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Cahiers de Douai
Cahiers de Douai
Deuxième Cahier
Cahiers(de(Douai(
1870%
1! !
Histoire des « Cahiers De Douai » Biographie de Rimbaud – A rédiger vous-même en quelques lignes. Evitez
absolument le copier-coller aveugle qui n’apprend rien (si cela me satisfaisait, je le
Avant Douai. Rimbaud écrit plusieurs lettres au poète Théodore de Banville. Dans ferai tout seul !!!) Au contraire, feuilletez quelques notices et efforcez-vous d’entirer
l’une de ses lettres il joint «Par les beaux soirs d’été » qui sera publié sous le nom « ce qui vous paraît essentiel : grandes dates, étapes, œuvres…
Sensations ». Il envoie aussi « Ophélie » et « Credo In Unam » (qui deviendra, après
quelques modificattions, « Soleil et Chair »). Sa correspondance avec Izambard
contient des poèmes tels que « Les reparties de Nina », et « À la Musique ».
À Douai. Le 29 août 1870 Arthur Rimbaud fait sa première fugue. Il prend le train
pour Paris, mais il n’a pas d’argent et est arrêté pour vagabondage, puis enfermé
dans la prison de Mazas, qui est connue pour être une prison politique où sont
incarcérés alors de nombreux opposants républicains au régime de Napoléon III. Il
écrit à son professeur Izambard, qui le fait libérer et l’accueille dans sa maison
familiale de Douai. Il reste à Douai jusqu’à la fin du mois de septembre (26 ou 27).
Entre-temps, il fait connaissance avec Paul Demeny, auteur du recueil Les Glaneuses.
Rimbaud, peut-être dans l’espoir d’être publié, recopie quinze poèmes qu’il a déjà
écrits : c’est ce qu’on peut appeler le premier « cahier ».
Moins de deux semaines après être rentré à Charlesville, le 7 octobre, Rimbaud
s’enfuit à nouveau, à pied cette fois, et en passant par la Belgique. Pendant le voyage
sans doute il écrit sept poèmes, des sonnets : « Le Dormeur du val », « Au Cabaret-
Vert », « La Maline », « L’éclatante victoire de Sarrebrück », « Rêvé pour l’hiver »,
« Le buffet » et « Ma bohême ». Il arrive après une semaine de marche à Douai, où il
recopie les poèmes. Avant d’être « raccompagné » à Charleville, sans doute par les
gendarmes, Rimbaud confie à Demeny l’ensemble de ses poèmes recopiés. Il écrit
un message hâtivement griffonné au dos de « Soleil et Chair »: « Je viens pour vous Lire Rimbaud, c’est plonger dans l’écriture d’un poète de 16-17 ans. Votre âge ! Si
dire adieu, je ne vous trouve pas chez vous… » Ce paquet est appelé « Le Recueil de j’ai choisi de travailler sur ce recueil, c’est qu’encore inachevé, à l’état de manuscrit,
Demeny ». il permet de découvrir ce qui fait l’essence de la poésie de Rimbaud. Tout est
soigneusement recopié dans des cahiers d’écolier, prêt à être proposé aux auteurs
Plus tard. Le 10 octobre 1871 Arthur Rimbaud écrit à Paul Demeny en lui qu’admire Rimbaud ou à son professeur de lycée, Georges Izambard avec qui
demandant de brûler ses poèmes. Demeny ne brûle pas les poèmes et les vend à l’adolescent s’est lié d’amitié. Mais l’ensemble n’est pas pour autant achevé. Des
Rodolphe Darzens qui connaissait l’existence des manuscrits grâce à Izambard. Les ratures subsistent, des hésitations, des doutes…
manuscrits sont publiés en 1891 par Léon Genonceaux. Le « Recueil de Demeny »
se trouve dans la British Library depuis 1986. La retranscription des poèmes se trouve à l’adresse suivante :
http://michel.balmont.free.fr/pedago/rimbaudouai/tr-douai/index.htm
Cette présentation, de Mario Rousselin, se trouve sur Internet à l’adresse suivante :
http://web.me.com/laurentgachet/Arthur_Rimbaud/Blog/Blog.html Les poèmes étant dans le domaine public, je les ai moi-même mis en page dans ce
recueil. Il me semblait important de vous offrir à la fois les textes et la reproduction,
même partielle, de ces cahiers.
« Mais je sais, maintenant ! Moi, je ne peux plus croire, « Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous !
Quand j'ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau Le tas des ouvriers a monté dans la rue,
Qu'un homme vienne là, dague sur le manteau, Et ces maudits s'en vont, foule toujours accrue
Et me dise : Mon gars, ensemence ma terre ; De sombres revenants, aux portes des richards.
Que l'on arrive encor, quand ce serait la guerre, Moi, je cours avec eux assommer les mouchards :
Me prendre mon garçon comme cela, chez moi ! Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l'épaule,
- Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi,
Tu me dirais : Je veux !.. - Tu vois bien, c'est stupide. Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,
Tu crois que j'aime voir ta baraque splendide, Et, si tu me riais au nez, je te tuerais !
Tes officiers dorés, tes mille chenapans, - Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais
Tes palsembleu bâtards tour<n>ant comme des paons : Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes
Ils ont rempli ton nid de l'odeur de nos filles Pour se les renvoyer comme sur des raquettes
Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles Et, tout bas, les malins ! se disent : « Qu'ils sont sots ! »
Et nous dirons : C'est bien : les pauvres à genoux ! Pour mitonner des lois, coller de petits pots
Pleins de jolis décrets roses et de droguailles
Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous ! S'amuser à couper proprement quelques tailles,
Et tu te soûleras, tu feras belle fête. Puis se boucher le nez quand nous marchons près d'eux,
- Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête ! - Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux !
« Non. Ces saletés-là datent de nos papas ! Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes....
Oh ! Le Peuple n'est plus une putain. Trois pas C'est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes !
Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
Cette bête suait du sang à chaque pierre Et de ces ventres-dieux. Ah ! ce sont là les plats
Et c'était dégoûtant, la Bastille debout Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces,
Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses !.. »
Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre !
- Citoyen ! citoyen ! c'était le passé sombre Il le prend par le bras, arrache le velours
Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour ! Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours
Nous avions quelque chose au coeur comme l'amour. Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,
Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines. La foule épouvantable avec des bruits de houle,
Et, comme des chevaux, en soufflant des narines Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là.... Avec d[s]es bâtons forts et d[s]es piques de fer,
Nous marchions au soleil, front haut, - comme cela -, Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
5! !
Tas sombre de haillons t[s]aignant de bonnets rouges :
L'Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant !
Au roi pâle et suant qui chancelle debout, Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
Malade à regarder cela ! De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
« C'est la Crapule, De mauvais, travaillant sous l'auguste sourire
Sire. ça bave aux murs, ça monte, ça pullule : D'une femme qu'on aime avec un noble amour :
- Puisqu'ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux ! Et l'on travaillerait fièrement tout le jour,
Et l'on se sentirait très he
Je suis un forgeron : ma femme est avec eux, Ecoutant le devoir comme un clairon qui sonne :
Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries ! Et l'on se sentirait très heureux ; et personne
- On ne veut pas de nous dans les boulangeries. Oh ! personne, surtout, ne vous ferait ployer !
J'ai trois petits. Je suis crapule. - Je connais On aurait un fusil au-dessus du foyer....
Des vieilles qui s'en vont pleurant sous leurs bonnets
Parce qu'on leur a pris leur garçon ou leur fille : « Oh ! mais l'air est tout plein d'une odeur de bataille
C'est la crapule. - Un homme était à la bastille, Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille !
Un autre était forçat : et tous deux, citoyens Il reste des mouchards et des accapareurs.
Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens : Nous sommes libres, nous ! nous avons des terreurs
On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose Où nous nous sentons grands, oh ! si grands !
Qui leur fait mal, allez ! C'est terrible, et c'est cause Tout à l'heure Je parlais de devoir calme, d'une demeure....
Que se sentant brisés, que, se sentant damnés, Regarde donc le ciel ! - C'est trop petit pour nous,
Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez ! Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux !
Crapule. - Là-dedans sont des filles, infâmes Regarde donc le ciel ! - Je rentre dans la foule
S[P]arceque, - vous saviez que c'est faible, les femmes, - Dans la grande canaille effroyable, qui roule,
Messeigneurs de la cour, - que ça veut toujours bien, - Sire, tes vieux canons sur les sales pavés :
Vous avez craché sur l'âme, comme rien ! - Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés
Vos belles, aujourd'hui, sont là. C'est la crapule. - Et si, devant nos cris, devant notre? vengeance,
Les pattes des vieux rois mordorés, vers[sur] la France
« Oh ! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle Poussaient leurs régiments en habits de gala
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont, Eh bien, n'est-ce pas, <Vous> tous <?> Merde à ces chiens-là ! »
Qui dans ce travail-là sentent crever leur front
Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là, sont les Hommes ! - Il reprit son marteau sur l'épaule.
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes La foule
Pour les grands temps nouveaux où l'on voudra savoir, Près de cet homme-là se sentait l'âme soûle,
Où l'Homme forgera du matin jusqu'au soir, Et, dans la grande cour, dans les appartements,
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes ch[a]uses, Où Paris haletait avec des hurlements,
Où, lentement vainqueur, il domptera les choses Un frisson secoua l'immense populace
Et montera surtout[sur Tout], comme sur un cheval ! Alors, de sa main large et superbe de crasse
Oh ! splendides lueurs des forges ! Plus de mal, Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
Plus ! - Ce qu'on ne sait pas, c'est peut-être terrible : Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !
Nous saurons ! - Nos marteaux en main ; passons au crible
6! !
Soleil et chair Et va, les yeux fermés et les oreilles closes :
- Et pourtant, plus de dieux ! plus de dieux ! l'Homme est Roi
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie L'Homme est Dieu ! Mais l'Amour, voilà la grande Foi !
Verse l'amour brûlant à la terre ravie, Oh ! si l'homme puisait encore à ta mamelle,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle ;
Que la terre est nubile et déborde de sang ; S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté
Que son immense sein, soulevé par une âme, Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
Est d'amour comme dieu, de chair comme la femme, Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons, Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,
Le grand fourmillement de tous les embryons ! Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs !
Et tout croît, et tout monte !
- O Vénus, ô Déesse ! II
Je regrette les temps de l'antique jeunesse, Je crois en toi ! je crois en toi ! Divine mère,
Des satyres lascifs, des faunes animaux, Aphrodité marine ! - Oh ! la route est amère
Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sacroix ;
Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde ! Chair, Marbre, Fleur, Venus, c'est en toi que je crois !
Je regrette les temps où la sève du monde, - Oui l'Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts Il a des vêtements, parce qu'il n'est plus chaste,
Dans les veines de Pan mettaient un univers !. Parce qu'il a sali son fier buste de dieu,
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre ; Et qu'il a rabougri, comme une idole au feu,
Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre Son corps Olympien aux servitudes sales !
Modulait sous le s[c]iel le grand hymne d'amour ;
Où, debout sur la plaine, il entendait autour Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles
Répondre à son appel la Nature vivante ; Il veut vivre, insultant la première beauté !,
Où les arbres muets, berçant l'oiseau qui chante, - Et l'Idole où tu mis tant de virginité,
La terre berçant l'homme, et tout l'Océan bleu Où tu divinisas notre argile, la Femme,
Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu Afin que l'Homme pût éclairer sa pauvre âme
Et monter lentement, dans un immense amour,
Soleil et chair, suite De la prison terrestre à la beauté du jour,
Je regrette les temps de la grande Cybèle La Femme m[n]e sait plus même être courtisane ! -
Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle, C'est une bonne farce ! et le monde ricane
Sur un grand char d'airain, les splendides cités ; Au nom doux et sacré de la grande Venus !
Son double sein versait dans les immensités
Le pur ruissellement de la vie infinie III
L'Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie, Si les temps revenaient, les temps qui sont venus !
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux. - ?[C]ar l'Homme a fini ! l'Homme a joué tous les rôles !
- Parce qu'il était fort, I'Homme était chaste et doux. Au grand jour, fatigué de briser des idoles
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
Misère ! Maintenant il dit : Je sais les choses, Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux !
7! !
L'Idéal, la pensée invincible, éternelle, - Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
Tout le dieu qui vit, sous notre <son> argile charnelle, Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
E[M]ontera, montera, brûlera sous son front ! Etale fièrement l'or de ses larges seins
Et quand tu le verras sonder tout l'horizon, Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,
Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte, - Hèraclés, le Dompteur, qui, comme d'une gloire
Tu viendras lui donner la Rédemption sainte ! Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,
- Splendide, radieuse, au sein des grandes mers S'avance, front terrible et doux, à l'horizon !
Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
L'Amour infini dans un infini sourire ! Par la lune d'été vaguement éclairée
Le Monde vibrera comme une immense Iyre
Dans le frémissement d'un immense baiser Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
- Le Monde a soif d'amour : tu viendras l'apaiser. Dans la clairière sombre où la mousse s'étoile,
La Dryade regarde au ciel silencieux....
IV - La blanche Séléné laisse flotter son voile,
Ô splendeur de la chair ! ô splendeur idéale ! Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Ô renouveau d'amour, aurore triomphale Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...
Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros - La Source pleure au loin dans une longue extase...
Kallipige la blanche et le petit Eros C'est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,
Effleureront, couverts de la neige des roses, Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.
Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses ! - Une brise d'amour dans la nuit a passé,
- Ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglots Et, dans les bois sacrés, dans l'horreur des grands arbres,
Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Blanche sous le soleil, la voile de Thésée, Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
Ô douce vierge enfant qu'une nuit a brisée, - Les Dieux écoutent l'Homme et le Monde infini !
Tais toi ! Sur son char d'or brodè de noirs raisins,
Lysios, promenè dans les champs Phrygiens Arthur Rimbaud
Par les tigres lascifs et les panthères rousses, mai 70.
Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.
Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant
Le corps nu d'Europé, qui jette son bras blanc
Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague
Il tourne lentement vers elle son oeil vague ;
Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur
Au front de Zeus ; ses yeux sont fermés ; elle meurt
Dans un divin baiser, et le flot qui murmure
De son écume d'or fleurit sa chevelure.
- Entre le laurier rose et le lotus jaseur
Glisse amoureusement le grand Cygne rêveur
Embrassant la Léda des blancheurs de son aile ;
8! !
Ophélie Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parolet
I - Et l'Infini terrible ég[f]fara ton oeil bleu !
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys, III
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles... - Et le poète dit qu'aux rayons des étoiles
- On entend dans les bois de lointains <des> hallalis. Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir
Voici plus de mille ans que sa douce folie Arthur Rimbaud.
Murmure sa romance à la brise du soir
II
Ô pale Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un rev[fl]euve emporté !
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;
Messire Belzébuth tire par la cravate Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel, Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, les[ur] claquant au front un revers de savate, Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Les fait danser, danser aux sons d'un vieux Noël ! Rebondit dans le bal au chant des ossements.
Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles : Au gibet noir, manchot aimable,
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour Dansent, dansent les paladins,
Que serraient autrefois les gentes damoiselles, Les maigres paladins du diable,
Se heurtent longuement dans un hideux amour. Les squelettes de Saladins.
Hurrah ! les gais danseurs, qui n'avez plus de panse ! Arthur Rimbaud
On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !
Hop ! qu'on ne sache plus si c'est bataille ou danse !
Belzébuth enragé racle ses violons !
Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ; Au rose églantier qui t'embête
- Et tout ce corps remue et tend sa large croupe Aimablement :
Belle hideusement d'un ulcère à l'anus. Riant surtout, ô folle tête,
11! !
A ton amant !.... Leurs parfums forts !
Qui coule, bleu, sous ta peau blanche Moussant entre les larges pipes
Aux tons rosés : Qui, crânement,
Et te parlants la langue franche.... Fument : les effroyables lippes
Tiens !... - que tu sais... Qui, tout fumant,
Les bons vergers à l'herbe bleue Frôlé par un mufle qui gronde
Aux pommiers tors ! D'un ton gentil,
Comme on les sent tout une lieue Et pourlèche la face ronde
12! !
Du cher petit..... A la musique
Noirs dans la neige et dans la brume, T[M]ais bien bas, - comme une prière….
Au grand soupirail qui s'allume, EtRepliés vers cette lumière
Leurs culs en rond, Du ciel rouvert
II
- Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche, «… Français de soixante-dix, bonapartistes,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond républicains, souvenez-vous de vos pères en 92, etc... ;
- Paul de Cassagnac
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
Le Pays.
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! — On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête…
Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize,
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui, pâles du baiser fort de la liberté,
Qui palpite là, comme une petite bête…
Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse
Sur l'âme et sur le front de toute humanité ;
III
Le coeur fou Robinsonne à travers les romans,
Hommes extasiés et grands dans la tourmente,
- Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Vous dont les coeurs sautaient d'amour sous les haillons,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
O Soldats que la Mort a semés, noble Amante,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père…
Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons ;
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Vous dont le sang lavait toute grandeur salie
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d'Italie
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…
Ô million de Christs aux yeux sombres et doux ;
- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…
Nous vous laissions dormir avec la République,
IV
Nous, courbés sous les rois comme sous une trique.
Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.
- Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous !
Vous êtes amoureux. — Vos sonnets la font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
Arthur Rimbaud.
- Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire… !
fait à Mazas, 3 septembre 1870.
15! !
Le Mal. Rages de Césars
L'homme pâle, le long des pelouses fleuries,
Tandis que les crachats rouges de la mitraille Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents :
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ; L'Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
Qu'écarlates ou verts, près du chef[Roi] qui les raille, - Et parfois son oeil terne a des regards ardents...
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Car l'Empereur est soûl de ses vingt ans d'orgie !
Tandis qu'une folie épouvantable, broie Il s'était dit : « Je vais souffler la liberté
Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ; Bien délicatement, ainsi qu'une bougie ! »
- Pauvres morts ! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie, La liberté revit ! Il se sent éreinté !
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !.. -
Il est pris. - Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes
- Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées Tressaille ? Quel regret implacable le mord ?
Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or ; On ne le saura pas. L'Empereur a l'oeil mort.
Qui dans le bercement des hosannah s'endort,
Il repense peut-être au Compère en lunettes...
Et se réveille, quand des mères, ramassées - Et regarde filer de son cigare en feu,
Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir, Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu.
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
Arthur Rimbaud
Arthur Rimbaud.
16! !
Second&cahier& Le Dormeur du Val.
!
À *** Elle. C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
Rêvé Pour l'hiver D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus. Un soldat jeune, lèvre bouche ouverte, tête nue,
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dans chaque coin moelleux. Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs, Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Ces monstruosités hargneuses, populace Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
De démons noirs et de loups noirs. Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Puis tu te sentiras la joue égratignée... Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Un petit baiser, comme une folle araignée, Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Te courra par le cou... Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
17! !
Au Cabaret-Vert, cinq heures du soir L'éclatante victoire de Sarrebrück, -
remportée aux cris de vive l'Empereur ! (Gravure belge
Depuis huit jours j'avais déchiré mes bottines brillamment coloriée, se vend à Charleroi, 35 centimes.
Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi.
- Au Cabaret-Vert : je demandais des tartines Au milieu, l'Empereur, dans une apothéose
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid. Bleue et jaune, s'en va, raide, sur son dada
Flamboyant ; très heureux, - car il voit tout en rose,
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table Féroce etc[o]mme Zeus et doux comme un papa ;
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. - Et ce fut adorable, En bas, les bons Pioupious qui faisaient la sieste
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs, Près des tambours dorés et des rouges canons,
- Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! – Se lèvent gentiment. Pitou remet sa veste,
Et, tourné vers le Chef, s'étourdit de grands noms !
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié, A droite, Dumanet, appuyé sur la crosse
Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse De son chassepot, sent frémir sa nuque en brosse,
Et : « Vive l'Empereur ! ! » - Son voisin reste coi...
D'ail, - et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un sole[rayon] de soleil arriéré Un shako surgit, comme un soleil noir... - Au centre,
Boquillon rouge et bleu, très naïf, sur son ventre
Se dresse, et, - présentant ses derrières - : « De quoi ?... »
La Maline
Dans la salle à manger brune, que parfumait
Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise
Je ramassais un plat de je ne sais quel met
Belge, et je m'épatais dans mon immense chaise.
18! !
Le Buffet
Ma Bohême (Fantaisie)