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DE L’INFORMATIQUE DECISIONNELLE

A LA MULTIDIMENSIONNALITE
EN VUE DE PRESENTER
LES FONDEMENTS ELEMENTAIRES
DU TABLEAU DE BORD ELECTRONIQUE

SYLVAIN LEBOUCHE

GREFIGE – Université Nancy 2

Cahier de recherche n° 1999-02

GREFIGE– Université Nancy 2


13 rue Michel Ney
54 000 Nancy
France
Téléphone : 03 83 39 63 91
Fax : 03 83 39 63 90
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www.univ-nancy2.fr/GREFIGE
2

Centre de recherche des Ecoles de Saint Cyr Coëtquitdan

DE L’INFORMATIQUE DECISIONNELLE
A LA MULTIDIMENSIONNALITE
EN VUE DE PRESENTER
LES FONDEMENTS ELEMENTAIRES
DU TABLEAU DE BORD ELECTxTNIQUE

Centre de recherche des Ecoles de Saint Cyr Coëtquitdan


Equipe Gestion des ressources de Défense
56 381 GUER Cedex
Tél : 02 97 75 73 50 02
Fax : 02 97 73 50 83
Email marinacedocar.fr
3

1. Introduction ....................................................................................................................................................................................5

2. Le concept de l’informatique décisionnelle............................................................................................................................5

2.1. Les outils et les sociétés d’informatique décisionnelle......................................................................................................5


2.2. Information et Système d’information.................................................................................................................................7
2.3. Besoin d’information...............................................................................................................................................................8
2.4. Développements pour le contrôle de gestion......................................................................................................................8

3. La multidimensionnalité ..............................................................................................................................................................9

3.1. Aperçu de la multidimensionnalité pour la gestion interne..............................................................................................9


3.2. La multidimensionnalité en comptabilité et avec des critères qualitatifs.....................................................................10
3.2.1. La multidimensionnalité en comptabilité...................................................................................................................10
3.2.2. La multidimensionnalité avec des critères qualitatifs..............................................................................................11
3.3. Les bases de données OLAP, ROLAP et MOLAP..........................................................................................................13
3.4. Evaluation des besoins dans une approche multidimensionnelle ..................................................................................14

4. Le tableau de bord électronique............................................................................................................................................. 15

4.1. Les concepts de l’EIS............................................................................................................................................................15


4.1.1. Catalogue d’écrans de suivi pour le dirigeant...........................................................................................................15
4.1.2. Outil pour l’entreprise dans son ensemble.................................................................................................................16
4.2. Les dilemmes de l’EIS ..........................................................................................................................................................17
4.2.1. Orientation interne ou externe des informations......................................................................................................17
4.2.1.1. Un EIS tourné vers l’extérieur : pour la direction générale et le marketing ..............................................17
4.2.1.2. Un EIS alimenté par l’intérieur : pour la DG, le contrôle de gestion et les directions opérationnelles19
4.2.3. Une information distribuée et une abondante information brute...........................................................................22
4.3. les perspectives de l’EIS.......................................................................................................................................................24

Conclusion......................................................................................................................................................................................... 25

Bibliographie.................................................................................................................................................................................... 26
4

Schéma 1 : Sociétés présentes sur le marché du décisionnel ………………………………………… 5

Schéma 2 : Le rôle de l’informatique dans l’organisation…………………………………………..… 6

Schéma 3 : Facteurs influençant l’architecture du système de décision…………………………….… 7

Schéma 4 : Un début de vision multidimensionnelle : le modèle à deux points de vue…………….… 9

Schéma 5 : Architecture recherchée avec l'idée de fédération des bases de données comptables…... 11

Schéma 6 : La multidimensionnalité associant des critères quantitatifs et qualitatifs………………... 11

Schéma 7 : Ecran EIS associant critères financiers et non financiers………………………………. 12

Schéma 8 : De la donnée à l’écran EIS : MOLAP ou ROLAP…………………………………… 14


5

1. Introduction 1
Une enquête téléphonique réalisée le 12 septembre 1997 par L.M.I. pour Seagate Software auprès de 112
responsables informatiques de grandes sociétés, révèle que près de 9 entreprises sur 10 envisagent d’augmenter leurs
investissements en matière d’informatique décisionnelle dans les deux prochaines années, notamment avec Internet.
Les outils de Business Intelligence sont devenus un atout concurrentiel décisif ; la moitié des répondants jugent ces
outils aussi importants que leurs systèmes transactionnels opérationnels.
L’informatique décisionnelle vise à accroître la réactivité et la flexibilité des entreprises face aux changements ou aux
tendances du marché ; la solution technique doit elle-même être très flexible et très facile à déployer.

Les environnements concernés dans l’entreprise sont :

• le contrôle de gestion,
• le reporting et la consolidation,
• le système d’information marketing : ciblage, pilotage de gamme, géomarketing, fidélisation, etc.
• le système d’information commercial : pilotage de réseau, prévision des ventes, etc.
• les ressources humaines : pilotage des carrières, gestion collective, etc.
• la production logistique : analyse qualité, fiabilité, prévision des stocks, gestion des flux, etc.

Ainsi, ce phénomène croissant de l’informatique décisionnelle a permis d’une part de nous interroger sur ce concept.
D’autre part, nous nous sommes orienté sur la technique de l’informatique décisionnelle, à savoir la
multidimensionnalité afin de cerner les caractéristiques d’un tableau de bord électronique - Executive Information
System (EIS).

2. Le concept de l’informatique décisionnelle

2.1. Les outils et les sociétés d’informatique décisionnelle


Par outils, il faut entendre les applications informatiques utilisées dans un cadre encore assez général ou plus précis :
outils d’accès aux données dans une approche multidimensionnelle, outils de création de systèmes décisionnels.

Le propre de l’informatique décisionnelle est de faire intervenir dès la conception des personnels aux profils divers
(gestionnaires et informaticiens), afin de rapprocher l’expertise fonctionnelle de l’expertise technique.

Le décisionnel était jusqu’au milieu des années 90 le pan marginal et élitiste du système d’information d’entreprise.
Au cours du développement d’un projet d’informatique décisionnelle, il faut toujours garder à l’esprit que l’entrepôt
de données décisionnelles et l’informatique de production sont deux éléments parfaitement dissociés.

L’informatique décisionnelle est un terme générique car il recouvre des outils et des concepts vastes : Datawarehouse,
Business Intelligence, Datamining, EIS, Intranet décisionnel, Statistiques, Analyse des données, contrôle de gestion,
pilotage, géomarketing, etc.
Différentes sociétés de services informatiques se positionnent sur le marché de l’informatique décisionnelle et
interviennent à différents niveaux :

• l’information interne et externe non traditionnelle (Sites Internet, rapports d’études, courrier électronique, …),
• les SGBD traditionnels (Oracle, IBM DB2, Informix, CA Ingres, Sybase, Microsoft Access, …),
• les SGBD multidimensionnels (Arbor Software Essbase, Comshare Commander Decision, Microsoft Plato, …),
• les supports des données internes traditionnelles (IBM, HP AllBase, Informix, Oracle, SAS,…),
• les logiciels d’administration de systèmes (Computer Associates, Tivoli filiale IBM, HP, Microsoft, …),
• extrait et transforme les données (IBM : DataPropagator, Visual Warehouse, Oracle : Parallel Loader, …),
• nettoie les données, les ré-engineerie, les authentifie (SAS : Warehouse Administrator, QDB Solutions, …),
• conçoit des tableaux de bord électroniques (Cognos : Impromptu, PowerPlay, Comshare : Commander Decision,
Hyperion Software : Hyperion Olap, Oracle : Express Analyser, Express Objects, Express EIS, Pilot : Decision
Support Suite, Platinium : Forest & Trees, SAS : SAS EI S, Seagate Software : Holos, Speedware Media, Crystal).

Les applications décisionnelles et de pilotage couvrent différents champs : Tableaux de bord, EIS, reporting,
budgétisation, prévisions, analyse des coûts par activités, analyse de rentabilité, analyse des ventes, datamart.

1 Les cahiers de recherche de l’équipe Gestion des ressources de défense présentent les résultats d’une réflexion menée à titre individuel ou par l’équipe.
Ils ne sauraient en aucun cas être considérés comme l’expression de la position institutionnelle des Ecoles de Coëtquidan, de l’Armée de Terre ou du
Ministère de la Défense.
6

Schéma 1
Sociétés présentes sur le marché du décisionnel

Oracle Hyperion MicroStrategy Comshare

Microsoft Cognos G e n t i a Software P i l o t Software

SAS Business Objects Information Advantage Seagate Software

Hyperion Essbase
Oracle Express SAP Fichier .txt
IBM DB2 Oracle Sites Internet
Microsoft Plato Peoplesoft Messagerie
Informix Metacube JD Edwards Image scanner
Reuters CCMX
Sybase Sage Baan EDI
AFP
Insee Micr. Excel SAS Cegid Saisie simple
Nielsen Lotus 123 Relat. tech. Ingres SAP Multimédia
Corel Quattro
Progiciel ERP
Base de données compta- Progiciel
Banque de Tableur Autre
multidimensionnelle finance intégré
données source de
externes ou relationnelle ; données
datawarehouse

Informatique décisionnelle

EIS
Tableau • Executive
Système de de bord électronique • Enterprise
Système pilotage Navigateur • Everybody
informatique Outil d’aide au Business multidimensionnel
• End-User
d’aide à la pilotage Intelligence Information
décision System System
7

L’offre est importante et diversifiée. Les standards peinent à se mettre en place. L’arrivée de Microsoft en 1997 sur
le créneau de l’informatique décisionnelle marque un tournant avec ses standards OLE for OLAP pour le
développement d’une interface d’accès à des bases de données et Open Information Model pour les outils intervenant
dans la création d’un datawarehouse.

Oracle, Hyperion, Cognos, Arbor, Comshare, Microstrategy sont les leaders sur ce marché.

Les besoins en matière d’informatique décisionnelle varient selon les métiers et le type d’entreprise. Le laboratoire
d’essai de la revue Décision Micro & Réseaux distingue quatre profils d’utilisateurs :

• directions générale et financière,


• contrôle de gestion,
• marketing,
• gestion commerciale.

Après avoir présenter les sociétés de l’informatique décisionnelle, il est nécessaire de nous interroger sur l’information
et son système.

2.2. Information et Système d’information


Information désigne à la fois l’action d’informer (de transmettre un message) et le contenu de ce message.
Les systèmes d’information peuvent être formels (explicite, affiché) ou informels (officieux, parallèle), tournés vers
l’interne ou vers la veille stratégique. Parmi les systèmes formels, on distingue habituellement quelques catégories
types : les systèmes en étoile, très centralisés ; les systèmes en cercle ou en chaîne qui traitent sur un pied d’égalité les
différents acteurs ; les systèmes hiérarchiques qui organisent la communication autour des fonctions d’encadrement.
La rigueur du dispositif de communication détermine le degré d’initiative et d’autonomie laissé aux utilisateurs.

Tout dispositif de communication souffre d’imperfections. En interne, pour l’information descendante, il est
habituellement reproché une difficulté à décoder les messages (en tenant compte de la capacité cognitive des
destinataires, des explications orales ou écrites manquent). Pour l’information ascendante, chaque relais impose sa
censure afin de marquer ce qui relève de ses propres prérogatives, de masquer des manquements, d’entretenir une
stratégie personnelle de pouvoir par l’information, etc. Lorsque l’on veut améliorer ou réformer le dispositif de
communication, la résistance au changement est toujours présente. Les responsables des organisations s’intéressent à
l’information car elle est incontournable et indissociable des enjeux de pouvoir.

Le Giga Information Group a élaboré une typologie des organisations selon le stade de maturité de leur informatique
Schéma 2
Le rôle de l’informatique dans l’organisation
Strategic
l’informatique est partenaire

Factory
l’informatique est fournisseur,
selon une démarche industrielle

Turnaround
l’informatique a un rôle
Support d’agent pour accompagner
le changement
le rôle de l’informatique se
limite à celui de gardien et
de conservateur

Le Cegos a dressé une typologie des facteurs influençant l’architecture du système de décision.
8

Schéma 3
Facteurs influençant l’architecture du système de décision

Marché Clients Responsabilités Langage commun


Concurrence Règles de gestion Démarche participative
Notoriété Compétences Adhésion à un système fédérateur
Produits Organisation Enrichissement des fonctions

Stratégie Structure Culture

Système de décisions
Systèmes d’information
Outil de pilotage

Après avoir présenter les caractéristiques du système d’information, il est nécessaire de nous interroger sur les niveaux
de besoins en information des sociétés actuelles.

2.3. Besoin d’information


Une enquête de novembre 1996 réalisée par Systems Union auprès de 200 responsables d’entreprises a constaté qu’un
directeur financier sur 5 reproche la mauvaise intégration entre l’informatique comptable et les autres applications et
que 2 directeurs marketing sur 5 ressentent un manque d’informations financières : sans informations financières
précises, délivrées en temps opportun, les responsables sont incapables de prendre des décisions fondées.

L’usage de l’informatique est devenu banal pour les dirigeants de grandes sociétés. Ces derniers peuvent attendre de
l’EIS une mise à disposition permanente d’écrans préparés par leurs collaborateurs selon leurs souhaits (graphiques,
tableaux, commentaires…), après prélèvement d’informations dans les bases de données de l’organisation et dans les
banques de données externes.

Les utilisateurs qui ne relèvent pas de la sphère des dirigeants doivent tout de même s’attendre à devoir déployer
quelques efforts de conception. Les évolutions informatiques se situent d’ailleurs principalement en amont du
processus de reporting offert par les EIS. Les cahiers des charges des acquéreurs mettent l’accent sur les aspects
techniques : s’assurer que telle base de données sera accessible, que tel cadre disposant d’un portable PC ou Macintosh
aura accès aux mêmes données qu’un collègue plus féru d’informatique et déjà habitué à utiliser le réseau de
l’entreprise depuis son terminal.

Ainsi, le besoin d’information est de plus en plus présent dans tous les services d’une société (notamment à la
direction générale). D’ou il est intéressant de connaître le fonctionnement de ce phénomène au niveau de la cellule
contrôle de gestion qui est l’annexe à la direction en matière décisionnelle.

2.4. Développements pour le contrôle de gestion


Il est de plus en plus fréquent de rencontrer des utilisateurs qui développent eux-mêmes leurs applications métier ;
c’est le cas dans les services de contrôle de gestion. Raisons : les informaticiens savent concevoir pour la gestion, la
comptabilité, les achats, la paie ; avec les applications métier, ils sont peu à l’aise. Le contrôleur de gestion ne pèse pas
toujours d’un poids hiérarchique suffisant pour imposer ses priorités dans les développements ou dans l’accessibilité
aux données non reconductibles.

Le contrôleur de gestion fait habituellement partie du comité de pilotage et du groupe d’utilisateurs prioritaires des
outils d’informatique décisionnelle ou de gestion intégrée. Une refonte du système d’information est l’occasion de
demander plus qu’il n’est nécessaire ou tout au moins plus que prévu dans l’enveloppe financière. Mettre une
contrainte budgétaire et impliquer le contrôleur de gestion dans le processus d’implantation, c’est inciter les
utilisateurs à définir des priorités et éventuellement à remettre en cause leur organisation, à s’adapter, à se préparer à
compléter par des développements spécifiques si l’outil le permet. L’idée est d’obtenir un outil satisfaisant à défaut
d’idéal, sachant que les demandes spécifiques trop particulières ne peuvent être satisfaites par les éditeurs, ces derniers
ayant un souci de mutualisation des coûts de développement entre les acheteurs.
9

3. La multidimensionnalité

3.1. Aperçu de la multidimensionnalité pour la gestion interne


Les services de contrôle de gestion ont longtemps été cantonnés à une exploitation des données comptables. Les
obligations légales rendaient ces données relativement accessibles et fiables. Les tableurs ont contribué à renforcer
cette orientation en ajoutant aux fonctions arithmétiques simples des formules mathématiques et financières, celles que
réalisaient dans les années 1970 les logiciels de modélisation financière, tels que IFPS (Interactive Financial Planning
System, Progiciel de la société Execucom, ancien n°1 mondial dans ce domaine, rachetée par la société Comshare en
1992). Aujoud’hui, le contrôle de gestion tend à exploiter des données multi-origines. Une vision multidimensionnelle
et multicritères de l’entreprise s’impose à tous les acteurs, dans tous les domaines. Le tableau de bord ne peut plus se
contenter de refléter des données financières et internes.

M. Levasseur et A. Quintard (Finance, Économica) suggèrent de combiner les approches matrices stratégiques et
chaînes de valeurs : “ mises ensemble, les deux approches suscitent une nouvelle conception ou organisation de la
comptabilité analytique ou de tout autre système de répartition des données comptables au sein de l’entreprise, c’est-à-
dire métier par métier, fonction par fonction et activité par activité. Dans cet esprit, elles sont de nature à permettre la
construction d’un tableau de bord stratégique qui doit être investi de trois missions essentielles :

• associer les informations marketing, techniques, humaines… et des considérations purement financières, de plus en
plus détaillées et de plus en plus utiles pour situer l’entreprise vis-à-vis de ses concurrents ;
• fournir un ensemble intégré de méthodes et d’outils d’analyse aptes à étudier le passé et le présent mais, surtout,
aptes à mieux conjecturer les dimensions du futur (…) ;
• procurer en définitive les fondements de décisions qui doivent être prises en matière d’investissement et de
désinvestissement ”.

L’utilisation pour la comptabilité de gestion peut constituer une piste de réflexion.


Que peut-on calculer comme coût ?

• des coûts par produit, par famille de produits, par prestation de service, etc. ;
• des coûts par groupes de clients, selon leur région, leur canal de distribution, etc. ;
• des coûts par responsabilité : direction comme rciale, direction financière, etc. ;
• des coûts par fonction économique : administration, production, etc. ;
• des coûts par zones géographiques : filiale de tel et tel pays.

Ces différents points de vue constituent autant de dimensions que l’on peut souhaiter observer en même temps afin de
procéder à différents appariements (produits et zones géographiques, produits et clients, etc.). C’est le principe de
l’hypercube que l’on tourne virtuellement en quelques secondes pour faire apparaître la facette qui nous intéresse.
Pour sa gestion interne, l’entreprise oriente fréquemment son informatique vers le suivi de différents paramètres dans
le temps, ce qui constitue déjà 2 dimensions pour les outils informatiques utilisés : la dimension variable et la
dimension période.
Analyser ces paramètres en les détaillant, par exemple, en fonction des centres de responsabilité, constitue une
exigence naturelle et maintenant accessible.
Partant de données financières, budgétaires, commerciales, etc., renseignées pour plusieurs périodes, le besoin d’une
troisième dimension se fait rapidement sentir : la prise en compte de la structure de l’entreprise permet un suivi par
filiale, par division, par département, par service, etc. Pour peu que la connaissance des différentes catégories de
produits ou de services proposés par l’entreprise soit jugée indispensable, une quatrième dimension doit être
introduite.

Les tableurs deviennent incapables de répondre aux attentes des utilisateurs. Ils sont supplantés par des outils qui
s’appellent tableurs multidimensionnels, hypercubes, multicubes ou d’une manière plus générique Systèmes interactifs
d’aide à la décision (SIAD) qui constituent un des volets de l’informatique décisionnelle.
L’hypercube est parfois peu dense car il présente de nombreuses cellules vides à cause notamment des prévisions qui
sont rarement renseignées avec le même niveau de détail que les données réelles.

Une longue réflexion doit précéder la construction du modèle pour déterminer comment présenter la
multidimensionnalité, en fonction des questions que l’on se pose.
10

Schéma 4 :
Un début de vision multidimensionnelle : le modèle à deux points de vue (produit et client)

Année
Marge Trimestre Marge dégagée durant le
Calcul Mois mois sélectionné, pour la
intermédiaire Jour famille d’articles et
Donnée l’enseigne retenues
Période
Variable

Total
Canal
Enseigne
Total Client
Famille
Sous-famille Client
Produit
Produit

Dans ce modèle de tableau de bord avec deux points de vue, la navigation est complexe mais maîtrisable. Les modèles
à dix dimensions ou plus, comme cela est rendu possible par certains constructeurs, restent quasiment impossibles à
utiliser. Bâtir un modèle d’une telle complexité nécessite un important effort d’imagination mais ne répond pas à un
véritable besoin. Même dans les multinationales, les hypercubes se limitent à quelques points de vue ; c’est plutôt le
volume de données manipulées qui intéresse les développeurs (Annexe 1).

Pour conserver des modèles compréhensibles, les entreprises présentent un hypercube ayant des applications en des
modèles à quatre, cinq ou six dimensions. Ou alors elles bâtissent un vaste entrepôt de données (datawarehouse)
accessible selon différents jeux de requêtes.
On dépasse les dimensions deux et trois des tableurs pour aller au delà de dix. Nous pouvons remarquer qu'avec moins
de dix dimensions, il est déjà possible de satisfaire aux besoins de la quasi totalité des entreprises.

Même en réduisant la dimension des modèles, demeure le problème d'alimenter les cellules. L'information peut
provenir de la comptabilité financière, de la gestion de trésorerie, de l'analyse des coûts, etc. On s’aperçoit que la
comptabilité générale peut être définie de telle sorte à renseigner de façon très détaillée les ventes mais elle demeure
insuffisante pour ventiler les charges. Régulièrement, l'idée de comptabilité multidimensionnelle fait l'objet de
recherches pour intégrer les différents systèmes comptables. Ceux-ci couvrent la plupart de ces axes mais à chaque
fois, l'accent n'est mis que sur un certain nombre de dimensions de l'entreprise.

3.2. La multidimensionnalité en comptabilité et avec des critères qualitatifs

3.2.1. La multidimensionnalité en comptabilité


Chaque système comptable ne se positionne actuellement que sur deux ou trois axes 2 :

• pour la comptabilité générale, la saisie en partie double se fera sur les axes Variable et Tiers (par exemple : achat et
fournisseur), plus éventuellement l'axe Période pour éditer une balance, ou alors pour faire apparaître la date du
flux de trésorerie. En revanche, l'axe établissement sera ignoré, car les données sont figées au niveau d'une entité
juridique et la consolidation fiscale ne se fait qu'une fois l'an. Sur l'axe Type comptable, on enregistre des données
réelles qui n'ont souvent pas leur équivalent en prévu, car les prévisions portent souvent sur d'autres aspects ;
• pour la gestion de trésorerie, on travaillera surtout avec les axes Période et Devise ;
• pour l'analyse des coûts, on mettra l'accent sur l'axe Produit pour effectuer des calculs à des niveaux très détaillés ;

2
LECLERE D., 1991, Le dépassement de la partie double : de la comptabilité matricielle à la révolution multidimensionnelle, papier de recherche,
CREGE, Université de Bordeaux I.
11

• pour le contrôle budgétaire, ce sont les subdivisions de l'axe établissement qui connaîtront une analyse plus
poussée, afin de descendre jusqu'aux niveaux les plus bas des centres de responsabilité.

Mettre en place une comptabilité multidimensionnelle signifierait dans le cas présent, l'ajout de six nouvelles
dimensions aux axes Variables et Tiers de la comptabilité générale en partie double. Ce n'est qu'en restant à un niveau
très élevé dans les regroupements par axe, qu'on éviterait un recours massif aux clés de répartition. Les pressions sur
les fournisseurs pour disposer d'états adaptés à l'enregistrement multidimensionnel, la refonte des systèmes, le
recrutement de personnel supplémentaire de saisie, la formation de ce personnel, etc., représentent une révolution de
trop grande ampleur pour que les entreprises s'y engagent.

Néanmoins, comme les entreprises ont besoin de ces informations pour alimenter le système décisionnel, elles ont mis
en place des interfaces pour récupérer dans chaque système comptable l'information émise, dans un premier temps, au
sein d'un module de facturation, de paie, etc. Le système décisionnel constitue en quelque sorte une synthèse des
systèmes comptables (cf. schéma).
Schéma 5
Architecture recherchée avec l'idée de fédération des bases de données comptables

Centres de vente
Commandes, livraisons, stocks, Etc.
Marketing Centres de fabrication
Promotions, Etc. Comptabilité Achats, gestion de production, Etc.
• générale Paie
Facturation
• de gestion
Gestion des
Gestion commerciale • des engagements
Avantages clients, ristournes, Etc. immobilisations
• débiteurs

Système décisionnel

3.2.2. La multidimensionnalité avec des critères qualitatifs


Les critères utilisés pour l’aide à la décision peuvent être de plusieurs types :

• numérique : c'est ce que l'on utilise quasi exclusivement pour la modélisation budgétaire et financière ;
• logique : dont la réponse est : oui ou non, plus ou moins, 1 ou 0, etc. ;
• visuel : dont la réponse est, par exemple, un degré de préférence entre 0 et 100% ;
• auto-défini par l'utilisateur, avec sa propre échelle de valeur : bon, moyen, mauvais ; porteur, prometteur,
encombré, saturé ; 5, 4, 3, 2, 1 ; élevé, moyen, faible.

Triple C (Circular Criteria Comparison) est un outil multidimensionnel qui a été conçu pour donner une
représentation originale des paramètres qualitatifs, mais c’est peut-être le fait d’être trop spécifique et trop éloigné de
l’approche tableur qui l’a empêché de se développer.
Son utilisation dans cet exemple de l’automobile aboutit à une représentation particulière présentée en figure 5.
12

Schéma 6
La multidimensionnalité associant des critères quantitatifs et qualitatifs
Application : description d’une automobile
Logiciel : Triple C (Circular Criteria Comparison)

Confort Vitesse

Puissance
Consommation
en ville

Espace
Consommation
à 120 km/h

Prix Sécurité

Source : A NGEHRN A.A., (1990), Triple C : a visual interactive MCDSS (Multi criteria decision support system),
papier de recherche n°90, INSEAD.
Chacun des huit arcs de cercle indique l'importance qu'accorde l'utilisateur à chaque critère (faible si l'arc est près du
centre, forte si l'arc est à la périphérie). Après avoir défini l'importance respective des différents critères, l'utilisateur
indique pour chaque critère où va sa préférence.

L'aide à la décision peut se faire par une liste de graphiques circulaires assez similaires à celui présenté ci dessus :
• de superposer sur chaque zone acceptable (hachurée), un arc de cercle indiquant la position d'un produit en
particulier ;
• d'indiquer le classement qu'occupe un produit selon chacun des critères ;
• d'indiquer pour chaque critère le nom du produit le mieux classé.
Pour séduisant qu'il soit, Triple C n'en présente pas moins des insuffisances, et notamment la limitation de son
utilisation à quelques préoccupations de l'entreprise : choix d'investissements, sélection de projets, marketing,
recrutement, etc.
Des systèmes d’aide à la décision sont ainsi conçus pour répondre à des préoccupations non financières dans
l'entreprise : pour la planification du personnel, pour la conception de nouveaux véhicules, etc.

Robert S. Kaplan et David P. Norton ont développé une méthode de gestion par tableau de bord prospectif,
combinant indicateurs financiers et non financiers. Ils prônent le suivi de quatre types d’indicateurs :
1. résultats financiers : chiffre d’affaires (récurrent, perdu), résultat, cours de l’action...
2. relations avec le client : satisfaction, fidélité, renforcement de l’image, amélioration de la qualité des services…
3. organisation : cycles de développement, durée, coûts de structure, maîtrise des achats, choix des sites…
4. possibilités de développement : capacité d’innovation, nouveaux produits à l’étude, actifs intellectuels…
Actuellement, les concepteurs de logiciels d’informatique décisionnelle sont soumis à la pression de certains d’entre
eux (Microsoft, Cognos, Business Objects) qui développent un marché de masse. L’alternative est de s’aligner ou de
se repositionner sur une niche. Les grandes sociétés de conseil mettent en avant que le pilotage de l’entreprise par le
suivi des seuls indicateurs financiers ne suffit plus ; la performance d’une entreprise se mesure aussi sur la base
d’indicateurs moins tangibles (relation avec la clientèle, organisation, capacité d’innovation, niveau de formation des
salariés, etc.). Des sociétés comme Comshare et Gentia se sont ainsi mises à intégrer des indicateurs non financiers.

Gentia est allé plus loin en lançant en 1998 Renaissance Balanced Scorecard, EIS que l’on peut traduire par tableau
de bord équilibrant indicateurs financiers et non financiers (Informatique Magazine 15/5/98) selon la méthodologie
introduite par Kaplan et Norton.
13

Schéma 7
Ecran EIS associant critères financiers et non financiers
Nord Est Ouest Sud
Finance
Évolution du chiffre d’affaires ì ì ì è
Évolution du résultat ì è è è
Clients
Renforcement de l’image ì ì ì è
Qualité des services ì ì ì î
Organisation
Maîtrise des achats ì è ì ì
Choix des sites ì ì è î
Développement
Compétences ì è ì î
Apprentissage è è ì è
Source : Kaplan, Norton, Tableau de bord prospectif ,Progiciel : Gentia Renaissance Balanced Scorecard,
Informatique magasine du 15 mai 1998.

3.3. Les bases de données OLAP, ROLAP et MOLAP


La conception actuelle des systèmes informatisés conduit à basculer dans une même base de données le plus de
paramètres sur l'entreprise ; les schémas directeurs recherchent toujours le mythique système d'information qui
engloberait l'ensemble de l'activité.
Les systèmes de gestion de bases de données relationnelles (S GBDR) sont susceptibles de faciliter une approche
multidimensionnelle. Les bases de données sont, en effet, conçues à partir d’enregistrements contenant des
informations liées et organisées en champs. Une table relationnelle est ainsi basée sur le principe de tableaux de lignes
(les enregistrements) et de colonnes (les champs). L’ensemble ne peut correspondre qu’à une seule dimension au sens
de l’analyse de gestion ; pour qu’il y ait multidimensionnalité, il faut plus d’une correspondance entre champs : un
client pour plusieurs produits, eux-mêmes fournis dans différentes quantités selon les clients, etc.

L’intérêt pour la multidimensionnalité a été renforcé par un important battage médiatique autour d’un concept baptisé
OLAP (On-Line Analytical Processing). Ce concept ambitionne de faire évoluer le monde des SGBD depuis une
préoccupation de mise à disposition de données pour des extractions (concept dit On-Line Transaction Processing)
vers une orientation plus ambitieuse encore : l’analyse multidimensionnelle. Le créateur du concept Olap, Edgar Codd,
a défini douze règles dont il convient de tester la validation par les bases de données : la présentation des nombres sous
une vue multidimensionnelle, la présence de dimensions génériques (variable, période), des opérations entre les
dimensions sans limite, des dimensions et des niveaux d’agrégation illimités, une gestion dynamique de la matrice
creuse (les cellules vides dans l’hypercube), etc. Les serveurs Olap, tels Arbor Essbase et Acuity, présentent une
structure multidimensionnelle pour permettre un accès multi-utilisateurs à des données plus ou moins consolidées. Un
inconvénient important des bases de données Olap est leur appui sur des données précalculées afin de proposer des
temps de réponse très courts : les données issues des différents services de l’entreprise et stockées dans des bases de
données sont dupliquées sur la base multidimensionnelle.

Une autre technologie, baptisée ROLAP (Relational Olap) ou Open Olap, est toutefois envisageable ; c’est une
architecture de systèmes d’aide à la décision prévue pour effectuer de l’analyse multidimensionnelle directement et
dynamiquement à partir des bases de données relationnelles standards, avec de gros volumes de données ; leur
inconvénient réside dans la plus grande difficulté à concevoir des applications de simulation, dans leur besoin de
programmation plus important. En termes de méthodes d’accès, Molap se rapproche du séquentiel indexé, alors que
Rolap s’appuie sur les techniques d’index et de jointures des SGBD relationnels.

Dans une approche type tableau de bord pour dirigeant, le concept Olap convient mieux dans une conception plus
élargie de l’EIS, avec des volumes de données importants pour de multiples utilisateurs, le concept Rolap tire partie
des techniques de partitionnement des données ou d’accès en parallèle, il est moins coûteux mais il reste moins
séduisant car l’approche multidimensionnelle n’est pas immédiate et les temps de réponse sont imprévisibles, souvent
rédhibitoires. Les technologies Molap et Rolap sont appelées à se rapprocher et intégrer les mêmes réponses pour la
circulation de l’information : les promoteurs du Rolap acquièrent des concepteurs Molap (IRI Software par Oracle en
1995, Panorama par Microsoft en 1997, Arbor par Hyperion en 1998). Travailler en multidimensionnel avec une base
relationnelle devient ainsi commun ; c’est l’approche dite Hybrid Olap. Les EIS se présentent ainsi comme des outils à
plusieurs strates
14

Schéma 8
De la donnée à l’écran EIS : MOLAP ou ROLAP

Stockage des données


sous une forme relationnelle Travail important dans
ou multidimensionnelle une approche Molap

Accès multidimensionnels Travail important dans une


pour le calcul d’indicateurs sophistiqués, approche Rolap en conception,
directement ou par requêtes administration des données,
optimisation des flux

Visualisation des données


sur l’écran de l’utilisateur

Encore faut-il évaluer longuement les besoins car les développements inutiles ou mal pensés ne sont pas rares dans ce
domaine.

3.4. Evaluation des besoins dans une approche multidimensionnelle


L’accès à l’informatique pour tous, voilà l’objectif vers lequel convergent les entreprises. Cela passe par la mise en
œuvre de solutions dont l’objectif n’est plus seulement de capter l’information, rôle des systèmes dits transactionnels,
mais aussi de la restituer. De manière accessible ; il faut la structurer selon différents points de vue et différents
niveaux de synthèse ; c’est autour de l’analyse multidimensionnelle, avec les technologies Olap que la demande se fait
la plus croissante.
L’intérêt des logiciels d’informatique décisionnelle réside dans le reporting multidimensionnel, la gestion d'une base
de données relationnelle ou multidimensionnelle permettant la liaison avec n'importe quel type d'informations
disponibles et leur intégration directe dans des applications, la recherche d'objectifs multidimensionnelle, l'analyse
d'informations en masse (tests, lissages, analyse de risques), etc.
L'engouement des dirigeants d'entreprises pour ces outils d'aide à la décision nous amène à nous interroger sur la
nature des informations retenues, la manière dont les modèles sont utilisés, l'apport véritable pour la prise de décision :
les dirigeants des organisations doivent mieux appréhender les différentes dimensions de leur environnement et
introduire le concept de multidimensionnalité dans leur mode de pensée.

Une longue réflexion doit précéder la construction du modèle pour déterminer comment présenter la
multidimensionnalité.
Mis à part pour l'axe des variables, la quasi totalité des calculs se ramène à des additions pour effectuer des
regroupements par famille de produit, par zone, etc. ; à tel point que les premiers logiciels de ce type (Comshare One-
up, etc.) n'offraient pas facilement la possibilité de faire des calculs autres que des additions sur ces axes. Une telle
restriction ne va pas sans poser de problème : ainsi, sur l'axe version, faire apparaître un écart entre des informations
prévues et des informations réelles est banal pour une analyse en contrôle de gestion mais pouvait nécessiter un
fastidieux exercice de programmation au début des années 90.
Dans les entreprises multinationales, au gré des restructurations, le groupe intègre des entreprises qui disposent déjà
d'un découpage utile pour leur gestion interne et à qui il va imposer un autre découpage ; ce comportement est très
fréquent sur l'axe produit où les familles et les sous-familles de produits correspondent à des regroupements d'articles
différents entre le siège et les filiales. Dans ce cas, la nomenclature du siège peut être imposée pour toutes les
applications dans les filiales mais dans la réalité, la double nomenclature est plutôt maintenue, afin d'éviter des
perturbations supplémentaires ; la nomenclature principale sert pour la gestion interne de la filiale et périodiquement,
les données sont regroupées selon la nomenclature du groupe pour transmettre les résultats au siège. Avec une
approche généralisée en temps réel, il devient néanmoins difficile pour la filiale d'échapper à un alignement de sa
nomenclature sur celle du groupe.
Les dictionnaires de données d’applications différentes étant souvent incompatibles entre eux, un référentiel commun
serait le bienvenu pour promouvoir une offre qui peut rester propriétaire (spécifique) mais intégrée et homogène. Les
grands de l’informatique, Microsoft et Oracle, sont appelés à agir dans ce sens (Informatiques Magazines, 15/5/98).

Ce qu'il ne faut jamais oublier, c'est que les systèmes informatiques utilisés sont des outils d'aide à la décision et non
pas des outils de prise de décision. L'importance des manipulations de nombres et de dimensions fait que l'utilisateur
peut voir aboutir sur son écran des éléments de conclusion tout à fait erronés une fois sortis de leur contexte. Il est
ainsi possible qu'en première analyse, le budget publicitaire ne ressorte pas comme explicatif des ventes des produits
15

sur certains marchés. Il serait dangereux d'en conclure que la publicité n'a aucun effet : lorsque toutes les marques en
concurrence ont des parts de marché et des budgets publicitaires comparables, une marque qui supprimerait la
publicité perdrait rapidement des clients.
Dans le même ordre d'idée, on peut reprocher à ce type de logiciels d'accorder une importance exagérée à l'information
numérique. A des fins de détermination du chiffre d'affaires net, ou d'analyse des coûts et des contributions, aucun
problème ne se pose. Dans le cadre d'une aide à la décision plus générale (en contrôle de gestion, en marketing, etc.),
cette restriction à des informations numériques est cependant gênante. L'attention des utilisateurs est, en effet,
focalisée sur des nombres, en raison d'une disponibilité rapide, d'une facilité de manipulation, d'une présentation
séduisante, etc. Dès lors que les données sont saisies ou transférées dans les modèles (de construction de budgets, de
simulations, etc.), l'utilisateur risque de se laisser entraîner dans une procédure de résolution mécanique.
L'aboutissement d'une telle procédure est l'identification d'une solution qu'il serait illusoire de croire optimale, à partir
du moment où des aspects plus qualitatifs sont écartés du processus de résolution. Durant la phase de formulation des
problèmes et d'exploration de solutions satisfaisantes, les facteurs humains et relationnels, la créativité et l'intuition des
utilisateurs risquent ainsi d'être inhibés. Pour pallier cet inconvénient, des systèmes interactifs d'aide à la décision se
sont dotés de la possibilité d'introduire plus de flexibilité et plus de composants subjectifs dans les modèles.
Dès que l'information est simple et quantifiable, l'unicité de la production de l'information et de son stockage ne pose
plus de problème conceptuellement ; c'est seulement au niveau de la restitution de l'information que l'utilisateur
rencontre des difficultés avec la multidimensionnalité. Il en va différemment pour tous les aspects qualitatifs ou multi-
critères ; ainsi, connaître l'organigramme d'un groupe est suffisant pour effectuer les consolidations mais reste trop
mécanique lorsque l'on veut évaluer les conséquences des relations privilégiées et de partenariat qu'entretiennent des
membres du groupe avec d'autres entreprises ; les systèmes d’aide à la décision doivent alors être plutôt conçus pour
des éléments non financiers.

4. Le tableau de bord électronique

4.1. Les concepts de l’EIS

4.1.1. Catalogue d’écrans de suivi pour le dirigeant


Les tableaux de bord électroniques sont conçus pour présenter de l’information directement sur un écran d’ordinateur.
Leur interface utilisateur est particulièrement mise en avant afin d’offrir un maximum de convivialité. Ces outils se
présentent soit comme une base de données tampon structurée en hypercube à plusieurs dimensions, mais peu remplie
afin de maintenir des traitements rapides, soit plus récemment, comme un outil d’investigation dynamique et interactif,
récupérant l'information principalement dans des bases de données, puis la restituant en quelques secondes par
manipulation simple de la souris ou par toucher sur écran tactile.
La mise à disposition permanente de données de l’organisation répond aux besoins élémentaires des utilisateurs, mais
cela ne leur suffit plus pour obtenir rapidement toute l’information dont ils ont besoin ou pour transmettre des
informations de manière sélective. Une demande nouvelle s’exprime en faveur d’échanges rapides entre utilisateurs de
l’outil informatique, même si cela occasionne fréquemment l’abandon du support papier auquel beaucoup de
dirigeants restent attachés. Les éditions systématiques de documents laissent la place à une édition sélective décidée
par le destinataire, au moyen d’une imprimante située à proximité de chaque utilisateur.

Le tableau de bord électronique est plus connu sous son sigle anglophone EIS, signifiant à l’origine Executive
Information System et devenu avec le temps Enterprise Information System.
Il est apparu en France au début des années 1980, époque à laquelle la sophistication des outils informatiques utiles au
contrôle de gestion était peu développée (Windows n’existait pas). Aux chiffres arides et aux graphiques basiques des
tableaux de bord manuels ou imprimés à partir des tableurs, l’EIS substitua une lecture directe sur écran d’ordinateur
et ajouta des formes (cartographie dans les données commerciales…), une sélectivité dans les couleurs (le rouge pour
les paramètres défavorables…), un effet drill accross c’est-à-dire la possibilité de visualiser des données sous divers
angles (hypercube multidimensionnel), etc. Son coût de mise en œuvre, dû à la durée et aux difficultés techniques de
réalisation, et son appropriation quasi exclusive par le Président-directeur général, conférèrent à l’EIS l’image tenace
de gadget pour dirigeants d’entreprises fortunées.
Un effet de zoom (dit drill-down ou top-down) autorise l’utilisateur à accéder à des niveaux de données de plus en plus
détaillés ou, inversement, à retrouver le niveau le plus agrégé. La cartographie met bien en évidence cet effet : sur une
planisphère à l’écran, l’utilisateur repère les couleurs associées aux sous-continents pour une variable donnée
(exemple : le rouge lorsque les objectifs de vente n’ont pas été atteints) ; en cliquant sur un sous-continent, un effet de
loupe se produit pour donner la même information détaillée par État ; dans les pays où la société est très présente, une
présentation encore plus fine par région peut même être élaborée.
On trouve des EIS vendus par des sociétés très spécialisées (Comshare, longtemps leader dans ce domaine), intégrées
dans des groupes de management de l’information (Pilot, absorbée en 1994 par Dun & Bradstreet), intégrées dans des
configurations informatiques plus vastes (Information Resources Inc., absorbée en 1995 par l’éditeur de gestionnaire
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de bases de données Oracle), ou alors les EIS sont un module ajouté à des bases de données (produits des sociétés Sas
Institute, Business Objects, Cognos).
Les concepteurs sont nombreux à vouloir se partager le marché des systèmes d’aide à la décision. En France, le chiffre
d’affaires correspondant s’élève à 30 millions de dollars en 1992, 60 en 1995, 80 en 1998. Dans le monde, les chiffres
ressortent respectivement à 450, 800 et 1000 millions de dollars. Les six sociétés évoquées plus haut se partageaient en
1995 les deux tiers du marché.
Nous pouvons retenir comme appellation française tableau de bord électronique afin de mettre en avant la technologie
qui accompagne cet outil emblématique du contrôle de gestion. Nous pouvons aussi lui donner l’appellation système
décisionnel avec, dans ce cas, une importance moindre accordée à l’outil en tant que tel, et un intérêt plus grand porté
aux finalités recherchées lors de son utilisation.
Afin de faciliter l’aide à la décision chez les P-DG des grands groupes français, les tableaux de bord électroniques des
années 80 répondent au besoin de ces dirigeants, peu familiarisés avec le maniement des claviers de terminaux
informatiques, mais ayant besoin d’informations spécifiques, fréquentes et non nécessairement répétitives. L’idée est
de limiter (voire à terme d’y mettre fin) :
• les éditions de piles de papier imprimé difficilement analysables, ne correspondant que partiellement aux besoins
du moment, avec une édition souvent uniquement mensuelle ;
• les sollicitations des secrétaires de direction et autres collaborateurs, afin d’obtenir un tableau de données ou toute
autre information récente.
L’habitude prise par les dirigeants de consulter et d’annoter les tableaux de bord édités mensuellement constitue un
frein important. C’est pourquoi l’interface utilisateur de ces produits est particulièrement soignée, afin de présenter un
maximum de convivialité :
• élaboration par les services informatiques et financiers d’une série de tableaux et de graphiques prédéfinis (leur
nombre pouvant dépasser la centaine), régulièrement mis à jour, couvrant les domaines les plus fréquemment
demandés par le dirigeant ;
• recours important à la couleur, pour constituer des sigles (le dessin d’une voiture en face des ventes de véhicules
automobiles), pour mettre en évidence des écarts (nombres affichés en vert ou en rouge lorsqu’ils s’écartent en plus
ou en moins de la zone d’acceptabilité préalablement définie pour le critère correspondant), pour différencier les
différentes parties d’un graphique, etc. ;
• utilisation quasi exclusive de la souris, puis plus récemment de l’écran tactile, pour se déplacer d’un écran à
l’autre.
Les dirigeants des grands groupes français souffraient d’une information excessive, mal canalisée et peu pertinente,
présentée dans des tableaux de bord imprimés inadaptés à leur rythme d’utilisation. Les premiers tableaux de bord
électroniques amélioraient l’apparence de l’information mais ne marquaient pas encore un profond changement dans
l’utilisation des données dispersées dans l’organisation ; l’apport se traduisait par une migration du support papier vers
le support écran mais les ressaisies de données par les collaborateurs du dirigeant restaient fréquentes.

Par leur facilité d’utilisation et par le caractère séduisant de présentation des données qu’ils offrent, les tableaux de
bord électroniques ont séduit la plupart des dirigeants des grands groupes. Leur attrait s’est renforcé avec la
récupération de milliards de données dans différentes bases, tout en arrivant à les présenter sous une forme attrayante,
directement à l’écran. Les extractions des bases de données se font en temps réel, ou légèrement différé lorsqu’une
base de données tampon spécifique à chaque application est maintenue.
L’utilisateur peut, de plus en plus fréquemment, naviguer dans les bases de données (effet drill-down), effectuer des
simulations et concevoir ses propres applications plutôt que de se contenter des écrans prédéfinis. D’utilisateurs
passifs d’un Executive Support System, certains dirigeants évoluent ainsi vers un Executive Information System.

Les entreprises utilisatrices de tableaux de bord électroniques se situaient jusqu’au début des années 90 toujours parmi
les plus grandes de leur secteur d’activité. Dans le domaine industriel français, cela correspond, par exemple, à la
centaine de groupes qui disposent chacun d’effectifs habituellement supérieurs à 5 000 personnes et qui réalisent un
chiffre d’affaires supérieur à 10 milliards de francs ; les nouveaux utilisateurs se rencontraient au début des années 90
dans la tranche 5-20 milliards.
Étant fréquemment multi-sites, ces entreprises ont à impliquer un grand nombre de responsables. Pour leur donner les
moyens d’agir, le tableau de bord est un outil privilégié, d’autant plus que des tableaux standards existent, préparés
pour l’état-major et utilisables par d’autres responsables.
En banalisant les manipulations de données lors de l’utilisation de ces outils, les concepteurs se sont découverts un
grand nombre d’adeptes dans les organisations et sont amenés à s’intéresser à de nouveaux destinataires, situés à des
niveaux plus bas dans la hiérarchie.

4.1.2. Outil pour l’entreprise dans son ensemble


Durant les années 80, les tableaux de bord électroniques s’adressaient à l’état-major des multinationales ; leur
appellation anglo-saxonne Executive Information System (EIS) était donc tout à fait justifiée. Dans une version
caricaturale des années 80, un EIS pouvait, en effet, être présenté comme un catalogue de tableaux et de graphiques
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mis à jour automatiquement et utilisables par un dirigeant pressé et peu familiarisé aux manipulations du clavier.
L’orientation prise pour les années 90 est d’en faire un outil d’information à la disposition de tous dans l’organisation,
EIS devenant plutôt le sigle de Everybody Information System. Devant l’écran, il n’y a plus seulement des consultants
d’applications finies, mais des utilisateurs-développeurs qui ont une certaine connaissance des bases de données et de
la manière de construire des applications avec ces outils. La personne appelée à superviser le système d’information
(directeur informatique, administrateur du réseau…) donne l’accès aux données ; à charge pour le département
utilisateur de les présenter sous une forme appropriée à ses besoins. Remarquons que la démocratisation de
l’informatique décisionnelle ne signifie absolument pas démocratisation de la décision (les décisions stratégiques sont
toujours réservées à un cercle restreint) mais accroissement du nombre d’outils et de capacités de traitement et
d’analyse permettant à plus de collaborateurs de disposer en temps réel d’une abondante information sur l’entreprise et
son environnement.
Actuellement, l’orientation de la technologie utilisée pour le contrôle de gestion se traduit souvent par une plus grande
accessibilité aux données de l’entreprise. Pour ce qui concerne l’aspect organisationnel, la tendance est également à
une diffusion de l’information à un plus grand nombre de personnes. La combinaison de ces deux évolutions amène à
réorienter l’EIS depuis un simple outil au service des dirigeants (Executive) vers un système en réseau impliquant un
plus grand nombre de collaborateurs. Dans des entreprises anglo-saxonnes où 10 % du personnel ont accès à l’EIS,
l’initiale E peut ainsi aisément se lire Everybody. EIS devient un terme générique désignant tout type d’outil
permettant, sous une forme ou une dénomination quelconques, des accès à l’information, jusqu’à faire de l’EIS un
Enterprise Intelligent Service.
Les tableaux de bord électroniques deviennent ainsi le système d’information de tout l’encadrement. Par encadrement,
il faut entendre non plus seulement la direction générale, mais l’ensemble des responsables du groupe. Les différents
niveaux de responsabilité conduisent à différents niveaux de confidentialité et à un accès différencié à l’information :
• la direction générale ou le comité de direction disposent évidemment des possibilités les plus étendues ;
• les directions fonctionnelles (vente, ressources humaines, etc.) et les responsables de divisions (établissement,
usine, département, etc.) reçoivent une large information ;
• les responsables de terrain, qui étaient jusqu’à présent écartés du réseau d’implantation des postes utilisateurs des
tableaux de bord électroniques, y sont de plus en plus souvent admis au fur et à mesure que le projet mûrit ;
quelques tableaux prédéfinis leur sont utiles, mais c’est surtout l’accès à une partie des bases de données amont
qui leur permet de construire leurs tableaux spécifiques.
Avec le temps, le nombre des destinataires et des tableaux augmente. Lors de la phase d’implantation, les services
financiers et informatiques élaborent des tableaux préétablis, à destination de quelques membres de l’état-major, avec
une alimentation souvent rudimentaire, par saisie manuelle, en attendant le choix définitif de l’utilisateur pour réaliser
l’interfaçage. Dans un deuxième temps, des destinataires sur des sites pilotes accèdent à la banque de tableaux de bord
du groupe et reçoivent une aide pour en construire des plus spécifiques à leurs besoins ; certains de ces tableaux vont
rejoindre la banque du groupe et être utilisés par d’autres sites ; la même expérimentation va se poursuivre avec les
responsables de terrain qui vont générer de plus en plus de tableaux non reconductibles ailleurs, vu l’activité et les
préoccupations spécifiques de chacun d’eux.
L’annexe 2 donne un ordre d’idée de l’évolution dans le temps des effectifs de l’encadrement ayant accès au tableau
de bord électronique, et du nombre de tableaux construits. L’annexe 3 présente un exemple d’écrans d’EIS.

4.2. Les dilemmes de l’EIS

4.2.1. Orientation interne ou externe des informations


En l’absence de lien clair entre les objectifs et la nature des indicateurs véhiculés par le système d’information, les
départements sont peu enclins à alimenter le système et à utiliser les données. Le contenu des EIS est lui-même
conditionné par les objectifs assignés au système d’information de l’entreprise. Les EIS doivent-ils permettre de
répondre aux besoins d’information de chaque niveau supérieur par rapport aux niveaux inférieurs ? Représentent-ils
le minimum d’information à mettre à la disposition des dirigeants ? Faut-il les propager au niveau des divisions de la
société ? Doivent-ils être enrichis par des sources externes ?
L’EIS de première génération n’était qu’un recueil de tableaux de nombres et de graphiques que l’utilisateur consultait
via un menu déroulant à l’écran. L’EIS actuel s’apparente plus à une série de portes qui s’ouvrent sur l’entreprise ou
sur une infinité de domaines d’intérêt dans le monde. C’est sur cette double orientation prise par les EIS (interne et
externe à l’organisation) que nous mettons principalement l’accent.

4.2.1.1. Un EIS tourné vers l’extérieur : pour la direction générale et le marketing


Être à l’écoute de l’environnement est un précepte largement répandu, dès lors que l’on s’intéresse aux orientations
stratégiques prises par les dirigeants d’entreprises. De par son orientation première vers cette catégorie d’utilisateurs,
on peut s’attendre à ce que l’EIS soit orienté vers des indicateurs externes.
Pour M. Porter (1982, Choix stratégique et concurrence, Économica) , “ l’analyse de la concurrence a pour but de
révéler la nature et le degré de réussite des changements stratégiques que, selon toute vraisemblance, chaque
18

concurrent pourrait entreprendre, les réactions probables de chaque concurrent face aux mouvements stratégiques
possibles des autres firmes, et leurs réactions probables face à l’ensemble des transformations plus larges de
l’environnement qui pourraient survenir ”.
J.J. Lambin (1994, Le marketing stratégique, Ediscience international) constate que les banques de données
s’améliorent avec l’introduction des systèmes de scanning dans les points de distribution, avec des enquêtes sur une
base hebdomadaire (contre bimestrielle auparavant) ; l’analyste de marché dispose d’informations de plus en plus
fiables sur les parts de marché, les prix, les dépenses de publicité, les promotions, les ruptures de stock, etc.
Même si les dirigeants ne vont pas chercher leurs positionnements stratégiques dans des banques d’informations
stratégiques, C. Marmuse (1992, Politique générale, Économica) fait remarquer que “ l’émergence d’une idée, d’un
axe de développement ou d’un nouveau positionnement stratégique (…) est largement liée au hasard ; mais le hasard
pourrait bien servir de façon privilégiée ceux qui possèdent un spectre d’observation très large (notamment dans des
secteurs apparemment très éloignés de celui où l’entreprise s’est engagée) ”.
Un certain nombre de freins agissent néanmoins à l’encontre d’une telle orientation que pourraient donner les
entreprises à leur EIS.
Les informations stratégiques présentent notamment des caractéristiques qui se prêtent mal à une récupération et une
diffusion automatiques via l’EIS ; H. Lesca (Système d’information pour le management stratégique de l’entreprise,
McGraw-Hill) les distingue des informations opérationnelles par leur nature prospective, extravertie, qualitative,
incomplète, incertaine, faite de signaux faibles.
C. Marmuse préconise qu’un système d’information orienté vers la décision stratégique soit non formalisé car le
stockage détruit l’essentiel des qualités de ce type d’informations, et soit “ un système flou puisque orienté vers des
informations aléatoires, qu’il faut sélectionner sans véritables processus rationnels ”.
Quant au volume d’information offert par l’EIS, il n’est pas nécessairement le bienvenu : dans ce domaine, abondance
n’implique pas richesse. J.Y. Saulou (Le tableau de bord du décideur, Les Éditions d’Organisation) avait déjà
remarqué que la lourdeur des tableaux de bord, édités à l’époque sur papier, et surtout leur difficulté à être exploités,
constituaient un handicap pour la prise de décision.
Nonobstant ces restrictions, les EIS se sont ouverts à l’extérieur.
Le fait est indiscutable dans le domaine de la distribution où ils se sont constitués en observatoires de la concurrence.
Ils exploitent des données fournies par des organismes publics (Insee…) et privés (Reuters, Nielsen…), avec lesquels
ils sont en étroite relation ; le lien peut aller jusqu’à l’intégration dans un même groupe. Ainsi Dun & Bradsteet
possède à la fois le panel Nielsen et l’EIS de sa filiale Pilot. Ce qui intéresse la direction générale et la direction
commerciale est le positionnement de l’entreprise par rapport aux concurrents sur chaque marché régional et pour
chaque métier ou produit : poids relatif de chaque intervenant, évolution des situations.
Les EIS tournés vers l’extérieur sont utilisés de manière exclusive par le sommet de la hiérarchie lorsqu’il s’agit de
données macro-économiques et financières.
· La présence de données boursières
La diffusion d’informations boursières est fréquemment mise en avant dans les démonstrations des sociétés
conceptrices, mais moins chez les utilisateurs. Parmi les onze entreprises suivies, seules cinq disposent d’une vue EIS
sur des cours boursiers sélectionnés, avec un contenu plutôt succint, du type :
“ Seuls les graphiques montrant les évolutions de cours sur un ou deux ans intéressent le directeur ; le reste, il
le trouve ailleurs ”.
Pour trois autres entreprises, une information brute est accessible automatiquement hors EIS.
Dans une version entièrement automatisée avec EIS, l’administrateur de l’informatique établit la connexion avec la
banque de données à laquelle l’entreprise s’est abonnée, puis laisse l’utilisateur naviguer seul ou lui adjoint une série
d’écrans plus ergonomiques. Dans une version basique, le cours des titres suivis est saisi une fois par mois au sein du
service financier et les graphiques sont actualisés selon la même fréquence. Sans EIS et pour les plus patients,
quelques serveurs télématiques donnent accès depuis plusieurs années aux mêmes informations. Avec l’avènement de
Windows, l’ergonomie des EIS est même égalée par des centres serveurs ; moyennant l’acquisition d’une disquette de
connexion, ces derniers donnent accès directement depuis un micro-ordinateur à un menu d’icônes : consultation en
temps réel des indices de bourse français (3615 CD, www.bourse-de-paris.fr, CAC 40, SBF 120…), d’indices
internationaux (Dow Jones…), d’indices sectoriels, des taux de change pratiqués à Paris, du cours de tous les titres ou
d’une sélection faite par l’utilisateur et conservée en mémoire.
Les EIS se voient également opposés les serveurs télématiques quand il s’agit d’introduire des données sur les
concurrents, ne serait-ce que financières (ventes, masse salariale, résultat, etc.). Avec le recours aux fichiers tampons,
les EIS offrent heureusement un temps de réponse beaucoup plus court et une ergonomie sans comparaison possible
avec le minitel. Encore faut-il connaître les intentions des dirigeants.
“ Quand on sait qu’il faut pister un pays ou une société en particulier, c’est plus facile de programmer l’EIS ”.
· La présence de données qualitatives
L’intégration de données plus qualitatives se fait au travers des abonnements à des revues de presse électronique qui
permettent au dirigeant, après sélection d’un mot-clé, de disposer d’une liste d’articles pouvant l’intéresser. Dans la
19

pratique, ces informations sont stockées dans un fichier tampon, ou accessibles via un chemin d’accès mémorisé et
pouvant être retrouvé dans un très bref délai. Mais là aussi, les premières expériences s’avèrent assez décevantes : la
recherche à partir d’un seul mot-clé aboutit à une liste trop longue d’articles ; l’association de plusieurs mots-clés
aboutit souvent à une non réponse ; les articles sont de qualité très inégale, ou tout au moins écrits pour des publics
différents. Les personnes rencontrées ont manifesté leur intérêt pour ces applications mais ne souhaitent les intégrer à
l’EIS que lorsqu’elles seront vraiment opérationnelles. Pour l’instant, ce sont toujours les collaborateurs des dirigeants
qui collectent cette information de manière plus ou moins formelle, de la même façon que cela se faisait auparavant
(étude ponctuelle, revue de presse, compte rendu…). Parmi les onze entreprises suivies, seules trois disposent d’une
revue de presse régulière sur EIS, et trois autres intègrent de tels apports ponctuels des collaborateurs.
Intégrer des aspects qualitatifs dans l’EIS suppose, par ailleurs, de pouvoir contrer ou compléter les médias
traditionnels (presse, radio, télévision) qui restent dominants dans l’information externe des dirigeants.
“ L’EIS peut difficilement lutter avec le quotidien de presse que l’on feuillette ”. “ L’EIS garde l’avantage
pour le stockage ; pour l’information du jour, il ne peut être aussi animé qu’un reportage télé, qu’une page de
journal, qu’une discussion avec les collègues ”.

L’introduction de données externes dans l’EIS doit conforter le décideur sur un certain nombre de domaines et
minimiser le risque d’erreur dans la prise de décision. Il ne l’empêchera pas, néanmoins, de prendre des décisions
inopportunes. L’EIS est avant tout un outil pour comparer l’activité et le développement des entreprises d’un même
secteur (agressivité commerciale, nouvelles implantations, etc.). Il ne représente pas un moyen de détecter des
opportunités et des menaces (le département planification n’est pas un grand utilisateur de l’EIS).
Les dirigeants restent heureusement sceptiques sur les apports de la technologie pour leurs choix stratégiques :
“ Ma machine trouve ou ne trouve pas l’information dans sa mémoire ; la mienne de mémoire joue de
subjectivité, de sensations d’opportunités ; c’est un frisson que je ressens et que je ne peux même pas décrire,
je suis loin de dire aux informaticiens comment l’automatiser ”.
“ Mener une entreprise, cela ne se programme pas ”.
Occasionnellement, les informations peuvent être reprises pour enrichir un dossier d’acquisition ou de simple
rapprochement, comme nous avons pu l’observer dans des grands groupes industriels de l’électronique, de
l’automobile ou de l’armement. Dans ce cas, les exemples analysés révèlent plutôt la constitution d’une équipe
chargée spécifiquement du dossier, avec une démarche de grande envergure ; exit l’EIS et ses informations partielles
qui répondent tout simplement à un autre besoin.
Avec l’EIS, le comportement le plus répandu des dirigeants consiste à manipuler ce qui occasionne le moins de
problèmes : les données sur le chiffre d’affaires (dans les onze entreprises), sur les ressources humaines (dans les onze
entreprises pour un indicateur comme les effectifs, mais seulement dans huit pour l’organigramme détaillé), sur les
moyens budgétés (sept entreprises), etc. Pour le reste (l’environnement, la qualité…), moins facilement formalisable
ou quantifiable, la pratique reste plutôt un recours aux méthodes de fonctionnement antérieures, à savoir le passage par
un système d’information non automatisé.

4.2.1.2. Un EIS alimenté par l’intérieur : pour la DG, le contrôle de gestion et les directions opérationnelles
L’élaboration du tableau de bord fait partie des missions du contrôleur de gestion, qui accorde habituellement une
priorité aux données financières de l’entreprise. La même préoccupation se retrouve dans l’usage des EIS destinés aux
dirigeants : des extraits d’états financiers s’y trouvent immanquablement, même s’ils ne sont plus d’actualité depuis
plusieurs mois. L’EIS est complété par une série de tableaux de bord papier périodiques qui marquent les étapes
importantes du cycle de gestion de la société. Exemple :
“ Le staff de direction reçoit sur support papier ce qu’il a pu découvrir un peu plus tôt sur son EIS, au fur et à
mesure des récupérations de données et des traitements :
– une semaine après chaque clôture mensuelle : le chiffre d’affaires par famille de produits, un compte de
résultat consolidé, un tableau des flux de trésorerie, un tableau d’analyse de l’endettement, des indicateurs
physiques liés aux effectifs et aux stocks ;
– deux semaines après chaque clôture trimestrielle : un bilan consolidé et des ratios bilantiels ;
– trois semaines après chaque clôture semestrielle : les états financiers complets du groupe ”.
Les données, surtout financières, sont regroupées dans l’EIS selon des horizons temporels différents, accessibles par
des boutons spécifiques :
– un flash présente quelques indicateurs clés suivis avec la périodicité la plus rapprochée (la semaine, voire le jour). Le
chiffre d’affaires y est omniprésent, avec parfois un détail par entité (magasin, filiale). Dans l’industrie, les évolutions
du portefeuille de commandes et des stocks sont fréquemment citées. Le flash donne également l’occasion de faire
figurer des paramètres non financiers, comme le taux de remplissage dans le secteur du transport ;
– un tableau de contrôle budgétaire est mis à jour tous les mois. Il répercute les derniers engagements, les écarts, etc.
Une décomposition au niveau des entités, avec utilisation de couleurs, est fréquemment employée : une colonne écart
est principalement mise en évidence par le rouge et le vert, de part et d’autre d’une zone non colorée (bornage à la
demande de chaque utilisateur) ;
20

– un tableau historique reprend une évolution sur au moins trois ans de paramètres financiers, tels l’endettement, le
financement des immobilisations, la rentabilité des investissements.
Cette description correspond au contenu d’un EIS traditionnel pour dirigeant, au début des années 1990. D’une
manière à peine caricaturale, nous pouvons le qualifier de coûteux (son développement nécessite quelques mois à
quelques années/homme), peu rempli (il ne contient que quelques milliers de données, car c’est une information
agrégée qui est diffusée), peu utilisé.
Depuis, l’EIS s’est démocratisé par une augmentation du nombre d’utilisateurs. L’ouverture de l’EIS à des centres
fonctionnels s’est d’abord réalisée en faveur de ceux fortement impliqués dans le système décisionnel : contrôle, vente
(voir nos développements sur la multidimensionnalité). L’intérêt s’est porté plus récemment vers le centre ressources
humaines. Par exemple, trois types d’applications peuvent y être développées :
– des tableaux d’effectifs par site, par catégorie, par statut, etc. ;
– un organigramme très détaillé pour chaque entité ;
– des tableaux correspondant à des demandes plus spécifiques : l’avancement du plan d’évolution des effectifs cadres
(candidatures reçues, en examen ; propositions émises, acceptées), la performance (productivité, absentéisme).
L’orientation vers les centres opérationnels s’effectue au bénéfice des contrôleurs de gestion et des directeurs d’unités
de gestion. L’EIS fait parvenir à ces destinataires les objectifs de la direction générale et les chiffres des services
financiers centraux : les investissements, le chiffre d’affaires, les coûts de production…
“ L’EIS est l’incitateur d’une culture de gestion dans les unités ”.
“ Les responsabilités de gestion sont mieux décentralisées vers les opérationnels qui utilisent toute
l’information utile de l’EIS ”.
Dans l’autre sens, une procédure de reporting fait remonter à chaque niveau hiérarchique les principaux indicateurs
représentatifs de l’activité : le volume des ventes, les heures de travail…
L’EIS peut également proposer des tableaux de bord par métier plutôt que par entité, grâce aux multiples possibilités
offertes par l’hypercube multidimensionnel.
Six des onze entreprises étudiées disposent de tels échanges, entre la direction et les unités, via l’EIS (implantation
effective ou projet avancé). Pour trois autres, seule une remontée d’information se fait, à partir de fichiers d’un tableur
ou d’une base de données, mais sans automatisation.

L’intérêt pour l’entreprise de canaliser tous ces programmes derrière l’EIS est de créer une homogénéité d’accès, de
présentation (couleurs, icônes…) et de navigation, afin d’éviter à l’utilisateur des efforts d’adaptation là où ce n’est
pas nécessaire.
Nous débouchons alors sur la problématique suivante : derrière une volonté légitime de simplifier les rapports entre
l’homme et la machine, les EIS ne sont-ils pas de redoutables unificateurs d’organisations en répandant le même
standard ?

3.2.2./ Prise en compte ou non des diversités de l’organisation

Du point de vue sémantique, l’information ne se définit pas de la même manière selon le service dans lequel on se
trouve et l’EIS doit évidemment en tenir compte. La simple notion de chiffre d’affaires d’un groupe ne se ramène pas
en comptabilité à une simple addition des chiffres d’affaires des différentes divisions : la comptabilité doit tenir
compte d’éliminations intragroupe (prestations facturées aux participations), de variations de périmètre et d’autres
règles qui rendent inapplicable le principe gygogne de simple sommation de l’information ; le service comptable et le
service du contrôle de gestion peuvent ainsi avoir une vision différente de l’activité du groupe. L’activité elle-même se
prête parfois à des définitions différentes du chiffre d’affaires : dans le secteur du bâtiment, un suivi de gestion prendra
en compte les opérations en cours, tandis qu’un suivi comptable se cantonnera aux affaires arrêtées.
Pour peu que l’entreprise y consacre les moyens suffisants, il est admis que plus aucune limite n’existe en matière
d’obtention d’information. Pendant longtemps, les indicateurs indispensables au niveau des divisions étaient ceux
réclamés par la direction générale, car ils étaient les seuls disponibles. Actuellement, c’est l’abondance d’information
qui pose problème. Il est facile, pour les directions informatiques et financières, de décider que seuls les indicateurs
réellement nécessaires à la prise de décision doivent figurer dans l’EIS ; des inconvénients apparaissent : chacun a sa
propre appréciation et les départements ne sont pas tous sensibles de la même manière à l’utilisation de l’EIS.
Dans ces conditions, les organisations recherchent des unités sur lesquelles s’appuyer pour développer des applications
et les proposer ou les imposer ensuite à d’autres. Pour cela, la direction générale peut, par l’intermédiaire des
contrôleurs de gestion et de consultants, dresser une typologie de ses unités, avec des divisions performantes et
d’autres qui le sont moins.
Le problème est de savoir jusqu’à quel niveau l’intérêt est d’imposer un mode d’organisation et de fonctionnement
uniforme dans toutes les entités d’un groupe. Si les recommandations de la direction générale sont ressenties comme
imposées, leur application risque d’être entravée car elle dépendra toujours de la bonne volonté des directeurs de
division, ces derniers évaluant le bien fondé des recommandations selon leurs propres critères d’évaluation. Afin de ne
pas se contenter de recommandations plus ou moins suivies d’effets, la direction générale peut mettre en place une
méthodologie permettant aux différents départements de faire le point en permanence sur les modes de fonctionnement
21

les plus performants développés à l’intérieur du groupe. L’idée du benchmarking à l’intérieur du groupe est ainsi
souvent évoquée ; la méthodologie suppose que les divisions gardent leur autonomie mais acceptent de se remettre en
question lorsque des avantages appréciables sont obtenus dans d’autres ; nous nous inspirons des travaux réalisés par :
R.C. Camp (1992, Le benchmarking : pour atteindre l’excellence et dépasser vos concurrents, Les Éditions
d’Organisation) ; A. Markin, (1992, “ How to implement competitive cost benchmarking ”, Journal of Business
Strategy, May-June, 14-20 ); K. Jennings, F. Westfall, (1992, “Benchmarking for strategic action ”, Journal of
Business Strategy, May-June, 22-25).

1. détermination des fonctions abritant les facteurs clés de succès ;


2. analyse détaillée d’une fonction (décomposition en sous-fonctions, recherche d’informations internes et externes
associées aux indicateurs clés de succès) ;
3. sélection de partenaires potentiels pour les échanges d’information ;
4. mise en évidence des écarts entre les partenaires, en s’assurant de la comparabilité de l’information ;
5. identification de la meilleure organisation à l’issue d’une analyse de l’origine des écarts ;
6. test, validation et mise en place d’actions concrètes dans tous les départements pour se rapprocher de l’organisation
jugée idéale.
Aboutir à une même configuration dans les différentes divisions n’est peut-être pas la voie à rechercher.
L’inadaptation d’une approche trop techniciste est rappelée par R. Poinsard et B. Walliser (Évaluation et évolution des
études d’aide à la décision ”, 1982) : “ Le mythe de la scientificité et des méthodes formalisées se réduit avec la prise
de conscience des effets pervers des méthodes formelles. Les analystes sont de plus en plus conscients des problèmes
liés à l’incertitude des données et aux possibilités de manipulation des études notamment par le biais des hypothèses
de départ qui glissent peu à peu et par le choix (jamais anodin) des paramètres ”.
Les travaux de D. Bollinger et G. Hofstede (Les différences culturelles dans le management, Paris, Les Éditions
d’Organisation) mettent en avant l’existence de divergences à l’intérieur des organisations, dues à la culture.
Des organisations disposent d’unités homogènes pour lesquelles une application EIS standard peut être diffusée. C’est
le cas dans les sociétés de services, comme les banques.
“ Un tableau de bord synthétique et homogène est fourni aux agences ”.
Pour une majorité d’autres organisations, une question se pose : faut-il adopter une approche top-down selon laquelle
la direction générale définit ses besoins en matière informationnelle, les divisions en aval se contentant de s’aligner sur
ces besoins ? La passion des développeurs pour la cohérence et la standardisation des traitements comme des données
(maintenance des applications oblige) s’oppose assez naturellement à la prise en compte des diversités de
l’organisation. Le traitement de masse et du plus grand nombre passe avant le détail ou l’exception.
Huit des onze entreprises visitées sont des groupes qui restent diversifiés, malgré la tendance actuelle à se replier sur
leurs métiers de base. Néanmoins, pour six d’entre elles, les applications sont conçues pour être uniformisées.
“ Nous avons développé un prototype dans une filiale et, lorsque l’application a été au point, nous l’avons
étendue aux autres ” “ Nos départements ont suffisamment de dénominateurs communs pour nous éviter des
complications inutiles en voulant faire trop de spécifique ”. “ Ce n’est pas facile de proposer à chacun
l’information dont il a besoin ”.
Il en est même deux dont l’activité est très diversifiée. Même dans ce cas, la tendance reste à une standardisation des
applications pour permettre une consolidation.
“ (…) Nous disposons tout de même de 500 critères de gestion, identiques pour toutes les filiales, sinon nous ne
pourrions pas faire de consolidation d’information au niveau du groupe. Une intégration plus complète
perdrait de son sens, du fait de la diversité des activités de l’entreprise ”.
Le maintien, à la fois d’une diversité dans les activités et d’une hétérogénéité dans les applications EIS, concerne deux
entreprises qui ne cherchent pas à réaliser impérativement la consolidation des données ; les départements restent
autonomes dans leurs développements.
“ Les départements disposent de presque toute latitude pour construire leurs écrans et y mettre les indicateurs
qui leur sont utiles. Si nous avions imposé des standards, nous aurions fait de l’EIS un outil administratif, pas
très apprécié ”.
Cette variété des comportements ne fait que répercuter la diversité des cultures d’entreprise.
Cependant lorsque certains départements d’une même société s’avèrent particulièrement performants en matière
d’organisation (grâce à des compétences particulières, à des techniques novatrices…), il est rare que les autres
bénéficient de la même compétence quelque temps plus tard. L’EIS ne déroge pas à la règle. Ce système d’information
ne gomme pas les différences organisationnelles : il ne fait ressortir que les résultats bruts. L’EIS informe, il ne facilite
pas l’échange.

Sur un plan plus opérationnel de la programmation informatique, la situation est plus simple : une volonté manifeste
de créer des normes est appliquée par toutes les entreprises. Les tableaux de nombres, par exemple, se ressemblent
tous dans une même organisation.
22

“ La présentation doit rester homogène entre tous les tableaux malgré la forte tentation d’utiliser les fonctions
de rotation de tableau, de changement de police de caractères, de coloration, etc. ” “ Le colonnage
traditionnel a fait ses preuves : de gauche à droite, le libellé des paramètres, les données des périodes
précédentes, les données actuelles prévues et réelles, les écarts ”.
La filiale française d’un grand groupe nous a fourni une raison supplémentaire pour se cantonner à ce qui s’automatise
aisément et à ce qui est standardisé dans toute la structure : les éditeurs de progiciels EIS imposent des mises à jour
fréquentes obligeant les utilisateurs à des travaux de maintenance importants.
“ (…) Les progiciels ont une espérance de vie très courte. En 1993, nous avons converti des centaines
d’applications bâties sous environnement Dos en autant d’applications fonctionnant dans un univers Windows,
ce qui a demandé plusieurs mois/homme de travail, bien que l’homogénéité ait été en permanence recherchée
lors de la conception. En 1995, Comshare a modifié à nouveau son offre en lançant Commander Decision qui
ne supporte pas de migration depuis les applications anciennes et demande une réécriture totale, ce qui laisse
augurer à nouveau plusieurs mois/homme de travail ”.
Cette illustration nous montre que le système d’information doit évoluer mais ne pas engendrer des modifications de
comportements fréquentes et importantes, sinon la charge de travail est telle que le système s’auto-mutile
périodiquement pour s’auto-reconstituer quelque temps plus tard ; durant ce délai, le système fonctionne comme en
état d’hybernation : les fonctions vitales sont assurées mais les demandes de nature non répétitives sont mises en
sommeil.
Pour ce qui est des dates clés, en revanche, la normalisation est source de problèmes. Il est ainsi inutile de s’appuyer
sur le mois civil si les données essentielles sont liées au mois boursier ou si la périodicité de l’activité (chantier,
affaire) s’ajuste mal avec le mois.
“ Tout le groupe fonctionne au mois ; pour 90 % des utilisateurs c’est bien, il ne faut surtout pas changer ”.

A.C. Paucot (1994, Voyage au centre de la motivation, Nathan) observe que “ la construction d’une vision commune
suppose, outre l’écoute, la libre circulation de l’information. Elle doit être disponible et non distribuée. Quand une
information est distribuée, son importance ne dépend pas de sa nature ou de son contenu mais du statut de celui qui la
délivre. Plus l’émetteur occupe un poste élevé, plus on considère que l’information a de l’intérêt. Ce tri hiérarchique
conduit à occulter ou à négliger des informations vitales pour l’entreprise. Ce système informatif amène aussi des
ruptures dans les circuits stratégiques d’information. Quand l’information est une marque de pouvoir, on hésite à la
partager ”.

4.2.3. Une information distribuée et une abondante information brute


S’il est admis que l’individu ne peut mémoriser qu’une dizaine d’indicateurs, il est en revanche habituel que, pour le
suivi d’une grande entreprise, l’ordre de grandeur soit au minimum le millier. Les dirigeants n’ont heureusement pas à
se préoccuper régulièrement de l’ensemble de ces variables qui relèvent du détail au niveau des unités de gestion.
On peut s’interroger sur l’utilité de disposer d’un maximum d’informations. Pour des raisons de temps de collecte, de
coût, de faible fréquence d’utilisation, etc., des indicateurs n’ont apparemment pas leur place dans certains tableaux de
bord. En revanche, pour améliorer la réactivité de l’entreprise, pour faciliter la prise de décision rapide des dirigeants
en leur offrant une large panoplie d’arguments à évaluer, le système d’information a tout intérêt à s’appuyer sur des
bases et des banques de données volumineuses.
À titre d’illustration des besoins à satisfaire, nous pouvons retenir la mission d’un cadre qui aurait à fournir une
première information sur un sujet donné, suivie d’autres interrogations. Cet enchaînement de questions doit souvent
être traité en peu de temps, avec recherche dans des banques de documents.
“ Nous disposions de plusieurs pistes pour une exploitation conjointe en Asie. Nous avons donc pu préparer le
terrain, en stockant toute l’information qui se présentait. Heureusement, car lorsque le projet a pris forme, il a
fallu fournir en quelques heures aux dirigeants les moyens d’analyser les risques et les opportunités de
plusieurs pays et d’une dizaine de partenaires possibles ”.
“ Un comportement de moins en moins accepté consiste à utiliser un délai de quelques heures pour donner à
un dirigeant une information de nature inhabituelle ; il lui faut tout, tout de suite ”.

Des analyses précises monopolisent des moyens humains, techniques et financiers, et sont fréquemment produites
dans un délai assez long. Elles sont réservées à des décisions qui engagent l’entreprise pour de longues années. En
préambule ou à la suite de telles études, l’EIS complète l’information du dirigeant ; il constitue même la source
essentielle d’information pour les décisions les plus courantes. Mais l’EIS ne peut lui aussi qu’aider l’utilisateur à se
rapprocher d’une hypothétique excellence en matière de prise de décision.
Aussi bien les analyses que les recours au tableau de bord électronique trouvent, tous les deux, leurs limites lorsqu’ils
sont utilisés séparément. Il s’agit, par exemple, de comparaisons de coûts de revient entre différentes entités d’un
groupe ou entre différentes formes d’organisation (délocalisation, sous-traitance…). L’analyse comptable va
correctement mettre en évidence les différences de coûts salariaux, de droits de douane, de valeur des composants, etc.
La seule utilisation de l’EIS en tant que porte d’accès à une multitude d’informations trouve dans ce cas ses limites du
23

fait de la dispersion et de la parcimonie des informations : même en délimitant le domaine d’analyse, l’écran ne ferait
apparaître qu’une pêche aventureuse de données. Ainsi, après consultation de plusieurs écrans, le dirigeant pourrait
espérer consulter une analyse antérieure, des informations sur les coûts salariaux horaires des ouvriers qualifiés dans
différents pays, etc., mais sans doute pas une information aussi complète que celle transmise par les services financiers
de l’entreprise. En revanche, en complément aux études comptables, le dirigeant peut trouver une mine d’informations
que les moyens internes de sa société ne fournissent habituellement pas. La consultation des banques de données
documentaires (presse), via l’EIS ou autre moyen, va le renseigner sur le lobby des consommateurs, le risque politique
du pays, les coûts induits par une activité extérieure (déplacements, surcoût d’expatriation), les différences de
productivité observées selon la localisation des unités de production, etc.
Pour les ressources humaines, les dirigeants de certaines entreprises ou de certaines divisions peuvent se contenter
d’une information taylorienne bâtie sur des critères d’effectifs, d’heures de travail, de productivité, car la quasi
stabilité des paramètres est une des caractéristiques essentielles. Il existe, en revanche, d’autres organisations où les
ressources humaines ne peuvent plus être suivies de manière traditionnelle. C’est le cas de plus en plus de sociétés
faisant appel à des compétences particulières pour une courte durée : l’individu est une source de valeur ajoutée par
épisodes. On retrouve dans cette catégorie, l’ensemble des personnes soumises à des contrats à durée déterminée, les
intérimaires, les personnes impliquées dans de nouvelles conventions entre entreprises telle l’externalisation, des
personnes détachées chez des sous-traitants et des clients.
“ Je ne sais jamais trop qui fait partie de mon personnel : untel est détaché chez un partenaire, tel autre est
envoyé chez moi depuis tellement longtemps qu’il fait partie de la maison ”. “ Au fur et à mesure des missions,
nos équipes se renouvellent ”.
Dans ces conditions, outre les problèmes sociaux et organisationnels, se posent des problèmes d’information détaillée
à recueillir. L’EIS est un outil qui permet d’accueillir rapidement un nouvel indicateur ou une nouvelle source de
données.
Dans une organisation où la prégnance de l’histoire reste forte, où la hiérarchie est rigide, l’EIS n’est pas orienté vers
une large utilisation. La diffusion de l’information reste dans une forme réduite, centrée sur des indicateurs
méticuleusement sélectionnés. Rencontrer un EIS peut même sembler irréel, tant le rite de la réunion hebdomadaire et
des échanges par contacts directs entre deux niveaux hiérarchiques semble immuable. Les traditionnels bureaux
cloisonnés et l’esprit feutré qui règne au siège social donnent tout de suite l’impression que l’on y entretient des
pratiques occultes. L’EIS se trouve ramené à sa portion congrue : des écrans consultés par le seul état-major, de
manière épisodique, avec l’idée qu’un jour ils serviront peut-être vraiment et qu’il vaut mieux s’y préparer maintenant.
À l’opposé, nous avons ressenti une toute autre impression dans un siège social où les portes restent ouvertes, où des
ordinateurs en marche surplombent tous les bureaux, où la circulation des hommes et de l’information ne connait pas
d’entrave, où l’on ne perçoit pas les niveaux hiérarchiques. Le personnel baigne dans une longue pratique
informatique ; l’EIS est un outil banal. À la limite, nous serions tentés de suggérer des limites à la démocratie
régnante, tant il apparaît que, sans aller jusqu’aux choix stratégiques du groupe, des informations confidentielles sont
accessibles par le plus grand nombre.

Il est des situations où l’analyse détaillée proposée par l’EIS est sujette à contestation. C’est notamment le cas avec la
fonction zoom : le dirigeant peut aller consulter l’activité détaillée des unités sans en référer à personne. Nous sommes
habitués à ce que l’information, source de pouvoir, soit sujette à des déformations de la part de ses émetteurs, de
manière volontaire ou non, voire qu’elle fasse l’objet de rétention à différents niveaux hiérarchiques. Imposer aux
cadres intermédiaires qu’ils se désaisissent de leur rôle de relai, en passant outre leur filtre par une circulation
automatisée de l’information, c’est bien entendu avilissant pour eux.
Le dirigeant doit rechercher un compromis entre une source d’information traditionnelle, par l’intermédiaire des
cadres de l’entreprise, et une source d’information plus moderne, par l’EIS.
“ Un P-DG n’a pas à s’investir dans ce niveau de détail. S’il appuie sur le bouton zoom (précision plus fine),
c’est déjà que l’affaire est mal engagée pour le cadre concerné ; il est prêt à appuyer sur le bouton siège
éjectable ” “ Le directeur peut zoomer sur des données plus précises mais il ne le fait que rarement ”.
L’information par le moyen du zoom de l’EIS présente, par ailleurs, un frein aux rencontres, aux séminaires et autres
manifestations qui servent de support habituel aux flux d’information. Enfin, l’information débouche sur l’écran des
destinataires à l’état brut, sans l’indispensable connaissance du contexte dans lequel elle a été produite ; une baisse du
chiffre d’affaires dans une filiale empêtrée par des facteurs de contingence connu des locaux seuls (conditions
climatiques, mouvements sociaux…) aura du mal à être correctement interprétée par le lecteur isolé.
24

4.3. les perspectives de l’EIS


Le tableau de bord rassemble des paramètres qui doivent permettre de réguler les dysfonctionnements observés dans
un passé récent et d’anticiper les phénomènes susceptibles d’agir sur l’entreprise dans un futur proche. L’EIS est en
mesure de satisfaire ces critères, sachant qu’il peut s’envisager de différentes manières. Dans la pratique, nous avons
relevé trois sortes d’orientations dominantes.
Du fait de son ancrage au concept de multidimensionnalité et de sa difficulté à répondre aux attentes pour de
l’information sur l’environnement, l’EIS est plutôt orienté vers des traitements internes. Cette restriction n’est pas
gênante pour deux raisons : Internet va épauler l’EIS dans ses recherches externes, et un regain d’intérêt pour l’EIS
tient en partie à son appropriation par des services opérationnels qui se concentrent précisément sur l’entreprise. Il est
permis de s’interroger sur le choix stratégique au lancement des EIS : sous prétexte qu’ils alliaient convivialité,
séduction et ergonomie, leur mise à disposition a été cantonnée à quelques dirigeants qui n’en faisaient qu’une
utilisation épisodique.
Il est également ressorti des entretiens que les EIS imposaient une standardisation des modes d’analyse. Les
applications couvrent un nombre de départements de plus en plus important, au point qu’il devient difficile de prendre
en considération les particularités de chacun d’eux. Les modèles ne sont pas transposables d’une manière très aisée,
même pour les entreprises plutôt qualifiées de spécialisées. Les évolutions technologiques ont favorisé la migration
des applications depuis un noyau réduit de dirigeants à toutes les équipes d’encadrement, décuplant ainsi le nombre
d’utilisateurs des EIS. Une grande difficulté est de ne pas faire de ces systèmes des outils ingérables, du fait des
nombres extraits et manipulés en tous sens et en grande quantité.
Une troisième orientation prise par les EIS est la navigation libre dans les bases de données. L’évolution en faveur
d’un accès direct des dirigeants aux données brutes est sujet à inquiétude de la part des responsables d’unités : une
telle navigation prive les cadres intermédiaires d’une partie de leurs prérogatives.
Les départements gardent des conditions de fonctionnement suffisamment différentes pour entraîner des problèmes
difficilement surmontables de compatibilité et d’harmonisation, dès lors que l’on veut intégrer des données qui
dépassent le champ habituel du reporting, notamment si les responsables recherchent des interrogations plus fines,
uniquement à la demande et de manière épisodique. Avec une mise à disposition permanente de l’information, tout
doit être fréquemment repensé pour être absorbé dans des conditions similaires par les systèmes automatisés. Un projet
d’extension aux filiales parti pour durer six mois dépasse ainsi habituellement l’année.
Dans un proche avenir, le comportement et les pratiques des responsables rencontrés risquent de changer assez
rapidement avec l’accélération de l’évolution occasionnée par Internet. Il semble, en effet, que toutes les
préoccupations actuelles orientées vers les interconnexions de machines et de plates-formes, ainsi que vers la diffusion
des applications à un plus grand nombre de destinataires, seront beaucoup plus rapidement résolues.
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Conclusion
L’informatique est l’outil indispensable pour mettre en place un réseau de tableaux de bord. En effet, la saisie et
l’extraction des données se feront d’autant plus facilement que l’outil informatique se révélera performant. Le marché
informatique offre une palmette d’outils qui vont du simple tableur jusqu’à EIS.
Les principales caractéristiques d’un système informatisé de tableaux de bord doivent être :

- la lisibilité graphique, qui est un avantage indéniable pour la clarté de la lecture,


- l’automatisation : une fois que l’outil est mis au point, on peut parfaitement automatiser certaines procédures de
gestion des données. L’avantage induit est un gain de temps précieux, et surtout une facilité de traitement de
l’informatisation, ce qui aura pour conséquence de permettre au système en place de durer dans le temps,
- la rapidité du temps de réponse : un système ne peut être efficace que si son usage permet un accès rapide à
l’information, et qu’il est possible tout aussi rapidement de modifier certains paramètres, sans pour autant
modifier profondément le système ou rallonger le temps d’utilisation de façon excessive. En outre, on pourra
d’autant plus facilement accéder à un système de pilotage global si l’outils informatiques sont reliés entre eux,
- la normalisation de l’information dans le cadre d’un référentiel,
- l’autonomie de gestion vis-à-vis des structures de production et l’affranchissement des contraintes techniques
d’alimentation.
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Revues : Informatiques Magazine, Le Monde Informatique

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