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R.

Janin

Le monachisme byzantin au moyen âge. Commende et typica


(Xe-XIVe siècle)
In: Revue des études byzantines, tome 22, 1964. pp. 5-44.

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Janin R. Le monachisme byzantin au moyen âge. Commende et typica (Xe-XIVe siècle). In: Revue des études byzantines, tome
22, 1964. pp. 5-44.

doi : 10.3406/rebyz.1964.1318

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1964_num_22_1_1318
LE MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE
COMMENDE ET TYPICA (Xe-XIVe SIÈCLE)

Les chartes de fondation (τυπικά κτητορικα) de monastères que


l'on voit se multiplier du xe au xive siècle présentent divers aspects qui
montrent combien la vie religieuse s'est modifiée au cours des âges et
aussi quelle place elle occupe dans la vie sociale. Pour se livrer util
ement à cet examen, il faut tout d'abord résumer les dispositions
officielles qui l'ont régie jusqu'alors : canons des conciles, novelles et
chrysobulles des empereurs, décisions des patriarches et de leur synode.
La commende s'est établie au xe siècle et n'a cessé d'étendre ses ravag
es. Contre elle certains patriarches réagissent, tandis que d'autres se
montrent plus accommodants. Le mal est finalement tel que des
empereurs, qui ont profité eux-mêmes de l'abus pour mieux assurer
leur pouvoir, comme Alexis Ier Comnène, sont obligés de prendre
des mesures pour limiter les dégâts. C'est dans cette atmosphère de
lutte pour l'indépendance de la vie monastique que sont fondées les
nouvelles maisons religieuses. Presque tous leurs créateurs s'entourent
de précautions pour les empêcher de tomber entre les mains des gens
du monde. Les typica font apparaître des différences marquées dans
la vie de ces monastères, dont beaucoup ont des caractéristiques
spéciales, preuve que les fondateurs n'ont pas obéi à des inspirations
uniformes. Cette étude permet de comparer leurs habitudes avec
celles des temps plus anciens et de noter l'évolution qui s'est lentement
produite.

I. Législation canonique (résumé)

La vie monastique s'était répandue dans toutes les provinces de


l'empire en Orient dès le ive siècle. Cependant elle n'était pas soumise à
des règles communes et les divers fondateurs de monastères avaient
toute liberté de légiférer selon leurs conceptions personnelles. Cepen
dant certains d'entre eux firent école, comme saint Pakhôme et
saint Antoine en Egypte, saint Euthyme et saint Sabas en Palestine,
6 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

saint Basile en Cappadoce, etc. Toutefois il arriva un moment où


il fallut prendre des mesures d'ordre général pour empêcher la vie
religieuse d'être modelée par des esprits extravagants et de causer
des désordres dans la société. C'est à quoi s'appliquèrent divers
conciles et aussi des empereurs, principalement Justinien.
Concile de Chalcédoine (451). Sept de ses canons concernent la vie
monastique. Il est interdit aux moines de s'occuper d'affaires sécu
lières (c. 3), d'entrer dans l'armée et de briguer une dignité séculière
(c. 7), de se marier (c. 16), de faire des cabales contre le clergé et l'évê-
que (c. 8 et 18). Surtout les Pères décident qu'aucun monastère ne
sera fondé sans la permission de l'évêque du lieu; celui-ci est le supé
rieur de tous les moines de son éparchie, mais il doit s'en occuper
avec le soin convenable (c. 4). Enfin les monastères consacrés comme
tels doivent le rester avec tous leurs biens et ils ne peuvent devenir
des maisons particulières (c. 24) (1).
Législation de Justinien (535-546). Cet empereur publia cinq
novelles successives sur la législation monastique. Son but était
d'uniformiser la vie religieuse dans l'empire et d'en bannir les manifes
tations trop particularistes. C'est pourquoi il imposa le régime céno-
bitique plus facile à surveiller. Il a réglementé la vie des moines
jusque dans ses moindres détails : réception des postulants qui doi
vent être peu nombreux à la fois pour que soit mieux assurée leur
formation, durée du noviciat (trois ans), régime commun (logement,
nourriture, habits, réfectoire, dortoir); toutefois les anachorètes ou
hésychastes peuvent continuer leur genre de vie; règles à suivre pour
la disposition des biens. L'higoumène (supérieur) est désigné par
l'évêque ou élu par la communauté. Les moines jouissent du for
compétent; tous leurs procès sont du ressort de l'évêque. Les monast
èresdoubles sont interdits : moines et moniales doivent vivre dans
des monastères séparés et les biens seront répartis entre les deux
groupes. La clôture interdit aux femmes l'entrée des monastères
d'hommes et aux hommes celle des monastères de femmes. Chaque
monastère aura son apocrisiaire pour s'occuper des affaires de la
maison. Les peines encourues par les délinquants sont les suivantes :
1° l'admonition en particulier; 2° l'admonition sévère et publique;
3° le renvoi (2).

(1) Mansi, VII, 360-3(18 B.


(2) Novelles V, du 15 mars 535 ; LXXI, du 10 oct. 537; LXXIX, du 10 mars 539; CXXIII,
du 1er mai 546 (c. 34-44); CXXXIII, de mars 539.
η. JANIN : MONACTIISME BYZANTIN A V MOYEN AGE /

Concile in Trullo (692). L'âge minimum pour entrer en religion


est iixé à dix ans (c. 40). On ne peut vivre en solitaire qu'après trois
ans de vie commune (c. 41). Tout chrétien a le droit d'entrer en rel
igion (c. 43). Défense aux femmes de se présenter à la vêture en habits
mondains et parées de bijoux (c. 45). Le canon 49 réitère la défense
du concile de Chalcédoine (c. 24) de transformer en maison parti
culière un monastère régulièrement constitué et de la donner à des
laïcs (3).
Deuxième concile de Nicée (787). Chaque monastère doit avoir son
économe (c. 11). Il est interdit d'aliéner les biens des monastères (c. 12).
L'higoumène, s'il est prêtre, peut ordonner les lecteurs (c. 14). L'entrée
en religion est gratuite (c. 19). Sont de nouveau interdits les monastères
doubles, c'est-à-dire ceux où moines et moniales vivent sous le même
supérieur dans des habitations contiguës et avec des biens communs
(c. 20). Un moine ou une moniale ne peut quitter son monastère pour
entrer dans un autre, à moins d'avoir obtenu l'autorisation de son
supérieur (4).
Concile dit 1er et IIe (861). Il est interdit de fonder un monastère
sans l'autorisation de l'évêque, de s'en déclarer propriétaire et de le
revendre; le fondateur d'un monastère n'a pas le droit d'en devenir
liigouinène ou d'en nommer un de son choix (c. 1). Personne ne peut
admettre à la tonsure monastique (qui équivaut à la profession) sans
la permission et la présence de l'higoumène. Si celui-ci le tolère, il est
déposé; quant k celui qui obtient la tonsure de cette manière, l'évêque
l'assignera à un monastère de son choix (c. 2). Il est interdit de quitter
son monastère pour entrer dans un autre, mais l'évêque peut trans
férer un moine d'un monastère dans un autre de son éparchie (c. 4).
Il n'y a pas de profession avant trois ans de vie religieuse, sauf pour
les novices gravement malades et pour ceux qui ont déjà mené la vie
monastique dans le monde (c. 4); pour ces derniers, six mois de novi
ciatsuffisent (c. 5). Les moines peuvent faire leur testament en entrant
au monastère et disposer de leurs biens selon les lois; après leur
profession, tous les biens qu'ils acquièrent appartiennent au monastère
(c. 6). Nul n'a le droit de créer de nouveaux monastères en ruinant
révèché (c. 7) (5).
Patriarche Nicéphore Ier (806-815). Il alaissé des réponses cano-

M λ ν si. XI.
\1.\nsi. XIII.
\1 sNsi. XVI.
8 REVUE DES ETUDES BYZANTINES

niques dont plusieurs regardent la vie monastique (6). Citons celles


qui nous intéressent. L'higoumène, s'il est prêtre, peut ordonner les
lecteurs et les sous-diacres de son couvent. Le moine qui, ayant quitté
son monastère, y revient, doit être reçu, mais sans les prières pres
crites pour l'entrée. Le moine peut quitter son monastère dans les
trois cas suivants : 1° si l'higoumène est hérétique; 2° si les femmes
entrent dans la maison; 3° si des enfants y étudient les sciences pro
fanes.
Nicéphore Ier s'occupa surtout des monastères doubles. Après
Justinien, le IIe concile de Nicée (787) les avait interdits, tout en
tolérant que ceux qui existaient pussent continuer à la condition
d'observer les règles qu'avait fixées s. Basile. C'est ainsi que les moines
apportant des provisions au monastère féminin, devaient les déposer
devant la porte, en présence de la supérieure et d'une religieuse
ancienne (c. 20; Mansi, xiii, 755 D). Il est probable que les abus
avaient continué et que de nouveaux monastères doubles avaient
surgi dans l'intervalle. Nicéphore interdit absolument cette pratique
et confia à plusieurs évêques la mission de parcourir les provinces
pour supprimer tous ceux qui existaient (7).
Léon le Sage (886-912). Une diataxis de ce prince précisa certains
points de la vie monastique et modifia les dispositions de Justinien. Si
le moine a apporté quelque bien au monastère, il peut disposer de
ceux qui lui sont advenus depuis son entrée en religion. S'il n'a rien
apporté, les 2/3 de ces biens seront à sa disposition et l'autre tiers
appartiendra au monastère. La date minima de l'entrée en religion
est de dix ans; la tonsure (qui équivaut à la profession) se donne à
seize ou dix-sept ans. Le moine qui abandonne son monastère doit y
être ramené, même par la force. L'esclave qui se fait moine pour
échapper à son maître doit lui être rendu, si celui-ci le réclame, mais
seulement si la preuve de la faute a été faite pendant les trois ans de
vie monastique de l'esclave. Les moines ne peuvent être tuteurs
d'orphelins, mais il leur est permis de s'occuper des curatelles (8).
Réponses canoniques synodales adressées au patriarche Marc II
d'Alexandrie par Georges II Xiphilin (févr. 1195). Deux de ces
réponses intéressent directement la vie monastique. Un prêtre peut
faire la stavropégie (bénédiction d'un nouveau monastère) avec la

(6) Riialli et PoTLI, Σύνταγμα των ιερών κανόνων, IV, 427-478.


(7) Vita Nicephori, ed. C. de Boor, dans Nicephori archiepisropi Conslantinopoleos
Opuscula historica, Leipzig, 1890, 159-160.
(8) PG, 107, 572 B-573 Λ.
R. .TANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE H

permission de l'évoque. Les supérieures de moniales n'ont pas le droit


d'entendre leurs sœurs en confession, pas plus du reste que les higou-
mènes non prêtres dans leur monastère (9).

II. La commende et autres abus

Ni les dispositions si sages des conciles, ni les lois civiles, si rigou


reuses sur certains points, ne purent empêcher de graves abus de se
glisser dans le gouvernement des monastères, surtout en ce qui concer
nait leurs biens. Des particuliers continuaient à fonder des maisons
religieuses sans l'autorisation de l'évêque local ou du patriarche et à
s'en considérer comme les propriétaires légitimes, avec le droit de les
donner ou de les vendre, sans égard à leur qualité de biens d'Église.
Par ailleurs, des monastères plus riches profitaient des calamités
publiques, surtout au xe siècle, pour acheter des propriétés foncières
que leurs maîtres étaient contraints de vendre pour échapper à la
misère. Ils augmentaient ainsi leurs biens d'une façon scandaleuse.
Certains monastères incapables de payer les impôts, devenaient la
propriété du fisc et prenaient le titre de « monastères fiscaux ». D'autres
enfin, réduits à l'indigence, cherchaient des protecteurs pour les aider
à en sortir et c'est ainsi que l'on eut recours à la commende, proba
blement dès le xe siècle, sous prétexte de rendre leur prospérité à ces
maisons. Cela permit à de puissants personnages de disposer de
monastères comme de biens personnels. De plus, certains empereurs,
entre autres Isaac Ier Comnène (1057-1059) et son neveu Alexis Ier
(1081-1118), distribuèrent libéralement monastères et institutions
charitables aux membres de leur famille, à leurs amis et à leurs parti
sans. Des patriarches et des évêques ne surent pas résister à la pression
qu'exerçaient sur eux ces personnages et leur firent également don de
maisons religieuses. L'habitude était si bien prise que l'on voit des
fondateurs de nouveaux monastères, tout en prenant des précautions
pour mettre leurs propres créations à l'abri de la commende, en donner
la propriété à des parents, comme Michel Attaleiatès, pour son monast
ère du Christ Tout-Miséricordieux, qu'il confie à son fils Théodore en
1078 (10) et saint Christodoulos, fondateur du monastère Saint- Jean-
de-Patmos, qui en fait don à son fils spirituel Théodose en 1091 (11).
Nulle part, peut-être, les ravages de la commende ne sont mieux

i'.M Rn.\i.u et Potli, op. cil., IV. ΊΓ>Ί, 477.


\\0) M]k.losk:ii t'I Mi M. v.u. Afin ri diplomaln «r<ieva medii iievi. Y, 2'.)ii. :{()].
11) Ibid., VI. '.»Γ,.

10 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

décrits que dans l'exposé qu'en fit le patriarche d'Antioche Jean IV


l'Oxite (1088 ?-oct. 1100), probablement pendant un séjour à Constant
inople. Il montre tout d'abord que l'exemple vient de loin. Pour
mieux ruiner le monachisme hostile à leur politique religieuse, les
empereurs (surtout Constantin V) et les patriarches iconoclastes des
vnie et ixe siècles avaient distribué à leurs partisans monastères et
œuvres de charité gérées par les moines, avec leurs propriétés. Beau
coup de ces maisons furent ainsi ruinées. Malheureusement, parmi les
empereurs et les patriarches orthodoxes quileur ont succédé, il s'en est
trouvé qui ont imité ce funeste exemple. Ils ont cédé à des laïcs des
monastères et des asiles de pauvres détruits ou ruinés. Sans doute ce
n'était pas un don proprement dit, ni pour un bénéfice matériel, mais
au contraire pour restaurer et embellir ces maisons. Cependant le
résultat a été la ruine des monastères par les commendataires qui les
transformaient en fermes de rapport. Au lieu de conserver à ces
établissements les revenus nécessaires pour les faire vivre et pour
remplir les obligations stipulées par les fondateurs, ils bénéficiaient de
leurs avantages sans avoir à rendre compte à personne. Aussi la vie
religieuse est-elle tombée bien bas : les commendataires traitent les
moines comme des esclaves, les réduisant à exercer, pour vivre, des
métiers interdits par les règlements monastiques, les églises sont
négligées, le service divin mal assuré, les aumônes prescrites par les
constitutions négligées, etc. Il n'y a plus de véritable vie religieuse
dans ces maisons, car les commendataires y habitent avec leur famille
et se conduisent à leur fantaisie, etc. Les patriarches n'ont pas porté
remède à cette situation lamentable et le mal n'a fait qu'empirer (12).
Ces plaintes trouvent un puissant écho vers la fin du xne siècle
dans le long traité d'Eustathe de Thessalonique (1175-1194), « Examen
de la vie monastique et de son redressement » (13). L'archevêque
brosse un tableau très sombre de la décadence du monachisme. Son
zèle pour apporter les réformes nécessaires se heurta à de telles oppos
itions qu'il dut quitter son siège pendant deux ans.
un trouve des exemples de commende dans les typica. Michel Atta-
leiatès, fondateur du monastère du Christ Tout-Miséricordieux à
Constantinople et d'un asile de pauvres à Rhedestos, se dit commen-
dataire des monastères Saint-Georges et Saint-Procope de cette der
nière ville, ainsi que de l'église de la Théotocos de Daphni, trois

(12) PG, 139, 1157-11(56.


(13) PG, 135, 729-910.
R. JAjNIN : MONACinSME BYZANTIN ΛΓ MOYEN AGE II

edifices ruinés par les commendataires et qu'il a restaurés à ses


frais (14). Deux monastères munis plus tard d'un typicon avaient
également connu, subi les ravages de la commende : Saint-Mamas (15)
et le Prodrome του Φοβερού (16).
On est douloureusement étonné de voir comment les lois de l'Église
étaient alors ouvertement violées. Quatre conciles au moins avaient
précisé le caractère sacré et inaliénable des biens monastiques. Le c. 4
de Chalcédoine (451) disait : « Les monastères consacrés doivent le
rester avec tous leurs biens et ne peuvent devenir des maisons parti
culières » (17). Le c. 49 du concile in Trullo (692) défendait de trans
former en maison particulière un monastère régulièrement constitué
et de le donner à des laïcs (18). Le c. 12 du IIe concile de Nicée (787)
interdisait d'aliéner les biens des monastères (19). Enfin le c. 1 du
concile dit 1er et 11e (861) défendait de fonder un monastère sans
Γ agrément de l'évèque, de s'en déclarer propriétaire et de le revendre
(20). Ces défenses répétées pendant quatre siècles montrent bien que
le mal était déjà ancien.
Un auteur moderne a objectivement décrit la situation du mona-
chisme byzantin aux xie et xne siècles, mais en s'appuyant aussi sur
les exemples donnés plus tôt par la faiblesse de la hiérarchie en face
des abus (21).

III. Lv réaction contre la commende

Elle vint à la fois des patriarches et des empereurs, mais elle subit
des fluctuations. S'il était difficile d'abolir complètement la commende,
entrée dans les moeurs, on pouvait du moins en limiter les funestes
effets.
Le patriarche Sisinntus II (996-998) avait interdit la donation de
monastères patriarcaux à des particuliers ou à d'autres maisons rel
igieuses. Parce que cette décision était un acte personnel, non approuvé
par les évêques, c'est-à-dire le saint synode, et par l'empereur, et donc
sans valeur canonique, son successeur Sergius II (1001-1019) la

ΠΙ) Μι ki.ûsicn cl Mi'u.r, r: op. rit., Y. :i()(i.


ilS) Έλλν,ν.κά, Ι. 25;.
(1Γ)| Λ. Ραηλροροι los- Kerame v s, X octet* Petropolitanae, Sainl-Péh'rshourg. Ht 13, 51.
17) Mansi, VII, MS C.
(18! Mansi. XI. l.-t(i8 A.
1

(l'J) Mansk XIII, 431 BC.


C20) Mansi. XVI, 5H('> CE.
ι21ι \j. ( .· κ cd ν iiMi.is, La \'ie religieuse de Uempire byzantin an temps des ('oinncnes et des
Annes, l'uris. l'.llS. 12i^l'.)2.
12 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

déclara abrogée. Désormais le patriarche pourra donner des monast


èresde sa juridiction, à la condition toutefois qu'ils soient conservés
intacts (mai 1016) (22).
Onze ans plus tard, le patriarche Alexis Studite (1025-1043)
prenait courageusement le contre-pied de cette complaisance. Son
décret synodal de novembre 1027 remettait les choses au point. En
voici le détail : interdiction est faite aux bénéficiaires des donations
de monastères de les transférer ou de les vendre à d'autres personnes.
Une femme ne peut posséder un monastère d'hommes ni un homme un
monastère de femmes. Toute location d'établissement ou de propriété
monastique conclue sans l'autorisation du patriarche ou à l'insu du
chartophylakion est annulée sans aucune compensation, de telle
sorte que le dommage n'en revienne pas au monastère, mais aux
contractants; ces locations sont désormais interdites. Si le besoin s'en
fait sentir, il faudra en référer au patriarche ou au chartophylax, et
la location ne pourra avoir lieu que sur permission écrite, à peine de
nullité. Les locations de monastères ne pourront avoir lieu sans le
consentement du patriarche, ou du métiopolite, ou de l'évêque dont
ils dépendent; leur exécution n'excédera jamais les termes du contrat.
Les évêchés qui possèdent des monastères par donations de métrop
olites et qui sont prospères, devront les rendre aux métropoles, si
ces dernières sont dans le besoin (23).
Nicolas III Grammaticos (1084-1111). Faisant droit aux plaintes
formulées par le métropolite d'Athènes Nicétas Courtes à propos de la
mauvaise gestion de son prédécesseur Jean V Blachernitès (f 1086),
le patriarche et son synode décident que tous ceux qui occupent des
monastères ou des chapelles sans y avoir de moines pour assurer le
culte et prendre soin de leurs biens, doivent en être chassés imméd
iatement, à moins que la métropole ne veuille les garder encore pour
un temps déterminé, un an ou deux, à la condition qu'ils auront des
moines convenablement pourvus et qu'ils compenseront la valeur des
propriétés (20 avril 1089) (24).
Le 8 décembre 1116, le patriarche Jean IX Agapétos (1111-1134)
décida en synode que les métropolites et les évoques avaient le droit
de reprendre les monastères vides de moines et devenus des établi
ssements séculiers (25).

(22) PG, 119, 741; cf. V. Grumel, Regestes des actes des patriarches, n° 821.
(23) PG, 119, 837 D-844 P; V. Grumel, op. cit., n° 833.
(24) V. Grumel, op. cit., n° 952; BIRC, V, 1900, 34.
(25) V. Grumel, op. cit., n° 1000.
R. JANIN : MONACniSME BYZANTIN AU MOYEN AGE 13

Enfin, pour mettre obstacle aux abus de la commende, le patriarche


Luc Chrysoberges (1157-1170) décida que les monastères aliénés de
cette manière ne pouvaient être donnés en dot, ni les monastères
d'hommes à des femmes (11 nov. 1169) (26).
Les empereurs durent, de leur côté, se préoccuper des préjudices
causés aux monastères par les abus que nous avons signalés.
Devant la multiplication des monastères et de l'extension de leurs
propriétés, chose préjudiciable à la société à cause des exemptions
dont ils jouissaient, Nicéphore Phocas interdit, en 964, d'en construire
de nouveaux, ainsi que des asiles de pauvres et de vieillards, et défendit
à ceux qui existaient d'acquérir d'autres biens. Devant les protes
tations que suscitait cette mesure radicale, Basile II la rapporta par
un chrysobulle du 4 avril 987 (27). Une novelle du même empereur,
entre 975 et 996, ne considère comme monastères que ceux qui ont plus
de 8 ou 10 moines avec les moyens de les faire vivre (28). Enfin, une
autre, de janvier 996, réagit contre la multiplication des monastères..
En voici le résumé. Des gens ont bâti une église dans leur propriété et
lui ont attribué une partie de leurs biens d'accord a\rec leur parenté.
Ils s'intitulent caloyers (καλόγηροι, bons vieillards = moines) et
vivent près leur église. D'autres ont imité leur exemple. A leur mort,
le métropolite ou l'évêque a pris ces églises et les a déclarées monast
ères,puis ils les ont données à des gens qui ont dilapidé la majeure
partie des biens. Ces chapelles doivent être restituées à leurs propriét
aires; la métropole ou l'évêché perdent leur part. Les gens à qui les
métropolites ou les évêques ont donné ces monastères doivent être
expulsés, quel que soit le temps pendant lequel ils en ont joui. Les
moines seront rétablis dans leur maison; quant aux prélats, ils n'auront
plus que le droit à être nommés dans les offices religieux et à corriger
les moines, s'il y a lieu. Ces maisons sont des oratoires et non des
monastères proprement dits. Pour qu'ils méritent ce nom, il faut
qu'ils aient au moins 8 ou 10 religieux avec les revenus suffisants pour
vivre. En tout cas, ils ne pourront pas acquérir de nouvelles propriétés.
Les monastères qui furent jadis importants, même s'ils ne comptent
pas un grand nombre de religieux ou même s'ils n'en ont plus, par la
faute des métropolites et des évêques, doivent être de nouveau soumis
à ces prélats qui pourront les transmettre à qui ils \roudront (29).

;2C)) V. Gri mf.l, op. cit., n° 1086.


("27) Riim.i.i et Potu. op. cit., v, :i70: PC, 117, β 1 5-Γ. ] 8 Β.
(28) ΙΌ, 1 17. Ü25 Ι)-Γ>28 Λ.
\·1^} ΙΌ, 1 17, 624 D-628 Λ.
14 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Alexis Iev Comnène, un des empereurs qui eurent le plus recours à la


commende pour assurer leur trône, fut obligé de prendre des mesures
pour en régler l'activité avec moins de préjudices pour les maisons
religieuses. Il est probable que les plaintes du métropolite d'Athènes
et l'exposé de Jean V l'Oxite d'Antioche avaient produit leur effet.
Il publia, en décembre d'une année dont on ne connaît que l'indiction,
mais qui est probablement 1097, une novelle qui rétablissait certains
points de la législation canonique. Le patriarche a le droit de surveil
lancesur tous les monastères, soit libres, soit donnés en commende,
sur les monastères séculiers (30), sur ceux du fisc et sur les monastères
impériaux, patriarcaux ou indépendants. Dans les monastères cédés
en don, il a le droit de se préoccuper de ce qui a été détruit en tout ou
en partie par ceux qui les ont reçus. Il doit obliger les bénéficiaires à
rétablir les monastères dans l'état où ils les ont reçus et dans un délai
déterminé. Si les coupables s'y refusent, que les monastères leur
soient enlevés, malgré les titres qu'ils peuvent posséder. Si un higou-
mène fait ou accepte une cession, qu'il soit déposé; si c'est un commen-
dataire, qu'il soit expulsé. Si les postulants apportent des dons volont
aires, ceux-ci seront inscrits dans le βρεβίον (catalogue des biens) du
monastère et communication en sera donnée au patriarche. Si ceux qui
ont des monastères possèdent des documents leur permettant de
recevoir des cessions, ou des dons faits au monastère et d'en tirer
profit, cela doit cesser désormais. Le patriarche a le devoir de s'occuper
des âmes, non seulement des moines, mais aussi des séculiers, de
manière à leur permettre d'entrer en religion; il pourra les introduire
malgré les documents contraires qu'auraient les commendataires. Il
peut aussi transférer un moine d'un monastère dans un autre, comme
il peut attribuer à un séculier une rente prise sur le monastère. Mais
qu'il ne donne pas à un moine ou à un séculier une prébende d'un
autre monastère, afin que celui-ci n'en soit pas grevé. S'il s'agit d'un
séculier sans ressources, qu'on lui donne une rente prise sur un monast
ère plus riche (31).
Manuel Comnène (1143-1180) prit plusieurs mesures en faveur des
monastères. Par un chrysobulle de juin 1146, il interdit de leur nuire
et de diminuer leurs droits (32). Un autre de 1158 exempte de l'impôt
les monastères de Constantinople, du Bosphore, de la côte asiatique

(:U)) On appelait monastères séculiers ceux que des personnages établissaient dans leur
propriété sans aucune intervention de l'Ëglise.
(31) Ρ G, CXXVI1, 9-11 C-945 B.
(32) PG, CXXXIII, 709.
R. JA!NTIN : MONACHISME BYZANTIN Al MOYEN AGE I Γ»

de la capitale jusqu'à Nicomédie et des îles voisines, ainsi que de


• •eux de la côte d'Europe jusqu'à Athyras (38). Cette décision fut
renouvelée par un prostagma de juin 1176 (34). En octobre 1159
parut un chrysobulle déclarant que les monastères ne peuvent être
privés de leurs immeubles, même si les agents du fisc ont signifié
la sentence de saisie (35). Cependant il estimait que les moines étaient
trop avides des biens de la terre et c'est pourquoi il renouvela la
défense de Nicéphore Phocas d'acquérir de nouvelles propriétés (36).
En 1181, Alexis 11 Conmène, fils de Manuel, renouvelle les trois
chrysobulles de son père sur l'interdiction de taxer les monastères (37).
Les exemptions d'impôts dont jouissaient les maisons religieuses
étaient une perte considérable pour l'État et le forçaient à recourir à
de nouvelles mesures fiscales qui ruinaient peu à peu l'empire.

IV. Les typh:a

Par six novelles successives, Léon VI (886-912) avait mis les lois
de Justinien en harmonie avec les tendances nouvelles qui se manif
estaient parmi les moines et que s. Théodore Studite avait si heu
reusement concrétisées. Cependant il se produisit à partir du xe siècle
une grave innovation qui bouleversa la législation de l'Église. Les
auteurs en lurent des personnages qui, fondant de nouvelles maisons
religieuses, voulurent leur donner un statut juridique et des règlements
intérieurs conformes à leurs idées personnelles. Les τυπικά κτητορικα
ou chartes de fondation furent l'œuvre d'empereurs, d'impératrices,
de princes impériaux, de hauts fonctionnaires, voire de généraux.
La législation de Justinien et les canons des conciles qui mettaient
les monastères sous l'autorité de Γ évoque et lui en donnaient le contrôle
étaient ouvertement violés par ces chartes, dans le but, louable en
soi, de combattre la commende et les abus des prélats qui enrichissaient
leurs Églises aux dépens des monastères. C'est pourquoi les typica
revendiquent l'indépendance totale des nouvelles maisons religieuses,
tout en leur donnant des éphores (curateurs) qui veillent à leur bonne
marche et à la sage administration de leurs biens.
Certains fondateurs de monastères ou de groupements monastiques

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:i5i PC. CXXXIIT. 7:î6.
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:î7i PC. C.X XXI II. 7K'.i W-'.wi C.
16 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

des ive et ve siècles ont laissé des règles assez précises sur leur mode
de gouvernement et sur la vie des religieux, mais elles ne sont pas
des constitutions proprement dites. C'est saint Sabas qui a inauguré
au vie siècle, pour son monastère de Palestine, la série des typica
ou règlements; son texte, qui est presque entièrement d'ordre litur
gique, a été remanié à travers les siècles. Il a été imité en divers
monastères ou plus simplement adopté sous le nom de « typicon
de Jérusalem ». Saint Théodore, qui s'en est inspiré, en a composé
un pour son monastère de Stoudios à Constantinople au commenc
ement du ixe siècle. Cette charte a exercé une grande influence,
non seulement dans l'empire byzantin, mais encore en Russie. A
partir du xe siècle et jusqu'au début du xve, les typica se multiplient,
manifestant des formes particulières de vie religieuse et surtout
revendiquant, presque tous, la complète indépendance vis-à-vis des
autorités de l'État et de l'Église. L'un d'eux, celui de la Théotocos
Εύεργετίς, à Constantinople, en a inspiré d'autres, comme cela est
nettement dit dans ceux du Prodrome του Φοβερού (Bosphore), de
la Théotocos των Έλεγμών (Bithynie) et de la Théotocos του Μαχαφά
(Chypre). lien est un dont on ne connaît l'existence que par les emprunts
que lui a faits Grégoire Pacourianos pour son monastère de la Théotocos
de Pétritzos dans la province de Thrace. C'est celui du couvent των
Παναγίου, qui florissait au xie siècle sur les hauteurs du Phanar à
Constantinople et qui fut restauré plus tard sous Je nom populaire
de « Théotocos des Mongols ».
Nous donnons plus loin la liste des 31 typica, dont le texte a été
publié, en tout ou en partie, avec l'indication des éditions. Les monast
èrespour lesquels ils furent écrits appartenaient à des provinces
éloignées les unes des autres : Palestine (Laure de Saint-Sabas), Iles
(Saint-Jean-de-Patmos, Έγκλειστρα et Théotocos του Μαχαιρά en
Chypre, Théotocos της Βαιονίας en Crète), Asie (Latros et Saint-
Démétrius των Κελλιβάρων), Bithynie (Théotocos των 'Ηλίου Βωμών ήτοι
τών Έλεγμών et Saint-Michel du mont Saint Auxence), Rhodope (Théo
tocos Κοσμοσώτεφα), Thrace (Théotocos de Pétritzos), Macédoine
(Théotocos Έλέουσα de la région de Stroumnitza et Prodrome του
ορούς Μενοοκέως, près de Serrés), Mont Athos (Laure de Saint-Athanase,
monastère serbe de Karyès et deux typica concernant la confédé
rationathonite), Péloponnèse (Théotocos της "Αρειας) et enfin Saint-
Nicolas τών Κασούλων (Calabre) et Saint-Sauveur de Messine (Sicile).
Les autres concernent uniquement des monastères de Constantinople
et de sa banlieue immédiate.
Π. JANIN : Μ Ο Ν AC II IS Μ Ε BYZANTIN Al MOYEN AGE 17

La plupart des textes décrivent l'organisation de la communauté


avec le mode d'élection de l'higoumène (supérieur), ses obligations,
celles des officiers chargés des divers emplois et celles des simples
moines; ils déterminent le régime alimentaire en temps ordinaire,
pendant les carêmes et à certaines fêtes, l'ordre des offices religieux,
le luminaire de l'église, etc. Certains donnent la liste des objets pré
cieux, principalement ceux du culte, des livres, des propriétés fon
cières, des obligations envers les bienfaiteurs par la célébration de
leurs anniversaires; quelques-uns indiquent les limites du monastère.
Les exhortations à la pratique de la perfection par l'acquisition
des vertus religieuses occupent une bonne partie du texte et sont
ordinairement prolixes. N'oublions pas les institutions charitables
attachées à presque toutes ces maisons religieuses et qui font l'objet
d'une attention pleine de prévenance pour les assistés. On regrette
de ne pas trouver dans tous les typica certains détails qui nous aide
raient à mieux connaître la vie de la communauté; des textes sont
d'ailleurs incomplets et pour plusieurs on ne possède que des frag
ments.
Nous avons essayé, autant que faire se peut, de donner une idée
aussi exacte que possible de la vie monastique telle que la décrivent
ces documents. La variété des modes de fonctionnement s'y manif
este de bien des manières. On y trouve même des pratiques fort
peu en harmonie avec la législation canonique. C'est ainsi que l'on
voit dans un monastère de Constantinople, celui de Saint-Mamas, et
dans un autre de Bithynie, la Théotocos -cov Ήλιου Βωμών, le supérieur
être le seul confesseur de la communauté, même s'il n'est pas prêtre.
Cette pratique est née de la haute idée que Ton se faisait au Moyen Age
de la vie religieuse que beaucoup considéraient comme supérieure
au sacerdoce. Elle n'a pas encore entièrement disparu, ni le peu de
cas que l'on fait dans les monastères des prêtres qui viennent y embrass
er la vie religieuse. Certains points, que précisent particulièrement,
en raison de leur importance, les constitutions des ordres et des
congrégations de l'Occident, sont souvent estompés dans les typica,
comme ceux qui concernent la formation des religieux, la pratique
des sacrements, etc. D'une façon générale, la tradition est que s'exer
centdans ce but Faction personnelle du supérieur et l'exemple des
anciens dans la fidélité aux coutumes monastiques.
Nous terminerons par les sept monastères de moniales pourvus
d'un typ icon, les monastères doubles qui continuent à exister malgré
les interdictions canoniques et un monastère fonde au xnL' siècle
18 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

par l'empereur Manuel Gomnène dans des conditions jusqu'alors


inconnues.

Liste des typica

1. Saint-Sabas (Palestine); typicon presque exclusivement litur


gique; plusieurs fois remanié; imité par beaucoup d'autres. Édition :
Éd. Kurtz, dans BZ, III, 1894, 168-170.
2. Saint Théodore Studite (f 826). La rédaction est certainement
postérieure à la mort du saint. Éditions : PG, XCIX, 1704-1757;
A. Dmitriewskij, Typika, I, Kiev, 1895, 224-238. Ce second texte
a été rédigé après celui de la Patrologie grecque (38).
3. Saint Paul au Latros (f 955) (39). Éditions : H. Delehaye,
dans Weigand, Milet, III, Berlin, 1913, 152 et 153; Sp. Lampros,
Νέος Έλληνομνήμων, XII, Athènes, 1915, 199-203.
4. Laure du Mont Athos (saint Athanase, vers 970). Éditions :
Ph. Meyer, Haupturkunden für die Geschichte der Athosklöster,
Leipzig, 1894, 102-140; A. Dmitriewskij, Typika, I, 238-256.
5. Typicon de Jean Tzimiscès pour le Mont Athos (970). Édition :
Ph. Meyer, Haupturkunden..., 141-151.
6. Typicon de Constantin Monomaque pour le Mont Athos (1045).
Édition : Ph. Meyer, Haupturkunden..., 151-162.
7. Théotocos Εύεργετίς, à Constantinople (40); typicon par Timo-
thée, frère du fondateur Paul (f 1054). Édition : A. Dmitriewskij,
Typika, I, 615-655.
8. Michel Attaleiatès pour son monastère du Christ Tout-Miséri
cordieux à Constantinople (41) et son hospice de vieillards à Rhédestos
(1077). Édition : Miklosich et Müller, Acta et diplomala, V, 293-327.
9. Grégoire Pacourianos pour son monastère de la Théotocos de
Pétritzos (42), dans la province de Thrace en 1083. Édition, L. Petit,
dans Vizantiijskij Vremennik, XI suppl., 1904, 1-63; texte géorgien
et traduction latine par M. Tarchnisvili, dans Corpus Scriptor. orient.,
Louvain, 1954.

reste
Églises
(38)lesLe
etruines
monastères,
monastère
de l'église
444-455.
τών devenue
Σ-ουδίου mosquée
était dans
sousla lepartie
nom de
sud-ouest
Mirahor deCamii.
Constantinople.
Cf. R. Janin,Il

(89) Le mont Latros est au nord-est de Milet.


(40) Le monastère était à 2 milles à l'ouest de Constantinople. Cf. R. Jantn, Églises
et monastères, 181-191.
(41) L'emplacement est inconnu. Cf. R. Janin, ibid., 526-527.
(42) A. Batchkovo, près d'Assenovgrad (anc. Stanimaka), dans la région de Philippopoli.
Cf. L. Petit, ibid., XI-XXXII.
R. JANIM : MON.-VCHISME BYZANTIN AC MOYEN AGE 19

10. Théotocos ' Ελεούσα, de l'éparchie de Stroumnitza en Macé


doine (43), entre 1085 et 1106, par le moine Manuel, évoque de Tibé-
riopolis, Édition : L. Petit, dans B.I.R.C, VI, 1900, 25-153.
11. Saint- Jean de Patmos, typicon par le fondateur saint Christo-
doulos (1091). Édition : Miklosich et Müller, Ada et diplomata,
VI, 59-80.
12. Prodrome του Φοβερού (44), typicon par le moine Jean (après
1112) : Édition : A. Papadopoulos-Kérameus, Nodes Petropolitanae,
Saint-Pétersbourg, 1913, 1-87.
13. Théotocos Κε/αριτωμένη, à Constantinople (45). Typicon par
l'impératrice Irène Ducas, femme d'Alexis Ier Comnène, avant 1118.
Editions: PC, CXXVII, 1002-1128 ; Miklosich et Müller, Ada et
diplomata, V, 327-391. Cf. Ch. Diehl, Figures byzantines, 2e série, Paris,
67-86; L.Œconomos, La vie religieuse dans V empire byzantin au temps
des Comnènes et des Anges, Paris, 1918, 169-182,
14. Christ Pantocrator à Constantinople (46). Typicon par l'empereur
Jean Comnène (1136). Édition : A. Dmitriewski.i, Typika, I, 656-702.
15. Théotocos της "Αρειας, près de Nauplie (47). Typicon de Léon,
évêque de Nauplie et Argos (1143). Édition : Miklosich et Müller,
Ada et diplomata, V, 178-190.
16. Théotocos Κοσμοσώτεφα, près d'Aenos (48); fondé en 1152 par
Isaac Comnène, troisième fils d'Alexis Ier. Édition : L. Petit, dans
B.I.R.C, XIII, 1908, 19-75.
17. Saint-Mamas, à Constantinople (49). Typicon par l'abbé Atha-
nase Philanthropène, au nom du second fondateur, le mystique
Georges de Cappadoce, 1159. Éditions : Th. Ouspenskij, dans Annales
de V Université d'Odessa, sect, byzantine, II, 29-84; S. Eustratiadès,
dans Ελληνικά, Ι, 1928, 256-314.
18. Saint-Nicolas των Κασούλων (Calabre) (50); Typicon par l'higou-
(43) Cf. L. Petit, ibid. B.I.R.C, VI, 1900, 6-24.
(44) Sur la côte asiatique du Bosphore, près de Manastir-Liman, presque au sommet
du détroit. Cf. R. Jani\, dans R.E.B., XII, 1954, 70-78.
(45) Dans la partie nord de la ville; le monastère a complètement disparu. Cf. R. Janin,
Églises et. monastères, 196-199.
(46) Sur la IVe colline. Il en reste les trois églises devenues mosquées sous le nom de
Zeyrek Kilise Camii. Cf. A. Her<;ès, dans FA), II, 1898, 70-88; R. Janin, op. cit., 529-538.
(Ί7) Areia est à 3 kilomètres au nord de Xauplie.
(48) Le monastère était aux environs de l'embouchure de la Maritza (ane. Hèbre). Cf.
L. Petit, ibid., 17-19.
(49) Dans la partie occidentale de la ville, près des remparts. Cf. J. Parcoire, B.I.R.C.,
IX. 1904, 304-312; R. Jams, op. cit., 326-331.
(50) Casole, dans la région d'Otrante. Cf. Cn. Diehl, Le monastère de Saint Nicolas de
C a sole près d'Otrante d'après un manuscrit inédit (Mélanges d'archéologie et d'histoire de
THcole Française de Rome, V, 1886, 175-183; résumé du typicon, 183-186.
20 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

mène Nicolas, 1160. Édition : A. Dmitriewskij, Typica, I, 813-823;


A. Mai, Nova Patrum, Bibliotheca, X2, 155-166.
19. Théotocos των 'Ηλίου Βωμών ήτοι των Έλεγμών, enBithynie (51).
Typicon par Nicéphore le mystique (1162). Édition: A. Dmitriewskij,
Typica, I, 715-769.
20. Saint-Sauveur de Messine (Sicile). Typicon par Saint Luc,
premier higoumène, vers 1175. Extrait : A. Mai, Nova Patrum Biblio
theca, X2, 121-130.
21. Monastère de Karyès (Mont Athos). Typicon par Saint Sabas,
archevêque de Serbie, vers 1195. Édition : Ph. Meyer, H auptur künden ,
184-187.
22. Monastère de ΓΈγκλειστρα en Chypre (52). Typicon par Néophyte
le Reclus, vers 1205. Édition : J. Ch. Hatzijoannès, 'Ιστορία και έργα
Νεοφύτου πρεσβυτέρου μοναχού και εγκλείστου Alexandrie, 1914, 88-121.
23. Théotocos του Μαχαιρά (Chypre) (53), fondé par le moine Nil,
higoumène, 1210. Édition : Miklosich et Müller, Ada et diplomata,
V, 392-432.
24. Théotocos της Κοτεινής (diocèse de Philadelphie), fondé par le
moine Maxime (1247). Édition : Sophrone Eustratiadès, Ελληνικά,
III, Athènes, 1930, 325-339.
25. Saint-Michel du mont Saint-Auxence (54), fondé par Michel VIII
Paléologue, en 1280 : Édition : A. Dmitriewskij, Typika, I, 769-794.
26. Saint-Démétrius desPaléologues (των Κελλιβάρων) au montLatros
et à Constantinople (55), fondé par Michel VIII Paléologue (1282).
Fragments : I. G. Troitzkij, Avtobiografia imperatora Mikaila
Paleologa, Saint-Pétersbourg, 1885, 11-20; Ph. Meyer, dans BZ,
IV, 1895, 45-48.
27. Monastère de Lips, à Constantinople (56). Typicon par l'impé
ratrice Theodora, femme de Michel VIII Paléologue (fin du xme s.).
Édition : H. Delehaye, Deux typica byzantins de Γ époque des Paléo-
logues, Bruxelles, 1921, 106-136.
(51) Pros do kalabolion; les moines y pochaient.
(52) ίι'"Κγκλειστρα se Ironve au nord-ouest de Paphos, à une demi-heure de Ja nier.
Cf. T. Cu. Ηλτ/ι.γολν \ks, op. cil., 7-11.
(53) Le monastère est à 700 mètres d'altitude, au sud-ouest de Nicosie.
(54) Le mont Saint-Auxence (aui. Kayçdag) est à 10 kilomètres au nord-est de Kadiköy
(anc. Chalcédoine). Cf. J. P.utcoiitr,, Le Mont Saint- Amenée, élude historique cl topo graphique,
Paris, 190Ί; R. Janin, dans KO, XXII, 1923, 281-290.
(55) Le monastère de la ville était au nord de la Pointe du Sérail. Cf. \\. Janin, Églises
et monastères, 9(1-99. Michel VIII l'unit à celui de la Théotocos Pantanassa, dit aussi των
Κελλιυάρων sur le mont Latros.
(5(>) Dans la vallée du Lycus. Ruines de deux églises devenues FenarisaCamii, Cf. 11. Janin,
op. cil., 318-321,
R. TANIN : MONACIIISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 21

28. Saints-Côme et Damien, à Constantinople (57). Typicon par


l'impératrice Theodora (fin du xme s.). Édition : H. Delehaye,
Deux typica..., 136-140.
29. Christ Philanthrope, à Constantinople (58). Typicon de l'impé
ratrice Irène Lasearine Paléologue, belle-fille d'Andronic II Paléologue
(vers 1312). Édition : Fragment par Ph. Meyer, dans BZ, IV, 1895,
48-49.
30. Prodrome του ορούς Μενοικέως (1324, complété en 1342) (59),
monastère fondé par Joachim, métropolite de Zichna, qui en donna
le typicon. Fragment : Miklosich et Müller, Acta et diplomata,
V, 432-439; texte complet édité par M. Jugie, dans Byzantion, XII,
1937, 33-65, et par André Guillou, Les Archives... App. I, 171-176.
31. Théotocos de Sûre-Espérance (Βεβαία Έλπίς), à Constanti
nople (60). Typicon par Theodora Paléologue, nièce de Michel VIII,
pas avant 1345. Édition : H. Delehaye, Deux typica..., 18-105.
32. Nil Damilas composa le typicon du monastère de femmes
της Βαρονίας (61) en Crète, en 1400. Édition : S. Pétridès, dans
B.Ï.R.C., XV, 1911, 96-109.
Un autre typicon, celui τών Παναγίου, doit être intéressant, puisqu'il
a servi de modèle à Grégoire Pacourianos pour son monastère de la
Théotocos de Pétritzos; lui-même déclare avoir beaucoup admiré la
ferveur des moines των Παναγίου (Viz. Wem., XI suppl.,5 1904, p. 2,
3, 26, 29, 33, 56). Ce texte ne semble malheureusement pas avoir
été conservé; du moins il n'est pas signalé comme existant en
manuscrit.

V. La vie religieuse d'après les typika (62).

1. Postulat et noviciat.
Le concile in Τr allô (c. 40) avait fixé à 10 ans le minimum d'âge
pour l'entrée en religion. Léon VI fit de même et fixa la tonsure ou

(57) Localisation imprécise; peut-être près du monastère de Lips. Cf. R. Jams, op. cit.,
29F).
(50) TI reste des ruines au sud de la Pointe du Sérail. Cf. H. Janix, op. cil., 5Ί1-5ΊΊ.
(59) Ce site est à fi kilomètres au nord de Serrés. Cf. M. Jr<;n·:, Byzantion xii, 1 9 ii 7 ,
25-09. Cf. André (irii.i.ov. Les archives de Saint- J ean- Prodrome sur le mont Ménéeéc, Paris,
.

1955.
((')(») Le monastère so trouvait sur la pente méridionale de la IIIe colline. Cf. R. Janin,
ΕχΙ. ri mon.. 100-108.
(01) Probablement dans l'épure hie de Hiérapétra. Cf. S. Pétridès, op. rit., B.I.R.C.,
XV. 1911, 92-9Ί.
02i S. Salavillf,. Messe et niiniuunion d'après les Typica înuiiasiicpies byzantins du
ν ;m \i\r siècles. d;m< Or. >l,rist. /irriodira. \'λ (I9'i7i. 282-298: K. Hermann, Die haullige
<
22 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

profession à 16 ou 17 ans (PG, CVII, 440 B). Il ne faisait que reprendre


la règle de saint Basile qui admettait la tonsure à 16 ou 17 ans, mais
pour les femmes (Lettre à Amphiloque, c. 18, PG, XXXII, 720 B).
Cette loi pour l'admission à la prise d'habit et à la tonsure ne pouvait
s'appliquer en fait que dans les monastères de moniales, car les monast
èresd'hommes se montraient impitoyables pour les gens sans barbe.
C'était une habitude qui avait pris naissance en Palestine, mais qui
n'était pas pratiquée partout dans ce pays (63).
Au Mont Athos, le typicon de saint Athanase interdit de recevoir
les eunuques et les enfants (Ph. Meyer, Haupturkiinden, 118); ceux
de Jean Tzimiscès et de Constantin Monomaque demandent qu'on les
expulse de toute la Sainte Montagne (ibid., 146, 154). Au Prodrome
de Stoudios, des enfants étaient instruits, mais dans un local à part.
Il en était de même au monastère de la Théotocos de Pétritzos, où
six enfants apprenaient la psalmodie en dehors du couvent (Viz. Vrem.,
XI suppl., 50-51), et au Prodrome του Φοβερού, où ils étaient formés
dans une maison isolée jusqu'à ce que la barbe leur eût poussé (Nodes
Petropolitanae, 77).
L'interdiction existe partout, mais avec quelques variantes : monast
ère du Latros : ni eunuques ni imberbes (Νέος Έλληνομνήμων, XVI,
1915, 202); Théotocos του Μαχαφά : ni eunuques ni imberbes (Miklo-
sich et Müller, op. cit., V, 421); Théotocos de Pétritzos : ni eunuques
ni imberbes (Viz. Vrem., XI suppl., 35-36); Prodrome του ορούς
Μενοί,κέως : pas d'enfants ni de jeunes gens âgés de moins de vingt ans
(Byzantion, XII, 1937, 51); Théotocos Έλέουσα de Stroumnitza : pas
avant 18 ans (B IRC, VI, 77); Théotocos Κοσμοσώτεφα : pas avant
24 ans (BIRC, XIII, 44-45), etc.
L'entrée en religion est gratuite, mais rares sont les typika qui le
spécifient; Théotocos Κοσμοσώτεφα (BIRC, XIII, 46), Théotocos των
'Ηλίου Βωμών (Typika, 739), Saint-Mamas (Ελληνικά, Ι, 1928, 267),
Théotocos Κεχαριτωμένη (MiKLOSiCH et Müller, op. cit., V, 338),
monastère de Lips (H. Delehaye, Deux typica, 114). Au monastère
de Stoudios, les postulants sont admis d'abord pendant deux ou
trois semaines à l'hôtellerie pour que l'on puisse se rendre compte de
leurs dispositions (Typika, I, 233). Il en est de môme à la Laure du

und tägliche Kommunion in den byzantinischen Klöstern », dans Mélanges Louis Petit, 1948,
203-217; P. dk Meester, De monachico Statu juxla disciplinam byzantinam (Fonti), xxxix-
523 pages, Vatican, 1942.
n° (63)
30, ibid.,
Vita Sabae,
IV; Vila
n° Cyriaci,
29, dans n°
Cotelier,
4; Λ. SS.,Kcclesiae
sept. VIII,
graecac
148;monumenla,
Vita Georgiii
III;Khozibüae,
Vila Euthymii,
n° 3,
dans Anal. Bolland., VII, 1888, 98, 336-339.
R. JANIN : MONACliISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 23

Mont Atlios (Haiipturkunden, 135-136). Si l'examen est satisfaisant,


ils reçoivent alors l'habit religieux. Dans la plupart des monastères
on fait une discrimination entre les postulants. Ceux qui ne sont pas
connus reçoivent l'habit le 7e jour de leur entrée : Théotocos Εύεργετίς
(Typika, I, 648), Prodrome του Φοβερού (Nodes Petropolüanae, 64)
Théotocos του Μαχαφά (Miklosich et Müller, op. cit., V, 407),
Théotocos των Ήλιου Βωμών (Typika, I, 739), Saint-Mamas (Ελληνικά,
1, 278), etc. Ceux de bonne condition et dont les dispositions sont
connues prennent l'habit à leur entrée, parce qu'ils sont renseignés
sur les conditions de la vie religieuse ou parce qu'ils l'ont déjà pratiquée
dans le monde : Théotocos Εύεργετίς (Typika, I, 648), Théotocos του
Μαχαφά (Μ Μ\ Y, 507), Théotocos τών 'Ηλίου Βο)μών (Typika, I, 739),
Saint-Mamas (Έλλην., 1, 278). Des monastères refusent de recevoir
des moines venus d'autres maisons religieuses et que l'on appelle pour
cela exokourites (tonsurés dehors) : Prodrome του Φοβερού (Nodes, 64),
Saint-Mamas (Έλλην., 1, 279).
La formation des novices incombe à l'higoumène. Pour qu'elle fût
plus facilement assurée, Justinien avait prescrit de ne recevoir que
peu de postulants à la fois. On ne trouve aucune indication précise sur
cette formation, sauf que l'higoumène dirige les novices de manière
à leur inculquer les vertus religieuses et à les familiariser avec les
pratiques du monastère. Il n'y a donc pas de maître des novices.
Toutefois dans certains monastères les novices vivent chacun avec
un ancien chargé de les initier à la vie religieuse.
La durée du noviciat avait été fixée à trois ans par Justinien (Novel-
les Y, 2; CXXI11, 25). C'est encore la règle appliquée au Prodrome
του Φοβερού (Nodes, 65). Il y a souvent discrimination entre les novices.
Ceux de bonne condition et qui sont au courant de la vie religieuse ne
font que six mois : Théotocos Εύεργετίς (Typika, I, 648-649), Théotocos
του Μαχαιρά (MM, V, 407), Théotocos τών Ήλιου Βωμών (Typika,
I, 739), Saint-Mamas (Έλλην., Ι, 279). Le noviciat est prévu pour six
mois à la Théotocos Κοσμοσώτεφα (BIRC, XIII, 47) et à Saint-Michel
du Mont Saint-Auxence (Typika, I, 187). Ala Théotocos του Μαχαφά
les exokourites sont reçus définitivement au bout de six mois, s'ils
acceptent le typicon de la maison (MM, Y, 408). Les gens qui ne sont
pas connus à leur entrée font deux ans de noviciat à la Théotocos
τών Ηλίου Βωμών (Typika, I, 739) et à Saint-Mamas (Έλλην., Ι, 279),
mais ici le supérieur est juge de la date de la tonsure ou profession,
comme aussi à la Théotocos Εύεργετίς (Typika, I, 649) et à la Théotocos
του Μαχαιρά (.1/3/, V, 408).
24 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

2. Confession et communion.

Ces actes, si importants dans la vie religieuse, n'ont pas échappé à


l'attention des auteurs de Typika. Voici les détails que l'on peut glaner,
au moins dans ceux dont on possède le texte complet. Notons que la
confession est ordinairement confondue avec la direction.
Le Prodrome de Stoudios semble avoir donné l'exemple pour
faciliter la confession. L'higoumène, seul confesseur de la communauté,
quitte le chœur au commencement de la 4e ode de l'Orthros et va
attendre les pénitents dans un lieu déterminé; il en fait autant le soir
à la prière dite apodeipnon (Typika, I, 232).
A la Laure de Saint-Athanase du Mont Athos, les moines doivent
confesser leurs fautes, même secrètes, à l'higoumène (Typika, I, 255).
Théotocos Εύεργετίς : l'higoumène est le seul père spirituel; il
siège deux fois par jour au diaconicon, exactement comme au Pro
drome de Stoudios (Typica, I, 622-637). Il règle le nombre des commun
ions suivant la ferveur des moines : 3 ou 1 par semaine (ibid., 619-622).
Au Prodrome του Φοβερού, l'higoumène se met à la disposition
des pénitents comme au Prodrome de Stoudios et à la Théotocos
Εύεργετίς. La communion fréquente est recommandée : 3 fois,
1 fois par semaine ou pas du tout, au jugement de l'higoumène (Nodes
Petropolitanae, 23, 25-27, 53-56).
Théotocos Κοσμοσώτεφα; l'higoumène, seul confesseur, reçoit les
pénitents deux fois par jour. Une confession générale doit lui être
faite avant la cérémonie de la tonsure (B.I.R.C., XIII, 31-32.
A la Théotocos de Pétritzos, la confession peut avoir lieu chaque
jour, mais au seul higoumène (Viz. Vrem., XI suppl., 30).
A la Théotocos της "Αρειας,, l'higoumène est le seul père spirituel
(Miklosich et Müller, op. cit., V, 184).
Christ Pantocrator : tous les moines doivent se confesser à l'higo
umène; s'il est malade, on peut s'adresser à un ancien, mais celui-ci
doit avoir l'autorisation du patriarche (Typica, I, 672-673).
Saint-Mamas : tous les moines doivent se confesser à l'higoumène,
seul père spirituel, même s'il n'est pas prêtre (καν ανίερος ί'σως τυγχάνω),
mais il ne peut entendre les pénitents sans avoir l'autorisation du
patriarche. Cependant il peut les renvoyer à un des prêtres du monast
ère (Ελληνικά, Ι, 284).
La même règle est pratiquée à la Théotocos των Ηλίου Βωμών, où
l'higoumène est le seul père spirituel, même s'il n'est pas prêtre;
les moines doivent obligatoirement se confesser à lui une ou deux fois
R. JANIN : MONAC1IISME BYZANTIN AI' MOYEN AGE iO

par mois; il doit avoir l'autorisation du patriarche. S'il est malade,


on peut s'adresser à un autre. La communion a lieu une fois par
semaine (Typica, I, 745-746; 748).
Au Prodrome του ορούς Μενοικέως la confession est recommandée;
il y a plusieurs pères spirituels, de manière que les moines aient la
liberté du choix (Byzantion, XII, 1937, 50).
La communion fréquente, sans doute précédée de la confession,
est vivement recommandée au monastère de Latros (Νέος Έλληνα -
μνήμων, XII, 200).

■i. Higoumène.

Le supérieur d'un monastère, quelle que soit son importance,


s'appelle higoumène ou cathigoumène, plus rarement proestôs (64).
C'est lui qui a le gouvernement de la communauté et de ses biens
et qui en est responsable devant les autorités politiques et ecclésias
tiques.Il doit veiller au bon ordre des personnes et des choses, assurer
la fidélité à la règle et aux prescriptions relatives au culte, former
les novices, réprimer les abus, gérer les biens, etc. Il est également
le seul confesseur de la communauté. Dans ses multiples charges
il est évidemment assisté par des moines affectés aux divers services
et qu'il nomme généralement lui-même. Les typika font rarement
allusion à un Conseil quelconque auquel il doit recourir, sauf qu'il
est ordinairement formé d'anciens, dont le nombre et le choix ne
sont pas nettement définis. Saint Athanase, dans sa Laure du Mont
Athos, voulut qu'il fût choisi parmi les meilleurs et qu'il n'y eût
pas plus de 15 membres dans sa communauté qui en comptait 120
(Haupturkunden, 128).
Voici les renseignements que nous recueillons dans les typika
sur les supérieurs de seize monastères d'hommes, spécialement sur
le mode de leur élection.
1. Laure du Mont Athos : l'higoumène désigne son successeur
avant de mourir. S'il ne le fait pas, le nouveau est élu par la commun
autéet ce ne peut être qu'un religieux du monastère. S'il se montre
indigne de sa charge, l'épitrope et le conseil le remplacent (Haupt-
ur künden, 108-109, 128-129).
2. Théotocos Εύεργετίς : l'idée du second fondateur, Timothée,
auteur du typieon, était qu'il y eût deux higoumènes, l'un reclus,

|()'i) Le titre (.le prijeslùs désigne plus souvent le supérieur eonumm d'une, fonfédénition
monastique.
26 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

comme lui, et l'autre vivant dans la communauté; à la mort du pre


mier, le second le remplacerait dans la réclusion et un autre serait
élu. Cette idée fut abandonnée comme peu pratique et imposant
la réclusion à qui n'en voudrait peut-être pas. L'higoumène peut
sortir librement du monastère pour visiter les propriétés situées en
dehors de la capitale, mais il lui est interdit d'aller en ville, s'il n'y
est pas appelé par l'empereur ou le patriarche (Typika, I, 631-632) (65).
3. Christ Tout-Miséricordieux de Michel Attaleiatès. L'higoumène
sera nommé par Théodore, fils du fondateur, ou par la communauté.
Dans le second cas, celle-ci choisit deux candidats dont les noms
sont écrits sur deux papiers que le prêtre scelle et dépose sur l'autel;
un enfant innocent tire un des billets et le nom de celui qu'il porte
est celui du nouveau supérieur. Celui-ci est intronisé par l'higoumène
du Prodrome de Stoudios, mais cela ne donne à ce dernier aucun
droit sur les institutions fondées par Michel Attaleiatès (Miklosich
et Müller, op. cit., V, 510, 517).
4. Théotocos de Pétritzos. C'est l'higoumène qui désigne son succes
seur;celui-ci ne doit avoir aucun de ses parents dans le monastère
(Viz. Vrem., XI suppl., 17-20).
5. Théotocos Έλέουσα de Stroumnitza. L'higoumène n'est pas
nommé à vie, ce qui est pourtant le cas général. Il est choisi par le
supérieur sortant avec l'approbation des plus anciens moines. Il
est présenté à l'évêque de Stroumnitza pour en recevoir la bénédiction
canonique; il lui verse une redevance (κανονικόν) de 3 pièces d'or
(B.I.R.C, VI, 88-89).
6. Saint-Jean de Patmos. L'élection du cathigoumène est faite
par les moines au cours d'une cérémonie à l'église. Le prêtre prend
ensuite le bâton pastoral déposé devant l'autel et le remet à l'élu
qui est conduit à son siège où tous viennent lui faire obédience (Miklos
ich et Müller, op. cit., VI, 71).
7. Prodrome του Φοβερού. L'économe devient supérieur à la place
de l'higoumène, après la mort de celui-ci. Il doit être confirmé par
le patriarche qui lui donne l'investiture canonique. S'il est déposé,
il peut s'en aller ou rester dans le monastère (Nodes Petropolitanae,
52-53).
8. Christ Pantocrator. Les moines du monastère urbain et ceux

(65) Pour comprendre cette différence dans les sorties, il faut se rappeler que le monastère
était à 2 milles à l'ouest de Constantinople.
R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 27

des six couvents qui lui sont unis (t'ß) dressent publiquement une
liste de trois noms. Elle est scellée et déposée au skeuophylakion
jusqu'à la mort du supérieur en charge. Elle est alors lue et un vote
définitif désigne l'élu (Typica, I, 874-875).
9. Théotocos της "Αρειας. L'higoumène est élu par la communauté;
ce ne peut être un exokourite, c'est-à-dire un moine venu d'un autre
monastère. Le prêtre lui remet le bâton pastoral devant l'icône de
la Théotocos. Il doit traiter les affaires de la maison avec l'économe,
l'ecclésiarque et le dépositaire (Miklosich et Müller, op. cit., Y,
j 80, 186-187.
10. Théotocos Κοσμοσώτεφα. L'higoumène est élu par la commun
autéà la majorité des voix; il ne doit pas être un exokourite. Il
est ensuite conduit au métropolite de Trajanopolis pour recevoir la
bénédiction canonique. Le typicon et la bâton pastoral lui sont
remis à l'église au cours d'une cérémonie (B.I.R.C., XIII, 38-39, 59).
11. Saint-Mamas. L'élection de l'higoumène a lieu de la même
layon que celle de son collègue du Christ Pantocrator (cf. n° 8), sauf
qu'un des candidats peut être un exokourite. Déposé, il est libre
de rester ou de se retirer (Ελληνικά, Ι, 260-263).
12. Théotocos των Ήλιου Βωμών. Une liste de trois candidats
est dressée par tous les moines, scellée et enfermée dans le skeuophyl
akion. A la mort de l'higoumène, elle est lue publiquement et la
communauté choisit un des trois candidats, à moins qu'avant de
mourir, l'higoumène ne se soit prononcé en faveur de l'un d'eux. Le
nouvel élu est conduit au patriarche pour la bénédiction canonique,
les moines présentent au prélat le procès- verbal de l'élection avec
l'approbation de l'empereur. Déposé, l'higoumène peut se retirer ou
rester au monastère; dans ce cas, il occupe la seconde place (Typika,
I, 717-722).
13. "Εγκλειστρα de Chypre. Néophyte, le fondateur du monastère,
était un reclus. Ses successeurs doivent l'être aussi. La communauté
conduit solennellement l'élu à la réclusion au cours d'une cérémonie
spéciale (T. Ch. Hatzijoannès, op. cit., 101-103).
14. Saint-Sauveur de Messine. Le typicon concerne un ensemble
de laures soumises à l'archimandrite de Saint-Sauveur. Si l'une vient
à perdre son higouméne, la communauté désigne deux candidats
qu'elle présente à l'archimandrite. Celui-ci nomme l'un deux, lui

Ils si· trouvent dans la banlieue asiatique. Ce sont Ν ossifie, Moiiot.-astanon. τα


,υ. Médicarios. (lalacivnes o\ Satvre.
:
28 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

impose la main et lui donne un nouveau manteau (A. Mai, Nova


Patrum Bibliotlieca, X , 129-130).
15. Saint-Michel du mont Saint-Auxence. L'higoumène est élu par
la communauté, puis présenté à l'empereur qui lui remet le bâton
pastoral; il est ensuite conduit au métropolite de Chalcédoine pour
recevoir la bénédiction canonique. En cas de contestation au sujet
de l'élection, l'empereur désigne lui-même l'higoumène (Typika,
I, 774-776).
16. Prodrome του ορούς Μενοικέως. C'est la communauté qui choisit
son higoumène; elle le présente à l'empereur qui lui remet le bâton
pastoral. Si l'entrevue ne peut pas avoir lieu, une délégation se rend
auprès du souverain pour lui annoncer l'élection et lui demander
son approbation. L'higoumène est assisté de quatre conseillers (Byzan-
tion, XII, 1937, 60-65).
17. Théotocos της Κοτεινής. La communauté élit le supérieur
parmi ses membres; toutefois, si aucun d'eux n'est jugé capable,
elle doit en choisir un de vertu éprouvée pris dans un autre monastère.
L'élu est présenté au métropolite de Philadelphie qui l'investit (Έλλην.,
Ill, 329-330).

4. Officiers.

Le gouvernement d'une communauté où les moines doivent assurer


eux-mêmes tous les services, puisqu'il leur est interdit d'avoir des
domestiques dans le monastère, demande que la besogne soit répartie
entre un certain nombre d'emplois pour assurer la bonne administ
ration. Remarquons tout d'abord qu'aucun des typica ne parle
de maître des novices. Comme nous l'avons dit, le soin de les former
incombe au supérieur qui, parfois, s'en décharge sur un ancien. Aussi
tôt après l'higoumène, vient l'économe, réclamé par le concile de
Nicée en 787 (c. 11) et qui a remplacé l'apocrisiaire de Justinien.
C'est le personnage subalterne le plus important, puisqu'il doit admin
istrer tous les biens et s'occuper des relations avec les autorités
civiles. Il est nommé à vie par l'higoumène ou par la communauté.
S'il est déposé pour des raisons graves, il est libre de se retirer ou
de rester dans le monastère, à la deuxième place, donc immédiatement
après l'higoumène.
Les autres charges sont variées, surtout dans les monastères nomb
reux. Elles sont distribuées par le supérieur, avec la participation
plus ou moins étendue de la communauté. Voici les fonctions que
H. .JANIN : MONACUlSME BYZANTIN ΛΓ MOYEN AGE 29

Ton rencontre ordinairement. L'épistémonarque (έπιστημονάρχης) est


chargé de la direction et de l'ordre des cérémonies religieuses; l'eecle-
siarque s'occupe de la propreté et de l'éclairage de l'église; le domes-
ticos est le chef du chœur, le préchantre; au skevophylax sont réservés
la garde et le soin des vases sacrés et des objets précieux du culte;
le chartophylax a la charge des documents officiels; le δοχειάριος των
νομισμάτων est le caissier, chargé de solder les dépenses et de tenir
les comptes en règle; le δοχειάριος των πανιών a la garde et le soin
des habits et de la literie, Γόρειάριος ou kellarite s'occupe des pro
visions de bouche, avec parfois un échanson (οινοχόος); le réfectorier
(τραπεζάριος) tient en ordre le réfertoire et prépare les couverts pour
les repas; .l'hôtelier (ξενοδόχος) reçoit les visiteurs et s'occupe de
leur séjour. Il y a aussi un infirmier, parfois un médecin, un ou plu
sieurs cuisiniers, un portier. Celui-ci occupe un poste de confiance
qui n'est ordinairement donné qu'à un moine expérimenté et vertueux,
car c'est lui qui contrôle les entrées et les sorties; il préside aussi
les distributions d'aumônes qui se font à l'entrée du monastère.
Toutes ces charges sont conférées au cours d'une brève cérémonie
à l'église.

■"). Nombre des moines.

On croit communément que les monastères byzantins étaient très


peuplés. Il est certain que dans les premiers siècles de ferveur monast
iqueles laures et les cénobia d'Egypte et de Palestine connurent
de véritables foules qu'il n'était pas toujours facile de gouverner.
Il en fut de même, au moins à certaines époques, au Mont Athos,
ailleurs peut-être aussi, comme au Mont Olympe, au Mont Latros,
etc., mais on ne possède pas à cet égard de renseignements précis.
On ne peut guère citer qu'un exemple certain chez les Byzantins
(le Mont Athos mis à part), celui du Prodrome de Stoudios à Constant
inople, que saint Théodore porta à un si haut degré de ferveur et
de célébrité. D'après l'auteur de sa Vie (xe s.), il compta jusqu'à
mille moines (67). C'est bien difficile à croire, car le monastère
n'occupait que quelques hectares et son église (25 m sur 2Γ>) ne pou
vait certainement pas contenir une foule si nombreuse. 11 faut noter
aussi que saint Théodore était à la tête d'une sorte de Congrégation
comprenant, outre le monastère de Stoudios, ceux de Saccoudion,
de Saint-Christophe, des Tripoliens et des Cathares, peut-être aussi

I.C7; \Ίι,ι Ι Ι,,-η,Ιυη. :;i !>(.. \(Λ\, 1 ΊΧ 1>.


;
30 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

celui des Symboles, tous situés en Asie Mineure (68). Malgré les
sages mesures qu'il avait prises pour assurer l'ordre parmi tous les
membres de la communauté, saint Théodore était trop pondéré pour
admettre dans son monastère tant de monde à la fois. Il est certain
toutefois qu'il eut beaucoup de moines sous son autorité, comme
l'insinue la multiplicité des emplois qui leur étaient confiés.
Lorsque Anselme, évêque d'Havelberg, envoyé à Constantinople en
1136 par l'empereur d'Allemagne Lothaire III, prétend qu'il y avait
700 moines au Christ Pantocrator et 500 au Christ Philanthrope (69),
on se demande où il a puisé ces renseignements. Le Pantocrator
était à peine fondé et son typicon ne lui attribue que 80 moines (70).
Quant au Christ Philanthrope, qui était contigu à celui de la Théo-
tocos Κεχαριτωμένη, il ne devait pas avoir beaucoup plus d'habi
tants que celui-ci, dont le nombre, fixé par le typicon, était de 24,
avec une marge allant jusqu'à 40, suivant les possibilités (71). Si
l'on en juge d'après les typica, la plupart des monastères byzantins
ne comptaient guère que quelques dizaines de moines ou de moniales.
Voici les renseignements que nous avons pu recueillir dans les
typica des monastères d'hommes :
1. Laure de Saint-Athanase : d'abord 80, puis 120, dont 5 kelliotes
(Haupturkunden, 114-115).
2. Théotocos Εύεργετίς : pas de nombre fixe; suivant les ressources
{Typica, I, 641).
3. Christ Tout-Miséricordieux de Michel Attaleiatès; 7 ou 5, si les
ressources diminuent (Miklosich et Müller, Ada et diplomata,
V, 311).
4. Théotocos de Pétritzos : 50, en dehors de l'higoumène; parmi
eux 6 prêtres, 2 diacres et 2 sous-diacres (Viz. Vrem., XI suppl. 21-23).
5. Prodrome του Φοβερού : 12 sachant lire (Noct.es Petropolitanae,
57-58).
6. Christ Pantocrator : 80, dont 50 pour le chœur et 30 pour les
travaux manuels (Typica, I, 671).
7. Théotocos της "Αρειας : 10 (Miklosich et Müller, op. cit.,
V, 72).

205-206.
(68) Fr. Julien Leroy, La réforme studite, dans Orientalia Christiana analecta 153 (1958),
(69) Dialog., I, 10; PL, CLXXXVIII, 1156 D.
(70) Les six monastères qui lui étaienl unis dans la banlieue asiatique n'avaient en tout
que 70 moines (Typika, I, 676).
(71) Miklosich et Müller, op. cit., V, 337.
R. JANIN : MONACHISMK BYZANTIN AU MOYEN AGE 31

8. Théotoeos Κοσμοσώτεφα : 74, dont 50 pour le chœur et 24


pour les travaux manuels (B.I.R.C., XIII, 21).
9. Saint-Mamas : 20, dont 2 ou 3 prêtres et 2 diacres ('Ελληνικά,
1, 267).
10. Théotocos των 'Ηλίου Βωμών : 20 dans le monastère bithynien et
le métochion de Constantinople; parmi eux 2 ou 3 prêtres et 2 diacres
{Typika, I, 725-726).
11. Théotocos της Κοτείνης : pas plus de 12; si les revenus le
permettent on pourra en recevoir jusqu'à 18 ou 20 (Έλλην., Ill, 327).
12. 'Έγκλειστρα de Chypre : le nombre fut d'abord fixé de 20 à 25,
puis ramené à 10, jugé préférable (I. Chr. Hatzijo.vnxes, op. cit.,
119).
13. Saint-Michel du mont Sain.t-Aux.ence : pas plus de 40, dont
16 pour le chœur et 24 pour les travaux manuels (Typica, I, 780-781).
14. Saint- Démétrius des Paléologues; 36, dont 15 de chœur et 21
pour les travaux manuels (I. G. Troitzkïj, Avtohiografia, 18-19).

β. Vie commune.

Nous avons dit que Justinien avait en quelque sorte imposé le


régime cénobitique aux moines, tout en tolérant les solitaires, dits
kelliotes ou hésy chastes. Ce dernier genre de vie eut toujours des
partisans, surtout au Mont-Athos, où l'éloignement des lieux habités
par les gens du monde le rendait plus facile en assurant aux soli
taires la tranquillité. C'est ainsi que saint Athanase décida que sur
les 120 moines de sa laure, 5 pourraient vivre en kelliotes mais en
dehors du monastère; ils recevaient chaque année pour leur entretien
3 pièces d'or et 5 mesures de blé {Haupturkunden, 115). Des six monast
èresqui étaient unis à celui du Christ Pantocrator, cinq n'étaient
habités que par des kelliotes au xne siècle : Monocastanon (16), τα
Άνθεμίου (12); Médicarios (6), Galacrènes (6) et Satyre (18) {Typika, I,
676). Le fondateur de la Théotocos Εύεργετίς était un reclus et il
aurait voulu imposer ce genre de vie aux higoumènes ses successeurs,
mais il y renonça {Typica, I, 631). Par contre, au monastère de Néo
phyte le Reclus, en Chypre, cet usage prévalut (I. Ch. Hatzijoannès,
op. cit., 103). Saint-Mamas ne voulait pas d'hésychastes (Ελληνικά,
I, 282), ni le Prodrome του ορούς Μενοικέως (c. 11; Byzantion,
XII, 1937, 49). La vie solitaire exigeait d'abord trois ans de vie
commune et l'on ne pouvait l'embrasser qu'avec la permission de
l'higoumène.
32 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Justinien avait voulu que tout fût commun dans les monastères
(logement, nourriture, habits, réfectoire, dortoir). Cependant il arriva,
assez vite peut-être, que chaque religieux eût sa cellule; du moins
on le constate pour certains couvents. A la Théotocos Κοσμοσώτεφα,
existait un système assez particulier. Sous prétexte de former les
novices on mettait deux religieux par cellule : un ancien et un nouveau,
qui devait prendre modèle sur son compagnon; cependant l'higou-
mène pouvait permettre de vivre seul en cellule (B.I.R.C., XIII, 15).
A la Théotocos της "Αρειας, les moines étaient deux à deux au
réfectoire, un ancien et un jeune (Miklosich et Müller, op. cit.,
V, 184).
La nourriture était commune. Cependant on trouve des dispositions
particulières à cet égard. Les solitaires (kelliôtes ou hésychastes)
recevaient les vivres de leur monastère en argent et en nature, comme
nous l'avons vu pour la laure de Saint-Athanase au Mont Athos.
Pour les 7 moines de son monastère de Constantinople et de son
asile de pampres de Rhédestos, Michel Attaleiatès avait établi un
système qui ne semble guère compatible avec la vie commune. La
cathigoumène recevait par an 12 pièces d'or, 48 mesures de blé,
36 de vin, 3 pièces d'or pour la pitance et 2 mesures d'huile. Les
religieux chargés de travaux pénibles avaient 8 pièces d'or, les prêtres 7
et les simples moines 6. En dehors du cathigoumène, les moines
recevaient 30 mesures de blé, 24 de vin, 1 d'huile et 2 pièces d'or
pour la pitance (Miklosich et Müller, op. cit., V, 315-316).
Dans certains monastères, les religieux employés à des travaux
particulièrement pénibles recevaient une nourriture plus abondante.
Ainsi en avait décidé saint Athanase pour la Laure du Mont Athos
(Typika, I, 254). A la Théotocos των Ηλίου Βωμών, les agriculteurs et
les pêcheurs recevaient deux fois par an une pièce et demie d'or et
une autre fois un προσέργιον χοντρόν ; ils avaient également chaque
mois de quoi payer le bain et le savon (Typika, I, 744-745). Saint Atha
nase permettait aux moines de garder par devers eux des effets per
sonnels et même de l'argent (Typika, I, 255).
Les habits étaient ordinairement fournis par le monastère et dis
tribués deux fois par an : le 1er septembre pour les habits d'hiver,
le 1er mars pour ceux d'été. Les typica indiquent parfois la nature des
différentes pièces de l'habillement. A Saint-Mamas, cette distribution
se faisait en argent, chaque moine recevant la somme nécessaire
pour se procurer habits et chaussures aux deux dates indiquées
plus haut; c'était 1 hyperpère et 1 triképhalon; de plus on leur donnait
R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 33

chaque mois ce qu'il fallait pour le savon, et aussi pour le bain quand
il n'y en avait pas dans le monastère (Ελληνικά, Ι, 283).
Certains monastères plus rigides interdisaient le bain aux moines,
comme le Prodrome του Φοβερού {Nodes Petropolitanae, 29) et Γ'Έγ-
κλειστρα de Néophyte le Reclus en Chypre (I. Ch. Haztijoannidès,
op. cit., 115). Les autres se montraient moins austères. Le bain était
permis une fois par mois à Saint-Mamas (Ελληνικά, Ι, 283), ainsi
qu'à la Théotocos Κοσμοσώτεφα {BIRC, XIII, 67); deux fois par
mois en dehors du Carême au Pantocrator {Typika, I, 670); chaque
samedi en dehors du Carême à la Théotocos της "Αρειας (Miklosich
et Müller, op. cit., V, 185). Au Prodrome του ορούς Μενοικέως quatre
bains étaient ordonnés par an, mais l'higoumène était libre d'en
augmenter le nombre {Byzantion, XII, 1937, 51).
Tous les typika insistent sur les soins à donner aux malades, à
commencer par Saint Athanase au Mont Athos. Ils sont logés à part
et ont un régime particulier bien que fidèle à l'abstinence de viande.
Ils ont des infirmiers et parfois un médecin à leur service. Quand
ce dernier manque dans le monastère, on fait appel à ceux de l'exté
rieur. Pour eux il n'y a pas de limite pour le bain. Ils peuvent en
user chaque fois que le prescrivent ceux qui les soignent. Il va sans
dire que l'higoumène doit les visiter souvent pour les encourager.

7. Clôture.

Elle est rigoureusement obligatoire. L'entrée des monastères


d'hommes est interdite aux femmes : Théotocos των Ήλιου Βωμών
{Typika, I, 743-744), Théotocos Κοσμοσώτεφα {BIRC, XIII, 47), Pro
drome του Φοβερού {Noctes Petropolitanae, 75), "Εγκλειστρα de Chypre
(I. Ch. Hatzijoannidès, op. cit., 106), etc. La Laurede Saint- Athanase
au Mont Athos prohibe le séjour des enfants, des jeunes gens imberbes
et des eunuques {Haupturkunden, 118); cette défense est étendue
à tous les monastères de la Sainte Montagne {ibid., 147, 154). Elle
était également en vigueur au mont Latros (Νέος Έλληνομνήμων, XII,
202). Il y a cependant des exceptions prévues. A la Théotocos Εύεργετίς,
l'entrée pouvait être permise, mais rarement, aux personnes de
condition connues pour leurs vertus {Typika, I, 650). A Saint-Michel du
mont Saint-Auxence, cette permission s'étendait aux parentes de
l'empereur {Typika, I, 787). A Saint-Mamas, l'entrée était interdite
aux femmes, même pour la sépulture ou l'anniversaire d'un moine
de leur parenté: à l'exception de l'anniversaire du nouveau fondateur
3
34 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

(Ελληνικά, Ι, 282-283). Au Pantocrator, les femmes ne pouvaient


passer par la porte du monastère pour se rendre à la chapelle mort
uaire; elles devaient emprunter celle de l'église de la Théotocos
Έλέουσα (Typika, I, 671). A la Théotocos de Pétritzos, l'entrée était
interdite aux femmes, sauf à celles qui venaient en pèlerinage à
trois fêtes de la Sainte Vierge : Annonciation, Assomption et Nativité;
elles pouvaient alors entrer dans l'église pour faire leurs dévotions;
aucun monastère de femmes ne devait être construit sur le territoire
(Viz. Vrem., XI suppl., 44, 60). A la Théotocos του Μαχαίρα l'entrée
était interdite aux femmes, même pour prier (Miklosich et Müller,
op. cit., V, 421). Au Prodrome του ορούς Μενοικέως, seules, l'impé
ratrice et sa suite pouvaient entrer (Byzantion, XIII, 1937, 51).
Certains monastères se conformaient à la pratique instaurée en
Bithynie par saint Platon et par son neveu saint Théodore Studite,
celle d'interdire tout animal femelle. Cette mesure radicale n'était
probablement pas inspirée uniquement par le souci de sauvegarder
la chasteté, mais aussi par esprit de pauvreté, les moines devant être
des pauvres volontaires, il ne convient pas qu'ils s'enrichissent en
augmentant leurs troupeaux. Saint Théodore Studite, qui était strict
sur ce point, ne parle-t-il pas des « mules du monastère »? (72). Quoi
qu'il en soit du motif, la coutume fut observée au monastère de
Stoudios, au Mont Athos, où elle est toujours en vigueur {Hauptur
kunden,113), au Prodrome του Φοβερού (Nodes Petropolitanae (75),
à ΓΈγκλειστρα de Chypre (D. Ch. Hatzijoannès, op. cit., 106-107)
et peut-être ailleurs.

S. Indépendance.

Comme nous l'avons déjà dit, presque tous les typica revendiquent
l'indépendance complète pour le monastère dont ils sont la charte. On
est loin de la règle fixée par le concile de Chalcédoine en 451 : dépen
dance vis-à-vis de l'évêque du lieu (c. 4). Cette indépendance
est exprimée par de nombreux synonymes qui s'accumulent dans
divers textes : ελευθέρα, άκαταδούλωτος, αύτοδέσποτος, αυτεξούσιος,
εαυτής κυριεύουσα και δεσπόζουσα (ex. Typika, I, 700, pour le Pantocrator).
De plus, il est spécifié ordinairement que le monastère est exempt de
tous les « droits impériaux, patriarcaux et personnels », qu'il « ne peut
être cédé ni en don, ni en gratification, ni pour une curatelle, ni à une
personne, ni à un autre monastère, ni à une œuvre charitable ». En
(72) Catéchèse I, 3.
R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 35

dehors du Pantocrator déjà cité, voici ceux où cette indépendance est


revendiquée :
Laure de Saint-Athanase au Mont Athos : elle ne doit tomber aux
mains de personne, ni du patriarche, ni du sakellion ; elle est αύτοδέσ-
ποτος και αυτεξούσιος (Η auptur künden, 109).
Théotocos Εύεργετίς (Typica, I, 630).
Sauveur Tout-Miséricordieux de Michel Attaleiatès (Miklosich
et Müller, op. cit., V, 303).
Théotocos Κοσμοσώτεψα : le métropolite de Trajanopolis bénit
rhigOumène, mais il n'a aucun droit sur le monastère (BIRC, XIII,
3.8-39).
Saint-Mamas : ses seuls maîtres sont « Dieu Ami-des-hommes et
saint Marnas » ('Ελληνικά, Ι, 266).
Théotocos των 'Ηλίου Βωμών : il n'est soumis qu'à Dieu Ami-des-
hommes et à la Théotocos » (Typika, I, 725-726).
Saint-Michel du mont Saint-Auxence (Typika, I, 773).
Saint-Démétrius des Paléologues (J. G. Troitzkij, Avtografia,
15-16). On a cependant l'exemple d'une intervention patriarcale (73).
Prodrome του Φοβερού : l'higoumène n'a de comptes à rendre qu'à
Dieu et au Prodrome {Nodes Petropolitanae, 51).
Théotocos de Pétritzos (Viz. Vrem., XI suppl., 36-39).
Théotocos Έλέουσα de Stroumnitza. Pas d'autre maître que le
Théotocos (BIRC, VI, 90).
Théotocos της Κοτεινής (Έλλην., III, 330).
Théotocos του Μαχαφα (Miklosich et Müller, op. cit., V, 397).
Prodrome του ορούς Μενοικέως : sa liberté complète est reconnue
par un prostagma d'Andronic II : il ne dépend que de Dieu et du
Prodrome. Le métropolite de Serrés n'a droit qu'à sa mémoire dans
les offices divins et à la redevance ordinaire (κανονικόν) (Byzantion,
XI, 1937, 42).
Théotocos της "Αρειας : le monastère n'est soumis « ni à l'empereur,
ni au patriarche, ni aux métropolites, ni aux archevêques, ni aux
évêques, ni aux archimandrites, ni aux higoumènes, ni à aucun autre
homme que ce soit » (Miklosich et Müller, op. cit., V, 188).
Saint Jean de Patmos (Miklosich et Müller, op. cit., VI, 84). Il
a cependant un commendataire, désigné par le fondateur saint Théo-
doulos; c'est Théodore Kastrisios, qui renonce à sa commende, le
15 mars 1094 {ibid., VI, 90-93).
!7:V) En décembre Κί1Γ>. Jean XIII Glykys déposa le hiéromoine Théodore du Saint-
Oémélrius des P;iléolo£ues (Miklosich et Mi i.t.er, oj>. cit., I, 42).
36 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Plus loin, nous dirons comment se traduit l'indépendance des monast


èresde femmes qui ont laissé des typica.
Bien qu'indépendants en principe, tous ces monastères doivent
avoir des relations avec l'évêque du lieu, dont ils sont tenus de faire
mémoire dans les offices religieux, et pour certains demander la
bénédiction canonique pour le nouvel higoumène. Certains paient une
redevance à l'évêque du lieu, comme Saint-Michel du mont Saint-
Auxence, qui offre chaque année en hommage au métropolite de
Chalcédoine un don d'une valeur de trois hyperpères et trois livres
de cire (Typika, I, 774). La Théotocos 'Ελεούσα de Stroumnitza verse
à l'évêque de la ville trois pièces d'or pour la bénédiction canonique
de l'higoumène (BIRC, VI, 88). Le texte spécifie toutefois que c'est
un hommage rendu à l'évêque du lieu et non une reconnaissance d'un
droit qu'il pourrait exercer sur le monastère. Le typicon du Prodrome
του ορούς Μενοΐ,κέως dit que le monastère paie au métropolite de
Serrés la redevance (κανονικόν) accoutumée (Byzantion, XII, 1937; 42).
C'est le seul exemple que nous ayons trouvé de cette « redevance
accoutumée » dans les typica, en dehors de celle de Saint-Michel du
mont Saint-Auxence indiquée plus haut.

9. Les monastères féminins.

Sept de ceux qui furent fondés aux xie-xive siècles nous sont
connus par le typicon qui leur fut donné ou par allusion dans un autre
d'un monastère différent. Cinq d'entre eux étaient à Constantinople :
Théotocos Κεχαρί,τωμένη, Christ Philanthrope, Théotocos Βεβαία
Έλπίς, Lips, saints Côme et Damien. Les deux autres se trouvaient
en province : l'un, à Areia, près de Nauplie, et l'autre à Baionia, dans
l'île de Crète. On peut recueillir dans leurs typica quelques parti
cularités intéressantes.

A. Théotocos Κεχαρί,τωμένη (74).

L'impératrice Irène Ducas, femme d'Alexis Ier Comnène, fonda,


à la fin du xie siècle ou au début du xne un monastère qu'elle dédia à
la Théotocos Pleine-de-Grâce (Κεχαριτωμένη). Il reçut de la princesse
son typicon peu de temps avant la mort de l'empereur (1118). Ce
document ne contient pas moins de 78 chapitres et il est suivi d'une
addition qui est probablement postérieure à 1138. Nous renvoyons
(74) R. Janin, Églises et monastères, 196-199.
R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 37

à l'édition de Miklosich et Müller, Ada et diplomata graeca medii


aevi, V, 327-391).
Le monastère est complètement libre à l'égard de toutes les autorités
ecclésiastiques et civiles. L'impératrice elle-même et ses descendants
veilleront à sa bonne marche (332-333).
Religieuses. Elles seront 24, 40 tout au plus, si les ressources aug
mentent; deux enfants seront préparées à la vie religieuse (337). On
ne reçoit pas les moniales qui viendraient d'un autre monastère (367).
L'entrée est gratuite. Au bout de sept jours on donne l'habit à la
postulante. Six mois plus tard, elle reçoit l'himation et le mandyas.
Ce temps est laissé à l'appréciation de l'higoumène pour les personnes
connues et au courant de la vie monastique; elles pourront recevoir
le grand habit au bout de six mois, les autres attendront trois ans (355).
Toutes les religieuses doivent vivre en commun (réfectoire, dortoir,
travail, etc.) et aucune n'a droit à une faveur quelconque (368). Les
ofïicières, choisies par la supérieure, sont les mêmes que dans les
monastères d'hommes.
Higoumène. Pour l'élire, toutes les religieuses désignent trois d'entre
elles dont les noms sont déposés sous enveloppe scellée sur l'autel. Le
lendemain, après la messe, le prêtre en tire un et remet à l'élue le
typicon et le bâton pastoral. 11 est prévu qu'en cas de contestation
on peut élire une religieuse d'un autre monastère (340-342). L'higou
mène peut être déposée pour de justes motifs (343-344).
Clergé. L'église est desservie par deux prêtres, moines et eunuques;
l'un d'eux assiste l'économe qui est également un eunuque. Il n'y a
qu'un père spirituel, lui aussi eunuque (75), à qui toutes doivent
s'adresser pour la confession et la direction (346).
Clôture. Elle est stricte. Toute religieuse qui doit sortir est obligée
de rentrer avant la nuit. Aucun homme ne peut franchir les portes,
sauf le médecin; encore doit-il être un eunuque ou un vieillard (346,
369). Aucun chantre ne sera admis pour les anniversaires, qui seront
assurés par les religieuses (379).
Malades. Elles sont l'objet de soins particuliers; elles peuvent
prendre un bain aussi souvent que le demande leur état, tandis que
les autres n'y ont droit qu'une fois par mois (369).

(75) La Théotocos Κεχαριτωμένη est le seul monastère féminin où le souci de la chasteté


ait poussé à la prudence au point de recourir uniquement à des prêtres eunuques. Ils étaient
repoussés des monastères d'hommes. A Constantinople du moins ils pouvaient chercher
refuse dans celui de Saint-Lazare bâti par Léon le Sage qui le leur réserva. Cf. R. Janin,
/Îî'/i.'îo- H monastère*. :!<)l.K> 10.
38 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Charité. Chaque jour il y a distribution de pain à la porte. A


l'Assomption et à Noël on y ajoute du vin et même de l'argent (370).

B. Monastère de Lips (76).

Au début du xe siècle, un personnage de ce nom construisit dans la


vallée du Lycus, à Constantinople, un monastère dont on ne connaît
pas le vocable, bien que l'église fût dédiée à la Théotocos, et habitée
par des moines. Il était ruiné par l'occupation latine, lorsque Theodora,
femme de Michel VIII Paléologue, le releva et en fit un monastère de
femmes après la mort de son mari (1282). Le P. H. Delehaye a publié
son typicon malheureusement incomplet (Deux typica byzantins de
Vépoque des Paléologues, Bruxelles, 1921, 106-136).
Le monastère est indépendant et libre de tout lien extérieur, excepté
l'hospice (ξενών) qui lui est uni. L'éphorie (curatelle) appartient de
droit à l'empereur régnant (106-108).
Religieuses. Elles sont 50, dont 30 de choeur et les autres appliquées
aux travaux ménagers. Toutes sont reçues sans dot, et celles qui ont
apporté des biens en entrant ne doivent pas s'en prévaloir (114). Le
noviciat dure trois ans pour les postulantes de moins de 20 ans; pour
celles qui sont plus âgées et qui n'ont aucune notion de la vie religieuse,
il dure un an; six mois seulement pour celles qui sont avancées en âge
ou mûries par les épreuves. Celles qui sont dans le monastère depuis
leur enfance doivent attendre d'avoir 16 ans pour se consacrer à Dieu.
On accepte les religieuses qui viennent d'un autre monastère, à la
condition qu'elles soient irréprochables (115-117). L'économat n'est
pas conh'é à une sœur, mais à un séculier sans reproche, qu'il soit
homme ou eunuque; il est choisi par la supérieure, les principales
sœurs et le père spirituel (119-120).
Higoumène. Elle est élue par les seules religieuses de chœur et
l'opération dure huit jours, coupée de prières. Une fois nommée,
douze des plus anciennes la conduisent à l'empereur qui lui remet le
bâton pastoral. Le prêtre la bénit devant l'icône de la Théotocos. Elle
peut être déposée (109-112).
Clergé. Quatre prêtres sont attachés au monastère : deux pour
l'ancienne église (Théotocos) et deux pour la nouvelle (Saint- Jean-
Baptiste); ils sont payés en argent et en nature (110). Il n'y a qu'un
père spirituel. Il vient une fois par mois et se met au service de la

(76) R. Janin, op. cit., 318-321.


R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 39

communauté pendant trois jours, mais il loge à l'hospice. Une rel


igieuse peut le demander si elle en a besoin. La confession est fortement
recommandée (112-113).
Clôture. Elle est perpétuelle, sauf pour l'empereur et les membres de
la famille de la fondatrice. Si une sœur est gravement malade, sa mère
ou sa sœur peuvent venir la voir, mais un jour seulement (114-115).
Le médecin vient chaque semaine, sauf pendant le grand Carême; on
peut cependant l'appeler aussi souvent que cela est nécessaire en cas
de maladie grave (124-125). On ne doit pas faire venir des chantres
de l'extérieur pour les fêtes; le service est assuré par les religieuses
(128).
Au monastère est annexé un hospice (ξ,ενών) assez modeste, qui
dispose de 15 lits, avec un personnel qui comprend un médecin et
un prêtre (134).

C. Saints-Come et Damien (77).

Ce monastère, dont le site ne saurait être précisé faute de rense


ignements, fut fondé avant le xme siècle. Ruiné par l'occupation
latine, comme celui de Lips, il fut également restauré par l'impératrice
Theodora, vers la fin du xme siècle. Le typicon, très incomplet, fait
suite à celui du monastère de Lips dans l'édition de H. Delehaye
{Deux t.ypica..., 136-140.
Détails connus :
Les religieuses sont au nombre de 50, dont 18 de chœur. Elles
suivent les mêmes règles que celles du monastère de Lips, qui est
complètement indépendant du leur (138-139). Cependant les supé
rieures et les économes des deux maisons peuvent conférer ensemble
sur les intérêts qui leur sont confiés (140).
Deux prêtres sont attachés au monastère pour célébrer la messe
deux fois par semaine. Ils sont rétribués chaque semaine en argent,
blé et vin. L'économe est un séculier des plus vertueux, homme ou
eunuque; il est payé en argent, blé, orge et vin (139).

D. Christ Philanthrope (78).

Lorsque Irène Choumnos fut devenue veuve de Jean, fils


d'Andronie II Paléologue, à l'âge de 16 ans (1308), elle songea à

1 77) R. ,I\m\, Eglises i't monastères, 2l.H'>.


(78) Ibid., S'ti-.Vi'i.
40 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

embrasser la vie religieuse. Elle finit par obtenir l'autorisation de ses


parents, qui l'aidèrent à restaurer un monastère, dont on ignore le
titre et qu'elle appela du Christ Ami-des-hommes (Φιλάνθρωπος). Elle
en prit la direction sous le nom d'Eulogie et ses parents vinrent l'y
rejoindre. C'était un monastère double, comme nous le verrons plus
loin. Irène-Eulogie donna un typicon à sa fondation, mais on n'en a
encore découvert qu'un fragment, que Ph. Meyer a publié dans la
Byzantinische Zeitschrift, IV, 1895, p. 48. C'est une exhortation aux
religieuses qui insiste particulièrement sur la vie commune et sur
l'obéissance à la supérieure. On sait du moins par l'histoire que le
monastère compta jusqu'à une centaine de religieuses du vivant de la
fondatrice (f vers 1360) et réparties en sœurs de chœur et en sœurs
chargées des travaux ménagers. On sait aussi que la clôture était
stricte. Irène-Eulogie tenait parloir samedi et dimanche, ce qui lui
permit de jouer un rôle important lors que la querelle palamite. Elle
fut à la tête de l'opposition à la doctrine officielle sous le règne de
Jean VI Cantacuzène.
Le monastère était situé dans la partie méridionale de la Pointe du
Sérail, où il en subsiste encore des substructions.

Ε. Théotocos de Sûre-Espérance (Βεβαία Έλπίς) (79).

Ce monastère fut fondé par Theodora, nièce de Michel VIII Paléo-


logue. Le typicon qu'elle lui donna n'est pas antérieur à 1345. Il
comprend 24 chapitres, auxquels Euphrosyne, fille de Theodora, en
ajouta plus tard huit autres. Le texte a été édité par le P. H. Delehaye
(Deux typica..., 27-105).
Le monastère est complètement indépendant. Le patriarche n'a
sur lui que le droit que lui confèrent les canons et il ne peut intervenir
dans le gouvernement de la communauté. Le patronage appartient
au fils aîné de l'impératrice; après lui, à son cadet et ensuite à leurs
descendants (27-31).
Le typicon de Theodora fixait à 30 le nombre des religieuses;
l'addition d'Euphrosyne le porte à 50, les unes de chœur, les autres
pour les travaux ménagers (31-33, 97). Les fonctions sont distribuées
par élection sous la présidence du père spirituel (45-61). Celui-ci,
choisi pour ses vertus, est à la disposition des religieuses. La confession
quotidienne est recommandée (75-79).

(79) R. Janin, Églises et monastères, 166-170.


R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE 41

Higoumène. Elle est élue par la communauté, à l'église. Quand elle


a été proclamée, on la conduit au patriarche qui la bénit et lui remet
le bâton pastoral. Elle a deux assistantes, l'ecclésiarque et l'économe
(33-39).
Clôture. Elle est rigoureuse. Les parents peuvent venir voir leur
fille, mais rarement et dans une pièce spéciale située à l'entrée du
monastère. On ne reçoit pas d'enfants séculières, mais on peut en
admettre qui soient vouées à la vie religieuse (97-98).

F. Théotocos τοΰ Βούζη.

Lorsque Léon, évoque de Nauplie et Argos, fonda le monastère


d'hommes de la Théotocos τής "Αρένας, il installa sa communauté
dans un couvent occupé par des religieuses. Pour mettre celles-ci
à l'abri des pirates qui ravageaient les côtes, il leur construisit un
autre monastère plus à l'intérieur des terres, au lieu dit του Βούζη»
et le dédia à la Théotocos.
Dans Yhypomnema qui raconte ces événements et qui sert de pro
logue au typicon qu'il donna au monastère d'hommes en octobre 1143
(Miklosich et Müller, Acta et diplomata, V, 179-182) on trouve
quelques détails qui concernent celui des femmes. Il le déclare indé
pendant (179) et règle les rapports entre les deux communautés.
L'higoumène d'Areia pourra être économe des religieuses, si elles-
mêmes et leur supérieure le désirent; il sera leur éphore (curateur).
Il pourra aussi entrer une fois ou deux par an dans la clôture pour
faire aux religieuses des conférences spirituelles (179-180).

G. Théotocos τής Βοαονίας (Crète).

Ce monastère fut fondé par Nil Damilas, qui lui donna son typicon
en 1400 (édition S. Pétridiès, dans BIRC, XV, 1911, 95-109). On
ne peut y glaner que quelques détails.
Il est défendu de recevoir une esclave sans la permission de son
maître (99-100). On peut accueillir une femme avec sa fille de moins
de 10 ans, mais celle-ci devra apprendre à lire et devenir religieuse;
elle ne pourra pas s'initier à un métier jusqu'à ce qu'elle ait pris
le rasso à 13 ans révolus (100). Aux termes du canon 2 du concile
dit Ier et IIe (861), l'higoumène doit donner aux postulantes des
marraines pour les initier à la vie religieuse (100-101).
Le monastère d'hommes de Nil Damilas était à un mille de celui des
42 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

femmes. Il est spécifié que les moines ne pourront pas faire des tra
vaux dans le monastère des femmes ni dans leurs propriétés, mais
seulement des séculiers. De leur côté, les religieuses ne pourront
pas travailler pour les moines, sauf faire les rassos (101-103).
Clergé. Il est recommandé aux religieuses de bien choisir le prêtre
chargé des offices religieux et de le garder jusqu'à la mort, s'il accepte,
mais que ce soit un séculier, jamais un hiéromoine (106-107). Le
père spirituel est choisi par les religieuses, soit à l'unanimité, soit
à la majorité des voix; il n'a aucune autorité sur la communauté.
Quand il est appelé pour les confessions, il prend place dans le narthex
de l'église, à l'intérieur du monastère, s'il fait froid (103, 107).
Les sœurs chargées de la porte ne devront jamais l'abandonner
pour aller travailler à la vigne ou au jardin (108).
Il y aura toujours une higoumène et deux économes. Si l'une de
celles-ci vient à mourir, la communauté en élira une autre à la major
itédes voix (108-109).

H. Les monastères doubles.

Nous avons dit que cette institution, proscrite par Justinien,


avait été condamnée par le IIe concile de Nicée (787) et que le
patriarche Nicéphore Ier lui avait fait une guerre constante au début
du ixe siècle. Il faut croire qu'il y avait là une habitude invétérée,
puisqu'on en voit surgir d'autres aux xie-xive siècles, fondés par
des personnages importants et même par un patriarche, cependant
farouche défenseur de la discipline ecclésiastique. Trois sont signalés
par les typica qui leur furent donnés ou par les historiens qui en
ont noté l'existence.
On serait tenté de considérer comme monastère double les deux cou
vents contigus du Christ Philanthrope et de la Théotocos « Pleine-
de-Grâce » (Κεχαριτωνέμη), fondés à la fin du XIe siècle ou tout au
début du xne, par l'empereur Alexis Ier Gomnène et sa femme Irène
Ducas. Toutefois le typicun donné par Irène Ducas à la Théotocos
Κεχαριτωμένη donne certains détails qui excluent cette hypothèse.
Son couvent est bien contigu à l'autre; ils ne sont séparés que par
un mur et alimentés par la même canalisation d'eau (80) mais il
est certain que chacun d'eux avait son higoumène et qu'il n'est pas
question de propriétés communes, deux choses qui excluent le « monas-

(80) Miki.osich el Müm.kr, Ada et diplomala, V, 'ill, Ü83.


R. JANIN : MONACHISME BYZANTIN AU MOYEN AGE \Λ

tère double ». D'ailleurs le choix que la princesse fait de prêtres un


iquement eunuques pour desservir son église montre bien qu'elle
n'était pas disposée à mettre ses religieuses en contact avec les moines
voisins.
Deux monastères doubles sont attestés à Constantinople au xive siècle.
Le premier est celui du patriarche Athanase Ier (1289-1292; 1303-
1309), qui en avait déjà établi un, sous le nom de Néa Moni, alors
qu'il vivait en moine au mont Ganos (nord-est de Gallipoli). Un
de ses biographes dit en effet qu'il accepta aussi dans son monastère
des « femmes venues à lui pour se viriliser » (81). La fondation de
Constantinople (82) eut lieu avant son premier pontificat, puisqu'il
se retira dans son monastère delà capitale après sa première abdication;
il y revint encore après la deuxième (sept. 1309). Il y fut enterré
et son corps, objet de la vénération publique, fut pris pour celui
de saint Athanase d'Alexandrie. Cette confusion permit à un Vénitien
de l'emporter dans sa patrie comme étant celui du grand docteur
(1454/55) (83).
L'entente cessa de régner entre les deux communautés, parce que
les religieuses se laissèrent aller à la paresse sous prétexte que les
moines devaient les nourrir. Pour mettre la paix, il fallut répartir
des propriétés entre les deux communautés et séparer complètement
leur sort. C'est ce que fit le patriarche Nil Ier en mars 1393 (84).
Le second monastère double, qui portait le titre de Christ Ami-
des-hommes (Φιλάνθρωπος), fut l'œuvre d'Irène Choumnos, femme
du despote Jean, fils de l'empereur Andronic II. Devenue veuve à
16 ans (1308), elle voulut se faire religieuse. Après avoir obtenu
difficilement l'autorisation de ses parents, elle restaura un monastère
et lui donna le titre de Christ Philanthrope, dont nous avons
déjà parlé. Son père, Nicéphore Choumnos, devenu frère Nathanaël,
y entra avec sa femme. C'était donc un monastère double. On
est très mal renseigné à son sujet, bien qu'il ait eu une grande
influence au xive siècle, car on ne possède qu'un fragment de son
typicon. Irène, devenue Eulogie en religion, eut pour directeur
Théolepte, métropolite de Philadelphie, dont les écrits jettent quelques
lueurs sur ce monastère double. Dans ses sermons qui s'adressent

(81) H. Dki.eiiaye, « La Vie d'Athanase, patriarche de Constantinople, » dans Mélanges


d'archéologie et d'histoire de V École Française de Rome, XVII, 1897, 57; A. Papapopolos-
Kf.ramevs, Zitié dcoukh Aianasija 1 i Isidora I, Saint-Pétersbourg, 1 *J 05, ;i7.
(821 MiKi.osic.ii et Mh.i.kr, op. cit., II, 80.
183) REB, XIX, 19B1, 1G5-188.
^8'i ) Mi ki.osK.ii et ΜΜ.ι,κκ; op. cit., II. 8o-8:>.
44 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

uniquement aux moniales, il est question des religieux, entre autres


d'un frère mort subitement (85). Nous avons dit que le monastère
était sur la côte dans la partie méridionale de la Pointe du Sérail,
où des ruines importantes semblent être la crypte de l'église (85).

Monastère Saint- Michel de Katasképé (87)

Dans le travail de la réforme de la vie monastique au xne siècle,


ce couvent occupa une place particulière, parce qu'il témoigne d'une
conception peu ordinaire et probablement unique dans l'histoire
de l'Église byzantine. L'empereur Manuel Gomnène (1143-1180), cons
tatant l'avidité des moines pour les biens de la terre, blâmait son
père et son grand-père d'avoir construit dans la capitale des monast
èresrichement dotés pour recevoir leur tombeau, au lieu de les
établir dans la solitude, mieux faite pour leurs habitants. Il tenta
une réforme qui aurait pu avoir les plus heureux effets, si elle avait
pu se maintenir et se propager.
Il eut l'idée de grouper les moines les plus réputés pour leurs ver
tus. Telle fut l'origine du monastère Saint-Michel qu'il installa dans
un lieu dit Κατασκέπη, sur la côte européenne du Bosphore, près de
la mer Noire. Le choix du site fut fait pour assurer aux moines un
éloignement plus complet du monde, afin qu'ils pussent pratiquer
tranquillement leur vie de piété sans avoir à craindre les visites.
De plus, pour leur enlever tout souci de leur vie matérielle, il décida
qu'ils seraient entretenus aux frais de l'État. Ces renseignements
sont fournis uniquement par les historiens (88). On n'en sait pas
davantage sur cette initiative originale. S'il ne périt pas auparavant,
le monastère Saint-Michel dut disparaître pendant l'occupation latine,
ses ressources suivant le sort de l'État byzantin.
R. Janin.

(85) Sur Irène Choumnos, sa famille et son monastère, cf. V. Laurent, « Une princesse
byzantine au cloître », KO, XXIX, 1930, 29-60.
(86) R. Janin, Constantinople : Églises et monastères, 541-544.
(87) Ibid., .154-355.
(88) Nicktas Chômâtes, Bonn, 270-272; Ρ G, 139, 556 D-557 B; C. Sathas, Bibliothecu
graeca medii aeçi, VII, 301; Ephrem, Caesares, vv. 4691-4701.

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