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FLS ET FLE:, DEUX REPRESENTATIONS DIFFERENTES DE LANORME Par Michéle VERDELHAN-BOURGADE Introduction Lenseignement du francais s'effectue & travers le monde dans des si tuations extrémement vatiées, généralement regroupées en trois déno- tminations, souvent condensées en sigles : frangais langue maternelle (LM), francais langue étrangére (FLE), frangais langue seconde (LS). Ces situations vasient selon les pays, parfois méme 4 Fintérieur d'un rméme pays et entrainent des méthodologies différentes. On pourrait Fattendre A ce que les représentations de la norme soient identiques Gans tous les cas oi le frangais nest pas langue maternelle, que ce soit langue étrangére ou langue seconde. L’étude de quelques manuels en usage dans divers pays va s'efforcer dexplorer les similitudes et les differences pour comprendze de quelle maniére le FLS congoit In ‘nome et quelles représentations sont & leruvre dans son enseignement. FLS/FLE : des contraintes différentes ‘Afin de préciser le cade de l'étude, il est préférable d’expliquer brit- ‘vement en quoi consistent les différences entre situations d’enseigne- ment du FLM, du FLE et du FLS. Quelques définitions (On empruntera les définitions suivantes au dossier « Enseigner le francais langue seconde » de Ia revue Diagonales, n° 43 (M. Verdelhan, 1997 Pour Vipdividy en ce, celle qu'il apprend A parler en premier avec ses parents Dans un pays,; le francais est dit lan jelgique wallonne, France, Québec, Suisse romande). fe francais langue étrangére (FLE) Pour Tindivida : la langue étrangére & son milieu familial, la Tangut ‘non maternelle, ‘Dans tn pays: le francais est langue étrangére quand il n'a pas de rble social ni institationnel. I re 8 Le Frangais ayjouthu 124, « Lalangue ot os opsetatins » ELS Cas particulier du-PLE pour Vindividu comme pour le pays le-méme des variantes importantes, géographiques, politiques, sociolinguistiques et scolaires, étudiées par B. ‘Maurer dans Diagonales n° 43 (B, Maurer, 1997). On peut ainsi parler de FLS au Sénégal, i Madagascar, au Liban, en Roumanie, en Haiti ou au Vietnam, & des titres et & des degrés divers. On peut aussi en parler en France. Ainsi ’enseignement du francais en France reléve-t il patfois du FLE ou du FLS et pas seulement du FLM : on enseigne le FLE aux Gtrangers de passage en France, pour des stages ou des cours d’été ; immigrant sinstallant en France se trouve lui placé rapidement en si- tuation de FLS, puisque Penvironnement social est francophone et que Ia scolatisation se fait en frangais ; les enfants nés en France connais- sent eux une situation soit de FLM soit de FLS selon que leur langue vernaculaire est ou non le francais Le point commun le plus fort entre tous ces cas de figure de FLS est celui du caractére non maternel de la langue, ce qui rapproche le FLS et le FLE. Mais FLS et FLE s’opposent de multiples fagons, ce qui aura des conséquences sur la conception de la notme. Caractéres du FLS Leenseignement du FLS s'oppose celui du FLE de plusieurs points de vue. ‘A. Le statut local de la langue ‘Alors que le FLE s’enseigne dans un pays étranger & la langue, dans ‘un environnement non francophone (le frangais en Argentine ou en Ruisig par exemple), le FLS s'enseigne dans un pays qui connait une certaine pratique de cette langue. Le frangais y est tant6t langue offi- cielle ou administrative ou privilégiée, tantdt langue de communication, tantét langue de-scolarisation,, tantdt les trois i la fois | Lravironnement y est particllement francophone, rhéme si cet envi- ronnement se réduit a Pécole, comme dans le ca8 des établissements bi- lingues francophones, au Vietnam par exemple ou en Europe de Est. B. Le statut scolaire Le FLE est une discipline d’apprentissage au méme titre que les autres (quizes langues ou disciplines scientifiques, artistiques etc.) Les apprenants y ont généralement aceés & Padolescence, vers 10-11 ans en cas de premiére langue étrangere, vers 13-14 ans en cas de deuxitme langue étrangére et y consacrent 2 A 4 heures par semainé, Le FLS, lui, ‘est souvent langue de scolatisation, c’est-A-dire quill sert aux apprentis- sages premiers comme lire, éctire, compter, raisonner, parfois tout seul (Sénégal, Djibouti), parfois en association ou en juxtaposition avec la Tangue maternelle (Haiti, Vietnam). De ce fait, il est généralement com- mandé par un cadtage institutionnel puissant et précis, sous forme LSet FLE: deux représeitns dirents de nome a diastructions offcieles qui lui accordent un horaire important (de 6 & 7 Reures hebdomadaires) et en font commencer Vapprentissage vers 6. 7 ans, aux débuts de la scolarité C. Le statut social et politique Discipline parm d'autres, le FLE n¥est pas soumis & une pression par- Beculite de le part de la sociéé dans laquelle il est enseigné ; son ap- rentissage est plutét considéré comme valorisant, puisquril s'exerce 4 un niveau de scolatisation déja avancé ott un échee n'a pas de const. Guence importante. La situation est tout autre en FLS, En France comme dans d'autres pays, apprendre le FLS est souvent vécu comme Yh gbandon de la langue maternelle, comme une privation, une perte didentité, Le passé colonial, qui a souvent déterminé le statat actvel de 4a langue, pése de maniére diffuse mais importante sur la représentation étrangére quelconque, cst apprendee certes une langue de comment, cation universelle, mais aussi patfois la langue de Pancien colonisateur (pss toujours cependant, comme au Moyen-Orient ou en Europe de Est). De plus, le francais est dans tous les cas associé & une réusshe so Giale le statut social plus ou moins élevé étant lié au degré de maitrise du francais. Dot une forte pression sociale et politique sus Venseigne, ‘ment du frangais, objet ala fois de crainte, de désir et de rejet Des conséquences didactiques Ta didsctique du FLE fait l'objet d'études internationales, dans le cadte plus général de la didactique des langues vivantes, Elle évolue gflon avancée des recherches, dans lesquelles les méthodologues Sransais tiennent une grande place, Elle est relayée dans les differents pays par les institutions francaises de diffusion du frangais (Institute frangais, Services cultures, Alliance francais. et par les manuels, sous vent élaborés en France, du moins pour le public adulte ou adolesceat, 1a didactique du FLE, a dimension internationale, fait Pobjet dorien, {ations méthodologiques, de travaux de recherche ; chaque pays élabore (ou non) des textes de cadrage de programmes pour la partie qui concerne un enseignement scolaire, Jusqu’a une date récente, il n'existait pas comme en FLE de didac- fique du FLS constituée en tant que tele, malgré quelques contributions ‘marquantes dans ce domaine (G. Vigner notamment). Le FLS état soit Pate comme langue maternele, en particulier dans le cas des pays de Pancien champ de colonisation, soit assimilé & une langue éuangéte, out les apprentissages en classes bilingues, par exemple, ou celui di frangais aux enfants immigrés en France depuis 1970. La situation di. Ghceigue est inverse de celle du FLE : pas de eéflexion méthodologique ensemble, orientations internationales, peu de eecherches méthouo. togigues générales ou spécifiques & un pays, mais des cadcages instit Honnels trés puissants dans chaque pays et des cxigences précises en ‘matiére de contenus linguistiques ou culturels. 0 " LeFrangis puri? 124, «Langue et 8 eprésnftons » On peut faire Phypothése que Pensemble de ces contraintes propres au FLS n’est pas sans influence sur les représentations de la norme que Penseignement de ce francais utilise. Les outils d’analyse Le corpus Dans Tenscignement et Vapprentissage de la langue, le manuel posséde une situation privilégiée et complexe. Outil d’enscignement, il est parfois aussi out de formation méthodologique pour le maitre. Support d’apprentissage, il offre des contenus organisés selon une mé. thodologie qui contribue & la structuration des connaissances. Pabriqué ou non dans le pays d'enseignement, il refléte les orientations didac- tiques dans Ia discipline considérée et les choix institutionnels du pays qui l'élabore. On choisira donc ici d’examiner les représentations de la forme & travers un corpus de manuels et de comparer des manuels de FLE et de FLS. Afin de ne pas multiplier les vasiables, on a sélectionné quelques manuels en usage actuellement, s’adressant une méme uanche d’age, celle des enfants de 9 4 12 ans, et élaborés dans une méme période. Les manuels de FLE: + BLANC{|, CARTIER JoM. & LeDERLAN P(1988), Ea aan le maciue (sic vere), Pais, CLE international, + BUCKY M. (1990), Aeon & Londres, Nelson + LaNDRAAF W. & Chane C, (1988), Diaholo mente, Pais, Hachete. + Makowska F, LACORTE R, ef al (1984), Le pli? Manuel, Ptis, Hache Les manuels de FLS : + REPUBLIQUE DU MALI (1992), Le Flambyyan, 4 snée, Pati, Hates, * Mariam ef Hamidea, CE2, CM1, CM2, Pais, Nathan, 1994, IPAM (1954), Pans, malimenul, CE2, acs, EDICE. ‘+ IREFA (1995), La pire, CE2, CM, CM2, Pats, EDICER + CRIPEN, République de Djibouti (1994), Le eabri te chocal, CR1, Pats, EDICER. + MINistERE DE L'EOUCATION NATIONALE, SENEGAL (1988), Sid et Rame, Dakar, IN- BADE, Ces manuels seront cités en abrégé lorsque les références seront données entre parenthéses Les quatre plans de la norme Rechercher les représentations de la norme dans les manuels de FLE ou de FLS suppose qu’on ait un guide d’érude basé sur une analyse de la dite norme. Au-dela des études classiques de la norme, on s'appuiera ici tout particuliérement sur les travaux de H. Boyer (1989), P. Dumont et B. Maurer (1995), pour dégager quatre domaines privlégiés o& peu- vent se marquet en FLS et FLE les représentations notmatives. * La norme linguistique, la plus communément étudiée sous le nom de norme, comporte des aspects phonétiques, orthographiques, lexicaux et syntaxiques. La norme sociolinguistique concerne les variétés lin- guistiques utilisées, en fonction des localisations géographiques, socio LSet FLE: dou eprésettons dren ome " logiques ou socioprofessionnelles. La dimension culturlle de la notme ne doit pas étre oubliée dans une réflexion sur Papprentssage ds FLEE et du FLS, selon le principe actuel qui lie fortement langue et culture apprendre ou enscigner une langue c'est en méme temps former 4 une culture ;cest uileuss un point qui pose souvent des problémes plus ou moins aigus selon les pays. On admettra également une dimenvion communicative la norme, dans la mesure oii Ia méthodologie actuelle Gu FLE cst tts fostement marquée par une orientation communicative, sensible également en FLM et FLS, Les points étudiés Pour recherches ces composantes de la norme en FLS, on ne peut s'en tenir examen des legons de grammaize, D'autres aspects dima. fuel ont été ainsi solicités, Bien sir, les formulations linguistiques et méualinguistiques sont au czur de Pétude. La construction de oa. rages, et plus particuliérement Ia structure des chapitres, ainsi que Vins tiulé des différentes rubriques qui les composent, peuvent vefléter Vimage que les auteurs se donnent de Venseignement de la langue. On se demandera également si les types d'activités proposés sort iden. tiques en FLS et FLE, et sila variation constatée a un rapport avec la ‘eprésentation de la notme. Enfin, on a traque certaines de ces tepré- sentations & travers les documents présents dans ouviage, iconogra. phic, documents dts «authentiques » selon la terminologie en usage en PLE et FLS', Les représentations de la norme en FLE et FLS Dimension linguistique et norme d’enseignement Le travail linguistique est présent en FLE et en FLS mais selon des Proportions différentes. Dans un manuel de FLE, la part d’étude lin uistique varie pew autour de Ia moitié d’un chapitte ; en FILS elle re. présente 2/3 & 3/4 d'un chapitre. La raison principale semble devoir Etre cherchée du cété du statut de langue de scolatisation du FLS : en. fant posséde déji avant de venir a'école une langue de communication, ui est sa langue maternelle, qui fonctionne dans la famille et dans laser ciété, mais qui n'est pas forcément une langue utlisée 4 Pécole Lapprentissage du francais permet alors Vinsertion scolaire, Vaccés il lecture et a 'écriture ainsi qu’aux autres domaines du savoir, Dans cette dimension de scolsisation, la langue seconde joue le méme réle que le francais langue maternelle pour Venfant francais : c'est le vecteus le le Structuration des connaissances. D'ot une attention toute particuliére Portée 4 la connaissance des mécanismes linguistiques et, en consé. hence, une forte activité métalinguistique : exercices de phonétique, dorthographe, de vocabulite, de grammaite. Les chapitres ee Jooreebeelle tne dans les manus de FLE les document ui sont des reproductions de documents sociaux nels, n Le Franaisevjoutun 124, La langue el es oesenaons » manuels de FLS sont dailleuts structurés selon ces rubriques, par exemple Peete, « Technique de la langue », « Vocabulaire », « Orthographe », « ae », « Conjugaison », « Poéme », « Expression éctite » (Par. + « Texte », « Lecture », « Grammaire », « Orthographe », « Conju- gaison », « Vocabulaire », « Expression écrite » (Marian), Parfois méme, lorthographe se divise-telle en orthographe gramma- ticale et orthographe d'usage (une page de chaque dans Flamboyant) Lorganisation des manuels de FLE est bien moins réguliére Pun ma- uel & Yautre et les intitulés plus fantaisistes, quand il y en a, Ainsi : + « Dialogue », « BD », « Accords », « Gammes », « Etudes », « Varia- tions », « Fugues » (Masque). + « Objectifs », « Document », « Activités », « Dialogue » (Manuel. Pasfois, le seul inttulé de rubtique est « Activité » (Diabol, les autres devant sans doute éxe déduits par Papprenant de la nature du docu- ‘ment qui la compose : exercice de déduction ou d'imagination, jamais présent en FLS of l'enseignement est balisé en tranches clairement {dentifiables selon le découpage linguistique. Le travail sur la langue représente donc lessentiel de l'enseigne- ment/apprentissage du frangais en FLS, Il va faire Yobjet d'une pro- {gression assez semblable & celle que Yon trouve en FLM, du moins en grammaire, orthographe et conjugaison, La plupart des contenus des lecons de langue pouttaient se trouver tels quels dans un manuel de FLM j la méthodologie, elle, est plus souvent de type déductif qu'in- ductif (i exception de Pirggus) La dimension communicative La part prise pat l'activité communicative est inversement propor- tionnelle a celle prise par Vactivité linguistique et métalinguistique. Importante en FLE, elle Vest beaucoup moins en FLS, excepté dans quelques ouvrages récents (Pirmgue, Cabri. En FLE, Vaccent mis sut la communication, conforme aux orienta- tions méthodologiques de approche communicative dominante depuis une vingtaine d'années, se traduit par Vorganisation des chapitres, les rubriques, les types dactivités (simuler des situations, jouer des réles, imaginer un dialogue, produire des écrit.) la variété des types et des formes de textes, la diversité des documents insérés dans chaque cha- pitre ou entre les chapitres : photos, tableaux, schémas, documents « au- thentiques » de type journalistique ou écrits quotidiens (publicités..). La part des documents authentiques peut étre variable, trés importante, comme dans Diabolo menthe, ow réduite comme dans Le pit Manuel Dans tous les cas cependant, la démarche communicative se décline selon des principes réguliers : le point de dépatt est une situation de communication, qui donne lieu & un dialogue ; de lA découleront les activités d'expression orale ou écrite, basées sur la téalisation d’actes 4 FLS et FLE : dau representations cents dea rome a de langage, et des exercices de langue (vocabulaire, grammaice..) dé- nommeés également « activités » En FLS, la dimension communicative est peu mise en avant, Certains manuels nfaccordent aucune place & la communication orale (Marian), c'autres'une place tes limitée, quelques lignes intivulées «Technique de 4a langue » dans Parcours. Le Flamboyant intitule une double page « Je sais dite, je sais fate », afin de faire travailler sur des actes de langage & Poral ct a Vécrit. Mais au contraire de la démarche communicative, ces actes de langage n'ont aucun rapport avec le texte de départ ni avec les conte. nus linguistiques de la legon. Le point de départ des legons est presque ‘oujours un texte, le plus souvent de type narratif ou descriptif, les documents authentiques sont rates. Seul Le cabri et k chacal s'attache 8 introduire des formes de textes vasiées (lettres, reportages, tableau. ct de nombreux documents : ensejgnes, couvertures de livres, plans notices, publictés.. Il se rapproche ainsi par sa forme des manuels de ELE, La piregues'efforce de donner & chaque rubrique linguistique une orientation communicative, en posant & chaque legon un objectif en termes de communication (par exemple « Comment se situer dans Pes- Pace ?») et en faisant déboucher le travail linguistique sur une activité de production intitulée « Je me sers de ce que jai appris » La norme FLS en matiére de communication est donc axée sur cit. La compréhension porte plus particuligrement sur un écit descripaif et au mieux narratif; Ia production demandée est plus diversifie. Si elle Sert parfois seulement & la réutlisation de structures linguistiques (Parco), elle permet aussi la production de formes d'écits multiples (élégrammes, lettres, affiches, tracts, articles de journaux... (Mariam, Pirggue, Cabr), Mais souvent aussi, elle se fait dans une orientation ré solument anticommunicative, sans aucune motivation du cété de la Communication ; c'est le cas, fréquent, ot Yon demande a enfant d'écrire «ce que te dic ta maman » ou «les conseils que ta donnes 4 ton Petit frére » (Flamboyant 4° année). On pourrait penser que ce phé- oméne est lié 4 Ja tranche d’ige examinée (enfants de 9-12 ans et non de 6-9 ans), Certes limportance de écrit s’accroit dans la scolarité & cet ‘age, mais Von constate également que les manuels de FLE pour cette méme tranche d’ége donnent beaucoup plus d'importance aux activités de communication orale, et qu’a Vinverse les manuels de FLS, pout les tout jeunes enfants (6-7 ans), mettent accent sur Fapprentissage de la lecture et de P'écriture, la communication orale étant fort peu entrainée, <¢ gui a duilleurs de multiples inconvénients déja signalés (M. Verdelhan-Bourgade, 1995). Le FLS a eu longtemps tendance a traiter Tapprentissage de écrit comme si celui de Voral s'était déja réalisé en frangais avant Pécole, ce qui n’est généralement pas le cas. La dimension sociolinguistique La variété linguistique est peu présente dans les manuel de FLE comme ceux de FLS étudis, mais elle Vest a des titres différents, Le frangais est posé comme une langue de communication parmi d'autres m4 Le Fanais ayjounthn* 124, «La langue el ses représentatons» dans chaque manuel de FLE (Musique, Manuel, Action, Diabolo), ts ra- rement dans les manuels de FLS (excepté Cabri, qui Yoppose aux autres langues locales de Djibouti, Parabe et le somali). On trouve en FLE comme en FLS une timide sensibilisation aux niveaux et aux repistres de langue, avec des exercices classiques du type « & ton camarade tu dis... 4 ton professeur tw dis... », liant expression et situation de com- ‘munication, Mais alors qu’en FLE on trouve dans certains manuels des dialogues marqués par le parler « jeune » (vocabulaire, abréviations, structures syncopées comme « Moi, mon pére, il m’a dit»), les manuels de FLS ne présentent rien de tel ; les dialogues proposés & la lecture sont inclus dans des textes narratifS et sont donc marqués par un ccatactére littéraire, ct ccux que l'on trouve dans les rares activités de lan- gage correspondent plutot & un registre soigné (« Je voudrais une boite de sucre », « Merci beaucoup de m’avoir attendu ! », Flambgyand. I ne agit manifestement pas la de former A la diversité langagiére, et cela est sans doute & lier & la domination d'une conception de écrit elle-méme dépendante de la fonction de scolasisation attribuée principalement au FLS. La dimension culturelle Si Yon admet comme le fait Ia didactique actuelle des langues, que langue ct culture sont étroitement liées, V'apprentissage dune langue comporte alors foreément une dimension culturelle, que les didacti- ciens appellent compétence culturelle ou, comme H. Boyer (1989), compétence ethno-socio-culturelle, acquise non seulement & travers les textes ou les productions verbales, mais aussi & travers ensemble des documents iconographiques. La comparaison des manuels de FLE et de FLS montre de grandes divergences dans les représentations de cet aspect de la norme. En FLE, les documents concerent la France, replacée dans le monde, la francophonie ou l'Europe (12 CEE pour Mane! 3), Les liewx, les objets, les aliments, sont ceux que on peut trouver en France. Diabolo menthe 1 inclus méme des pages de magazine consacrées & Vhis- toire de France ou de Paris. En ELS, la culture franco-francaise est presque complétement ab- sente. Certes la thématique est peu différente : maison, famille, école, saisons, repas, moyens de transports, métiers, commerces, jeux et sports... avec une insistance en FLS sur la santé et Ihygiéne. Mais les séférences proposées ne relevent pas de la France ou rarement (des poémes, des chansons). Les dessins ou photos des manuels pour PAfrique renvoient au continent afticain, tantét 4 un seul pays (Sénégal pour Sidi-Rama, Djibouti pour Cabri CE?), tantét & Pensemble des pays Afrique francophone pour les manuels & vocation panafricaine (Flamboyant, Mariam, Piro) Un apprenant en FLS peut ainsi passer une bonne part de son temps apprentissage sans voit teplacée dans un contexte international la langue qu'il apprend et qui a’est pourtant pas sa langue maternelle ou FS et FE: deux reprsenatons dienes da narme 5 sa langue de communication. Si le FLE se donne pour but de diffuser la culture frangaise (au sens large), le FLS s'efforce de sen préserver. On notera toutefois que, dans des productions récentes, non incluses dans le Corpus parce qu’en couts de publication, et & visée universaliste, comme ICI ¢t ailleurs (AUPELF/EDICEE, 1997), on commence a trouver un enseignement du FLS inséré fortement dans un contexte culturel francophone mondial. La force de la norme en FLS Les caractéres ‘Au terme de cette étude, on peut essayer de dégager quelques ¢a- ractéres de la norme en FLS. On a déji noté le poids du linguistique et du métalinguistique. Il faut y ajouter que les questions linguistiques abordées sont souvent traitées d’une maniére dogmatique : « En pré- sence d'un verbe on doit toujours rechercher le sujet » (Mariam CE2,p. 99). L’dbondance des informations linguistiques s’accompagne d'une certaine rigidité dans Vapprentissage. Par exemple, sont fréquents les encadrés a apprendre par coeur. De plus les activités préférentielles de certains manucls de FLS sont des activités de repérage, d’étiquetage ou de classement. De ce point de vue, Parcours CE2 est exemplaire ; la pre- mire legon de vocabulaire consiste & classer les mots et on retrouvera un exercice de classement au moins une fois par lecon. ‘Autre caractére de la norme en FLS, accent mis sur Pécrit, avec une forte insistance sur la lecture et la compréhension bien plus que sut la production, généralement réduite & un tout petit espace de la lecon. Seuls La Pirogue et Le Cabri et le chacal mettent en place une pedagogic spécifique de la production écrite, avec des pages particuliéces. La masse des connaissances grammaticales parfois complexes déversées, dans les autres manuels est rarement réinvestie dans la production d’écrits de communication. ‘Ainsi, le dogmatisme linguistique est-il souvent lié en FLS a une cer- taine rigidité pédagogique qui laisse peu de place & Vinnovation, la dis- cussion, Ia recherche, la comparaison. La force de la norme apparait plus grande qu’en LE, alors méme qu’est pronée une certaine liberté ar rapport au francais de France, bien visible dans le contexte culture] affiché. La fiction de la norme endogéne La distinction entre norme endogéne et norme exogéne écablie par les, sociolinguistes (notamment P. Dumont, 1990) est particuliérement im- portante en FLS et apite le débat linguistique : le francais a apprendre en situation de langue seconde doitil étre conforme au frangais de France, norme extéricure et done exogéne, ou bien a celui parlé dans le pays de communication, avec ses particularités locales, selon une nome endogéne ? Chaque camp 2 ses positions et ses arguments forts 2, ICTest un sgl, abrégé de « Tastrumental, communicasif, intensf » % Le Fangais aout La langue et ses rprsertaons » Arguments de l'universalité de communication, de prestige et de qualité de la langue, pour les partisans de la norme exogéne, arguments prag- matiques de la séalité quotidienne et de la proximité d'apprentissage pour les tenants de la norme endogéne. Les manuels, eux, ont tranché : le francais diffusé pour lenseignement en LS n’a pas grand chose voir avec le francais réellement parlé du pays. Disons, de maniére plus rnuancée, que lexistence d'une norme endogéne se marque uniquement dans le lexique, et encore ceci est il sensible seulement dans les manuels aVusage des pays dA frique. Les mots du frangais d'Afrique présents dans les manuels se répartis- sent en deux catégories : ceux qui appartiennent un lexique afticain «mondialisé », eels que tamn-tam, bongo, marigot, pirogue, case... et ceux gui relévent d'un lexique concret uiltaire : daba (orte de houe), canari (eécipient & liquide), filno (arbte), gombos (wariété de Iégumes), Rares sont les ouvrages qui donnent une vision plus précise du francais @'Aftique ; ainsi La Pirggue CM2 propose-t-elle une liste d'abréviations et de sigles spécifiquement africains. Mais nile lexique courant (comme « dibiterie » pour épicerie) ni les expressions fréquentes comme « de- mander la route » pout « prendre congé » ni es structures propres a ce frangais africain ne sont présents dans les textes ou les legons. Ainsi, une fois 6té le lexique référentiel ségional, le francais diffusé estil un frangais courant moyen, « universel » ou passe-partout, que les auteurs soient africains ou non, que le manuel soit fabtiqué en France ou en Afrique. La revendication identitaire locale s'arréte a la dénomi- nation de quelques éléments descriptifs, dénomination qui du méme coup prend une importance démesurée dans Pesprit des prescripteurs du manuel ; tel ouvrage méthodologiquement adapté a un pays ne sera pas adopté parce qu'il ne nomme pas certains objets a la maniére de ce pays. Cette conception trés restrictive de la norme endogéne, fortement lige & un passé colonial ct a une revendication identitaite, conduit 4 un paradoxe. Chaque pays d’Afrique francophone réclame un manuel de francais spécifique prenant en compte la réalité locale ; en méme temps il refuse la réalicé linguistique du francais tel quill est réellement parle dans le pays, du point de vue des structures. La crispation nationaliste sut la dénomination interdit du méme coup la réflexion généraliste sur Ja méthodologie du FLS et des démarches du type de celles qu’a connues la dicactique du FLE, universeliste et productive patce que non encombrée de problémes d'identité nationale. Conclusion La scolarisation en FLS explique-telle ces rigidités, ce peut d’intérét pour la communication et ce forcing métalinguistique ? En partie seu- Jement ; certes acquérir un frangais de scolarisation suppose une bonne 3. Le faneais d'Afrique comporte des partiulatés panaticsines et aes spécques A tel ou te pays, On ne distinguera pa ici ente les deux types dafianinmes. FLS et FLE: don ropisertatns cries def ome 7 maitrise des outils linguistiques et une connaissance scientifique de ceux-ci, car ils vont devoir étre réutlisés dans Pacquisition autres dis- ciplines et ils contribuent & l'élaboration de structures conceptuelles. Les enjeux sont trés différents de ceux de Papprentissage du FLE (Diagonals, 1997). Mais d’autres pesanteurs viennent empécher le déve- loppement d'une pédagogie A visée communicative : la tradition sco- hhire, basée souvent sur Pautorité exclusive du maitre, la répétition et Vapprentissage par coeur, les conditions matérielles d'enseignement et aussi lidée que 'apprentissage du FLS a une fonction de représentation du monde et non de communication, puisque d’autres langues servent 4 cette demnigre (G. Vigner, 1997), C’est oublier que la communication sert & Papprentissage, car il le motive, Ini donne un sens, et que les traditions pédagogiques peuvent évoluer. La nouvelle génération des manuels de FLS, plus ouverte surla communication orale et éctite, peut sider & transformer un ensejgnement qui allie norme linguistique et norme pédagogique dans un ensemble pesant qui décourage souvent les apprenants. Michéle VERDELHAN-BOURGADE, ; TUFM de Montpellier Equipe DIPRALANG-DIDAXIS Université Montpellier IIT Bibliographie + BovER H. (1985), « Quelle(@) compétence(#)enseignet ? Un itinésaire en didactique du FLE et quelques propositions », Trans de didactiue du FLE, n° 22, Montpellies, IEE.CFP- Montpelier I, + Duwonrt P. (1990), Le Frama laqque afin, Pais, L'Haemattan. + Duwonr P. & MAURER B. (1995), Socilngitique de rangair en Ajtigne francophone, Pais, EDICEF/AUPELE “ IREFA (1997), ICI ailkurs (Méthode de fcangais universel, 4" année), Patis, AU- PELF-EDICER, + MauneR B. (1997), « FLS : a variété des situations», Diagonal, n° 43, Pacis, EDI- CER + VERDELHAN-BOURGADE M. (1997), « Peit lexique », Diagonal, n® 43, Pacis, EDI- CER + VERDELHAN-BOURGADE M. (1995), « Lecture et langage en FLS : problémes co- nif et didactiques », TREALA, 2° 7, Montpelier, IUFM, Vicnex G. (1997), « Comment favoriser l'spprentissage du FLS ? », Diagonal, af 43, Pass, EDICEE,

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