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Chapitre 1 - Lobjet Du Droit Dauteur
Chapitre 1 - Lobjet Du Droit Dauteur
A- L’œuvre
L’article 1er de la loi 2-00, telle que modifiée et complétée, définit l’œuvre comme : « toute
création littéraire ou artistique au sens des dispositions de l'article 3 ». En vertu de ce dernier :
La présente loi s'applique aux œuvres littéraires et artistiques et journalistiques(ci-après dénommées « œuvres »)
qui sont des créations intellectuelles originales dans le domaine littéraire et artistique, telles que :
a. les œuvres exprimées par écrit ; b. les programmes d'ordinateur ; c. les conférences, allocutions, sermons et autres
œuvres faites de mots ou exprimées oralement ; d. les œuvres musicales qu'elles comprennent ou non des textes
d'accompagnement ; e. les œuvres dramatiques et dramatico-musicales ; f. les œuvres chorégraphiques et
pantomimes ; g. les œuvres audio-visuelles y compris les œuvres cinématographiques et le vidéogramme ; h. les
œuvres des beaux-arts, y compris les dessins, les peintures et autres arts graphiques, les gravures, lithographies
(images), les impressions sur cuir et toutes les autres œuvres des beaux-arts ; i. les œuvres d'architecture ; j. les
œuvres photographiques ; k. les œuvres des arts appliqués ; l. les illustrations, les cartes géographiques, les plans,
les croquis et les œuvres tridimensionnelles relatives à la géographie, la topographie, l'architecture ou la science ; m.
les expressions du folklore et les œuvres inspirées du folklore; n. les dessins des créations de l'industrie de
l'habillement.
Enprotection
La dressantest
ceindépendante
panorama d’œuvres
du mode ouprotégées,
de la forme le législateurdeprésente
d'expression, une
la qualité et du liste certes
but de variée
l'œuvre.
mais non exhaustive des œuvres, (présence de l’allocution telles que), qu’il appartiendrait à
Article 3 de la loi 02-00 tel que modifié et complété par la loi 66-19
la jurisprudence d’élargir, à partir du moment où l’originalité d’une création est admise.
D’ailleurs la nouvelle loi 66-19 modifiant et complétant la loi 2.00, a renforcé la promotion de
nouveaux genres qui n’étaient pas mentionnés par l’ancien texte. Il s’agit notamment les
œuvres journalistiques et les autres arts graphiques.
B- Le titre de l’œuvre
Le titre d'une œuvre, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l‘œuvre elle-même.
a) Les traductions, les adaptations, les arrangements musicaux et autres transformations d’œuvres et
d’expressions du folklore;
b) les recueils d’œuvres, d’expressions du folklore ou de simples traits ou données, telles que les encyclopédies,
les anthologies (extraits) et les bases de données, qu’elles soient reproduites sur support exploitable par machine
ou sous toute autre forme qui, par le choix, la coordination ou la disposition des matières, constituent des
créations intellectuelles[…].
Est protégée, au sens de la loi, la publication des manuscrits anciens conservés dans les bibliothèques publiques
ou les dépôts d’archives publics ou privés, sans toutefois que l’auteur de cette publication puisse s'opposer à
ce que les mêmes manuscrits soient publiés à nouveau d’après le texte original.
1. Les expressions du folklore sont protégées pour les utilisations suivantes, lorsque celles-ci ont un but
commercial ou se situent hors du cadre traditionnel ou coutumier :
1
Notamment lorsque ces actes concernent : a. l'utilisation faite par une personne physique exclusivement à des
fins personnelles ; b. l'utilisation de courts extraits aux fins de compte rendu d'événements d'actualité, dans la
mesure justifiée par l'objet du compte rendu ; c. l'utilisation uniquement à des fins d'enseignement direct ou de
Paragraphe 2- Les exceptions au droit d’auteur
Certaines exceptions qui ont été clairement formulées par la loi 2-00 à travers son article 8
dédié aux œuvres non protégées (A). D’autres limitations sont prévues dans d’autres articles
(B).
Mais avant de parcourir ces dispositions, il est utile d’évoquer le concept du « triple test ». Ce
dernier découle de plusieurs traités internationaux2 et octroie aux Etats la possibilité de créer
des exceptions aux droits des auteurs tout en limitant l’étendue de ces exceptions3.
A- Les œuvres non protégées
En toute bonne foi, il n’est pas toujours facile de pouvoir retrouver ou contacter le titulaire des
droits ou de remonter toute la chaîne des ayants droit et autres intermédiaires pour
demander une autorisation. C’est pourquoi la loi prévoit, dans certains cas limitativement
énumérés, qui ne mettent pas en péril l’exploitation normale de l’œuvre et qui ne causent pas
de préjudice injustifié aux intérêts légitimes des auteurs, une série d’exceptions permettant
d’utiliser librement une œuvre sans l’autorisation des auteurs ou autres titulaires de droits et
recherche scientifique ; d. les cas où, une œuvre peut être utilisée sans l'autorisation de l'auteur ou des ayants
droit.
2
Introduit par l’Acte de Paris en 1971, l’article 9.2 de la Convention de Berne prévoit ainsi l’application du test
aux exceptions concernant le droit de reproduction. L’article 13 des accords ADPIC de 1994 en a étendu le champ
d’application à tous les autres droits exclusifs dévolus à l’auteur (voir aussi dans les deux traités de l’OMPI du 20
décembre 1996 : l’article 10 du Traité sur le droit d’auteur et l’article 16 du Traité sur les interprétations et
exécutions et les phonogrammes). Voir à ce propos l’article de B. MAY, « Droit d’auteur : le triple test à l’ère
numérique », Lamy Droit de l’immatériel, n°15, avril 2006, p.63 ; disponible sur : www.aramis-
law.com/fr/publications/droit-dauteur-le-triple-test-a-lere-numerique; consulté le 8 mai 2021
3
A condition que ces exceptions : (1) soient limitées à certains cas spéciaux ; (2) ne portent pas atteinte à
l’exploitation normale de l’œuvre ; et (3) ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.
Les exceptions que les Etats peuvent admettre au monopole de l’auteur sur son œuvre sont limitées par la
conformité nécessaire à chaque étape de ce test ; B. MAY, « Droit d’auteur : le triple test à l’ère numérique »,
Op.cit.
sans le paiement d’une rémunération. Ces limitations sont relatées au chapitre IV de la loi 2-
00 qui a trait à la limitation des droits patrimoniaux. Il s’agit de :
On retrouve dans cette catégorie, l’accomplissement de certaines formalités (A), le genre (B),
ainsi que la forme d’expression, le mérite et la destination (C).
A- L’accomplissement de formalités
4
Objet de la seconde partie de ce cours
formalité ». Bien entendu, une œuvre est protégée sans qu’il y ait lieu d’accomplir de
démarches administratives ou de dépôt mais dès lors que l’on est en présence d’une forme
originale. Cette indifférence peut se déduire dans la législation marocaine à travers la
formulation de l’article 2 alinéa 2 de la loi 2-00 : « la protection […] commence dès la création
de l’œuvre, même si celle-ci n’est pas fixée sur un support matériel ».
Précisions complémentaires : Il faut préciser qu’en droit marocain comme en droit français,
il y a une formalité qui subsiste : celle du dépôt légal réglementé au Maroc par loi n° 68-99
relative au dépôt légal. En vertu de cette dernière, « Le dépôt légal est une procédure
obligatoire à toute personne physique ou morale, publique ou privée, ayant une production
documentaire destinée au public. » Article 1er. Il est à noter à ce propos que sont soumis au
dépôt légal5, les documents imprimés, graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels et
multimédias ainsi que les bases de données, les logiciels et les progiciels (Article 3 de la loi n°
68-99). Et c’est la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc ainsi que certains services
administratifs autorisés par cette dernière, qui sont habilités à recevoir et à gérer le dépôt
légal pour le compte de l'Etat6.
Cependant, l’inobservation de cette obligation de dépôt légal est sans incidence sur le droit
d’auteur. Autrement dit, l’œuvre originale demeure protégée, nonobstant la sanction pénale
subie par l’éditeur7. En pratique, l’accomplissement de formalités (ou de dépôt volontaire8)
est utile pour se préconstituer la preuve de l’antériorité de la création. Celle-ci jouera un rôle
important lors d’un procès en contrefaçon9.
B- Le genre
Il s’agit du type d’œuvre. Quelle que soit la catégorie dans laquelle elle est classée : Littérature,
arts plastiques, musique… Le champ de protection de la loi 2-00 est large par rapport à certains
systèmes juridiques qui précisent de façon fermée la liste des genres d’œuvres éligibles à la
5
En vertu de l’article 4 de la loi 68-99 relative au dépôt légal : « Sont exclus du dépôt légal4 : - les travaux
d'impression dits « de ville », notamment les lettres et cartes d'invitation, d'avis, d'adresses et de visite, et
enveloppes à en-tête ; - les travaux d'impression dits « administratifs », notamment les modèles, factures, cartes,
états, registres ; - les travaux d'impression dits « de commerce », notamment les tarifs, instructions, étiquettes,
affiches publicitaires, cartes d'échantillons ; - les bulletins de vote et les affiches électorales ; - les litres de valeurs
financières ; - les travaux de recherches effectués dans le cadre des études universitaires, tels les mémoires et
les thèses dont la publication n'a pas été recommandée. »
6
Article 8 de la loi 68-99 précitée
7
Aux termes de l’article 9 de la loi 68-99 : les personnes qui se sont soustraites à l'obligation du dépôt légal sont
punies d'une peine d'amende de dix mille (10.000) à cent mille (100.000) dirhams, selon la nature et la valeur
des documents objet du dépôt. En cas de récidive, le montant de l'amende citée à l'alinéa ci-dessus, est porté au
double. […].
8
En France, il y a possibilité de l’enveloppe Soleau. C’est une preuve d'antériorité d'une création que l'on peut
utiliser en France pour obtenir de façon certaine la date d'une invention, d'une idée, d'une œuvre en la déposant
à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Toutefois, l’enveloppe Soleau ne confère aucun monopole
à son titulaire, elle est un simple moyen de preuve. Elle peut donc être utile pour prouver la titularité ou
l’antériorité d’un droit vis à vis d’un tiers.
9
P. Sirinelli, Propriété littéraire et artistique, Dalloz, « Mémentos », 3ème édition, 2016, pp. 13-14
protection. D’ailleurs le nouveau projet de loi sur les droits d’auteur et droits voisins, numéro
66.19 modifiant et complétant la loi 2.00 en vigueur vient renforcer la protection et la
promotion de nouveaux genres qui n’étaient pas mentionnés par cette loi.
1- La forme d’expression
La forme d’expression désigne la façon dont l’œuvre est communiquée au public. L’œuvre
peut être orale, écrite, visuelle (chorégraphie, mime), elle peut prendre corps dans un support
matériel (statue, peinture…). Elle peut être une œuvre sonore (musique) ou audiovisuelle
(film), une œuvre multimédia ou même une base de données ou un logiciel.
Aussi, en vertu de l’article 2 précité, l’œuvre est protégée même si celle-ci n’est pas fixée sur
un support matériel. Et donc à la différence de certaines législations de copyright, le droit
d’auteur n’exige pas comme condition d’accès à la protection la fixation de l’œuvre.
Il est utile de rappeler ici que l’indifférence de la forme d’expression n’exclut pas l’exigence
d’une expression de forme10. Et comme on va le voir plus loin, la forme revêt une importance
cruciale à triple égard : D’abord la forme est le lieu de manifestation de l’originalité, sans forme
il n’y a pas de création, et lorsque la forme de création est entièrement guidée par la recherche
d’un résultat utilitaire et industriel, la création est exclue du domaine du droit d’auteur.
2- Le mérite
Une œuvre est protégée par le droit d’auteur nonobstant sa qualité. Il n’y a donc aucune
discrimination à faire selon la valeur esthétique, culturelle ou artistique de la création. Par
conséquent, dès lors qu’elles sont originales, les œuvres sont protégées par la loi, qu’elles
soient courtes ou longues, belles ou laides, bonnes ou mauvaises. Néanmoins, il peut arriver
qu’en pratique, et sous couvert d’examiner qu’une œuvre porte l’empreinte de la personnalité
de son auteur, les tribunaux apprécient le mérite de l’œuvre11.
3- La destination
Il s’agit de l’usage auquel est affecté l’œuvre, quelque soient sa finalité et les raisons de sa
création. Peu importe que ça soit une œuvre d’art pur (comme un poème) ou une œuvre d’art
appliqué à l’industrie (Comme un papier peint à coller au mur). Peu importe qu’elle ait un but
10
Ibid., p. 15
11
P. Tafforeau, C. Monnerie, Droit de la propriété intellectuelle, 4ème édition, Galino, Lextenso éditions, 2015, p.
78
esthétique (Tableau) ou utilitaire (panier à salade). Peu importe les raisons de sa création
(destinée à être cédée ou conservée, œuvre d’inspiration personnelle ou suggérée…).
A- La notion d’originalité
La notion d’originalité apparait clairement dans la loi 2-00 et s’applique à l’ensemble des
œuvres. Elle est conçue traditionnellement comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
C’est un critère subjectif qui se distingue de la nouveauté, critère objectif. On peut à ce niveau
donner l’exemple de deux artistes qui peignent au même endroit et au même moment un
même paysage. En imaginant que personne n’ait encore peint ledit paysage, celui qui a
terminé sa toile le premier aura certes fait œuvre nouvelle. Il reste que tous les deux auront
fait œuvre originale car chacun aura exprimé, interprété le sujet à sa manière, dans son style
propre. Et donc l’originalité découle du style personnel de l’auteur12.
12
Ibid., pp. 70-71