PARS VITE ET REVIENS TARD (F.

VARGAS)
INCIPIT

I
Et puis, quand les serpents, chauves-souris, blaireaux et tous les autres
animaux qui vivent dans la profondeur des galeries souterraines sortent en masse
dans les champs et abandonnent leur habitat naturel ; quand les plantes à fruits
et les légumineuses se mettent à pourrir et à se remplir de vers (…)
II

Placer, en guise d’exemples, les verbes surlignés dans le tableau que vous aurez
préalablement rempli : 7 pts

1 Les types, à Paris, marchent beaucoup plus vite qu’au Guilvinec, Joss l’avait constaté depuis
2 longtemps. Chaque matin les piétons s’écoulaient par l’avenue du Maine à la vitesse de trois
3 nœuds. Ce lundi, Joss filait presque ses trois nœuds et demi, s’efforçant de rattraper un retard
4 de vingt minutes. En raison du marc de café qui s’était déversé en totalité sur le sol de la cuisine.
5 Ça ne l’avait pas étonné. Joss avait compris depuis longtemps que les choses étaient douées
6 d’une vie secrète et pernicieuse. Hormis peut-être certaines pièces d’accastillage qui ne
7 l’avaient jamais agressé, de mémoire de marin breton, le monde des choses était à l’évidence
8 chargé d’une énergie tout entière concentrée pour emmerder l’homme. La moindre faute de
9 manipulation, parce que offrant à la chose une liberté soudaine, si minime fût-elle, amorçait
10 une série de calamités en chaîne, pouvant parcourir toute une gamme, du désagrément à la
11 tragédie. Le bouchon qui échappe aux doigts en était, sur le mode mineur, un modèle de base.
12 Car un bouchon lâché ne vient pas rouler aux pieds de l’homme, en aucune manière. Il se love
13 derrière le fourneau, mauvais, pareil à l’araignée en quête d’inaccessible, déclenchant pour son
14 prédateur, l’Homme, une succession d’épreuves variables, déplacement du fourneau, rupture
15 du flexible de raccordement, chute d’ustensile, brûlure. Le cas de ce matin avait procédé d’un
16 enchaînement plus complexe, amorcé par une bégnine erreur de lancer entraînant fragilisation
17 de la poubelle, affaissement latéral et épandage du filtre à café sur le sol. C’est ainsi que les
18 choses, animées d’un esprit de vengeance légitimement puisé à leur condition d’esclave,
19 parvenaient à leur tour par moments brefs mais intenses à soumettre l’homme à leur puissance
20 larvée, à le faire se tordre et ramper comme un chien, n’épargnant ni femme ni enfant. Non,
21 pour rien au monde Joss n’aurait accordé sa confiance aux choses, pas plus qu’aux hommes ou
22 à la mer. Les premières vous prennent la raison, les seconds l’âme et la troisième la vie.
23 A) Trouver un champ lexical en rapport avec le personnage de Joss Le Guern
24 1pt
25 Le champ lexical de la navigation ou de la marine : « trois nœuds », « trois
26 noeuds et demi », « s’écoulaient », « pièces d’accastillage », « marin
27 breton », « la mer ».
28
29 B) Expliquer ce que signifie « esprit de vengeance légitiment puisé à leur
30 condition d’esclave ». Servez-vous du contexte bien sûr 3 pts
31 Les objets qui sont au service de l’être humain sont asservis par celui-ci ; ils se
32 retrouvent donc à en être les esclaves. Une telle soumission appelle une rébellion
33 voire une vengeance. Le narrateur, en les personnifiant estime que les objets ont
34 le droit de prendre leur revanche tellement ils ont été assujettis. S’ils deviennent
35 les maîtres et les hommes leurs esclaves, l’espace d’un instant, ils le font à bon
36 droit.
37
38
39 C) Relever deux expressions qui révèlent que le récit est mené à partir du
40 personnage de Joss Le Guern. Justifier votre choix. 2 pts
41 Un verbe manifeste que nous sommes dans l’observation de joss Le Guern : « Joss
42 l’avait constaté », ligne 1. Nous sommes placés ici dans l’observation faite par le
43 personnage. Un autre manifeste, lui, que nous sommes dans sa réflexion : « Joss
44 avait compris depuis longtemps », ligne 5. Par ces deux verbes auxquels nous
45 pouvons aussi ajouter « pour rien au monde, Joss n’aurait accordé sa confiance
46 aux choses », Le narrateur nous fait rentrer à l’intérieur du marin.