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« Iarive, Iarive,

étendue sur l’herbe tendre des


rizières
où le vent et la clarté se fuient
et se retrouvent,
isolée sur les rochers comme
des cactées,
accroupie comme un boeuf
surpris par la nuit »

Jean-Joseph-Rabearivelo

Chapitre I

Je n’ai pas encore dormi de la nuit. C’est donc ça la vie. Il suffit d’être seul
pour sombrer dans l’abysse de la réflexion. Qui suis-je ? Que suis-je en train de
faire ? Que vais-je devenir ? Trois terribles questions existentielles à laquelle je
ne peux échapper en tant qu’être humain. Je n’avais rien demandé moi, ni dans
ce foutu pays ni dans cette famille... Madagascar ! Terre de mes aïeux, terre de
mes cendres, terre de tous les oublies. Même si je suis Malgache, j’ai le droit de
rêver, d’espérer… mais à quel prix ? Un jour tu peux rêver de devenir un
magistrat et le lendemain devenir un boulanger sans se rendre compte.
Tananarive, aussi dit simplement Iarive ou Iarivo, est ce nom immortel attribués
par les dignes poètes d’Imerina. La ville d’Iarive, tout le monde se déplace
pour soi- disant trouver une meilleure vie. Moi, je vous dis sincèrement : vaut
mieux rester chez soi. Ici, c’est l’enfer sur terre : la cupidité, l’avarice, la lésine,
la vanité, la luxure, sans parler de la corruption. Tananarive, c’est le temple de
l’égoïsme. Qu’est-ce que j’en sais moi : je n’ai jamais quitté Madagascar. Je ne
connais les autres pays que dans les cinémas et les livres… Mais je peux en être
sûre, ici-bas, c’est galère. Qu’est-ce que Madagascar, si ce n’est qu’une créature
insulaire, déchue et damnée, un monstre abattu puis délaissé, presque oublié par
ses propres gendres dans la profondeur du désespoir.

Raherison Davy, un jeune homme de 26 ans, de taille moyenne, au


visage inexpressif, un homme passionné, curieux, oisif, taciturne mais parfois
1
bavard selon l’occasion qui se présente. Parfois, il regretta amèrement la nuit ce
dont il venait de dire ou faire de la journée. Il eut été impossible de déterminer a
priori quel genre de personne il était réellement. Ses amis disent de lui : «
Davy ? C’est un paradoxe de la nature ; ce qu’il dit n’a aucun sens, tantôt il
s’exprime comme un Cardinal tantôt il débraille comme un ivrogne ». Un
homme avisé dit de lui, ne jamais se fier à ce que pense Davy. Il se perdait
facilement dans sa pensée, le regard de ses yeux est profondément vague. A
force de trop cogiter tout paraît vide de sens chez cet homme. Cependant, il est
doté d’une remarquable faculté d’analyse. Du reste, son corps ne correspondait
aucunement à sa personnalité, sans doute encore une erreur de la nature. Il était
d’une constitution robuste voilà pourquoi les autres ne s’en prenaient jamais à
lui. Il est ces moment où Davy erre dans sa pensée, sa mère le questionna, si
par hasard il n’a pas mis une fille enceinte pour être dans cet état. Sa réponse
laissa sa mère sans voix, presque avec irritation : « Seul le hasard rend une
femme enceinte ».

Il habitait dans le quartier de Tsiadana, à deux lieux de leur lieu de


commerce. Pas loin d’être situé dans le centre-ville, mais pas situé non plus dans
la périphérie. Il logeait une modeste maison de 3 pièces, un peu à l’étroite
comme la majorité des maisons à Tananarive. « On s’y fait avec le temps »
rappela aussi souvent sa mère. Cette formule résume assez bien non seulement
la philosophie de sa mère mais également la manière de penser des Malgaches.
C’est une pensée typiquement Malgache, d’espérer que tout va s’arranger avec
le temps, « On s’y fait avec le temps » comme s’il existait une main divine
invisible qui va régler tous les problèmes, en attendant sagement son tour.
Même avec l’avènement de la pandémie, on s’y fait avec le temps, sinon on vit
avec le problème et tout va finir par s’arranger un jour ou l’autre.

C’est par ces longs monologues matinaux que Davy commença


habituellement sa journée. Dans quelques instants à peine sa mère va venir le

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réveiller comme tous les matins pour la demander de l’aider à préparer les
marchandises à vendre ; l’emballer dans une corbeille et partir devant pour tout
arranger. Le matin faisait une froid de canard, il n’y a que les gens misérables
comme eux qui se levait tôt pour essayer de gagner sa vie, sinon à quoi bon de
sortir de son pieux le matin outre qu’une nécessité.

Il attendait sa mère s’agiter dans la cuisine. Les chants assourdissants des coqs
le donnait envie de se lever et aller prendre un couteau et zigouiller leurs têtes. Il
sentait les pas de sa mère s’approcher nettement du superposer et bouscula ses
pieds pour le réveiller.

- Davy réveille-toi et vient m’aider, on est déjà en retard là. On va manquer un


bon emplacement si cela continue.

Il faisait semblant de dormir pour profiter un tout petit peu de sa zone de


confort.

Davyyy ! Elle prononça fort son prénom toute en retirant brusquement la


couette. A son tour, il sursauta hâtivement du lit d’en haut.

- Il est déjà quelle heure, demanda-t-il d’un air fatigué.


- Il est l’heure de faire tes besogne, lui répondu sa mère.
- Shhh je sais, de toute façon les clients n’arrivent que vers 9h.

Sur ces discussions, il est allé arranger les marchandises sans négocier
davantage avec elle. Quand il a fini de tout arranger, notre jeune héros était parti
seul affronter le matin froid et brumeux de l’hiver d’Iarive. En cours de route,
il ne voyait que les gens comme eux, c’est-à-dire en difficulté, tellement pressé
se précipitant sans se saluer vers le centre- ville.

Une des tâche les plus pénibles et détestable pour lui était d’aider sa mère les
matins, l’hiver approche rapidement et il faisait déjà très froid par rapport à la

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semaine dernière. A ce moment, il aurait voulu tout donné pour se retourner
s’allonger sur son lit. Il grelotait et à force de soutenir la vielle corbeille sur sa
tête, ses muscles s’engourdissaient péniblement. Le silence de la rue, la
fraîcheur de la brise ne fait qu’empirer les choses. Du reste, il marchait
rapidement afin d’accentuer le rythme…tous les matins c’est le même refrain
depuis qu’il avait fini ses études en Sociologie à l’Université d’Antananarivo.

Quand il est arrivé, il était la quatrième sur place ; les autres marchands
étaient en train d’installer soigneusement leur fonds de commerce. C’étaient
toujours les mêmes têtes de marchands qui installaient les mêmes marchandises,
souvent à la même heure et au même endroit dans les mêmes espoirs de bien
vendre et rentrer légèrement le soir. C’est le même destin qui attendait tous les
marchands sur la grande île. « Et moi je ne veux pas cela » dit-il fermement, en
voyant tous ces marchands pris dans la piège de la vie, Davy a pris un soupir
exaspérant ou plutôt un appel à détresse à un force supérieur qu’il ne croyait
même pas avant de défaire la marchandise restant d’hier et s’y mettait aussi dans
le rangement. Lorsqu’il avait fini, Davy s’est allongé sur la natte pour se
reposer en attendant l’arrivée de sa Mère. Il se sentait absorber par la légèreté
du vent, son corps résignait entièrement à la pesanteur de l’atmosphère. Il
recevait en pleine visage le vent tiède qui sentait l’odeur du poisson frais juste à
côté. Il s’est endormi peu à peu …

« Combien de temps ai-je dormi ? Il m’est impossible de le dire…


c’était la fatigue, l’engourdissement, le néant, le noir totale puis un être fut créé,
une aberration. J’étais alors un germe microscopique, une sorte de bactérie qui
polluait la terre de l’intérieur. Tout s’effondrait autour de moi, les civilisations,
les cultures, les races humaines… ils se demandaient ce qui ne va pas dans ce
monde. Que fait Dieu ? Pourquoi ne réagit-il pas ?... Ils ignoraient où est la
source du problème et moi, un parasite je me nourrissais de leur désespoir,
l’origine du mal. Ainsi le monde se porterait mieux sans moi, mais qui m’a créé?

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Les Hommes ? L’Eternel ? » … C’est là qu’il s’est réveillé en panique, rassuré
que ce n’était qu’un rêve absurde. Les bruits assourdissants des gens autour lui
berçaient encore l’esprit. « Ou suis-je ? A la maison ?... Au Marché ? »….Il y a
toujours ce bref instant où l’esprit humain semble planer dans une voûte de
transe, sans défense et vulnérable capable de faire n’importe quoi si on le
demande. Mais c’est la même odeur de la poissonnerie d’à côté qui lui a ramené
sur terre ou plus exactement à Analakely, la capitale non seulement
d’Antananarivo mais aussi de tous les vices. Là, c’est la réalité, la saleté, les
miasmes infâmes des égouts, l’atmosphère souillant de l’espace ; il ne pouvait
pas se tromper. Quel être humain sain d’esprit puisse rêver d’une telle chose ?
D’une vision imperceptible, il aperçut sa mère d’un air pénible _ absorbé par
ses pensées _ s’assoir tranquillement en attendent qu’un éventuel client vienne
soulager sa peine en achetant quelques choses. Lorsqu’il fut totalement éveillé,
il décida de rentrer à la maison.

- Mama, je vais rentrer maintenant… Tu peux me donner un peu de crédit, s’il te


plaît!

Elle marmonna : « Du crédit pour en faire quoi ? Votre Connexion-là ! ça


gaspille de l’argent ! Et puis je n’ai pas eu encore mon premier client alors que
tu me demandes déjà de l’argent. Ça porte malheur tu sais bien ! » Elle
sermonnait ces paroles tout en fouillant son sac à main. Enfin de compte, elle
lui a quand même donné 1000 ariary. Puis elle ajouta :

- Tiens, et penses un peu à ton frère. Davy avait un frère, qui s’appelait Toavina.
Un enfant timide, mince et peu développé à son âge, car il venait d’avoir 14 ans.
Comme beaucoup de gosses de misérable, il donnait l’impression d’être
maltraité ou comme s’il venait d’être arraché dans une autre famille, placé sans
son consentement dans un entourage étranger. Un enfant doux et sensible, en
lutte permanent pour son caractère masculin et enfantin. Le type de fils préféré à

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sa maman, parce qu’en dépit de toute difficulté elle trouvait toujours le moyen
gâter son fils. Une vision d’éducation contraire au réalisme de Davy.

Dans le chemin de retour, le soleil se leva et illumina la ville. La course


contre la montre a déjà commencé, les gens s’empressaient tous de partir à leurs
boulots, évidemment pour ceux qui en avaient. Les pickpockets également
étaient aussi dans les parages. Ils étaient toujours dans les parages. C’était un
sentiment unanime. On ne pouvait avoir l’esprit tranquille à Analakely. Même si
une jolie femme vous abordait sans arrière- pensée, juste pour demander l’heure.
Le réflexe était acquis, il garda ses mains posées machinalement sur son
téléphone. Une fois, on lui a piqué son téléphone et après cela il était
profondément traumatisé. Un jour, un homme lui a bousculé, il tapota
machinalement sa poche droite. Sa main n’avait rien senti que l’âcreté de son
pantalon usé. Sa respiration avait monté d’un coup et son cœur a failli exploser.
Il vérifia précipitamment ses autres poches sans rien trouver. L’effroi, la
surprise, la tristesse se sont entremêlées sur un souvenir du passé qu’il craignait
de se reproduire. Au terrible battement de son cour, il s’arrêta de marcher afin de
vérifier désespéramment son cartable. Un long soupir suivi de « Merci mon
Dieu » émoussait l’aigu de son angoisse. Son soupir sonnait comme un
orgasme. Un sourire de satisfaction et soulagement s’affichait sur son visage
lorsqu’il avait retrouvé son bien le plus cher dans son cartable. Cette absence de
quelques secondes lui paraissait une éternité. L’inconscience est un labyrinthe
où l’on se perd facilement.

Aussi, les magasins, les épiceries, les banques étaient tous ouvertes, les
marchés ambulants arpentaient tous les rues. C’était le moteur économique de
Tananarive qui était mise en marche. Les foules de gens bourdonnaient tel un
essaim de mouche sans craindre l’existence d’un quelconque virus. Depuis que
le confinement a été partiellement levé, le mot partiel ne voulait rien dire. Les
gens ne respectaient plus les gestes barrières édictées par l’Etat. La nouvelle

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effrayante au départ du Covid-19 fut tombée dans l’engrenage insouciant de la
mentalité malgache comme s’il s’agissait d’un simple grimpe. Certains
songeaient même que cette maladie ne frappait que les riches : « la maladie des
riches » proclament-ils. A l’extrême, les opposants, les parties rouges1 et bleues
avançaient l’idée machiavélique selon laquelle : « c’est n’est qu’un instrument
politique pour contraindre le peuple Malgache à rester chez eux, restreindre la
liberté publique ».

Au début, une rumeur circulait en ville que « que l’Etat profite de la situation
pour attirer des bailleurs de fonds » puis, on entendait des gens affirmer que «
Madagascar n’était pas concerné », enfin on attendait des paroles insensées, un
homme mécontent de la situation, avouait un jour « qu’il ne croît même pas que
ce virus existe réellement », sans doute cet homme n’a jamais vu ni France 24 ni
un journal du monde de toute sa vie pour être si catégorique dans ses propos.
Bref, le Corona virus se propageait mais plus personne ne s’embêtait à porter
des masques. En tous cas, Davy n’était même plus surpris de voir ces masses de
gens sans masques pour se protéger contre le virus, lui- même en faisait parties.

Davy poursuivait sa marche funèbre au milieu de ses semblables, tous respirant


le même air empesté la puanteur de putréfaction qui caressait leur poumon
crasseux par la pollution. Lorsqu’il passait la ruelle d’Ambohijatovo, le jeune
Davy ressentait souvent des étranges sensations d’engouements. C’est l’une des
endroits qu’il préférait dans la ville. Sans doute, cette double sensation de
ressenti est provoquée par les souffles errants des auteurs qui asservissaient les
passionnés de livre et le souvenir exquise de la soupe de Mama Bako. En face,
on trouvait des petites pochettes de maison qui vendaient des livres rares qui
n’existait nulle part ailleurs et de l’autre côté, se trouvait la fameuse petite
gargote spéciale de Mama Bako. Elle tenait une gargote sans enseigne
spécifique mais tout le monde connaissait la réputation. De bouche à oreille, on

1
Rouge, bleu, orange… : couleurs des parties politiques à Madagascar

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a déjà entendu parler de sa frémissante cuisine. Les gens y venaient de loin juste
pour souper, l’endroit où Davy aussi prenait très souvent son petit déjeuner le
matin. Mama Bako était aussi une amie de sa mère, à force de souper chaque
matin, sa mère et elle s’est liée d’amitié au fil des années. Tel un habitué, il était
tout de suite rentré à l’intérieur et s’asseyait directement sur une place qui venait
tout juste de se libérer. Il avait de la chance parce que les autres clients étaient
trop occupées à manger debout. Les matins les chaises étaient presque tous
occupés. Sans attendre, il passa vigoureusement sa commande :

- Bonjour Mama Bako ahh, fais-moi un bol de soupe bien chaud!


- Salut Ra Davvyy, comment vas ta mère ? Est-ce que les affaires marchent bien ?
- Oui elle va bien…les affaires stagnent ce temps-ci mais il y a de quoi vivre pour
l’instant.
- Ah Mais c’est triste mon fils, attends je vais préparer ta bol soupe !

Mama Bako est une de ses dames qui savait comment parler avec ses clients.
Elle possédait un charme naturel, un sourire réconfortant, un visage jovial, pas
étonnant que la plupart de ses clients restait fidèle. Chez elle, on se sentait
surtout chez soi, aimé et surtout on partait le ventre plein. La gargote de Mama
Bako, n’étais pas très spacieuse, l’intérieur suffisait à tenir six client, ainsi l’on
était face de la marmite bouillant sur le feu, des parfums enivrants embrassaient
la salle, sur le devant de la vitrine, on y aperçoit des pâtes gasy. Davy fût alors
servi, un sourire s’afficha légèrement sur ses lèvres, seulement l’odeur lui
faisait déjà monter dans l’extase. Son ventre gargouillait, il a pris sa cuillère,
avala le premier boucher. C’est tout son corps qui fut réchauffé par cette saveur
unique. C’était la seule saveur bon marché exquise existant dans la ville
d’Iarive. Sans s’en rendre compte son bol était vide et demanda plus de bouillon
de soupe.

- Merci Mama Bako ahh, à la prochaine fois ! Celle-ci n’entendait pas.

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Elle était occupée à servir d’autres habitués que lui ; un jeune homme mince, au
regard vide, un visage inoubliable, avec un Sweat-shirt à capuchon. Davy l’avait
reconnu rapidement car c’était également un habitué. Il lui a fait un hochement
de tête en signe de connaissance et il est sorti ravi et satisfait. Il lui restait encore
du crédit pour se connecter sur Face book. Parfois, le bonheur ne vaut que
1OOO ariary, surtout si c’est le dernier sou en poche. Les bruits confus
d’Ambohijatovo venaient rompre sa sérénité pareille à la note de Wagner raflant
la légèreté de l’être.

Lorsqu’il était arrivé à la maison, son frère n’était pas là. Comme on était
samedi, il pensait que son petit frère était sorti jouer avec ses amis puisque la
maison était fermée à son arrivé. Toavina était en classe de 4em, la plus
tortueuse des étapes avant de passer son BEPC, on lui avait inscrit dans une
école tout près d’ici. Davy n’était pas d’humeur à le chercher partout dans le
quartier. Par conséquent, il a déposé son gouter sur la table et il est sorti prendre
l’air. Normalement tous les samedis, il devrait aller à la bibliothèque pour
remettre les livres qu’il avait empruntés la semaine dernière, mais il n’avait pas
envie de lire un roman, qui plus est, la dernière ouvrage qu’il avait emprunté
n’étais pas encore fini.

Tsiadana se trouve dans la rue de l’Université d’Ankatso, l’itinéraire des


bus : 119, 160- 166, 128 … autrement dit, le bus de la crainte, de la solitude et
l’égarement. Le bus 119 était le plus ancien, célèbre et lugubre de tous. Les
passagers, la plupart des étudiants, font une ligne droite jusqu’au cul du marché.
Vu de loin, on dirait des fourmis, les visages unanimement pâles en attendant
l’arrivée du 119. Montant une à une sur L’itinéraire d’Ankatso- 67 ha jusqu’à
ce que les embrouillages à rendre fou leur coupe le chemin d’espoir. Avec le
temps on s’y habitue, même dans une situation des plus défavorables, les

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Malgaches arrivent toujours à joindre les deux bouts. Qu’est-ce que ce pays n’a
pays subit ? D’abord, la colonisation, une crise économique, la tyrannie, la
révolution, les manifestations, la misère et la famine (dans le sud), et encore des
désastres économiques, les crises politiques, des cyclones, la peste, le Covid-19,
insécurité, crise d’identité culturelle… Quel est véritablement le problème ? La
combine des politiciens, les étrangers qui raflent les ressources naturelles du
pays, l’ignorance du peuple, l’égoïsme collectif, le favoritisme, le népotisme et
la corruption… Que faire ? Seul Dieu sait comment ce pays va sortir de ce trou
profond dont les faucheurs politiciens creusent tous les jours. C’est dingue plus
les années passent plus on s’enfonce dans le trou du cul profond de la pauvreté.
Parfois, il songe que ce pays est maudit. Il n’y a pas d’autres explications
plausibles. On nait ici, on vit dans la misère, et on meurt ici. « Sortirons-nous
un jour de ce pétrin ? J’ignore sincèrement. Tant que c’est les mêmes couleurs
qui s’alternent au pouvoir, je perds espoir ». La majorité de la population ne
songe même plus au « Fandrosoana»2. Il y a d’autres problèmes plus urgents
pour eux : c’est la nourriture.

Il est sorti dans la ruelle pour acheter un crédit. Il avait envie de se connecter,
quoi de ne nouveau depuis hier soir ? Une épicerie modeste, on y trouve
presque tout, cela lui a toujours fasciné : comment ça se fait ? Des années
d’expérience peut-être… en tous cas, les gens d’environs font la queue chez eux.
Autant en profiter, seul les crédits ne montent guère en ce temps d’hyper
inflation. « Les économistes parlent de la baisse du pouvoir d’achat, moi je ne
vois la hausse du prix ». Il a zappé la personne devant lui, donnait rapidement
son argent.

- Recharge 500 ariay, s’il vous plaît ! c’est l’équivalent de 3 jours de connexion
face book sans accès internet.

2
Fandrosoana : développement

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Le monsieur cherchait son téléphone dans le casier puis lui proposa de taper son
numéro. Il s’agit d’un vieux téléphone Nokia usé, décoloré, à la touche
particulièrement âpre. Il a tapé machinalement son numéro et redonna le
téléphone à l’épicier. Il a attendu un instant avant de pouvoir s’en aller. Parfois
il n’envoie même pas le crédit. Il a vérifié scrupuleusement sa messagerie et
aperçois un texto :… nouveau solde 5OOar.

Il déambula dans la ruelle de Tsiadana sans avoir une idée précise de ce qu’il
allait faire de sa journée. Qu’est- ce qu’on s’ennuie facilement ? « Autant
rentrer à la maison et passer le temps devant l’écran de mon téléphone » dit-il.
Devant lui, il crut voir un ami ou plus exactement une connaissance de la fac. Il
l’appelait par son nom si c’était ce bon vieux Marcel. Ils étaient ensemble à la
faculté de DEGS (Droit, Economie, Gestion et Sociologie) jusqu’en troisième
année puis il ne l’a plus jamais revu.

Marcel e! Marcel e ! Il ne se retourna pas mais Davy avait insisté fermement :


Marcel ! En se retournant, celui-ci fut un peu surpris. On eut dit qu’il ne
connaissait pas l’homme qui l’appelait par son nom. Ensuite, il dévisagea bien
longuement l’inconnu. Enfin, il afficha un sourire amical.

- Alors mon vieux, ça va ? cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas vu hein ?
2ans ou 3 ans? Qu’es-tu devenu depuis ? me demanda-t-il sans lui laisser le
temps de répondre.
- Au peu près, répondait Davy, souriant bêtement.
- Tu habites où en ce moment ?
- Juste à … ne lui laissa pas encore le temps de finir sa phrase cette fois-ci.
- Mec, je suis très pressé là en ce moment mais file-moi ton numéro et je rappelle
pour plus tard. Faut qu’on arroge cette rencontre.
- Le grand patron est toujours pressé lui taquinait-il.

Cette remarque lui ravivait, qu’on décèle une once de fierté dans sa voix.
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- Tu fais quoi là en ce moment ? Si tu veux tu peux venir avec moi.
- Pourquoi pas … et puis c’est Marcel songeais-je, on ne s’ennuie jamais avec
lui, au fond de lui, il était ravi de se libérer du joug de l’ennui profonde qui allait
s’abattre sur lui.

Marcel était ce genre de gars impulsif de nature, un peu vantard également, qui
aime profiter de la vie, qui s’allie facilement avec les gens. Qui ne passe pas
inaperçu là où il va. Je me souviens qu’il était très fière de ses origines « UN
COTIER ET FIERE DE L’ETRE » c’était son slogan. Un jour, il a érigé un T-
shirt portant cette description. Le comble ce qu’il en a fait 3 ou 4 couleurs
différentes. A l’époque, il s’arrangeait toujours pour qu’on le remarque dans
l’amphithéâtre. C’est le genre de personne qui aime les regards de gens (à
l’opposé de Davy), en plus il a un look accrochant et très voyant. Une fois, Davy
lui a demandé pourquoi il a étudié Sociologie et non les autres filières ; C’était
sa réponse qui a valu qu’il se souvient de lui en ce moment : « je veux faire de
la politique autrement » répliqua-t-il mystérieusement. Depuis ce jour, ils se
parlaient de temps en temps. De son côté, il l’étudiait secrètement et il ne voyait
malgré lui aucune once de supériorité intellectuelle mais d’une haute
intelligence trompeuse. Au début, Il lui parlait des livres Claude Lévi-Strauss
ou de Raymond Aron, sa réponse fut souvent subtilement vague :- « j’ai aimé
son premier livre, une nouvelle approche de la littérature sociologique ». -
« Triste tropique ? Oui, c’est un très bon livre pour s’initier à l’Anthropologie »
et le plus impressionnant ce qu’il arrive toujours à contextualiser les choses : «
Ce fut une lecture terriblement passionnant » ni moins ni plus, sans faire trop, et
il change rapidement de sujet, enthousiaste comme Davy l’était, il insista encore
« Sait-tu qu’au départ, Triste tropique était un roman et non un ouvrage
scientifique ? L’auteur a gardé le titre en guise de souvenir. Aussi, il y a ce
passage élogieux sur Rousseau… » Il froissa le front, un visage frasque et pâle
cherchant désespérément à éviter le sujet. C’est là que Davy a su que ce gars n’a

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jamais lu ce livre, en somme un frimeur au plus haut point. Le lendemain, soit il
l’évitait soit il venait avec une citation de l’auteur déniché sur internet. Il a tout
de suite su qu’elle genre de personne était Marcel. Née d’une bonne famille, il
arrive à tromper tout le monde, il sait comment attirer l’attention, sociable, pas
étonnant qu’il a mieux réussi sa vie que la plupart de ces intellectuelles de la
faculté. Ainsi nous sommes allés ensemble dans son rendez-vous.

- Ou est-ce qu’on va comme ça Marcel ?


- Chez une amie, une collègue qui habite à Ambohipo.
- Ah d’accord, et tu habites où en ce moment ?
- A Ivandry ! il prononça le quartier d’Ivandry avec rapidité et un orgueil
semblable à un acteur, comme s’il avait attendu cette question depuis le début
de leur rencontre.
- Tansionnnn ! Un quartier digne de ton envergure, dit Davy, en flattant son égo.
Ivandry est l’un des quartiers le plus chic d’Antananarivo, où habitaient la
population riche, les stars, les politiciens, les chefs d’entreprises, les étrangers.
C’est le temple de la luxure. Les beaux péchés se trouvent à Ivandry.

Marcel était vêtu d’une impeccable justesse, le contraire lui aurait étonné. Une
chemise légèrement bleu, accompagné d’une veste noire un peu usé mais qui
garde toujours son élégance. « L’apparence est ma philosophie de vie » avoua
une lors de notre discussion. Et Davy, sans se préparer à cette occasion, était
vêtu d’une simple chemise bleue et un pantalon jean le même qu’il portait la
veille. Ainsi telle un rencontre inévitable, ils sont partis à Ambohipo, rejoindre
une inconnue dont il ignore l’existence.

Chapitre II
« La beauté sera convulsive ou ne sera pas »

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André Breton

Cela fait longtemps que Davy n’avait pas mis le pied à Ambohipo. La dernière
fois, c’était lorsque son petit frère fut tombé malade, un ignoble grippe. C’est
un quartier spéciale dans tout le province de Tananarivo. Toute obscénité
possible s’y trouve, le péché enivrant se trouve à Ambohipo. Le carrefour du
marché noir, du proxénétisme, de l’arnaque mais le Gouvernement en place ne
peut rien y faire. Ce quartier est protégé par la force du mal, la meilleure
illustration du Babylon de l’ancien grecque, la folie est florissante. Mais ce qui
fait la grande particularité d’Ambohipo, c’est la fête. On y va de très loin juste
pour faire la fête. Le temple de l’ivresse, il existe une blague sulfureuse à ce
propos racontant : « le Diable n’était pas rentré car il faisait la fête à
Ambohipo ». On y trouve des bars à 5 mètre de ronde, des Karaokés accrochant
et des boites de nuit. L’autre grande particularité de ce quartier populaire est la
vente des médicaments. Ce que tu ne trouves pas à Ambohipo ne se trouve plus
ailleurs, c’est le dernier recours pour de prix. Dans sa rue, les démarcheurs vous
interpellent comme des malades, une fois que vous souteniez leur regard.
« Médicaments à prix bon marchés » chantent-ils aux passants, si vous avez la
malheur de vous arrêter, ils vous encombrent l’espace. Toutefois, il est d’une
grande aide dans les moments les plus critiques comme la peste, ou cette
pandémie qui frappe le pays. Toute la ville s’y approvisionne en médicaments
car en effet, les pharmacies sont réservées aux riches et tout le monde n’a pas le
moyen d’en acheter là-bas. Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut rien y faire,
le commerce est légitimé par la population même si c’est une activité illicite. A
Madagascar, le principe de la légitimité est craint que le principe de de la
légalité. Un Gouvernement légitime reste au pouvoir plus longtemps qu’un
Gouvernement légale. On y reviendra plus tard.

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Sous l’emprise d’Ambohipo, Marcel me proposa si on entrait dans ce bar pour
discuter un peu et après on va reprendre notre chemin de toute elle habite à 5
min d’ici.

Je souriais tranquillement, en pensant à ce que j’avais pensé auparavant : « avec


Marcel on ne s’ennuie jamais… et on s’enivre de la vie facilement » sauf que
c’était plus rapide que prévu, j’espérais simplement ce genre de retournement
lorsqu’il a fini ce dont il est venu faire sinon pourquoi il m’a proposé de me
venir. Les drogués sont un animal prévisible. Il y avait un bar, avec un enseigne
« Casino », parfois la vie nous délivre de l’ennui mortel pour nous offrir en
retour un autre mal. Ainsi nous sommes rentrés dans la chambre de l’ivresse. Ils
cherchèrent une table libre et s’asseyaient librement comme des habitués. Quand
son ami Marcel alla passa un commande, Davy jeta un coup d’œil circulaire
autour de lui. Il n’était jamais venu dans cet endroit, jadis encore étudiant, son
exquis souvenir était le bar d’ivresse Texas city, Marcel questionna son ami : «
Whisky, Vodka… ? »

- Tout ce qui enivre l’âme et empoisonne l’esprit, tout, je suis partant … tout,
excepté la bible. En plus, c’est toi qui paye boss, répliqua-t-il vivement !
- Tu ne changes jamais bon Dieu… Attends, je vais aller voir ce qu’il propose de
mieux que la bible, dit ce dernier en plaisantant,- aussi je dois téléphoner
quelqu’un afin de prévenir que je serai un peu en retard à notre rendez-vous.

Marcel avança tranquillement vers le barman, passa le commande puis


téléphona quelqu’un dans le coin, la musique locale embrassait la salle. Tout le
monde vaquait dans ses occupations obscènes, débattre sur tous les sujets,
d’autre parlait de la politique, de l’économie, de l’inflation, de la religion, un
business, de l’éducation… une sorte de francise franchise Universitaire
malsaine et extrême régnait dans le bar. C’est un lieu où ose parler sans
ambiguïté, un lieu de confession, un lieu où les cachotiers ouvrent son cœur, un

15
lieu culte, une liberté de pensée et d’expression totale… « Hourra ! Vive la
démocratie » affirma hautement un vieillard extrêmement ivre, qui ne se
contrôle plus, assis à côté d’eux.

Marcel arriva avec deux bières à la main, et une vodka citron et un paquet de
cigarette (good-look rouge) dans sa poche.

On commença à ouvrir chacun nos bières, il rompu la discussion en


commençant par une question personnelle et déstabilisant :

- Tu fais quoi en ce moment dans la vie Bro ? Qu’est devenu notre grand
sociologue, tout en cherchant un cigare dans sa poche. T’en veux un me proposa
t- il enfin ? Dans mes souvenirs, tu détestais les cigarettes…
- Oui bien sûr que je fume lorsque je bois, autant y aller à fond dans sa folie, tu te
souviens vieux …Mais quand je suis sobre là, c’est autre chose.
- Toujours avec ce drôle de concept, souriait Marcel, alors Quoi de neuf depuis ?
Avant tout, Chin-Chin ! Que la chance et la fortune soient avec nous. Il leva son
verre « dia mifandona vera ».
- Bah tranquille… par-ci par- là… en vrai, je galère à trouver un boulot stable, je
propose mes services au plus offrandes, un pauvre rédacteur Freelance quoi. Le
talent, ça ne gagne pas beaucoup ici, tu le sais bien. Du reste, j’aide ma mère de
temps en temps dans son commerce… bref, tant qu’on respire ça peut aller ! Son
ami s’efforce à écouter intensivement le récit de Davy.
- T’as fini tes études jusqu’à la fin je crois bien ? Marcel s’arrêta dès qu’il a
obtenu son diplôme de licence.
- Ecoute, voilà déjà presque 1 an que j’ai fini mes études…je me force de déposer
mon curriculum vitae aux offres d’entreprises susceptibles d’accepter mais ça ne
donne rien jusqu’à présent. Tu sais chez nous, les études est un investissement
incertain. On continue juste car n’a pas le choix. Je dis toujours, il faut que je
bouge- là, mais bouger où ? Quand on bouge sans direction, on finit soit à la

16
prison soit au cimetière. A qui la faute ? à ce système qu’on sait tous pourri ou à
l’incompétence de soi- même… Je ne suis pas en train de dire que j’aie raté ma
vie ou truc de genre, _ il rit tristement à ces mots_ et il reprenne son long
discours, Il y a tellement des variables en jeu pour réussir dans ce pays. Tu sais
moi, sans me vanter je peux réaliser le rêve de n’importe qui, alors que j’ai du
mal à réaliser mes propres vœux… encore un paradoxe de la nature, je crois. Tu
te souviens de notre première discussion de la meilleure façon de faire de la
politique ? plus je réfléchis à ce propos plus ma réponse est simple : Il suffit de
ne pas faire de politique. Je ne trouve ni un couleur tape à l’œil ni une idéologie
simple ni les moyens de parvenir. La simplicité est la base de notre politique,
remarque : la majorité de la population est analphabète comment vas-tu
inculquer ton projet de développement à ces gens-là. Ce qui arrive à
perfectionner l’art de la simplicité dirige comme un maître ce pays. Ma
sociologie politique ne me sert qu’à analyser les problèmes politiques de
Madagascar. Un politologue ne serait jamais un bon politicien, excepté Henry
Kissinger mais la scène politique jouait en sa faveur. Davy bredouilla
longuement ainsi, il ne se souvenait plus de quoi retournait la question initiale.
Son ami l’écoutait de son mieux, fuma passionnément son cigare, malgré
l’incessante musique « Tsapiky » qui brouille la communication.
- Un Paradoxe de la nature hein ?? Ecoute Bro, l’intelligence ne mène nulle part
ici, seule l’apparence suffit. Le problème de l’intelligence, c’est qu’on réfléchit
trop, il stagne dans le perfectionnisme intellectuel alors que les gens avec un
cerveau normalement constitué agit comme moi sans se soucier du reste. Peut-
être que tu as vu le jour trop tôt ou dans un mauvais pays ? As-tu as déjà entendu
parler de la femme Callas ? l’irrésistible femme Callas ?
- La chanteuse d’opéra ? Maria Callas, la mama morta ? répliqua-t-il
enthousiasment comme s’il venait de répondre à une question pour un
champion.

17
- Quoi ??? sérieux Davy, est-ce que j’ai l’air de quelqu’un qui écoute de l‘opéra ?
Non, c’est la femme, ce soi- disant collègue dont je suis venu voir. En réalité, il
s’agit d’une amie qui a une influence auquel je dois ma poste en ce moment. Au
faite, elle va venir nous rejoindre d’un instant à l’autre. Marcel m’avertissait
« attention de ne pas tomber sous son charme. Elle se nomme tentation et
souffrance ; tentation car c’est sa nature, souffrance car on ne peut pas
l’atteindre »
- Une jolie femme est toujours une tentation, la meilleure façon de sortir de son
emprise est de tomber sous l’emprise d’une autre belle femme, tel est notre
punition sur terre.
- Han Han ! si seulement c’était une simple jolie femme dit Marcel d’un air
dramatique. Je vois dans son regard un homme dominé par un désir irréalisable
luttant contre une souffrance intime de son cœur. Et marcel se mis à raconter un
récit incroyable semblable à un drame allemand…Et c’est à mon tour de
l’écouter, moi, ivre, les fonts crispés, la vison troublée prêt à écouter la
confession d’un ivrogne.

Angelina Callas, une extraordinaire créature, douce femme, terrible femme,


intimement libre…son nom est Callas, comme le Kalachnikov, a le même effet
sauf que ça ne s’écrit pas pareil. Elle est, je hais la violence de ce mot, une pute
de luxe, un travail noble de nos jours, extrêmement doué dans son domaine et je
l’admire entièrement pour cela. Sa devise : « une cliente satisfaite rapporte une
autre » ou dois-je dire un ministre satisfait rapporte un autre. Il y a un cercle de
plaisir ici à Madagascar, un endroit réservé aux riches, tous les hommes
puissants se réunissent pour se détendre. J’ignore comment Callas s’est trouvé
dans cette situation voluptueusement déplorable mais le fait est que son génie la
propulsait au rang des reines, ô une femme exquise je te le dis. On doit disposer
d’une certaine influence pour adhérer dans le club. Callas est la plus demandée
de toutes, sans doute elle possède un talent fou au lit, que ce soit des politiciens

18
corrompus, un opérateur économique, un directeur général…tous réclame son
génie. Au faite, c’est une vraie célébrité dans la haute sphère de la société. Tu
vois ces députés et sénateurs, ministres, magistrats, généraux … réclame une à
une ses service, elle est en quelques sortes comme un prestataire de service si tu
vois où je vais en venir. Ils mettent le paquet dans le but de coucher avec elle. Je
l’ai rencontré- le hasard fait bien les choses, et devient un destin- dans une boite.
Moi, je n’étais qu’un simple bureaucrate occupant un poste ennuyant au
ministère. Je l’ai abordé sans savoir qui elle était, ce qu’il fait dans la vie. Les
courants se passaient bien, on dansait ensemble. Puis, on s’est lié d’amitié trop
tôt, j’ai essayé de la séduire mais en vain, son oreille ne reçoit sans peut-être que
les ondes des millions, éclata Marcel de rire, je me suis contenté de son amitié
même si son amant serait encore mieux. Je ne connais rien d’autre de sa vie, on
dit que sa mère était dans le domaine et sa grand-mère avant elle, et tous ses
ancêtres. Bref ça doit un héritage familial ou truc du genre.

Davy écoutait un récit des plus déplorables de façon romantique par un frimeur
devenu un poète du 21em siècle sous l’emprise d’alcool. Une image d’une pute
céleste se dessinait dans tête puis une mère araignée. Il fumait majestueusement
son cigare, puis sa première reflexe était non pas de savoir si elle est réellement
une bombe mais d’imaginer quelle pourrait-être sa personnalité. Serait- elle une
mère araignée ? Pour lui la personnalité est le reflet de l’âme humaine. Si
seulement je pourrai… le téléphone sonna, « Tiens quand on parle de la
louve… Allô !... Nous sommes dans le Casino, attends je vais venir te
chercher…Ok, j’arrive immédiatement. » .

- Tu sais ce qu’on dit, on ne fait pas attendre une reine, elle est devant la grande
chambre d’ivresse joyce’s pub. Je vais aller la chercher un instant. En attendant,
commande-nous à boire et un manger, c’est déjà midi !

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Ses yeux se posaient longuement sur son verre, ils ont bu 3 bières chacun,
pourquoi ne pas remonta la cadence songea-t-il. Il a du mal à se lever,
s’approcha du barman et passa commande : une vodka citron et des brochettes et
des poulets de chair pour l’accompagnement. Qu’est-ce qui m’en empêche, ce
n’est pas moi qui vais payer. Une idée effrayante effleure son esprit : et si
Marcel ne revenait plus ? Me suis-je fait avoir par sa philosophie d’apparence ?
Qu’est-si ce qui m’a pris de faire confiance à un homme que je n’ai pas vu
depuis des lustres ? Qu’est-ce que je vais faire mon Dieu ? Des tonnes de
question sans réponse lui vinrent obstruer le plaisir. C’est dans ces moments
d’incertitude que l’inconscience provoque un besoin urgent et irrépressible
d’uriner tous les liquides de notre corps. Il alla vider sa vessie à la toilette, dans
un coin obscurci, un parfum d’une âcreté insupportable qui puait l’urine. Puis il
est allé s’assoir, il fumait … et fumait, l’inquiétude qu’il éprouvait à ce moment
était terrible. Alors que les yeux de Davy s’habituaient au brouillard des fumées
et au miasme morne du bar, il aperçut une femme vêtue d’une robe rouge
marchant majestueusement de façon habille, s’approcha indéfiniment de lui. Elle
avait des yeux noirs scintillants, plus noir que le néant, où il y a de la jouissance,
de la souffrance et de la volupté. Des lèvres légèrement rouges qu’une fleur
amoureuse avait caressées et un parfum qui enivre les dieux. C’est à ce moment
précis que Davy réalisa ce que le poète voulut dire par les fleurs du mal .Il fut
rapidement tombé sous le charme et son espoir fut volé d’un éclat ; Il sut que cet
amour ne serait jamais possible et accepta secrètement la défaite sans même se
battre. Parfois la vie est profondément cruelle, un seul rencontre pour toute une
vie de souffrance. Elle s’est assis à sa gauche sans jeta un coup d’œil autour
d’elle. Son assurance était telle qu’elle ne se donne pas la peine de regarder si
tout va bien autour d’elle. Tous les hommes du bar se taisait, porta un regard
lubrique sur elles. C’est donc elle la fameuse femme Callas, il y avait quelques
choses chez elle faisant rappeler à Davy, l’Actrice Monica Belluci dans le film
Malèna.

20
- Bonjour Malèna balbutia Davy.
- Bonjour, elle regarda autour d’elle, Marcel sait-tu qui est ce Malèna.
- Sans doute une femme dans sa tête plaisanta ce dernier, Lui, c’est un intellectuel
qui vit dans sa bulle, ça lui arrive très souvent de prononcer quelques choses
sans introduire une phrase.
- Te fou pas de moi, Malèna était Monnica Belluci dans…. A quoi bon songea-t-il
de s’éterniser davantage sur le sujet.
- Ah l’actrice Monnica Belluci, je l’adore mais jamais vu Malèna. Elle est
certainement à tomber par terre…
- Exactement comme ta beauté soupira Marcel… lui, c’est Davy, un vielle ami,
faites pas attention à ce qu’il dira, ses propos empoisonnent l’esprit. Elle, c’est
une amie, ne tombe surtout pas sur son charme, elle ensorcelle l’âme.
- Et pourquoi, demanda curieusement la femme ?
- Marcel dit n’importe quoi, et puis aucun mot ne pourra influencer l’esprit d’une
personne déterminée excepté les mots inscrits sur cette bouteille qu’est Vodka
citron. Puis il continua avec sa voix grave et profonde, je me considère comme
un personnage de Dostoïevski, deux choses éveillent ma curiosité : l’être humain
et son créateur. De plus, je déteste influencer les gens, j’aime surtout les voir
s’auto-influencer dans l’abîme. L’autosuggestion est plus pénétrante que la
suggestion d’un idiot. On est mauvais pour soi-même, pas besoin des autre pour
cela. Les autres ne sont là qu’à titre de spectateur passif qui prend plaisir
malsain à regarder ses semblables s’autodétruire.
- Ta vision de la vie est inquiétante déclara Marcel.
- La vie en soi est inquiétante… et les Hommes ne facilitent pas les choses.
- Est-tu philosophe demanda, questionna Callas.
- Pour vous, tout ce qui dérange votre esprit et tout ce qui est inhabituel à l’ouïe
est tout de suite philosophique.

21
- J’adore les hommes qui parlent de façon incohérente, avec eux on a l’impression
d’être normal ria la femme.
- Davy, Crois-tu en Dieu ? Questionna soudainement Marcel, je te vois même
comme un Antéchrist dès fois, ajouta-t-il.
- Ailleurs peut-être… je ne parle jamais de Dieu lorsque je suis ivre.
- Moi je crois en un univers de mon côté, dit Marcel.
- Et si on continue cette fête à la maison proposa Callas. Cet endroit devient de
plus en plus un lieu de culte.
- Pourquoi pas répondit Marcel, très heureux de la proposition.

Davy tenait là une occasion de connaître un peu plus la fameuse femme


Callas. « Je ne suis pas si con pour refuser une proposition pareille » pensa-t-il.
Ils sont sortis du bar tous les trois afin de poursuivre la discussion dans la
demeure de celle-ci.

« A une époque de supercherie universelle,


dire la vérité est un acte révolutionnaire. »
George Orwell
Chapitre III

Qu’est- ce qui différencie une pute ordinaire et une pute de luxe ? C’est
l’ambition.

Callas avait, d’une part, ce dont une fille rêvait mais elle menait une vie ce dont
les filles ordinaires détestaient. Arrivé à ce stade, on n’a plus ni amie ni de petit
ami. En vrai, les hommes sont tous les mêmes, seul leurs pénis se diffèrent. Elle
repensait à l’obscénité sexuelle qu’elle avait subie hier soir. Il est des hommes
vicieux qui ont des désirs anormaux. Elle ne voulait pas être seule avec ses
pensées voilà pourquoi elle a appelé Marcel pour lui tenir compagnie. L’amour

22
est un luxe qu’elle ne peut s’offrir. Dans son travail, la première règle est de ne
jamais tomber amoureux de ses clients. Quatre fois, on l’avait demandé en
mariage ; quatre fois, elle a refusé catégoriquement. Toujours les mêmes
refrains : « Je quitterai ma stupide femme pour toi… t’auras plus jamais à te
prostituer », et elle les répond tous de la même façon : « Si j’accepte de
t’épouser mon chou, t’auras jamais droit à une fellation magistrale. » En effet,
elle se considérait comme une femme libre, indépendante et moderne. Elle était
d’une beauté exagérant, son corps est parfaitement sculpté, ses yeux est d’une
couleur marron et sa peau, d’une douce blanche rare. Si on la demande
pourquoi elle fait cela, elle répond d’une voix et assurant : « Tout le monde a un
talent, vous, les politiciens, vous maîtrisez l’art du mensonge, et moi je maîtrise
l’art de faire jouir les Hommes ».

Elle habitait dans une grande maison reculée à Ambohipo. L’environ était un
peu calme, tranquille, peu de gens y habitait. Davy n’avait jamais vu cet aspect
tranquille d’Ambohipo. Sa gouvernante que Davy n’avait pas fait attention
ouvrit le portail. Au premier vu, c’était une grande maison spacieuse, bien
ordonnée, et luxueuse. Même étant ivre, Davy fut impressionné par la beauté de
la maison. Il sentait que quelque chose clochait mais il ne saurait le dire. Marcel
est allé tout de suite au toilette. Il était à son aise. Et ce n’était pas non plus la
première fois qu’il était venu ici. - « Fais comme chez toi, je vais aller chercher
quelques choses à boire. » dit la femme. Il a suivi les instructions, s’installa
confortablement sur le canapé. Davy regarda autour de lui, curieux de ce qu’il
voyait, une affiche de la belle Marylin Monroe l’avait interpellé mais en y
réfléchissant bien, c’était la chose la plus normale. Davy imaginait des scènes
torrides de tout genre. Marcel avait mis du temps. La femme était venue lui tenir
compagnie. Elle est assise exactement près de lui. On sentait qu’elle voulait
engageait la discussion mais elle s’est tût aussitôt. Le silence vide gouverna

23
l’ambiance. Davy essayait en dépit de son mal être, trouver une sujet
intéressante pour brise le silence. Il ne savait pas quoi dire. Au bout de quelques
minutes, la femme parla : - « Marcel m’a dit que tu es intéressé par la politique.
Que penses- tu du gouvernement actuel ». On décelait un sourire plaisant sur les
lèvres de Davy, enfin une discussion captivante, « C’est une mascarade » dit-il
solennellement de façon catégorique puis il ajoutait sa réflexion : « l’Etat est un
Léviathan, un monstre qui se nourrit du désespoir du peuple. » Il s’arrêta un
moment de peur de donner une image d’un citoyen oppressé. « Donc tu n’es pas
orange ? » dit la femme. Au moment il où allait faire son discours sur la
politique des couleurs, Marcel fit son apparition. Ce dernier entendait la
discussion « vous parliez de la politique ? De quelle couleur êtes-vous ? Je suis
la couleur de la victoire » s’interposa –t-il dans la discussion. Il était allé se
rafraîchir le visage, il avait la tête fraîche et humide. Après, il s’est assis à côté
de Callas. Davy demanda le point de vue de la femme. « Je côtoie
fréquemment des politiciens mais je ne fais pas de la politique » affirma-t-elle
insouciante, elle voulait ajouter quelques choses mais hésita. « Ah je vois ! »
répondit Davy.

- Et toi mon vieux, es-tu pour ou contre gouvernement ? Davy aperçut que la
femme était – elle aussi curieuse de ce qu’il allait répondre.
- Il ne s’agit pas d’être pour ou contre ce gouvernement. Je n’ai pas de couleur
préféré. Cependant, la manœuvre dont il a fait pour arriver au pouvoir était
remarquable. Moi-même, j’étais impressionné mais la question est de savoir : à
quel prix ? C’est triste qu’on puisse résumer notre politique en une seule phrase
« la révolution des couleurs ». Ici- bas, la vie économique dépend de l’humeur
capricieuse du couleur au pouvoir. En ce moment, « l’orange, le rouge, le bleu »
sont les trois couleurs politiques à Madagascar. Tous des couleurs irritantes
propice au fanatisme. Suivez ma réflexion dit-il passionnément comme s’il
allait professer un cours de Science politique. Une petite précision avant tout, je

24
ne traite que le mal contemporain ; je laisse aux vrais historiens le passé
coloniale. « De quelle est- tu ? De quelle couleur est ton âme ? Pour couleur
vois-tu ? Orange, Rouge, bleu … ? c’est très encombrant pour l’esprit ces
questions. Au début, cela ne fait mal à la personne mais à force de bombarder
les médias de ces trois couleurs dominants, la population ne réfléchit plus par
eux-mêmes. C’est très orwellien3. Certes, on ne t’empêche pas de réfléchir mais
pire encore, on te dicte ta pensée. A chaque république, on se demande de quelle
couleur va être le ciel de Madagascar. Lors des élections, nombreux sont les
couleurs qui postulaient au poste présidentiel. Enfin seul la couleur la plus
mensongère et la plus convaincante arrivait au pouvoir. Une couleur chasse un
autre. C’est un cercle vicieux auquel subit ce pays depuis la première
république : « la révolution des couleurs ». L’aspect visuel est de prime abord
important que la doctrine. Moi, je vous dis sincèrement que un spectre aux deux
visages hante ce pays :

« Le fanatisme politique et le fanatisme religieux. » Le fanatisme coloris est


aussi contagieux qu’un virus. Une fois installés dans l’inconscience collective, il
est presque impossible de l’enlever. En tout cas, cette mascarade est loin d’être
fini, cela a déjà créé un schisme entre la population. Je crains le pire
prochainement. L’égoïsme est devenu une vertu, dit-il enfin ironiquement.

- Oui, la politique est l’art d’être égoïste. Il s’agit de faire en sorte que tes intérêts
personnels s’apparentent avec ceux du peuple. La route pour arriver au sommet
est semée d’embûche et surtout des magouilles. Comment veux-tu que la
personne devienne bonne et intègre une fois arrivé au pouvoir. Moi, insista
Marcel, comment veux-tu qu’un homme comme moi devient un bienfaiteur si je
deviens un jour président ? Vaut mieux sauver sa peau si on ne peut pas sauver
Madagascar, ria-t-il. Pendant tous ces temps la femme regardait les deux
hommes se parlaient.
3
Dans le sens de la manipulation de l’information

25
- Ce dont ce pays a besoin est un homme nouveau, loin de ces pourritures. Un
fœtus non-corrompu par les personnalités de son père et les caprices de sa
mère…
- Autrement dit un homme idéal qui n’existe pas, affirma la femme en prenant
part à la discussion.

Davy ria à la remarque effrontée de la femme… Néanmoins, il est difficile de


faire confiance à un homme arrivé facilement au pouvoir. Sa tête supportera-t-
elle la pesanteur de la couronne ? Soit il se fait bêtement manipuler soit il
devient un tyran assoiffé du pouvoir.

De toute façon, le vrai problème, ce n’est pas notre politique…Il hésita


un moment craignant la répercussion de son discours, Marcel et Callas étaient
curieux d’écouter la suite. Le vrai problème reste depuis des années en arrière -
plan. Neuf oligarques dirigent l’économie de ce pays. Ceux qui dirigent
l’économie manipulent la politique. Ceux qui manipulent la politique contrôlent
le droit. Ceux qui contrôlent le droit sont logiquement au-dessus des lois. Si on
veut vraiment faire de la Révolution, il faut éradiquer les sources du problème,
couper la tête du serpent. Je parle là d’une vraie Révolution, et non les
Révolutions des couleurs dont on a l’habitude, une grande Révolution digne de
Robespierre ou Lénine. Ce n’est pas la classe ouvrière qui manque chez nous,
c’est les couilles. Là encore, il y a un problème, la Révolution tue tout autre
amour en soi. Au début, on le fait par amour de la patrie, et après, on continue
uniquement par amour de la Révolution. C’est une arme à double tranchante. La
Russie de Staline en connaît quelques choses. Par ailleurs, notre Constitution de
2010 a fait son temps. Elle a été érigée à la suite de la terrible crise de 2009. Tu
m’étonnes que cela ne coïncide plus avec notre besoin actuel. Le premier
imbécile qui s’intéresse au droit et à la vie politique sait que quelques choses ne
marchent pas avec notre loi constitutionnelle et surtout notre loi électorale. Mais
on les laisse ainsi car elles profitent à celui qui est au pouvoir pour la prochaine

26
élection. Davy riait, ah lala, je veux m’arrêter sinon je vais avoir un gros
problème avec le gouvernement.

Ils ont discuté ainsi pendant un long moment, Marcel n’arrêta pas de parler de
son boulot … Puis en voyant l’heure, Davy se disait qu’il était temps de rentrer à
la maison. Il se leva et fit un remerciement spectaculaire : « je dois
malheureusement partir… j’espère n’a pas offenser qui que ce soit, je ne suis pas
clown moi, mais parfois j’ai du mal à me contenir. Et toi, femme, je regrette
qu’on s’est rencontré dans cette situation mais si tu as besoin de discuter avec
une personne qui te comprends, je suis là...il y a quelques choses dans ton regard
qui supplie l’aide du premier venu, même si tu n’admettras jamais cela et je
salue cette force de caractère. Je comprends l’âme brisé moi, moi-même j’en
suis un. Je sais reconnaître une âme torturée car moi-même j’en suis un. La
discussion guérit l’âme. Dans son for intérieur Davy espéra impressionner la
femme assis à côté de lui, mais est-ce vraiment la bonne méthode ? Il sait qu’il
est entrain de dire n’importe quoi mais personne n’osait l’interrompre ; peut-
être parce qu’on n’interrompt pas un idiot lorsqu’il fait son discours. Il est en
train d’enfoncer le clou de sa stupidité, creusant sa tombe lorsqu’il aperçut un
sourire afficha sur le visage de la femme. Voilà ! Parfois il y a du bon à faire
l’idiot.»

Callas avait volontairement gardé son silence pour écouter Davy

Elle voyait en lui un homme d’une autre époque. Il était vraiment éloquent et
imposant. Elle a l’impression de voir un homme insouciant, indifférent qui ne
s’intéressait ni à elle ni à la vie. Elle était fascinée par sa physionomie
impassible. Elle examinait ses désirs, ses gestes, ses paroles, et tout lui ramène à
un extravagant. Davy dégageait une onde désastreuse et tristement envoûtante.
Elle imagina un homme solitaire subir la souffrance séculaire d’une vie. Un

27
survivant sur terre, qui a tout vu et vécu, sinon pourquoi cette intelligence de la
vie. Elle n’était pas cependant sous le charme, elle était juste fascinée voire
curieuse de la présence de Davy. Plus Davy parlait plus elle ressentait une sorte
de pitié et de mépris à son encontre. C’est le genre de personne qu’on rencontre
par hasard dont on ignore l’existence mais frappé d’éclair vif de la curiosité, l’on
est tombé sous son charisme, un bref rencontre inoubliable. Elle craignait le
pire.

Chapitre IV

« L’appellation de livre moral ou immorale ne répond rien.


Un livre est bien écrit ou mal écrit. Et c’est tout. »
Oscar Wilde

Depuis ce jour, Davy repensait sans cesse à la beauté de la femme Callas.


« C’est un chef-d’œuvre de la nature », dit-il. Comment un pareil visage puisse
exister dans la mocheté de ce monde. Il était fasciné par trait unique de son
sourire, un rire où demeure l’éternité. Ah putain, « Quelle fascinante créature
qui tue », soupira-t-il sur son lit. Callas était devenue sa muse, une peinture
idéale de son songe. Il écrivait quelques lignes en prose pour soulager ses désirs
ardents : « ô beauté, l’envie mortel te court après, la haine éphémère te suit…
Entends- tu ces murmures envieux ? Je te veux ! Libères-moi de l’ennui et
livres-moi au plaisir charnel… ». La femme callas avait pénétrés son
indifférence et Davy n’avait pas l’habitude d’être désireux envers une femme.

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Le lendemain, après avoir aidée sa mère comme il le faisait tous les matins.
Davy eut envie d’aller à la bibliothèque afin de penser à autres choses qu’à cette
femme d’autant plus que les livres seront arrivés à échéance demain.

Davy était un passionné de la lecture, il lisait presque tout mais surtout de la


littérature universelle. Il entra dans la bibliothèque du premier étage, en passant
par le réceptionniste déposa sur le table les deux livres, spéciale littérature
Africaine que la caprice du moment l’avait incité à lire : un livre d’E.D.
Andriamalala, « Ilay vohitry ny nofy », et le livre d’un écrivain Nigérian Chinua
Achebe, un classique de la littérature africaine, le monde s’effondre. Dans le hall
d’entrée, la chambre basse, les livres sont réservés aux enfants et ado : les BD,
bibliothèques roses, les fantaisies... chaque ligne de ses pages respire la
berceuse symphonique N°1 de Gustave Mahler. Davy se souvient subitement
du premier livre qu’il avait lu : Dom juan de Molière, puis il se rend compte
qu’il n’a jamais ressenti les plaisirs que procurent ces livres d’enfants. Une
enfance difficile et un livre censuré de son époque. Mon âme d’enfance serait-il
perdu à jamais songea-t-il tristement ? Il remonta l’escalier, et arriva dans le
monde d’adulte, la chambre haute. « Que vais-je sentir aujourd’hui ? La
morosité de la littérature russe ? Le réalisme de la littérature française ? La
tragédie de la littérature anglaise ? Le drame de la littérature allemande ? La
profondeur la littérature hispanique ? La révolte de la littérature africaine ?…
peu importe, un livre est un destin entre un lecteur et son auteur.

Davy reconnaît la plus part des auteurs des livres sur l’étagère. Un livre à
une couverture grise coincé ou presque caché par les autres immenses volumes
interpella son esprit. Comme si tous les auteurs de l’étagère cachèrent le livre
loin des regards impétueuse et curiosité malsaine des lecteurs. Son intérêt fut
soudainement pris, par une écriture manuel à couleur rouge extrêmement vif tel
un sang d’une chasteté. Il espérait trouver le nom d’auteur mais une sorte
d’avertissement était gravé dessus : « Ne lisez pas ce livre si vous tenez à votre

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âme ». Quel drôle de plaisanterie dit-il, il renferma le livre et regarda encore une
fois la couverture, quelle étrangeté est cette couleur grise, elle aspire le regard
comme le profond ciel gris hypnotisant… Curieux de savoir ce que le livre
contenait, Il commença à lire le premier paragraphe. Rarement un incipit ne l’a
autant incité à poursuivre sa lecture. Il s’est mis à chercher une chaise et tomba
le nez dans le bouquin. Il attendait une musique, qu’il n’avait pas remarqué
jusqu’à cet instant, la terrible symphonie de Richard Strauss : « Ainsi parlait
Zarathoustra », quelle sensation de mauvaise augure balbutia-t-il. La genèse de
l’homme, de la chasteté, de l’envie, de l’extase, de l’avidité, de la lésine, de
l’ennui, comme si l’enfer de Dante vienne lui envahir l’âme. Il feuilleta
frileusement les pages. Sa gorge fut soudainement sèche, il avala une salive.
Une atmosphère pesante, un silence morbide régna dans la salle. Il était
absorbé par la légèreté et la profondeur du livre. L’auteur manie les mots d’une
autre langue que la langue des Hommes. Le temps semble immuable, et à
l’extérieur le ciel semble aussi gris que la couverture du livre…

Des heures semblaient s’écouler depuis qu’il a commencé à lire ce livre


profane. Rarement un livre a frôlé le secret intime de son âme. Il voulut cacher
le livre et ne jamais revenir. Il s’est senti violé, honteux et surtout tenté. Un
homme nouveau vient de naître, un surhomme baptisé par la plume du Diable.
On eût dit qu’il venait de comprendre le secret caché de l’Homme, l’énigme du
monde. Ce livre n’était pas écrit par un auteur ordinaire, les mots produits par
l’auteur ont été murmuré par la bouche du diable. Ce livre est la plus grande
péché de l’humanité. L’auteur professa le contraire de tous ce qui est dit par la
bible. L’univers des sens y est décrit voluptueusement. Au tour de ses pages
flottait un léger parfum d’encens qui troublait le cerveau. La subtilité des
phrases, l’art du paradoxe, au fur et à mesure des chapitres, la déchéance de
l’âme se précipitait en enfer. Ô Puissant bouquin ! Ô Puissant bouquin ! dit-il
enfin. Ceci est le meilleur livre qu’il n’avait jamais lu jusqu’à présent. C’est un

30
peu comme si on regroupait tous les livres, les chefs-d’œuvre censurés de la
littérature de tous les siècles et procéder à un mélange raffiné de leur
philosophie malsaine, conduisant à la naissance d’un seul livre terriblement
exquis, l’aboutissement du mal.

Ce volume fut un monolithe gigantesque apparu nulle part dans sa vie, un


symbole de la connaissance supérieur. Il comprit que Le connaissance est le
premier mal de ce monde. Heureux sont les ignorants mais est-ce qu’ils le
savent. Le désir…Ne prononcez pas ce mot à la légère. « Qu’est-ce que vous
désiriez réellement ? Etes-vous prêt à payer le prix précieux ? C’est à ce
moment-là que le prétendu protagoniste de ce monde entre en jeu.

Il regarda la grande horloge suspendue au mur, il est environ 14 heures et demie.


Davy n’a pas senti l’heure tournée. C’est la première fois de sa vie qu’il n’a pas
senti son estomac se plaindre. Sa tête est un peu étourdie, il déposa le volume
sur la table puis réfléchi un moment à l’antihéros du livre. Il regarda autour de
lui, certains lisaient calmement dans leur coins, d’autres discutaient tout
simplement. Il n’avait pas remarqué la femme assise derrière elle. Davy se
retournait pour voir son visage. Il aperçut une jeune femme qui à l’aire
innocente, un joli visage, un regard marron dont la couleur effleura sa
curiosité. Davy admira ses sourcilles bien formé, l’extrémité de ses cheveux est
légèrement coloré d’un grenat distingué. C’était une femme manifestement
passionnée, elle aussi, mais arrive à contenir son enthousiaste. Elle était
cependant un peu distraite, regarda autour d’elle et surprit de voir qu’un homme
était en train de l’admirer. Elle souriait et avança vers lui comme si elle avait
attendait ce moment depuis longtemps.

- Bonjour Davy !

Davy était un peu surpris que cette belle inconnue connaissait son nom. Il
dévisagea scrupuleusement la jeune femme et ne sait toujours pas qui cela

31
pourrait-elle bien être. A en juge par sa confiance et sa tête mystérieuse, elle doit
bien connaître Davy, « Et puis qu’est-ce que ça peut faire si elle connaît mon
nom ! » dit-il.

- Bonjour ! ça va ?
- Tu ne te souviens de moi, n’est-ce pas hein ?
- Non, mais je suis content de t’avoir oublié comme ça on pourra refaire
connaissance.
- Et pourquoi ? ria la femme.
- J’aime refaire la connaissance d’une personne que je trouve intéressante. Ainsi
je suis hébété à chaque rencontre.
- Je ne sais pas quoi dire à cela ! Laissons alors cela dans le mystère cabalistique.
- Vous semblait s’ennuyer à mourir à votre occupation, voilà pourquoi je vous
regardais.
- Non, j’étais juste un peu étourdi et pensif à quelques choses d’horrible… La
femme hésita un moment en regardant longuement Davy. Elle parlait du beau
temps et des livres avant de parler de cette chose effroyable. Elle questionna à
son interlocuteur : Tu aimes les chats?
- Je ne sais pas quoi penser d’eux. Ce qui est sûr, je les préfère aux chiens.
- Il y a un homme qui habite juste dans le même immeuble que nous, un homme
horrible, il passait son temps à faire une expérience sur son chat, on se demande
pourquoi il avait recueilli le pauvre chat dans le seul but de le faire souffrir.
C’est un spectacle hideux.
- Quel genre d’expérience, dit Davy curieux à son histoire.
- Au faite, le chat appartenait à sa femme. Elle l’avait quitté pour un autre
homme. Sa femme est partie, n’emportant avec elle que sa valise et ses objets
personnels, et laissa un mot : « Je te quitte ». elle n’a laissé aucune explication.
Et son mari passe son nerf sur le chat. Il délire complètement, pendant des
semaines, il attachait le chat sur le pied du lit. Le soir quand il est bourré ; il
32
insulte grossièrement le pauvre. Il le battait avec une cravache en cuire. Il le
nourrit pour le tenir en vie. Tu imagines sa souffrance ? Il y a 4 semaines que
cela dure. Ainsi, par haine et mépris envers sa femme, il a crucifié le chat sur le
mur. Et ça empestait tout l’immeuble. Il était partie sans payer le loyer laissant
tout aussi derrière lui. Il est des hommes cruels dans ce monde. Alors
qu’auparavant il n’a jamais battu sa femme, à ma connaissance, et voilà qu’il se
met à torturer un animal. C’est incompréhensible !

- C’est très intéressant, dit-il calmement.


- Vraiment, tu trouves ? Je crains de t’avoir ennuyé avec cette histoire funeste.
- Non, c’est un peu comme si tu me racontais une digression Dostoïevskienne, on
ne s’ennuie jamais.

D’abord, la jeune femme était ébahi que celui-ci trouve fascinant l’horreur
qu’elle venait de raconter. Elle n’en revenait pas. Elle était prise sous l’émotion
et a déballé ses soucis à un inconnu. « C’est peut-être trop glauque en guise de
première discussion », dit-elle. Elle croyait que la personne va le juger après
cela, ou fuiriez complètement la discussion. Cependant, Davy était absorbé par
l’absurdité de l’histoire. On ne sait plus qui est le plus moralement instable des
deux. Et là qu’il s’est mis à me parler de son habitude d’une digression morbide
de ce genre. La jeune femme trouvait Davy bizarre, c’est peut-être pour cela que
je l’ai toujours distingué dans ce bibliothèque. Cet homme dont je ne sais
fortuitement que le nom. Une fois, il avait fait tomber sa carte d’adhésion et je
l’ai ramassé. C’était en ce moment que j’ai su comment il s’appelait. Je l’ai
cherché dans chambre haute et lui a donné sa carte. Mais il ne m’a même pas
remarqué, juste un mot de remerciement, et il est allé lire dans son coin. Et là on

33
discute pour la première fois, et je me mets à relater la crucifixion d’un chat
dans notre bâtiment. « Qu’est ce qui ne va pas chez moi. » soupira-t-elle.

Les gens normaux ont des remords. C’est un signe de la normalité dans la
société. Davy écoutait l’histoire sans brocher. Il trouvait le récit à son goût.
C’est la deuxième chose la plus invraisemblable qui lui arrivé aujourd’hui.
D’abord, le volume de l’aboutissement du mal et ensuite un récit morbide d’un
homme torturant un chat. Il regarda attentivement la jeune femme, eut envie de
l’embrasser, et pressé ses seins durs. .

La présence de la jeune fille éveillait un désir charnel en lui. Il voulait avant tout
sentir les fantasques des jouissances sexuelles, assouvir son appétit quinteux. Il
imaginait la bibliothèque en un lieu d’orgie idéale où ils expérimentaient les plus
acres de la folie charnelle. Dans ce boudoir spectaculaire, il imaginait souiller la
chasteté de la jeune femme par la perversité voluptueuse insufflée par les onze
mille verges d’Apollinaire. L’enseignement du livre avait pris le dessus sur lui.
Davy avait senti qu’il venait de bousculer l’ordre insouciant infernal des choses.
La vie peut basculer à tout moment. Il s’efforçait de contenir ses désirs par des
pensées insipides car il ne voulait pas avoir d’érection devant la femme.

Ils ont parlé pendant un moment sur des sujets futiles : elle faisait de la
comédie dans le club de théâtre, elle s’appelait Maria. Elle étudiait en dernière
année de communication dans une université privée. Lorsqu’il parlait, Davy
avait le charme de faire intéresser ses interlocuteurs non pas parce qu’il avait un
visage séduisant mais son caractère morne attisait la curiosité.

Maria voulait en savoir davantage sur lui, elle lui posait des questions sur ces
passions. Celui-ci répond avec pragmatisme involontaire. La femme remarquait,
elle aussi - comme l’était la femme Callas- que Davy était un spécimen des plus

34
étranges, sans doute l’instinct féminine. Un sixième sens qui effleurait l’état
émotionnel de Davy. Sa mère lui a avoua un jour : « Tu me fais penser à un
homme dont je n’ai jamais connu mon fils, un rêve familier dont on oublie aux
réveils ». Davy possédait ce charme irrésistible dû à son caractère mystérieux et
frustré de la vie.

A la fin, Davy a pris congé de manière solennelle et spectaculaire dont la


femme ne risque pas d’oublier comme l’histoire du chat. Davy est un homme
qui était loin d’être simple. Il est d’une courtoisie extraordinaire qui avait un
côté grand siècle et une lâcheté propre aux chiens. Il prit avec lui le livre à la
couverture grise et rentrait chez lui. Dans le bus, quelque chose d’inattendue
s’est produite. Il était assis derrière une mère d’enfant, qui tenait son bébé, assis
au dernier rang. Un petit bébé suçait ses doigts, l’enfant regardait Davy et il le
regardait à son tour. Notre héros s’est mis à pleurer, il avait depuis longtemps
envie de pleurer mais n’arrivait pas. Maintenant ce fut comme si l’enfant qui
pleurait avait touché quelque chose en lui. Ce n’est pas tout, Il voulait confesser
à haut voix à cet enfant miraculeux ses péchés de la journée, ses rêveries
sexuelles, le livre profane qu’il venait de lire, et surtout son indifférence envers
Dieu... « Ce bébé, c’est un miracle », pensa-t-il. Davy voulait que le petit bébé
puisse parler et donnait son absolution en lieu, l’absoudre de ses péchés. Il
regarda attentivement l’enfant d’un œil avide sans cligner des yeux. Ainsi
l’enfant eut peur et n’arrêta de pleurer. Sa mère ne comprenait pas ce qui est
arrivé à son fils, la consolait de son mieux. « Ai-je fait pleurer le Seigneur »,
murmura-t-il tellement effrayé. Il descendit au prochain arrêt et continua le trajet
à pied. Une sensation de légèreté l’avait soulevé après sa confession. Il
réfléchissait à sa vie et eu soudainement peur de sa situation. « Je vaux mieux
mieux que ça. Je suis vraiment pathétique. Et dire que monsieur l’intellect est
amoureux d’une pute de luxe qu’il ne peut même pas s’offrir ». Il voulait
tellement réussir sa vie et devenir un homme important dans la société. Devenir

35
un grand homme de l’histoire comme ses idoles. Le désir de réussite était
extrêmement fort qu’il aurait été prêt à n’importe quoi. Une idée originale jaillit
de son esprit « Et si j’écris un livre», dit-il.

« Le destin rit sur nos


rêves »

Dostoïevski

Chapitre V

En 2021, deux crises frappaient Madagascar en même temps. La première était


connue de tous, la crise de covid-19. Le second est presque imperceptible et
indémêlable de l’histoire, ce qui fait sa dangerosité : la crise d’identité. Elle
touchait plus particulièrement les jeunes, les soi-disant « hoavy ny firenena »4.
En effet, les jeunes n’arrivaient plus ni à écrire ni à prononcer la langue
malagasy sans recourir à la langue française. Crise d’identité car nous ne savons
plus qui nous sommes réellement. Le pire est dans tout ça. Ils ne maîtrisaient pas
la langue française et dégradaient sa langue maternelle. La culture occidentale
avait pris le dessus sur la culture locale. Qui nous sommes ? Un « moi » qui erre
sous le caprice du Zéphyr, ce terrible vent d’occident qui entrainaient nos
cultures et nos valeurs. Crise d’identité parce que « sady tsy eto no tsy eroa »5.
« Ny teny Malagasy »6 lutte dans sa déchéance depuis des années. C’est
profondément triste car ils n’ont pas conscient de la dérive. Ils ne souciaient
guère de l’ampleur du problème. Et l’avènement de Face book empirait les

4
« Hoavy ny firenena » l’ avenir du pays.
5
« Sady tsy eto no tsy eroa » : ni l’un ni l’autre.
6
« Ny teny Malagasy » : la langue Malagasy.

36
choses. Ce qu’il y a encore de plus cruel dans le « Fandrosoana »7, le désir
immense du progrès non maitrisé nous éloigne sans cesse de notre identité
Malagasy et notre histoire. Qu’est-ce un pays sans son histoire? C’est l’oubli…
La maxime célèbre Malagasy : « Andrianiko ny teniko fa an’ny hafa kosa
fehiziko » ne marchait plus ; mieux vaut « Aleo andrianiko ny teniko dia avy eo
any hafa fehiziko ». Ce dédoublement d’identité crée un barrage au
développement tant recherché au départ. Certains parlaient de la colonisation
moderne. D’autres évoquaient la conséquence néfaste de la mondialisation.
Dans le nouvel ordre mondial, il n’y a pas de place pour les petites cultures.
Notre époque- l’époque de la « grande culture »- la société traditionnelle tombe
dans sa décrépitude. « La grande culture » a crée un modèle : « la culture
moderne» que la colonisation avait préparé. Elle a déchiré les voiles de fierté et
sentiment d’appartenance. A quelle culture on appartient ? Sommes-nous la pire
génération de l’histoire de ce pays ? Certainement mais celle de demain sera
encore pire. La culture « moderne » donne un caractère cosmopolite et
attrayant. Un pays assoiffé comme Madagascar ne pourrait débattre aussi
longtemps de sa tentative. Au grand désespoir, elle a créé une grande confusion
d’identité dont « la culture moderne » sort gagnant. Les anciennes valeurs ont
été détruites et le sont encore des jours en jours. Les œuvres intellectuelles sont
généralement produites en langue française. Les jeunes préfèrent lire en langue
de Molière qu’avec sa langue maternelle. Ainsi « la grande culture» réussit à
soumettre « la petite culture » à sa volonté. Elle supprime de plus en plus
l’identité initiale qu’est l’identité Malagasy. Que fait le gouvernement pour y
remédier ? La politique est une mascarade des couleurs. La crise d’identité
atteignait son paroxysme en 2021. Le monde s’effondre… Davy était archétype,
il était comme la majorité des jeunes Malagasy, victime de la crise d’identité.

Pendant des mois Davy ne put se libérer à l’influence du livre à la couverture


gris. Il emprunta pour la deuxième fois le volume et décida de le garder, plus
7
« Ny fandrosoana » : Le développement.

37
exactement disons qu’il l’avait volé puis il n’est jamais revenu là-bas. Il tenta de
reproduire jusqu’aux moindres détails le tempérament romantique de son
antihéros. Davy relit chacune des phrases du livre avec une curiosité malsaine.
L’auteur avait la manie d’utiliser des mots difficiles, rares, archaïques. Aussitôt,
il s’inspirait du livre, consultait son dictionnaire et analysait les paragraphes. De
surcroit, il en a fait comme un livre de développement personnelle. La bible de
sa vie. Après que Davy avait soudainement retrouvé sa motivation. Il voulait à
tout prix donner un sens à son existence. « Que faire ? », dit-il. Pour commencer
« je veux changer mes mauvaises habitudes, c’est-à- dire être plus ouvert, actif
et lucratif. Ensuite, Il faut que je décroche un job », dit-il. Davy était jusqu’ à
présent un érasmien solitaire. Il songea au métier d’écriture. L’écriture est une
prostitution en vogue. Exposer au public ma partie intime ? Pourquoi pas… Tôt
ou tard, on vend son intimité pour de l’argent. Plume intime ? Que des
conneries ! Une fois éditée, c’est tout le monde qui profite de votre intimité,
passionné de votre écriture, ils en parlent à son entourage et on devient une
icône de la prostitution. Votre famille sera fière de vous puis votre nation mais
au fond personne ne vous comprend. Etre un écrivain est un métier de pute. Une
pute triste, solitaire et incomprise. Pourquoi on écrit ? Pour qui on écrit ? En ce
temps de snobisme, plus personne n’écris pour soi. L’écriture thérapeutique est
juste une excuse afin de soulager sa conscience. Autant accepter la réalité au lieu
de se voiler la face. C’est la meilleure thérapie qui soit. « Nous sommes tous des
femmes Callas », dit-t-il. Mais il y a un autre problème songea-t-il, est-ce que ce
pays sera capable d’apprécier mon écriture, mon talent ? ». Les auteurs
contemporains étaient dans l’ombre des auteurs du siècle précédent. Ils
écrivaient (ceux encore vivant) dans la désolation de n’avoir aucune
reconnaissance en son vivant. L’incertitude d’une fin tragique.

Que puis-je faire en tant qu’écrivain ? C’est la question essentielle à laquelle on


doit répondre avant d’écrire un mot. C’est l’éternelle question. Voilà pourquoi

38
on écrit, on espère trouver un jour la réponse. Dans la nuance éternelle de la
recherche du style, on oublie qui on était. Pourquoi on a écrit au départ. Il
commença par noter quelques idées qui lui venaient à l’esprit : « Je ne veux pas
écrire ma vie. Ma vie est la plus absurde histoire des hommes. Cela mine la
morale… Quel est le véritable sens de ma vie ? …On me dit que je suis
intellectuel, alors que je déteste ce mot, cela me rechigne au plus point. Je me
considère comme un homme passionné… »

Mais combien de temps cela va durer ? Ce soudain revirement de « ma


raison de vivre »… Seul Dieu le sait. Tous les jours, il s’efforçait de prendre des
notes. Il était très enthousiaste dans l’idée d’écrire un livre. Il voulait surtout
écrire un livre unique. Il voulait représenter un idéal personnage semblable à ce
qu’il aurait pu être. Son personnage principal était son propre fantasme. Il avait
un vieux bloc note noire dans laquelle il décida de transcrire sa rencontre avec
la femme Callas, la jeune femme de la bibliothèque. Mais comme tout écrivain
infidèle, il brisa la règle d’l’honnêteté intellectuelle. Ainsi il peaufinait la
description et la discussion à son fantasque. Il inventa une discussion désireuse
avec Maria. Il est allé s’allonger sur son lit encore défait, imagina une
discussion intelligible - une spéculation irréelle - un dialogue de son rêve, un
débat digne de son envergure, un monde de culture où il pourrait discuter de la
poésie, de l’art, de la musique, de la philosophie et de science de manière à
rebours, seul dans son rêverie intellectuel en vue de bâtir son ouvrage.

« Qu’est-ce qui est difficile pour toi ?

Il répond : aimer…m’attacher à quelqu’un ou quelque chose.

La femme ria brusquement, - comment cela ? Quoi de plus beau qu’aimer un


être cher, l’amour est la plus grande passion des hommes.

39
- Et aussi une obligation, je déteste les obligations. C’est une lourde
contrainte, un joug sur la tête. J’aime être libre comme le vent et mystère
comme le ciel.
- Bon dieu, mais quel cynisme et lâcheté anticonformisme ! et un misogyne
pour couronner le tout. Je plains ton futur époux.
- Qui te dit que j’allais me marier. Le mariage…. Nuance : je n’ai pas dit
que je n‘aime pas les femmes. Je déteste juste l’idée d’un attachement
émotionnel. Je les aime mystérieuse, inconnue, une beauté passagère,
l’éternel passante.

La jeune femme fut tellement surprise par la pensée de cet homme.

- Tu es plus terrible que je l’imaginais. J’ai l’impression de discuter avec


un épicurien, un hédoniste quoique un peu indifférent, tu es un peu triste
pour être un hédoniste. La blessure d’une ancienne copine peut-être ? La
jeune femme essaya d’analyser le comportement de Davy.
- L’amour ne m’a rien fait de mal. Je suis juste ainsi.
- Tu aimes les théâtres ?
- Je préfère lire les pièces et imaginer les scènes que de voir les comédiens
détruire l’œuvre.
- Je suis une comédienne, tu devrais venir me voir jouer un de ces quatre.
J’adore William Shakespeare. C’est le meilleur écrivain de tous les
temps.
- Tout le monde aime Shakespeare, beaucoup plus les femmes que les
hommes.

La femme ricanait à cette remarque.

- Et pourquoi ? Je connais autant d’hommes qui aiment Shakespeare que


des hommes.

40
- Tout simplement parce qu’il était un grand séducteur, il conquit les cœurs
de femme de son temps et ceux d’après.
- Ah je vois, donc tu n’aimes ce grand esprit ?
- Je me considère comme un Hamlet du temps moderne.
- Waouh, tu es enthousiaste.
- Tu vas être séduis si je continue ainsi.
- Oh on se calme…qui plus est, les femmes préfèrent la romance de Roméo
que la mélancolie d’ Hamlet.
- Madagascar est un immense théâtre où l’on met en scène une tragédie –
un chef-d’œuvre mélancolique : Hamlet de Shakespeare
- Si c’est ainsi, espérons juste que je ne sois pas Ophélia, marmonna-t-elle
doucement, ne voulant plus s’étendre sur le sujet. »
- C’est quoi ton poème préféré demanda la femme :
- Deux : L’intégralité de « Ny alahelo ny Olombena »8 et les fleurs du mal
avec la musique voluptueux de Wagner qui sied à sa plénitude. On ne
peut saisir l’extase des fleurs du mal qu’en écoutant Wagner.
Ô Wagner ! L’immense Wagner ! A qui je dois comme Baudelaire la plus
grande jouissance de ma vie.
Il y a quelques choses dans Lohengrin qui torture l’âme une éternité de
jouissance voluptueuse « une douleur majestueuse ». On a tous besoin de
Wagner dans sa vie. Il me comprend plus que je me comprends moi-
même. Plus j’écoute du Wagner ; plus je découvre quelque en moi…Il est
l’infini. Celui qui veut comprendre qui je suis doit écouter Wagner.
Certainement Bach était une virtuose, Mozart : un prodige, Beethoven :
un géni…Mais Wagner était l’infini et grandiose. Je pourrai l’écouter
jusqu’à ma mort et le réécouter après ma mort. Je l’écouterais
jusqu’enfer s’il le fallait. Il était une sorte de poète romantique, en fait.

8
La tristesse de l’homme.

41
- Votre enthousiaste est influencent. Je n’ai jamais apprécié sa musique, il
est trop brouillant. Moi je préfère Chopin. Il est la légèreté dont ce
monde a besoin.
- Chopin m’inquiète, je deviens une douce femme quand je l’écoute. »
- Mais tout ça est une musique savante occidentale. Nous sommes
Malgache, nous avons notre propre musique et notre propre culture. La
musique devrait-être un signe d’identité culturel. Toi, qui admire tant
Richard Wagner, il est la fierté de l’Allemagne et de l’Europe. Pour
connaître un pays, il faut écouter sa musique. Quelle est notre vraie
musique ? Et Je ne parle pas de la musique populaire influence
occidentale : Rap, RNB, Slow… je fais référence à notre musique qu’on
n’écoute même pas.
- Tu l’as dit « que l’on écoute même pas » que dire d’un livre qu’on n’a
pas lu, d’une musique qu’on n’a pas écouté
- Vraiment, répondu la femme perplexe de son connaissance et de son
ignorance.
- Tu as raison ! Et ton point de vue sur la philosophie ?
- Il n’y a qu’un seul essai philosophique vraiment sérieux : c’est « le
mythe de Sisyphe ».

Davy était ainsi pendant des heures en proie à la rêverie hallucinante fuyant le
monde réel, une schizophrénie angoissante. Il a créé un espace-temps où il se
sentait compris par les Hommes. Il transforma ses rencontres désastreuses en
une vie passionnante. L’absurdité de sa vie est laissée dans le monde réel ; il vit
un idéal que lui seul pourrait atteindre juste en refermant ses yeux. Il bâtît un
monde de songe à son image où il contrôlait les désirs de ses personnages. Il
poussait à l’extrême sa perception lorsque vint la tour de la femme Callas. Il
imaginait faire l’amour, une partouze avec les deux femmes de sa vie, après une
trialogue exquise sur l’art. Pendant des jours, il hissait son génie au summum de

42
son art, là où il était le nouveau maître de la masturbation intellectuelle. Et
chaque fois, il prenait plaisir fou. En un battement de cils, il oubliait ses ennuis,
ses déceptions, et laissaient place aux jouissances et extases de l’âme. Du spleen
à l’idéal, il n’y a qu’un seul songe. Il organisait sa journée. Le matin, il lisait le
livre gris et le soir il pratiquait son art. Il affirma même que « Dormir est un
art ». Son monde extérieur se résumait à aider sa mère le matin, à lire et à écrire
et à rêver une vie qu’il aurait pu avoir. En sommes, c’est à cette absurdité que
résumait son activité pendant des semaines. Pour échapper à la pauvreté, au
désespoir de la vie, il lui fallait trouver une échappatoire. Cette nouvelle
occupation demandait une immense concentration de l’esprit. Le plus dangereux
dans cette expérience n’était pas seulement de représenter fidèlement ses
personnages mais de vouloir finir son chef-d’œuvre, tout se passait dans
l’imagination. Il risquait grandement de perdre dans l’abime. La réalité était-
elle si affreuse que ça pour rester dans sa zone de confort ? L’envie qu’il avait à
imaginer, était un désir violent, une fureur frénétique qui neutralisait son corps.
Parfois, il oubliait même de manger la nuit, sans doute dues à ces perpétuelles
réflexions. Il devenait fébrile. A chaque fois qu’il était seul, Davy se lançait
dans son délire. Il tremblait d’impatience de retourner débattre à propos de
l’influence de Schopenhauer sur Nietzsche. Cette monomanie l’empêchait de
voir le monde réel. Il dormait sans se rendre compte et se réveillait sans en être
conscient. Un soir, Davy était tellement convaincu que c’était le matin ; Il se
leva précipitamment de son lit et arrangea la corbeille. Puis lorsqu’il ouvrit la
porte, sa mère le demanda : « Que fais-tu avec ces marchandises ? » c’est là
qu’il avait su qu’il perdait la notion de temps. Il espérait malgré lui contrôler la
frontière entre le songe et la réalité.

« Souviens-toi de cette nuit, c’est la promesse de


l’infini »
Dante

43
Chapitre VI

La semaine commençait à poindre son septième jour. L’air était saturé de


parfum fade. La nuit semblait longue pour le jeune Davy. Il se réveillait
péniblement de son lit. Comme tous les dimanches matins, sa mère ne se
reposait pas à la maison, elle se reposait à l’église. Elle était une femme
croyante. Selon sa foi : « Si notre vie est ainsi, Dieu l’a voulu pour une bonne
raison ». Une femme forte, indépendante, elle faisait de son mieux pour subvenir
au besoin de ses enfants. Ce qu’elle détestait le plus au monde, était non pas de
bafouer les dix commandements divins mais de demander où est passé le père
de ses enfants. Davy n’a jamais eu aucun souvenir de son père, voilà pourquoi il
se conduit comme un père pour son frère. Il sait à quel point la figure paternelle
est importante dans la vie d’un enfant. Sa mère était d’une gentillesse pénible
parfois même crédule. Elle ne comprenait toujours pas que Tananarive est une
jungle où régnait la loi de Darwin, -la raison du plus fort. C’est le seule défaut
auquel Davy reprochait à sa mère. Il disait souvent que : « les saints vont en
enfer pour avoir été trop stupide sur terre » Dans la maison, son frère jouait tout
seul, ayant le dos courbé sur le sofa et les deux jambes en l’air, pédalant une
bicyclette imaginaire, fredonnait une chanson heureuse. Il était presque 8h du
matin, le soleil embrassait pleinement la ville sans l’ombre triomphant.

- Maman est-elle déjà partie ? questionna-t-il à son frère


- Oui, très tôt le matin, elle a posé le bazar sur le table.
- Ok, as-tu fini ton devoir là ? le prochain examen, c’est pour quand ?
- La dernière fois n’était pas encore proclamée… Toavina se caressait les
cheveux comme si sa tête lui démangeait, ses lèvres voulaient ardemment
dire quelque chose mais il se tût, craignant la réaction de son grand -frère.

44
Davy est allé à la cuisine, afin de chercher à boire puis il tient compagnie à
son petit frère sur le sofa âprement usé par le temps : « Tu veux quoi ?
demanda-t-il en prenant le devant.

- Au faite, tu dois venir à notre école demain ; j’ai reçu une convocation de
parent alors que j’ai rien fait de mal, bredouilla l’enfant.
- Qu’as- tu encore fais Toavina ? Maman est-elle au courant de ta bêtise ?
c’était une question stupide, songea-t-il. En effet, les parents étaient en
réalité les derniers mis au courant dans ce genre de situation. Il parlait en
connaissance de cause, il n’emmenait jamais sa mère en classe lorsqu’il
faisait des bêtises à l’époque, soit il inventait des excuses soit il se
ramenait avec un faux parent soudoyé. A cet instant, il s’estimait encore
heureux que son petit frère fût venu lui consulter auparavant.
- Essayez de dire que mes parents sont supers occupés… sois
convainquant! Mais s’il ne veuille rien savoir, bah je t’accompagnerai la
prochaine fois.
- D’accord répondît Toavina calmement.
- As-tu fini ton livre ?
- Non pas encore, je ne comprends rien, je bâille à chaque fois.
- Ce n’est pas grave, le plus important à ton âge est de découvrir les
vocabulaires mais non pas de comprendre l’histoire. Tu as toute ta vie
pour des histoires, crois-moi. Bien, maintenant vas jouer ailleurs ! Ou
mieux encore, va au marché, sinon je dirai à maman ce que tu as fait en
classe.
- Mais je n’ai rien fait moi, quand il y a des gaffes, les baffons sont tous les
responsables.
- Tu as oubliés ce que je t’ai appris ? souviens-toi de faire du mal en
premier…

45
- Oui, sinon ton autrui te fera payer cher, continua son frère connaissant sa
formule par cœur.

Lorsque Toavina se résigna à son petit chantage, pris l’argent sur table et le
panier accroché au mur. Après, il eut été tout seul à la maison. Il réfléchissait au
titre qu’il allait donner à son livre. « Je dois trouver un titre immortel tel que
« Presque-Songe »,9 dit-il, en effet ce titre l’avait toujours fasciné par sa
simplicité hésitante et surtout par la tristesse du mot « presque », tout ce qui est
presque, semble triste. Et si ma vie se résume-t-elle à ce mot doux qu’est
« presque », que j’étais presque arrivé ou presque réussi ma vie voire presque
heureux ou presque humain à la fin. Davy était pensif sur ce mot presque, assis
longuement sur le sofa lorsqu’il entendit une personne frappait à la porte : « ody
ô ! ody ô ny ato … ». L’arrivé de cette personne rompit sa réflexion. Il jeta un
coup d’œil peureux par la fenêtre. Sa première pensée était les fanatismes
religieux. « Ces gens-là n’ont aucune limite. Ils vont même jusqu’au dimanche
matin, le jour de ton repos, frapper devant la porte de ta propre maison en vue de
faire un sermon. Et ils osaient encore parler de leur Dieu après cette
indélicatesse » marmonna-t-il. Davy détestait au plus haut point le fanatisme. Un
spectre aux deux visages hante Madagascar : le fanatisme politique et le
fanatisme religieux. Le jeune homme croyait que c’était des croyants car la
semaine d’avant, il avait discuté avec eux.

Pendant que Davy écrivait son livre, Il était seul à la maison, deux jeunes
hommes frappa à la porte, _ remarque ils ne vont jamais seul, deux par groupe
au minimum, sans doute l’effet de se sentir mieux dans sa peau en équipe.
Effectivement, on est plus confiant lorsqu’on agit nombreux. C’est la nature
humaine. On se sent en sécurité, se croît plus fort et plus légitime à rapporter la
parole de Dieu. « Pour l’instant, je n’ai rien contre Dieu, ce sont ses fervents
serviteurs qui me soule » dit-il. Ces messagers de Dieu tenaient tous les deux
9
« Presque-Songe » : titre d’un recueil de poème de Jean-Joseph Rabearivelo.

46
une bible à la main, un sourire sincère librement affiché, joviale, les regards
scintillants, les cheveux bien peigné, un chemise bon marché avec une cravate,
des pantalons lisse et un mocassin. On eut dit qu’ils allaient passer à la
télévision ou mieux encore comme si la divine providence leur est tombée
dessus. Tout lui semble parfait en eux. Et c’est inquiétant. C’est qui le marqua
dans leur visage : ils ont l’air aveuglement heureux. Ils se voilaient la face. « Je
ne fais pas confiance » dit-il, c’est une des caractères de Davy, il ne fait jamais
confiance à personne qu’il soit messager de Dieu ou pas. Davy hésita un
moment, il dévisagea scrupuleusement le visage de celui qui avait parlé en
premier. Puis une idée curieuse lui venait dans l’esprit : « Je vais prendre cela
comme un défi intellectuel, s’ils arrivent à me convaincre de mon indifférence,
cela peut être intéressant ». Il demanda directement « Que voulez-vous ? », - «
Bonjour mon frère, nous sommes les messagers de Dieu… » Ils ont discuté
brièvement, ensuite il ne sait plus (C’est normale). Il se souvient juste qu’à la
fin, ils se sont serré la main comme si cette discussion absurde avait accru leurs
intimités. « C’est fascinant cette religion » dit-il à la fin.

En fin de compte, ce n’était que sa tante Léonine. Elle était bien pire que les
messagers de Dieu. C’est la grande sœur de sa mère, ils habitaient dans même
quartier mais ne se voit que très rarement. Une femme désagréable selon Davy.
Tante Léonine était le pire cauchemar de Davy, une vielle femme qui se croit
tout se permettre, mariée depuis presque 20 ans à un officier de police, ils ont eu
une petite fille de même âge que Toavina, encore gamine que sa fille est aussi
irritante que sa mère. A chaque fois qu’elle rencontrait son neveu, celle-ci lui
bombardait des questions personnelles telles que : « As-tu trouvé un boulot ?
Quand vas-tu décider à te marier ? As-tu rencontré une femme ? Quel âge as-tu
maintenant hein ? Le plus mal pour Davy était celui- là : Combien de temps vas-
tu rester ainsi ? Tu es l’aîné de la famille ; tu dois subvenir aux besoins de ta
famille et non l’inverse… Il lui-même dit : « je fais de mon mieux, ce n’est pas

47
ma faute, notre système est pourri. » - Participe au concours de fonction
publique, il lui répondait « oui » pour se débarrasser d’elle. En somme, leur
discussion sérieuse se résume ainsi. « Mais que vient-elle faire ici » se demanda-
t-il de mauvais humeur. Elle était pire, Davy regretta que les messagers de Dieu
n’était pas venu à sa place. Il ouvra péniblement la porte. Sa tante semblait
s’agiter, perdu, elle entra directement dans la maison. Elle était vêtue très mal.
Ce qui frappait Davy de stupeur, elle est allée tout de suite s’assoir à la chaise. «
Bonjour ma tante ». Elle daigna ne pas répondre. « - Ma mère n’est pas encore
arrivée, peut-être… » Elle lui coupa la parole : « Crois –tu à une vie après la
mort ? » Dit-elle, les yeux rond, envahie de frayeur, le visage extrêmement pale.
Davy sentait que quelques choses n’allaient pas, mais il fit semblant de ne pas
remarquer.

- Je ne sais pas. Je n’ai pas encore réfléchi là-dessus.


- Ton oncle vient de mourir, dit-elle en sanglot.

Davy s’arrêta. Il croyait entendre le mot « mourir » de la bouche de sa tante.


« Ah oui, voilà pourquoi elle est dans cet état » songea-t-il. Il était resté figé là
pendant un long moment non pas parce qu’il était choqué de la nouvelle mais il
ne sait pas quoi dire dans ce genre de situation. Davy regretta encore plus que
les messagers de Dieu ne soit pas venu. Puis il dit « Ce n’est pas de ta faute. »
Sa tante le dévisageait froidement. Davy sut qu’il venait de dire une bourde, «
merde, j’aurai du dire : de quoi il est mort ? ». Puis elle s’est levée de son
chaise et partie sans dire un mot. « Qu’est-ce que je fais de mal ? Ce n’est pas
ma faute non plus hein » dit-il. Son départ était un soulagement pour notre
homme. Quelques temps après, son petit frère est arrivé accompagné de son
ami, laissa le panier sur la table et sortit jouer à l’extérieur. Il alluma vite le
charbon, prépara un manger comme si de rien n’était.

48
Quand le soir arriva, il divagua dans toute la maison tel un extravagant. Il se
sentait épuiser et à la fois surpris de la nouvelle. Davy repensa à son oncle, et
surtout à la mort. C’était une bonne personne. Ils ne se voyaient que très
rarement, juste à l’occasion des fêtes. La dernière fois, c’était… il s’efforçait de
se souvenir mais n’y arrivait pas. Le soleil n’allait pas tarder à se coucher. Par
la fenêtre entr’ouverte, le soir entrait, mystérieux et froid comme la mort. « Et
puis, ce n’est qu’un mort de plus » soupira-t-il. Il est allé sortir s’assoir sur la
véranda. Dans l’abime de l’horizon, le soleil se débat pour rendre son dernier
souffle. Le jour et la nuit, c’est un acharnement poétique comme la vie et la
mort. Car c’est dans ce reflet crépusculaire quoique las, vienne mollement
d’une lueur incertaine mettre un terme à ses peines, cédant lentement à l’agonie.
Le jour verra enfin la lumière dans la nuit. Serait-ce un signe d’une voluptueuse
lutte intérieure ? Ô l’esprit du soir ! Tout me semble possible, la mort me semble
légère. L’amoureux voltige lamentablement à la recherche d’un réconfort… ô
terrible soir d’Iarive ! Ton silence hume le deuil profond de la nuit. Tes
victimes de la journée se réfugient dans ton incompréhensible soir. Le moment
où les voleurs opèrent leur sale besogne. O soir d’Iarive ! Un homme vient de
mourir, une connaissance inconnue. Pendant qu’on respire chaque soir tout en
espérant vivre le prochain mystérieux soir. Dans la solitude profondeur du ciel,
les nuages s’estompent, les étoiles dépassent largement les nombres d’apôtres.
La nuit a gagné encore la bataille. La mort gagne toujours.

« Ce qu’on appelle une raison de vivre est


en même temps une excellente raison de
mourir »
Albert Camus

49
La défunction de son oncle inconnu l’avait, au tout début désintéresser. Mais
plus le temps passait, plus on en parlait dans le quartier, plus la mort le fascinait.
Il prit l’habitude de tout parler tout seul à la maison. Il divagua sans faire
attention à personne. Tandis que sa mère se plaignait de la disparition soudaine
du mari de sa grande sœur, Davy était en train de réfléchir à la question qu’avait
lui poser sa tante, « la vie après la mort ». Une idée implantée dans l’esprit est
pire qu’un virus. Cela occupe l’esprit jusqu’à l’obsession monomaniaque de la
chose. « La vie peut basculer à tout moment » dit sa mère, l’atmosphère à la
maison avait pris une tournure funeste, on parlait de la mort comme si de rien
était. Pendant des jours, une violence l’envahissait profondément. Son activité
mentale le faisait peur. A chaque qu’il fermait les yeux, l’effroi et la fascination
de ne jamais se réveiller l’inquiétait. Sans le vouloir, la mort était devenue son
nouveau fantasme. Il fut subjugué par une étrangeté supérieure qui lui
murmurait à l’oreille… Enfin, un jeudi soir, à l’heure du diner, sa mère un peu
inquiète de son état, la demandait « Es-tu malade ? Qu’est-ce qui te tracasse
autant l’esprit ». De crainte d’être ravagé seul par ses propres pensés et son
imagination morbide, il avoua bégayement : « Quand est mort, on est vraiment
mort. IL n’y a pas de vie après la mort. »

- Evite de débiter tes conneries devant ton frère, dit sa mère irritée de son
comportement ; parfois je regrette de t’avoir fait étudier.

Raherison Davy, indifférent et absent pendant un moment, n’a pas écouté la


remarque de sa mère. Il prit inconsiemment sa cuillère et commençait à enrouler
sa nourriture, un haricot blanc avec du riz. . Davy n’avait pas remarqué que les
autres n’étaient plus sur la table, il finissait amèrement sa nourriture, qui avait
un goût fade sur sa langue, seul sous la luminosité terne de l’ampoule. Il est
resté ainsi pendant un long moment. Les trois questions de sa vie reviennent
hanter son esprit. « Qui suis-je ? Que suis en train de faire ? Que vais-je
devenir ? » Autrement dit, le sens de la vie. Il était vers 20h du soir lorsque notre

50
jeune héros décidait de sortir de l’atmosphère pesante de la maison. On
suffoquait pleinement à l’intérieur. A cette heure du soir, la ville est presque
vide. Seule une poignée de gens errait encore dehors, sans doute ceux qui
rentraient tard de leur boulot. On a l’impression de se balader seule dans un
cimetière avec les sifflements du vent, la sensation glaciale. Cette nuit-là lui
réservait une aventure.

Sur l’arrêt bus, un homme habillé tout en noir se tenait là debout. On voyait mal
son visage. « C’est étrange, il devait attendre son bus un bus » dit-il. Il semblait
de ne pas entendre ses pas et ne bougea pas quand il passa auprès de lui. Davy
crut que c’est encore une des hallucinations. Puis, il dit : « Monsieur, il n’y a
plus de bus à cette heure ». Il eut un sursaut en apercevant de plus près le visage
de l’homme tout en noir. C’est le visage de la mort.

- Je sais, répondit l’homme. C’est vous que j’attendais depuis tout à


l’heure.
- On se connait, dit-il tout calmement.
- Je te connais depuis toujours…depuis ta création. Davy, riait à cette
mauvaise blague.
- Sérieux ! Qui êtes-vous ? Quel votre nom ?
L’homme en noir daigna ne pas répondre. Il se contentait de dire :
- Comment avance ton livre ?
- De quel livre vous parlez ? Davy était sur la défensive, et un peu effrayé
de la situation. Dis-moi qui vous êtes insiste-il fermement.
- Encore cette question : « Qui suis-je », vous autre mortel est tellement
misérable avec votre question. Mon nom importe peu. Je suis ton « Jiny »
ou selon les affabulations de cette époque, un ange gardien. Je ne suis ni
Dieu ni le Diable. Je ne suis ni le bien ni le mal, je ne suis ni le froid ni le
chaud…Je suis l’étoile de ta naissance.

51
- Qu’est-ce que tu me veux vieux fou ? Sceptique de l’absurdité de la
réponse. Je n’ai pas d’argent sur moi…
- Cette chose matérielle ne m’intéresse point. As-tu aimé mes cadeaux ?
- De quels cadeaux tu parles ? dit-il de plus en plus inquiet de la tournure
de la discussion.
- Les deux femmes, le livre gris… c’était une manifestation de ce que je
suis.
- Mais encore affirma-t-il réellement curieux de l’audace de cet inconnu.
Comment ça se fait qu’il connaisse les moindres détails de ma vie ?
songea-t-il
- Tu te dis là en ce moment, comment ça se fait que je connais les moindres
détails de ta vie. Que tu nommes Davy, tu as 24 ans, tu as un frère, t’es un
solitaire et un intellectuel perdu,… Plus tu acceptes qui suis-je pour toi
plus c’est facile à concevoir.
- Il n’y a qu’une seule explication scientifique plausible dit-il, je suis en
train de rêver.
- Non pire encore…
- Ah oui, souria-t-il bêtement.
- On est quel jour ? demanda l’homme mystérieux
- Euh, vendredi…non Jeudi !
- Oui le quatrième J, le jour fatidique où tu te décidais de mettre fin à tes
jours.
- Alors comment ça se fait que je sois là en train de discuter avec vous ?
- Tu es en train de mourir en ce moment même. C’est mon moment préféré
de mon existence. Tu as eu ta chance. Je t’ai donné plus qu’une raison de
vivre : au début, j’ai pris la forme d’une femme envoûtante – le désir, puis
d’un livre profane – la connaissance, et enfin le mélange des deux– le
péché. Tu n’as fait que rêver sans agir, tu ne fais que plaindre de la

52
situation de ton pays etc. Souviens-toi, je ne suis ni le bien ni le mal ; je
suis l’exacte milieu entre les deux forces. Je suis le centre de ton âme. Je
suis la vie et mort.
- Ainsi je me suis décidé de mourir hein ? en fin de compte cela ne
m’étonne pas. Soupira-t-il la tête baissé. Il repensa aux circonstances de
ses rencontres avec Callas, Maria, et le livre gris.
- Oui mais au dernier moment, tu t’es résisté à mourir, avoua l’esprit.
- Pour quelle raison… ? puis il s’est souvenu de son petit frère cher adoré,
Toavina.
- Oui le souvenir de ton petit frère t’a donné une raison de ne pas mourir
mais non pas une raison de vivre.
- Une raison de pas mourir n’est pas suffisant pour être une raison de vivre
et vice versa selon la circonstance. Et maintenant demanda Davy qui
vient de comprendre la situation. Si vous n’êtes ni Dieu ni le Diable, ni la
vie ni la mort que vais- je devenir ?
- Tu commences enfin à poser la bonne question. En ce moment, tu es entre
la vie et mort, beaucoup plus vers la mort que vers la vie. Tu as précipité
ta mort, tu as bousculé ton destin…Je suis ton destin, l’étoile de naissance
et de ta mort. Ton désistement de dernière minute a valu ton blocage au
monde des « Jiny » ou des anges. Ton esprit erre maintenant entre les
deux mondes. Je dois juger si tu es digne de vivre ou de mourir.
- Si j’ai décidé de vivre à la dernière minute, c’est une excellente raison de
me laisser vivre non ? en demandant la faveur de son « Jiny ».
- Vivre pour se suicider encore une fois ? Ton cas est extrêmement délicat.
Tu sais que au départ nous les « Jiny » ne sont que des anges bienfaiteurs.
Toute personne a son propre « Jiny », chaque rencontre est le produit de
son « Jiny ». Mais lorsque vous, les êtres humains marchent dans
l’obscurité, le mal en nous voit le jour. On se nourrit de votre énergie. Tu

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me demandes la faveur de vivre. Je suis tenté de refusé car mon côté noir
gagne du terrain. Je deviens de plus en plus un ange de la mort.
- Je vois, cette situation est de ma faute, continua-t-il de marchander avec la
mort. Si vous êtes ce que vous dites, un ange, mon ange gardien, vous
devez me connaître aussi bien que je me connais moi-même. J’aime les
défis intellectuels. Vous et moi, allons jouer à un jeu d’échecs. Si je
gagne, tu me libères de la mort.
- Quand l’agneau ouvrit le septième sceau, il eut dans le ciel, un silence de
près d’une heure. Et les sept anges qui avaient les sept trompettes
s’apprêtèrent à en sonner… tu invites la mort implacable à une
danse macabre?

Davy a eu une sensation du déjà vu, le septième sceau ; c’était quoi déjà…
songea-t-il. Vaguement montait en lui un souvenir d’un récit, mais rien de
précis. Si je devais mourir ici et maintenant, j’aimerais au moins me souvenir de
la circonstance de mon suicide. J’étais assis sur la table à manger. Toavina était
venu me parler, encore un problème avec le proviseur de l’école.

« Qui es-tu Davy ? … La mort vient s’ajoutait aux questions existentielles de sa


vie. « J’ai un grand problème » dit-il, la mort le hantait. Sa vie valait-elle la
peine d’être vécue ? « Je me préfère mener une vie absurde que me suicider »
ria-t-il. Ce qui était étrange, plus il rejetait l’idée plus ça lui fascinait. Sa
motivation l’ennuyait. Il ressentait de la nausée, de l’horreur… son intelligence
était devenue un fardeau. Il n’y a qu’une seule grande question philosophique
vraiment digne d’intérêt : c’est la raison d’être. Trouver la réponse et la vie
serait digne d’être vécue. Sa raison de vivre était pour le moment de finir son
livre. Ainsi il concentrait toute son énergie à la réalisation de son chef-d’œuvre.
C’était une journée sans saveur. Davy décida de son sortir pour changer les
idées. Il arpenta fébrilement la ruelle de Tsiadana qui s’y joint à son ancien
université. Six années d’études et voilà où j’en suis ; un intellectuel errant dans

54
la sépulture d’Iarive. Malgré son immense savoir et son sens infaillible de
déduction, notre héros n’a pas pu décrocher un job. Il se plaignait de la système
et la corruption de son pays. Parfois, Davy rejetait la faute au destin. C’était
seulement que le fondement de son déterminisme n’était pas si profond. « Si
j’étais ailleurs qu’en Afrique, j’aurai pu facilement devenir un brillant
diplomate » s’exclama-t-il, cela lui parait simple à réaliser.

Il reprend son écriture. C’était son moment préféré de la journée. Son livre avait
émoussé l’aigu de son angoisse. Ecrire était sa seule raison de vivre. Il écrivit
tout dans son carnet de note : ses peines, sa passion, son analyse politique sur la
société Malagasy… « Moi et callas auraient pu être une histoire Nadja10, mais
j’ai mainte fois rêvés, hélas trop rêvés pour que cela puisse voir le jour.
L’amour fou est au centre de l’esthétique surréalisme. Sur ce point, je ne suis
pas un amoureux surréaliste. Callas, elle a créé un désir inconnu en moi. Puis,
elle m’avait laissé avide de son corps, un éternel inassouvi dans mon monde. A
présent, une étrange sensation émerge en moi, une envie de disparaître, de me
fondre dans le décor du néant.»

Davy s’est suicidé. Ne laissant derrière lui qu’un manuscrit. Son premier et
dernier œuvre. C’est l’errance d’une vie, l’espoir d’un pays, un esprit vif…hélas
morne esprit autrefois amoureux de la vie, le premier paragraphe de son récit
commençait par : « Je ne veux pas écrire ma vie. Ma vie est la plus absurde
histoire des hommes. Cela mine la morale. Les malgaches ont besoin d’un
souffle d’espoir. J’ai aimé tendrement une femme autrefois. Je l’ai aimé
profondément jusqu’à oublier son nom. Cela aurait pu être une belle romance si
je n’étais pas telle que je suis… » Davy appartient à cette race auxquels il a été
destiné de se confesser tous ses désirs et spleens dans son œuvre. Son
personnage principal, c’est lui. Un homme de culture moderne tourmenté par un
rêve impossible. Sa vie présente moins d’intérêt que son œuvre, intitulé «

10
« Nadja »un livre écrit par André Breton, une histoire d’amour passionnelle et virulente.

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songes inachevés ». L’originalité de son livre est le fait d’écrire dans le style
roman à réflexion philosophique en analysant scrupuleusement le labyrinthe de
son inconscience jusqu’à devenir fou. Il a connu le même destin que son auteur
préféré. Davy appartient à une époque que la nôtre. Il fait figure d’un esprit
damné du ciel, errant seul au monde des humains sans vraiment se sentir à sa
place. Il est partisan de l’Europe, admirateur des grands hommes de l’Histoire à
l’échelle mondiale : Alexandre le Grand, Jules césar, Charlemagne, Napoléon,
Bismarck, Churchill… Davy est l’archétype de la primauté de la culture
moderne sur la culture locale. C’est un écrivain du monde et non de son pays. Il
est un homme de culture, en dehors des livres, il n’est que vacuité. Son tragique
destin incarne le destin des jeunes malgaches, des jeunes africaines en pleine
confusion d’identité.

« Qui suis-je ? », est une vaste question à laquelle je n’ai plus envie de
jouer. « Que suis-je en train de faire » ; ceci ne regarde que la mort et moi ;
« Que vais-je devenir ? » Un souvenir… un souvenir…

FIN

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