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Cca 062 0005
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Létude longitudinale montre que I'instrumentation de mesure du risque ne suit pas parfaitement
les changements contextuels. Une forte permanence instrumentale ressort tout eu long du siècle
parcouru. Les industriels de l'aluminium semblent agir comme si le risque était inhérent à I'investis-
sement, lui-même inhérent à I'activité industrielle. Iæ choix rt'existe pas toujours quand la survie de
l'industrie dépend de l'investissement sans qdon en connaisse la rentabilité. De même que le proret
alternatif peut êûe inexistant. Dans ceme perspective, I'appréciation et la mesure du risque semblent
de nature à contribuer à la réflexion d'ensemble autour de l'investissement dans ses multiples aspects,
financiers mais aussi stratégiques, politiques, sociaux, etc. (Pezet, 1998). l,a mesure du risque ne fait
pas le choix d'investissement, elle perticipe avec d'autres critères, pas seulement financiers, à une
analyse d'ensemble et permet de déterminer, le cas échéant, les solutions les plus stres.
Un passage en revue succinct de la littérature montre ses insuffisances per rappoft aux pratiques.
Lhistoire, appuyée sur une méthode critique éprouvée, permet de réinvestir ce champ pratique et de
situer les usages instrumentaux de la mesure du risque dans un contexte idéel et économique afin de
montrer que I'analyse prime sur la mesure.
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a Les références numérotées conespondent à des cotes archivées. soit au service central des archives de Pechiney, soit à l'lnstitut pour
I'histoire de l'aluminium (lHA).
** Capacité et intensité électrique indiquent la taille, toujours plus grande, des investisements.
*** Les anodes Sôderberg cuisent directement dans le bain d'alumine en fusion lors de l'électrolyse de I'aluminium. Le procédé clæsique
utiliæ des anodes orécuites.
gestion une dimension temporelle sans les couper de leur présent. IJanalyse contexruelle du risque
repose ici sur une périodisation de la perception possible du niveau de risque par les décideurs au
moment du choix d'investissement, perception dépendant de la situation économique de l'industrie
mais aussi de la mentalité des affaires qui influence le degré de tolérance au risque. IJanalyse contex-
tuelle du risque dans la décision d'investissement passe donc d'abord per un rcpérage des contextes
idéels afin d'érudier ensuite le lien entre les mentalités d'affaires et la décision.
La période de croissance forte qui suit la Seconde Guere mondiale semble remiser la crainte du risque
et de l'incertitude au rang de croyances du passé. Une o mythologie des investissements , (Saint-
Geours, cité par Caron et Bouvier dans Braudel et Labrousse, 1993, p. 1119) nalt des instruments
économiques que l'État met en place après la guerre. læ rôle central revient au Plan et à ses outils de
prévision, dont le modèle u fifi ,, ou physico-financier, outil permettant de prévoir les évolutions de
l'économie française grâce à une série d'équations mathématiques. Les premiers plans ont donné
l'image d'une économie dynamique dans laquelle les débouchés sont assurés, c'est une u étude de
marché généralisée pour toute l'économie française , (Mcfuthur et Scott, 1970, p. I28).
Linvestissement n'est plus considéré comme un o luxe dangereux o (Hirsch cité dans Fourquet, 1980,
p.237) mais comme le moteur d'une croissance gârântie par le Plan.
Les enseignements de u l'école économétrique française u (Caron et Bouvier dans Braudel et
Labrousse, 1993, p. 1099) prolongent la longue tradition française de l'économie mathématique, de
Dupuit à Allais en passant par Cournot,'Walras, Divisia, Roy (Etner, 1987) et diffirsent une culrure
de la valeur croissance et de I'optimum, des techniques de gestion dites scientifiques (telle la recherche
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de la croissance âurait pu laisser prévoir. Les incitations gouvernementeles le soudennent (Muet dans
Jeanneney, 1989) malgré la victoire apparente de la u synthèse néoclassique , sur le keynésianisme
(Fitoussi et Muet dans Jeanneney, 1989, p. 346). Laccent est résolument mis sur I'ofte et non plus
sur la demande.
Dans ce contexte, la perception du risque d'investir est renforcée par I'apparition généralisée de
surcapacités. Le risque riest plus une valeur maitrisable et maîtrisée mais une pratique quotidienne.
Alors même que l'instrumentation s'est sophistiquée, il devient impossible de pr&oir. Les industriels
doivent u s'accommoder de l'imprévu u (Jeanneney, 1989, p. 380). I-a planification nationale est en
crise ; la prospective, o inventée u par Gaston Berger dans les années 1950, prend le relais afin de
mieux appréhender un environnement incertain. Les scénarios se substituent eux schémas tradition-
nels (Stoffaës, 1996) et la probabilisation des décisions de gestion est recommandée (Teller, 1976).
Lavenir rt'offre qu'une lisibilité fragmentée, l'analyse des risques investit les pratiques de gestion.
< Ce rapport exposait donc avec optimisme que la SEMF posédait une chute d'une puissance de 25 000 chevaux, pou-
vant donner 3 000 tonnes d'aluminium par an. Que l'usine installée à son pied produirait son alumine et sa cryolithe,
transformerait I'aluminium en tôles, tubes et fils, avec une immobilisation de 6 millions de franct et conduirait à un prix
de revient du kilogramme d'aluminium, de deux francs seulement. Qu'avec une production réduite à 1 000 tonnes
annuelles, sans fabrication de matières premières, la dépense à prévoir ne serait plus que de 2, 4 millions de francs, mais
que le prix de revient du kilogramme d'aluminium passerait alors à 3 frana 30. Une brochure imprimée, confirmant ces
données avec détails, avait été envoyée aux principaux actionnaires, à des banquiers et à des capitalistes étrangers. >
par tonne. Toutefois, I'auteur de la note fixe une borne haute de 5 000 francs par tonne (non détaillée)
par crainte d'une u surprise du côté hydraulique o (la production d'aluminium s'accompagne d'une
consommation importante d'énergie alors fournie par des centrales hydroélectriques). Le facteur
risque entre ainsi dans l'évaluation à hauteur de 25 o/o du ratio considéré comme normal. I^a réduc-
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En revanche, ils donnent lieu à une réévaluation de I'IRR (inærnal rate of retarn), du cash fnw et du
pay bach jusqu'en 2006. Un document de présentâtion du projet aux banquiers (septembre 1982)
condent une érude plus fine. Un o base case econornics > est passé au crible d'hypothèses sur les condi-
tions de réalisation du projet, hypothèses sur les prix, sur le devis, sur le délai de construction, sur les
taux d'intérêc, sur les taux de change, sur la dette (levier), sur les cycles de I'aluminium, sur l'infladon,
etc. IRR, return on eqaity (ROE) et Pa! bach sont réévalués dans chaque cas. Moins qualitatif que
Tomago, le dossier Bécancour est plus exhaustif dans l'évaluation chiffrée des risques.
Le u thème stratégique o du projet canadien se fait plus novateur en croisant stratégie du groupe et
analyse du risque politique. Une matrice de décision combinant les politiques possibles de la diplo-
matie Êançaise et les évolutions possibles de la politique canadienne débouche sur une série de scéna-
rios. La France peut se montrer pro-Québec, pro-Ottawa ou fluctuante. k Canada peut évoluer sur
une échelle d' u avenirs , allant da sutu quoàTndépendance du Québec. Dix scénarios en découlent
sous forme de modèles ; par exemple, un modèle u helvétique o (confédération avec ou sans le
Québec), un modèle o Houphouët-Boigny o (indépendance négociée) ou un modèle u SékouTouré u
(indépendance conflictuelle). Ces scénarios conduisent Pechiney à une alternative simple : ne rien
faire (Sl) ou construire une usine de 240 000 tonnes sous certaines hypothèses de financement et de
fonctionnement (S2). La décision est le fruit d'instrumens de choix nouveaux : u Le résultat pour
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d) les modérés ayant toujours tort en situation de décolonisation, une politique F3 conduira à un
cumul des érosions de marge.
Les hypothèses d'usure de marge [étant] données [...], si I'on applique le critère du minimax
regret, 52 est le bon choix. o
Pechiney ne se limite pas à ce choix stratégique, le groupe s'intéresse également à l'inflexion que
doit prendre la diplomatie française en fonction de ses intérêts d'investisseur : ( Cette conclusion
suppose que I'on a implicitement considéré la politique française Fi, comme extérieure, au même titre
que les avenirs du Canada- Mais une politique française volontariste peut tenir compte des intérêts de
l'investisseur. Il convient alors de rechercher la meilleure stratégie France Fi, vis-à-vis des avenirs Aj du
Canada, en hypothèse 52.I-e critère du minimax regret conduit à donner une nefte préférence à Fl
(pro-Québec). o
Llne n matrice de discussion D croise les avenirs possibles du Québec et les politiques françaises. La
politique pro-Québec apparalt donc comme la plus favorable à I'investissement de Pechiney. IJanalyse
des risques politiques conduit donc I'entreprise, devenue publique, à vouloir peser sur des choix diplo-
metiques afin de réduire I'incertitude.
Limites et conclusions
IJanalyse longitudinale de la décision d'investissemenr confirme, pour le cas de I'industrie de I'alumi-
nium en France, les conclusions des autres études empiriques : les instruments préconisés par la théo-
rie sont largement ignorés par les praticiens d'entreprises. Iæ secteur de l'aluminium représente un c:$
particulier ; I'analyse historique permet cependant de distinguer des phases de développement
communes à d'autres secteurs (émergence, décollage, croissance et crise) pendant lesquelles la percep-
tion du risque varie. Il représente par ailleurs une forme d'activité économique dont on trouve les
caractéristiques dans d'autres secteurs : intensité capitalistique, concurrence de type oligopolistique,
durée de vie des installations, etc. Ainsi la sidérurgie ou I'industrie du ciment présentent-elles des
similitudes tant dans les caractéristiques que dans la gestion de I'investissement (Lomba, 2000 ;
Dumez etJeunemaître, 1995). Le cas étudié ici peut donc être utile pour l'érude d'autres secteurs
industriels.
Le traitemenr du risque se traduit par la permanence d'instruments généralement simples. Les
aléas et les analyses de sensibilité constituent, dans l'industrie française de l'aluminium, les instru-
ments permanents mais évolutifr (par la sophistication) de la mesure du risque lors des choix d'inves-
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Tableau 2
Instrumentation, tolérance au risque et degré de risque
ToÉmra AU RrseuE
guerres). incertitude.
Faible Aléas et analyses de sensibilité.
Aléas, analyses de sensibilité et
démarche optionnelle.
Faible Fort
DrenÉ or Rrseut PERçu
Cor.icsse B. (1993), Gestion financière dc l'enneprise, Founqurr F. (1980), Les comlttes de la puissance,
Paris, PUF. histoire de k
cornptabilité nationah a da plan,
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pédagogie médiévale pour enseigner la gestion o FruorNsoN P. (1994), u Jalons pour une histoire du
Gher a cornprmdre, n" 38, p. 14-34. Centre de gestion sciendfique de l'École dæ mines
face aux plans, Haraard auscabe k France, Paris, ZÀaNIovncH H. (1997), o [æs calculs du prix de rwient
Édirions d'Organisation. dans la seconde industrialisation en France o,
MtluR P. (1991), n Accounting Innovation Beyond thèse de doctorat en sciences de gestion, université
the Enterprise : Problematizing Investment de Poitiers.