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Biologie moléculaire i A I 2 = PACES Alon 4° édition Abderrahman Maftah Jean-Michel Petit Raymond Julien u's meng - nis DUNOD Les illustrations de cet ouvrage ont été réalisées par Sébastien ARICO. Directeur d’ouvrage Raymond JULIEN le piclogromme qui figure cicontre clenseignement supérieur, jont une in ow evgicoen. Gon chit eats Lule dr chs Ire ee cleo elec wr fa menace quero cu pote lponbi néne por représente pour lavenir de Vr, la ces de eer particuligrerent dons le domoine rounded Scioto: de Véition technique et univers redemen es cujourd ui menacée. Iaire, le développement massif du Nous rappelons done que toute pholecopila repreducion, porielle ov totale, fe Code de prop intelle- de la présente publication est Iuelle du 1® juile! 1992 interdit | LEPHTOOOPLUGE| interdite sans culorisation de en effet expressément la photoco- (TUE LELIVRE) auteur, de son édiieur ov du pie & usage collectif sans autori- Centre frangais dexploitation du sation des oyonts droit. Or, cette pratique droit de copie (CFC, 20, rue des Ses gbneralsGe dans les iblisemen's Grands Augsins, 75066 Por) © Dunod, Paris, 2007, 2011, 2015, 2018 11, rue Paul Bert, 92210 Malakoff 3 www.dunod.com ISBN 978-2-10-077369-5 le Code de la propriéié intellectuelle n’autorisant, aux termes de article L. 122.5, 2° et 3° a}, d’une part, que les « copies ou reproductions striclement réservées & l'usage privé du copiste et non destinges & une ulilsotion collective » at, d'outre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et dillustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou parielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est ilicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue- rait done une contrefacon sanctionnée par les articles 1. 3352 et suivants du Code de la propriété intellectuelle Table des matiéres 11 Structure de ’ADN et de I'ARN 4.1 Les composants des acides nucléiques La structure des nucléotides La structure des polynucléotides 1.2 La structure en double hélice de l'ADN La régle de Chargaff et les appariements complémentaires Les différentes formes d’ ADN Dissociation et réassociation des brins d’ ADN. Les surenroulements de l’ ADN. 1.3 Le nucléosome, la chromatine et les chromosomes La structure du nucléosome La structure et le remodelage de la chromatine La structure des chromosomes et le cycle cellulaire 1.4 La structure des génomes Qu’est-ce qu’un génome ? La taille des génomes Les génomes viraux Les génomes procaryotes Les génomes eucaryotes Les génomes d’ organites 1.5 Les différents types d’ARN Structure et fonction Qu’est-ce qu’un ARN non codant ? Qu’es Points clefs QCM -QROC Réponses e que 1’ ARN interférence ? UUnne = = oo 13 IV Biologie moléculaire 2 Réplication, réparation, recombinaison et transposition de l’ADN 24 2.2 2.4 Les mécanismes de réplication de l'ADN La chimie de synthése cellulaire des polydésoxyribonucléotides Laction de l’ADN polymérase La fourche de réplication Les autres enzymes et protéines de la réplication Les différentes ADN polymérases Les différentes étapes de la réplication Les erreurs de réplication de I’ADN et leur réparation Les altérations de la structure de ’ ADN Les mécanismes de réparation Les détériorations environnementales de I'‘ADN et leur réparation L’hydrolyse spontanée et les détériorations physico- chimiques Les agents intercalants La réparation des détériorations La recombinaison et la transposition de lADN Les mécanismes de recombinaison homologue La recombinaison en des sites spécifiques et la transposition Points clefs QCM - QROC Réponses 3 Latranscription de l'ADN 34 Les mécanismes de la transcription Les ARN polymerases Les différentes étapes de la transcription La transcription chez les bactéries Les promoteurs bactériens Le démarrage de la transcription La phase d’allongement Larrét de la transcription 33 33 34 35 36 37 40 41 47 48 61 69 70 72 75 75 75 77 78 78 79 79 81 Table des matiéres v 3.3 La transcription chez les eucaryotes 82 Les promoteurs eucaryotes et la polymérase II 82 Le démarrage : facteurs de transcription et complexe médiateur 83 Les phases d’allongement et d’arrét 86 Les modifications des transcrits 86 Les deux autres polymérases eucaryotes 89 3.4 L’épissage de l’ARN 90 Le mécanisme général 90 Le splicéosome 93, L’épissage alternatif et sa régulation 93, Exemples de réles biologiques de |’épissage alternatif 95 3.5 L'« editing des transcrits » 96 Points clefs 99 QCM - QROC 101 Réponses 102 La traduction des ARN messagers 105 4.1 Le code génétique 106 Le code génétique est dégénéré 106 Le code a été établi expérimentalement 108 Le code est lu sur |’ ARN messager dans le sens 5’-3” 108 Les codons ne sont pas chevauchants 109 Les mutations modifiant le sens des codons 109 Le code génétique est universel 1 4.2 Les principaux acteurs de la traduction 11 Les ARN messagers 112 Les ARN de transfert 112 Le ribosome 116 4.3 La traduction des ARN messagers bactériens 120 Le démarrage (initiation) de la traduction 120 L’étape d’allongement (élongation) de la chaine polypeptidique 122 Larrét de la synthése (terminaison) 125 vl Biologie moléculaire 4.4 La traduction des ARN messagers eucaryotes 125 Le démarrage de la traduction eucaryote 125 Les étapes d’allongement et d’arrét de la traduction eucaryote 128 Traduction et demi-vie des ARN messagers eucaryotes 128 Points clefs 131 QCM - QROC 132 Réponses 135 5 Régulation de l’expression des genes 139 5.1 Principes généraux 139 Les protéines régulatrices : activateurs et répresseurs 139 Le recrutement des ARN polymérases 140 Autres exemples de facteurs de régulation 141 5.2 Régulation chez les procaryotes 142 L’exemple historique : l’opéron lactose 142 Autres exemples 147 La régulation complexe du cycle vital du bactériophage | 151 5.3 Régulation chez les eucaryotes 156 Les régulateurs transcriptionnels 157 Le contréle des régulateurs transcriptionnels 161 Le contréle de l’épissage alternatif des transcrits ARN 164 5.4 Régulation traductionnelle de l’expression des génes eucaryotes 165 Eléments de structure des ARN messagers influengant la traduction 166 Le contréle général par la phosphorylation des facteurs de démarrage 167 Les mécanismes spécifiques régulant I’ attachement du ribosome 4 I’ARN messager 169 Les mécanismes de régulation plus tardifs 170 Les mécanismes de régulation de la traduction par les micro-ARN 170 Table des matiéres vil Virrésistible ascension de ! ARN comme régulateur de I’expression des génes 174 Points clefs 177 QCM-QROC 179 Réponses 182 6 Techniques de biologie moléculaire 185 6.1 La création de molécules d’ADN recombinant 185 Couper I’ ADN : les enzymes de restriction 185, Ligaturer ’ ADN 187 6.2 Les vecteurs de clonage 189 Les plasmides 190, Les vecteurs viraux 193 Les cosmides 193 Les chromosomes artificiels bactériens 194 Les vecteurs pour levures 194 Les vecteurs pour les eucaryotes supérieurs 196 6.3 Les banques d‘ADN 196 Les banques d’ADN génomique 196 Les banques d’ ADN complémentaire 197 6.4 Les techniques d’analyse de l'ADN 197 Le séquengage des acides nucléiques 197 Les nouvelles techniques de séquengage 201 Application au séquengage de |’ ARN 203 Application a la métagénomique 205 Une nouvelle révolution dans le séquengage 207 La réaction de polymérisation en chaine (PCR) 210 La PCR quantitative en temps réel 210 Les techniques d’hybridation des acides nucléiques 213 Les techniques de localisation des sites de liaison 4’ ADN 215 6.5 Le criblage de cellules recombinées 217 Criblage par PCR 217 Criblage a I’ aide de sites de restriction 218 vill Biologie moléculaire 6.6 Les applications de la technologie de l’'ADN recombinant 219 La mutagenése 219 Le systéme double-hybride 223 Transfert et expression de génes eucaryotes chez les procaryotes 224 Transfert et expression de génes dans les levures 228 Génie génétique et cellules eucaryotes supérieures 229 Utilisation de vecteurs rétroviraux pour la transfection des cellules 231 Les génes rapporteurs et études des séquences promotrices 232 Un nouvel outil remarquable d’ingénierie des génomes : le syst8me CRISPR-Cas 9 235 Les techniques d’ analyse de I’épigénome 239 Points clefs 241 QCM-QROC 243 Réponses 246 Glossaire 249 Index 259 Structure de l’ADN et de l’ARN 1.1 Les composants des acides nucléiques 1.2 La structure en double hélice de ADN 1.3 Le nucléosome, la chromatine et les chromosomes 1.4 La structure des génomes 1.5 Les différents types d’ARN PLAN > Définir les structures chimiques des acides nucléiques, notamment celle de la double hélice de l'ADN > Etudier les assemblages complexes auxquels participe lADN (nucléosome, chromatine) > Répertorier d'un point de vue structural et fonctionnel les différents types d’ARN Co) els 1.1 LES COMPOSANTS DES ACIDES NUCLEIQUES Les acides nucléiques (ADN et ARN) sont des macromolécules compo- sées d’un enchainement d’unités structurales appelées nucléotides. Ce sont done des polynucléotides. A état libre, chaque nucléotide est constitué : > d'une base (Fig. 1-1), qui peut étre une purine (composée de deux hétérocycles azotés) ou une pyrimidine (un seul hétérocycle azoté) ; > d'un pentose (ose a cing atomes de carbone, Fig. 1-2) ; > d'un & trois groupes phosphate (Fig. 1-3). Les atomes des bases (C et N) portent les chiffres 1 4 6 pour les pyrimidines et 1 & 9 pour les purines, alors que les atomes C du pentose portent les chiffres 1’ 4 5’. Le signe prime ajouté a ces derniers les distingue de ceux des bases. L’ose, par son carbone 1’, établit une liaison N-glycosidique avec I’azote | des pyrimidines ou V'azote 9 des purines. Par son carbone 5’, il forme une liaison ester avec un premier groupe phosphate (désigné pour cette raison phos- phate ). Ce dernier peut former des liaisons anhydride d’acide (Fig. 1-3) avec des groupes phosphate f et 7 ou des liaisons ester avec un groupe OH porté par le carbone 3” du pentose précédent (Fig. 1-4). pyrigl Chapitre 1 + Structure deI'ADN et de 'ARN HS LH N | dias H-c8 \ Be Adénine (6 aminopurine) i Ny Cytosine (2 oxo, 4 aminopyrimidine) Hay vw Hy c, No IN IC; ~ H N So 5 méthyl-cytosine Guanine (2 amino, 6 oxopurine) Thymine (5méthyl-uracile) Uracile (2,4 dioxopyrimidine) Figure 1-1 Structures chimiques des bases puriques (Adénine, Guanine) et des bases pyrimidiques (Cytosine, Thymine, Uracile) des acides nucléiques ADN et ARN. Des formes méthylées peuvent aussi étre rencontrées (5-méthyl cytosine). Lunion d'une base et d’un pentose s’appelle un nueléoside. Dés qu’un groupe phosphate est présent, l’ensemble est désigné par le terme nucléotide. Il en résulte toute une nomenclature dont un exemple est donné (Fig. 1-3). 1.1 + Les composants des acides nucléiques B-D-ribose B-D-désoxyribose Figure 1-2 Les deux pentoses respectifs de I'ARN et de ADN. HAH | WN ESS o ° Oo” H fi cy 8 IN ly I Ve | H—C's | | om POF 0 FO o—u \ ef, 3c q fo) ° Lay ae NZ “a * Cy Base (A) mm —— Désoxyribonucléoside (dA) Désoxyribonucléoside 5' monophosphate (JAMP) A(t Désoxyribonucléoside 5' diphosphate (dADP) « Désoxyribonucléoside 5' triphosphate (dATP) Figure 1-3 Structure détaillée d'un désoxyribonucléoside triphosphate. En remplacant la lettre A (Adénine) par les lettres G,C, T/U et le désoxyribose par le ribose, la nomenclature est généralisable a tous les nucléotides de 'ADN et de I'ARN. La structure des nucléotides Dans I’ ADN, I’ ose est le 2’-désoxyribose (Fig. 1-2) et les nucléotides sont des désoxyribonucléosides monophosphates (Fig. 1-4). Ils ne comportent qu’un seul groupe phosphate (le phosphate ) ; ses puriques de I’ ADN sont l’adénine et la guanine. s s pyrimidiques de I’ADN sont la cytosine et la thymine (Fig. 1-1). 4 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN b) Al Al ss s Ly L + -o bo bo f & pyrophosphate Figure 1-4 Principe de la formation d'un brin d’ADN par la polymérisation des nucléotides. Noter que le brin matrice qui est normalement copié n'est pas ici représenté.a) représentation développée ;b) représentation simplifide. Dans |’ ARN, I’ose étant un ribose (Fig. 1-2), les nucléotides sont des ribonucléosides monophosphates. Dans I’ ARN, l’uracile remplace la thymine. Dans l'ADN, la cytosine peut étre méthylée sur le carbone 5 pour donner la 5-méthyl-cytosine (Fig. 1-1). Les cytosines méthylées sont souvent présentes dans des régions de séquences ADN © 2018 Dunod. 1,2 + La structure en double hélice de 'ADN 5 riches en répétition de nucléotides 4 guanine et cytosine (les flots a dinucléotides CpG). La structure des polynucléotides La structure d’un polynucléotide (polymére de nucléotides) repose sur la formation d’un nombre parfois élevé (plusieurs millions) de liaisons phosphodiester entre les nucléotides constitutifs (Fig. 1-4). Chaque liaison phosphodiester s’établit entre le groupe OH du carbone 3’ d’un pentose et le groupe OH porté par le carbone 5’ du pentose suivant. C’est la liaison phosphodiester 3’-5’. Il en résulte que I’ orien- tation du polynucléotide se trouve définie par la position du groupe phosphate libre du premier nucléotide, généralement le phosphate porté par le carbone 5’, et par le groupe OH libre porté par le carbone 3” du dernier nucléotide. On dit ainsi que le polynucléotide est orienté dans le sens 5’ vers 3’ (Fig. 1-4, voir aussi Fig. 1-6). 1.2. LASTRUCTURE EN DOUBLE HELICE DE L’ADN La régle de Chargaff et les appariements complémentaires LADN est un le nucléique bicaténaire, c’est-d-dire constitué de deux brins associés par des liaisons hydrogéne entre les bases. Les liaisons hydrogéne s’établissent toujours entre une purine de I’un des brins et une pyrimidine de l’autre brin. Dans cet appariement complé- mentaire, I’adénine (A) est toujours associée a la thymine (T) par deux liaisons hydrogéne et la guanine (G) interagit avec la cytosine (C) grace a trois liaisons hydrogéne (Fig. 1-5). Régle d’Erwin Chargaff. Le nombre de thymines est égal au nombre dénines et celui des cytosines au nombre de guanines. Ainsi, dans ’ADN, la quantité des purines (A+G) est égale 4 celle des pyrimidines (C+T). Par contre le rapport A+T sur G+C varie selon l’origine de |’ ADN (Tableau 1-1). Le principe d’appa- riement complémentaire des bases a une grande valeur pratique : il permet au biologiste de déterminer avec exactitude la séquence nucléotidique d’un brin d’ ADN dés lors qu’il connait celle du brin complémentaire, qu’il s’agisse d’un brin ADN ou d’un transcrit ARN (voir chap. 3). Lorientation d’un brin d’ ADN est définie par la présence des groupes chimiques 5’-phosphate et 3’-OH portés par les carbones 5’ et 3’ des deux désoxyriboses extrémes (Fig. 1-6 a). Dans la double hélice, les Copyright © 2018 Dunod. 6 Chapitre 1 + Structure deI'ADN et de 'ARN Figure 1-5 Appariements complémentaires des bases G-C et A-T. TABLEAU 1-1 COMPOSITION EN BASES DE L'ADN De DIFERENTES ORIGINES Origine de ADN bares) (AtT)(G+C) | (A+G)/(T+C) | %GC A G & T BactériophageT7 | 26,0 | 23,8 | 23,6 | 26,6 Wi 0,99 414 Escherichia coliB | 23,8 | 268 | 266 | 23,1 0,88 1,01 53,2 Neurospora | 23,0 | 27,1 | 266 | 233 0,86 1,00 538 Drosophile | 30,7 | 196 | 20,2 | 29,5 151 4,01 398 Saumon 28,0 | 22,0 | 200 | 27,8 1,33 1,05 420 Poule 28,0 | 22,0 | 21,6 | 28,4 1,29 1,00 436 Rat 28,6 | 214 | 216 | 284 1,33 1,00 429 Vache 273 | 225 | 225 | 27,7 1,26 0,99 430 Homme 29,3 | 20,7 | 200 | 30,0 1,46 1,00 407 Copyright © 2018 Dunod. 1.2.* La structure en double hélice de "ADN 7 deux brins complémentaires d’ ADN sont orientés en sens inverse (Fig. 1-6). On dit qu’ils sont antiparalléles. ) Extréemité 3° Extrémité 5" Extrémité 5° Extrémité 3 Extrémité 3° b) Extrémité 5' Extrémité 5' Extrémité 3° Figure 1-6 Structure des appariements complémentaires de deux brins anti- paralléles d’ADN.a) Représentation développée ;b) représentation simplifige. 8 Chapitre 1 + Structure deI'ADN et de ARN Lassociation des deux brins par des liaisons hydrogéne génére une contrainte physique qui impose 4 I’ensemble l'adoption d’une struc- ture en double hélice (Fig. 1-7). Dans le modéle original, proposé par James Watson et Francis Crick en 1953, la double hélice a un diamétre de 2 nm et présente deux périodicités. La premiére de 0,34 nm, correspond & la distance séparant deux plateaux de bases appariées. La seconde de 3,4 nm correspond au pas de l’hélice qui couvre une longueur de 10,5 plateaux de bases (Fig. 1-7). Ala surface de la molé- cule d’ ADN, les deux brins torsadés ménagent deux sillons hélicoidaux de largeur différente, un sillon majeur ou grand sillon et un sillon mineur ou petit sillon (Fig. 1-7). Ces deux sillons, tout particuligrement le grand sillon, exposent de nombreux groupes chimiques avec lesquels interagissent dans les conditions physiologiques de la cellule des protéines dites de liaison a l’ADN. Ces protéines jouent des réles de régulation de l’expression de l'information génétique portée par la séquence en bases proprement dite (voir chap. 5). Sillon majeur (1,2 nm) 3,54.nm Sillon mineur (0,6 nm) 2.37 nm L_D bens denroulement Figure 1-7 Représentation d'un fragment d/ADN en double hélice. A gauche, avec les plateaux de bases ; a droite, les atomes sont représentés avec leurs rayons de Van der Waals. Les différentes formes d’ADN En principe, les deux brins polynucléotidiques peuvent former une hélice de pas droit (forme dextre) ou une hélice de pas gauche (forme senestre). La premiére forme est la plus fréquente et existe en deux © 2018 Dunod. 1,2 + La structure en double hélice de 'ADN 9 variantes, l’ADN-A et l’ADN-B, qui différent, entre autres, par la taille de leurs hélices (Fig. 1-8). L ADN-A a un diamétre plus large (2,6 nm) que l’ ADN-B (2 nm). Il est plus compact avec une distance de 0,23 nm entre deux plateaux de bases successifs (11 plateaux par tour). La forme A est observée notamment dans les hélices hybrides. ADN-ARN. En solution et dans la cellule, c’est la forme B de 1 ADN qui est prédominante. Une forme senestre de l’ ADN étirée en zigzag (ADN-Z), avec un diamétre de 1,8 nm, est parfois observée (Fig. 1-8), mais sa signification physiologique reste incertaine. Sens de I'enroulement €@ ¢ 2,53 nm iV paires de bases par 3,54 nm tour dheiice todpaben te bases par 4,56 nm tour dhelice ‘2paires de bases par tour dreice 2,55 nm MMs ' 1,84 nm. Figure 1-8 Représentation simplifiée des formes A, B et Z de ’ADN. Dissociation et réassociation des brins d’ADN En chauffant une solution d’ ADN, I’agitation thermique provoque la rupture des liaisons hydrogéne et la séparation des deux brins (Fig. 1-9 a). Cette dissociation est mise en évidence par la mesure de Vabsorption de la lumiére ultraviolette 4 260 nm (longueur d’onde absorption maximale des bases puriques et pyrimidiques, due aux systémes des doubles liaisons conjuguées liant les atomes des hétéro- cycles). Sous sa forme bicaténaire (en double hélice) ’ ADN absorbe modérément la lumiére UV. Aprés dissociation des deux brins, sous une forme monocaténaire, le démasquage des bases provoque une 10 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN absorption plus marquée de la lumiére UV. Lenregistrement du phénoméne 4 260 nm fournit une courbe en forme de sigmoide, typique de la dissociation de 1’ ADN (Fig. 1-9 b). a) denaturation renaturation (chaleur, urée) (baisse T°) b) £ ‘ADN monocaténaire Bo porno nose 100 sf = Z2& z g= 5 Ee = BE Ponsa ann fan anna so § 38 8 5s & 5 ~ bicaténaire z \ Tm Température (°C) 1 Tm = 69,3 + 0,41(% G +C) = 100 8 °) 9 & 80 S 2 $ 60 3 8 — EcoliB 5 “ +— Homme 5 20 — Tetrahymena 2 e 0s (°C) 70 80 90 100 110 Figure 1-9 La dissociation de I'ADN et sa réassociation dépend de sa teneur en G+C. a) Représentation simplifiée de la dissociation-réassociation de I'ADN sous action d’agents dénaturants ; b) représentation simplifiée de la courbe sigmoide témoin du processus de dissociation. La formule établit la relation entre la teneur en G+C de I'ADN et la température de fusion de I'ADN ; ¢) droite reliant teneur en G+C et Tm de divers organismes. 1,2 + La structure en double hélice de 'ADN 11 La température pour laquelle on observe la dissociation de la moitié des molécules d’ADN est dénommée température de fusion ou Tm (« melting Temperature »). Plus un ADN est riche en bases G et C qui sont appariées par des triples liaisons hydrogéne, plus grande sera I’énergie nécessaire pour les rompre et plus élevée sera la température de fusion. A l’inverse, un ADN riche en bases A et T liges par seulement deux liaisons hydro- gene, aura une température de fusion plus basse. La présence d’ions ou d’agents déstabilisants (urée ou formamide) peut modifier la Tm. La teneur globale en bases G+C est une caractéristique variable suivant les grands groupes d’organismes (Fig, 1-9 c). Cela ne préjuge pas cependant de la distribution des paires AT et GC, souvent irréguliére, tout au long de la séquence, Dans certaines conditions expérimentales, les deux brins de 1’ ADN dissocié peuvent se réassocier et former 4 nouveau une double hélice. Le phénoméne s’ observe lors d’un refroidissement lent de la solution d’ADN préalablement chauffée (Fig. 1-9 a). Il est exploité pour réasso- cier des brins d’ ADN d’origine différente. On parle d’hybridation molé- culaire, et cette propriété est largement exploitée dans la recherche de séquences particuliéres dans l’ADN d’espéces différentes ou dans le génome d’une méme espéce. Des duplex hybrides peuvent aussi se former de cette maniére avec |’ARN et cette propriété est largement exploitée expérimentalement. La dissociation thermique de l’ ADN suivie de sa réassociation par refroidissement est une étape de base utilisée dans la réaction de polymérisation en chaine (voir chap. 6). Les surenroulements de l’‘ADN Du fait méme que l’ADN est un polymére flexible, sa structure dépend largement de son environnement salin et aussi des protéines avec lesquelles il peut se complexer. Sous la forme linéaire souvent observée dans la plupart des cellules, les extrémités de |’ ADN sont libres et les contraintes physiques intro- duites par ses divers ligands sont, pour cette raison, facilement ajustées. L’ADN peut cependant exister sous une forme circulaire, c’ est--dire sans extrémités libres. C’est le cas de l’ ADN bactérien, de beaucoup d@’ADN viraux et de |'ADN mitochondrial et chloroplastique ou de levure (Tableau 1-2). C'est aussi le cas des plasmides, petits chromo- somes bactériens surnuméraires capables de s’auto-répliquer de facon autonome. L’ADN circulaire subit des contraintes physiques 12 Chapitre 1 + Structure deI'ADN et de 'ARN qui sont amoindries par un jeu de surenroulements parfois nombreux afin de stabiliser la molécule d’ADN dans son ensemble (Fig. 1-10). Topoisomérases : 2. Figure 1-10 Exemple du surenroulement de 'ADN circulaire d'un plasmide bactérien et sa résolution par les topoisomérases. TABLEAU 1-2 TOPOLOGIE DE L'ADN DE DIVERSES ORIGINES souce | gadoublebrn(D) | cutincabe | Tet Virus Simien 40 D circulaire 5243 pb Virus X-6174 s circulaire 5386 b Bactériophage M13 s circulaire 6407 b Adénovirus AD-2 D linéaire 35937 | pb Virus Epstein-Barr D circulaire 172282 | pb Bactériophage T2 D lingaire 17x10 | pb Escherichia coli D circulaire | 47105 | pb Drosophile D «linéaire» | 65107 | pb (*)b= base pb = paire de bases. 1,3 + Lenucléosome, la chromatine et les chromosomes 13 Dans |’ ADN de trés grande longueur des cellules eucaryotes, malgré la linéarité de la molécule, les contraintes topologiques demeurent au sein de la chromatine (voir plus loin). Il est donc important que ces contraintes soient réduites afin que les processus fondamentaux que sont la réplication et la transcription de I’ ADN soient rendus possibles. Une classe spéciale d’ enzymes, nommées topoisomérases, peut intro- duire des cassures spécifiques dans I’un ou I’autre brin ou méme les deux. Ces cassures réduisent les contraintes, relachent les surenroulements et rendent possibles les processus physiologiques. Ceci est particuliérement important lors du processus nécessaire a la séparation des deux molécules d’ADN résultant de la réplication et qui sont encore liées l'une a l'autre avant leur adressage aux deux cellules résultant de la division cellulaire. 1.3 _LENUCLEOSOME, LA CHROMATINE ET LES CHROMOSOMES. La structure du nucléosome Dans les cellules eucaryotes, a la différence des procaryotes, 1’ ADN est trés fréquemment associé a des protéines basiques, les histones. Le résultat de l'assemblage régulier entre ADN et histones est désigné par le terme de nucléosome (Fig. 1-11). a) b) ADN Histone H1 Octamére d'histones Nucléosome c) Queues N-terminales ADN 2x H2A tJ 2xH2B 2xH3 Octamére ear] Thstones Cap) ext Figure 1-11 Structure simplifiée d'un nucléosome. a) L'octamére d’histones ; b) 'enroulement de I'ADN autour de l’octamére et sa consolidation par I'histone H1 ; ©) protubérance vers lextérieur des queues N-terminales d’histones de loctamére. 14 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN La formation des nucléosomes est la premiére étape d’un processus qui assure l’empaquetage de I’ ADN en structures compactes réduisant énormément le volume occupé par la molécule. L’ensemble est désigné sous le terme de chromatine. Chacune des classes d’histones est constituée de petites protéines riches en amino-acides chargés positivement (lysine et arginine). Leurs séquences en amino-acides sont restées remarquablement identiques au cours de I’évolution. Les histones H2A, H2B, H3 et H4 (11 a 15 kDa) sont en quantité égale et chacune en double exemplaire, elles forment un octamére d’histones (Fig. 1-11 a) constituant un « coeur » protéique discoide autour duquel l’ADN nucléosomal dune taille de 147 paires de bases est enroulé (Fig. 1-11 b). L’histone H1 (20 kDa) ne fait pas partie du « coeur ». Elle est attachée dune part, a’ ADN de liaison situé entre les nucléosomes et, d’autre part, 4 l’ADN nucléo- somal ce qui a pour effet de consolider I’ ensemble (Fig. 1-11 et 1-12). Nucléosome Octamare dhistones: internuciéosomique (20 - 60 pb) Ss Histone H1 Octamare Histone H1 dhistones ADN Figure 1-12 Représentation simplifiée d’un enchainement de trois nucléosomes montrant le réle de I'histone H1 dans le resserrement de I'ADN autour de l'octa- meére d'histones. De nombreux contacts existent entre les histones de l’octamére et l’ ADN nucléosomal. Ils sont indépendants de la séquence en bases de l’ ADN, ce qui explique que la presque totalité de l’ADN des cellules euca- 1,3 + Lenucléosome, la chromatine et les chromosomes 15 ryotes est organisée en nucléosomes. Les histones du cceur possédent des extrémités N-terminales libres, désignées par le terme de « queues ». Ces queues émergent du nucléosome en des positions trés précises (Fig. 1-1 1c). Elles facilitent la formation des structures d’ ordre supé- rieur résultant des surenroulements de nucléosomes donnant la struc- ture finale de la chromatine (Fig. 1-13). Certains amino-acides des queues d’histones sont parfois modifiés par des groupes acétyle et méthyle (lysine, arginine) ou phosphate (sérine). Ces modifications facilitent ou altérent |’ accessibilité de la chromatine. Elles constitue- raient un « code » lu par les protéines impliquées dans la régulation de T’expression des génes et dans les diverses autres fonctions de LADN. Les nucléosomes sont des structures dynamiques, constamment modifiées par de nombreux complexes protéiques de remodelage capables de les déplacer le long de la molécule d’ ADN, de les trans- férer d’une molécule d’ADN 4 une autre ou de les modifier afin daccroitre l’accessibilité de 1’ ADN. La structure et le remodelage de la chromatine La présence de I’ histone H1 solidifie et resserre la structure du nucléo- some. L’ ADN nucléosomal représente alors 160 pb. L’histone H1 favo- rise aussi la formation de structure d’ordre supérieur. Les nucléosomes s’organisent alors en une fibre de 30 nm de diamétre qui est en fait une super-hélice comportant 6 nucléosomes par tour. Ceci ne suffit pas cependant pour empaqueter les 1 4 2 métres d’ADN dans un noyau cellulaire de 10 métre de diamétre. Des repliements en forme de boucles de la fibre de 30 nm sont donc nécessaires. Les boucles seraient maintenues dans un ensemble compact par leur association 4 un support protéique, aujourd’hui remis en question (Fig. 1-13). Le modéle présenté a la Figure 1-13 malgré ses vertus pédagogiques donne une vision trop simpliste de lorganisation tridimensionnelle de la chromatine et des chromosomes. En effet, de récentes analyses biophysiques trés performantes (tomographie par microscopique électronique, cryo-microscopie électronique, diffraction des rayons X aux petits angles) montrent que les chromosomes sont plus élastiques que ne laisse supposer le schéma présenté et surtout que I'ADN y contribue autant que les protéines.Ces analyses excluent la possibilité que les chro- mosomes soient construits a partir d'un improbable échafaudage protéique ; ils posséderaient plutot les propriétés d’une tresse d’ADN et de protéines. Les observa- tions indiquent que les fibres de chromatine s‘entrecroisent et sont a de fréquents intervalles liées entre elles par un complexe protéique de condensine jouant le rdle de liant. Par ailleurs, ni la fibre de 30 nm ni aucune autre organisation hiérarchique nest observée avec ces techniques modermes. La structure la plus probable serait donc celle d’une chaine de nucléosomes dont I’auto-organisation serait modulée grace aux seules contraintes imposées par le complexe protéique de la condensine. 8 Dunod. 16 Chapitre 1 * Structure de 'ADN et de ‘ARN Double hélice d'ADN (21m) Nucléosomes formant une structure en «collier de perles » Fibre compactée de chromatine de 30 nm de diamétre. Structure en solénoide (6 nucléosomes/tour) Filament de 300 nm de diamétre. Domaine en boucles Support protéique Filament superenroulé de 700 nm de diamétre Chromosome métaphasique condensé (1400 nm) Figure 1-13 Modéle hypothétique de organisation et de la compaction de la chromatine. La structure des chromosomes et le cycle cellulaire Dans les cellules eucaryotes, le chromosome est le stade supérieur et ultime d’ organisation de I’ ADN (voir Fig. 1-13). Le nombre de chromosomes et leur composition sont des carac- ristiques de chaque organisme. 1,3 + Lenucléosome, la chromatine et les chromosomes 17 Le séquengage complet d’un certain nombre de génomes a montré que la quantité d’ADN effectivement utilisé pour coder les protéines ou les ARN varie énormément d'un organisme & un autre. Chez les bactéries, la presque totalité de l’'ADN code des protéines et des ARN. Chez les mammiféres, seule une petite portion (moins de 10 %) code réellement les protéines ou les divers ARN, le reste ou ADN intergénique, est constitué largement de séquences répé- tées (souvent des dinucléotides), appelées microsatellites (3 %) ou composées de grands éléments de séquences transposables (plus de 50 %). La nécessaire et exacte duplication de la totalité de |'ADN a chaque division cellulaire et le fait que 80 % serait effectivement transcrit en ARN (voir Mini-manuel de Génétique, projet ENCODE) militent en faveur d'un réle biologique majeur de I'ADN intergénique, méme sil est encore largement incompris. Pour étre maintenu comme tels au cours de la division cellulaire, chaque chromosome chez les eucaryotes doit posséder un centromére, des téloméres et plusieurs origines de réplication. Les origines de réplication sont les nombreux sites (3 000 par chromo- some en moyenne) oii s’assemblent les divers composants protéiques, dont les ADN polymérases (voir chap. 2), nécessaires au démarrage de la réplication (duplication de l’ ADN) opération qui précéde Ja division cellulaire. Les centroméres sont des séquences d’ une taille supérieure 4 40 kb au contact desquelles se construit le kinétochore, un complexe protéique nécessaire a la séparation et l’adressage corrects des deux chromosomes-fils aux deux cellules filles. Il est essentiel qu'un seul centromére soit présent par chromosome. Dans le cas contraire, il en résulte des cassures, des pertes ou des duplications de chromosomes dont les conséquences sont généralement graves. Les téloméres sont des séquences particuliéres localisées aux deux extrémités du chromosome. Elles sont reconnues par des protéines spécifiques qui protégent le chromosome des événements de recom- binaison ou de dégradation, typiques des extrémités ADN libres. A Vendroit des téloméres se trouve une origine de réplication parti- culiére reconnue par une ADN polymérase spéciale, la télomérase, qui réplique un certain nombre de fois la séquence correspondante (voir chap. 2). La duplication du chromosome puis sa ségrégation s’opérent dans des phases distinctes du cycle cellulaire. On distingue dans |’ ordre 4 phases : G1, S, G2 et M (Fig. 1-14). 18 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN a) Mitose ‘Ségrégation des chromatides soeurs Entrée en ‘Ségrégation des quiescence chromosomes en préparation Duplication de 'ADN Duplication Division cellulaire en chromosomes en préparation = 2Q Quantité d'ADN ® WS i) Temps <— Interphase ——> Figure 1-14 Chromosomes et cycle cellulaire.) Duplication et ségrégation des chromosomes au cours du cycle cellulaire. b) Variation de la quantité d’ADN « Q» au niveau des chromosomes a un instant t dans la cellule. Par simplification, 'ADN est représenté sous forme de chromosomes a toutes les phases du cycle. Au cours de la phase S s’opére la synthése de I’ ADN conduisant a la duplication des chromosomes en deux chromatides sceurs mainte- nues ensemble par un complexe protéique appelé cohésine, jusqu’a la ségrégation. Celle-ci s’opére durant la phase M (pour mitose). Chaque chroma- tide s’attache grace au kinétochore au fuseau mitotique fait de protéines fibreuses appelées microtubules réunis aux centrosomes situés aux deux pdles de la cellule. La désagrégation de la cohésine favorise la séparation des deux chromatides sceurs. L'ensemble des opérations est soigneusement coordonné afin que la séparation assure un transfert complet et efficace des informations génétiques portées par les deux chromosomes-fils. 1.4¢ La structure des génomes 19 Les phases G1 et G2 (G pour gap) sont des phases de préparation ou des mécanismes de contréle du cycle opérent qui autoriseront ou non sa poursuite jusqu’a son terme. Au cours du processus complet de la division cellulaire, I’état de condensation des chromosomes varie profondément. Durant les pha- ses G1, S et G2 (groupées sous le terme d’interphase) il est plus faible que durant la phase M bien que des changements discrets se produisent constamment. 1.4 LA STRUCTURE DES GENOMES Qu’est-ce qu’un génome ? On désigne par le terme de génome (contraction des mots géne et chromosome) |’ensemble des informations génétiques, codées par VADN chez la plupart des organismes et parfois par ' ARN pour certains virus. De fagon plus précise, le terme désigne la séquence de l’ADN correspondant a un jeu haploide de chromosomes (7 chromo- somes). Une cellule somatique humaine, diploide (21 chromosomes), contient donc deux génomes (un génome paternel et un génome maternel) alors qu’une cellule germinale (sexuelle), haploide (ovule ou spermatozoide), en contient un seul. Le terme génome s’ applique aussi bien 1’ ADN du noyau cellulaire (génome nucléaire) qu’a l! ADN. des organites (génome mitochondrial, génome chloroplastique). On parle de génomique (contraction des mots génome et informa- tique) pour désigner I’étude a grande échelle des propriétés générales des génomes grace 4 des moyens informatiques de plus en plus puissants. Les premiéres questions intéressant I’ étude des génomes portent sur leur taille, le nombre de génes qu’ils contiennent (au sens classique du concept), le nombre de chromosomes constitutifs et la maniére dont les génes sont distribués ou organisés. La taille des genomes Pour désigner la taille d’un génome on utilise habituellement une unité exprimant le nombre de paires de nucléotides. Pour le millier de paires de nucléotides ou de bases soit 103, l’unité est la kilopaire de bases ou Kpb, pour le million soit 10°, l’unité est la mégapaire de bases ou Mpb. On pensait généralement qu'il existait une relation progressive entre la taille des génomes, le nombre de genes qu’ils contiennent et Ja complexité des groupes d’ organismes vivants (Fig. 1-15, Tableau 1-3). En vérité, plus la connaissance intime de la structure et du fonctionne- ment des génomes progresse, plus cette relation s’avére inexacte. En effet, l’ organisation des instructions génétiques au sein des génomes et surtout leur mode d’expression semblent a la fois trés diversifiés et variables selon les organismes. 20 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN Panes ee Oiseaux Mammiféres Reptiles Amphibiess | Poissons osseux Poissons cartilagineux Echinodermes | Crustacés Insects Mollusques Vers (i Moisissures Algues ‘champignons BactériesGram Bactries Gram Mycoplasmes (0) 102 108 104 105 108 107 108 (en kb) Figure 1-15 Quantité d’ADN présent dans les génomes de différents groupes d’organismes. Structure Nombre Génome Groupe iat Taille (kb) de ge Eucaryotes : Saccharomyces Levures 13500(L) 6 000 cerevisae Caenorhabditis Nématode 100.000 (L) 13500 elegans Arabidopsis Plante 120000 (L) 25000 thaliana Homo sapiens Humain 3.000000(L) 22000 Procaryotes : Escherichia coli Bactérie Haemophilus Bactérie 4700(C) 4.000 1830(L) 1703 We influenza Methanococcus Bactérie 1660(L) 1738 jannaschii Virus : Virus 74 Virus 172(UC) 300 bactérien HOMY (virus Virus 229 (L) 200 de herpes) eucaryote Organites Mitochondrie —_Levure 78 (C) 34 de S. cerevisae Mitochondrie — Humain 17(©) 37 de H. sapiens Chloroplaste Plante 121 (C) 136 @ Séquences répétées Exons L:Linéaire Gi Introns C : Circulaire TABLEAU 1-3 GENOMES DE DIVERS ORGANISMES : STRUCTURE, TAILLE ET ESTIMATION DU NOMBRE DE GENES. 1,4¢ Lastructure des génomes 21 Les génomes viraux Bien que les virus ne soient pas considérés comme des organismes vivants mais comme des parasites moléculaires, ils i infectant des cellules vivantes dans lesquelles ils injectent leur génome constitué par de |’ ADN tels les adénovirus, protégé au sein d’une parti- cule ou capside de nature essentiellement protéique. Certains virus, comme les rétrovirus auxquels se rattache par exemple le VIH, ont un génome constitué d’ARN. Quel que soit l’acide nucléique, il est pour certains virus, sous une forme linéaire et pour d’autres, sous une forme circulaire. Dans tous les cas, le génome viral existe au moins dans une des phases de son cycle sous la forme d’un ADN double brins. Les génomes viraux géants. Découverts reécemment, les Mimivirus et Pandoravirus para- sites d/eucaryotes unicellulaires (amibes) possédent des génomes géants, parfois plus grands (plus de 10° Kpb) et plus complexes (plus de 1 000 génes) que des génomes bactériens. Avec la découverte de lexistence de virus de virus (des « virophages » en quelque sorte) ces nouveautés biologiques n’‘obligent-elles pas a réviser la place des virus dans Véchelle du vivant ? A la conception du virus « parasite moléculaire non vivant » ne faudrait-il pas substituer l'idée que les virus posséderaient les propriétés du vivant a l'exclusion de la cellularité ? Les génomes procaryotes Le génome de la plupart des organismes procaryotes correspond a un seul chromosome composé d’un ADN souvent circulaire et de trés peu de protéines associées. Une bactérie en cours de division peut cependant contenir simultanément plusieurs copies de ce chromo- some unique. Entre les génes bactériens, il y a peu d’ espaces intergé- niques. Les génes sont souvent organisés en unités, les opérons, transcrits en un seul ARN messager (voir Fig. 4-3). L’ ADN associé quelques protéines forme une masse dense, le nucléoide qui se désor- ganise en un écheveau filamenteux lorsque la cellule est broyée. Un grand nombre de bactéries posséde en supplément du chromo- some bactérien des plasmides, éléments d’ADN circulaires et double brins. Ces molécules d’ ADN extrachromosomique peuvent se répliquer indépendamment et bien qu’elles ne portent pas de génes essentiels au métabolisme de la bactérie, elles peuvent lui apporter des avantages évolutifs comme la résistance a un antibiotique. En général, les bactéries possédent un ou plusieurs plasmides dont le nombre de copies varie. Les génomes eucaryotes Les espéces eucaryotes sont soit diploides (les cellules somatiques des animaux et plantes a fleurs possédent dans leur noyau, deux jeux = 2n — de chromosomes) ou haploides (un seul jeu — n — de chromo- somes par noyau cellulaire chez la plupart des champignons et les 22 Chapitre 1 + Structure deI'ADN et de ARN algues). Les organismes diploides produisent généralement des cellules spécialisées, les gamétes, haploides (n chromosomes) pour la repro- duction (ovule et spermatozoide chez les animaux) alors que les orga- nismes haploides peuvent présenter au cours de la phase sexuée de leur cycle vital des cellules spécialisées 4 2n chromosomes. Le nombre n de chromosomes présents dans les cellules d’un organisme définit le niveau de ploidie. Certains organismes (les végétaux souvent) présentent des niveaux de ploidie élevés (polyploidie). Dans une cellule diploide, les chromosomes sont présents par paires homologues qui possédent une taille et un nombre de génes identi- ques aux mémes positions. Le terme de caryotype est utilisé pour désigner le nombre de chromosomes, établi par l’ observation micros- copique d’une cellule en métaphase. Au sein d’un génome, les chro- mosomes peuvent différer fortement en taille et en nombre de genes portés. Chez "homme, les chromosomes 1 (247 Mpb ; 2 200 génes) et 2 (243 Mpb ; | 400 génes) ont une grande taille alors que les chromo- somes 21 et 22 sont cing fois plus petits (environ 48 Mpb) avec respectivement 300 et 540 génes. On constate qu’il n’y a pas de lien direct entre la taille d’un chromosome et le nombre de génes présents. Le chromosome 19 est celui qui posséde la plus forte densité de genes, 1 500 génes qui se répartissent sur 64 Mpb. Les génomes d’organites A cété des chromosomes nucléaires qui représentent l’essentiel du génome d’un organisme eucaryote, certains organites (les mitochon- dries et les chloroplastes, présents parfois en grand nombre dans une cellule) possédent des chromosomes circulaires, d’une taille moyenne avoisinant 10‘ a 10° paires de bases, souvent en de nombreuses copies identiques. Pour ces raisons, il arrive que selon les organismes, le nombre de génomes d’organites par cellule s’avére trés élevé jusqu’a plusieurs centaines parfois. En général, les génomes d’organites dent de l’ordre de 50 & 100 génes dont certain genes sont spécifiques des fonctions assurées par |’ organite lui- méme. Mais beaucoup des fonctions de l’organite sont spécifiées par des génes nucléaires sans qu'il y ait de redondance entre les genes des deux compartiments, mais plutét une complémentarité. Les épigénomes. La notion d’épigénome est une réponse, partielle sans doute, a la question fondamentale posée en particulier chez 'homme : pourquoi les cellules d'un. individu différent-elles d'un tissu a l'autre (et parfois au sein d'un méme tissu), alors qu’elles ont toutes le méme génome nucléaire ? Concrétement le terme « épigénome » désigne l'ensemble des marques (ou modifica- tions chimiques) apposées sur les principaux constituants du génome (ADN et histones) sans modification de la séquence en bases de I'ADN. Ces marques dites 1.5 ¢ Les différents types d’ARN- 23 « épigénétiques » sont principalement des méthylations (de I'ADN et des histones) et des acétylations et phosphorylations des histones (voir chap. 6). lles sont apposées ou éliminées par des enzymes (ex: méthylases et déméthylases) elles-mémes influen- cées par des événements de l'environnement concomitants de Ialimentation, des infections, des stress thermique ou hydrique, de certaines interactions comportemen- tales, etc. La fonction de ces marques dépend, par exemple, du degré de méthylation (me1, me2 ou me3) porté par les lysines. Le résultat s'observe dans l'activité des genes (ainsi H3K4me3, trimeéthylation de la lysine 4 de histone H3) est associée au démar- rage de la transcription, H3K36me3 et H4K20me] aux régions activement transcrites de ’ADN, tout particuliérement les génes codant des facteurs de transcription. Ces derniers régulent, a leur tour, l'expression d'autres génes grace a divers mécanismes ne faisant pas nécessairement appel a l’épigénétique. Le résultat final de ces chaines de causalité est ce que l'on désigne par le terme général de « différenciation cellu- laire ». Par ailleurs d'autres marques sont associées é la réplication de la chromatine (ex: H4K20me3) ou a la réparation de l‘ADN (H4K20me2). Les cellules de différents tissus, bien que possédant le méme génome, présentent, y compris au cours du temps, des épigénomes différents. Il en résulte une expression différente de leur propre génome et une différenciation phénotypique spécifique (voir les Minimanuels de Génétique et de Biologie cellulaire). On sait aujourd'hui que de nombreuses pathologies encore mal comprises telles que les cancers et les maladies dégénératives ou le vieillissement sont fortement tributaires de ces mécanismes Epigénétiques. Voir également p. 239 « Les techniques d’analyse de I’épigénome ».. 41.5 LES DIFFERENTS TYPES D’ARN Structure et fonction LARN se différencie de I’ ADN par la structure des nucléotides : le ribose y remplace le désoxyribose et la base pyrimidique uracile remplace la thymine. L’ ARN existe habituellement sous la forme d'un seul brin polynucléotidique, sans brin complémentaire comme cela est le cas de l’ ADN. De ce fait, ’ ARN peut se replier sur lui-méme et former ainsi de courtes régions ob des appariements complémentaires entre les bases simulent des structures en double hélice (Fig. 1-16 a). Les appariements des bases sont moins stricts que ceux observes dans I'ADN. Ainsi, ‘outre son appariement avec l’adénine, la base uracile peut aussi s'apparier avec l'autre purine, la guanine. Cela conduit 4 de nombreuses possibilités de structures tertiaires en forme d’épingles a cheveux, boucles ou bourgeons qui sont autant de sites pour des interactions avec des protcines ou des complexes de protéines (Fig. 1-16 b ; voir aussi le chapitre 4). Lune des caractéristiques les plus étonnantes de l’ ARN est également sa capacité a agir comme une enzyme, d’oi le nom de ribozymes donnés aux ARN qui possédent cette propriété. 24 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN a) c b) Structure en épingle a cheveux TOO Appariement en double hélice Boucle (domaine simple brin) simple brin bourgeon d'ARN Figure 1-16 Structure de I'ARN. a) Principales caractéristiques d'une molécule dIARN (en rouge). b) Représentation schématique d'un brin d’ARN organisé en doubles hélices partielles (structure en épingle a cheveux, bourgeons, boucles). 1.5 + Les différents types d/ARN 25 La plus remarquable des fonctions enzymatiques est celle portée par I’ ARNr 16S qui catalyse la formation des liaisons peptidi ques (activité peptidyl-transférase) lors de la synthése des protéines par le ribosome. Est-elle la marque d’un ancien monde vivant ot VARN était 4 la fois le porteur de l’information génétique et sous différentes formes le catalyseur des réactions chimiques du vivant ? L observation des biomolécules du monde actuel montre en effet le réle prépondérant des structures ribonucléotidiques dans le métabolisme cellulaire, la transcription et la traduction génétique (Tableau 1-4), y compris sous des formes oligo- et polynucléotidiques comme en témoigne la découverte, sans doute encore inachevée de nombreux ARN non codants possédant de multiples fonctions (Tableau 1-4 ; voir aussi le chapitre 5). TaBleau 1-4 — LES DIFFERENTES CLASSES D'ARN DANS LA CELLULE Les différentes classes d’ARN Classe Nom Abrév. Fonctions ARN - . ARN codants ARNm | dirigent la synthése des protéines. messagers ARN participent a la structure du ribosome et ; - ARNr | la synthese des protéines. Action de ribo- ribosomiques - zyme (formation de la liaison peptidique). ARN apne | 2daptation des amino-acides dans la de transfert synthése des protéines. Petits ARN | aN sn | role dans lépissage des pré-ARNm. nucléaires ARN noncodants | PetitsARN | sew cro | modification des ARN ribosomiques. nucléolaires PetitsARN | apy «i interférents St | régulent la stabilité des transcrits ARN et leur traductibilité, Micro-ARN | ARNmi Longs arn | AaWin_ | Fégulent la transcription via la modula- tion de la chromatine Qu’est-ce qu’un ARN non codant ? Au cours des derniéres décennies, diverses découvertes ont abouti & Tévidence que l’ARN n’était pas seulement un intermédiaire fonc- tionnel (un messager) entre l’ADN et les protéines mais qu'il était 2018 Dunod. 26 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN aussi impliqué dans la régulation de l’organisation des génomes et dans leur expression. Avec des degrés de sophistication de plus en plus élevés selon la complexité des organismes étudiés. Un ARN régulateur est donc une molécule d’ARN qui n’est pas traduite en protéines, d’ot le nom d’ARN non codant. Il peut réguler l’expres- sion des génes 4 différents niveaux (organisation de la chromatine et modulation, transcription, épissage, stabilité des ARN messagers et traduction). Les ARN non codants sont soit de petits ARN comme les micro-ARN et les ARN interférents, soit de longs ARN comme le transcrit spécifique de l’inactivation du chromosome X (voir encadré chapitre 5) ou l’ARN antisens du géne HOTAIR, localisé é sur le chro- mosome humain 12, premier exemple d’un ARN provoquant des modifications épigénétiques régulant la transcription d’un autre chro- mosome (voir aussi chapitre 5). Une nouvelle classe d’ARN non-codant, de structure circulaire, a été depuis peu mise en évidence. La stabilité vis-a-vis des ribonuclé- ases, la résistance 4 la dégradation ciblée des micro-ARN, le grand nombre de sites de liaison pour les micro-ARN, et leur haute concen- tration cytoplasmique, font de ces ARN circulaires un réceptacle naturel exceptionnel pour diverses classes d’ ARN intervenant dans la régulation génique. Qu’est-ce que I’ARN interférence ? C’est un processus de maturation de transcrits de l’ ADN en petits ARN double brin ayant la capacité d’ éteindre l’expression des génes (voir cha- pitre 5). Ces petits ARN (ARNsi, pour « small interferent ») peuvent agir en interférant avec les ARNm en cours de traduction occasionnant ainsi une extinction génique post-traductionnelle. Ils peuvent également induire une extinction génique au niveau de la chromatine en interférant avec les transi naissants et en ciblant les complexes (ARN et protéi- nes) modificateurs de la structure active de la chromatine. & UADN semi-synthé d'une nouvelle biologi Depuis quelques années, loin de son origine biologique, I’ abrévia- tion « ADN » est devenue un mot symbole pour caractériser Vessence méme de toute communauté humaine de pensée ou d'action (voir QCM 1-13). Les fascinantes propriétés informatives et prédictives de l’acide désoxyribonucléique ont été ainsi adoptées et transformées par la vox populi pour en faire une sorte d’acro- nyme général des actions et comportements humains. 1.5 + Les différents types d/ARN 27 II faut remonter pour comprendre une telle « promotion », aux origi- nes de la biologie moléculaire et a |’élucidation du code génétique, dans la seconde moitié du xx° siécle. Aprés la découverte du réle fondamental de l’ADN dans la transmission des caractéres hérédi- taires, suivie de celle des quatre motifs chimiques (A, T, G, C) réu- nis deux 4 deux dans la structure en double hélice, les biologistes s‘interrogeaient sur la relation entre cette molécule si importante pour I’hérédité et les protéines (les enzymes) plus anciennement connues pour le réle crucial qu’elles jouent dans le fonctionnement des étres vivants. La réponse fut apportée grace 4 I’élucidation de la relation combinatoire entre « l’alphabet nucléique » a 4 lettres (les bases A, T (U), G, C des acides nucléiques) et « l’alphabet protéi- que » a 20 lettres (les 20 acides aminés constitutifs des protéines). A trois bases nucléiques consécutives (le codon) prises parmi les 4 possibles correspond I’un des 20 acides aminés. Depuis cette épo- que l’ADN a progressivement glissé, pour la vox populi, du statut d’icéne chimique porteuse du code génétique de tout individu vers celui d’ic6ne culturel de la vie sous toutes ses formes et expressions. Cependant au fil du temps il est devenu évident que a autres cons- tituants moléculaires majeurs pages précédentes et chapitre 5, cert: raient indispensables pour le contréle des informations portées par PADN. Le statut d’icéne commenga a s’altérer jusqu’A ce que récemment le code génétique avec son caractére universel et immuable soit en passe d’étre revisité. Par incorporation, en com- plément des deux paires A-T et G-C, d’une troisiéme paire de bases entiérement artificielles (la paire dSSICS-dNaM constituée de deux hétérocycles hydrophobes de synthése), il vient d’étre établi que VADN, ainsi « augmenté », constitutif d’un plasmide de la bactérie Escherichia coli, modifiée génétiquement elle-méme pour |’ occa- sion, pouvait se répliquer, sans erreur, pendant plusieurs généra- tions. Bien que la création d’un code génétique a 3 paires de bases ne soit pas encore une réalité totalement aboutie (il faudrait pour cela démontrer que le nouvel ADN semi-synthétique peut a transcrit en ARN et traduit en protéines) une étape cruc d’étre franchie dans I’émergence d’une « nouvelle biologie ». Au- dela des questions éthiques, introduire avec succés une 3¢ paire de bases dans l’ADN d’un micro-organisme suggére en effet que ’élaboration de nouveaux systémes moléculaires artificiels, diffé- rents du systéme gréce auquel la vie a émergé et évolué sur la pla- néte bleue, ne reléve pas tout a fait du domaine de l’utopie. Dans Vhypothése d’une confirmation, cette « mutation révolutionnaire » stimulera-t-elle l’imaginaire de la vox populi ? A suivre. aes) s’avé- 28 Chapitre 1 + Structure deI'ADN et de ARN Z POINTS CLEFS L’ADN se compose de deux chaines de polynucléotides, constitués eux- mémes de nucléosides phosphate, définis par les quatre bases ATGC et liés les uns aux autres par des liaisons phosphodiesters. Les deux brins de la double hélice d’ADN sont liés 'un a l'autre dans une orien- tation antiparalléle par |'appariement complémentaire des bases AT et GC. La spécificité d'appariement des bases AT et GC dépend des liaisons hydrogéne. Sous I’action de la chaleur ou d’agents de dénaturation, les deux brins peuvent se dissocier, puis se réassocier lors d'un refroidissement lent ou par retrait des agents. A sa surface la molécule d’ADN présente un petit et un grand sillon ou! peuvent se loger de nombreuses protéines et autres composés exercant des réles régulateurs dans l'expression des génes. La double hélice d’ADN existe en de multiples conformations, la plus fréquente étant la forme B. LIADN participe a des surenroulements topologiques qui peuvent se réduire par l'action des topoisomérases. ARN contient du ribose a la place du désoxyribose et de I'uracile a la place de la thymine. II existe sous la forme d’un simple brin qui peut cependant adopter des structures multiples en double hélice par apparie- ment complémentaire intrachaine des bases AU et GC. De nombreux types différents d'ARN codants et non codants existent, certains ayant des fonctions d’enzymes, d'autres régulant a divers niveaux lexpression génique. Les nucléosomes sont les constituants de base des chromosomes. Pour for- mer un nucléosome de nombreux contacts s‘établissent entre I'ADN nucléo- somal et un noyau octamérique d’histones, protéines chargées positivernent. Les histones possédent des extrémités N-terminales chimiquement modi- fiables qui jouent des rdles dans la compacité du nucléosome, des structures organisées de la chromatine et des chromosomes et dans I'accessibilité de V'ADN aux protéines et ARN impliqués dans la duplication, la transcription, et la traduction des génes. ADN et ARN jouent des roles essentiels dans les processus du vivant. Leur importance respective fait l'objet de constantes réévaluations, quelquefois radicales. QCM - QROC 29 QCM - QROC 1-1 Vrai ou faux. Expliquer. a) Dans l’ ADN, le nombre de bases puriques est égal au nombre de bases pyrimidiques. b) Lorsqu’elle est méthylée la cytosine ne peut s’apparier avec la guanine. ¢) Tous les nucigosides phosphate sont précurseurs de l’ADN. d) Seul l’ADN peut former des structures en double ice. e) Mis & part les ARN messagers tous les autres ARN dune cellule sont dits non codants. f) La lysine des histones peut parfois étre acétylée ou méthylée. g) Le nucléosome est la structure de base du chromosome. h) Le chromosome posséde la structure d’une tresse de nucléosomes de maille variable. 4-2. Vrai ou faux. Expliquer. a) les deux brins de I ADN sont orientés dans le sens 5’-phosphate — 3°-OH; b) lors de leur synthése, les liaisons « phosphodiester » liant deux nucléotides de I’ ADN s’effectuent entre un 5’-ophosphate et un 3’-OH des pentoses ; ¢) c’est I’inverse dans I’ ARN. 1-3 Soit le brin ARN suivant, capable de former une épingle a cheveux gréce 4 des séquences tiges complémentaires. Déterminer le nombre de liaisons hydrogéne impliquées dans le repliement : 5’- CAGCAGAUGUACCAAUCUGC - 3’ 1-4 A partir du brin ADN bicaténaire suivant, déterminer le nombre de liaisons phosphodiester, de liaisons N-glycosidique, et de liaisons — GCCATTCGCTATGGGTTTAATCTG - 3’ 3’ - CGGTAAGCGATACCCAAATTAGAC - 5’ 4-5 Parmi les séquences suivantes lesquelles représentent une molé- cule qui s’hybrident parfaitement avec le fragment de 4 nucléotides représenté A Fig. 1.16a: a) AGTCTCAGC ; b) TCAGTACAG ; «) AGTCAGTAC ; d) GTACGAGTC (attention, convention d’écriture des séquences : 5’ > 3’). 1-6 Quelle soit circulaire ou linéaire la molécule d’ADN subit des contraintes topologiques entrainant des surenroulements de la double hélice qui devront étre résolus lors de la réplication. Quelles sont les surenroulements : a) une conséquence de la circularité ; ité de l’empaquetage dans un volume limité. Comment se résolvent-ils : ¢) spontanément par l’action de l’ADN lui-méme ; d) par l’action d’enzymes spécialisés. 1-7 On admet que les histones, constitutives avec |’ ADN des nucléo- somes eucaryotes, portent un « code épigénétique » complémentaire Copyright © 2018 Dunod. 30 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN et modulateur du code porté par l’ADN. A quelles caractéristiques structurales attribue-t-on en premier lieu ce « code » particulier : a) au nombre des histones ; b) 4 leur proximité physique avec |’ADN ; ¢ aux modifications chimiques portées par certains de leurs acides aminés ; d) aux protéines régulatrices qu’elles recrutent. 1-8 Deux organismes vivants possédent respectivement 20 % et 40 % d’adénine dans leur ADN. a) Quelles sont les proportions des bases T, G, C ? b) En supposant que chacun des ADN contient 2 x 10° ba quel est le nombre de liaisons hydrogéne des doubles hélices respecti- ves ? ¢) Quelle est la température de fusion théorique (Tm) de ces deux ADN ? 1-9 Le génome d’un virus 4 ARN contient 25 % d’adénine. Quelles sont les proportions des autres bases ? 1-10 Quelle réduction de volume un ADN humain doit-il subir pour étre entigrement empaqueté dans un noyau cellulaire somatique sphé- rique de 10-6 m de diamétre ? Dimensions d’une molécule d’ ADN cylindrique : longueur = 1 m; diamétre = 2 nm ; Constante 1 = 3. 1-11 Parmi les propriétés listées ci-dessous quelle est celle, inconnue a leur époque, qui a permis A Avery, Mc Leod et Mc Carty, de décou- vrir que l’ ADN était bien le support de l’hérédité, aprés avoir constaté qu’un extrait de bactéries pathogénes pouvait transmettre leur patho- génicité 4 des bactéries inoffensives de la méme espéce : a) |’ ADN résiste 4 toutes les enzymes connues ; b) |’ ADN doit étre associé a des protéines elles-mémes pathogénes ; ¢) l’ADN fragmenté peut se recombiner et devenir pathogéne ; d) ' ADN exogéne peut pénétrer spontanément dans les cellules. 1-12 Le génome humain haploide posstde une taille de 3,2 x 10° paires de bases pour 23 chromosomes. Quelle est la distance moyenne en kilobases séparant deux origines de réplication ? (une donnée nécessaire au calcul se trouve dans le texte du chapitre). 1-13 Qu’a voulu dire le grand chef d’orchestre Riccardo Muti en 2011 a propos du « Cheeur des esclaves » de l’opéra Nabucco de Verdi, créé en 1842, qui exalte la quéte d’un peuple oppressé et avide de liberté : « Cette page d’opéra ne parle pas 4 la conscience mais a UVADN secret des Italiens ». a) 1 ADN des Italiens est différent de celui des autres peuples ; b) « /’ADN secret des Italiens » désigne leur sentiment patriotique ; «) A cause de leur ADN seuls les Italiens percoivent la signification du chant en question ; d) « ’ADN secret » désigne pour R. Muti l’inconscient des Italiens. Réponses 31 REPONSES 1-1 a) vrai, A+G =T +C. b) vrai car le groupe méthyle n’intervient pas dans les liaisons H avec la guanine ; ¢) faux, seuls les désoxyribonu- cléosides triphosphates (dATP, dTTP, dGTP et dCTP) sont des précur- seurs de l’ADN. d) faux, dans certaines conditions l’ARN peut former des doubles hélices intrabrin ; e) vrai ; 4 noter que les ARN de transfert font partie intégrante de la traduction du code. f) vrai.g) vrai. h) vrai. 4-2 a) vrai ; mais ils sont appariés de maniére inverse (antiparalléle) dans la double hélice. b) vrai ; ¢) faux, c’est également dans le sens 5’-a-phosphate vers 3’-OH. 1-3 Séquence appariée : GU 5’-CAGCAGAU A 3‘-CGUCUA c A Soit 15 liaisons H : 3 GC (9H) et 3AU(6H). 1-4 Nombre de nucléotides — 24 x 2 = 48. Nombre de liaisons phosphodiester : 23 x 2 = 46 ; de liaisons N-gly- cosidique : 24 x 2 = 48 et de liaisons hydrogéne : 59 soit GC (3 x 11) + AT (2 x 13). 1-5 b, ¢, d. En effet, la séquence 5’-GUAC-3’ (Fig. 1.16 a) doit s’hybrider avec la séquence 5’-GTAC-3’ (ou 3’-CATG-5’). 1-6 a) vrai dans le cas seulement de I’ADN plasmidique ; b) vrai seulement dans le cas de l’ ADN eucaryote ; ¢) faux ; d) vrai, les topo- isomérases opérent des coupures spécifiques suivies de ligatures qui ont pour effet de libérer les contraintes des surenroulements et d’auto- riser la dissociation de la double hélice indispensable 4 la réplication et a la transcription. 1-7 a) faux, leur nombre est constant dans chaque nucléosome, mais leurs variants pourraient avoir un rdle ; b) vrai, méme si les nombreux contacts qui existent entre les histones et I’ ADN sont indépendants de la séquence en bases de l'ADN; ©) vrai, certains acides aminés (lysine, arginine, sérine) présents aux extrémités N-ter des histones sont parfois modifiés par des enzymes qui en greffant des groupes chimiques (méthyle, acétyle...) créent des signaux de recrutement de protéines modulatrices de la structure de la chromatine et de I’ expression de I ADN ; d) vrai, voir réponse précédente. Copyright © 2018 Dunod. 32 Chapitre 1+ Structure de I'ADN et de I'ARN 1-8 a) Pour le premier ADN, T = 20%, G =30% et C =30%; pour le second, T = 40 %, G = 10 % et C = 10 %. b) Respectivement 2,6 x 10° et 2,2 x 10° considérant qu’il y a dans chaque cas 10° paires de bases. ¢) 93,9 “C et 77,5 °C par application de la formule Fig. 1-9b. 1-9 L’ARN étant pour l’essentiel un simple brin, les bases ne sont pas appariées et de ce fait le % des autres bases est non déductible de la seule connaissance du % d’adénine. 1-10 Volume ADN (mR? x h) = 3.10° nm}; volume du noyau (1/6mD3) = 0,5 x 10? nm3. Deux molécules parentales sont présentes par noyau somatique. Considérant une occupation homogéne, le facteur de compaction est de 2 x 3 x 10°/0,5 x 10° = 12. 1-11 d). 1-12 Un chromosome contient en moyenne 3,2 x 10°/23 = 1,39 x 108 paires de bases. Avec 3 000 origines de réplication par chromosome la distance moyenne séparant deux origines sera donc de 46,4. 105 paires de bases ou 46,4 Kpb. 1-13 b); relire l’encadré en fin de chapitre et rechercher dans les divers media d’ autres utilisations détournées de l’acronyme « ADN ». Réplication, réparation, recombinaison et transposition de l’ADN 2.1 Les mécanismes de réplication de I'ADN 2.2 Les erreurs de réplication de 'ADN et leur réparation PLAN 2.3 Les détériorations environnementales de I’ADN et leur réparation 2.4La recombinaison et la transposition de l'ADN > Etudier les bases élémentaires de la synthése enzymatique de I'ADN > Etudier le rdle des protéines spécifiques dans la formation du réplisome (fourche de réplication, démarrage et fin du processus) > Etudier les différentes altérations de 'ADN et les mécanismes qui concourent a leur formation ou leur correction Co) a 2.1 LES MECANISMES DE REPLICATION DE L’ADN Dés que la structure en double hélice de I’ ADN fut découverte et qu’il fut clairement établi que les deux brins étaient de nature complémentaire, Vidée fut avancée que chacun des brins de la molécule parente pouvait servir de modéle pour la synthése a son contact d’un nouveau brin complémentaire. Assez rapidement il fut effectivement établi que la sépa- ration des deux brins fournissait deux matrices distinctes qui pouvaient servir de modéles pour la synthése enzymatique des nouveaux brins. pyright Les deux nouvelles molécules d’ ADN double brins possédent chacune un brin provenant de |’ ADN parent et un brin d’ ADN nouveau : c’est le principe de la synthése semi-conservative. La complémentarité des bases appariées de la double hélice explique ainsi comment d'une molécule d’ ADN il peut en naitre deux qui sont a la fois identiques a la premiére et les copies conformes l'une de autre. La duplication de I’ ADN doit se réaliser avec rapidité et une grande précision afin qu’une copie la plus parfaite possible de la molécule parente soit transmise a la descendance. 34 Chapitre 2+ Réplication, réparation, recombinaison et transposition de ’ADN Brin en cours de croissance ~ \ Brin matrice \, AR ADN double brin désoxyribonucléotide triphosphate Pyrophosphatase ABE Appariement de bases ~ Figure 2-1 Schéma simplifié du mécanisme de synthése de |'ADN montrant les différents substrats en présence. L'extension en 3' du brin en cours de synthése s‘effectue grace a une attaque nucléophilique du phosphate ci. du dTTP introduit en face de l'adénine du brin matrice. Noter I’hydrolyse enzymatique du pyrophos- phate qui favorise énergétiquement la synthése. La chimie de synthése cellulaire des polydésoxyribo- nucléotides Deux types de substrats sont nécessaires pour qu’une cellule soit en mesure de réaliser la synthése d’un polydésoxyribonucléotide, autre- ment dit un brin d’ ADN. II faut la présence : 1) des quatre désoxyribo- nucléotides précurseurs (dATP, dTTP, dGTP et dCTP) ; 2) d’un brin d°’ADN matrice orienté dans le sens 3° > 5’, hybridé par une courte 2.1 Les mécanismes de réplication de 'ADN 35 amorce oligonucléotidique, orientée dans le sens 5’ — 3’. La matrice servira de modéle pour spécifier l’ordre (la séquence) dans lequel les désoxyribonucléotides seront incorporés dans le nouveau brin. L’amorce servira 4 l’addition successive des dNTP a partir de I’hydroxyle OH de son extrémité 3’ (Fig. 2-1). La synthése s’effectue done dans le sens 5’ — 3’. Le groupe OH attaque le groupe phosphate-o du dNTP (désoxyribonucléotides) entrant, ce qui libere un groupe pyrophos- phate constitué de deux groupes phosphate 6 et y unis par une liaison riche en énergie. L’ hydrolyse de cette liaison, & chaque nouveau dNTP entrant, libére une énergie qui rend la synthése thermodynamiquement irréversible. Vaction de I’ADN polymérase La synthése de |’ADN est catalysée par une enzyme, nommée ADN polymérase. Cette enzyme discrimine efficacement les dNTP des rNTP (ribonucléo- tides) malgré leur étroite ressemblance (présence ou non d’un OH en 2’ du pentose, thymine dans I’ ADN, uracile dans I’ ARN). L’unique site catalytique de l’ADN polymérase comporte deux ions divalents (Mg** ou Zn**). Il se localise au creux d'une structure tridimensionnelle en forme de main qui entoure le brin d’ ADN 4 copier. Ce site accepte les quatre dNTP, mais il sélectionne le bon dNTP entrant sur son apti- tude a s’apparier correctement avec la base présentée par la matrice modéle. Le bon appariement A-T ou G-C favorise la fermeture de la structure en forme de main ce qui facilite la formation de la liaison phosphodiester 3° > 5’ alors qu’un appariement incorrect ralentit fortement la vitesse de formation de la liaison. La conformation de la poche du site enzymatique oii s’engagent les dNTP successif’s interdit aux rNTP (porteurs d’un OH en 2’ du ribose) de s’y loger alors qu’ ils sont pourtant dix fois plus concentrés dans la cellule que les dNTP. Lorsque le bon nucléotide a été polymérisé, la structure en forme de main s’ouvre 4 nouveau pour permettre l’entrée du nucléotide suivant tout en opérant un déplacement d’une paire de base du couple matrice-amorce. Un nouveau cycle d’ addition d’un dNTP peut alors s’engager. UADN polymérase répéte un grand nombre de fois par unité de temps cette opération de synthése, On dit quil s'agit d'une enzyme processive. Une seconde environ est nécessaire a une ADN polymérase hautement processive pour reconnaitre et se fixer sur une origine de réplication. Elle pourra ensuite polymériser jusqu’a 50 000 nucléo- tides en moins d’une minute (usqu’a 1000 nucléotides par seconde). Au contraire, une ADN polymérase non processive introduit un seul nucléotide par seconde. 8 Dunod. 36 Chapitre 2+ Réplication, réparation, recombinaison et transposition de 'ADN La synthése de l’ADN dans une cellule s’opére 4 la précision extra- ordinaire d’une erreur pour 10!° paires de bases polyméris Cette précision est rendue possible par l’existence d’un systéme de correction des erreurs dues 4 des confusions dans les appariements des bases en raison d’un petit nombre de bases puriques et pyrimidiques (une pour 10° environ) présentes dans la cellule sous des formes chimiques parti- culiéres (tautoméres). Les corrections sont opérées par un polypeptide constitutif de ’ ADN. polymérase porteur d’une activité 3’-exonucléase, c’est-a-dire capable de dégrader un brin d’ADN dans le sens 3’ — 5’, sens inverse de la synthése. Lorsqu’un nucléotide incorrect est introduit, l’addition du nucléo- tide suivant par l’ADN polymérase s’en trouve altérée. L’activité 3 exonucléase de l’ ADN polymérase élimine alors le nucléotide indési- rable et restaure la capacité de I’ ADN polymérase a introduire le bon nucléotide. La fourche de réplication Dans la cellule, les deux brins d’ADN sont simultanément répli- qués. Le site oi se disjoignent les deux brins se nomme la fourche de réplication (Fig. 2-2). Ce site se déplace vers le duplex ADN parent non encore répliqué, en libérant derriére lui, dans une configuration antiparalléle, les deux brins matrices. La synthése des nouveaux brins ne s’effectuant que par l’extension d’ une extrémité 3’-OH, un seul des deux simples brins libérés par I’ avancée de la fourche de réplication est copié en continu. Le brin nouvellement synthétisé correspondant se nomme brin de téte (« brin leader »). Sur l'autre brin matrice, d’orientation inverse, la synthése d’ADN s’opére de fagon discontinue dans une direction opposée au mouvement de la fourche de réplication. Sur ce brin, la synthése de I’ ADN démarre par des amorcages successifs dés qu’un segment simple brin suffisamment long s’est libéré du duplex parent. La synthése continue jusqu’a l’extrémité 5’ du segment précédent. IL en résulte une succession de courts fragments (100 4 1 000 nucléotides suivant les espéces) nouvellement synthétisés, nommés fragments d’Okazaki. L’ensemble de ces fragments successifs formera le brin retardé, aprés remplacement des amorces et ligatures des extrémités (Fig. 2-2, voir aussi Fig. 2-6). 2.1 + Les mécanismes de réplication de 'ADN 37 Brin de téte 3 se a) Brins parentaux ‘ 3’, avec I’énergie fournie par hydrolyse de l’ATP, en dissociant tout acide nucléique hybridé. Leur polarité de mouvement étant identique a la polarité du brin, |’ ADN hélicase fixée au brin matrice retardé se déplace dans le sens de déplacement de la fourche de réplication. Les simples brins libérés par I’ ADN hélicase sont immédiatement stabilisés par la fixation, sur un mode coopératif, de protéines parti- culigres (appelées protéines SSB) qui recouvrent |’ADN et I’empé- chent de se réassocier 4 d’autres brins pour reformer des doubles hélices. Au fur et & mesure que l’ADN hélicase déroule le duplex @ADN, son mouvement provoque en amont de la fourche de répli tion un empilement de surenroulements s’opposant a toute progres- sion de la réplication. Ce phénoméne résulte du fait que pour compenser le déroulement en aval de la fourche, l’ADN duplex en amont devrait pouvoir tourner le long de son axe longitudinal (une rotation toutes les 10 paires de bases désappariées environ) afin 2.1 Les mécanismes de réplication de 'ADN: 39 Brin parental 3 5 Amorce ARN Fragments d'Okazaki RNAse H TITTTTTT a 5 3 s 5' exonucléase . os ADN polymérase Synthése du brin / complémentaire ADN Ligase ' 5s 3 3 5 ~ ui S Création de la liaison > phosphodiester Figure 2-3 Actions successives des différentes enzymes assurant la synthése compléte du nouveau brin d'ADN. d’empécher les surenroulements de se produire. La trop grande Jongueur de l’ADN chromosomique (plusieurs millions de paires de bases) interdit tout mouvement de ce type. La solution est apportée par les topoisomérases. Ces enzymes clivent I’un ou les deux brins dADN ce qui a pour effet de relacher la contrainte et de dénouer les surenroulements. 40 Chapitre 2 + Réplication, réparation, recombinaison et transposition de 'ADN Les différentes ADN polymérases Les cellules viyantes possédent diverses ADN polymérases qui assurent les multiples et distinctes opérations de synthése nécessaires a la duplication d’un génome entier. Chez E. coli, on connait cing ADN polymérases différentes, dont PADN polymérase III qui forme avec d’ autres protéines un complexe hautement processif (voir @ page 35) et l' ADN polymérase I, faible- ment processive, qui élimine les amorces ARN grace a une activité S’exonucléase pour les remplacer par de l’ADN. Ces deux enzymes possédent de plus une activité 3° exonucléase, correctrice des erreurs de synthése. Les trois autres ADN polymérases de la bactérie participent a diverses opérations de réparation de |'ADN. Les cellules eucaryotes possédent de nombreuses ADN polymérases. Trois sont essentielles pour dupliquer le génome: 1- PADN polymérase o/primase qui posséde deux sous-unités pour la synthése de l’'ADN et deux sous- unités pour la synthése des amorces ARN ; 2- les ADN polymérases 5 et €, qui sont hautement processives et remplacent rapidement I’ ADN polymérase o. pour allonger efficacement le nouvel ADN que cette derniére a synthétisé. Les autres ADN polymérases eucaryotes partici- pent comme pour les bactéries & la réparation de P ADN. Les ADN polymérases hautement processives doivent cette propriété leur association avec des protéines spécialisées en forme d’anneaux coulissants disposés autour du duplex ADN en formation (Fig. 2-4). ‘Sens de réplication Brin matrice Brin néosynthétisé Anneau coulissant ADN polymérase Figure 2-4 Schéma montrant la position relative d’un anneau coulissant enser- rant |'ADN nouvellement synthétisé par !ADN polymérase qui lui est associé. Ces protéines trés particuligres sont introduites dés que se forme un hybride ADN-ARN capable d’induire un démarrage de la réplication. D autres protéines adaptent ces anneaux aux duplex hybrides puis aux 018 Dunod. 2.1 Les mécanismes de réplication de 'ADN 41 duplex d’ADN. Les anneaux protéiques mobiles restent attachés a TADN jusqu’a ce que toutes les protéines nécessaires 4 la duplication aient accompli leurs fonctions. Les différentes étapes de la réplication Le démarrage de la synthése Les sites internes ot! démarre la synthése sont appelés origines de r€plication et sont généralement au nombre de 1 a 2 chez les bactéries (taille du chromosome circulaire 4,6.10° pb) et plusieurs milliers chez les cellules eucaryotes (taille moyenne d’un chromo- some : 108 pb). L’ADN dupliqué a partir d’une origine de réplication est désigné par le terme de réplicon. Un réplicon se définit par la séquence dénommée le réplicateur (oriC chez E. coli). Il fixe la protéine initiatrice de la réplication (DnaA chez E. coli). A son contact s’organisent les divers composants actifs du démarrage (Fig. 2-5). Le répli de également une séquence riche en paires A-T facilement dissociable ce qui favorise la formation des mples brins. Chez les eucaryotes, réplicateurs et protéines sont également présents. Les complexes de réplication qui se forment aux deux fourches de réplication comportent notamment s et leurs protéines adaptatrices. Viennent ensuite ivement par des contacts protéine-protéine et protéine- les ADN polymérases avec leurs anneaux protéiques nts et des protéines adjuvantes. Ces derniéres stabilisent | deux machineries qui dupliquent simultanément le brin de téte et le brin retardé (Fig. 2-5). Chez les bactéries se forme un assemblage nommé le réplisome. II comporte deux exemplaires (deux sous-unités) de I’ ADN polymérase III, réunis l’un a l’autre par les protéines adaptatrices des anneaux coulissants et d’autres protéines adjuvantes. Les deux ADN polymérases copient simultanément, en sens inverse, les deux brins matrices (Fig. 2-6). Dans les cellules eucaryotes, I’ existence de nombreuses origines de réplication pose le probléme de la coordination d’un ensemble plus vaste afin qu’a chaque cycle cellulaire chaque chromosome soit répliqué une fois, mais seulement une fois. Cette difficulté propre aux cellules eucaryotes est résolue par la séparation temporelle des deux étapes.

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