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Chimie Des savons magnétiques ne équipe menée par Julian Eastoe, de l'Université de Bristol, a synthétisé des molécules de savon qui sont sen- sibles a un champ magnétique. De ielles substances ouvrent la voie au contréle d’émulsions liquides sim- plement en appliquant un champ magnétique externe. Les molécules de savon sont des surfactants, qui ont une partie hydrophile (attirée par les molé- cules d’eau) et une partie hydro- phobe. De ce fait, elles réduisent la tension de surface entre l'eau et, par exemple, I’huile en se plaganta |'in- terface des deux liquides, leur par- tie hydrophile dirigée vers l'eau et leur partie hydrophobe dirigée vers Vhuile. Cela leur permet de dis- soudrel’huile: les molécules de sur- factant, ou tensioactifs, rendent Yinterface eau-huile beaucoup plus élastique, ce quipermet al‘huile de se disperser en de nombreuses petites gouttelettes, séparées de Yeau par des molécules de savon. L’équipe de J. Eastoe a réussi a incorporer des ions magné tiques tels que FeCl, ou FeCl;Br- a des molécules tensioactives. En l'absence de champ magnétique externe, les nouvelles molécules sont déja plus efficaces que les surfactants dont elles sont issues; en d’autres termes, elles réduisent davantage la tension de surface. Et quand un champ magnétique est appliqué, la tension de surface subit une réduction supplémentaire: avec un aimant de 0/4 tesla placé a un millimetre d’une solution aqueuse du savon, la tension de surface est réduite de pres de dix pour cent. La caractérisation structurale des solutions de ces savons a été effectuée a|Institut Laue-Langevin (ILL), a Grenoble, par la technique de diffusion de neutrons aux petits angles. Comme les tensioactifs de départ, les molécules modifiées for- ment de petits agrégats nommés micelles, ou la partie centrale est occupée par les chaines hydro- phobes, protégées du contact de l’eau par les tétes polaires hydro- philes. « Nous avons montré que ces savons modifiés gardent leurs propriétés d’auto-assemblage, donc de nettoyage, et avons caractérisé la taille des micelles formées », indique Isabelle Grillo, responsable des laboratoires de chimie a |'ILL et cosignataire de J’étude. Jusqu’ici, on arrivait a modu- ler les propriétés physico-chimiques (hydrophobie, conductivité élec- trique, point de fusion, etc.) de solu- tions de surfactants en modifiant le pH, la température, la pression... Mais cela conduisait a des chan- gements irréversibles ou exigeait beaucoup d’énergie. Les savons magnétiques offrent la possibilité de changements réversibles via l'ap- plication d’un champ externe. On envisage ainsi des savons pou- vant éire récupérés avec un aimant aprés avoir agi, ce qui serait inté- ressant par exemple dans les opé- rations de traitement des marées noires. Pour |’instant, onenest loin... Angewandte Chemie, en ligne, 20 janvier 2012 2 “ $ S 2 = 5 © MAGNETISME Un aimant peut aussi attirer du savon Goutte de liquide tensioac’ Merrie eT] Voici le premier savon sensible 4 un champ magnétique, attiré par un aimant comme une piéce métallique ! Pour le réaliser, une équipe internationale de chercheurs a ajou- té des chlorures de fer 4 des tensioactifs (le nom scientifique du savon) : des molécules composées d'une partie hydrophile — qui at tire l'eau -, et une partie hydrophobe — qui la repousse. Ces molécules se regroupent en agrégats, nommeés micelles, la partie hy- drophobe se tournant aVintérieur. Les chio- rures de fer, eux, se placent al’extérieur, du cété hydrophile. Lidée a lair simple, mais encore fallait-il vérifier que la présence de cette substance ne perturbe pas les proprié- tés nettoyantes du savon. Pari gagné : les propriétés tensioactives sont méme légére- ment améliorées par cet ajout. Coté application, on pense tout de suite aux marées noires : si on pouvait récupérer le pétrole avec ces tensioactifs (ce que l’on fait déja), puis capter l'ensemble 4 Vaide d’aimants, la dépollution serait grandement facilitée. De !'aveu méme des spécialistes, nous n’en sommes hélas ! pas encore 1a. En effet, pour attirer une seule goutte de ce tensioactif, les chercheurs utilisent un aimant de 0,4 tesla, c’est-a-dire prés de 10 000 fois plus élevé que le champ ma- gnétique terrestre ! Aucun aimant actuel ne permettrait donc d’extraire ainsi toute une nappe de pétrole. Mais cette démonstration de faisabilité n’est pas pour autant un coup d’épée dans l'eau. « A Uaide daimanis, on pourrait guider des ten- sioactifs incorporant des médicaments jusqu’a une zone ciblée dans le corps », in- delle Grillo, qui a étudié ces ten- sioactifs 4 l’aide de neutrons a Grenoble. Autre idée : faire circuler des fluides magnétiques dans des biopuces. La balle est dans le camp des ingénieurs. C.M.

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