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4 178 Intoxications Par Solvants
4 178 Intoxications Par Solvants
TOXICOCINÉTIQUE
Les solvants forment un vaste ensemble de produits issus du
raffinage du pétrole et de la pétrochimie. Les caractéristiques de ABSORPTION
quelques hydrocarbures et solvants figurent sur le tableau 178.1.
Leurs utilisations sont très larges en milieu industriel. Ils entrent Les dérivés pétroliers et les hydrocarbures aliphatiques sont
également dans la composition de nombreux produits domesti- faiblement résorbés par voie digestive et n’ont qu’une faible toxicité
ques et de bricolage. Ils sont responsables de fréquentes systémique par cette voie [1, 11]. Les autres hydrocarbures (aromati-
ques, halogénés, et autres hydrocarbures substitués), les alcools, les sans ulcération; la fibroscopie est le plus souvent inutile. Les vomis-
éthers et cétones sont très facilement résorbés par toutes les voies. sements, spontanés ou provoqués, majorent le risque d’inhalation
De façon générale, la voie d’entrée et la pénétration dans l’orga- bronchique.
nisme sont liées au degré de viscosité et de volatilité ainsi qu’à la
tension de surface du produit; ainsi par exemple la résorption SYSTÈME NERVEUX CENTRAL
pulmonaire est d’autant plus importante que le produit a une faible
viscosité, une grande volatilité et une faible tension de surface. Tous les hydrocarbures et solvants peuvent entraîner une
dépression nerveuse centrale lors de l’ingestion d’une quantité
DISTRIBUTION importante. Elle est le plus souvent modérée après ingestion de
dérivés pétroliers et d’hydrocarbures aliphatiques. L’inhalation de
Elle concerne tous les organes avec un tropisme marqué pour fortes concentrations provoque des manifestations ébrionarcotiques
les tissus riches en graisses (tissu adipeux, système nerveux central, avec sensations d’ivresse, céphalées, vertiges et nausées, réversibles
moelle osseuse…) qui peuvent être le siège d’un stockage relatif, en quelques heures après retrait de l’atmosphère contaminée. En cas
expliquant l’élimination plus lente des solvants chez les sujets d’exposition massive, apparaissent des troubles de conscience
obèses. Du fait de leur faible poids moléculaire, la plupart des pouvant aller jusqu’au coma, parfois convulsif (anoxie). L’inhalation
solvants traversent facilement le placenta par simple diffusion. de vapeurs concentrées de tétrahydrofuranne (THF) pourrait être
responsable de convulsions.
BIOTRANSFORMATION
PEAU ET MUQUEUSES
Les solvants sont métabolisés pour une fraction variable, princi-
palement au niveau du foie, en composés hydrosolubles éliminés La projection oculaire d’un solvant ne provoque, dans la majo-
par le rein et/ou en composés volatils (CO2, CO) éliminés par les rité des cas, qu’une conjonctivite irritative banale. Le traitement
poumons. Le plus souvent, la biotransformation hépatique passe consiste en un lavage précoce, abondant et prolongé pendant au
d’abord par une oxydation microsomiale impliquant les mono- moins 10 à 15 min, à l’eau courante. Certaines molécules plus agres-
oxygénases à cytochromes P450. Les métabolites sont ensuite conju- sives comme le chlorure de méthylène, le diméthylformamide
gués à des substrats endogènes (acide glucuronique, glutathion, (DMF), le tétrahydrofuranne, la pyridine, la N-méthylpyrrolidone
sulfates…) pour former des composés plus hydrosolubles et plus peuvent entraîner un œdème, voire des érosions superficielles de la
polaires, donc plus facilement excrétables. cornée. La projection cutanée est habituellement sans conséquence
Quelques molécules, chimiquement stables initialement, subis- notable et relève également d’un lavage à l’eau courante. Néan-
sent une activation métabolique : l’oxydation microsomiale moins, les composés cités ci-dessus peuvent provoquer, à forte
provoque l’apparition de métabolites intermédiaires hautement concentration et si le contact est prolongé des brûlures chimiques
réactifs (époxydes, radicaux libres…), plus toxiques que la molécule pouvant aller jusqu’à l’épidermolyse avec décollements cutanés. Les
mère, capables de se lier de façon covalente à des macromolécules brûlures dues au diméthylformamide sont volontiers retardées,
cellulaires et de provoquer des effets cytotoxiques et/ou génotoxi- d’aspect souvent fripé et cartonné. Leur prise en charge est non
ques. La conjugaison au glutathion est un des principaux spécifique.
mécanismes protecteurs vis-à-vis de ces métabolites réactifs; il est En cas de contamination étendue et prolongée, les brûlures
dépassé lors d’une exposition à forte dose et/ou répétée. peuvent se compliquer d’une intoxication systémique associant des
signes ébrionarcotiques et des manifestations liées à l’éventuelle
toxicité spécifique du solvant.
ÉLIMINATION
Une fraction plus ou moins importante, variable selon les molé- VOIES RESPIRATOIRES
cules, est éliminée sans transformation par le poumon. Elle est
supérieure à 50 % de la dose absorbée pour le chlorure de méthylène Une broncho-pneumopathie chimique par fausse route peut
et voisine de 90 % pour le perchloréthylène et le 1,1,1-trichloré- être observée à la suite d’une ingestion accidentelle (enfant), d’un
thane. Les métabolites hydrosolubles provenant de la accident de siphonnage chez l’adulte, d’un accident du cracheur de
biotransformation hépatique sont excrétés par le rein. feu [12], ou d’une manœuvre intempestive d’évacuation digestive
(vomissements provoqués, lavage gastrique). Elle est le plus souvent
associée à des hydrocarbures de faible viscosité. La diffusion des
DOSES TOXIQUES hydrocarbures jusqu’aux alvéoles est facilitée par l’inspiration forcée
ET ANALYSE TOXICOLOGIQUE et leur faible tension superficielle (« pouvoir mouillant »); ils solubili-
sent le surfactant lipidique et induisent une réaction inflammatoire.
Les doses toxiques sont très variables; elles dépendent du Un accès de toux initial, une gêne respiratoire, une douleur rétroster-
produit en cause et de la voie d’entrée. L’inhalation pendant quel- nale, doivent faire suspecter une inhalation. La corrélation
ques minutes de 3 000 ppm de trichloréthylène provoque un coma, radioclinique est mauvaise [4]. L’auscultation est un meilleur critère;
tandis qu’avec les solvants pétroliers, il faut des concentrations de elle peut objectiver des râles bronchiques et quelques crépitants.
l’ordre de 10 000 ppm; pour le chlorure de méthylène, l’inhalation L’évolution peut se faire en quelques heures vers une véritable pneu-
de 20 000 ppm pendant 30 min est nécessaire à l’apparition d’un mopathie. Des opacités floconneuses mal limitées, souvent
coma. L’inhalation trachéo-bronchique de quelques millilitres d’un paracardiaques droites, sont visibles sur la radiographie pulmonaire
solvant pétrolier peut entraîner une pneumopathie chimique alors au bout de 24 à 48 h. Une fièvre traduit la surinfection, fréquente. Le
que l’ingestion de 100 à 200 ml peut n’avoir que des conséquences traitement est celui d’une pneumopathie infectieuse. La corticothé-
minimes chez l’adulte. L’ingestion d’une gorgée de solvant pétrolier rapie n’a pas démontré son intérêt, l’antibiothérapie ne doit pas être
est suffisante pour provoquer une somnolence chez l’enfant. L’inges- systématique. L’apparition d’un œdème aigu du poumon lésionnel
tion de 10 à 20 ml de tétrachlorure de carbone peut entraîner une avec syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est
intoxication grave. L’analyse toxicologique est rarement disponible exceptionnelle; le traitement est non spécifique. En l’absence de
en urgence; elle a en fait peu d’intérêt clinique. Elle peut avoir un symptômes dans les 4 à 6 h après l’exposition, l’évolution vers une
intérêt médico-légal et en cas d’exposition professionnelle. Au pneumopathie est peu probable.
moindre doute, des prélèvements biologiques (sang, urine) doivent La pyrolyse des solvants chlorés, comme le trichloréthylène ou
être conservés pour analyse ultérieure. le chlorure de méthylène, libère du chlore, de l’acide chlorhydrique
gazeux et du phosgène. Ces gaz sont caustiques, à l’origine d’un
œdème aigu du poumon lésionnel ou d’équivalents mineurs (toux,
INTOXICATIONS AIGUËS dyspnée, oppression thoracique), immédiats ou retardés. La pyrolyse
des fréons libère également du phosgène, ainsi que de l’acide fluo-
APPAREIL DIGESTIF rhydrique gazeux. L’inhalation de vapeurs très concentrées de
solvants chlorés, de pyridine, de tétrahydrofuranne, peut entraîner
Après ingestion, pratiquement tous les solvants entraînent des des signes irritatifs des voies aériennes supérieures, voire même
nausées, des vomissements, des douleurs abdominales, de la diar- déclencher un bronchospasme chez des sujets sensibles (asthmati-
rhée. Ces symptômes sont dus à une congestion muqueuse diffuse ques, bronchiteux chroniques).
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l’équilibre acido-basique (acidose métabolique) et hydroélectroly- [8] Meredith TJ, Ruprah M, Liddle A et al. Diagnosis and treatment of acute
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pathies sévères d’autre origine. Les corticoïdes et l’antibiothérapie ne [11] Banner W Jr, Walson PD. Systemic toxicity following gasoline aspiration. Am
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En cas de collapsus, les amines sympathomimétiques doivent 1992, 5 : 112-114.
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l’intoxication aiguë par le tétrachlorure de carbone. [15] Dally S, Garnier R, Bismuth C. Diagnosis of chlorinated hydrocarbon poiso-
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lavage gastrique peut être envisagé en cas d’ingestion massive [16] Leikin JB, Kaufman D, Lipscomb JW, Burda AM, Hryhorczuk DO. Methylene
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récente (< 1 h), et de risque potentiel de toxicité systémique. Les 534-537.
voies aériennes doivent être protégées par une intubation trachéale. [17] Manno M, Rugge M, Cocheo V. Double fatal inhalation of dichloromethane.
Aucune manœuvre d’épuration digestive n’est indiquée en l’absence Hum Exp Toxicol, 1992, 11 : 540-545.
de toxicité systémique. Les ingestions minimes ne nécessitent qu’un [18] Rioux JP, Myers RA. Methylene chloride poisoning : a paradigmatic review. J
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