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Résumé
REB 45 1987 France p. 5-13
J. Darrouzès, Deux textes inédits du patriarche Germain. — Le manuscrit Mosquensis Mus. Hist. 265 contient des extraits de
deux discours du patriarche Germain Ier, qui traitaient l'un des saintes images, l'autre du blocus de Constantinople par
Souleiman ; édition avec introduction et traduction.
Darrouzès Jean. Deux textes inédits du patriarche Germain. In: Revue des études byzantines, tome 45, 1987. pp. 5-13.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1987_num_45_1_2203
DEUX TEXTES INEDITS
DU PATRIARCHE GERMAIN
Jean DARROUZES
du pape Grégoire II, dont le même manuscrit est témoin4, font apparaître
des omissions assez fréquentes. Le Mosquensis, quand il peut être comparé
à d'autres, se range plutôt du côté des détériores.
Ainsi, dans le contexte de cet extrait du patriarche Germain, on constate
une anomalie plus grave de ce manuscrit. Au f. 230, après deux extraits du
concile In Trullo, est annoncé un extrait de la lettre d'Ignace aux Smyrnio-
tes : Τί γάρ με ωφελεί — γένοιτο μοι αύτων μνημονεύειν5. Les deux derniers
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mots se trouvent en réalité au f. 233, et dans ce petit texte d'Ignace de six
ou sept lignes est enclavé un long passage du De imaginibus de Jean
Damascene6 : έν μεν γαρ τφ εύαγγελίω — τον ΰλην δι' έμέ γενόμενον,
c'est-à-dire ch. 10, 1. 5 jusqu'à ch. 14, 1. 14. Or ce passage et deux autres sont
signalés dans l'édition critique comme manquant au Mosquensis''. Cela
signifie que le modèle utilisé par le copiste avait des folios déplacés de telle
manière que les lacunes n'étaient pas trop choquantes. On ne s'étonnera
donc pas que les extraits de Germain édités ci-dessous ne soient pas de
première qualité ; ils ont sans doute passablement circulé, bien qu'il n'en
reste qu'un seul témoin.
Les deux autres textes mis sous le nom de Germain sont également des
extraits. Cependant le premier titre (f. 218), qui n'a pas l'indication
d'extrait, donne l'impression qu'il s'agit du discours entier et non d'une
partie seulement. Si c'est un discours, il lui manque les principaux éléments
du genre, ou bien les plus significatifs : exorde, péroraison, interpellation
plus ou moins concrète aux auditeurs ; l'absence des parties caractéristi
ques empêche d'ailleurs de reconnaître en toute certitude un autre genre
littéraire possible : lettre, testament, profession de foi. Le contenu équivaut
à une profession de foi et la rédaction en paragraphes ou articles brefs
convient à un document de ce genre, qui consiste généralement dans la
répétition du symbole de foi traditionnel, plus ou moins développé selon
les articles, surtout en finale où peuvent s'ajouter des paragraphes orig
inaux traitant d'une question d'actualité. Il y a plusieurs dizaines de
formules dans le répertoire des incipits grecs8, et les occasions d'émettre
une profession de foi sont si variées que le caractère et la destination du
document sont indéfinissables, lorsqu'il est tronqué et ne possède plus les
9. S. Gero, Byzantine Iconoclasm during the Reign of Leo III, Louvain 1973,
p. 176-189 ; voir aussi, p. 32-43, l'exposé sur le siège de 717 ; Idem, Byzantine Iconoclasm
during the Reign of Constantine V, Louvain 1977, p. 25 η. 3, sur la citation concernant
l'exil de Germain par Bratke (voir la note 7, ci-dessus). Intrigué par cette mention de
l'exil du patriarche qui paraissait appartenir à un inédit, j'ai fini par reconnaître le texte
de Damascene, mais par l'intermédiaire d'une sentence plusieurs fois reprise : Ού
βασιλέων εστί νομοθετεΐν xfj Έκκλησίςι (PG 94, 1296, première ligne du ch. 12). La
mention de l'exil de Germain est une donnée bien connue pour la datation de l'œuvre
de Damascene.
10. Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae : Delehaye, p. 901-904 (le 16 août).
11. V. Grumel, Homélie de saint Germain sur la délivrance de Constantinople,
REB 16, 1958, p. 183-205 ; ce discours est assigné par les manuscrits soit à la fête de
l'Acathiste (5e samedi de Carême), soit au jour de la Dormition (15 août).
12. P. Speck, Klassizismus im achten Jahrhundert ? Die Homélie des Patriarchen
Germanos über die Rettung Konstantinopels, REB 44, 1986, p. 209-227.
δ J. DARROUZES
Quelle que soit l'origine exacte de l'homélie, il est possible que l'attribu
tion à Germain repose sur l'existence d'un récit authentique du siège de
7 17. Il n'y a en effet aucune objection contre les autres extraits du Mosquen-
sis, qui atteste au moins deux œuvres inconnues du même patriarche, en
plus de celles qui furent conservées grâce au florilège du septième concile.
La qualité de la collection n'est en rien compromise par la médiocrité
relative de la copie, car les pièces recueillies sont de première main et
parfois uniques, comme la Νουθεσία γέροντος éditée par Melioranskij,
dont la valeur documentaire est bien démontrée ; ce texte, qui a influencé
la rédaction de YAdversus Constantinum Caballinum^ ', représente une
information antérieure à l'an 741.
Le catalogue de Vladimir n'a pas cité le terme principal qui définit le
texte d'où est tiré l'extrait ; la seconde partie du titre relative à Suleiman
suffisait sans doute à susciter la curiosité, mais si la première partie (εις τον
άποκλεισμόν) avait été relevée dans le catalogue, elle aurait pu conduire
plus sûrement le lecteur à l'identification du contenu. Comparé à l'homélie,
13. B. M. Melioranskij, op. cit., p. 1-15 (cast 2) ; S. Gero, op. cit. (Constantine V),
p. 25-36.
1 . Il y a sans doute une lacune, mais on peut mettre le participe à un mode personnel.
DEUX TRAITÉS INÉDITS DU PATRIARCHE GERMAIN 9
l'extrait est dans un rapport inverse avec l'événement : d'une part l'empe
reur est mentionné avec son qualificatif protocolaire et comme ayant eu
part à la défaite arabe, d'autre part l'intervention de la Vierge est rapportée
avec des détails qui dénotent un témoignage direct. Laissons ce regard
vengeur que seul le cheval avait subi ; les tractations avec l'empereur, la
permission de visiter la ville, le prêt d'un cheval des écuries impériales, la
confusion du barbare après sa chute de cheval ne sont pas de pure
rhétorique, mais apportent des nuances concrètes au récit du Synaxaire.
L'extrait appartenait certainement à un récit plus développé, qui pouvait
lui-même entrer dans diverses compositions. Le terme αποκλεισμός n'est
pas courant pour désigner le blocus d'une ville ; du moins ce n'est pas le
terme retenu par le Synaxaire qui annonce seulement une « commémorai-
son de la philanthropie de Dieu », alors qu'en d'autres cas, par exemple les
séismes, le terme concret figure dans les titres. Les homélies du patriarche
ne contiennent pas d'allusions à l'actualité qui pourraient suggérer l'origine
du récit sur le siège, de sorte qu'il faut se fier uniquement au titre de copie
et à la vraisemblance du contenu pour reconnaître l'authenticité de l'attr
ibution.
2. Il semble que έν αύτφ représente τον χαρακτήρα (1. 19) ou la forme humaine du
Christ dans laquelle Dieu s'incarne.
3. Le verbe ριφήσασθαι est supposé (au début du f. 219) plutôt que lu en entier ; les
deux premières lettres sont douteuses, car on peut lire νη- qui n'offre aucun sens ;
inversement on lit sans aucune hésitation άποπνίξαντες ; en liaison avec le sang versé,
j'ai pensé à une correction νίψασθαι, άπονίψαντες : « s'étant purifiés de leur erreur en
se purifiant eux-mêmes (par le sang versé) ».
DEUX TRAITÉS INÉDITS DU PATRIARCHE GERMAIN 1 1
Codex : Μ, f. 226v-227
12 J. DARROUZÈS
Jean Darrouzès
Institut français d'Études byzantines