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Grumel Venance. Les « douze chapitres contre les iconomaques » de saint Nicéphore de Constantinople. In: Revue des études
byzantines, tome 17, 1959. pp. 127-135.
doi : 10.3406/rebyz.1959.1201
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1959_num_17_1_1201
LES « DOUZE CHAPITRES
CONTRE LES ICONOMAQUES »
DE SAINT NICÉPHORE DE CONSTANTINOPLE
1. Blake a même poussé le soin jusqu'à consulter Mgr Devreesse, alors vice-préfet à la
Vaticane, qui lui a indiqué les écrits de Nicéphore qu'il connaissait dans cette bibli
othèque; parmi eux ne figure pas celui dont nous nous occupons.
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(parce que) et sont suspendus à cette particule causale. C'est une suite
d' « attendus » qui appellent une sentence. Et la sentence, la voici.
« A cause de tout cela, même s'ils paraissent quelque jour se repent
ir de leurs blasphèmes et de leurs crimes, ils ne peuvent pas être
reçus de Dieu et de l'Église catholique, car leur repentir n'est pas
sincère, quoi qu'ils promettent, mais faux et simulé. Nous savons en
effet que telle est la religion des Manichéens dont ils sont les associés
et les mystes; ils imposent pour loi et dogme à leurs initiés, s'ils sont
surpris par les chrétiens et doivent rendre compte de leur erreur misé
rable, d'avoir à la nier et à la rejeter, mais ensuite, dès que l'occasion
se présente et qu'ils en ont la liberté, de retourner à leur vomisse
ment et de s'attacher à leur erreur et impiété. Aussi, celui qui les reçoit
devient compagnon de leur perte et est soumis à mille anathèmes. » Et
ici le patriarche invoque l'attitude de l'évêque de Rome envers les
iconomaques comme preuve qu'ils sont bien séparés de l'Église cathol
ique. « Qu'ils soient rejetés de l'Église catholique, on en a le témoi
gnage et l'assurance dans les lettres envoyées, il y a peu de temps, par
le très saint et très bienheureux hiérarque de l'ancienne Rome, c'est-
à-dire du Siège premier et apostolique, et encore dans la conduite
de ses topotérètes et apocrisiaires, qui non seulement n'ont point
communié avec eux, mais n'ont même pas voulu les voir ni les entendre
aucunement, et finalement ont refusé de prendre le repas avec eux. »
Et le patriarche de terminer : « A cause de toutes ces choses, nous
aussi (c.-à-d. comme les apocrisiaires du pape) nous repoussons la
communion et refusons de nous rencontrer avec eux pour ne pas
tomber sous le même anathème qu'eux, et nous trouver extérieurs
et étrangers aux trônes apostoliques, et — ce qui est pire que tout —
déchus du royaume du Christ notre Dieu et condamnés au feu éternel. »
Ce document appelle quelques remarques. Commençons par le situer
chronologiquement. Nous avons vu plus haut au chapitre vi que
Nicéphore dit que les promesses de longue vie et prospérité faites
aux souverains iconomaques ont été démenties par les événements.
Il ne pouvait s'exprimer de la sorte tant que Léon V était au pouvoir.
C'est donc après la mort de cet empereur que le document a été écrit.
Les dernières lignes de la conclusion permettent de préciser en quelles
circonstances. Elles expriment en effet le refus très net du patriarche
de communier avec les chefs de l'hérésie et même de converser avec
eux. Or, on sait qu'après la mort de Léon V (25 déc. 820), le nouvel
empereur invita les orthodoxes à une discussion avec les chefs de
l'hérésie pour arriver à un accord, ou du moins à un modus vivendi.
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Son idée à lui, pour le moins au début, était de laisser chacun libre de
vénérer ou de ne pas vénérer les images, comme étant chose indiffé
rente, pourvu seulement que rien ne fût changé dans la capitale où
aucune image ne devait plus paraître 2. Les iconophiles ne pouvaient
accepter un tel compromis.
On connaît le refus des évêques et des higoumènes orthodoxes par
la lettre que Théodore Studite écrivit en leur nom 3. Notre document
manifeste celui de Nicéphore. Le patriarche, d'un ton ferme et décisif,
repousse catégoriquement tout contact avec les hérésiarques. Ils
sont hors de l'Église; on ne doit point les rencontrer ni même espérer
leur conversion. Ces invitations à la paix religieuse eurent lieu dans
les premiers mois de 821. On peut même préciser la circonstance, à
savoir la vacance du trône patriarcal, mars-avril 821. C'est alors en
effet que les conditions étaient les plus favorables. L'apaisement
apporté par le changement de régime devait se prolonger et se comp
léter à l'occasion du changement de patriarcat. On a du reste une
indication de Théodore Studite qui ne permet pas de s'écarter du
premier trimestre 821. Dans une lettre écrite sur la fin de la guerre
civile soulevée par Thomas le Slave, Théodore, à l'occasion d'une
nouvelle invitation impériale à discuter avec les iconoclastes, rap
pelle celle qui a été faite par le basileus régnant (Michel II), il y a
trois ans, προ τριών ετών et le refus qu'il y a opposé, et aussi celui du
patriarche 4. Or Thomas le Slave fut pris et supplicié au milieu d'oc
tobre 823 5. On voit que les trois ans ne sont pas même achevés
depuis l'avènement de Michel II. Il est donc nécessaire de placer l'opus
cule de Nicéphore à la fin de l'hiver ou au début du printemps 821,
et sans nul doute, dans la circonstance de la vacance. Il suit de là que
l'ambassade mentionnée ne peut être que celle du pape Pascal Ier
sous Léon l'Arménien. Comme très probablement elle eut lieu en 818,
cela correspond au temps marqué par Nicéphore προ χρόνων τινών
(peut-être y avait-il τριών) 6. Cette ambassade ne paraît pas chez les
anciens chroniqueurs byzantins, et est passée inaperçue des histo
riens modernes.
Il reste un dernier point à relever dans l'opuscule de Nicéphore, à