,
graecac
148;monumenla,
Vita Georgiii
III;Khozibüae,
Vila Euthymii,
n° 3,
dans Anal. Bolland., VII, 1888, 98, 336-339.
R. JANIN : MONACliISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 23
2. Confession et communion.
■i. Higoumène.
|()'i) Le titre (.le prijeslùs désigne plus souvent le supérieur eonumm d'une, fonfédénition
monastique.
26 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES
(65) Pour comprendre cette différence dans les sorties, il faut se rappeler que le monastère
était à 2 milles à l'ouest de Constantinople.
R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 27
des six couvents qui lui sont unis (t'ß) dressent publiquement une
liste de trois noms. Elle est scellée et déposée au skeuophylakion
jusqu'à la mort du supérieur en charge. Elle est alors lue et un vote
définitif désigne l'élu (Typica, I, 874-875).
9. Théotocos της "Αρειας. L'higoumène est élu par la communauté;
ce ne peut être un exokourite, c'est-à-dire un moine venu d'un autre
monastère. Le prêtre lui remet le bâton pastoral devant l'icône de
la Théotocos. Il doit traiter les affaires de la maison avec l'économe,
l'ecclésiarque et le dépositaire (Miklosich et Müller, op. cit., Y,
j 80, 186-187.
10. Théotocos Κοσμοσώτεφα. L'higoumène est élu par la commun
autéà la majorité des voix; il ne doit pas être un exokourite. Il
est ensuite conduit au métropolite de Trajanopolis pour recevoir la
bénédiction canonique. Le typicon et la bâton pastoral lui sont
remis à l'église au cours d'une cérémonie (B.I.R.C., XIII, 38-39, 59).
11. Saint-Mamas. L'élection de l'higoumène a lieu de la même
layon que celle de son collègue du Christ Pantocrator (cf. n° 8), sauf
qu'un des candidats peut être un exokourite. Déposé, il est libre
de rester ou de se retirer (Ελληνικά, Ι, 260-263).
12. Théotocos των Ήλιου Βωμών. Une liste de trois candidats
est dressée par tous les moines, scellée et enfermée dans le skeuophyl
akion. A la mort de l'higoumène, elle est lue publiquement et la
communauté choisit un des trois candidats, à moins qu'avant de
mourir, l'higoumène ne se soit prononcé en faveur de l'un d'eux. Le
nouvel élu est conduit au patriarche pour la bénédiction canonique,
les moines présentent au prélat le procès- verbal de l'élection avec
l'approbation de l'empereur. Déposé, l'higoumène peut se retirer ou
rester au monastère; dans ce cas, il occupe la seconde place (Typika,
I, 717-722).
13. "Εγκλειστρα de Chypre. Néophyte, le fondateur du monastère,
était un reclus. Ses successeurs doivent l'être aussi. La communauté
conduit solennellement l'élu à la réclusion au cours d'une cérémonie
spéciale (T. Ch. Hatzijoannès, op. cit., 101-103).
14. Saint-Sauveur de Messine. Le typicon concerne un ensemble
de laures soumises à l'archimandrite de Saint-Sauveur. Si l'une vient
à perdre son higouméne, la communauté désigne deux candidats
qu'elle présente à l'archimandrite. Celui-ci nomme l'un deux, lui
4. Officiers.
celui des Symboles, tous situés en Asie Mineure (68). Malgré les
sages mesures qu'il avait prises pour assurer l'ordre parmi tous les
membres de la communauté, saint Théodore était trop pondéré pour
admettre dans son monastère tant de monde à la fois. Il est certain
toutefois qu'il eut beaucoup de moines sous son autorité, comme
l'insinue la multiplicité des emplois qui leur étaient confiés.
Lorsque Anselme, évêque d'Havelberg, envoyé à Constantinople en
1136 par l'empereur d'Allemagne Lothaire III, prétend qu'il y avait
700 moines au Christ Pantocrator et 500 au Christ Philanthrope (69),
on se demande où il a puisé ces renseignements. Le Pantocrator
était à peine fondé et son typicon ne lui attribue que 80 moines (70).
Quant au Christ Philanthrope, qui était contigu à celui de la Théo-
tocos Κεχαριτωμένη, il ne devait pas avoir beaucoup plus d'habi
tants que celui-ci, dont le nombre, fixé par le typicon, était de 24,
avec une marge allant jusqu'à 40, suivant les possibilités (71). Si
l'on en juge d'après les typica, la plupart des monastères byzantins
ne comptaient guère que quelques dizaines de moines ou de moniales.
Voici les renseignements que nous avons pu recueillir dans les
typica des monastères d'hommes :
1. Laure de Saint-Athanase : d'abord 80, puis 120, dont 5 kelliotes
(Haupturkunden, 114-115).
2. Théotocos Εύεργετίς : pas de nombre fixe; suivant les ressources
{Typica, I, 641).
3. Christ Tout-Miséricordieux de Michel Attaleiatès; 7 ou 5, si les
ressources diminuent (Miklosich et Müller, Ada et diplomata,
V, 311).
4. Théotocos de Pétritzos : 50, en dehors de l'higoumène; parmi
eux 6 prêtres, 2 diacres et 2 sous-diacres (Viz. Vrem., XI suppl. 21-23).
5. Prodrome του Φοβερού : 12 sachant lire (Noct.es Petropolitanae,
57-58).
6. Christ Pantocrator : 80, dont 50 pour le chœur et 30 pour les
travaux manuels (Typica, I, 671).
7. Théotocos της "Αρειας : 10 (Miklosich et Müller, op. cit.,
V, 72).
205-206.
(68) Fr. Julien Leroy, La réforme studite, dans Orientalia Christiana analecta 153 (1958),
(69) Dialog., I, 10; PL, CLXXXVIII, 1156 D.
(70) Les six monastères qui lui étaienl unis dans la banlieue asiatique n'avaient en tout
que 70 moines (Typika, I, 676).
(71) Miklosich et Müller, op. cit., V, 337.
R. JANIN : MONACHISMK BYZANTIN AU MOYEN AGE 31
β. Vie commune.
Justinien avait voulu que tout fût commun dans les monastères
(logement, nourriture, habits, réfectoire, dortoir). Cependant il arriva,
assez vite peut-être, que chaque religieux eût sa cellule; du moins
on le constate pour certains couvents. A la Théotocos Κοσμοσώτεφα,
existait un système assez particulier. Sous prétexte de former les
novices on mettait deux religieux par cellule : un ancien et un nouveau,
qui devait prendre modèle sur son compagnon; cependant l'higou-
mène pouvait permettre de vivre seul en cellule (B.I.R.C., XIII, 15).
A la Théotocos της "Αρειας, les moines étaient deux à deux au
réfectoire, un ancien et un jeune (Miklosich et Müller, op. cit.,
V, 184).
La nourriture était commune. Cependant on trouve des dispositions
particulières à cet égard. Les solitaires (kelliôtes ou hésychastes)
recevaient les vivres de leur monastère en argent et en nature, comme
nous l'avons vu pour la laure de Saint-Athanase au Mont Athos.
Pour les 7 moines de son monastère de Constantinople et de son
asile de pampres de Rhédestos, Michel Attaleiatès avait établi un
système qui ne semble guère compatible avec la vie commune. La
cathigoumène recevait par an 12 pièces d'or, 48 mesures de blé,
36 de vin, 3 pièces d'or pour la pitance et 2 mesures d'huile. Les
religieux chargés de travaux pénibles avaient 8 pièces d'or, les prêtres 7
et les simples moines 6. En dehors du cathigoumène, les moines
recevaient 30 mesures de blé, 24 de vin, 1 d'huile et 2 pièces d'or
pour la pitance (Miklosich et Müller, op. cit., V, 315-316).
Dans certains monastères, les religieux employés à des travaux
particulièrement pénibles recevaient une nourriture plus abondante.
Ainsi en avait décidé saint Athanase pour la Laure du Mont Athos
(Typika, I, 254). A la Théotocos των Ηλίου Βωμών, les agriculteurs et
les pêcheurs recevaient deux fois par an une pièce et demie d'or et
une autre fois un προσέργιον χοντρόν ; ils avaient également chaque
mois de quoi payer le bain et le savon (Typika, I, 744-745). Saint Atha
nase permettait aux moines de garder par devers eux des effets per
sonnels et même de l'argent (Typika, I, 255).
Les habits étaient ordinairement fournis par le monastère et dis
tribués deux fois par an : le 1er septembre pour les habits d'hiver,
le 1er mars pour ceux d'été. Les typica indiquent parfois la nature des
différentes pièces de l'habillement. A Saint-Mamas, cette distribution
se faisait en argent, chaque moine recevant la somme nécessaire
pour se procurer habits et chaussures aux deux dates indiquées
plus haut; c'était 1 hyperpère et 1 triképhalon; de plus on leur donnait
R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 33
chaque mois ce qu'il fallait pour le savon, et aussi pour le bain quand
il n'y en avait pas dans le monastère (Ελληνικά, Ι, 283).
Certains monastères plus rigides interdisaient le bain aux moines,
comme le Prodrome του Φοβερού {Nodes Petropolitanae, 29) et Γ'Έγ-
κλειστρα de Néophyte le Reclus en Chypre (I. Ch. Haztijoannidès,
op. cit., 115). Les autres se montraient moins austères. Le bain était
permis une fois par mois à Saint-Mamas (Ελληνικά, Ι, 283), ainsi
qu'à la Théotocos Κοσμοσώτεφα {BIRC, XIII, 67); deux fois par
mois en dehors du Carême au Pantocrator {Typika, I, 670); chaque
samedi en dehors du Carême à la Théotocos της "Αρειας (Miklosich
et Müller, op. cit., V, 185). Au Prodrome του ορούς Μενοικέως quatre
bains étaient ordonnés par an, mais l'higoumène était libre d'en
augmenter le nombre {Byzantion, XII, 1937, 51).
Tous les typika insistent sur les soins à donner aux malades, à
commencer par Saint Athanase au Mont Athos. Ils sont logés à part
et ont un régime particulier bien que fidèle à l'abstinence de viande.
Ils ont des infirmiers et parfois un médecin à leur service. Quand
ce dernier manque dans le monastère, on fait appel à ceux de l'exté
rieur. Pour eux il n'y a pas de limite pour le bain. Ils peuvent en
user chaque fois que le prescrivent ceux qui les soignent. Il va sans
dire que l'higoumène doit les visiter souvent pour les encourager.
7. Clôture.
S. Indépendance.
Comme nous l'avons déjà dit, presque tous les typica revendiquent
l'indépendance complète pour le monastère dont ils sont la charte. On
est loin de la règle fixée par le concile de Chalcédoine en 451 : dépen
dance vis-à-vis de l'évêque du lieu (c. 4). Cette indépendance
est exprimée par de nombreux synonymes qui s'accumulent dans
divers textes : ελευθέρα, άκαταδούλωτος, αύτοδέσποτος, αυτεξούσιος,
εαυτής κυριεύουσα και δεσπόζουσα (ex. Typika, I, 700, pour le Pantocrator).
De plus, il est spécifié ordinairement que le monastère est exempt de
tous les « droits impériaux, patriarcaux et personnels », qu'il « ne peut
être cédé ni en don, ni en gratification, ni pour une curatelle, ni à une
personne, ni à un autre monastère, ni à une œuvre charitable ». En
(72) Catéchèse I, 3.
R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 35
Sept de ceux qui furent fondés aux xie-xive siècles nous sont
connus par le typicon qui leur fut donné ou par allusion dans un autre
d'un monastère différent. Cinq d'entre eux étaient à Constantinople :
Théotocos Κεχαρί,τωμένη, Christ Philanthrope, Théotocos Βεβαία
Έλπίς, Lips, saints Côme et Damien. Les deux autres se trouvaient
en province : l'un, à Areia, près de Nauplie, et l'autre à Baionia, dans
l'île de Crète. On peut recueillir dans leurs typica quelques parti
cularités intéressantes.
Ce monastère fut fondé par Nil Damilas, qui lui donna son typicon
en 1400 (édition S. Pétridiès, dans BIRC, XV, 1911, 95-109). On
ne peut y glaner que quelques détails.
Il est défendu de recevoir une esclave sans la permission de son
maître (99-100). On peut accueillir une femme avec sa fille de moins
de 10 ans, mais celle-ci devra apprendre à lire et devenir religieuse;
elle ne pourra pas s'initier à un métier jusqu'à ce qu'elle ait pris
le rasso à 13 ans révolus (100). Aux termes du canon 2 du concile
dit Ier et IIe (861), l'higoumène doit donner aux postulantes des
marraines pour les initier à la vie religieuse (100-101).
Le monastère d'hommes de Nil Damilas était à un mille de celui des
42 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES
femmes. Il est spécifié que les moines ne pourront pas faire des tra
vaux dans le monastère des femmes ni dans leurs propriétés, mais
seulement des séculiers. De leur côté, les religieuses ne pourront
pas travailler pour les moines, sauf faire les rassos (101-103).
Clergé. Il est recommandé aux religieuses de bien choisir le prêtre
chargé des offices religieux et de le garder jusqu'à la mort, s'il accepte,
mais que ce soit un séculier, jamais un hiéromoine (106-107). Le
père spirituel est choisi par les religieuses, soit à l'unanimité, soit
à la majorité des voix; il n'a aucune autorité sur la communauté.
Quand il est appelé pour les confessions, il prend place dans le narthex
de l'église, à l'intérieur du monastère, s'il fait froid (103, 107).
Les sœurs chargées de la porte ne devront jamais l'abandonner
pour aller travailler à la vigne ou au jardin (108).
Il y aura toujours une higoumène et deux économes. Si l'une de
celles-ci vient à mourir, la communauté en élira une autre à la major
itédes voix (108-109).
(85) Sur Irène Choumnos, sa famille et son monastère, cf. V. Laurent, « Une princesse
byzantine au cloître », KO, XXIX, 1930, 29-60.
(86) R. Janin, Constantinople : Églises et monastères, 541-544.
(87) Ibid., .154-355.
(88) Nicktas Chômâtes, Bonn, 270-272; Ρ G, 139, 556 D-557 B; C. Sathas, Bibliothecu
graeca medii aeçi, VII, 301; Ephrem, Caesares, vv. 4691-4701.