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Examen de Français - Université Catholique D'amazonas
Examen de Français - Université Catholique D'amazonas
Étudiant:
« Elle, c’est Barbie. Lui, c’est juste Ken. » Le service marketing de Barbie, adaptation par
la réalisatrice Greta Gerwig du destin de la poupée la plus célèbre au monde, annonce la
couleur. Sur l’af che, l’actrice Margot Robbie ridiculise son homologue masculin (Ryan
Gosling), réduit à une machine sexuelle dont elle écrase le visage de sa main parfaitement
manucurée. La spectatrice sensible à l’égalité femmes-hommes frétille à l’idée d’assister à
une comédie féministe, af rmation revendiquée d’un girl power nouvelle génération où le
monde de Barbie gurerait, sur un mode exubérant, un matriarcat pop et sans complexe.
Dépolitisation du féminisme
Étrangement, tous les apports du féminisme récents (sur le travail, l’« inclusivité », le
genre, la sexualité…) semblent otter sur le plateau sans que le lm ne s’y aventure
concrètement. Pendant les deux heures de ce ripolinage idéologique, on saura qu’il existe
des femmes en situation de handicap, mais elles n’auront pas la parole ; on apprendra qu’il
existe des femmes astronautes, mais on ne les verra pas travailler ; on remarquera que la
féminité inclut les femmes trans (l’excellente actrice Hari Nef), mais le mot ne sera jamais
prononcé ; on imaginera que des lesbiennes habitent à Barbieland, mais on n’en aura jamais
la preuve... Comme s’il fallait réduire la voilure au strict minimum : un très commode
discours d’empowerment servi façon Ted Talk, à chaque séquence ou presque. « Vous êtes
belle », lâche par exemple Margot Robbie à une vieille dame ridée, assise à un arrêt de bus,
dans une scène que la réalisatrice présente comme « le cœur du lm ». « Je sais », lui
rétorque simplement l’intéressée. Ah ! puisqu’il suf t de se faire con ance…
Au fond, dans Barbie, tout semble fait pour dépolitiser la question féministe. L’égalité
femmes-hommes se traduit non pas par un rapport de force où la lutte serait médiatisée par
des associations engagées, des revendications fortes ou des gures de proue parfois
clivantes, mais où l’émancipation des femmes est toujours ramenée à sa dimension
intersubjective. Les femmes contre les hommes ; les copines contre les copains ; Barbie
contre Ken. Un féminisme de la débrouille, en somme. Ce problème existait déjà dans autre
lm récent à vocation féministe, Women Talking (2022), de Sarah Polley, qui a reçu l’Oscar
du meilleur scénario adapté en 2023. Des femmes y évoquaient ensemble les violences
sexuelles dont elles avaient été l’objet. Incapable de dessiner les contours politiques d’une
société véritablement féministe, la metteuse en scène s’en tenait aux témoignages des
victimes et à la célébration d’une sororité courageuse. Rien sur les lois, les procédures, les
institutions à refonder. De même, le lm Barbie aurait pu être l’occasion d’imaginer un
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matriarcat fun, rebâti de fond en comble, y compris de manière loufoque. Jamais Greta
Gerwig ne s’autorise une telle fantaisie.
Capitalisme révisionniste
Bien sûr, la dépolitisation du lm tient à un élément qui lui échappe en partie. Le
blockbuster de la rme Mattel doit être le moins clivant possible, a n d’assurer la vente
maximale de poupées et de produits dérivés une fois le carton en salles advenu. Les petites
blagues sur la gynécologie gêneront moins de spectatrices que de décréter que les femmes
trans ont le droit de concourir aux mêmes épreuves de natation que Barbie. Pour donner le
change, Mattel tend sa joue plasti ée en faisant mine d’accepter certaines critiques, par
exemple sur le côté ringard de la poupée ou la misogynie de ses dirigeants mâles. Une
opération de agellation minimale d’où l’entreprise sort renforcée, puisque le storytelling
reste entièrement sous contrôle, à tel point que la créatrice de Barbie, Ruth Handler, nous
est présentée comme une douce utopiste ayant œuvré toute sa vie pour l’indépendance des
femmes. Qui se soucie de savoir si c’est vrai ? « Quand la légende est plus belle que la
réalité, on imprime la légende » : cette sentence hollywoodienne révisionniste datant de
1962 – à peine trois ans après la mise sur le marché de la première poupée Barbie – n’a rien
perdu de sa vigueur.
Il est entendu qu’il n’existe pas un féminisme, mais des féminismes. En ce sens, le lm
de Greta Gerwig peut être effectivement présenté comme féministe, puisqu’il incite les
femmes de tous âges à devenir plus autonomes – ce qui est certes déjà mieux que la plupart
des blockbusters américains. Mais ce féminisme libéral, si bien en cour à Hollywood
aujourd’hui, agit comme un bras armé du capitalisme et un zélateur de l’identité
individuelle. Il est combattu par d’autres courants féministes, qui tentent de résister aux
puissances de l’argent et de défendre en premier lieu les femmes les plus vulnérables et
modestes. La philosophe Nancy Fraser, coautrice du manifeste Féminisme pour les 99%,
est l’une des penseuses qui incarnent le mieux ce courant dit « intersectionnel ». Dans une
tribune au quotidien anglais The Guardian, en 2013, elle montrait avec une grande acuité
comment féminisme et néolibéralisme étaient progressivement parvenus à marcher main
dans la main – contre l’idée que le capitalisme patriarcal ne pouvait accepter en son sein des
personnes de genre féminin.
Source: https://www.philomag.com/articles/barbie-le-joujou-pseudo-feministe-du-geant-
mattel
Vocabulaire:
joujou - brinquedo
ripolinage - polimento
frétille - freme
désabusée - decepcionada
fâchera - aborrecerá
étriqué - apertada
congrue - adequada
Questionário:
1. A autora do texto, com base no texto, parece ter apreciado o lme Barbie como uma
obra política ou despolitizadora?