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A la suite du décès de mon épouse, terrassée par un cancer, je me suis vautré dans la lecture.

Comme
évasion, c'était aussi efficace qu'une main ouvrant la cage d'un oiseau. Sauf que, moi, je battais de l'aile
métaphoriquement. Le grenier était bourré de vieux livres ayant appartenu à mon grand-père. Je m'étais
refusé à les vendre à des bouquinistes. Je n'avais besoin ni d'argent ni de place. Il y avait, là-haut, les
premières éditions des romans de Jules Verne. Les pages en étaient jaunies, et certaines s'émiettaient au
toucher. J'avais acheté des versions plus récentes, histoire de « boucher les trous ». Les séances de
collage m'avaient pris des journées entières. Il m'arrivait de délirer lorsque je maniais les ciseaux, imitant
Edward aux mains d'argent.

Je soufflais sur les toiles d'araignées afin de libérer les mouches prisonnières des terribles rets. Je
dégainais une allumette et en menaçais les piégeuses qui pendouillaient au bout de leurs fils. Elles
remontaient illico, avec la dextérité de Tarzan utilisant une liane pour faire le yoyo. Je riais bêtement,
comme retombé en enfance. Je parlais aux ombres, redoutant l'absence de soleil. Hermétique à la
foudre, j'insultais les cieux, lorsque l'orage me privait de mes grises copines. Les roulements de timbales
du tonnerre ne m'effrayaient guère, mais ce staccato de machine à écrire, doigts invisibles pianotant sur
la lucarne, m'était insupportable.

J'avais le tort de raconter mes péripéties, sous les combles, à mes amis. Ils m'écoutaient, tout sourire,
lors de nos sorties au resto, me faisant remarquer que ces épisodes se reproduisaient trop souvent pour
être vrais. C'est tout juste s'ils ne me traitaient pas de mytho. Je me fâchais tout rouge, et la conversation
déviait sur un sujet plus terre à terre. Nous étions quatre amis d'enfance, mousquetaires sans particules
ni panache.

Je ne pouvais pas leur en vouloir, ils craignaient pour ma santé mentale. Raoul, le doyen du groupe, qui
dirigeait un refuge pour animaux de compagnie, m'avait conseillé de prendre un chien.

« Tu verras, il te fera oublier tous tes soucis. C'est une gomme à mauvais souvenirs. Et il t'en créera de
nouveaux, tellement plus doux. »

« Et pourquoi pas un chat ? »

« Parce qu'avec un chat, tu ne seras plus chez toi. »


« Et je serai où ? »

« Chez lui. »

Je me revoyais, m'inquiétant parce que j'arrivais au bout de la pile de vieux livres. Il y en avait d'autres,
beaucoup d'autres, mais je n'avais pas vraiment envie de les lire.

Jules Verne, c'était une frustration remontant à mon enfance, quand je pestais parce que je ne savais pas
lire alors que mes parents m'amenaient au cinéma pour voir 20 000 lieues sous les mers ou Voyage au
centre de la Terre. Je voulais que les images soient enrobées par des mots.

Mon grand-père était déjà décédé, à l'époque. Je me contentais d'admirer les reliures « plein or ».
Maman me disait que, plus tard, ils seraient miens.

« Leur présence te rendra doublement riche. Tu les revendras à des bouquinistes qui t'en donneront un
bon prix. Mais tu les liras, avant, d'accord ? »

Et puis j'avais rencontré mes vieux amis, alors en culottes courtes, et zappé cet intérêt pour la lecture
des romans de l'auteur nantais.

Raoul m'a invité à venir faire un tour au refuge.

« Tu pourras en choisir un et le balader. Si le courant passe... »


« Mais ça doit puer... »

« On nettoie les cages tous les jours. »

« Parce qu'en plus, ils sont en cage comme des oiseaux ? Ils ont des ailes qui leur poussent dans le dos,
je parie »"

Il avait haussé les épaules.

« Alors... Tu viendras ? »

« Peut-être. Je ne te promets rien. »

« Tu n'auras qu'à m'appeler pour m'avertir de ta venue. »

Et il avait griffonné un numéro de téléphone sur un bout de papier. Je l'ai regardé faire en me disant que
s'il avait eu l'âme d'un artiste, il aurait aligné les chiffres sur un coin de nappe.

Un samedi matin, ma décision fut prise.


J'avais rêvé que je marquais d'une croix jaune les arbres à compisser, sur le boulevard. Ce n'était pas
destiné à un chien, non. Vous devinez à qui. Je m'étais réveillé alors qu'un bûcheron arrivait, très énervé,
la hache entre les dents. L'aube m'avait libéré de ce cauchemar. Après un petit-déjeuner copieux, j'ai
téléphoné au refuge et j'ai demandé à parler à Raoul. Une voix de femme m'a fort aimablement répondu
qu'il s'était absenté, me proposant de rappeler dans une heure.

« Ce ne sera pas nécessaire. Dites-lui que Franck a appelé. Il comprendra. Merci, au revoir. »

Deux heures ont passé. Rien. La nana m'avait-elle oublié ? Je connais bien Raoul, il est zélé, il aurait
décroché quand même le téléphone. Quelqu'un a toqué à ma porte. C'était lui. Sa franche poignée de
main m'a brisé quelques phalanges. J'avais l'habitude, mes os cicatrisent vite.

« Béatrice m'a dit que tu avais contacté le refuge. Allez, viens ! Je vais te présenter des amis. Nous ne
fonctionnons pas sur catalogue. »

« Comme au bordel… »

« Si tu veux. Mais même au bordel, on a sa chouchoute. Celle avec qui on veut passer le plus de temps
possible. »

« Oui, mais on ne l'épouse jamais. »

Sur le chemin du refuge, nous avons papoté.

« Amène-toi ! Tu vas passer en revue les cages comme un général face à son armée. »

« Ce sont des chiens de combat ? »

« Oui, voilà. Et les chats sont des snipers. Ils se perchent sur les toits et... »
A peine descendu de voiture, j'ai entendu aboyer. J'ai simulé de me boucher les oreilles. Raoul a hurlé
quelque chose, et le silence est revenu.

« Les plus anciens, ici, obéissent à la voix. Les nouveaux, c'est selon leur humeur. »

« Vous avez nettoyé les cages... »

« Oui, pourquoi ? »

« Parce que ça sent l'eau de Javel. »

« Quoi ? »

« Non, je plaisante. Alors, on la commence quand, cette revue de détails ? »

« Suis-moi ! »

Tous les chiens m'ont fait la fête. Ils étaient nourris, logés, mais cela ne suffisait pas, apparemment.
Raoul a déclaré solennellement qu'ils avaient besoin de recevoir de l'amour, précisant qu'ils avaient aussi
besoin d'en donner.

Il me parla d'un type qui avait choisi le moins sympathique parmi la meute. Il se tenait au fond de sa
cage, tournant le dos, la truffe collée au mur, comme s'il avait été « envoyé au coin » par l'instituteur. Il
ne lui manquait que le bonnet d'âne. L'homme l'avait adopté et en avait été content jusqu'à sa mort. Le
refuge avait récupéré le pauvre animal qui était parti, un matin, las de vivre sans son vieux maître.

« Tout ça pour te dire qu'il ne faut jamais se fier aux apparences. »


Celui que j'ai choisi se tenait un peu en retrait de ses colocataires.

« Lui ? C'est Désir. Un griffon de trois ans. Tu veux le balader ? Attends, je te donne une laisse. Tu vois, le
champ, là-bas, il est à vous. C'est l'heure de la promenade. »

« Comme en prison... »

Il y eut une explosion d'aboiements. J'ai pensé que les autres m'en voulaient de les avoir bannis de mon
choix.

Je suis revenu au refuge, une heure plus tard, les bras en compote à force d'avoir tenté de retenir Désir
qui avait une force de taureau.

« Alors ? »

« Alors, c'est lui qui m'a promené. Un vrai chien de traîneau... »

Raoul éclata de rire, mais son visage s'assombrit lorsque je lui ai dit que j'allais réfléchir.

« Tu reviens quand tu veux. Je te tiens au courant s'il a trouvé un maître. »

J'avais tiqué.

« On a droit à combien de balades avec un même chien ? »

« Autant qu'il faudra pour vous adopter l'un, l'autre. »


Je suis passé devant la cage des chats. Ils dormaient presque tous. Deux d'entre eux me fixaient comme
si j'étais une souris. Je leur ai fait un pied-de-nez, et ils ont feulé.

« Eux, ils n'ont pas envie d'être adoptés. » pensai-je dans un sourire.

Cette nuit-là, j'ai rêvé que je racontais une histoire à Désir pour le calmer. Il commençait à claquer des
mâchoires. Il avait été énervé par la présence de chats en rut, qui se battaient sur la terrasse. Ils venaient
souvent y copuler, et mon chien n'avait qu'une envie : les empêcher de se reproduire.

J'ai improvisé, comme souvent, mais cette fois, j'ai senti que Désir était scotché par l'histoire. Il était assis
sur son derrière, sa queue battant au rythme de mes mots. Je me balançais sur le vieux rocking-chair de
mon grand-père et regardait le plafond où des ombres transformaient le lustre en mappemonde. Elles
m'inspiraient.

J'ai très vite remarqué le silence. Je me suis dit que mon chien s'était endormi, après avoir fléchi, comme
au ralenti, sur ses pattes. Un chat eût ronronné, lui grondait, les yeux mi-clos. La sensation d'avoir
anesthésié un fauve en utilisant un fusil hypodermique. Je me suis réveillé après avoir vu qu'un enfant
était assis en tailleur, à sa place, et me souriait.

Revenu dans le vrai monde, j'ai respiré lentement comme si je remontais d'une plongée en apnée. J'avais
reconnu le gamin. C'était Raoul à l'âge où j'avais fait sa connaissance, en même temps que celle des deux
autres « mousquetaires ».
J'ai été incapable de me rendormir. J'ai continué de fixer le lustre, déserté par les ombres, jusqu'à l'aube.
La matinée a coulé mollement sur le quartier. Il faisait chaud et j'ai pensé à tous ces chiens qui devaient
être sur les nerfs et se mordre. Raoul m'avait dit qu'ils craignaient plus l'été que l'hiver. Que trop de soleil
les rendait fous. Plus que la pleine lune, en tout cas. Il les avait comparés aux taureaux des courses
camarguaises devenant féroces, derrière les raseteurs, quand le mistral s'époumonait sur le sable de
l'arène comme on souffle une bougie.

J'ai pensé à Désir, revivant notre balade, réagissant au quart de tour lorsque je lançais la baballe du
refuge ou une branchette ramassée dans le champ. J'avais du mal à avouer que j'avais passé un bon
moment. Que cet animal m'avait donné de l'importance, me redonnant le moral. Que j'étais déjà
irremplaçable dans sa vie de chien. Et que, peut-être...

Le téléphone a sonné. Raoul.

Quelqu'un s'était pointé au refuge et avait adopté Désir.

« Tu n'as pas de chance. Il n'a pas accepté de suivre son nouveau maître. C'est la première fois que ça
arrive. Je crois que tu lui avais tapé dans l'œil. Il y a d'autres toutous qui pourront t'intéresser. Tu reviens
quand tu veux. Je t'attends. »

J'ai raccroché. L'impression d'être cocu.

Je n'ai rien pu avaler, ce jour-là. Je repensais à mon rêve. J'y jouais le rôle du grand-père racontant une
histoire à son petit-fils...

« La prochaine fois, tu seras vieux et l'enfant, en t'écoutant, deviendra un chien. Un griffon. Et ses
parents, surtout ta fille, vont t'engueuler comme jamais. »
Je n'entendais cette petite voix que lorsque je passais à côté de quelque chose de grand. Comme la fois
où j'avais rencontré la femme idéale et pris la fuite parce que la vie de couple était, à mes yeux, le
contraire de la liberté. Il avait même été question de fiançailles. J'avais été à deux doigts de déménager,
infâme désertion, car incapable de rompre. Face à l'amour, je n'étais guère courageux, comme la plupart
des hommes.

Les nuits suivantes ont été pénibles, notamment celle où j'ai rêvé que Désir grattait à la porte, en pleine
nuit. J'ignorais comment il m'avait retrouvé. La piste était parsemée de pièges, chauffards, croquettes
empoisonnées, chiens tellement plus gros. Comme un imbécile, je m'étais levé. J'avais descendu les
marches en les survolant. Parvenu sur le pas de la porte, je me suis surpris à l'appeler. Un type passa,
visiblement éméché, et son index tapota sa tempe. J'eus honte.

Je suis retourné me coucher, la tête basse, glissant sur chacune des marches, risquant de me rompre le
cou.

« Si je tenais ce type qui... »

La petite voix m'interrompit alors que le lit m'accueillait une seconde fois, cette nuit-là.

« Et tu feras quoi ? Tu le buteras ? Les chiens ne sont pas acceptés en prison. »

*
J'ai longtemps souhaité avoir fait un rêve prémonitoire, mais non, toujours pas la moindre paire de
pattes griffues pianotant mécaniquement sur la porte pour m'avertir de la présence d'un chien pressé
d'entrer.

Et tous ces chats qui miaulaient à la lune, sur la terrasse, du soir à l'aube.

Lui serait une solution contre cette nuisance. Tellement mieux que les croquettes empoisonnées. Je ne
voulais pas la mort de ces matous bruyants, juste l'égoïste délocalisation du problème.

Chaque fois que le téléphone sonnait, je courais d'une pièce à l'autre, comme attendant le coup de fil
d'une petite amie. Je voulais que cela cesse, alors j'ai décidé d'appeler Raoul pour lui demander
l'impensable. Je n'ai point demandé son avis à la petite voix qui, adepte du monologue et donneuse de
leçons, ne me répondait jamais.

Il était très agacé après que je lui avais demandé le nom et l'adresse du type qui avait adopté Désir.

« Tu es devenu fou ? Je suis sûr que tu as prévu de faire une bêtise. De toute façon, je n'ai pas le droit de
te... »

« Même à un vieil ami ? »

« Surtout à un vieil ami... »

« Allez, ce n'est pas comme le secret médical, quand même... »

« Si, si, justement. »

Je me suis dit que j'aurais dû m'enivrer pour avoir le courage d'insister, mais là, j'ai laissé tomber. Et puis,
je ne m'attendais pas à cette réaction de sa part. Je l'avais trouvé particulièrement froid. Pourquoi avait-il
subitement revêtu le costume d'un gérant de refuge, avec moi ? L'avais-je, à ce point, déçu ?

J'ai passé la nuit à repenser à la promenade dans le champ. Au regard de Désir. Dix minutes après avoir
tiré sur sa laisse, il avait décidé que celui qui était à l'autre bout avait tout d'un bon maître. Alors il avait
été prompt à ramener la baballe, et ses léchouilles ne m'avaient point dégoûté, comme je le craignais.
Au contraire, je me suis senti devenir important aux yeux de quelqu'un.

Raoul a rappelé, le lendemain matin. Il semblait moins distant, et m'a même demandé en rigolant si
j'avais bu, la veille. Un comble.

« Tu as de la chance... Un autre griffon a été trouvé errant sur le bord de la route. Il a un collier, mais si
personne ne vient le récupérer, tu... »

Je lui ai raccroché au nez et je me suis précipité sous la douche. Je me rappelle, ce jour-là, avoir
accumulé les tasses de café, comme souvent lorsque j'étais contrarié. D'autres, c'est l'alcool ou les
antidépresseurs. Quelque chose montait en moi, qui s'agrippait à ma peau, enfonçait ses griffes
profondément, et ressemblant étrangement à une grosse déprime. Raoul qui me parle de chance alors
que...

ALORS QUE C'ETAIT TOUT LE CONTRAIRE !

Il n'y avait pas de doute, il s'était foutu de ma gueule.

Ce type qui m'avait volé Désir... Comme un homme enlève la femme que vous aimez, une semaine avant
le mariage.

Je suis entré dans une rage folle, injuriant l'espace, les murs, Dieu. Je suis monté au grenier et j'ai shooté
dans les piles de livres. J'étais Godzilla et je m'apprêtais à détruire la cité d'encre et de papier. Chacun de
mes mouvements était imité par des ombres semblant s'ingénier à agrandir les lézardes qui
transformaient le grenier en organe bouffée par le cancer. Et j'étais la tumeur qui boxait le cerveau de la
maison comme un sac de frappe.
Je m'étais défoulé de la plus stupide des façons. Des pages jaunies voletaient encore, telles des feuilles
d'automne, lorsque j'ai déserté les lieux. Oui, mais nous étions au cœur de l'été, et tout mon corps
pleurait. Je suais à grosses gouttes salées.

Les nuits glauques, aigreurs d'estomac, haleine de bouc, borborygmes, se sont enfilées comme des
perles, à un train d'enfer. Mais c'est moi qui déraillais. La journée, je montais sous les combles afin de
ranger ce que j'avais envoyé en l'air. Je me suis dit que, pendant que je remettrais de l'ordre dans les
pages des romans de Jules Verne, je ne penserais plus à la trahison de Raoul, et à la malchance.

Ce fut l'inverse qui se produisit. A tel point que j'ai collé des chapitres de 20 000 lieues sous les mers à la
suite de certains de Voyage au centre de la Terre, et inversement.

Il m'a fallu une bonne semaine pour reconstruire la cité d'encre et de papier. Je n'avais été dérangé par
aucun coup de téléphone. Il faut dire que je m'étais enfermé, bronzant au chaud soleil d'été dispensé
par la lucarne. Je m'étais promis de coller des rustines sur les lézardes, et j'ai essayé de reprendre une
vie normale.

Souffrant de l'estomac, j'ai consulté mon médecin traitant qui m'a diagnostiqué une gastrite.

Interdiction de boire du café, du thé, de l'alcool, et pas de poivre ni d'épices exotiques. Manger léger.

Il me semblait bien que Raoul avait informé les deux autres « mousquetaires » de mon souci avec
l'éthique car, eux non plus, n'avaient point appelé. Et ce n'était pas à moi de...
J'ai plongé, petit à petit, dans une dépression nerveuse abyssale. Une mer où nageaient mollement des
poissons d'une rare laideur, la gueule ornée de dents de la taille d'une dague. Tous prêts à m'avaler tout
cru.

C'était la première plongée depuis celle, plus terrible encore, ayant succédé au décès de mon épouse.

– EPILOGUE –

Je n'en pouvais plus de sucer des pastilles. Si j'avais roulé une pelle à un rat, il serait mort. Mon estomac
allait mieux, mais mon moral déclinait. Je voyais des ombres partout, et certaines me suivaient en
aboyant. Je m'étais enfermé dans un isolement volontaire et un mutisme gênant lorsque le facteur
insistait pour entrer quand il y avait un récépissé à signer.

J'évoquais un zombie, avec des cernes aussi profonds que les tranchées de Verdun. Une fois, le stylo
m'est tombé des mains, et c'est lui qui l'a ramassé.

Et il y eut le fameux jour où j'ai entendu des pattes griffues labourer la porte d'entrée, ainsi que des
couinements de chiot. Puis trois coups, comme au théâtre.

J'ai failli glisser en descendant les marches deux par deux. La tête me tournait, et j'étais coursé par une
meute d'ombres dont les queues louvoyaient tels les tentacules d'une pieuvre prisonnière du mur.

J'ai ouvert la porte et deux pattes velues se sont violemment posées sur ma poitrine.

Raoul le tenait en laisse.


Désir. Désir, bon chien.

« Le type qui te l'a volé... » dit mon ami en souriant de toutes ses dents.

Il toussota, simulant une quinte de toux, jouant la montre, préparant son effet.

« Hé bien ! Accouche ! »

« Il l'a ramené au refuge. Désir ne s'entend pas avec son chat. Si tu le veux encore, il est à toi. »

Il me tendit la laisse.

J'ai cru qu'il s'était mis à pleuvoir. C'étaient juste mes yeux

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