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Stratégies des organisations de producteurs de café au Costa Rica vis-à-vis des


certifications environnementales et sociales = Strategies of coffee producers¿
organizations in Cost...

Article in Cahiers Agricultures · March 2012


DOI: 10.1684/agr.2012.0545

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Guy Faure jean-francois Le Coq


Cirad - La recherche agronomique pour le développement Cirad - La recherche agronomique pour le développement
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Isabelle Vagneron Gabriela Soto


Cirad - La recherche agronomique pour le développement University of Costa Rica
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Étude originale

Stratégies des organisations de producteurs


de café au Costa Rica
vis-à-vis des certifications
environnementales et sociales
Guy Faure1 Résumé
Jean-François Le Coq2 Les certifications environnementales et sociales ont connu au cours des dernières années
Isabelle Vagneron3 un développement rapide dans le commerce international du café. Alors que de
Henri Hocde2 nombreuses études appréhendent les effets de ces certifications sur les producteurs, peu
Gabriela Soto Muñoz4 d’analyses s’intéressent directement aux rôles que jouent les organisations de producteurs
Myriam Kessari5 (OP) dans les dynamiques de certification. Cet article présente les résultats d’une étude
1
Cirad ayant permis d’analyser le rôle des OP de caféiculteurs dans les processus de certifications
UMR Innovation au Costa Rica et de comprendre leurs stratégies en matière d’adoption et de gestion des
TA 88/15 différentes certifications. Les OP jouent dans ce pays un rôle primordial dans le
73, avenue JF Breton développement et la gestion des certifications, en assumant le choix des certifications et
340398 Montpellier cedex 5 leur promotion auprès des petits producteurs. Les choix de certification faits par les OP
France répondent à des orientations stratégiques, principalement d’ordre commercial. Enfin, les
<guy.faure@cirad.fr>
choix des certifications et leurs modalités de gestion dépendent en premier lieu de la
2
Cirad qualité des cafés collectés par les OP et en second lieu de l’importance des quantités
UPR ART-Dev qu’elles commercialisent.
TA C-88/15,
73, av. Jean François Breton Mots clés : café ; certification ; Costa Rica ; organisation de producteurs ; stratégie
34938 Montpellier cedex 5 commerciale.
France
Universit
e nationale du Costa Rica (UNA) Thèmes : économie et développement rural ; productions végétales ; qualité et sécurité
cono-
Centre de recherche sur les politiques e des produits ; transformation, commercialisation.
miques et le d
eveloppement durable (CINPE)
Aptado 739-3000
Heredia
Costa Rica
Abstract
<jean-francois.le_coq@cirad.fr> Strategies of coffee producers' organizations in Costa Rica toward environmental and
<jflecoq@cirad.fr> social certification processes
<henri.hocde@cirad.fr>
3
Environmental and social standards have experienced dramatic development in the coffee
Cirad sector over the last decade. Although many studies analyse the effects of certification at
UMR Moisa
Montpellier producer level, the role of producers’ organizations (POs) has been poorly documented.
France This article presents the results of a study aimed at analyzing the role of POs in the
National University of Laos certification process and understanding their choice regarding certifications. We show that
Faculty of Agriculture POs assume a leading role in certification adoption processes, assuming the choice of
P.O.Box 7322 certification and its promotion towards small farmers. We also show that the adoption of
Vientiane certification responds to POs’ strategic orientation, especially regarding commercial
LAO PDR
<isabelle.vagneron@cirad.fr> objectives. Finally, the POs’ choice regarding certification depends strongly on the quality
4
of the coffee they produce and to a lesser extent on the volume they manage.
CATIE 7170
Cartago Key words: certification; coffee; commercial strategy; Costa Rica; producer organization.
Turrialba, 30501
Costa Rica Subjects: economy and rural development; processing, marketing; product quality and
<gabisoto@catie.ac.cr> security; vegetal productions.
5
Supagro
doi: 10.1684/agr.2012.0545

UMR MOISA
Montpellier SupAgro
2, place Pierre Viala
34060 MONTPELLIER cedex 02
France Pour citer cet article : Faure G, Le Coq JF, Vagneron I, Hocdé H, Muñoz GS, Kessari M, 2012.
Stratégies des organisations de producteurs de café au Costa Rica vis-à-vis des certifications
environnementales et sociales. Cah Agric 21 : 162-8. doi : 10.1684/agr.2012.0545
Tirés à part : G. Faure

162 Cah Agric, vol. 21, n8 2–3, mars-avril – mai-juin 2012


A
u Costa Rica, le café est une UTZ CERTIFIED soutenu par des déterminants des choix effectués par
des principales sources de torréfacteurs et supermarchés euro- les OP.
revenus pour environ 50 000 péens). Elles permettent aux agricul-
agriculteurs qui cultivent 100 000 hec- teurs, via leurs OP, d’accéder à des
tares de caféiers. Plus de la moitié de marchés spécifiques et éventuelle-
ces exploitations comptent moins de ment à des prix plus élevés que celui Rôle des organisations
5 hectares plantés (Icafe, 2008). Afin du café conventionnel.
de commercialiser leur café, dès les Alors qu’une littérature importante de producteurs
années 1940, des petits producteurs analyse le rôle des certifications dans
ont créé des organisations de pro- les évolutions des relations entre dans les processus
ducteurs (OP). Celles-ci peuvent avoir acteurs au sein d’une chaı̂ne de valeur
des statuts juridiques différents (co- (Gereffi, 1999 ; Ponte, 2004 ; Ruben de certifications
opérative ou association). Au cours et al., 2006) ou les impacts de ces
des différentes crises qui ont secoué le certifications sur les producteurs
secteur du café, nombre de ces OP ont (Kilian et al., 2004 ; Bolwig et al., La certification,
progressivement disparu ou fusionné. 2009), peu de travaux se penchent un choix stratégique
En 2008, 19 coopératives et 8 associa- sur le rôle que jouent les OP dans
tions de producteurs regroupaient le processus de certification, à l’excep- Les OP sont des organisations qui
quelque 30 000 producteurs cultivant tion toutefois de ceux portant sur présentent des spécificités par rapport
environ 45 000 hectares de caféiers, le commerce équitable (Valkila et aux firmes privées (Sykuta et Cook,
soit 40 % de la production nationale Nygren, 2010 ; Maldidier, 2010 ; 2001). Elles sont le fruit d’une action
et 20 % des exportations de café du Kessari, 2011). Le cas du Costa Rica collective des membres afin d’attein-
pays (Havermans, 2010). Ces OP sont est pertinent à analyser, bien que dre des objectifs partagés, qui peuvent
diverses, tant en termes de taille spécifique pour l’Amérique latine, dans être de nature économique, sociale ou
(d’une dizaine à plusieurs milliers de la mesure où l’offre de café est très environnementale. L’objectif principal
membres) déterminant les volumes différenciée avec la coexistence de des OP de café étudiées est d’obtenir
de vente de café, que de zones de multiples certifications et de cafés un meilleur prix pour le café vendu et
production différenciées selon l’alti- spéciaux (Syck, 2008). Les stratégies de sécuriser les revenus de leurs
tude qui influe grandement sur la adoptées par les OP en termes de membres. Cet objectif se décline en
qualité du café (définie par la dureté certifications doivent ainsi tenir compte de multiples sous objectifs: identifier
du grain et ses caractéristiques orga- d’une concurrence croissante entre et pénétrer de nouveaux marchés
noleptiques). Elles différent enfin elles sur des marchés de plus en plus rémunérateurs en adaptant leur offre
en termes d’investissements matériels différenciés. L’objectif de cet article est à la demande de ces marchés, sécu-
et humains influant sur les coûts de d’analyser le rôle et les stratégies des riser leurs débouchés en fidélisant
production et la qualité. Seules quel- OP de café vis-à-vis du développement certains de leurs clients, sécuriser leurs
ques OP ont les capacités d’exporter des certifications au Costa Rica. approvisionnements en fidélisant
directement le café, la majorité d’entre Cet article repose à la fois sur un leurs membres par des mécanismes
elles passent par l’intermédiaire de travail de compilation de données adaptés de paiement et des services de
quatre consortiums qu’elles ont créés quantitatives recueillies auprès de qualité, réduire leurs coûts de pro-
spécialement à cet effet. l’ensemble des OP de café au Costa duction par une meilleure organisa-
Dans le secteur du café, les grands Rica (superficie totale cultivée en tion et par des investissements
groupes d’acheteurs se sont appuyés caféiers ; nombre de membres, super- adaptés, etc. Le choix des certifications
sur les demandes des consommateurs ficie et volume de café concernés par et la manière de les mettre en place
pour développer des stratégies qui les différentes certifications) et sur une s’inscrivent comme des décisions stra-
intègrent des certifications prenant en enquête qualitative réalisée auprès de tégiques d’une OP pour atteindre ces
compte des critères environnemen- responsables de 10 OP portant sur le sous objectifs. Ces choix s’effectuent
taux et sociaux. Ces certifications processus de mise en place des dans le cadre de mécanismes de
poursuivent divers objectifs dont certifications et leur stratégie en ter- décision complexes entre les repré-
ceux de promouvoir une agriculture mes de choix de certification et sentants des producteurs, les salariés
durable et soutenir les revenus des de commercialisation. Des entretiens et les membres de l’OP. Plus l’OP est
petits producteurs mais aussi de mieux complémentaires ont également été importante en termes de nombre de
positionner les produits sur les mar- menés auprès des responsables des membres et/ou plus elle développe de
chés (Soto et Le Coq, 2011). Elles sont différents consortiums, des techni- nombreuses activités ou dispose
portées par le secteur public (Agricul- ciens d’agences de certification basées d’infrastructures nécessitant le recru-
ture Biologique), par le secteur asso- au Costa Rica, et des membres de tement de salariés, moins les membres
ciatif (Commerce Equitable, Rainforest certaines OP. ont accès à l’information concernant la
Alliance), ou par le secteur privé (C.A. Après avoir dans une première partie vie de l’OP et moins ils ont la
F.E. Practices1 de la firme Starbucks, décrit les rôles et les stratégies déve- possibilité de participer directement
loppées par les OP en matière de aux décisions. L’OP est alors large-
certification, nous identifions dans ment pilotée par les représentants élus
1
C.A.F.E. Practices : Coffee and Farm Equity une seconde partie les mécanismes des producteurs (conseil d’adminis-
Practices. de gestion des certifications et les tration) et les salariés.

Cah Agric, vol. 21, n8 2–3, mars-avril – mai-juin 2012 163


Le rôle moteur des OP membres à travers la fourniture de certification C.A.F.E. Practices,
services (organisation de formations, quoique la plus récente, est très pré-
dans le processus tenue des registres, vente d’intrants sente chez les OP. Cela s’explique par
de certification spécifiques, accès au crédit pour la le fait que cette certification met
mise en conformité de l’exploitation, l’accent sur un processus d’améliora-
Les OP du Costa Rica occupent un mise à disposition d’équipements tion des pratiques permettant une
rôle central dans le processus de spécifiques nécessaires à la mise aux adaptation progressive des systèmes
certification. En effet, ce sont leurs normes, etc.). Les consortiums certi- de production, ce qui en rend l’accès
conseils d’administration qui décident fiés organisent des formations et relativement aisé. Différents niveaux
de s’y engager. La décision est ainsi peuvent mettre en place des facilités sont ainsi fixés, qui peuvent être
prise par un nombre limité de pro- de financement pour les OP. Les OP atteints en plusieurs années et donnent
ducteurs élus qui sont souvent mieux et consortiums mettent également lieu à différents statuts (producteurs
informés des évolutions des marchés en place un système de contrôle vérifiés, préférentiels et stratégiques)
et des processus de commercialisa- interne exigé dans le cadre de certai- assortis de différents avantages jugés
tion. Le gérant salarié de l’OP joue nes certifications (par exemple pour importants par les OP, notamment en
aussi un rôle décisif en fournissant des l’Agriculture Biologique). termes de prix ou d’engagement sur
informations et défendant son point la durée de la relation client/acheteur.
de vue toujours écouté. Les membres Le choix des certifications La certification UTZ CERTIFIED a du
sont peu associés à la décision et la multicertification mal à percer car elle est à la fois
mais sont informés à travers les assem- contraignante en termes de documents
blées générales et autres mécanismes Les OP occupent une place importante administratifs à fournir et n’apporte
d’information (journal interne, forma- dans le développement de la certifica- que peu d’avantages économiques.
tions en salle, journées au champ). À tion, comme en témoigne la part de Le label Agriculture Biologique reste
travers ces voies, les membres font surfaces certifiées au sein des OP en confidentiel car difficile à mettre en
valoir leurs intérêts et font remonter comparaison de celle pour l’ensemble place au Costa Rica où la caféiculture
leurs inquiétudes concernant les certi- du pays (tableau 1). Si tous les types est intensive en intrants. Ainsi, le
fications. Les OP peuvent gérer direc- de certification ont été adoptés par les respect du cahier des charges de
tement le processus de certification OP, certaines certifications sont plus l’Agriculture Biologique conduit à
si elles en ont les capacités humaines développées que d’autres. Ainsi, le des réductions importantes de rende-
et financières et/ou la capacité de Commerce Equitable est de loin la ment que le surprix ne permet pas de
négocier des appuis techniques ou certification la plus développée chez compenser. Il est important de souli-
financiers avec des institutions publi- les OP, catégorie d’acteurs qui corres- gner que, quelle que soit la certifica-
ques, des ONG, voire des entreprises pond au public cible de ce standard. tion, l’OP n’est pas assurée de pouvoir
privées. Celles qui n’ont pas ces Elle est relativement peu contrai- vendre tout son café en valorisant la
capacités s’appuient sur les consor- gnante sur le plan technique et elle certification.
tiums pour accéder aux certifications. est attractive sur le plan économique en Toutes les OP costariciennes possèdent
C’est ainsi que le consortium Coocafé, période de prix bas car elle permet de au moins une certification et la majorité
qui regroupe 9 coopératives, assure bénéficier d’un prix minimum garanti d’entre elles ont opté pour la multi-
l’accès à la certification « Commerce et d’une prime de développement. La certification (figure 1). De fait, alors
Equitable » pour l’ensemble de ses
membres. Alianza, qui regroupe 6
associations, assure l’accès à la certifi-
cation « Commerce Equitable » pour Tableau 1. Principales certifications du café au Costa Rica en
l’ensemble de ses membres et à la 2009.
certification « Agriculture Biologique »
pour certains d’entre eux. Le consor- Table 1. Main coffee certifications in Costa Rica, 2009.
tium Suscof, qui regroupe 5 coopéra-
tives, assure l’accès à la certification Certification Année de la première % superficie caféière certifiée
« UTZ CERTIFIED ». Seul le consortium certification
dans le pays Total (%) Au sein
Cafecoop ne facilite l’accès à aucune des OP (%)
certification mais se concentre sur la
vente de café issu d’OP produisant un
Agriculture Biologique 1972 <1 <2
café de qualité.
La gestion du processus de certifica- Commerce Equitable 1987 28 89
tion par une OP ou par un consortium
lui confère la propriété de la certifica- Rainforest Alliance 1994 7 13
tion, et donc le droit exclusif de
vendre du café certifié. Elle entraı̂ne UTZ CERTIFIED 1999 2 6
également un certain nombre de C.A.F.E. Practices 2001 17 31
responsabilités. Ainsi, les OP certifiées
prennent en charge les coûts de l’acte OP : organisations de producteurs.
de certification et appuient leurs Source : Source: Quispe (2007) et les auteurs.

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que l’accès à une première certification leurs membres (tableau 2). Lors- Equitable » interrogées, 5 OP n’ont
est toujours vécu comme un défi, qu’elles optent pour une certification pas vendu de café sous cette certifica-
l’accès aux certifications suivantes est d’une partie de leurs membres, les tion, 8 OP ont vendu moins de 50 % de
perçu comme moins difficile. En effet, OP choisissent ceux qui sont réputés leur production sous cette certifica-
de nombreux critères sont communs fidèles vis-à-vis de l’OP et qui peuvent tion et 3 OP en ont vendu plus de
entre les certifications et les innova- le plus facilement se conformer aux 50 %.
tions les plus difficiles, comme la exigences liées à la certification (cas
traçabilité ou le contrôle interne, sont de UTZ CERTIFIED, C.A.F.E. Practices,
généralement mises en œuvre lors de la
première certification. Au Nicaragua,
et cas de l’Agriculture Biologique dans
les plus grandes OP). Ce sont souvent
La gestion
on observe une situation où la certifica- des producteurs membres du conseil des certifications
tion Commerce Equitable est une porte d’administration ou proches de ceux-
d’entrée sur des marchés différenciés et ci. Elles optent pour une certification par les OP
facilite l’accès au crédit. Pour continuer collective (totalité de leurs membres),
à améliorer leur compétitivité, les OP si cette modalité est imposée par la
réalisent des investissements (rénova- certification (cas du Commerce Equi- Le choix des modes
tion des caféiers, transformation du table), ou si elles estiment que les de rémunération
café, gestion de la qualité, etc.) et critères ne sont pas trop contraignants aux producteurs
adoptent alors des certifications déli- (cas de Rainforest Alliance), et/ou si
vrées par des acteurs privés qui elles sont dans l’incapacité de mettre Les éventuels bénéfices résultant
valorisent mieux la qualité (Ruben et en place un système de traçabilité d’une vente de produits certifiés sont
Zuniga, 2011). pour isoler la fraction du café certifié répartis entre les structures collectives
(cas de l’Agriculture Biologique pour impliquées (consortium et/ou OP) qui
les petites OP). Une certification cherchent à couvrir les frais qu’elles
Le choix d'une certification collective accroı̂t de manière substan- ont engagés, et les membres qui
totale ou partielle tielle le pourcentage de café certifié souhaitent tirer parti des efforts effec-
des membres produit, mais ne garantit en aucun cas tués. La répartition entre ces acteurs
sa vente comme produit certifié. Par dépend : i) de l’existence éventuelle
Les OP peuvent décider de certifier exemple, lors de la campagne 2007- d’une prime liée à la certification
l’ensemble ou seulement une partie de 2008, sur 16 OP certifiées « Commerce versée par l’acheteur et clairement
identifiée par rapport au prix de vente
du café ; ii) des règles de gestion de
12 cette éventuelle prime par l’OP ; et iii)
des règles internes et générales de
Nombre d'OP paiement des récoltes par l’OP. De
10
manière générale, les règles internes
de paiement des récoltes par l’OP à
ses membres varient selon : i) les
valeurs de l’OP avec un arbitrage entre
8
une volonté de solidarité entre mem-
bres en procédant à un paiement
uniforme quelle que soit la qualité
6 livrée (principe d’égalitarisme) et une
volonté de reconnaissance des efforts
réalisés par certains membres en pro-
4 cédant à un paiement différencié en
fonction de la qualité livrée (principe
d’équité) ; et ii) la capacité de l’OP à
2 assurer la traçabilité des récoltes de la
production à la commercialisation en
fonction des qualités livrées par chacun
0 des membres permettant de relier
1 2 3 4 5
chaque lot de café vendu au membre
qui l’a produit.
Nombre de certifications par OP La gestion des primes liées à la
certification s’inscrit pleinement dans
ce cadre. Dans les situations où la
Figure 1. Répartition des organisations de producteurs (OP) en fonction du nombre de certifications,
Costa Rica, 2009.
certification s’applique à une partie
des membres (cf. tableau 2) et qu’il
Figure 1. Distribution of producers' organizations according to their number of certifications, Costa Rica, existe une prime additionnelle au prix
2009. de vente du café, versée par l’acheteur
Source : les auteurs. (cas observés pour certains contrats

Cah Agric, vol. 21, n8 2–3, mars-avril – mai-juin 2012 165


Tableau 2. Modalités de mise en œuvre des certifications au sein des organisations de producteurs
(OP) de café du Costa Rica, 2009.
Table 2. Modalities of implementation of the certification within the coffee producers' organizations in Costa Rica, 2009.

Certification Individuelle Collective

Nombre OP Surface (hectares) Nombre OP Surface (hectares)

Agriculture Biologique 3 104 6 763

Commerce Equitable 0 0 22 39 600

Rainforest Alliance 4 1 032 1 4 700

UTZ CERTIFIED 6 2 460 0 0

C.A.F.E Practices 9 5 957 3 8 000

Source : enquête réalisée par les auteurs.

concernant principalement les certifi- Qualité et quantités : leur café sur les marchés. La promo-
cations C.A.F.E. Practices et Rainforest tion du développement durable n’est
Alliance) et enfin que l’OP souhaite et deux variables clés souvent citée que de manière secon-
peut reconnaı̂tre les efforts individuels pour le choix daire. Par exemple, sur 16 OP béné-
(moins de la moitié des OP concer- d'une certification par les OP ficiant d’une certification Commerce
nées par une certification de certains Equitable interrogées sur cette ques-
de ses membres), la part de la prime L’analyse des caractéristiques des OP tion, 13 ont déclaré avoir fait ce choix
versée aux membres certifiés est étudiées permet d’identifier deux va- d’abord pour des questions de prix ou
généralement modeste. En effet, l’OP riables clés orientant les stratégies de marketing. Cependant, quelles que
récupère une part de ses frais engagés des OP et leurs choix en termes de soient les certifications, nos enquêtes
et assure une péréquation entre le certification: i) la qualité du café montrent que la prime liée à la
volume de café certifié produit et le commercialisé, largement fonction certification est nulle dans bien des
volume de café certifié vendu. Dans de l’altitude de la zone de production situations (elle se confond avec le
le cadre de notre étude nous n’avons dans laquelle est implantée l’OP et des différentiel lié à la qualité évoqué ci-
cependant pas pu analyser tous les investissements réalisés pour transfor- dessus), ou modeste quand l’acheteur
contrats de vente de café certifié, ce mer le café et assurer la traçabilité des accepte d’individualiser la prime en la
qui ne nous permet pas de préciser les lots de café ; ii) les quantités pro- séparant explicitement de ce différen-
montants des primes octroyées aux duites, corrélées au nombre de mem- tiel. Dans ce dernier cas, selon nos
membres par l’OP. L’Agriculture Bio- bres (tableau 3). enquêtes, elle peut varier de 2 à
logique représente une exception car La qualité du café est l’élément 10 dollars/sac pour les certifications
le paiement d’un prix différencié aux déterminant pour obtenir un prix UTZ CERTIFIED, Rainforest Alliance et
membres certifiés est de rigueur étant élevé sur le marché. Les cafés du pays C.A.F.E. Practices en fonction de la
donné l’impact des pratiques agricoles jouissant tous d’une bonne réputation, négociation entre l’OP et l’acheteur.
sur les rendements. ils bénéficient d’un différentiel positif Seule la certification du Commerce
Les mécanismes de rémunération mis par rapport au prix fixé à la bourse de Equitable établit un prix minimum, qui
en place par les OP ont deux princi- New York qui a varié, entre 2005 entre en vigueur quand le prix du
pales conséquences. Premièrement, il et 2008, en moyenne de 2 dollars/ marché international s’effondre, et
apparaı̂t que les producteurs ne sont sac (l’unité commerciale est le sac de une prime systématique qui est versée
que modérément incités à investir 69 kg) pour les qualités les plus basses à l’OP (Valkila et Nygren, 2010). La
dans leur exploitation pour accéder à près de 20 dollars/sac pour les plus certification Agriculture Biologique
à une certification. La certification hautes (Havermas, 2010). Selon nos permet d’obtenir des primes souvent
reste donc bien d’abord l’affaire des enquêtes, pour la période 2007-2008, élevées, pouvant atteindre 50 dollars/
instances dirigeantes des OP. Deuxiè- certains lots de haute qualité peuvent sac pour les meilleurs cafés de cette
mement, les analyses au niveau des obtenir un différentiel encore plus catégorie.
exploitations en termes de coûts et élevé (jusqu’à 50 dollars par sac). Ainsi, le différentiel lié à la qualité du
bénéfices des certifications sont diffi- Les OP interrogées ont majoritaire- café est bien plus important que les
ciles à conduire car la répartition de ment déclaré vouloir accéder à une éventuelles primes liées à l’obten-
ces éléments entre les acteurs impli- certification d’abord pour obtenir un tion d’une certification. De plus, et à
qués dans le processus est complexe. meilleur prix d’achat ou promouvoir l’exception du Commerce Equitable,

166 Cah Agric, vol. 21, n8 2–3, mars-avril – mai-juin 2012


Tableau 3. Stratégies commerciales et choix des certifications des organisations de producteurs de
café au Costa Rica.
Table 3. Commercial strategies and certification choices of coffee producers' organizations in Costa Rica.

Production de café Quantité modérée Quantité importante

 standard
Qualite Recherche de marche s pour des cafes Recherche d'une diversification des clients.
ayant des caracteristiques reconnues rêt pour appartenir à un ou des consortiums.
Inte
comme spe cifiques (petits producteurs). rêt marque
Inte  pour Commerce Equitable
rêt pour appartenir à un seul consortium.
Inte et parfois pour UTZ CERTIFIED.
rêt pour Agriculture Biologique
Inte
et Commerce Equitable.
e
Qualite leve
e Recherche d'une stabilite avec Recherche d'une diversification des clients
s de spe
(cafe cialite
, des clients fidèles.  avec certains clients.
et d'une stabilite
marche de haut rêt pour les certifications
Peu d'inte rêt pour appartenir à un seul consortium
Inte
de gamme) (sauf demande des clients).  vers la qualite
oriente .
rêt pour C.A.F.E. Practices, Commerce
Inte
Equitable et parfois Rainforest Alliance.

Source : enquête réalisée par les auteurs.

ces primes sont jugées par les OP chercher activement à obtenir une exploitation aux exigences des cahiers
insuffisantes pour couvrir les frais certification qui leur permettra de des charges. Ce sont les instances
induits par la certification, incluant le différencier leur produit et d’accéder dirigeantes des OP qui décident du
coût de la certification et les investis- à des marchés spécifiques. C’est sou- choix de la certification, des produc-
sements nécessaires pour assurer la vent le cas d’OP localisées dans les teurs à certifier, du mode de réparti-
mise en conformité des exploitations zones de basse altitude qui ne bénéfi- tion des éventuels bénéfices de la
et de l’usine de traitement. cient pas des meilleures conditions certification.
De ce fait, les OP qui produisent du écologiques pour produire du café ou Comme les certifications sont perçues
café de qualité ne se font pas certifier d’OP qui ne disposent pas des moyens comme des sollicitations extérieures,
pour obtenir une meilleure valeur nécessaires pour se développer. Elles les OP apparaissent comme plus réac-
ajoutée, mais plutôt pour satisfaire la souhaitent alors mieux valoriser leur tives que proactives, avec une pro-
demande d’un client qui veut une café avec la certification, notamment gressive appropriation des processus
garantie sur les conditions de produc- celle du Commerce Equitable et/ou de de certification. L’élément déterminant
tion (cas des OP certifiées Rainforest l’Agriculture Biologique. Ce type d’OP des stratégies des OP reste leur capacité
ou UTZ CERTIFIED) ou pour mainte- correspond au public cible initial des à produire ou non un café de qualité.
nir des relations commerciales dans acteurs du Commerce Equitable, qui Cette capacité, qui n’est pas donnée
la durée avec un acheteur attaché à interviennent via les consortiums Coo- une fois pour toutes, détermine la
une certification particulière (cas des café et Alianza, avant que ces premiers stratégie de l’OP et le choix des certifi-
OP certifiées C.A.F.E. Practices par la affichent une volonté de travailler avec cations. Les certifications sont choisies,
firme Starbucks). Pour l’ensemble de une population plus large d’OP. Les OP pour une qualité donnée, essentielle-
cette catégorie d’OP la certification qui se sont lancées dans l’Agriculture ment pour des raisons commerciales,
Agriculture Biologique présente peu Biologique sont de petite taille et soit à la demande d’un client, soit
d’intérêt car la conjonction de rende- rassemblent généralement des produc- pour occuper des marchés spécifiques.
ments élevés permis par l’usage des teurs qui n’utilisaient pas ou peu Des motivations environnementales
intrants et de prix élevés liés à la d’intrants chimiques. Le processus de ou sociales peuvent exister mais sont
qualité du café est plus attractive que certification est ainsi facilité et mené sur secondaires. Cependant, la certification
les revenus liés à l’Agriculture Bio- une base collective. est susceptible de générer un processus
logique. Les OP qui produisent du café d’innovation au sein des organisations.
de haute qualité et en faible quantité C’est ainsi que la certification est perçue
parviennent à écouler leur production Conclusion par de nombreuses OP comme un
sur des marchés de niche à des prix investissement, mais aussi comme un
rémunérateurs. Elles sont parmi les OP Notre étude met en évidence le rôle processus d’apprentissage qui permet
les moins intéressées par les certifica- fondamental joué par les OP dans le d’améliorer les processus de gestion
tions car pour elles la réputation de développement des certifications au des activités de l’OP par les représen-
leur café leur garantit des débouchés Costa Rica. Ce rôle s’explique par la tants des producteurs et les salariés en
et la certification est ressentie comme capacité des OP à prendre en charge assurant une plus grande transparence
une contrainte supplémentaire. le processus de certification, la plus à travers une diffusion plus large
Certaines OP qui produisent un café grosse part des coûts qui lui sont liés, de l’information au sein de l’OP, une
de qualité standard peuvent par contre et à aider leurs membres à adapter leur traçabilité des opérations et, dans le cas

Cah Agric, vol. 21, n8 2–3, mars-avril – mai-juin 2012 167


du Commerce Equitable, la mise en Gereffi G, 1999. International trade and industrial de certificación de café en Costa Rica, Tesis.
upgrading in the apparel commodity chain. Journal Turrialba : CATIE.
place d’une comptabilité. of International Economics 48 : 37-70.
Cette étude ouvre plusieurs pistes de Ponte E, 2004. Standards and sustainability in the
recherche : i) pour mieux comprendre Havermans M, 2010. The causal links between coffee sector: a global value chain approach.
an agro-food chain's complexity, competition, and Winnipeg (Manitota) : IISD, IDRC.
les différences de stratégies entre the role of lead firms. Two case studies: Costa
les OP vis-à-vis des certifications, Rican coffee and Guatemalan snow peas in the Ruben R, Slingerland M, Nijhoff H, eds, 2006. Agro-
notamment en fonction des valeurs Dutch consumer-market. Thesis, Tilburg University, food chains and networks for development. Ams-
the Netherlands. http://arno.uvt.nl/show.cgi?fid= terdam: Springer.
et du fonctionnement plus ou moins 107310
démocratique de chaque OP ; et ii) Ruben R, Zuniga G, 2011. How standards compete:
pour évaluer l’impact des certifications Icafe, 2008. Informe sobre la actividad cafetalera comparative impact of coffee certification schemes
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réelle prise en compte des enjeux de Kessari ME, 2011. Stabilité ou rupture des conven-
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durabilité économique et écologique tions dans le commerce équitable, une analyse par
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foster provision of environmental services. In :
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coopératives de café du Costa Rica certifiées par
services from agriculture and agroforestry: measu-
le système FLO. Thèse de doctorat, Montpellier
rement and payment. Londres : Earthscan Publica-
SupAgro.
Remerciements tions.
Les auteurs remercient le projet CAFNET, Kilian B, Pratt L, Jones C, Villalobos A, 2004. Can
the private sector be competitive and contribute to Sick D, 2008. Coffee, farming families, and fair
financé par l’Union européenne, cadre development through sustainable agricultural busi- trade in Costa Rica: new markets, same old
dans lequel s’est inscrite cette recherche. ness? A case study of coffee in Latin America. problems? Latin American Research Review 43 :
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Références une éthique relationnelle est-elle envisageable ? 83 : 1273-9.
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Bolwig S, Ponte S, Du Toit A, Riisgaard L, Halberg agr.2009.0368. Valkila J, Nygren A, 2010. Impacts of Fair Trade
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Concerns into Value-Chain Analysis: A Conceptual Quispe JL, 2007. Caracterización del impacto laborers in Nicaragua. Agriculture and Human
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168 Cah Agric, vol. 21, n8 2–3, mars-avril – mai-juin 2012


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