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Étude de la fonction Gamma d’Euler

A. Lesfari
E. mail : lesfariahmed@yahoo.fr
Site web : http://lesfari.com

♠ Problème ♠

On appelle fonction gamma d’Euler la fonction définie par


Z +∞
Γ(x) = e−t tx−1 dt.
0

1) Montrer que Γ est définie sur ]0, +∞[.


2) Montrer que cette intégrale converge uniformément sur l’intervalle [a, b]
où 0 < a < b < +∞.
3) En déduire que Γ est continue sur ]0, +∞[.
4) Montrer que Γ est de classe C ∞ sur ]0, +∞[ avec
Z +∞
(k)
Γ (x) = e−t (ln t)k tx−1 dt.
0

5) Montrer que :

∀x > 0, Γ(x + 1) = xΓ(x).

6) En déduire que :

∀k ∈ N∗ , Γ(k + 1) = k!.

7) Montrer que pour tout k ∈ N, on a

(2k)! √
 
1
Γ k+ = π,
2 22k k!
(−1)k 22k k! √
 
1
Γ −k + = π.
2 (2k)!

8) Montrer que Γ est convexe.


9) Montrer que Γ0 s’annule une et une seule fois en un point α ∈]1, 2[.

1
(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 2
10) Montrer que :
lim xΓ(x) = 1,
x→0+
et
lim Γ(x) = lim Γ(x) = +∞.
x→0+ x→+∞

Γ(x)
11) Calculer lim et interpréter le résultat obtenu.
x→+∞ x
12) Montrer que l’on peut définir la fonction Γ(x) pour des valeurs négatives
de x et qu’elle agit comme un prolongement de la fonction factorielle.
13) Esquisser une représentation graphique de la fonction Γ(x).
14) Montrer que
Z +∞ Z k  k
−t x−1 t
Γ(x) = e t dt = lim 1− tx−1 dt, x>0
0 k→+∞ 0 k

15) Montrer que

k x .k!
Γ(x) = lim , x>0
k→+∞ x(x + 1)...(x + k)

16) En déduire la formule de Weierstrass :


∞ 
1 Y x −x
= xeγx 1+ e k, x>0
Γ(x) k=1
k

où !
k
X 1
γ = lim − ln k = 0, 57721...,
k→∞
l=1
l
est la constante d’Euler.

♣ Solution ♣

1) Pour tout x ∈ R, la fonction

]0, +∞[−→ R, t 7−→ e−t tx−1 ,

est positive, continue sur ]0, +∞[ et donc localement intégrable Zsur ]0, +∞[.
1
L’intégrale en question converge en même temps que les intégrales e−t tx−1 dt
Z +∞ 0
−t x−1
et e t dt. Au voisinage de 0, on a
1

e−t tx−1 ∼ tx−1 .


(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 3
Z 1
L’intégrale tx−1 dt converge si et seulement si x > 0 et d’après le critère
0 Z 1
d’équivalence, il en est de même pour e−t tx−1 dt. Au voisinage de +∞, on
0
a
lim t2 e−t tx−1 = 0,
t→+∞

c.-à-d.,  
−t x−1 1
e t =o 2 ,
t
Z +∞ Z +∞
−t x−1
et l’intégrale e t dt converge. Par conséquent, l’intégrale e−t tx−1 dt
1 0
converge si et seulement si x > 0.
2) Pour x ≥ a > 0 et t ∈]0, 1]. On a

e−t tx−1 ≤ e−t ta−1 .


Z 1 Z 1
−t a−1
L’intégrale e t dt étant convergente, alors e−t tx−1 dt converge nor-
0 0
malement sur [a, +∞[ en vertu du critère de Weierstrass. Pour 0 < x ≤ b et
t ∈ [1, +∞[, on a
e−t tx−1 ≤ e−t tb−1 .
Z +∞
Comme l’intégrale e−t tb−1 dt converge, alors on déduit du même critère
Z +∞ 1

que e−t tx−1 dt est normalement convergente pour 0 < a ≤ x ≤ b. Par


1
conséquent, l’intégrale en question converge normalement, donc uniformément
sur l’intervalle [a, b] où 0 < a < b < +∞.
3) La fonction sous le signe intégrale est continue sur ]0, +∞[×]0, +∞[. La
continuité de la fonction Γ sur ]0, +∞[ résulte immédiatement de la question
précédente et du théorème de continuité.
4) Posons f (x, t) = e−t tx−1 . Notons que f est de classe C k , ∀k ∈ N∗ , sur
]0, +∞[×]0, +∞[ et sa dérivée jusqu’à l’ordre k est e−t (ln t)k tx−1 . Pour montrer
que Γ est de classe C ∞ sur ]0, +∞[ avec
Z +∞
(k)
Γ (x) = e−t (ln t)k tx−1 dt,
0

on applique le théorème de dérivation aux dérivées successives de f par rap-


port à x en utilisant un raisonnement similaire à celui fait dans les questions
précédentes. Pour k = 1, calculons formellement la dérivée de Γ(x) :
Z +∞
0
Γ (x) = e−t (ln t)tx−1 dt.
0
(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 4
Pour x ≥ a > 0 et t ∈]0, 1], on a
|e−t (ln t)tx−1 | ≤ e−t | ln t|ta−1 .
Au voisinage de 0, on a
e−t (ln t)ta−1 ∼ (ln t)ta−1 .
En intégrant par parties, on obtient
Z 1 1
(ln t)ta ta

a−1 1
lim (ln t)t dt = lim − 2 = − 2, a > 0
u→0 u u→0 a a u a
Z 1
L’intégrale (ln t)ta−1 dt converge et d’après le critère d’équivalence l’intégrale
Z 1 0
−t a−1
e (ln t)t dt converge aussi. Donc l’inégalité ci-dessus et le critère de
0 Z 1
Weierstrass montre que l’intégrale e−t (ln t)tx−1 dt converge normalement
0
sur [a, +∞[. De même, au voisinage de +∞, pour 0 < x ≤ b et t ∈]1, +∞[, on
a
e−t (ln t)tx−1 ≤ e−t (ln t)tb−1 .
Z +∞
L’intégrale e−t (ln t)tb−1 dt converge car
1

lim t2 e−t (ln t)tb−1 = 0,


t→+∞

c.-à-d.,  
−t b−1 1
e (ln t)t =o 2 .
t
Z +∞
D’après le critère de Weierstrass, l’intégrale e−t (ln t)tx−1 dt est normale-
1 Z +∞
ment convergente pour 0 < a ≤ x ≤ b. Par conséquent, l’intégrale e−t (ln t)tx−1 dt
0
converge normalement, donc uniformément sur l’intervalle [a, b] où 0 < a <
b < +∞. Toutes les hypothèses du théorème de dérivation étant satisfaites, on
en déduit que la dérivation ci-dessus est justifiée et que Γ est de classe C 1 sur
]0, +∞[ avec Z +∞
Γ0 (x) = e−t (ln t)tx−1 dt.
0
Pour les dérivées successives de f par rapport à x, on raisonne comme ci-dessus.
On considère un compact [a, b] ⊂]0, +∞[, 0 < a < b. Pour tout x ∈ [a, b], la
fonction
∂kf
k
(x, t) = e−t (ln t)k tx−1 ,
∂x
(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 5
est continue par rapport à t sur ]0, +∞[ et pour tout t ∈]0, +∞[, elle est
continue par rapport à x sur [a, b]. Comme précédemment, on a pour x > 0,

∂kf x
−1

(x, t) = o t 2 ,
∂xk
au voisinage de 0 et
∂kf
 
1
k
(x, t) = o 2 ,
∂x t
Z +∞ k
∂ f
au voisinage de +∞. Dès lors, l’intégrale (x, t) est convergente. Pour
0 ∂xk
tout (x, t) ∈ [a, b]×]0, +∞[, on a

∂kf ∂kf ∂kf


(x, t) ≤ (a, t) + (b, t) ,
∂xk ∂xk ∂xk
Z +∞ k
∂ f
et d’après le critère de Weierstrass, l’intégrale (x, t), converge nor-
0 ∂xk
malement, donc uniformément sur l’intervalle [a, b] où 0 < a < b < +∞. Les
hypothèses du théorème de dérivation (appliqué aux dérivées successives de f
par rapport à x) étant satisfaites, on en déduit que la fonction Γ est de classe
C ∞ sur ]0, +∞[ avec
Z +∞
(k)
Γ (x) = e−t (ln t)k tx−1 dt.
0

5) En intégrant par parties, on obtient pour x > 0,


Z u
e−u ux e−v v x 1 u −t x
Z
−t x−1
e t dt = − + e t dt,
v x x x v
d’où Z u
1
Γ(x) = lim e−t tx−1 dt = Γ(x + 1).
u→+∞
v→0 v x
6) Comme Z +∞
Γ(1) = e−t dt = 1,
0
alors d’après la formule ci-dessus, on a

Γ(2) = 1!
Γ(3) = 2Γ(1) = 2!
Γ(4) = 3Γ(2) = 3!

et par une récurrence immédiate, on obtient la formule en question.


(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 6
7) On a
Z +∞
Γ(x) = e−t tx−1 dt,
0
Z +∞
2
= 2 e−y y 2x−1 dy, t = y2
0

En particulier, Z +∞

 
1 2
Γ =2 e−y dy = π.
2 0
Par application répétée de la formule de récurrence :

Γ(x + 1) = xΓ(x),

on obtient
     
1 1 1
Γ k+ = k− Γ k− ,
2 2 2
..
.     
1 3 3 1 1
= k− k− ... . Γ ,
2 2 2 2 2
d’où
(2k)(2k − 1)(2k − 2)(2k − 3)...3.2.1 √
 
1
Γ k+ = π,
2 (2k)(2k − 2)...2.2k
(2k)! √
= 2k π.
2 k!
On montre de même que :
(−1)k 22k k! √
 
1
Γ −k + = π.
2 (2k)!
8) D’après la question 4), on a sur ]0, +∞[,
Z +∞
00
Γ (x) = e−t (ln t)2 tx−1 dt.
0

Cette fonction est strictement positive sur ]0, +∞[, donc Γ est convexe.
9) La fonction Γ est continue sur [1, 2], dérivable sur ]1, 2[,

Γ(1) = Γ(2) = 1,

et d’après le théorème de Rolle, ∃α ∈]1, 2[ tel que : Γ0 (α) = 0. Par ailleurs, on


déduit de 8) que la fonction Γ0 est strictement croissante sur ]0, +∞[, donc elle
(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 7
s’annule au plus une fois. Cette fonction est < 0 sur ]0, α[ et > 0 sur ]α, +∞[.
Dès lors, il existe un point unique α ∈]1, 2[ tel que : Γ0 (α) = 0. La fonction
Γ est strictement décroissante sur ]0, α] et strictement croissante sur [α, +∞[,
donc Γ passe par un minimum situé entre 1 et 2.
10) D’après la question 3), on sait que la fonction Γ est continue sur
]0, +∞[. En outre, on a montré dans 5) que :

∀x > 0, Γ(x + 1) = xΓ(x),

donc
lim xΓ(x) = lim+ Γ(x + 1) = Γ(1) = 1.
x→0+ x→0

La fonction Γ est positive et au voisinage de 0, la fonction e−t t−1 n’est pas


intégrable, donc
lim+ Γ(x) = +∞.
x→0

La fonction Γ est continue et convexe. Elle croı̂t rapidement quand x → +∞


car √
Γ(k + 1) = k! ∼ k k e−k 2πk (formule de Stirling).
Donc Γ est croissante sur [2, +∞[ et

lim Γ(x) = +∞.


x→+∞

11) Pour x > 1, on a

Γ(x) (x − 1)Γ(x − 1)
lim = lim = +∞.
x→+∞ x x→+∞ x
La courbe représentative de la fonction Γ possède en +∞ une branche parabolique
de direction l’axe oy.
12) Si x ∈] − 1, 0[, l’intégrale
Z +∞
Γ(x + 1) = e−t tx dt,
0

converge et la formule
Γ(x + 1)
Γ(x) = ,
x
nous permet de définir Γ(x) sur ] − 1, 0[. On peut, de proche en proche, définir
Γ(x) sur les intervalles : ] − (k + 1), −k[, k ∈ N. Plus précisément, on a

Γ(x + 1) = xΓ(x),
Γ(x + 2) = (x + 1)xΓ(x),
(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 8
et ainsi de suite

Γ(x + k + 1) = (x + k)(x + k − 1)...xΓ(x), k ∈ N.

Dès lors,
Γ(x + k + 1)
Γ(x) = , k∈N
x(x + 1)...(x + k)
La fonction Γ(x) se définit par la formule donnée dans la question a) et par
la formule ci-dessus pour −(k + 1) < x < −k, k ∈ N. Elle constitue un
prolongement de la fonction factorielle k! définie elle, sur N seulement.
13) Les droites x = −k, k ∈ N, sont des asymptotes.

14) On a
 k
t t t
1− = ek ln(1− k ) ≤ ek(− k ) = e−t ,
k
et  k
t
1− tx−1 .1[0≤t≤k] ≤ e−t tx−1 .
k
La fonction e−t tx−1 est sommable (on montre aisément qu’elle est absolument
(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 9
intégrable) et d’après le théorème de convergence dominée de Lebesgue, on a
Z k k Z k  k
t x−1 t
lim 1− t dt = lim 1 − tx−1 dt,
k→∞ 0 k k→∞ k
Z0 ∞
= e−t tx−1 dt,
0

d’où le résultat.
15) En faisant plusieurs intégrations par parties, on obtient
Z k k Z 1
t x−1 x t
1− t dt = k (1 − τ )k τ x−1 dτ, τ =
0 k 0 k
Z 1
k
= kx (1 − τ )k−1 τ x dτ,
x 0
Z 1
x k(k − 1)
= k (1 − τ )k−2 τ x+1 dτ,
x(x + 1) 0
..
. Z 1
x k(k − 1)...1
= k τ x+k−1 dτ,
x(x + 1)...(x + k − 1) 0
k.k!
= kx ,
x(x + 1)...(x + k)
et le résultat en découle.
16) D’après 15), on a
Z k k
t k x .1.2.3...k
1− tx−1 dt = ,
0 k x(x + 1)(2 + x)(3 + x)...(k + x)
kx
= x(x+1)(2+x)(3+x)...(k+x) ,
1.2.3...k
kx
= x
,
1 + x2 1 + x3 ... 1 + xk
  
x 1+ 1
x ln k
e
= Qk ,
x 1 + xl
l=1
Pk 1
ex(ln k− l=1 l )
= Pk 1 .
x kl=1 1 + xl e−x l=1 l
Q 

Or
Pk 1 1 1
= e−x(1+ 2 + 3 +···+ k ) ,
1
e−x l=1 l

k
x
Y
= e− l ,
l=1
(A. Lesfari, fonction gamma d’Euler) 10
donc k 1
ex(ln k− l=1 l )
Z k  k P
t x−1
1− t dt = Qk  x.
0 k x l=1 1 + xl e− l
En tenant compte de 14), on obtient
k 1
ex limk→+∞ (ln k− l=1 l )
P

Γ(x) =  x,
x limk→+∞ kl=1 1 + xl e− l
Q

e−γx
= Q∞  x,
x l=1 1 + xl e− l

où γ est la constante d’Euler.

References
[1] Lesfari, A. : Notions fondamentales d’ANALYSE MATHÉMATIQUE
(Résumés de cours, exercices et problèmes corrigés), éditions Ellipses, Paris
(2014).

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