Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Abstract
Written in the mid-tenth century the Life of Grigol reveals a Byzantine background to the history of Georgia. Though it had passed
under Arab domination, Eastern Georgia was nevertheless considered by the Byzantines as a part of their sphere of influence as
recognised in 591. This explains the periodic reappearance from the mid- seventh to early ninth century of titles such as
curopalates held by magnates in the regions bordering on Byzantine Chaldea, the field of action of the monk Grigol.
Résumé
REB 60 2002 France p. 5-64
Bernadette Martin, Moines et monastères géorgiens du 9e siècle : La Vie de saint Grigol de Xancta. Deuxième partie : une mise
en perspective historique. — Écrite au milieu du 10e siècle, la Vie de Grigol témoigne du maintien d'un arrière-plan byzantin dans
l'histoire de la Géorgie. En effet, bien que passée sous domination arabe, la Géorgie orientale n'en continua pas moins à être
considérée par l'Empire byzantin comme relevant de la zone d'influence qui lui fut reconnue en 591. C'est ce qu'exprime, au
cours de l'histoire complexe de la période qui va du milieu du 7e siècle au début du 9e siècle, la réapparition périodique dans le
monde géorgien de dignités palatines, et notamment de la curopalatie, en faveur de seigneurs qui trouvèrent l'assise de leur
pouvoir dans les régions proches de la Chaldie byzantine, où se déroula l'action du moine Grigol.
Martin-Hisard Bernadette. Moines et monastères géorgiens du 9e siècle : La Vie de saint Grigol de Xancta. Deuxième partie :
une mise en perspective historique. In: Revue des études byzantines, tome 60, 2002. pp. 5-64.
doi : 10.3406/rebyz.2002.2254
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_2002_num_60_1_2254
MOINES ET MONASTERES GEORGIENS
DU 9e SIÈCLE :
Deuxième partie
Une mise en perspective historique
Bernadette Martin-Hisard
Summary : Written in the mid-tenth century the Life of Grigol reveals a Byzantine
background to the history of Georgia. Though it had passed under Arab domination,
Eastern Georgia was nevertheless considered by the Byzantines as a part of their sphere of
influence as recognised in 591. This explains the periodic reappearance from the mid-
seventh to early ninth century of titles such as curopalates held by magnates in the regions
bordering on Byzantine Chaldea, the field of action of the monk Grigol.
1 . On trouvera à la fin de cet article les abréviations retenues pour les sources et pour
les ouvrages les plus fréquemment cités ; la Vie de Grigol est citée par les lignes de la tr
aduction qui a fait l'objet de la première partie de cette étude : Moines et monastères géor
giens du 9e siècle : la Vie de saint Grigol de Xancta. Première partie : Introduction et tr
aduction, REB 59, 2001, p. 5-95 (étude que l'on citera Martin-Hisard, Moines 1).
2. L. Menabde, Jveli kariuli mc'erlobis k'erebi (Les centres de littérature en géorgien
ancien). Tome I, 2, Tbilisi 1962.
3. W. Béridzé, Monuments de Tao-Klarjet'ie dans l'histoire de l'architecture géor
gienne, Tbilisi 1981. W. Z. Djobadze, Early Medieval Georgian Monasteries in Historic
Tao, Klarjeti and Savset'i, Stuttgart 1992 (Forschungen zur Kunstg. und Christi. Arch.).
encore visibles4. Le texte a été également utilisé pour étayer une présent
ation, maintenant délicieusement surannée, de la vie monastique en
Géorgie5 ; l'auteur de ces lignes n'exclut pas de reprendre ce dernier
sujet, une fois publiée la traduction de l'ensemble du corpus des grandes
hagiographies monastiques6.
Cependant, pour qui connaît les faiblesses de la documentation
concernant l'histoire du monde géorgien, la Vie de Grigol se révèle fort
intéressante en raison de sa dimension proprement politique.
Le texte n'évoque pas les circonstances qui permirent à Asot' de s'im
poser dans le K'iarjeti, se bornant à constater (1. 364-366) :
Le pieux souverain, le grand bagratide Asot' le curopalate, un bon
croyant, devint à cette époque le dominateur de cette région. À partir de
lui, son principat sur les Kartvéliens et celui de ses fils furent affermis
pour toujours.
Mais il souligne l'œuvre de ses fils qui (1. 896)
conquirent par leurs épées de nombreuses terres et chassèrent les fils
d'Agar.
Que la guerre ait été la grande occupation des trois frères se laisse
encore deviner dans le passage qui les montre, solennellement accueillis
à Xancta, où (1. 1008)
ils reçurent des armes pour vaincre les ennemis par l'intercession de saint
Georges.
La guerre prend ainsi une dimension religieuse, soulignée par l'affi
rmation que les Bagratides disposent, pour protéger leurs armées de chair
et d'os, de l'armée spirituelle des moines du désert (1. 1030). Peut-être
avons-nous là les origines lointaines du rituel d'avènement des rois géor
giens, attesté dans la première moitié du 12e siècle et comportant la
remise solennelle d'une épée au nouveau roi dans une église7. Une pré
sence musulmane est donc proche des régions où se développent les fon
dations de Grigol ; mais d'autres pouvoirs plus lointains se font sentir
dans le K'iarjeti, tel celui de l'émir de Tbilisi, «Sahak' fils de l'émir
Ismael» (1. 2157), soit Ishâq fils d'Ismâ'ïl, dont la pression est assez
forte, à l'époque du curopalate Asot', pour imposer son candidat sur un
siège episcopal du K'iarjeti et pour le rétablir lorsqu'il en est chassé
(chap. 68-69).
15. Voir la carte de localisation des noms géographiques à la fin de l'article. Des cartes
plus détaillées ont été publiées par R. Hewsen, dans le Tübinger Atlas des Vorderen
Orients (= TAVO), Wiesbaden, notamment les cartes Β VI 14 (Armenien und Georgien :
Christentum und Territorial Entwicklung vom 4. bis zum 7. Jahrhundert, 1987) ; Β VII 16
(Armenien und Georgien im 10. und 11. Jahrhundert, 1988); Β VIII 4 (Armenien und
Georgien : Das Christentum im Mittelalter, 7. -15. Jahrhundert), 1989.
16. Le Gugark' correspond à la vaste région méridionale du Kartli, qui comprend, à
l'ouest du Kur supérieur, l'Art'aani et le K'iarjeti et, au sud du Kartli Intérieur, le
Javaxeti, le Trialeti, le T'asiri et différentes régions appelées «vallées» ip'or en arménien,
qevi en géorgien) jusqu'à Xunani. Au sud du Gugark' se trouvaient les provinces armé
niennes du Tayk', de l'Ayrarat et du Sirak.
17. La localisation de Tbilisi sur la carte 5 du volume cité plus haut n. 15 est haute
ment fantaisiste.
18. Dans la bonne tradition des frontières naturelles, on tend à penser que la frontière à
partir de Mcxeta suivait le Kur au moins jusqu'à Tbilisi et peut-être Xunani ; mais en fait
nous l'ignorons complètement et la frontière a pu respecter les confins des grandes
régions géorgiennes.
19. Vie des rois kartvéliens, p. 217. La branche établie dans le K'axeti est censée
représenter la lignée issue de l'épouse perse du roi Vaxt'ang (fin 5e siècle) ; la branche du
K'iarjeti serait issue de son épouse grecque.
20. Sur ces termes, voir Martin-Hisard, Moines \, p. 16-19.
10 BERNADETTE MARTIN-HISARD
21. Dans la Vie des rois kartvéliens, p. 218, Guaram est issu de la branche grecque des
Chosroïdes établis dans le K'iarjeti ; sollicité par les éristavs du Kartli de leur désigner un
«roi», l'empereur qui ne pouvait être que Maurice le choisit dans l'ancienne famille
royale. La Vie et histoire des Bagratides, p. 373-374, en fait un Bagratide, venant de la
même région, élu par les nobles du Kartli réunis par le catholicos et confirmé par
Constantinople. La Chronique du 10e siècle, p. 326, 1. 17, ne précise pas son origine. Pour
la clarté de l'exposé qui suit, en raison des cas d'homonymie, on affecte les éristavs
homonymes d'un numéro d'ordre. 11 est difficile de dater ces éristavats. Brosset, p. 216-
217 et 223, date l'éristavat de Guaram de 575-600 et celui de St'epanos de 600-619.
Toumanoff, Studies, p. 393, qui complique souvent inutilement des textes déjà suffisam
ment compliqués, date le gouvernement de Guaram de 588-c. 590, et celui de St'epanos
de c. 590-627.
22. La Vie des rois kartvéliens, p. 222, l'appelle ainsi simplement; la Vie et histoire
des Bagratides, p. 374, évoque l'envoi par Constantinople de la dignité de curopalate ; la
Chronique du 10e siècle dit qu'il fut désigné d'abord comme éristav, puis comme curopal
ate.
23. Martin-Hisard, Constantinople, p. 438 et n. 548-549.
24. C'est sans doute parce que la curopalatie a fini par caractériser les Bagratides que
la Vie et histoire des Bagratides considère son premier titulaire, Guaram, comme un
Bagratide.
SAINT GRIGOL DE XANCTA 11
permit d'enlever Tbilisi aux Perses25 ; là siégèrent par la suite les tro
isième et quatrième éristavs du Kartli, Adrnese/Adarnase Ier et son fils
St'epanos II dont le gouvernement commença avant l'arrivée des Arabes
au Kartli26. Aucun n'est qualifié de curopalate, l'empereur n'eut proba
blement pas le temps de délivrer ce titre. Une seule source précise que
St'epanos II prit Tbilisi pour résidence27.
Les Perses ne perdirent pas tout contrôle sur le Kartli oriental, malgré
les déprédations des Khazars ou des pseudo-Khazars28 qui, après leur
incursion en 627, prirent goût à piller la Caucasie méridionale, voire à en
occuper des parties. Lorsque, avant de raconter la conquête de
l'Armïniya, al-Balâdhurï en esquisse une description, il affirme que le
Pjurzän était avec l'Arrän «aux mains des Khazars», précisant même un
peu plus loin : «Les Khazars et les Byzantins devinrent maîtres de ce qui
au début était entre les mains des Perses» ; Ibn Khuradädhbih ne dit pas
autre chose29. En 642 en tout cas, un commandant perse, nommé
Shahrbaräz, se trouvait non pas dans le Kartli, mais dans l'Arrân, à al-
Bäb al-Abwäb ou Darband, forteresse qui gardait le défilé barrant la
principale voie d'invasion le long de la Caspienne. Rien ne permet de
dire que les pouvoirs de Shahrbaräz se limitaient à Darband où les
Arabes le rencontrèrent ; il est possible et même probable, comme on le
verra plus bas, qu'ils aient été géographiquement plus étendus et que
Shahrbaräz ait été le représentant des Sassanides dans les régions cauca
siennes que ceux-ci contrôlaient.
Les circonstances de l'arrivée des Arabes au Kartli ne sont pas claires.
Elles le sont d'autant moins que les sources arabes considèrent le Kartli
comme un nähiya, une région, de ce qu'elles appellent l'Armïniya, terme
ambigu s'il en est dont trop de traducteurs et de chercheurs font dans
tous les cas et à tort l'équivalent de Arménie. Les campagnes qui eurent
lieu au Kartli sont liées aux événements qui se déroulaient en Arménie et
dans l'Arrân, et qui relevèrent au début plus de la découverte et du
pillage d'une terra incognita que d'un véritable projet de conquête30. Les
armées qui les menèrent provenaient soit de Haute-Mésopotamie soit
d'Iraq ou d'Ädharbaydjän, c'est-à-dire de territoires anciennement
25. Theophanes, AM 61 17 (éd., p. 316, 1. 7-8), dit sans ambiguïté que les Perses virent
arriver Héraclius et les Khazars «depuis la ville de Tiphilios».
26. Dans la Vie des rois kartvéliens, p. 225, Adamase est un membre de la lignée
royale cadette implantée dans le K'axeti. La Chronique du 10e siècle, p. 327, 1. 6, ne se
prononce pas sur son origine. La Vie et histoire des Bagratides, p. 375, fait d'Adarnase le
fils du premier St'epanos. Pour les dates de leur gouvernement, Brosset, p. 227 et p. 232 :
619-639 et 639-663 ; Toumanoff, Studies, p. 393 : 627-637/642 et 637/642-c. 650.
27. Vie et histoire des Bagratides, p. 375.
28. Pour Artamonov, p. 190, la première grande action des Khazars en Caucasie méri
dionale date de 684, les attaques antérieures étant plutôt le fait des peuples du Daghestan.
29. Al-BalâdhurI, p. 547 et 549 ; Ibn Khuradädhbih, p. 543.
30. Voir sur ce point N. G. Garsoïan et B. Martin-Hisard, Unité et diversité de la
Caucasie médiévale (ive-xie s.), dans // Caucaso : cerniera fra culture dal Mediterranen
alla Persia (secoli iv-xi), Spolète 1996 (Settimane di Studio del Centro Italiano di Studi
sull'Alto Medioevo XLIH), p. 275-347, notamment p. 320-322.
12 BERNADETTE MARTIN-HISARD
d'une campagne conduite par Suräqa b. 'Amr et dont al-Bäb fut l'object
if principal37.
«Le roi d' al-Bäb qui était alors Shahrbaräz, un Perse commandant en
ce territoire frontière» négocia sans difficultés avec Suräqa un traité
à' aman. Dans la forme transmise par al-Tabarï, Vornan ne fut pas
accordé au seul Shahrbaräz, mais aussi «aux habitants (sukkän) de
l'Armïniya et aux Arman pour leur vie, leurs biens et leur religion38» ; il
est plus loin question dans le texte de «la population (ahl) de l'Armïniya
et des Portes (al-abwäb)». Le texte souligne l'aide militaire attendue
contre les Khazars et la taxe de capitation qui devait être versée.
On peut raisonnablement avancer, à partir de ce texte, l'hypothèse
selon laquelle Shahrbaräz négocia non pas seulement pour al-Bäb39, mais
pour un plus large territoire qui comprenait, d'une part, au nord, al-
abwäb, les Portes, c'est-à-dire les innombrables défilés des routes du
Caucase oriental jusqu'à Bab al-Län40, et d'autre part l'Armïniya,
Arménie comprise et distinguée comme un élément de l'ensemble ; il va
sans dire que Shahrbaräz ne pouvait négocier que pour la partie perse de
cette dernière région. Tel est sans doute le thaghr d' al-Bäb sur lequel
Suräqa et, après sa mort, 'Abd al-Rahmän, eurent autorité, Shahrbaräz
lui-même restant en place. L'étendue de ce que nous croyons être le terri
toire confié à Shahrbaräz n'est pas pour surprendre, étant donné l'impor
tance de ce personnage41. La campagne d'al-Bâb avait donc un objectif
considérable, ce qui correspond au personnage de Suräqa qui n'était rien
moins qu'un compagnon du Prophète42, et ce que confirment les déci
sions qu'il prit ensuite.
En effet, après la conclusion du traité a1 amän, Suräqa envoya ses
généraux «vers les habitants des montagnes entourant l'Armïniya» :
Habïb b. Maslama fut dépêché vers Tiflïs, Hudhayfa b. Usayd (ou Asïd)
vers les montagnes d'al-Lân, Bukayr b. 'Abdallah vers le Müqän ; seul
ce dernier eut quelque résultat43. La mission dévolue aux deux généraux
expédiés vers Tiflïs et vers les montagnes d'al-Lân semble donc avoir
consisté à concrétiser l'accord d'amän dans une région stratégique du
précieuse qu'elle m'a apportée dans la compréhension de certains textes arabes qui ne me
sont accessibles qu'en traduction.
37. Sur cette campagne et son objectif, voir Lo Iacono (cité n. 35), p. 449 ; il faut peut-
être placer la campagne plus tard, en 645.
38. D'après F. Micheau, il faut comprendre millat moins comme religion que comme
communauté religieuse.
39. Darband est appelé par les Arabes al-Bäb wa 1-Abwâb (la Porte et les Portes) dans
les textes anciens, puis al-Bäb al-Abwâb (la Porte des Portes), et parfois plus brièvement
al-Bäb, la Porte ; mais il ne semble pas que la ville soit jamais appelée simplement al-
Abwâb.
40. Sur ces défilés, Martin-Hisard, Constantinople, p. 48 1 -482 et 487.
41. Shahrbaräz est un parent du personnage homonyme qui mena les campagnes sassa-
nides au début du siècle et tenta de prendre le trône en 636, PLRE III B, p. 1141-1 144.
42. Lo Iacono (cité n. 35), p. 449 n. 25.
43. Al-TabarI, p. 582-583, qui parle aussi d'une mission confiée à Salman b. Rabï'a,
mais le passage n'est pas clair.
14 BERNADETTE MARTIN-HISARD
48. D'après les premiers itinéraires arabes, la route vers le Djurzân depuis Bardha'a
longeait la rive sud du Kur, en passant par Shamkûr et rejoignait le Kur à Xunan ; avant
Xunan, une bifurcation vers le sud allait vers Duin. Au-delà de Xunan, la route continuait
à suivre la rive droite du Kur jusqu'à Tbilisi ; elle offrait deux possibilités de bifurcation à
l'ouest, vers Samsvilde et vers Manglisi.
49. CxmSviu (cité n. 45), p. 133-134.
50. Ter-Ghewondjan, p. 43 : «au même moment» que celle d'Habib.
5 1 . Lo Iacono (cité n. 35), p. 45 1 -452.
52. Al-BalâdhurI, p. 555.
53. Voir Martin-Hisard, Constantinople, p. 496-497.
54. Vie des rois kartvéliens. p. 232.
55. Le texte est douteux dans la mesure où ces personnages, censés ici avoir vécu dans
les années 640-650, connaissent ensuite des aventures qui les font encore vivre en 740 !
Voir plus haut, n. 1 1 et plus bas, n. 269.
16 BERNADETTE MARTIN-HISARD
64. Al-TabarI, p. 584. Le récit se trouve parmi les événements de l'année 22 (30
novembre 642-18 novembre 643).
65. Dans la traduction de Canard : «Ils manquèrent à leur parole» ; dans la version
anglaise : «They were infidels» ; la traduction retenue est celle proposée par F. Micheau.
Le verbe à la forme aoriste (kafaro) employé par l'auteur arabe n'indique pas un état,
mais implique une action dont le texte précise la date; il ne peut donc s'agir du simple
constat de l'infidélité religieuse des gens cités. Le verbe ne signifie toutefois pas qu'il y
eut une révolte.
66. Dans Canard : «des montagnes de cette région».
67. Les deux textes sont donnés à la suite l'un de l'autre et sans la moindre transition
en sorte qu'ils semblent n'en faire qu'un seul. Chacun commence cependant nettement par
une basmala et l'on retrouve aisément les deux textes correspondants d'al-Balâdhuri.
68. Théodore Rstuni est alors fort loyal envers les Arabes depuis l'accord de 653 et s'il
s'agissait des Arméniens, on ne voit pas pourquoi Habïb, envoyé à al-Bäb, s'occuperait
du Djurzän.
69. C'est ce que dit Ibn A'tham: voir Lo Iacono (cité n. 35), p. 446. D'après al-
BalâdhurI, p. 555, Salmân dut, entre autres, négocier avec les habitants d'al-Bäb ; la ville
n'était donc plus contrôlée par les Arabes.
70. Ce serait alors après la mort de Salmân.
18 BERNADETTE MARTIN-HIS ARD
71. Dans al-BalâdhurI, p. 553: «votre envoyé Nukh» ; dans al-TabarI (p. 584):
«votre envoyé T.f.lï» ; mais «votre envoyé Taflï» dans la traduction anglaise (vol. 14,
p. 45). Canard, p. 647 n. 13, et Cxitisvili, p. 132, n. 22, voient dans ce nom
Nicolas/Niqulâ ou Théophile/Tufilâ ; de même Minorsky - Bosworth, (cité n. 34), p. 490.
Il s'agit bien plus vraisemblablement d'une nisba géographique, du type al-Tiflisî, dési
gnant un habitant de Tbilisi/Tiflïs.
72. Pour I. Kawar, Bitrîk, dans El2 I, 1975, p. 1287-1288, ce terme, forme arabisée du
latin patrichis (je dirais plutôt forme arabisée du grec patrikios), désigne, dans les sources
narratives arabes, un commandant en chef byzantin. On verra que sous cette forme ou
sous celle de batrâq, il désigne aussi les grands seigneurs arméniens et géorgiens.
73. Sauf si l'on retient les affirmations de la Vie des rois kartvéliens, citées n. 54.
74. Al-TabarI, p. 584 et vol. 14, p. 45 (où le traducteur, n. 219, prend manifestement
al-Hurmuz pour un homme) ; voir aussi Canard, p. 647, n. 12.
75. Al-BalâdhurI, p. 553 ; al-qirmiz est une manifeste erreur pour al-Hurmuz. Dans
les deux textes, on traduit min par avec ; dans Minorsky - Bosworth, (cité n. 34), p. 490,
min est traduit par dans.
76. Je dois la précision de leur traduction à F. Micheau.
77. Voir plus bas p. 28.
78. Mcxeta avait été la première résidence de l'éristav du Kartli byzantin.
79. Le district de Manglisi marque la limite du Kartli Intérieur et du Gugark'. Le
Bazaleti au nord fait plus tard l'objet d'un traité séparé.
SAINT GRIGOL DE XANCTA 19
80. Le mot désigne un édifice religieux ; Canard le traduit par monastère ; on préfère
chapelle ou sanctuaire, distinct de l'édifice principal ; s' agissant de Mcxeta, on pense év
idemment à l'église de Jvari, construite par les premiers éristavs, un demi-siècle plus tôt.
D'autre part, la présence de monastères n'est pas bien établie à cette époque.
81. Le texte associe salawâl et din. Ici encore je remercie F. Micheau de ces précisions
de vocabulaire.
82. Al-BalàdhurI, p. 552 : «Vous nous devrez avis sincères et assistance contre les
ennemis d'Allah et de son Envoyé, autant que vous le pourrez.»
83. Al-TabarI, p. 584-585.
84. La version (J'al-BaladhurI, p. 553, est la plus claire : «Vous devrez donner l'hos
pitalité au musulman qui en aura besoin pendant une nuit en lui procurant obligeamment
la nourriture des gens du Livre qui lui est permise. Si un musulman reste chez vous, ne
pouvant continuer sa route, vous devrez le faire parvenir à la plus proche troupe de
croyants, à moins qu'il n'y ait un obstacle empêchant d'y arriver.»
85. Al-BalàdhurI, p. 553 : «S'il survient aux musulmans une affaire qui les détourne
de vous et si votre ennemi vous contraint, vous n'en serez pas tenus pour responsables et
cela ne constituera pas une rupture du pacte.»
86. C'est ce que montre le fait que Constant II exile en Lazique en 662 Maxime le
Confesseur et ses deux disciples ; voir B. Martin-Hisard, La domination byzantine sur le
littoral oriental du Pont Euxin (milieu du viie-vme siècles), Byzantino-bulgarica VII, 1981,
p. 141-156, notamment p. 144.
20 BERNADETTE MARTIN-HISARD
Le sort du Kartli est mal connu dans le demi-siècle qui suivit la cam
pagne d' Habib. Les sources s'intéressent surtout aux affrontements qui
se déroulèrent sur le sol de l'Arménie entre armées arabes et armées
byzantines et n'évoquent pour ainsi dire jamais le Djurzân105. Les Alains
et les peuples du Daghestan devaient certainement imposer une certaine
vigilance aux Arabes, mais le Djurzân ne fut peut-être alors pas autre
chose qu'un territoire traversé par les armées arabes, apparemment sans
106. Ainsi lors de la campagne arabe contre les Alains en 42 (26 avril 662-14 avril
663) : al-Tabarî, vol. 18, p. 21.
107. Lewond, p. 15-16.
108. Voir Ter-Ghewondjan, p. 49-5 1 .
109. Sur cette attaque : Artamonov, p. 184-191 ; Canard, p. 402.
110. Toumanoff, Studies, p. 397 et n, 32 et p. 398, retient un Nerse, cité comme
«Nerse de glorieuse mémoire, isxan des Virk' et gendre des Kamsarakans» dans le colo
phon d'un manuscrit arménien selon lequel ce Nerse aurait fait traduire en arménien la Vie
du pape Sylvestre à une date qui peut être établie à 668. Isxan des Virk' signifie bien éris-
tav du Kartli, mais peut désigner n'importe quel éristav ayant un pouvoir dans le Kartli.
Pour Toumanoff, ce Nerse ou Adamase (qu'il appelle II) mourut en 684 (sic) dans la
révolte dont on vient de parler et il lui donne comme dates c. 650-684 ; Guaram II curopal
ate aurait ensuite détenu le pouvoir en 684-c. 693 (ibid., p. 406).
111. Chronique du 10e siècle, p. 327, 1. 14, qui le considère comme le sixième grand
éristav, mais sans avoir nommé le cinquième ; Vie et histoire des Bagratides, p. 376, pour
qui il s'agit d'un Bagratide.
1 12. Vie des rois kartvéliens, p. 241. Voir aussi plus bas n. 166.
! 13. Le fils de Guaram est dit «fils du frère» d'un «roi» chrosroïde : ce frère est le
curopalate Guaram que la même source présente ailleurs, p. 243, comme descendant de
Vaxt'ang et de son épouse grecque.
24 BERNADETTE MARTIN-HISARD
121. Ter-Ghewondjan, p. 71-74 et 271, date son commandement des années 73 (23
mai 692-12 mai 693) à 91 (9 novembre 709-28 octobre 710) ; Canard, p. 244 et 41 1-417
n° 8, retient ces dates, mais souligne qu'il ne fut pas toujours présent en Armïniya.
122. Theophanes, AM 6190, p. 370, 1. 34.
123. Avec le fameux épisode du pacte conclu à titre posthume entre le catholicos
Sahak et le gouverneur: voir J.-P. Mahé, L'Église arménienne de 611 à 1066, dans
G. Dagron, P. Riche, A. Vauchez éd., Évêques, moines et empereurs (610-1054), Paris
1993 (Histoire du Christianisme 4), p. 457-547, notamment p. 477-478.
124. D. M. Dunlop, Bardha'a, dans El 2 I, 1975, p. 1072-1073.
125. Jean-Michel Mouton en a trouvé une première attestation en 701.
26 BERNADETTE MARTIN-HISARD
Daghestan déjà évoqués à l'est, et, par derrière, les Khazars. La nouvelle
province occupait donc une position avancée dans le califat dont elle
gardait au nord-ouest des confins toujours menacés, parce que non
encore stabilisés en une frontière négociée avec les voisins ou définitiv
ement imposée. On comprend que les sources arabes aient parlé de
l'Armïniya comme d'un thaghr.
On peut supposer que la province ne put être constituée qu'à partir du
moment où une cohésion territoriale exista entre ses composantes. Sa
formation prouve donc la progression du pouvoir arabe depuis l'époque
où Habib accorda, les uns après les autres, une série de traités de capitu
lation. La soumission du patrice de Lazique en 697 ne fut possible que si
les Arabes s'étaient imposés dans le Kartli Intérieur occidental et le long
du Kur, dans des régions jusqu'ici peut-être mal contrôlées, et au-delà
sur la route du col de Surami126. Que ce soit en 697 ou dans les années
qui suivirent, il y eut donc une expansion des Arabes vers l'ouest, cette
expansion qui permet à Theophanes de dire qu'à l'époque où Justinien II
envoya son spathaire Léon en mission en Géorgie occidentale, entre 705
et 711:
Les Saracènes dominaient Γ Abasgie, la Lazique et l'Ibérie127.
Les armées arabes pouvaient en effet atteindre alors Archéopolis,
capitale laze de l'intérieur128 ; le kurios des Abasges avait quasiment
rompu avec Constantinople et le commandant de la forteresse de Sideron
était soumis aux Arabes129. Seule Phasis/Poti sur la côte, était restée sous
autorité byzantine130.
Cette expansion n'a pas laissé de trace dans la documentation et nous
l'attribuons volontiers à Muhammad b. Marwân. Cependant la dominat
ion arabe en Abasgie et en Lazique n'a pas duré longtemps ; aucun des
géographes et historiens arabes qui ont décrit la province d'Armïniya n'y
incluent la Géorgie occidentale. Mais, toute limitée et provisoire qu'elle
ait été, cette expansion témoigne d'une progression de la domination des
Arabes sur le Kartli, peut-être jusqu'à établir une continuité de dominat
ion entre la région de Tbilisi et le Samcxe au sud du défilé de Borjomi.
Les implications pratiques de la création de la nouvelle province res
tent mal connues ; le gouverneur ou plutôt le commandant portait en
arabe le simple titre d'amir, hramanatar pour Lewond131, amiri dans les
sources géorgiennes ; il devait être doté des éléments d'une administra-
Ils m'ont apporté une lettre de Habib b. Maslama leur accordant Y aman
contre reconnaissance de la soumission et de la diizya.... Je leur ai ren
voyé leur lettre de sauvegarde et de paix et j'ai donné l'ordre qu'on ne
leur demande rien de plus136.
Sous couleur de renouveler le traité de Habib, la nouvelle lettre qui
établit une hiérarchie entre rustaq et kura précise des clauses écono
miques qui étaient peut-être restées orales :
Ils avaient conclu la paix avec eux en leur laissant leurs terres, vignes et
moulins appelés Awärä et Sâbïnâ du district de Mandjalîs et le blé
(ta 'am) de Wadïdûnâ du district de Quhuwït de la province de Djurzän, à
condition de payer pour ces moulins et pour ces vignes chaque année cent
dirham sans renouvellement.
D'exploitation difficile en raison de la non-identification des lieux
cités, ces clauses mettent en évidence une animation agricole que l'arr
ivéedes Arabes ne semble pas avoir interrompue137.
Le renouvellement du traité intervint à la veille d'une vaste campagne
qu'al-Djarräh organisa contre les Khazars, dès sa nomination en
Armïniya en Ί 22-123. D'al-Djarräh, on connaît surtout les opérations
ultérieures qui se déroulèrent du côté de Darband. Après sa mort en
novembre-décembre 730, elles permirent à Maslama de marquer des pas
décisifs, en concluant la paix, en un court laps de temps, avec les princi
paux rois des montagnes du Daghestan et en reprenant le contrôle d'al-
Bâb où une solide garnison fut établie et dont les murs furent
restaurés138. Mais, sous le même al-Djarräh, des campagnes visèrent éga
lement les Alains dont le défilé pouvait aussi laisser surgir les Khazars ;
ainsi en 105 (11 juin 723-26 mai 724)139 et en 106 (29 mai 724-18 mai
725), opération qui imposa aux Alains le versement de la diizya et du
kharädl 14°. Ce succès fut de courte durée puisque, en 109 (28 avril 727-
15 avril 728), Maslama dut enlever Bâb al-Lân aux Khazars qui avaient
donc réussi à s'en emparer141 ; il put ainsi en 110 (16 avril 728-4 avril
729), utiliser la forteresse, à l'aller et au retour, contre ces mêmes
Khazars142. Il est possible qu'une garnison arabe qui se voulait perma
nenteait été établie en 109 à Bäb al-Län143. De telles opérations ne pou
vaient se faire sans le contrôle de la région de Tbilisi ; les différentes
annales ne mentionnent cependant pas la ville, sauf en 111 (5 avril 729-
tion fiscale, appelée à être plus exigeante dans la levée du tribut, et dis
poser de forces militaires que pouvaient renforcer à l'occasion d'autres
armées venues de l'extérieur. Les séjours du gouverneur à Duin étaient
entrecoupés de tournées d'inspections ou de campagnes aux frontières et
ils pouvaient se doubler d'une délégation provisoire d'autorité à des offi
ciers subalternes, également appelés amir, mais aussi, on le verra en 775,
wâli.
D'inévitables conflits, frictions et ajustements entre l'administration
arabo-musulmane naissante et les traditions seigneuriales ancestrales de
commandement des territoires par les éristavs géorgiens ou les naxarars
arméniens étaient prévisibles, tandis que les différences religieuses se
firent peu à peu percevoir.
La liste des gouverneurs qui furent chargés de la province d'Armïniya
est loin d'être encore établie132. Muhammad b. Marwân fut le premier ;
les deux titulaires suivants sont bien connus entre 709 et 732 : Maslama
b. 'Abd al-Malik à trois reprises133, al-Djarräh b. 'Abd Allah à deux
reprises134. Leurs noms s'attachent à la progressive constitution d'une
réelle frontière dans le Caucase en face des Alains et des peuples du
Daghestan qu'il fallait contraindre à rester derrière leurs défilés, en face
des Khazars surtout135. La frontière ainsi réalisée devait s'allonger d'al-
Bäb al-Län à al-Bäb al-Abwäb, de Darial à Darband ; sa réalisation
impliqua forcément Tbilisi et le Kartli.
On le voit notamment dans le fait que le gouverneur al-Djarrâh b.
'Abd Allah confirma
à la population de Tiflïs avec le district (rustaq) de Mandjalïs de la pro
vince (kura) de Djurzän
et sur sa demande la lettre d'aman que leur avait donnée Habib :
132. Une meilleure exploitation des sources numismatiques devrait permettre de préci
sercette liste; on se réfère toujours à celle de Ter-Ghewondjan, p. 271-285, qui com
mence très logiquement au gouvernement de Muhammad b. Marwân et à celle de Canard,
p. 408-451, qui est plus complète et mieux argumentée.
133. Premier gouvernement: de 91 (9 novembre 709-28 octobre 710) à 103 (1er juillet
721-20 juin 722) ; Ter-Ghewondjan, p. 272 n° 7 ; Canard, p. 418-419, n° 1 1, jusqu'en
715 seulement, Maslama étant ensuite occupé par la campagne contre Constantinople.
G. Rotter, Maslama b. 'Abd al-Malik, dans El2, VI, 1991, p. 729. Deuxième gouverne
ment : de 107 (19 mai 725-7 mai 726) à 1 1 1 (5 avril 729-25 mars 730) ; Ter-Ghewondjan,
p. 272 n° 15 ; Canard, p. 420 n° 15-16. Troisième gouvernement : de 1 12 (26 mars 730-
14 mars 731) à 1 13 (15 mars 731-2 mars 732) ; Ter-Ghewondjan, p. 272 n° 19 ; Canard,
p. 421, n° 20.
134. Premier gouvernement: de 104 (21 juin 722-10 juin 723) à 107. (19 mai 725-7
mai 726); Ter-Ghewondjan, p. 272 n° 13; Canard, p. 420 n° 15; D. M. Dunlop, al-
Djarrâh b. 'Abd Allah, dans El 2 II, 1977, p. 494. Deuxième gouvernement: de 111 (5
avril16;729-25
n° Canard,mars
p. 421
730)n° à17.112 (26 mars 730-14 mars 731); Ter-Ghewondjan, p. 273
135. Sur les guerres de cette période contre les Khazars: Artamonov, p. 202-233,
Canard, p. 210-211.
SAINT GRIGOL DE XANCTA 29
144. D'après K. Baudoyan, citée n. 34, le Tâ'rîkh de Khalîfa b. Hayyât évoque en 111,
au début du second gouvernement d'al-Djarrâh, son arrivée à Tiflîs et sa campagne chez
les Khazars où il prit la ville d'al-Baydä' (qui serait la capitale d'Atil sur la Volga:
Canard, p. 647 n. 10).
145. Al-TabarI, p. 589; Canard, p. 648, n. 31. Al-Mas'0dI, § 498, I, p. 179, ment
ionne au 10e siècle le royaume d'al-Djurziyya (le K'axeti) dont le prince réside à Masdjid
Dhï'l-Qarnayn ; Martin-Hisard, Constantinople, p. 494-495 et n. 922.
146. Al-Istakhrï, p. 515.
147. On trouvera un croquis et des plans du 18e siècle dans A. Alpago-Novello,
W. Beridze, J. Lafontaine-Dosogne éd., Art and Architecture in Medieval Georgia,
Louvain-la-Neuve 1980, p. 22, 23, 230 et 444.
148. Voir ainsi Ibn al-FaqIh, p. 504; al-BalâdhurI. p. 547. Canard, p. 568, n. 18,
place à tort Sughdabïl à l'ouest de Tiflîs.
149. Chronique du 10e siècle, p. 327, 1. 14-16, avec les n° respectifs 7, 8 et 9 ; Vie et
histoire des Bagratides, p. 376. On ignore à quel fait correspond la conversion des gens
du Gardaban.
150. Toumanoff, Studies, p. 421-422, préfère voir en eux non pas des éristavs du
Kartli, mais des princes locaux, dont le premier, Arsusa, serait un vitaxe du Gugark' et ne
saurait être curopalate, et le second, Varaz-Bak'ur, un prince d'Albanie. Le fait que ces
30 BERNADETTE MARTIN-HISARD
noms se trouvent dans la Chronique du 10e siècle, tout entière centrée sur le Kartli royal,
me semble une garantie du sérieux de l'information.
151. L'auteur de la Vie du roi des rois Davit affirme, p. 342, que la prise de Tbilisi en
1 122 par le roi mit fin à une domination de 400 ans.
152. De 114 (13 mars 732-20 février 733) à 126 (25 octobre 743-12 octobre 744);
Ter-Ghewondjan, p. 273 n° 20; Canard, p. 421-422 n° 22; G. R. Hawting, Marwân b.
Muhammad, dans Ει2 VI, 1991, p. 608-610.
153. Al-BalädhurI, p. 558, pour qui le roi des Khazars terrifié aurait signé la paix et
accepté de se convertir à l'islam. Marwän installa une partie de ses prisonniers dans le
K'axeti. Artamonov, p. 219-220. À cette campagne participa Usayd al-Sulamî dont on
retrouvera plus loin la famille : voir n. 244.
154. Al-BalädhurI, p. 558-560 ; al-TabarI, p. 593-594.
SAINT GRIGOL DE XANCTA 31
155. Hisham, fils d'Abd al-Malik, amir al-mii 'minïn de 724 à 743, de la dynastie issue
d'Umayya (Amati ?). Bagdad est un anachronisme pour Damas.
1 56. Vie des rois kartvéliens, p. 233-234.
157. On retrouve là, par-dessus un siècle disparu, des personnages évoqués plus haut
(voir n. 54).
158. Ibid., p. 234-238.
159. Minorsky - Bosworth, p. 490-491. C'est avec cette suspicion que je l'ai analysé
dans B. Martin-Hisard, Les Arabes en Géorgie occidentale au vme siècle : étude sur
l'idéologie politique géorgienne, Bedi Kartlisa 40, 1982, p. 105-138.
1 60. Voir n. 1 57. Toumanoff, Studies, p. 394-397, 400 n. 42 et 43.
32 BERNADETTE MARTIN-HISARD
169. Vie des rois kartvéliens, p. 243. L'allusion à Mcxeta s'explique par le fait que les
Chosroïdes qui sont censés y résider vont, en la personne du dernier «roi» Arcil, s'instal
ler en K'axeti. Il ne s'agit pas de la résidence du catholicos.
170. Voir P. Peeters, Les Khazars dans la Passion de S. Abo de Tiflis, An. Boll. 52,
1934, p. 21-56 ; A. A. Vasiliev, The Goths in Crimea, Cambridge Mass. 1936, p. 89-96.
171. Alpago-Novello et al. (cité n. 147), p. 428.
172. Martin-Hisard, Christianisme 2, p. 578 et n. 176.
173. Vie des rois kartvéliens, p. 244.
174. Ibid., p. 245 ; il s'agit du gouverneur Khuzayma b. Khâzim al-Tamïmï qui gou
verna une première fois de 169 (14 juillet 785-2 juillet 786) à 170 (3 juillet 786-21 juin
787), puis de 187 (30 décembre 802-19 décembre 803) ou 189 (8 décembre 804-26
novembre
n° 41 et p. 279
805)n°à 63191; Canard,
(17 novembre
p. 430-431
806-5
n° 37
novembre
et p. 434807);
n° 56. Ter-Ghewondyan,
Voir aussi n. 250. p. 276
175. Vie des rois kartvéliens, p. 245.
176. Le terme de cette période de «cinquante ans après le Sourd» correspond à 790-
793, entre les deux gouvernements de Khuzayma.
SAINT GRIGOL DE XANCTA 35
alors que l'historien arabe a préféré souligner à deux reprises les troubles
qui se firent sentir dans la ville de Tiflïs. Les faits dont la gravité est évi
dente sont encore évoqués par al-Ya'qubï, mais pour souligner les tr
avaux de fortifications en profondeur auxquels se livrèrent ensuite les
Arabes le long de la Caspienne et qui permirent, pour un temps du
moins, de rétablir la sécurité196.
Le succès de la campagne de 764 n'échappa certainement pas aux
habitants de l'Armïniya. On peut donc comprendre que, très peu d'an
nées après ces événements, ils aient osé se lancer dans un mouvement de
révolte qui prit naissance, en partie du moins, comme une protestation
contre les nouveaux développements du fisc arabe : on a vu plus haut
que le paiement de l'impôt passait maintenant pour la caractéristique de
cette période au Kartli. C'est que, sous le premier 'Abbassïde et sous son
successeur, Abu Dja'far al-Mansür (754-775), la djizya, jusqu'alors per
çue par famille, fut désormais levée par tête et l'encadrement fiscal se fit
plus rigoureux197. C'est même la rigueur de Yazïd dans l'application du
régime fiscal qui aurait entraîné sa destitution en 770198.
La révolte a été longuement décrite par Lewond dans un récit qui
laisse l'impression que seule l'Arménie fut touchée par ce mouvement
qui éclata sous le gouverneur Bakkär b. Muslim en 77 1199 et qui ne fut
maîtrisé qu'en 775 sur le champ de bataille de Bagrewand par al-Hasan
b. Qahtaba200. Mais, de leur côté, deux sources arabes qui n'évoquent pas
l'Arménie parlent d'une révolte en territoire géorgien que le gouverneur
al-Hasan fut chargé de réprimer. Ainsi al-Ya'qûbï :
Les Sanâriyya se révoltèrent en Armïniya ; Abu Dja'far envoya contre
eux al-Hasan b. Qahtaba comme gouverneur d' Armïniya. Il leur fit la
guerre, mais il ne put venir à bout d'eux. Il écrivit alors à Abu Dja'far
pour lui faire savoir qui étaient les Sanâriyya et combien ils étaient nomb
reux. Abu Dja'far lui envoya 'Ämir b. Ismâ'ïl al-Hârithï à la tête de
20 000 hommes. Il eut une rencontre avec les Sanâriyya, leur livra un
violent combat et resta plusieurs jours à guerroyer contre eux. Puis Dieu
accorda aux musulmans la victoire sur les Sanâriyya. Il en tua en un seul
jour 1600, puis il s'en retourna à Tiflïs et fit exécuter les prisonniers qu'il
avait ramenés avec lui. Il envoya des troupes à la poursuite des Sanâriyya
partout où ils se trouvaient201.
Ou encore Ibn A'tham qui complète le récit précédent. D'après lui,
les Sanâriyya s'étaient révoltés dans la terre (ard) du Djurzân202.
205. Dans la première hypothèse, les Arabes, devançant Artavazd, l'auraient empêché
de franchir le défilé de Borjomi. La seconde hypothèse semble plus plausible.
206. Le Gorot'isxew se trouve au-delà du défilé de Borjomi, sur la rive nord du Kur:
Hewsen, Geography, p. 135 n. 30. Les quatre autres régions citées, parmi lesquelles celle
de Manglisi, sont au sud du Kur.
207. Texte traduit d'après l'édition reproduite dans N. Adontz, Armenia in the Period
of Justinian. The Political Conditions based on the Naxarar System. Transi, and rev. by
N. G. Garsoïan, Lisbonne 1970, p. 117*. Voir aussi la traduction anglaise de Hewsen,
Geography, p. 57.
208. Nous publierons prochainement, dans les Byzantina Sorbonensia, la traduction et
un commentaire de ce texte, qui raconte la mort en 785, à Tbilisi d'un Arabe, Habo, qui
s'était converti au christianisme.
40 BERNADETTE MARTIN-HISARD
par le maître des Saracènes du moment, l'émir des croyants Abdila, qui
se trouvait dans la grande ville de Bagdad qu'il avait lui-même fondée209.
Sur la dénonciation de méchantes gens, il mit en prison Nerse, éristav du
pays du Kartli. Il y fut détenu pendant trois ans jusqu'à ce que, par ordre
de Dieu, l'émir des croyants Abdila meure et que son fils Mahdi lui suc
cède. Le Dieu de miséricorde inspira au cœur de Mahdi, émir des
croyants, de relâcher Nerse, il le fit sortir de sa cruelle prison et le ren
voya dans son pays, rétabli dans sa fonction d'érismtavar210.
Ce texte permet de dater l'arrestation de Nerse de 771/772, c'est-à-
dire du moment même des révoltes de l'Arménie et des Sanâriyya et de
la prise en charge de la province par al-Hasan, et puisque, «renvoyé dans
son pays», il vint à Tbilisi, c'est qu'il exerçait dans cette ville sa fonction
d'érismtavar du Kartli. Sa libération coïncide avec la fin de la révolte en
775. Nerse devait rester à Tbilisi jusque vers 780. Les bons traitements
dont Nerse bénéficia en captivité211, sa libération et son rétablissement
dans sa fonction montrent que son exil fut plutôt une mesure de précaut
ion,en un temps d'agitation et de révolte. Il n'est donc pas sûr que
Tbilisi ait participé à la révolte de 771-775 ; mais le risque avait dû être
réel.
Ce court passage montre sans l'ombre d'un doute la permanence à
Tbilisi d'un pouvoir éristaval dont on avait perdu la trace depuis le début
du 8e siècle212. On peut même se demander si les soupçons dont Nerse fit
l'objet n'ont pas pour origine l'identité de son père que la Passion
appelle «Adarnase érismtavar et curopalate». Mais il faut bien recon
naître que l'on est ici dans une grande incertitude. Les deux listes d'éris-
tavs que nous avons déjà utilisées citent en effet, immédiatement après
Varaz-Bak'ur :
Nerse et ses fils P'ilipe, St'epanoz et Adrnese/Adarnase ; et ses fils
Gurgen l'éristav, Asot' le curopalate213.
On peut donc formuler deux hypothèses. Selon la première, le Nerse
de la Passion et le Nerse des listes sont la même personne ; le père,
Adarnase, est donc absent des listes, mais sans que cela conduise à nier
son existence ; car l'auteur de la Passion vivait à l'époque dont il parle et
l'on doute qu'il ait inventé de toutes pièces un érismtavar et curopalate
Adarnase au risque de rendre son témoignage peu crédible. Une autre
hypothèse conduirait à intervertir dans les listes Nerse et son fils
Adarnase, les deux noms étant en effet assez proches pour être interchan-
214. Le Nerse de la Passion serait donc l'Adarnase des listes, nanti de deux frères
P'ilipe et St'epanos et père de deux fils Gurgen et le fameux Asot'. Il faudrait alors com
prendre : «<Adar>nerse <le curopalate> et ses fils P'ilipe, St'epanoz et <.>Nerse ; et ses
fils Gurgen l'éristav, Asot' le curopalate.»
215. Voir plus bas, n. 242.
216. La Passion le dit simplement érismtavar.
217. Voir plus haut n. 166. Puisque Grigol, le futur fondateur de Xancta et de
Sat'berdi, qui est né en 756, a été élevé dans la maison de l'éristav Nerse, on peut penser
que le père de celui-ci, Adarnase, vivait dans les années 740.
218. Voir le texte cité à la n. 166. Son père aurait été «éristav de régions d'Arménie»,
ce qui est d'une parfaite imprécision.
219. Vie des rois kartvéliens, p. 243 ; ces deux régions, proches du K'iarjeti, sur la rive
gauche du Kur supérieur, lui auraient été cédées par le dernier prince chosroïde, Arcil.
220. Voir plus haut, p. 24.
221. Voir plus bas, p. 56.
42 BERNADETTE MARTIN-HISARD
des années 740 et un Adarnase, à la fin du 8e siècle, qui peut être l'un des
trois fils de l'érisnitavar Nerse cités dans les listes.
Les choses sont donc loin d'être simples. Mais, à condition de dépas
ser le niveau des noms de personnes qu'embrouillent les reconstructions
généalogiques des sources, on peut voir se dessiner quelques conclusions
vraisemblables.
On peut tenir pour certaine la réapparition du titre de curopalate au
milieu du 8e siècle en faveur d'un Adarnase, sous Léon III ou sous son
fils ; le titre avait disparu depuis l'époque de Justinien II, depuis
Guaram II et Arsusa ; son retour apporte une preuve de l'intérêt main
tenu de Constantinople pour le Kartli ; il n'est pas inutile de noter que
Léon III n'est autre que le spathaire envoyé par Justinien II en Géorgie
occidentale. Il est possible que ce titre ait toujours quelque lien avec les
confins de l'Empire, au-delà de la Chaldie, et les familles implantées
dans ces régions, soit anciennement (les Chosroïdes) soit nouvellement
(les Bagratides). Sa mention éclaire les affirmations, trouvées dans le
récit de la campagne de Murvan le Sourd, selon lesquelles il y a une soli
darité de destin entre l'Empire et le royaume du Kartli.
On peut encore avancer que les mouvements qui éclatèrent dans la
province d'Armîniya en 771 ont été suivis de près à Constantinople ; ce
n'est certes pas un hasard si le troisième fils du gouverneur al-Hasan fut
affecté, non pas à Duin, mais bien sur la frontière arméno-byzantine. On
sait en effet que les Arméniens envisagèrent de s'emparer de Qalïqala et
on a vu les régions du sud-ouest de la province, les plus proches de
l'Empire, Samcxe et Lazique jouer un rôle de refuge. C'est encore dans
les régions de Géorgie occidentale que l'érismtavar Nerse de la Passion
d'Habo ira s'installer après avoir fui Tbilisi en 780 et l'hagiographe de
souligner que l'Apxazeti est voisine de la Chaldie grecque :
Là sont Trébizonde, l'établissement d'Apsaros et la station navale de
Napsa. Et il y a des villes et des lieux sous les ordres du pieux roi des
Grecs qui trône dans la grande ville de Constantinople222.
Enfin l'on n'oubliera pas que, lorsque le moine Grigol, né «de parents
éminents..., élevé dans la maison royale du grand éristav Nerse, neveu
de son épouse», partit «à l'étranger», avec ses compagnons, c'est vers le
K'iarjeti que «le Seigneur les guida»223, un K'iarjeti toujours marqué des
déprédations de Murvan le Sourd.
Une évolution différenciée du Kartli s'est donc opérée au cours de
cette période. Tandis que la région centrale de Tbilisi restait bien contrô
lée par le pouvoir califal, les zones montagneuses orientales du Kartli,
plus directement touchées par les opérations militaires arabes, semblent
devoir se porter vers la révolte ; en revanche d'autres régions vivent plus
à l'écart, plus ou moins ruinées peut-être, mais bénéficiant d'une certaine
224. Vie des rois kartvéliens, p. 241-242 ; les Bagratides sont représentés par Adarnase
dont on a parlé plus haut.
225. Ter-Ghewondjan, p. 275 n° 36 ; Canard, p. 429-430 n° 34. Härün reçut le gou
vernement de tout l'ouest, de Γ Ädharbaidjän et de l'Armïniya en 163 (17 septembre 779-
5 septembre 780) et le garda jusqu'à une date incertaine (783 ? 786 ?).
226. Les Khazars restent pourtant toujours redoutés du côté de Darband : voir le récit
de Lewond, p. 160-161, sous le gouverneur 'Uthmân b. 'Umâra b. Khuraym (783-785),
repris par Canard, p. 21 1 et 229 n° 232 ; Artamonov, p. 249.
227. Le texte est trop général pour qu'on puisse affirmer qu'il fait allusion à un fait
précis concernant Tbilisi. En Arménie, Duin est aussi devenue une ville arabe ; en 719 un
44 BERNADETTE MARTIN-HISARD
résidence et levèrent sur le pays l'impôt qu'on appelle xaraja. Par la pro
vidence de Dieu, en effet, le peuple des Agarènes devint puissant à cause
de la multitude de nos péchés228.
Les implications de la domination arabe sont ici bien soulignées :
pillages arabes, rivalités internes des seigneurs, Tbilisi devenue centre de
perception d'un impôt que, pour la première fois, les textes géorgiens
appellent non plus xark'i, mais xaraja, l'impôt foncier imposé aux
dhimmi par les Arabes, le kharädi. Or les sources arabes montrent une
évolution du fisc. Sans doute la capitation fut-elle toujours perçue229,
mais des fonctionnaires de l'impôt foncier apparaissent maintenant dans
les sources, en 779230 comme en 793/794231. Et l'on sait qu'un cadas
trage de l'Armïniya fut mis en chantier à partir de 785-786232. Ces ment
ions nouvelles de l'impôt foncier correspondent à une modification du
statut fiscal jusqu'alors consenti à la province. Le régime, dit de la
muqäta'a et dérivant des traités de 654, comportait le versement par les
seigneurs d'une somme forfaitaire pour les impôts de leur domaine ; or il
fut remplacé par un régime plus favorable aux Arabes, fondé sur l'impôt
foncier dont on ne sait s'il s'ajouta aux taxes que payaient les paysans ou
s'il pesait sur les seigneurs233.
L'auteur de la Chronique, dans le passage cité plus haut, associe les
pillages des Arabes et les dissensions des familles234, ce que l'on
retrouve chez al-Balâdhurï qui voit comme trait dominant de l'Armïniya,
entre 775 et les années 820, le caractère tendu des rapports entre les gou
verneurs et les familles seigneuriales, les baßriqa, à cause du versement
de l'impôt foncier :
Les baßriqa d'Armïniya continuèrent à s'occuper de leur pays, chacun
d'eux défendant son propre canton (nâhiya) ; quand arrivait dans la pro
vince frontière {thaghr) un gouverneur, ils usaient de flatteries à son
concile avait pu y être tenu sous le catholicos Yovhannes III Awjnec'i qui y résidait, mais
son successeur Dawit' Ier Aramonec'i (728-741) abandonna cette résidence où le contact
avçc «la population païenne» de la ville le dégoûtait et où il était en butte à ses outrages :
sur ce point voir Mahé, (cité n. 123), p. 487.
228. Chronique du Kartli, p. 251.
229. Voir plus haut, n. 197.
230. Al-TabarI, p. 599, signale que deux secrétaires, en charge d'un dïwan de la chanc
ellerie et d'un dïwan de l'impôt foncier, furent affectés au gouverneur Harun ; le secré
taire pour la chancellerie était un Barmecide, Yahyä b. Khälid b. Barmak, que certaines
sources appellent aussi gouverneur ; le secrétaire pour l'impôt foncier Tâbit b. Müsä.
231. Al-Ya'qObI, p. 481, note l'arrivée en 177 (18 avril 793-6 avril 794) de deux re
sponsables, l'un pour le harb ; l'autre pour le kharâdj ; ce dernier n'est autre que le fils du
Barmecide cité à la note précédente : al-Fadl b. Yahyä b. Khälid al-Barmakï ; Canard,
p. 432 n° 44.
232. Al-BalädhurI, p. 561 et Ibn al-FaqIh, p. 508, prêtent à Khuzayma (voir n. 174)
l'établissement d'un cadastre à Duin et Naxcawan.
233. Sur ce point, voir Canard, p. 204 et 224 n. 60.
234. Le phénomène est bien connu à ce moment dans le monde arménien où les
Arabes pratiquent un habile jeu de bascule entre les principales familles ; voir Martin-
Hisard, Domination arabe (cité n. 167).
SAINT GRIGOL DE XANCTA 45
égard, et s'ils voyaient en lui honnêteté et sévérité et s'il avait avec lui la
force et le nombre, ils lui payaient le kharâdi et faisaient publiquement
acte de soumission. Dans le cas contraire ils faisaient peu de cas de lui et
le méprisaient235.
Le poids des Arabes dans la vie du Kartli n'est cependant pas lié au
seul problème fiscal ; il correspond aussi à l'implantation croissante de
nouvelles tribus arabes dans les différentes parties de l'Armïniya, le
mouvement commencé au début de l'époque 'abbaside s'étant accentué
sous Harun al-Rashïd236. D'après al-Ya'qûbï237, les tribus yéménites liées
à l'expansion arabe cédèrent peu à peu la place aux deux puissants
groupes de tribus du nord, Banü Mudar et Banü Rabï'a238. À l'intérieur
même des groupes du nord, des clivages opposaient les Sulaymï et, à un
moindre degré, les Tamïmï issus de la première confédération239 aux
Shaybânï issus de la seconde240. Les enjeux n'étaient plus alors la parti
cipation aux bénéfices fiscaux d'une conquête maintenant achevée, mais
la compétition pour l'occupation de territoires et l'organisation en pou
voirs locaux, dont certains allaient devenir de véritables émirats. Il y en
eut plusieurs en Arménie ; un seul devait se développer au Kartli autour
de Tbilisi : centre fiscal et nœud routier, la ville fut inévitablement au
carrefour d'ambitions multiples.
Les difficultés rencontrées par l'érismtavar Nerse après son premier
retour à Tbilisi sont une illustration des conflits entre les batâriqa et
Arabes. À une date que l'on peut situer vers 780, sous le calife al-Mahdï
qui l'avait libéré, Nerse dut fuir Tbilisi :
En ces jours-là, les souverains des Saracènes s'irritèrent de nouveau
contre l'éristav Nerse qui s'enfuit, car le peuple des Saracènes lui faisait
une guerre cruelle. Le Seigneur le sauva de leurs mains et il franchit la
porte d'Ossétie qu'on appelle Darialan241.
Le problème ne devait pas être insurmontable puisque Nerse, qui avait
été remplacé par son neveu, demanda et reçut l'autorisation vers 783 de
revenir à Tbilisi, toujours sous al-Mahdï :
Après que Nerse se fut enfui du Kartli, l'émir des croyants Mahdi, sur
l'ordre de Dieu, envoya comme érismtavar du Kartli St'epanoz, fils de
l'éristav Gurgen et fils de la sœur de Nerse, pour remplacer son oncle
maternel Nerse. Nerse se réjouit de ce que le Seigneur n'ait pas enlevé le
pouvoir à sa maison et il fut pris d'un intense désir. Il dépêcha des
envoyés et demanda aux souverains, les émirs du pays, de lui garantir la
sécurité et de le laisser revenir librement avec son peuple242.
On sait mal comment se fit concrètement l'installation des Arabes
dans le Kartli, et la région de Tbilisi ne fut certainement pas au début la
seule ni même peut-être la principale zone d'attraction pour des aventur
iers arabes ; dans le texte que l'on vient de citer, l'hagiographe d'Habo
évoque, en les distinguant du calife, les «souverains du pays» encore
appelés «émirs». Chaque gouverneur favorisait en effet la venue et l'ins
tallation de clans qui lui étaient apparentés ; et l'on peut suivre de véri
tables lignées entrecroisées de gouverneurs qui introduisirent des fe
rments de rivalités et de divisions. Tels sont sans doute «les pillages et
dévastations» soulignés par la Chronique du Kartli.
Les Sulamï fournirent la première lignée243 : Yazïd b. Usayd, trois fois
gouverneur entre 752 et 780, tint la province pendant environ 17 ans244 ;
après 790, ses fils Khalïd245 et Ahmad246 pendant 4 ans ; enfin le frère de
celui-ci 'Abdallah b. Ahmad revint pour environ 3 ans en 824247 ; entre
temps un Yüsuf b. Rashïd al-Sulami avait fait une brève apparition248 ;
les Sulamï devaient plus tard former les émirats qaysites arméniens du
lac de Van à Qalïqala249. Parmi les Tamimî, on citera Khuzayma b.
Khazim250. Les Shaybânï furent les hommes nouveaux de la fin du 8e et
du 9e siècle251 : deux fois gouverneur pendant environ 4 ans, Yazïd b.
Mazyad252 fut suivi par ses trois fils : Asad à deux reprises pendant 2
ans253, Muhammad brièvement254 et surtout, après dix ans d'absence,
Khalïd255 auquel succéda son fils Muhammad256; les Shaybânï furent
actifs tout au long du 9e siècle, particulièrement dans le Kartli et
l'Arrân257.
À la différence de l'époque précédente, les gouverneurs pouvaient
ainsi s'appuyer sur des éléments arabes plus ou moins permanents et
cherchant à titre privé à se faire une place, malgré d'inévitables difficul
tés avec les populations locales. Le terrain religieux devint aussi une
nouvelle raison de tensions. L'installation massive des Arabes fut
accompagnée de mouvements de conversions de chrétiens à l'islam,
source de problèmes pour les chrétiens affrontés à ces apostasies, tandis
que les Arabes redoutaient des conversions en sens inverse. On devine
assez tôt ces phénomènes. Le synode réuni à Bardha'a en 768 par le
catholicos arménien Sion Ier se plaint des entraves mises par les autorités
musulmanes locales au déplacement des évêques, et sa condamnation
des mariages avec les «païens» c'est-à-dire les musulmans indique
l'existence et sans doute le développement de telles unions qualifiées de
«sales et impies» tandis que les dangers qui pèsent sur les chrétiens
emmenés en captivité sont également soulignés258. Et l'on comprend les
propos de l'auteur de la Passion d'Habo qui, écrivant au tout début du
9e siècle, évoque en ces termes les années 780 :
Par la férocité et la ruse, au moyen de machinations séductrices, les
dominateurs de ce temps, ceux qui nous surveillent, nous qui habitons
cette partie du monde, ces gens qui se sont écartés du Christ à cause d'un
enseignement fallacieux et de la religion qu'ils ont eux-mêmes instituée,
252. De 170 (3 juillet 786-21 juin 787) à 172 (1 1 juin 788-30 mai 789) ; de 183 (12
février
n° 43, p.799-31
278 n°janvier
60. Canard,
800) à p.185
43 (20
1 n°janvier
39, p. 433
801-9
n° janvier
53. 802). Ter-Ghewondjan, p. 276
253. De 185 (20 janvier 801-9 janvier 802) à 186 (10 janvier 802-29 décembre 802) ;
de 194 (15 octobre 809-3 octobre 810) à 195 (4 octobre 810-23 septembre 811). Ter-
Ghewondjan, p. 278 n° 61 et p. 279 n° 70. Canard, p. 434 n° 54, p. 435 n° 60.
254. De 186 (10 janvier 802-29 décembre 802) à 187 (30 décembre 802-19 décembre
803). Ter-Ghewondjan, p. 278 n° 62. Canard, p. 434 n° 55.
255. De 212 (2 avril 827-21 mars 828) à 217 (7 février 832-26 janvier 833) ; en 841
(nomination qui fut annulée) ; de 227 (21 octobre 841-9 octobre 842) à 228 (10 octobre
842-29 septembre 843) ou 230 (18 septembre 844-6 septembre 845). Ter-Ghewondjan,
p. 282 n° 91, p. 283 n° 101 et p. 283 n° 104. Canard, p. 438-440 η ° 71, p. 442 n° 733 et
p. 444-445 n° 75. On verra plus bas, n. 327, que le premier gouvernement de Khâlïd a
peut-être commencé en 2 1 1 .
256. De 228 ((10 octobre 842-29 septembre 843) ou 230 (18 septembre 844-6 sep
tembre 845) à 234 (5 août 848-26 juillet 849) ; en 241 (22 mai 855-10 mai 856) et en 878.
Ter-Ghewondjan,
n° 80. p. 284 n° 105, p. 284 n° 111 et 118. Canard, p. 445-446 n° 76, p. 448
257. D'autres Sliaybânï devaient encore jouer un rôle dans les années 870-880, notam
ment'Isa b. al-Shaykh b. al-Salïl al-Shaybânï de 256 (9 décembre 869-28 novembre 870)
à 269 (21 juillet 882-10 juillet 883): Ter-Ghewondjan, p. 284 n° 116; Canard, p. 449-
451 n° 83.
258. Mahé, Église (cité n. 123), p. 487-488.
48 BERNADETTE MARTIN-HISARD
262. Lewond, p. 162 : «Ce Xazm était, conformément à son nom, belliqueux et infer
nal» ; xazm signifie guerre en arménien.
263. Passion d'Habo, éd., p. 63.
264. Voirn. 164.
265. Ibid., p. 162-165.
266. Ibid., p. 162.
267. \bid.
50 BERNADETTE MARTIN-HISARD
268. On peut admettre, avec Toumanoff, Studies, p. 399-400, que les événements que
l'on va évoquer datent de 786 et du premier gouvernement de Khuzayma, encore que,
prise au pied de la lettre, la date suggérée par la source, cinquante ans après l'expédition
de Murvan, nous place en 790, entre ses deux gouvernements.
269. Sur ce personnage qui se promène dans le temps de 640 aux années 780, voir plus
haut, n. 173.
270. Chronique du Kartli, p. 245 ; voir plus haut, n. 174, où l'on a déjà utilisé en partie
ce texte.
271. Khuzayma, d'abord séduit par la beauté du prince, tente en vain d'obtenir son
abjuration ; puis, averti de ses origines royales, il le fait exécuter parce qu'il refuse de
révéler l'endroit où sont cachés les trésors royaux.
272. Ibid., p. 165-166. Al-Hâdï est mort en septembre 786.
273. Si le prince des Virk', évoqué par Lewond, était l'érismtavar St'epanoz, on en
trouverait, je pense, mention chez l'hagiographe qui a souligné les efforts de St'epanoz
pour obtenir la grâce d'Habo.
SAINT GRIGOL DE XANCTA 51
tion qui a pu avoir lieu à Bagdad et dont le seul trait commun avec les
autres est la date qui a frappé le seul Lewond.
En revanche, que les exigences matérielles des Arabes aient été fortes
à ce moment semble vrai. L'historien arménien Lewond évoque ainsi, à
l'époque du catholicos Esayi Ier (775-788)274, les pratiques d'un lieute
nantdu gouverneur :
Dans son excessive cruauté, il fit durement souffrir les habitants du pays
par la perception d'impôts. Tous les naxarars et les gens du peuple avec
les clercs et le catholicos qui s'appelait Esayias se rassemblèrent près de
lui et le supplièrent d'alléger le carcan du fardeau de l'impôt qu'il exi
geait, mais ils n'obtinrent rien,... il envoya tout de suite partout dans le
pays des percepteurs avec ordre de ramasser d'un seul coup le double de
ce qui était exigé annuellement275.
Le récit de la fuite de nombreux naxarars arméniens, qui s'ensuivit en
787-788, éclaire ce qui sera peu après la fuite des Bagratides ibères :
L'ennemi se mit à poursuivre les fugitifs avec son armée ; il arriva aux
frontières des Virk' dans la région de Koi Les Arméniens lui livrant
bataille le firent fuir et en tuèrent certains ; quant à eux ils traversèrent le
fleuve Akampsis qui prend sa source dans la région du Tayk' , coule vers
le nord-ouest en traversant l'Eger et se jette dans le Pont. Et lorsqu'ils
eurent traversé le fleuve, la nouvelle en parvint au roi des Grecs
Constantin qui les fit venir auprès de lui276.
Une fois de plus comme en 771, les Arméniens se sont portés vers le
pays des Ibères, mais plus au sud, dans le canton mieux connu sous le
nom de Kola, sur le Kur supérieur. Quel que soit l'endroit où eut lieu
ensuite la traversée du Tchorokh/Akampsis, aux confins du Tayk' et du
K'iarjeti, ou dans la région d'Art'anuji, il est clair que c'était là un terri
toire que l'on savait relativement protégé de l'emprise arabe.
Une vingtaine d'années devait encore s'écouler au cours desquelles se
produisit en 183 (12 février 799-31 janvier 800) un grand raid des
Khazars, qui frappa surtout la région d'al-Bâb277, mais peut-être aussi
Tbilisi278. Personne ne se douta sur le moment qu'il s'agissait du dernier
raid des Khazars en Caucasie méridionale. Mais le plus intéressant pour
nous est la cause qu'on lui prête : une crise entre les habitants et un gou
verneur hautain qui dégénéra en un conflit interne aux Arabes279 :
aucun de ses ordres n'était exécuté et peu s'en fallut que le pays n'échap
pâtà son autorité285.
La révolte des Sanäriyya reprit en 809 sous le gouverneur al-'Abbâs
qui se montra impuissant286. À l'origine des difficultés avec les habi
tants, il y avait à l'évidence au moins les questions fiscales, comme le
souligne, pour cette période, al-Balädhuri dont on a cité le jugement plus
haut287. Mais la coexistence entre Arabes d'origine diverse et leurs rela
tions avec le gouverneur restaient aussi des sources de problèmes. C'est
leur agitation en tout cas qui s'exprime, toujours en 809, sous le tro
isième gouverneur de cette année, Asad b. Yazïd b. Mazyad288 :
Al-Amïn nomma au gouvernement de l'Armïniya Asad b. Yazïd b.
Mazyad. Il y arriva alors qu'avaient pris possession d'une région du pays
Yahyâ b. Sa'd, surnommé "Étoile du Matin" et Ismâ'ïl b. Shu'ayb,
mawlâ de Marwän b. Muhammad b. Marwân, qui étaient dans la région
du D|urzän. Il s'empara d'eux en usant de ruse, puis il se montra bien
veillant à leur égard et les laissa libres. Il se comporta avec noblesse et
générosité289.
Yahyâ b. Sa'd peut avoir quelque parenté avec le général Sa'd b. al-
Haytham b. Shu'ba b. Zähir al-Tamîmï, que Khuzayma chargea en
805/806 de la répression et qui revint à Tiflïs290. La Chronique du Kartli
parle un peu plus tard, de la présence à Tbilisi, en deux moments success
ifs, d'un Ali ou d'un «[Iahia] fils de Suab»291 dont on fait souvent le
frère d'Ismâ'ïl, mais qui peut être ce même Yahyâ292. Quant à Ismâ'ïl b.
Shu'ayb, il est défini comme un mawlä de Marwän b. Muhammad293, ce
qui n'est pas sans poser quelque problème294 ; on ne sait depuis quand il
se trouvait au Kartli295 ; s'il est resté depuis l'époque du gouvernement
de Marwän, il était certes fort vieux en 809, mais il a dû avoir le temps
de tisser des liens avec les Kartvéliens, et peut-être à Tiflïs où son fils
Ishäq est mentionné peu après296.
Alors que la sédition de Bäbak devenait la grande affaire des gouver
neursdepuis 816, une seconde révolte éclata au Djurzân, sous le gouver
neur'Abdallah b. Ahmad al-Sulamï entre 824/825 et 826/827, une
révolte qui marque un tournant puisque, pour la première fois à notre
connaissance, le mouvement associa des Arabes et des dhimmi contre le
gouverneur.
Muhammad b. 'Attâb s'était rendu maître du Djurzân et les Sanâriyya
s'étaient joints à lui297.
On possède peu d'informations sur ce Muhammad qui prit vraisem
blablement le contrôle de Tiflïs298, mais étendit largement son autorité
dans la partie orientale du Kartli. Or la présence d'Ishâq b. Shu'ayb est
attestée à Tiflïs, avant 827, avec une puissance certaine et apparemment
officielle299 ; lui, comme [Iahia], avaient pu bénéficier de la bien
veillance manifestée aux révoltés de 809. Muhammad aurait donc spolié
Ishäq et il faudra toute l'énergie du gouverneur Khâlid, nommé en
827/828, pour dissocier les alliés, obtenir la soumission de Muhammad
b. 'Attâb et vaincre ensuite les Sanâriyya :
Khâlid marcha contre eux, leur livra un combat au Djurzân, les mit en
fuite et s'empara de leurs troupeaux, puis il les invita à faire la paix et la
leur accorda moyennant la livraison de 3000 juments et 20 000 mout
ons300.
La suite du texte d'al-Ya'qubï comporte malheureusement une lacune
qui laisse pourtant entrevoir que l'apaisement fut de courte durée et que
la révolte, ou une autre reprit, ce que tend à confirmer al-Balâdhurï :
Khâlid b. Yazïd b. Mazyad qui gouverna <les baßriqa> pendant le cali
fat d'al-Ma'mün accepta leurs cadeaux et usa de familiarité avec eux.
Mais une telle conduite de sa part les incita au désordre et les enhardit
contre ceux des gouverneurs qui lui succédèrent301.
C'est à Khalïd que la Chronique du Kartli attribue, au cours de son
premier gouvernement (827/828-832/833), l'installation à Tbilisi de
[Iahia] fils de Suab, tout en affirmant peu après que, lors d'une nouvelle
campagne de Khalïd,
296. Son fils, le futur émir Ishäq, est dit al-Tiflïsî (al-Ya'qObI, p. 486), mais je ne sais
pas si la nisba souligne ici sa carrière dans la ville ou sa naissance.
297. Al-Ya'qObI, p. 486 ; la fin du texte comporte malheureusement une lacune.
298. Canard, p. 394-395 ; Minorsky - Bosworth (cité n. 34), p. 491.
299. L'installation d'Ishaq à Tiflïs est souvent placée après la répression du mouve
mentde Muhammad b. Attâb ; or la Vie de Grigol fait de l'émir Ishäq un contemporain
d'Asot', lequel mourut en 826.
300. Al-Ya'qObI, p. 486
301. Al-Balàdhuri, p. 561.
SAINT GRIGOL DE XANCTA 55
302. Chronique du Kartli, p. 254. Sur les gouvernements de Khâïid, voir n. 254.
D'après les événements qui suivent, on voit que cette campagne date de son premier gou
vernement qui prend fin en 832/833. L'installation de Ishäq ne surprend pas si, comme on
l'a supposé plus haut, n. 291, [Iahia] n'est autre que Yahyâ b. Sa'd.
303. De 218 (27 janvier 833-15 janvier 834) à 220~(5 janvier 83525 décembre 835).
Tf.r-Ghewondjan. p. 283 n° 96 ; Canard, p. 440 n° 724.
304. Al-Ya'qûbï, p. 486.
305. Al-BalâdhurI, p. 561 ; voir Canard, p. 440.
56 BERNADETTE MARTIN-HISARD
hommes qui allaient lui permettre de réaffirmer ses droits à être présent
sur le sol géorgien.
dit par la grâce du Christ, car, avec l'aide de Dieu, ils conquirent par leur
épée de nombreuses terres et ils chassèrent les fils d'Agar329.
Dieu, la famille bagratide et l'Empereur ligués contre la puissance
musulmane. À quoi il conviendrait d'ajouter les moines. Car il est cer
tain que les fondations monastiques nées de l'action et du rayonnement
de Grigol ne furent pas étrangères au renouveau économique du
K'iarjeti330, qui donna aux Bagratides les moyens d'une politique que
Constantinople allait désormais soutenir, à travers une lignée maintenant
continue de curopalates.
I. Sources331
331. Pour les sources arabes, on a cité seulement les traductions utilisées.
64 BERNADETTE MARTIN-HISARD
II. Littérature
Bernadette Martin-Hisard
Université de Paris I Sorbonne