Revue de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’appareil moteur (2008) 94, 434—442

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

MÉMOIRE

L’ostéomyélite hématogène du calcanéum chez

l’enfant : à propos de 26 cas
Hematogenous osteomyelitis of the calcaneus in
children: 26 cases
M. Jenzri ∗, H. Safi, M.N. Nessib, M. Smida, C. Jalel,
C. Ammar, M. Ben Ghachem

Service d’orthopédie infantile, hôpital d’Enfants de Tunis, place Bab-Saadoun, 1007 Tunis, Tunisie

Acceptation définitive le : 12 février 2008

Disponible sur Internet le 2 mai 2008

MOTS CLÉS Résumé Nous rapportons une série de 26 cas d’ostéomyélite du calcanéum, afin d’étudier les
Ostéomyélite ; particularités cliniques et paracliniques de cette localisation rare. Le tableau clinique n’était
Calcanéum ; pas spécifique. La température n’était supérieure à 38,5 ◦ C que dans 45 % des cas. La symptoma-
Enfants tologie était celle d’un syndrome douloureux et fébrile de l’arrière-pied avec une impotence
fonctionnelle du membre. La douleur était à distance du calcanéum, ce qui a fait errer le
diagnostic dans six cas. Le syndrome inflammatoire biologique n’était pas constant. Une leu-
cocytose supérieure à 10 000 par millilitre n’a été notée que dans 61 % des cas. Le diagnostic
de l’ostéomyélite du calcanéum a été retenu sur la radiographie standard, en montrant une
géode au niveau de calcanéum dans 12 cas, sur l’échographie, réalisée chez 19 malades et qui
a montré six décollements sous-périostés au niveau de calcanéum, trois collections au niveau
de l’arrière-pied et quatre épaississements des parties molles. La scintigraphie osseuse, réali-
sée dans un cas, a montré une hyperfixation en regard du calcanéum. L’IRM, réalisée chez un
patient, a pu mettre en évidence une anomalie de signal au niveau de calcanéum sous forme
d’un hypersignal T2 et hyposignal T1 , avec la présence d’un abcès sous-périosté. L’enquête
bactériologique était positive dans 53 % des cas. Le traitement était médical dans tous les cas,
23 enfants ont du subir un acte chirurgical. Nos résultats ont été étudiés avec un recul moyen
de deux ans avec des extrêmes de un an à sept ans. Dix-neuf malades (73 %) n’ont gardé aucune
séquelle. Sept malades (27 %) ont présenté des mauvais résultats avec limitation importante de
la mobilité au niveau de l’arrière-pied et une ankylose de la cheville. On a noté sept passages
à la chronicité avec fistules, dont une reste productive au dernier recul. Les mauvais résultats
ont été observés chez des patients traités tardivement avec un délai moyen de consultation
de 17 jours. Six mauvais résultats sur sept associent des arthrites à l’atteinte du calcanéum

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : jenzri.mourad@voila.fr (M. Jenzri).

0035-1040/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rco.2008.02.004
L’ostéomyélite hématogène du calcanéum chez l’enfant à propos de 26 cas 435

(atteinte de la sous-talienne et la tibiotarsienene dans deux cas et atteinte de la sous-talienne

dans quatre cas).
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary
KEYWORDS Purpose of the study. — Osteomyelitis is rarely observed in the calcaneus; about 3 to 10% of
Osteomyelitis; the bone infections in children. The diagnosis is often established late because of the less
Calcaneus; pronounced symptoms in long-bone localizations. We report a series of 26 cases of osteomyelitis
Children of the calcaneus observed in children.
Material and methods. — We studied the clinical history, the diagnostic process and the treat-
ments delivered. Outcomes were assessed in terms of complications, anatomy and function at
mean two years follow-up (range one to seven years).
Results. — There were 15 boys and 11 girls, mean age was seven years (range one month to
13 years). Mean time from symptom onset to consultation was 13 days and mean time from
consultation to hospital admission was four days, range one to 29 days. The clinical presenta-
tion was not specific. Body temperature was not above 38.5 ◦ C in 45% of patients. Symptoms
were fever, pain in the rear foot and functional impotency of the lower limb. Eight patients
(30%) complained of moderate pain, 18 (70%) of intense pain. The pain was focused far from
the calcaneus in six patients, retarding the diagnosis. Laboratory tests did not always reveal
signs of inflammation. White cell counts above 10,000 were noted in only 61% of patients.
The diagnosis of osteomyelitis of the calcaneus was based on: the plain X-ray, which revealed a
defect in the calcaneus (n = 12), ultrasound (performed in 19 patients) which revealed calcaneal
subperiosteal detachment (n = 6), collections in the rear foot (n = 3) and soft-tissue thickening
(n = 4). Bone scintigraphy was performed in one child and showed intense uptake in the cal-
caneus. Magnetic resonance imaging, performed in one patient, demonstrated an anomalous
signal in the calcaneus (high-intensity T2 and low-intensity T1 with presence of a subperiosteal
abscess). Bacteriology was positive in 53% of the children. Medical treatment was delivered
for all patients and 23 underwent a surgical procedure. For one of the three patients treated
medically, the diagnosis of osteomyelitis of the calcaneus was clinical, since the plain X-ray
was normal, the ultrasound yielded no evidence of abscess formation and the bacteriology was
negative; but after two months of antibiotic treatment, bone remodelling was in favour of
osteomyelitis of the calcaneus. For the two other patients treated medically, the plain X-ray
showed a defect in the calcaneus, which had filled after two months of antibiotics. For the 23
patients treated surgically, the procedure was an evacuation of a subperiosteal abscess for 13
(n = 6 nonruptured and 7 ruptured). Surgery revealed a bone lesion in nine children allowing
curettage of the defect. Articular involvement was noted in eight cases: subtalar osteoarthri-
tis (n = 6) and tibiotarsal arthritis (n = 2). Two surgical explorations failed to find any abscess
formation; blood cultures confirmed the diagnosis and enabled isolation of the causal germ.
Outcome was assessed with a mean follow-up of two years, range one to seven years. Nine-
teen patients (73%) were free of sequelae. Seven patients (27%) presented poor outcome with
significant limitation of motion in the rear foot and ankle ankylosis. Seven patients developed
chronic fistules, with persistent discharge at last follow-up. The poor results were observed in
patients treated late with mean 17 days before consultation. Six of the seven cases of poor
outcome were associated with arthritis involving a calcaneal joint (subtalar and tibiotarsal in
two patients and subtalar in four).
Discussion. — The same pathophysiological phenomenon as observed in long-bone localizations
is noted for osteomyelitis of the calcaneus; the calcaneus has an apophysis, which is equivalent
to the metaphyseal region of long bones, leading to the bone’s vulnerability to hematoge-
nous infection. Late diagnosis can be related to the notion of trauma, the manifestations of
osteomyelitis being attributed to ligament injury. The positive diagnosis of osteomyelitis of
the calcaneus is often established late because of late consultation (13 days in our series) or
the minimal expression of general signs. Magnetic resonance imaging contributes significantly to
diagnosis by showing an abnormal bone signal; it can also disclose associated abscess formation.
Authors differ in their descriptions of the complications. The analysis of our results shows that
the prognosis of osteomyelitis of the calcaneus is related to early diagnosis and management.
Associated septic arthritis is an element of poor prognosis.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
436
Introduction
L’ostéomyélite du calcanéum est une localisation rare et
représente 3 à 10 % de toutes les infections osseuses chez
les enfants [1—5]. Le diagnostic est souvent retardé du
fait d’une symptomatologie moins évocatrice que lors de
l’atteinte des os longs.
Nous rapportons une série de 26 cas d’ostéomyélite du
calcanéum, afin de souligner les particularités cliniques et
paracliniques de cette localisation.
Matériels et méthodes
Il s’agissait de 26 enfants pris en charge dans notre service
entre 1990 et 2004 et ayant présenté une ostéomyélite du
calcanéum.
Nous avons analysé la série en étudiant les
variables suivantes :
• âge ;
• début de la symptomatologie ;
• température ;
• tableau clinique et ;
• la notion d’un traitement préalable antérieur.
Nous avons étudié la démarche diagnostique entreprise,
en analysant les examens biologiques, radiologiques et les
examens complémentaires réalisés. La conduite thérapeu-
tique a été analysée en étudiant l’antibiothérapie utilisée
et le traitement chirurgical réalisé.
Les résultats ont été analysés en étudiant les complica-
tions, les résultats fonctionnel et anatomique avec un recul
moyen de deux ans (un à sept ans).
Nous avons considéré comme bons résultats les cas où
il n’y a pas de retentissement sur la fonction de l’arrière-
pied. Les mobilités de la sous-talienne et de la tibiotarsienne
étaient dans un secteur fonctionnel sans lésion anatomique
franche du calcanéum et des parties molles en regard. Les
mauvais résultats sont les cas où il existait une limitation
importante de la mobilité articulaire de l’arrière-pied asso-
ciée à des lésions anatomiques.
Résultats
Les différents paramètres de la série sont résumés dans le
Tableau 1. Il s’agissait de 15 garçons et 11 filles d’âge moyen
de sept ans avec des extrêmes d’un mois à 13 ans.
Le délai moyen symptômes—consultation était de 13
jours avec des extrêmes d’un à 60 jours. De même,
il existait un retard de prise en charge avec un délai
moyen consultation—hospitalisation de quatre jours avec
des extrêmes d’un à 29 jours.
La notion de traumatisme était retrouvée dans 13 cas
(50 % des cas). Sept patients (26 % des cas) ont reçu une
antibiothérapie préalable et deux malades ont eu une mise
à plat d’abcès dans une autre institution. Un malade a eu
une immobilisation par une botte plâtrée pour une période
d’un mois avant sa consultation (Fig. 1).
M. Jenzri et al.
Étude clinique
Le tableau clinique n’était pas spécifique. Le syndrome
fébrile n’était pas présent dans tous les cas. On a noté
une fièvre à 38,3 ◦ C en moyenne et la température n’était
supérieure à 38,5 ◦ C que dans 12 cas (45 % des cas).
Le tableau clinique était celui d’un syndrome doulou-
reux de l’arrière-pied avec une impotence fonctionnelle
du membre dans un contexte fébrile. La douleur était
modérée dans huit cas (30 %) et importante dans 18 cas
(70 %). La douleur était à distance du calcanéum, ce
qui a retardé le diagnostic dans six cas. L’impotence
fonctionnelle du membre était partielle dans dix cas
(38 %) et totale dans 16 cas (62 %). Les signes inflam-
matoires locaux ont été observés dans 21 cas (81 % des
cas). On a noté une fistulisation cutanée chez un patient
qui a eu une immobilisation plâtrée pendant un mois.
Une porte d’entrée cutanée a été retrouvée dans cinq
cas.
Biologie
Le syndrome inflammatoire biologique n’était pas constant.
On a noté un chiffre des globules blancs en moyenne de
13 000 par millilitre avec des extrêmes de 2500 à 32 700 par
millilitre. Une leucocytose supérieure à 10 000 par millilitre
n’a été notée que dans 16 cas (61 % des cas). La vitesse de
sédimentation était en moyenne de 67 mm à la première
heure avec des extrêmes de 12 à 123.
Imagerie
Sur le plan radiologique, on a retrouvé des images géodiques
au niveau du calcanéum dans 12 cas (46 % des cas).
L’échographie, réalisée chez 19 malades, a montré
six décollements sous-périostés au niveau du calcanéum,
trois collections au niveau de l’arrière-pied, quatre épais-
sissements des parties molles, un cas d’épanchement
de la sous-talienne et deux cas d’épanchement de la
tibiotarsienne. L’échographie était normale dans quatre
cas.
La scintigraphie osseuse, réalisée dans un cas, a montré
une hyperfixation en regard du calcanéum.
L’IRM, réalisée chez un patient (Fig. 2), a pu mettre en
évidence une anomalie de signal du calcanéum sous forme
d’un hypersignal T2 et hyposignal T1 avec la présence d’un
abcès sous-périosté.
D’autres localisations ostéomyélitiques ont été notées
dans trois cas : le talus deux fois et le col du fémur une
fois.
Après cette étude clinique et paraclinique de l’ensemble
de la série, on peut distinguer deux groupes des malades
en fonction du résultat de la radiographie initiale. Quatorze
malades ont présenté une ostéomyélite aiguë : la radiogra-
phie était normale au début, le délai moyen de consultation
était de cinq jours avec des extrêmes d’un à dix jours. Douze
malades ont présenté une ostéomyélite subaiguë avec à la
radiographie initiale des images lytiques du calcanéum, le
délai moyen de consultation pour ce groupe était de 22 jours
avec des extrêmes de sept à 60 jours.
 L’ostéomyélite hématogène du calcanéum chez l’enfant à propos de 26 cas
Tableau 1 Résumé des observations.
Cas Âge (mois) Sexe Délai de consultation Traumatisme Traitement T◦ GB VS Radiographie Échographie Chirurgie Germe
(jour) antérieur
1 156 M 10 Oui ATB 37 17 200 42 - DSP DPR -
2 72 M 60 Non ATB + MP 38 15 300 71 Lacune - Lésion oss + art -
3 84 F 10 Oui 38,5 20 800 98 - - DPR + art StaphMS (PO)
4 96 F 6 Non ATB 38,3 13 000 68 Remaniement DSP DPR + Lésion StaphMR (PO)
oss
5 108 F 20 Non 38 7400 62 - DSP DPR StaphMS (PO)
6 96 M 15 Oui Plâtre 38,6 10 000 65 Réaction P DSP DPNR -
7 84 M 2 Non 39 9800 55 - Normale - -
8 144 F 15 Non ATB 37,8 7400 98 Lacune Epcht TT Lésion oss -
9 24 M 25 Non 38 13 500 12 Lacune - Lésion oss StaphMS (PO)
10 60 F 30 Oui ATB 38,5 6800 72 Lacune - Lésion oss -
11 48 M 4 Oui 40 2500 68 Refoulement PM Epcht ST DPR StaphMS (PO)
12 24 F 30 Oui ATB + MP 38,5 8600 40 Lacune Normale - -
13 1 M 22 Oui ATB 37,5 28 200 107 Lyse Talus + Calc - Lésion oss + art Klebsiella (PO)
14 102 M 30 Oui 37 9170 22 Lacune Collection Lésion oss -
15 108 M 10 Oui 37 13 500 48 - Collection DPNR + art -
16 72 M 5 Non 38 8800 68 Lacune Normale - -
17 72 F 22 Oui 37 13 400 65 Lacune - Lésion oss StaphMS (PO)
18 132 M 7 Non 37,6 10 800 72 - Epcht TT Pas d’abcès StaphMS (PO)
19 84 M 7 Non 38,4 12 000 100 - Normale DPR + art -
20 48 F 7 Non 38,5 30 000 120 - DSP DPR Ecoli (PO + HC)
21 72 M 4 Oui 39 32 700 123 - DSP DPNR + art StaphMS (PO)
22 108 M 2 Non 39 7200 68 - Collection Lésion art StaphMS
(PO + HC)
23 96 M 1 Oui 40 10 300 42 - Epaisst PM Pas d’abcès StaphMS (HC)
24 66 F 3 Oui 39,8 12 700 21 - Epaisst PM DPNR StaphMS (PO)
25 108 F 7 Non 37,6 10 200 70 Lacune - DPR + lésion oss StaphMS (HC)
26 84 F 4 Non 39,8 9120 71 - Epaisst PM DPNR -
Moy 84 15M 13 13 oui 7 ATB 38,3 13 000 67 12 lésions oss
1—156 11F 1—60 13 non 2 MP 37-40 2500—32 700 12—123 13 normales
1 plâtre 1 refoul. PM
T◦ : température ; GB : globules blancs ; VS : vitesse de sédimentation ; M : masculin ; F : féminin ; ATB : antibiothérapie ; MP : mise à plat abcès ; Réaction P : réaction périostée ; calc :
calcanéum ; PM : parties molles ; Lésion oss : lésion osseuse ; DSP : décollement sous-périosté ; Epcht : épanchement ; TT : tibiotarsienne ; ST : sous-talienne ; Epaisst : épaississement ;
DPR : décollement périosté rompu ; DPNR : décollement périosté non rompu ; Art : articulaire ; StaphMS : staphylocoque methicillosensible ; StaphMR : staphylocoque methicillorésistant ;
PO : prélèvement opératoire ; HC : hémoculture

437
438 M. Jenzri et al.

Figure 1 Ostéomyélite du calcanéum traitée tardivement au stade d’ostéoarthrite. A : radiographie de la cheville chez une fille
âgée de cinq ans. La patiente a été traitée par une botte plâtrée pour une entorse de la cheville pendant un mois ! La radiographie
montre une lyse osseuse au niveau du calcanéum et un bâillement de la sous-talienne ; B : mise à plat d’un abcès au niveau du
calcanéum, drainage d’une arthrite de la sous-talienne et de la tibiotarsienne et une fixation externe ; C : à un an postopératoire,
on note un affaissement du calcanéum et une détérioration de la tibiotarsienne ; D : au recul de six ans, on note une reconstruction
du calcanéum, ankylose de tibiotalienne et une raideur de la sous-talienne.

Bactériologie Pour les trois enfants traités médicalement : dans un cas

L’enquête bactériologique était positive dans 14 cas (53 %
des cas). Les hémocultures, réalisées chez dix enfants,
étaient positives dans quatre cas. Les prélèvements opéra-
toires, réalisés chez 21 patients, étaient positifs dans 12 cas.
Le staphylocoque retrouvé dix fois dans les prélèvements
opératoires et deux fois dans les hémocultures était donc
en cause dans 12 cas (85 % des cas positives). Il s’agissait
d’un staphylocoque doré sensible à la méthicilline dans 11
cas et résistant dans un cas. Un bacille Gram négatif était
isolé dans deux cas.
Traitement
Le traitement était médical dans tous les cas, 23 enfants ont
du subir un acte chirurgical.
(cas no 7), le diagnostic d’ostéomyélite du calcanéum a été
porté cliniquement, la radiographie standard était normale,
l’échographie n’a pas objectivé d’abcès, l’enquête bacté-
riologique était négative, mais la radiographie, après deux
mois du traitement antibiotique, a montré un remaniement
osseux en faveur d’une ostéomyélite du calcanéum. Pour les
deux autres cas (cas no 12 et cas no 16), la radiographie stan-
dard a montré une image d’une lacune osseuse au niveau du
calcanéum, qui a disparu après deux mois d’antibiothérapie.
Pour les 23 cas traités chirurgicalement, la chirurgie a
permis d’évacuer six abcès sous-périostés non rompus et
sept abcès rompus. Le traitement chirurgical a objectivé
la lésion osseuse dans neuf cas et a permis un curetage des
lacunes osseuses. La chirurgie a mis en évidence une atteinte
articulaire, associée à l’ostéomyélite du calcanéum, dans
huit cas : six arthrites de la sous-talienne réalisant ainsi des
ostéoarthrites et deux arthrites de la tibiotarsienne. Dans
deux cas, l’exploration chirurgicale n’a pas trouvé d’abcès,

Figure 2 Diagnostic de l’ostéomyélite du calcanéum par IRM. A : la radiographie initiale de la cheville ne montre pas d’anomalies ;
B : l’IRM montre un hypersignal en T2 du calcanéum avec la présence d’un abcès sous-périosté. Isolement d’un germe à l’hémoculture.
L’enfant a eu un drainage de l’abcès et une antibiothérapie ; C : au recul de trois mois, la radiographie ne montre pas d’anomalie
du calcanéum.
L’ostéomyélite hématogène du calcanéum chez l’enfant à propos de 26 cas
les hémocultures ont confirmé le diagnostic en isolant le
germe pathogène (cas no 18 et cas no 23).
La trépanation du calcanéum a été faite dans huit cas.
Le traitement médical était basé sur une antibiothéra-
pie adaptée, par voie parentérale pendant 15 jours, relayée
par un traitement oral d’une durée moyenne de 45 jours.
L’antibiothérapie de première intention était l’oxacilline
associée à un aminoside, ensuite elle a été modifiée en
fonction de la sensibilité du germe dans trois cas.
Trois malades ont nécessité une fixation externe de la
cheville, en raison de l’importance des lésions osseuses et
pour permettre la cicatrisation cutanée (Fig. 3).
L’immobilisation par une botte plâtrée a été réalisée chez
tous les autres malades pour une durée moyenne de 60 jours
(30—120 jours).
Un patient a eu un apport spongieux pour le comblement
d’une perte de substance osseuse au niveau du calcanéum.
Deux calcanectomies partielles ont été réalisées pour
traitement des lésions chroniques.
Résultats
Les résultats anatomique et fonctionnel ont été étudiés avec
un recul moyen de deux ans avec des extrêmes d’un an à sept
ans (Tableau 2).
Dix-neuf malades (73 %) n’ont gardé aucune séquelle et
ont été considérés comme bons résultats. Sept malades
(27 %) ont présenté des mauvais résultats, avec limitation
importante de la mobilité au niveau de l’arrière-pied et une
ankylose de la cheville.
On a noté sept passages à la chronicité de l’ostéomyélite
[avec apparition de fistules dont une reste productive
au dernier recul (cas no 4)] considérés comme mauvais
résultats dans cinq cas sur sept. Deux calcanectomies
partielles ont été réalisées pour traitement de lésions
ostéitiques.
Sur le plan radiologique, on a noté des remaniements du
calcanéum dans 12 cas, une destruction partielle du calca-
néum dans sept cas et une fusion articulaire dans six cas
(Fig. 3).
Les mauvais résultats ont été observés chez des patients
traités tardivement avec un délai moyen de consultation de
17 jours, alors que ce délai n’est que de 12 jours pour les
patients qui ont présenté des bons résultats. Six mauvais
résultats sur sept associent des arthrites à l’atteinte du cal-
canéum (atteinte de la sous-talienne et la tibiotarsienene
dans deux cas et atteinte de la sous-talienne dans quatre
cas).
En fonction du type d’ostéomyélite diagnostiquée ini-
tialement, on a noté sur les sept mauvais résultats
quatre ostéomyélites subaiguës et trois ostéomyélites
aiguës.
Discussion
Les ostéomyélites hématogènes du calcanéum sont rares.
Elles représentent 3 à 10 % des infections osseuses chez
l’enfant [1—5]. Dans une étude épidémiologique sur les
infections ostéoarticulaires, réalisée dans notre service au
cours de l’année 2000, la localisation ostéomyélitique cal-
canéenne représente 10 % des infections osseuses.
439
L’ostéomyélite du calcanéum suit les mêmes phéno-
mènes physiopathologiques que ceux de l’ostéomyélite des
os longs ; en effet, le calcanéum présente une apophyse qui
est équivalente à la région métaphysaire des os longs, ce qui
le rend vulnérable à l’infection hématogène [6].
Âge
L’âge moyen de nos patients était de sept ans avec des
extrêmes d’un mois à 13 ans. Certains auteurs [7], en 1991,
ont rapporté une série d’ostéomyélite du calcanéum dont
l’âge moyen des patients est de six ans et demi. Ces
auteurs ont noté que les patients âgés de moins de deux
ans peuvent être également atteints. En étudiant une série
d’ostéomyélite hématogène et par inoculation directe du
calcanéum, Puffinbarger et al. [5] ont noté que les patients
présentant des ostéomyélites hématogènes sont plus jeunes
que les autres, en notant une moyenne d’âge de quatre ans
et demi. Jaakkola et Kehl [4], en 1999, ont rapporté une
série de 21 cas d’ostéomyélite hématogène du calcanéum
dont l’âge moyen des patients est de 2,9 ans (0,1—9,5 ans).
En 2001, Rasool [8] a rapporté une série de 14 cas en notant
un âge moyen de neuf ans.
Notion de traumatisme
L’association de traumatisme à une ostéomyélite hémato-
gène est souvent rapportée avec un pourcentage qui peut
atteindre 35 % [9—11]. Cette association est peu rappor-
tée au cours des ostéomyélites hématogènes du calcanéum
[1,3,5,7]. Dans notre série, la notion de traumatisme a
été notée dans 50 %. La notion de traumatisme peut être
responsable d’une erreur de diagnostic, en prenant une
ostéomyélite du calcanéum pour une lésion ligamentaire de
la cheville.
Clinique
Le diagnostic positif de l’ostéomyélite du calcanéum se fait
souvent tardivement [2,4,5,12], cela en raison de retard
de consultation, d’une part, (13 jours dans notre série) et,
d’autre part, en raison du caractère insidieux des signes
généraux [1,5,7]. Dans notre série, la température était
supérieure à 38,5 ◦ C, uniquement dans 45 % des cas.
Les signes cliniques d’une ostéomyélite du calcanéum,
tels que la douleur, les signes inflammatoires locaux,
l’impotence fonctionnelle du membre peuvent s’observer
dans d’autres pathologies, telles que la fracture du stress
du calcanéum, l’apophysite du calcanéum, contusion ou une
pathologie du tendon d’Achille.
Biologie
Les signes biologiques au cours de l’ostéomyélite du cal-
canéum sont moins marqués que dans les atteintes des os
longs [1,4,5,7]. Dans notre série, la leucocytose (supérieure
à 10 000) n’a été notée que dans 61 % des cas. Puffinbarger
et al. [5] et Wang et al. [1] ont noté la leucocytose dans 20 %
des cas. Winiker et Schärli [7] et Jaakkola et Kehl [4] ont rap-
porté, respectivement des chiffres de 45 et 24 %. La vitesse
440
Figure 3 Ostéomyélite du calcanéum associée à une ostéoarthrite. A : radiographie de la cheville chez un garçon âgé de quatre
ans qui a eu un drainage d’un abcès sous-périosté rompu du calcanéum et une arthrite de la sous-talienne ; B : devant la perte de
substance cutanée, on a eu recours à une fixation externe ; C : radiographie à quatre mois d’évolution : calcanectomie partielle ;
D : au recul de quatre ans, on note une diminution de la hauteur du calcanéum et une ankylose de la cheville.
de sédimentation est souvent élevée [1,4,5,7]. Winiker et
Schärli [7] ont rapporté des chiffres de protéine C réactive
(CRP) normaux dans 80 % des cas. Jaakkola et Kehl [4] ont
noté des CRP élevés dans 47 % des cas.
Imagerie
La radiographie standard est souvent normale au début de
l’infection. L’apparition d’une lésion osseuse à la radiogra-
phie est en faveur d’une ostéomyélite évoluée. Certains
auteurs [1,3] ont rapporté des anomalies radiologiques dans
100 % des cas. D’autres auteurs [2,5] ont noté moins de
retard diagnostic et la radiographie standard n’a montré
des anomalies que dans 30 à 50 % des cas. Dans notre série,
on a retrouvé une géode au niveau du calcanéum dans
46 % des cas faisant classer nos malades en deux groupes :
groupe d’ostéomyélite aiguë et groupe d’ostéomyélite sub-
aiguë caractérisé par la présence d’une lésion radiologique
initiale.
Certains auteurs [4] recommandent la réalisation d’un
scanner à la recherche des lésions osseuses si la radio-
graphie standard est normale. Actuellement, en raison de
la haute performance de l’IRM en matière d’infections
ostéoarticulaires [13—17], nous recommandons la réalisa-
tion de cet examen pour faire un diagnostic précoce. En cas
d’ostéomyélite, l’IRM montre une anomalie de signal osseux
et peut trouver des collections associées.
Germe
L’isolement d’un germe au cours des hémocultures per-
met de faire le diagnostic de l’ostéomyélite du calcanéum
et d’adapter l’antibiothérapie. Les hémocultures étaient
négatives dans les séries publiées par Robertson [12] et Puf-
finbarger et al. [5]. D’autres auteurs [1,2,5,7] ont rapporté
un taux de positivité de 40 %. Dans notre série, les hémocul-
tures étaient positives dans 15 % des cas.
Les prélèvements du pus étaient positifs dans 57 % des cas
dans notre série. D’autres auteurs [1,2,5,7] ont rapporté un
taux entre 50 et 91 %.
M. Jenzri et al.
Traitement
Pour le traitement des ostéomyélites du calcanéum, la
majorité des auteurs préconisent la même conduite thé-
rapeutique que celle vis-à-vis des ostéomyélites des os
longs [3] : une antibiothérapie plus ou moins associée à un
drainage d’une éventuelle collection purulente. Un diag-
nostic précoce permet un traitement médical évitant la
chirurgie. Dans notre série, le traitement était médical
dans 12 % des cas et médicochirurgical dans 88 % des cas.
Dans la série de Jaakkola et Kehl [4], 44 % des patients
ont été traités médicalement et 56 % ont nécessité en
plus un acte chirurgical pour le drainage d’un abcès.
Le délai moyen de consultation dans la série de Jaak-
kola et Kehl [4] est de 13,1 jours (1—120 jours). On
trouve la même valeur dans notre série : 13 jours (1—60
jours).
L’abord chirurgical du calcanéum est fonction de la loca-
lisation de l’abcès, objectivé par l’imagerie.
Le traitement des ostéomyélites subaiguës chez l’enfant
est controversé. Certains auteurs [2,18—22] préconisent un
traitement chirurgical pour cureter la lésion, retrouver un
germe et surtout réaliser une biopsie pour éliminer une
pathologie tumorale. Cependant, d’autres auteurs [23—28]
recommandent un traitement conservateur de ces lésions
par une antibiothérapie seule.
Ezra et Wientroub [29] ont rapporté une série de 11 cas
d’ostéomyélite subaiguë du tarse chez l’enfant. Tous les
malades ont été traités médicalement avec succès, sauf un
patient qui a nécessité un curetage de la lésion à cause de
la non amélioration sous traitement antibiotique seul. Ces
auteurs n’ont pas de diagnostic biopsique, mais ils préco-
nisent une ponction biopsie des ces lésions. Dans leur série,
le germe n’a été identifié que dans le seul cas traité chirur-
gicalement.
Dans notre série, deux ostéomyélites subaiguës ont
été traitées médicalement avec succès, mais sans preuve
bactériologique. Face à ces lésions, nous préférons le trai-
tement chirurgical qui permet de cureter la lésion, d’essayer
d’isoler un germe pour adapter l’antibiothérapie et de faire
une biopsie systématique.
L’ostéomyélite hématogène du calcanéum chez l’enfant à propos de 26 cas 441

Tableau 2 Résultats fonctionnel et anatomique en fonction du délai de consultation et du type d’ostéomyélite.

Cas Délai de Type OM Résultat Chronicité Résultat anatomique Recul (mois)

consultation (jour) fonctionnel (radiographie)

1 10 A Bon - Remaniement 12
2 60 SA Mauvais - Ankylose 36
ST + destruction
osseuse
3 10 A Bon - Normale 12
4 6 SA Mauvais Fistule productive Ankylose 52
ST + destruction
osseuse
5 20 A Bon - Remaniement 13
6 15 SA Bon - Remaniement 12
7 2 A Bon - Normale 13
8 15 SA Bon Fistule tarite Comblement 12
lacune
9 25 SA Bon Fistule tarite Remaniement 24
10 30 SA Mauvais Fistule tarite Ankylose 60
ST—TT + destruction
osseuse
11 4 A Mauvais Fistule tarite Ankylose 41
ST—TT + destruction
osseuse
12 30 SA Bon - Remaniement 26
13 22 SA Bon - Remaniement 14
14 30 SA Bon - Remaniement 12
15 10 A Bon - Normale 14
16 5 SA Bon - Normale 12
17 22 SA Bon - Remaniement 12
18 7 A Bon - Remaniement 13
19 7 A Bon - Remaniement 13
20 7 A Mauvais Fistule tarite Destruction 12
osseuse
21 4 A Mauvais - Ankylose 30
ST + destruction
osseuse
22 2 A Bon - Normale 2
23 1 A Bon - Normale 84
24 3 A Bon - Remaniement 12
25 7 SA Mauvais Fistule tarite Ankylose 84
ST + destruction
osseuse
26 4 A Bon - Remaniement 50
OM : ostéomyélite ; A : aiguë ; SA : subaiguë ; bon résultat : mobilité de l’arrière-pied correcte sans lésion anatomique franche ; mauvais
résultat : limitation importante de la mobilité articulaire avec lésion anatomique.

Complications de 21 % comportant dix cas de passage vers la chronicité,

Les complications des ostéomyélites du calcanéum sont
diversement appréciées par les auteurs [2,3,5,8,12]. Les
troubles de croissance du calcanéum, observés surtout dans
les atteintes néonatales, sont relativement rares [1,30].
Dans la littérature, huit cas de trouble de croissance, attri-
bués à l’ostéomyélite du calcanéum, ont été rapportés
[1,3,5,31]. La radiographie montre un raccourcissement du
calcanéum et des irrégularités de la tubérosité calcanéenne
postérieure. Puffinbarger et al. [5] ont rapporté un cas de
trouble de croissance du calcanéum et une sensibilité de la
cicatrice. Wang et al. [1] ont noté un taux de complications
deux cas de trouble de croissance et un cas d’arthrite de
la sous-talienne. Jaakkola et Kehl [4] ont rapporté trois
cas de trouble de croissance, une déformation en équin et
deux récidives de l’infection. Rasool [8] a déploré plusieurs
complications : des troubles en rapport avec la cicatrice,
raccourcissement du pied en rapport avec un arrêt de crois-
sance du calcanéum, inégalité de longueur des membres
inférieurs, nécrose du talus, déformation en équin, ankylose
de la cheville, de la sous-talienne et de la calcanéocuboï-
dienne.
Dans notre série, les séquelles ostéoarticulaires à type
de nécrose du calcanéum, passage à la chronicité et les
442
destructions articulaires, notées dans 27 % des cas, sont
observées chez des patients traités tardivement et en cas
d’atteinte articulaire associée à l’ostéomyélite. Il existe une
corrélation entre les complications et le délai de consul-
tation. Les mauvais résultats ont été observés chez des
patients traités avec un délai moyen de consultation de
17 jours, alors que ce délai n’est que de 12 jours pour les
patients qui ont présenté des bons résultats.
L’atteinte articulaire, associée à l’ostéomyélite du calca-
néum, était fréquente dans notre série (27 % des cas). Cela
peut être expliqué par le retard de la prise en charge de
ces ostéomyélites. L’arthrite septique constitue un élément
péjoratif pour le pronostic de l’ostéomyélite du calcanéum
chez l’enfant.
Pour le traitement des ostéomyélites chroniques du cal-
canéum chez l’enfant, Martini et al. [32] sont les premiers
qui ont décrit la calcanectomie. Rasool [8] a rapporté trois
cas de calcanectomie totale dans sa série. Cette tech-
nique reste une solution de sauvetage pour le traitement
des infections chroniques sévères du calcanéum, évitant
l’amputation.
Conclusion
Devant un syndrome douloureux et fébrile de l’arrière-pied,
la palpation minutieuse du talon et de l’arrière-pied, chez
un enfant algique, est systématique, afin de rechercher une
éventuelle ostéomyélite du calcanéum. L’IRM est actuelle-
ment un examen déterminant pour faire le diagnostic au
stade précoce.
La prise en charge doit être rapide pour éviter l’évolution
vers une destruction osseuse ou une ostéoarthrite de mau-
vais pronostic.
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