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FIGURATION ET

REPRESENTATION
DE L’ARCHITECTURE

EPFL // ENAC // LAPIS


2016-2017
«Imagine le visage d’un montagnard suisse et celui d’un habitant d’une
maison du sud-est de l’Europe. Leurs maisons sont belles et rationnelles
parce qu’elles sont la chose la plus juste et opportune en ces lieux».
Paul Schmitthenner, Gebaute Form (1949), Verlagsanstalt Alexander
Koch, Leinfelden-Echterdingen 1984

Couverture : grenier à Grimentz, Valais. Cliché Patrick Giromini, 2017


AVANT-PROPOS
Nicola Braghieri
Si l’observation permet d’emmagasiner
des informations sur la base de nos per-
ceptions, il nous faut, pour communiquer
et échanger ces informations avec nos
contemporains, maîtriser les conventions
de représentation qui ont cours à une
époque et dans un espace donné. Il nous
faut également connaître et maîtriser les
codes d’expression dans leur diversité
pour pouvoir en jouer, faire référence à tel
ou tel autre type de représentation, telle
ou telle autre convention graphique, s’ins-
crire dans une tradition ou s’en écarter
avec la conscience des références qu’elle
véhicule.
Le cours se concentrera sur la représen-
tation de l’architecture vernaculaire dans
son sens le plus littéral. L’objectif sera
d’apprendre à observer le territoire et ses
bâtiments au travers d’outils – tel que le
dessin et la maquette d’architecture - qui
permettent une perception directe du bâti.
Les techniques de la figuration architec-
turale font, en effet, partie des premiers
instruments opératoires de l’architecte et
consituent les plus élémentaires ruses du
métier.
L’enseignement portera sur l’ensemble
des opérations logiques et formelles liées à
la représentation. Les connaissances et les
pratiques acquises pendant les années de
l’enfance et de la formation scolaire seront
redécouvertes et mise en œuvre. L’accent Fig. 1 : maison à
sera mis sur l’interaction entre les outils Sornico, Tessin.
numériques et la pratique manuelle. Ré- Extrait de Aldo Rossi,
Eraldo Consolascio,
flexion théorique et approche pratique
Max Bosshard,
seront inséparables de la méthode d’ensei- La costruzione del
gnement. territorio, Lugano
1979

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OBJECTIFS constructif jusqu’au rapport au territoire,
Le cours, à travers une campagne de re- est une expérience ardue et difficile pour
levé sur le territoire rural alpin, se donne un architecte en formation, particuliè-
le double objectif de présenter aux étu- rement s’il elle a lieu uniquement au sein
diant(e)s les techniques de figuration de du projet. Le redessin permet d’affron-
l’objet construit et d’ouvrir leur regard ter plus aisément cette ascension sur les
sur l’importance de la culture matérielle traces évidentes d’un sentier mille fois
dans la pratique de l’architecture. parcourus.
Approche scientifique et attitude intellec-
tuelle sont les deux aspects inséparables de Le travail portera donc sur deux aspects
la formation d’un bon architecte. Il s’agit distincts : l’analyse de l’objet dans sa
d’affronter la construction «vernacu- configuration formelle et sa représenta-
laire», l’architecture «traditionnelle», le tion critique come produit fini d’actions à
patrimoine «rural» à travers l’expérience la fois réfléchies et développées sur le long
physique du relevé et celle, abstraite, du terme mais également automatiques et
redessin. spontanées. L’approche «généalogique»,
Le travail de relevé engage le corps dans
une appropriation physique de l’objet, un
contact direct avec le territoire, une ana-
lyse opératoire des techniques construc-
tives et de la matière.
Le redessin développe une réflexion sur
la forme de l’objet considérée comme la
synthèse des interactions complexes d’une
chaîne d’événements. L’édifice est le ré-
sultat matériel de l’action et de la réaction
de l’homme sur le territoire. Il contient la
nécessité de la construction et sa volonté
de forme. Son redessin devient la prise de
conscience, mise à distance et transposée
par la représentation en deux dimensions,
des raisons et sentiments qui ont généré la
forme finale.
La construction de la maquette peut être
considérée comme la réappropriation
physique du labeur de l’artisan, l’étu-
diant(e) retrace le parcours des gestes et
des réflexions lisibles dans les détails et la
matière de tout édifice.
L’approche globale des thématiques Fig. 2 : page de titre du livre sur la maison
de l’architecture, de l’échelle du détail valaisanne de Jakob Hunziker

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qui décrit les vicissitudes et les raisons de capable de sélectionner et de passer au ta-
chaque élément construit sera toujours mis de l’analyse chaque élément et chaque
accompagnée d’une lecture «phénoméno- détail, isolant les «bonnes attitudes» des
logique», capable de s’en tenir à la surface «mauvais choix». L’expérimentation sur
extérieure des choses pour y recueillir les un objet existant permettra d’éduquer
secrets de la forme. l’œil et d’exercer la main pour atteindre
Le travail de relevé et de dessin du pa- une pleine autonomie de l’impulsion créa-
trimoine construit est indubitablement trice.
une expérience fondamentale de la for- L’exercice de réduction d’échelle d’un ob-
mation de chaque architecte. Non seule- jet, conçu originellement directement à
ment comme outil utile dans le quotidien l’échelle 1 :1 oblige l’étudiant(e) à opérer
de la profession mais aussi parce que la une série de choix et à développer une éco-
réflexion sur la notion d’«architecture nomie de la représentation. Abstractions
sans architecte» nous entraîne à penser et simplifications font partie de la méthode
le rapport entre architecture et culture et de l’approche de tous les architectes.
manuelle dans une condition contem- La difficulté d’appréhender et de com-
poraine où le «produit fini préfabriqué» prendre certains aspects de l’objet impose
acheté sur catalogue et la standardisation un travail d’imagination pour recons-
des techniques d’exécution pour satisfaire truire la figure dans un tout cohérent.
les demandes toujours plus pressantes de Substituer, éliminer, ajouter sont des
certification de qualité. Le relevé nous tâches effectuées non pas par l’intuition
oblige ainsi à traduire en images archi- et l’improvisation mais par une réflexion
tectoniques et en descriptions littéraires attentive. Le geste créatif découle ainsi du
des œuvres artisanales construites par des raisonnement et de la juste pondération. Il
paysans et des charpentiers exclusivement s’agit souvent pour l’architecte d’un tra-
soucieux de se protéger des intempéries et vail de rigueur et de modération, qualités
de jouir des dons de la nature. aujourd’hui toujours plus négligées.
Ce qui pourrait sembler une opération
inutile, le redessin d’objets devenus ob- Sources
solètes par des techniques de moins en - Bernard Rudofsky, Architecture without
moins usitées, devient en fait une expé- architects, Doubleday & Company, New
rience très importante car elle impose une York 1964
confrontation physique, un labeur réel - Aldo Rossi, Eraldo Consolascio, Max
sur un objet construit à échelle 1:1. Un tel Bosshard, La costruzione del territorio nel
travail est une expérience en soi car elle Cantone Ticino, Fondazione Ticino Nostro,
n’est filtrée par aucune technologie vi- Lugano 1979
sant à substituer la plus phénoménale des - Michael Alder, Diego Giovanoli, Soglio.
attitudes de l’homme : celle de lier par la Siedlungen und Bauten / Insediamenti
logique l’observation et la conscience de e costruzione, Ingenieurschule Beider
toute action future. En ce sens, le «redes- Basel, Muttenz 1983
sin critique» devient «projet opératoire»,

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Fig. 3 : séchoir type
1, Soglio, Grisons.
Extrait de Michael
Alder, Diego Giovanoli,
Soglio. Siedlungen und
Bauten / Insediamenti e
costruzioni, Basel 1997
LES SITES tuelle. Caractérisé par un tissu tradition-
Le travail consiste à relever et restituer nel, alliant socle et angle en maçonnerie
une série de bâtiments ruraux du Canton à des étages en madriers, il présente une
du Valais des villages de Lens, Grimentz et grande homogénéité, encore renforcée
Saint-Luc situés dans le distict de Sierre. par l’existence de plusieurs couvertures
en dalles de pierre.
Lens L’ancien noyau d’accès est aujourd’hui
L’agglomération historique regroupe pra- relié à l’agglomération principale par un
tiquement la totalité des constructions tissu mixte ; ce dernier a été créé pour
anciennes du site. Elle s’inscrit sur une l’essentiel après 1970 et tranche sur le ca-
plate-forme étroitement enserrée par ractère rural historique du site, avec no-
deux buttes, le groupement église-prieu- tamment la nouvelle maison de commune,
ré occupant l’épaulement d’une troisième dont la taille et l’architecture ne facilitent
éminence, plus importante (Fig. 4-5). guère l’intégration.
Cette topographie bien particulière su-
perpose à une structure générale de type Source
concentré, indifférencié, une organisa- - Inventaire des sites construits à protéger
tion localement nuancée, spécifique, en- en Suisse (ISOS), 2004
richissant considérablement l’image du
site. Dans ce tissu faiblement différencié
la place de l’église et les bâtimemts qui la
délimitent, ainsi que, dans une moindre
mesure, le carrefour central ponctué par
des tilleuls revêtent un rôle structurant
indubitable, qui ne ressort pas totalement
du plan.
La majorité des constructions présentent
leur pignon face à la vallée du Rhône et
au soleil, conférant une grande unité aux
silhouettes extérieures. Les exceptions,
peu nombreuses, sont constituées par
des constructions plus tardives ou dont
l’orientation est déterminée par leur im-
plantation en bordure d’une place ou d’un
carrefour.
Le noyau marquant l’ancien accès de la
localité, malgré sa taille réduite, consti-
Fig. 4 : Carte nationale de la Suisse, Office
tue une composante importante du site,
fédéral de la topographie swisstopo 2017
avec notamment une bande de jardins as-
surant une aire tampon avec les nouvelles Fig. 5 : Photo aérienne, Office fédéral de la
constructions bordant la route d’accès ac- topographie swisstopo 2017

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Grimentz dégagement inhabituel dans le tissu par
À l’exception d’un noyau rural constituant ailleurs extrêmemet dense. Le premier
un poste avancé sur l’ancien chemin d’ac- plan de la silhouette sud-est est occupé
cès muletier, la plupart des composantes soit par des bâtiments de prestige - église,
du site sont implantées le long d’une voie maison bourgeoisiale -, soit par des dépen-
courant plus ou moins parallèlement aux dances, dont certaines regroupées.
courbes de niveau (Fig. 6-7). Du sud au
nord se succèdent l’agglomération histo- Source
rique, puis un noyau mixte à la hauteur du - Inventaire des sites construits à protéger
carrefour d’accès et, au-delà, deux noyaux en Suisse (ISOS), 2004
ruraux de taille réduite.
L’agglomération historique représente
de loin la composante principale du site,
que ce soit par sa taille ou par la qualité et
la densité de son tissu, qui lui ont valu de
figurer sur la liste de Protection des biens
culturels d’importance nationale. Alors
que l’église et les deux espaces de dégage-
ment qui la jouxtent sont implantés sur une
saillie du terrain, le tissu s’incurve ensuite
en creux jusqu’à son extrémité. La limite
correspond au cours du torrent du Marais,
à l’origine de ce mouvement de terrain qui
determina lui-même le choix de l’implan-
tation historique. Le tissu se caractérise
par une uniformité exceptionnelle, y com-
pris dans le cadre des agglomérations de la
vallée. Les constructions réalisées en ma-
driers, sur un socle en maçonnerie, pré-
sentent presque toutes leur pignon aval
au sud-est, face au vallon, tandis que les
toitures ont conservé dans la plupart des
cas leur couverture d’origine en bardeaux.
Les balcons sont disposés latéralement,
ce qui accentue la verticalité du tissu sur
rue. Exceptionnellement, lorsque le bâ-
timent est en limite d’un espace libre un
Fig. 6 : Carte nationale de la Suisse, Office
peu plus important, comme par exemple à
fédéral de la topographie swisstopo 2017
la hauteur de l’église, le pignon reçoit une
orientation différente pour profiter de ce Fig. 7 : Photo aérienne, Office fédéral de la
topographie swisstopo 2017

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Saint-Luc duelles, essentiellement des résidences
Le village présente un tissu encore mar- secondaires, souvent réalisées en bois, se
qué par les conséquences des deux incen- sont implantées à la périphérie du péri-
dies du 19e siècle. L’ensemble central est mètre d’agglomération, constituant un
caractérisé par la persistance de son tissu tissu lâche s’intégrant sans grand pro-
ancien - construction en bois massif, sur blème dans le paysage.
socle en maçonnerie et pour certaines,
couverture en tavaillons - et constitue, Source
davantage qu’un groupement autonome, - Inventaire des sites construits à protéger
l’addition des parties de l’agglomération en Suisse (ISOS), 2004
épargnée par ces incendies ; ce groupe-
ment s’affirme aujourd’hui en contraste
intense avec le noyau en maçonnerie en-
duite entourant l’église (Fig. 8-9).
Les espaces intermédiaires présentent au-
jourd’hui un caracrtère mi-rural, mi-ur-
bain d’une grande diversité, marquant
ainsi fortement l’image de l’aggloméra-
tion.
Outre une rangée d’habitations typiques
de la région et une file de dépendances,
dont un moulin, le site est fortement mar-
qué par la présence de deux hôtels datant
de la seconde moitié du 19e siècle, prin-
cipalement celui du Cervin, aujourd’hui
réservé à l’accueil de colonies de vacances,
très caractéristique du «palace» suscité
lors des débuts du tourisme cosmopolite.
Sur la carte Siegfried de 1892, le site pré-
sente pratiquement l’emprise actuelle
du périmètre d’agglomération, peut-être
légèrement diminué à l’est. La fin du 19e
siècle est également marquée par l’im-
plantation des deux hôtels : le Bella Tolla
et, un peu après, le Grand hôtel du Cervin ;
dans la mesure où ces deux bâtiments sont
implantés un peu à l’écart du tissu ancien,
Fig. 8 : Carte nationale de la Suisse, Office
dans l’emprise de la route de passage, le
fédéral de la topographie swisstopo 2017
site historique n’en est guère modifié.
Par la suite, des constructions indivi- Fig. 9 : Photo aérienne, Office fédéral de la
topographie swisstopo 2017

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LES BÂTIMENTS d’incendie.
Il s’agit principalement du bâti rural Devant répondre aux mêmes nécessités
dont les différentes affectations d’origine que le raccard, c’est-à-dire être mainte-
ne répondent plus aux dynamiques socio- nu à l’écart de l’humidité et des rongeurs,
économiques territoriales actuelles. Le le grenier est construit suivant une tech-
travail de relevé permet, dans un premier nique très semblable. On remarque toute-
temps, d’inventorier le patrimoine bâti afin fois que l’assemblage des bois est notable-
d’en reconnaître les principes structurants ment plus soigné pour assurer une parfaite
qui participeront, dans un deuxième isolation. Les supports verticaux (quilles),
temps, à la réflexion autour du projet de disposés comme ceux des raccards, sont
conservation et de transformation. ordinairement réduits au nombre mini-
mum de quatre.
Le raccard L’intérieur du grenier, qu’il soit en un
Il se compose d’un élément servant de seul volume ou partagé en plusieurs com-
dépôt et d’un élément porteur, destiné à partiments ayant chacun leur porte et ap-
mettre la récolte à l’abri de l’humidité du partenant à des propriétaires différents,
sol et des attaques des rongeurs. est pourvu de coffres fixes. Le local sert
Le dépôt est construit de manière assez en outre à conserver des biens précieux,
rudimentaire, à l’aide de madriers croisés. comme l’argent, des titres de propriété
Il comporte un étage, parfois plusieurs. et d’autres documents, c’est pourquoi le
Les pignons munis des raidisseurs néces- grenier est souvent muni de portes trés so-
saires (aiguilles) portent la charpente très lides, avec d’excellentes serrures.
simple (sans ferme) et la couverture de
bardeaux, d’ardoises ou de dalles. Des ga- La grange-écurie
leries de bois disposées contre la façade et La partie inférieure de l’édifice sert tou-
l’abri de l’avant-toit servaient primitive- jours d’écurie (étable). L’écurie peut être
ment au séchage des fèves avant leur bat- construite en bois, mais est souvent bâtie
tage. en maçonnerie. Au-dessus de cette partie
L’élément porteur est toujours consti- repose une grange, dans laquelle est en-
tué par un certain nombre de piliers, ou treposé le fourrage nécessaire pour l’hi-
quilles: quatre supportent les angles et ver. Selon les régions, cette dernière est en
d’autres (au nombre de deux à dix) sont bois ou en maçonnerie. Elle comprend une
disposés sous les façades et sous l’aire. ou deux portes et parfois des escaliers lui
Pour assurer une rigidité suffisante de donnent accès.
l’ensemble, la base des piliers est ancrée
dans un cadre de madriers entrecroisés. Sources
- Jakob Hunziker, La maison Suisse
Le grenier d’après ses formes rustiques et son
Celui-ci, qu’il se trouve à l’intérieur du développement historique. Le Valais, Payot,
village ou dans un quartier spécial, est im- Lausanne 1902
planté de manière à diminuer les risques

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- Témoins du passé dans le Valais moderne,
École valaisanne, Sion 1975
- Wilhelm Egloff, Annemarie Egloff-
Bodmer, Les maisons rurales du Valais.
Tome 1, Société suisse des traditions
populaires, Bâle 1987
- Roland Flückiger-Seiler, Les maisons
rurales du Valais. Tome 2. L’habitation en
pierre et la maison concentrée (Val d’Illiez),
Société suisse des traditions populaires,
Bâle 2000
- Mutations du bâti de la vie rural,
Patrimoine Suisse section Valais romand,
2009
- Roland Flückiger-Seiler, Klaus
Anderegg, Denyse Raymond, Hildegard
Loretan, Werner Bellwald, Les maisons
rurales du Valais. Tome 3.1. Les sites et
les formes d’habitat au cours du temps.
L’agriculture valaisanne et ses bâtiments
entre vignes, villages, mayens et alpages,
Société suisse des traditions populaires,
Bâle 2011
- Werner Bellwald, Les maisons rurales
du Valais. Tome 3.2. Forges, foulons et
fours à pain. Des bâtiments et une société
en transformation, Société suisse des
traditions populaires, Bâle 2011

Fig. 10 : le raccard, le grenier, la grange-écurie

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QUELQUES DÉFINITIONS Des rapports complexes qui sont étroite-
L’architecture rurale est souvent définie ment liés aux problématiques soulevées
comme « traditionnelle » ou encore comme par les politiques de développement du-
propre à un lieu, vernaculaire. Toutefois rable et donc à l’idée d’une «conservation»
il convient de préciser ces différents sociale à transmettre aux générations fu-
termes puisque l’attribut « rural » tures. «On assimile habituellement la no-
est loin de représenter un phénomène tion de patrimoine à l’ancien et à la nos-
unitaire et cohérent, mais il constitue au talgie qu’il suscite. Mais le patrimoine,
contraire un langage largement influencé au sens juridique du terme, n’a rien à
par les différents aspects culturels voir avec le passé ; il vise au contraire à
(société, économie, territoire-ressources/ donner un avenir aux choses. En tant que
morphologie) qui lui donnent forme. telle, la patrimonialisation contribue à la
construction du temps et de sa continuité
Patrimoine du passé vers l’avenir au moyen du mo-
Une première catégorie, générale et fé- ment présent, où a lieu l’acte même de pa-
dératrice, dans laquelle nous pouvons in- trimonialisation. (…) La conservation est
clure l’architecture rurale est la notion nécessairement la transmission». L’archi-
de patrimoine. Il ne s’agit pas ici de re- tecture est l’un des majeurs opérateurs de
tracer la généalogie du terme – une étude ce travail de transmission – pour le moins
qui nécessite un espace de réflexion plus en ce qui concerne les biens et la culture
ample – mais plutôt d’en définir le mode matériels – qui ne signifie pas simplement
opératoire à l’intérieur de la pratique du transposer le passé, mais plutôt l’appré-
relevé orienté au projet d’architecture. hender au travers d’une intelligence cri-
Faut-il conserver ? Faut-il restaurer ? Des tique que le relevé architectural et sa res-
interventions radicales sur le patrimoine titution permettent de développer.
bâti sont-elles envisageables ? Pour y ré-
pondre, il est nécessaire de nous situer par Source
rapport à la notion de patrimoine, mais - Pierre Caye, Critique de la destruction
aussi et surtout par rapport au procès de créatrice. Production et humanisme, Les
patrimonialisation. Belles Lettres, Paris 2015
Pour le faire, nous nous référons au der-
nier ouvrage de Pierre Caye où l’auteur Tradition
s’interroge sur les possibilités de la subs- Terme controversé et difficilement défi-
tance créatrice au sein de notre société, nissable qui, en temps de crise culturelle,
entre production et improduction ; cette est plutôt une projection du présent sur le
dernière étant «la condition non produc- passé qu’un véritable héritage de ce der-
tive de la production». Cette opération nier ; comme exposé dans le livre de Hobs-
tente de rediscuter le couple théorie et bawm et Ranger.
pratique relativement au régime juridique En architecture, comme observé par Ni-
et à l’intelligence – ratiocinatio – du dispo- cola Braghieri, «la tradition est un uni-
sitif technique de l’architecture. vers désordonné de connaissances et

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sentiments qui lie matériellement l’archi- cape (paysage) de country (pays), espace
tecture au travail de l’homme, à sa pra- vernaculaire et aristocratique ou poli-
tique constructive. C’est le sens commun tique. «Dans l’optique des nobles, du cler-
basé sur la répétition d’expériences per- gé et des grands propriétaires, paysage
sonnelles, reconnues collectivement pour n’était qu’un terme vernaculaire ou rural
leur évidente intelligence. La tradition pour désigner un groupe de petits espaces
n’a aucun lien avec l’histoire, celle-ci en- temporaires, aux mesures imprécises, qui
tendue comme succession d’évènements, changeaient même de forme et de taille.
mais se reconnaît plutôt avec le lent écou- (…) Bien que les deux types d’espaces se
lement du temps dans le monde du ‘tou- recoupent, la différence entre les deux
jours-présent’. C’est une chose vivante, visions du monde et leur organisation
en transformation continue, un processus de l’espace était profonde, et dans la me-
évolutif par l’intermédiaire d’impercep- sure où nous sommes en train d’explo-
tibles et successifs passages. Elle confère rer l’usage ancien du mot paysage, c’est
continuité et linéarité au développement le paysage vernaculaire qui nous retient.
des évènements tout en ordonnant avec (…) Le mot (vernaculaire) provient du la-
mesure leur écoulement. Lorsqu’elle s’ar- tin verna, c’est-à-dire un esclave né dans
rête, elle meurt». la maison du maître ou de la maîtresse, et
par extension, à l’époque classique, c’était
Source un indigène, quelqu’un dont l’existence
- Eric Hobsbawm, Terence Ranger, se bornait à un village ou à une proprié-
The Invention of Tradition, Cambridge té, voué à un travail répétitif. Une culture
University Press, Cambridge 1983 vernaculaire impliquerait un mode de vie
régi par la tradition et la coutume, tout à
Vernaculaire fait éloigné du vaste monde politique et de
Notion qui identifie le mieux la culture et la loi ; mode de vie où l’identité ne prove-
le patrimoine rural, si nous nous référons nait pas de la possession permanente de la
principalement aux pays francophones et terre, mais de l’appartenance à un groupe
au monde anglo-saxon. Le terme renvoie ou à une grande famille».
non seulement aux modalités d’appro-
priation d’un lieu spécifique des petites Source
communautés paysannes, mais aussi à une - John Brinckerhoff Jackson, À la
forme d’habitation qui, contrairement aux découverte du paysage vernaculaire, Actes
idées reçues, construit son identité non Sud, Arles 2003
pas en s’enracinant définitivement dans
un territoire, mais en s’appuyant sur des
logiques spatiales flexibles et mouvantes
malgré la lente évolution de quelques types
fonctionnels.
Nous empruntons cette lecture à John
Brinckerhoff Jackson qui distingue lands-

16
CALENDRIER PAUSE MIDI
Le cours prévoit de se déplacer dans le
13.15 - 16.00 (165’)
Canton du Valais pour effectuer le relevé
Pratique du relevé sur le campus de
du patrimoine vernaculaire. Trois sites l’EPFL
ont été retenus : Lens, Grimentz et Saint-
Luc ; chaque groupe, composé de 3 ou 4
voire 5 étudiant(e)s selon la dimension du Ven 3 mars // VALAIS
bâtiment, devra relever et restituer (cf. 8.00 dép. EPFL - 18.15 arr. EPFL
1ère sortie de relevé
liste des rendus) le bâtiment qui leur sera
attribué. La phase de restitution et dessin
se déroulera à l’EPFL. Ven 10 mars // EPFL
salle AAC 231
Ven 24 février // EPFL 8.15 - 8.30 (15’)
salle AAC 231 NICOLA BRAGHIERI
8.15 - 9.30 (75’) Vision en plan et conventions
NICOLA BRAGHIERI graphiques
Brève introduction au cours :
regarder/voir/observer/représenter/ 8.30 - 9.00 (30’)
figurer FILIPPO FANCIOTTI
pourquoi et comment étudier la culture Dessin 2D vectoriel :
matérielle charte graphique > lignes > textures >
pourquoi l’architecture sans architectes échelles
est importante
théorie > technique > poétique > 9.00 - 9.45 (45’)
esthétique (lexique) OLIVIER MEYSTRE
Traitement des images :
COMMUNICATION POUR logiciels > résolution > formats
LA FORMATION DES GROUPES d’exportation

PAUSE 15 min PAUSE 15 min

9.45 - 10.45/11.00 (75’) 10.00 - 10.40 (40’)


CHRISTOPHE VALENTINI PATRICK GIROMINI
Présentation contextes : Éléments du vernaculaire :
patrimoine VS > rural > type > territoire techniques > technologies > matériaux >
nomenclature > vocabulaire
11.00 - 11.40 (40’)
PATRICK GIROMINI 10.40 - 12.00 (20’)
Introduction à la première journée de NICOLA BRAGHIERI
relevé Classique, moderne, tradition :
la cabane d’Adam et les traités
11.40 - 12.00 (20’) d’architecture
NICOLA BRAGHIERI théorie de la tradition
OLIVIER MEYSTRE tradition sans théorie
Croquis, photo > les outils des
«Maîtres» PAUSE MIDI

17
13.15 - 16.00 (165’) 13.15 - 16.00 (165’)
BUREAU LAPIS BUREAU LAPIS
Réception et critique des croquis de la Réception et critique des croquis et
1ère journée de relevé photos de la 2ème journée de relevé
(selon liste de passage) (selon liste de passage)

Ven 17 mars // VALAIS Ven 31 mars // EPFL


8.00 dép. EPFL - 18.15 arr. EPFL salle AAC 231
2ème sortie de relevé 8.15 - 9.15 (60’)
PATRICK GIROMINI
Paysage vernaculaire :
Ven 24 mars // EPFL territoire vs paysage > enjeux
salle AAC 231
8.15 - 9.00 (45’) 9.15 - 10.15/10.30 (75’)
PATRICK GIROMINI ROBERTO DINI
Sur le patrimoine : Sur Carlo Mollino architecte
patrimoine > rural > vernaculaire > que
faire ? PAUSE 15/30min

9.00 - 9.20 (20’) 10.45 - 12.00 (75’)


NICOLA BRAGHIERI FILIPPO FANCIOTTI
Brève introduction à l’architecture Dessin 3D (2ème partie) :
moderne alpine : modèle pour la maquette
Le moderne et les Alpes, c’est-à-dire la fin
du mythe méditerranéen comme éternel PAUSE MIDI
moderne
13.15 - 16.00 (165’)
9.20 - 10.00 (40’) TRAVAIL EN ATELIER
NICOLA BRAGHIERI Professeur et assistants disponibles
Sur Franco Albini architecte pour des questions et des critiques

PAUSE 15 min
Ven 7 avril // EPFL
10.15 - 10.45 (30’) salle AAC 231
NICOLA BRAGHIERI 8.15 - 9.15 (60’)
Brève introduction au dessin 3D : NICOLA BRAGHIERI
Vision en perspective et axonométrie Image et imaginaires alpins :
Le « style » alpin, c’est-à-dire la création
10.45 - 12.00 (75’) de l’identité nationale : l’exposition de
FILIPPO FANCIOTTI Genève, les hôtels historiques du XIXe, le
Dessin 3D (1ère partie) : mythe du chalet, les jumbo chalets
logiciels > organisation travail > modèle
9.15 - 10.15/10.30 (75’)
PAUSE MIDI MICHELE MERLO
Sur Edoardo Gellner architecte

18
PAUSE 15/30 min (selon liste de passage)
pour cette date tous les dessins 2D devront
10.45 - 12.00 (75’) être finis ; critique axonométries et
OLIVIER MEYSTRE maquette
Mise en page :
logiciels > formats > composition > police > Ven 12 mai // EPFL
couleurs bureau LAPIS
8.15 - 12.00 (225’)
PAUSE MIDI TRAVAIL EN ATELIER
Professeur et assistants disponibles pour
13.15 - 16.00 (165’) des questions et des critiques
BUREAU LAPIS
/1/ PAUSE MIDI
1er rendu :
(selon liste de passage) 13.15 - 16.00 (165’)
pour cette date les plans des ruraux TRAVAIL EN ATELIER
devront être finis et les façades, ainsi que Professeur et assistants disponibles pour
les coupes, définies dans leur géométrie et des questions et des critiques
leurs éléments architecturaux ; la maquette
devra être commencée
Ven 19 mai // EPFL
bureau LAPIS
Ven 28 avril // EPFL 8.15 - 12.00 (225’)
salle AAC 231 BUREAU LAPIS
8.15 - 9.00 (45’) /3/
PATRICK GIROMINI 3ème rendu :
Rappel rendu : (selon liste de passage)
modalités d’examen et documents à rendre pour cette date les axonométries devront
être terminées ; critique maquette
9.00 - 10.00/10.45 (75’)
INVITÉS PAUSE MIDI
(en attente de confirmation)
Mutation des ruraux et architecture 13.15 - 16.00 (165’)
alpine BUREAU LAPIS
/3/
PAUSE 15/30 min 3ème rendu :
(selon liste de passage)
10.45 - 12.00 (75’) pour cette date les axonométries devront
TRAVAIL EN SALLE être terminées ; critique maquette
Professeur et assistants disponibles pour
des questions et des critiques
Session examens
PAUSE MIDI du 19 juin au 8 juillet 2017

13.15 - 16.00 (165’)


BUREAU LAPIS
/2/
2ème rendu :

19
RENDU 3D réduits à l’échelle 1/200, éventuel-
Des fiches explicatives présentant les lement des détails en 2D et/ou 3D aux
modalités du traitement des fichiers et échelles 1/10 et 1/5
les codes graphiques à respecter seront
transmises durant le semestre lors de MAQUETTE
leçons spécifiques sur les techniques de - maquette à l’échelle 1/20 (indica-
rendu. tions sur les dimensions de la base et les
matériaux à utiliser données durant le
Liste des documents à rendre cours)
Résolution minimale des fichiers 300 dpi;
fichiers jpeg pour les images (photos) ; Étapes de travail et
fichiers dwg ou dxf pour les dessins vecto- rendus intermédiaires
riels ; fichiers pdf pour la fiche d’inven- Avant le rendu final de la session d’exa-
taire et le cahier critique. mens en juin et juillet 2017, des rendus
intermédiaires sont prévus afin de mieux
DESSINS 2D au trait // échelle 1/50 organiser les étapes de travail et de corri-
- plans de tous les niveaux accessibles et ger les documents.
reconstruction des niveaux non acces-
sibles VENDREDI 10 MARS
- coupe transversale Travail en atelier :
- coupe longitudinale - la mise au propre (CAD) de la 1ère étape
- les 4 façades de relevé : plans et 4 façades (géométries
et épaisseurs des complexes architectu-
DESSINS 3D au trait // échelle 1/50 raux), échelle 1/50
- axonométrie en projection isomé- Rendu attendu :
trique (bâtiment pivoté de 45°) - contrôle des croquis effectués durant la
- axonométrie en projection isomé- 1ère journée de relevé
trique éclatée (bâtiment pivoté de 45°)
VENDREDI 24 MARS
FICHE ET CAHIER Travail en atelier :
- Fiche d’inventaire au format A4(sur la - la mise au propre (CAD) de la 2ème
base d’un exemple qui sera illustré lors étape de relevé : plans et 4 façades sont
du cours) définis avec plus de précision (épaisseurs
- Cahier critique au format A5 conte- et technologies en détail), échelle 1/50
nant : plan cadastral échelle 1/500 Rendu attendu :
(base fournie par le labo), présenta- - contrôle des croquis et photos effectués
tion de l’objet relevé (situation, type, durant la 2ème journée de relevé
matériaux, techniques, technologies),
croquis de relevé, reportage photo-
graphique, ensemble des dessins 2D et

20
VENDREDI 31 MARS VENDREDI 19 MAI
Travail en atelier : Travail en atelier :
- la finalisation des dessins 2D : plans et 4 - commencer la rédaction de la fiche d’in-
façades, échelle 1/50 ventaire (format A4) et du cahier critique
Rendu attendu : (format A5)
- les 2 coupes doivent être commencées, - continuer la construction de la maquette,
échelle 1/50 échelle 1/20
- préparation du 3D pour la construction de Rendu attendu /3/ :
la maquette, échelle 1/20 - les 2 axonométries, échelle 1/50

VENDREDI 7 AVRIL Rendu final


Travail en atelier : Le rendu final inclut les corrections deman-
- la finalisation des 2 coupes, échelle 1/50 dées durant les étapes intermédiaires et
- commencer le modèle axonométrique, tous les documents en cours de production
échelle 1/50 durant ces dernières.
- commencer la construction de la ma-
quette, échelle 1/20 EXAMEN (du 19 juin au 8 juillet 2017)
Rendu attendu /1/ : Présentation orale et affichage des planches
- plans et 4 façades, échelle 1/50 (formats et modalités communiqués durant
le cours)
VENDREDI 28 AVRIL Rendu final (cf. «liste des documents à
Travail en atelier : rendre» pour les détails) :
- continuer le modèle axonométrique, - plans, coupes, façades, échelle 1/50
échelle 1/50 - axonométries, échelle 1/50
- continuer la construction de la maquette, - fiche inventaire, format A4
échelle 1/20 - cahier critique, format A5
Rendu attendu /2/ : - maquette, échelle 1/20
- les 2 coupes, échelle 1/50

VENDREDI 12 MAI
Travail en atelier :
- continuer le modèle axonométrique,
échelle 1/50
- continuer la construction de la maquette,
échelle 1/20
Rendu attendu :
- les 2 axonométries doivent être commen-
cées. échelle 1/50
- la maquette en cours de construction,
échelle 1/20

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Projet sous la direction du
Laboratoire des arts pour les sciences - LAPIS
Avec la collaboration du
Service des bâtiments, monuments et archéologie du Canton du Valais - SBMA

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