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Laboratoire de Pharmacognosie, µ

de Bromatologie et de Nutrition
Université de Mons
humaine Faculté de Médecine
Professeur P. Duez et de Pharmacie
Université Libre de
Bruxelles
Institut de Pharmacie

NOTES PRISES AU COURS DE


PHARMACOGNOSIE

Charles Catherine

1
2
Avertissement

Ces notes partielles sont un reflet des 3 premiers chapitres du


cours tel que dispenés il y a quelques années; le cours étant
susceptible de modifications (ajouts, suppressions), elles n'ont
qu'une (bonne) valeur indicative.
Ces notes sont non revues par le Professeur.

3
Pharmacognosie

Chapitre 1 : introduction

La pharmacognosie est la science appliquée traitant des matières premières et des


substances à potentialité médicamenteuse d’origine biologique.
Dans tout ce cours, nous allons abondamment utilisé le mot « drogue », non pas au
sens psychotrope du terme, mais bien au sens médicamenteux.
Les drogues proviennent d’origines biologiques diverses : animaux, végétaux,
fermentation de micro-organismes, culture tissulaire ou cellulaire.
Ici sera surtout envisagée l’origine végétale de la substance ; on considérera donc
qu’une drogue est une matière végétale séchée.

La pharmacognosie a, au cours du temps, acquis de nombreux aspects et domaines :


 historique de plantes médicinales et inventaire de leur utilisation en médecine
traditionnelle (botanique, ethnopharmacologie)
 sélection, culture, récolte (agronomie), conservation et distribution des plantes
médicinales
 études abordant la biogenèse des constituants actifs et de leur isolement, l’étude
de leurs structures chimiques au moyen des méthodes modernes de
spectrométrie (phytochimie, biochimie végétale)
 études pharmacologiques, toxicologiques et cliniques (pharmacologie,
toxicologie, médecine)
 méthodes de standardisation (analyse pharmaceutique)
 mise au point de méthodes de production in vitro de métabolites secondaires au
moyen de culture de tissus u de cellules végétales (biochimie végétale,
biotechnologie).

Aujourd’hui, les plantes font souvent l’objet d’automédication (on vend tout et
n’importe quoi n’importe où). Il y a donc une nécessité de contrôles des matières
végétales vendues.
Les phytomédicaments devraient idéalement passer par le circuit pharmaceutique pour
assurer une bonne qualité et standardisation du produit. Il faudrait aussi pouvoir
réaliser des études pharmacocinétiques et des études cliniques pour prouver l’efficacité
des phytoproduits.

Aspects historiques

En 1895, la Thériaque, un phytomédicament constitué de 56 substances (alors


qu’aujourd’hui, on considère que 1 molécule = 1 médicament), est présente dans le
Codex. C’est une panacée qui fut déjà décrite par Galien en l’an 200, puis qui fut

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reprise par les médecins arabes et plus tard par les apothicaires. On en prenait même
quand on n’était pas malade pour rester en bonne santé ; c’est donc à la fois un
médicament de guérison et de prévention. La Thériaque a été fabriquée en France
jusqu’en 1908 !
Pour Avicenne (médecin arabe du 11ième siècle), il n’est pas possible de réaliser des
remèdes spécifiques ; on peut seulement rajouter à une base (comme la Thériaque) des
substances permettant un traitement symptomatique.

En 1899, il y a mise sur le marché de l’aspirine ; c’est le premier médicament


moderne. C’est une époque charnière caractérisée par le début de l’aire industrielle et
technologique (mise au point de techniques d’extraction, d’isolement, de purification,
de raffinement, de synthèse, …). C’est également à cette époque qu’ont été découverts
les alcaloïdes.

Du végétal au médicament

La vie est apparue il y a 3,5 milliards d’années, d’abord dans l’eau puis à l’interface
eau-terre.
Vers -900 000 000, la vie s’est développée sur la terre ferme.
Le milieu de la terre primitive est un milieu hypermutagène (UV, pas d’ozone,
radicaux libres, …). Au début, il n’y avait pas d’O2, donc les organismes vivants
étaient anaérobies. Puis l’O2 est apparu et avec lui la couche d’ozone, ce qui a
nécessité pas mal d’adaptations de la part des organismes, devenus ainsi aérobies.
Peu à peu 2 mondes se sont développés : celui des animaux et celui des végétaux.
Il y a une co-évolution entre ces 2 mondes, chaque espèce devant survivre et s’adapter
aux autres espèces et à leurs changements.
Le but des végétaux est de se reproduire, se nourrir (élaborer de substances) afin de
s’imposer dans un écosystème. Les végétaux sont immobiles, ils ont donc développé
des systèmes de communication chimique, qui sont le résultat de sélections
successives sous-tendues non pas par une finalité précise mais par le hasard.

Les lipides, glucides et protides sont des composés élaborés résultant du métabolisme
primaire (photosynthèse, glycolyse, cycle de Krebs). Des erreurs se sont produites
dans ce métabolisme : des mutations sporadiques ont permis l’apparition de nouveaux
composés. Les composés les plus intéressants pour la plante sont conservés (sélection)
et peu à peu la production s’affine.
Ces substances particulières sont les métabolites non-primaires ou secondaires et sont
l’objet de ce cours.
Les premiers phytochimistes pensaient que ces substances ne jouaient pour les
végétaux qu’un rôle marginal. On s’est rendu compte que cela était faux et qu’au
contraire elles exerçaient une action biologique essentielle pour les végétaux.
Ces substances sont de structures très variables. Les précurseurs de ces substances sont
directement pris du métabolisme primaire. Les métabolites secondaires sont donc
asservis au métabolisme primaire, ce qui explique les variations qualitatives et
quantitatives observées quand on étudie les plantes médicinales. En effet, le
métabolisme primaire varie au cours du cycle végétatif et en fonction des paramètres

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physico-chimiques imposés (altitude, température, eau, rayonnement) ; cela engendre
de grandes variations au niveau des substances primaires et donc au niveau des
substances secondaires également.

Si on veut des métabolites secondaires standards (càd constants au niveau quantitatif et


qualitatif), il faut standardiser les conditions de culture.

Comment comprendre que des substances élaborées par le végétal pour le végétal
puissent agir sur nos systèmes à nous ?
Il existe des récepteurs communs chez les animaux et chez les végétaux, par exemple
le récepteur au glutamate (transmission nerveuse chez les animaux, transmission du
signal lumineux chez les végétaux). En fait, on a mis pas mal de récepteurs (donc de
gènes car les récepteurs sont des protéines codées par des gènes) communs aux
végétaux et aux animaux.
Les plantes ne peuvent pas accumuler dans leurs cellules de substances qui leur
seraient toxiques mais ces substances peuvent être toxiques pour les animaux (par
exemple Conium maculatum).
Chez les animaux, l’action du métabolite secondaire se manifeste vis-à-vis de systèmes
physiologiques et biochimiques (SN, système respiratoire, système cardiovasculaire),
qui font la différence avec les végétaux (qui ne possèdent pas de systèmes comme
ceux-là).

Rôle des métabolites secondaires  Avantages évolutifs

 Au niveau du métabolisme primaire, par exemple :


La chlorophylle a un spectre d’absorption limité. La présence de pigments accessoires
comme les caroténoïdes et les flavonoïdes permettent d’avoir un spectre d’absorption
disponible pour les synthèses plus élevé. La plante peut ainsi croître dans de meilleures
conditions.  Amélioration des synthèses
Certaines pigments, par exemples les anthocyanes, qu’on retrouve dans les plantes de
montagne permettent de protéger la plante des UV (car quantité d’UV  quand altitude
).  Amélioration de la protection contre les UV
Les pigments permettent aussi à la plante de résister à l’action oxydative des
substances actives dérivées de l’oxygène : les caroténoïdes et les flavonoïdes sont de
bons piégeurs de radicaux libres.  Amélioration de la protection contre les
radicaux libres

Chez l’Homme, de nombreuses pathologies (vieillissement, cancer, …) sont liées aux


phénomènes d’oxydation. Si les caroténoïdes et les flavonoïdes sont des anti-oxydants
chez les végétaux, pourquoi n’exerceraient-ils pas la même action anti-oxydante chez
les animaux ???

 Au niveau des relations avec le monde extérieur


Certains métabolites sont des messagers chimiques véhiculant des informations à
l’encontre des végétaux et des animaux avoisinants. C’est la biocommunication.
Les plantes possèdent des moyens sophistiqués de défense contre les agresseurs : les
messagers chimiques peuvent limiter la propagation d’autres espèces végétales, écarter

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les éventuels prédateurs, conférer une résistance contre l’envahissement par des micro-
organismes (certaines substances élaborées ont une action antibactérienne ou
antifongique), … Ex : la galle du chêne (épaississement des parois cellulaires et
production d’enzymes et de phytoalexines qui bloquent le développement des
parasites)

Les phytoalexines sont des substances sécrétées suite à une situation de stress (+
métabolisme primaire et secondaire). Elles peuvent être synthétisées sous forme
inactives dans la plante et acquérir leur toxicité une fois à l’extérieur du végétal.
Ex : les hétérosides cyanogènes contenus dans des vésicules chez certaines plantes ne
révèlent leur toxicité que lorsqu’un prédateur mange la plante
La toxicité des phytoalexines apparaît en général en présence de micro-organismes
et/ou de prédateurs. Ex : le resvératrol (IS dans l’eau) qu’on retrouve dans la peau du
grain de raisin et qui a des propriétés anti-oxydantes et anti-tumorales (on en trouve
beaucoup dans le vin rouge).

Dans les forêts tropicales, il y a compétition pour atteindre la lumière. Les plantes font
donc de grandes et longues tiges pour atteindre la canopée. A la canopée, la production
de phytoalexines est activée.  Les substances élaborées par la même plante en-
dessous et au niveau de la canopée sont différentes (souvent, les substances
synthétisées au niveau de la canopée sont plus actives) !!!

Discrimination entre plantes alimentaires, médicinales et toxiques

Les exigences des animaux regroupent les mêmes exigences que les végétaux + celles
liées à un niveau de conscience qui fait qu’il y a nécessité de se soigner (éveil de la
conscience chez les premiers hommes).
Le choix des espèces végétales pour se nourrir et se soigner a résulté de tâtonnements
complexes, heureux et malheureux.
C’est à la suite de ces nombreux tâtonnements qu’ont pu être déterminés quelles
plantes étaient alimentaires, médicinales ou toxiques.
Ces tâtonnements étaient inspirés par l’observation de ce que faisaient les autres
espèces. Au sein d’un même biotope, les choix peuvent converger ou diverger selon
les espèces.

L’Homme de Neandertal utilisait 8 plantes médicinales ; aujourd’hui, un nombre


énorme de plantes est utilisé pour se soigner !

Il peut y avoir préférence pour certaines espèces de végétaux contenant des nutriments
particuliers à certains moments. Par exemple, les singes colores mangent de l’argile ou
du charbon de bois (alors que ces 2 substances n’ont pas d’effet attracteur sur le singe)
pour neutraliser les tanins des plantes alimentaires qui précipitent les protéines et
engendrent donc des carences nutritionnelles.  Besoin de se soigner pour ces
singes !
Quand les chimpanzés ont des problèmes gastro-intestinaux parasitaires, ils
consomment de la Vernonia amygdalina qui présente des propriétés anti-parasitaires.

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 La nécessité de se soigner est quelque chose de très primitif !
La rencontre entre l’homme et la plante amère, astringente et irritante (quand on en
consomme, il y a action immédiate : on vomit) a permis de découvrir le concept de
cause à effet.

On peut considérer que la pharmacie est plus ancienne que la médecine : les agents
curatifs ont été utilisés bien avant la découverte des maladies. Les
pharmaciens/médecins étaient (et sont encore dans certains endroits du globe) ce qu’on
appelle des guérisseurs traditionnels. Ceux-ci se transmettent leur savoir par voie orale
(on parle de tradition orale). Par exemple, les guérisseurs connaissaient les curarisants
(médicaments à effet paralysant) ; les pointes de flèche en étaient imprégnées ;
l’animal était ensuite tué avec ces flèches puis mangé ; cela signifie qu’ils avaient
découvert par expérience (grand courage de la part des premiers goûteurs) que les
curarisants n’étaient pas résorbés au niveau intestinal.

Le concept de cause à effet immédiat (il mange la plante, il meurt  cette plante est
toxique) permet le processus de sélection. Si l’effet est non détecté ou non immédiat
(néphrotoxicité, hépatotoxicité, tératogénicité, …) la relation de cause à effet n’est pas
établie. Ex : Crotalaria retusa est une plante qu’on trouve en Guadeloupe provoquant
de graves affections hépatique car elle contient des alcaloïdes toxiques
(pyrolysinidine).

 L’usage traditionnel d’une plante ne constitue en rien une preuve de l’innocuité de


cette plante !!!

Préhistoire du médicament

- La sélection des espèces médicinales a résulté d’expérimentations par l’homme


sur l’homme.
- Le processus de sélection a été entièrement empirique : les remèdes de bonne
femme sont en fait des remèdes de bona famae, çàd de bonne réputation.
- Le règne végétal offre une ressource inépuisable de molécules étonnamment
variées. Les substances médicinales proviennent de processus combinatoires de
diverses réactions et enzymes (combinaisons possibles très très nombreuses
donc).
Potentiellement, toutes les plantes peuvent être médicinales mais il y en a
encore tellement qu’on ne connaît pas encore !

 La phytothérapie n’est pas de la médecine douce, c’est de la chimiothérapie !!!


 La phytothérapie n’a rien à voir avec la phytopharmacie (= ensemble des produits
qui servent à soigner et traiter les plantes) !!!

L’homme utilise 20 % du règne végétal pour se soigner et se nourrir.

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 Plantes alimentaires : innocuité démontrée par un usage fréquent ; la toxicité de
certaines espèces est écartée par l’usage sélectif de certains organes ou par les
traitements culinaires.
 Plantes médicinales et alimentaires : les bénéfices nutritionnels de certaines de ces
plantes ambivalentes (par exemples les plantes aromatiques) sont accompagnés d’une
réduction des risques de maladies chroniques et dégénératives (effets à confirmer).
 Plantes médicinales de type a : l’usage traditionnel de ces plantes est l’indice d’une
toxicité faible qui reste cependant à confirmer ; leurs bénéfices et effets indésirables
sont tels que l’utilisation d’extraits totaux ou partiellement purifiés, correctement
standardisés, est envisageable.
 Plantes médicinales de type b : pour ce groupe, les bénéfices et effets indésirables
sont tels que l’isolement du ou des constituants actifs est indispensable (hémi-
synthèses, synthèses totales, modifications structurales).
 Plantes toxiques : la valeur du rapport bénéfices thérapeutiques / effets indésirables
est défavorable ; donc il n’y a pas d’exploitation directe en thérapeutique de ces
plantes sans d’éventuelles modifications structurales.

Le risque provient des plantes qui se situent à l’interface entre les différentes
catégories présentées ci-dessus.

Aperçu de l’histoire de la matière médicale

-3000 : Tablettes de l’époque sumérienne citant 3 plantes (jusquiame, mandragore,


opium) ; ce sont les documents les plus anciens.

-1300 : Papyrus égyptiens parlant de 700 plantes et de leurs usages

 Jusque-là, soigner est un art magique et religieux : il faut exorciser le démon de la


maladie !

-300 à +500 : Hippocrate et son école introduisent la conception actuelle de la


médecine ; les notions de pathologie, diagnostic et traitement
apparaissent.
Galien classe les plantes médicinales selon leurs actions.

750 à 1258 : C’est l’apogée de l’Empire arabo-musulman qui est un empire immense
avec Bagdad comme centre culturel et commercial (activité très intense).
Un grand nombre de marchandises provenant de partout y circulaient. Les remèdes
traditionnels ont ainsi commencé à circuler.
Avicenne a traduit les manuscrits de médecine grecs. Il a également conceptualisé
l’ensemble des connaissances sous le nom de « médecine arabe ». Le développement a
été énorme : en 1249, 1700 plantes sont décrites ! A cette époque, les premiers Codex
(pharmacopées) apparaissent.

Moyen-Age chrétien : En Europe, le MA chrétien conserve le savoir-faire

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pharmacothérapeutique des anciens, surtout dans les monastères
et
dans les premières universités (qui sont créées à cette époque).
La
médecine arabe et les épices sont introduites grâce aux Croisés.

16ième siècle : Paracelse pense qu’il peut extraire d’une plante ce qu’il appelle la
quintessence, càd le principe actif.
Ensuite, il y a une plus grande ouverture de monde avec introduction de
nouvelles drogues (par exemple le tabac).

18ième siècle : Les premières spécialités apparaissent (par exemple l’eau de mélisse des
Carmes qui existe toujours aujourd’hui), ainsi que la notion de propriété.
L’industrie pharmaceutique naît.

19ième siècle : L’industrie pharmaceutique se développe.

 Le pharmacien moderne est l’héritier des connaissances pharmaceutiques du


monde
entier !

Pour avoir les mêmes effets aux mêmes doses, il faut assurer la standardisation des
plantes médicinales.
Vers 1800, des méthodes d’extraction apparaissent ; puis, vers 1850, les structures sont
progressivement analysées. On a ainsi pu réalisé des hémi-synthèses puis des
synthèses. Les chimistes se sont peu à peu écartés des produits naturels pour
synthétiser des molécules originales.
Vers 1990-92, les biotechnologies apparaissent : production d’Hb par des plantes,
production de vaccins par des bananes, …).
Les plantes sont des modèles chimiques originaux et méritent donc d’être encore
étudiées car il reste beaucoup de choses à découvrir.
 Les plantes médicinales constituent un champ d’investigation très large pour les
recherches futures.

De la médecine traditionnelle au médicament moderne

On peut utiliser :
- plante entière (tisanes, infusions, …)
- partie de la plante (tisanes, infusions, …)
- extrait (teintures, …)
- constituants actifs (alcaloïdes de la belladone par exemple)
- constituants actifs purifiés (hyoscyamine, scopolamine)

+ hémi-synthèses qui permettent de modifier les 2 alcaloïdes


Ex : - la butylscopolamine est non résorbée, donc son action est intestinale

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et pas centrale.
- l’isopropylatropine est indiquée dans le traitement de l’asthme.

 Plantes médicinales = réservoir de modèles pour les pharmacochimistes

Les plantes dans la thérapeutique actuelle

Phytothérapie = chimiothérapie  voir transparent

Il y a 2 catégories de médicaments :
 médicaments de clinique et d’urgence
Ces médicaments traitent généralement des maladies graves et/ou aiguës.
Les phytomédicaments y tiennent une place réduite. En effet, on privilégie
l’administration du principe actif purifié seul : on donne du taxol et pas de l’écorce
d’if, on donne de la digoxine et pas de la digitale, …

 médicaments de confort et ambulatoires


Ils traitent le plus souvent des maladies bénignes.
Les phytomédicaments y tiennent une place importante : on donne des plantes (extrait,
plante entière, tisane, …) pour le traitement symptomatique de maladies où l’effet
placebo est important. Ex : extrait de valériane pour les insomnies légères
Ces médicaments augmentent le confort : ils permettent de mieux dormir, mieux
digérer, mieux vivre en somme ! Leur pharmacologie est faible.
Il y a trois types de végétaux ou d’extractifs végétaux :
- contenant un ou un nombre très réduit de substances actives dont les activités
pharmacologiques individuelles sont bien connues (par exemple la belladone)
- contenant plusieurs constituants actifs connus agissant en synergie et dont les
activités pharmacologiques individuelles ne sont pas encore bien précisées (par
exemple le Ginkgo biloba)
- dont les activités pharmacologiques ne sont encore définitivement établies et
dont les constituants actifs doivent encore faire l’objet d’études
phytochimiques.

Cas des pays en voie de développement

Le graphe nous montre que le marché des médicaments est très important dans les
pays industrialisés (Europe et Amérique du nord) et l’est beaucoup moins dans les
pays en voie de développement.
Les recherches pharmaceutiques sont surtout axées sur les maladies rentables, càd les
maladies « endémiques » et fréquentes des pays industrialisés telles que
l’hypercholestérolémie, l’insuffisance cardiaque, les cancers, … Les maladies typiques
des pays en voie de développement, telles que les maladies parasitaires sont laissées
pour compte ; les PVD doivent donc recourir à la médecine traditionnelle. L’OMS

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souhaiterait faire des phytomédicaments sur base de la médecine traditionnelle
destinés à ces pays afin d’égaliser un peu le marché.
D’autres maladies « abandonnées » par la recherche pharmaceutique sont les maladies
orphelines, qui, comme leur nom l’indique, ne touchent que très peu de personnes (
pas rentable).
Il y a donc une question de rentabilité là-dedans : les recherches pharmaceutiques sur
telle ou telle maladie sont orientées en fonction de la rentabilité qu’auront les
médicaments développés.

Produits d’origine naturelle et nouveaux médicaments

On constate qu’une bonne partie des nouveaux médicaments enregistrés entre 1983 et
1994 est d’origine naturelle.
Peu de médicaments biologiques ont été enregistrés mais leur place devrait augmenter
peu à peu.

Quelques vieilles molécules toujours irremplaçables

Pavot  3 actions : analgésique, antitussif, anti-diarrhéique


Saule  aspirine (anti-inflammatoire non stéroïdien)
Colchique  colchicine dans le traitement de la goutte
Digitale  hétérosides cardiotoniques
Quinquina  quinine anti-malarique

Théorie de la signature
Cette théorie dit qu’une plante soigne ce à quoi elle ressemble.
Ex : - le bulbe de la colchique ressemble à un orteil de goutteux  colchique
OK
pour traiter la goutte.
- le saule a ses racines dans l’eau  saule OK pour traiter les
rhumatismes.

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Chapitre 2 : les voies de biogenèse

1. Méthodes d’étude des voies de biogenèse


2. Origine des briques du métabolisme secondaire

1. Méthodes d’étude

Les métabolites secondaires dérivent des primaires et sont asservis au métabolisme


primaire.
Tout cela est très précis : le métabolisme secondaire suit des voies bien précises et
dépend des briques provenant du métabolisme primaire.
Pour faire des études et reconstituer des voies de biogenèse, on utilise la spectrométrie,
la chromatographie, … et on fait largement appel à des traceurs marqués (isotopes
stables comme 13C, 15N, ou radioactifs).
Dans le cas des traceurs radioactifs, on suit l’incorporation de la radioactivité dans les
voies. Dans le cas des isotopes stables, on utilise la chromatographie (gazeuse souvent)
associée à la spectrométrie de masse.
Des problèmes peuvent apparaître qui pourraient mener à des conclusions erronées :

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- Il faut administrer le marqueur à la plante mais ce marqueur peut être contaminé
par des bactéries ; une métabolisation par ces bactéries est possible !
- Les marqueurs peuvent être contaminés par de la radioactivité.
- Les marqueurs peuvent ne pas arriver au site de biogenèse désiré !
NB : les marqueurs sont en fait des précurseurs de molécules biologiques.

1. Production des traceurs

On produit les traceurs par incorporation de radioactivité (a) ou d’isotopes stables (b).
a) Beaucoup de composés (traceurs) sont obtenus naturellement : on cultive le
végétal dans une atmosphère chargée de CO2 marqué par du 14C .  les
composés synthétisés par la plante seront marqués par le 14C ! Un autre
marqueur fréquent est le tritium 3H, un gaz qui permet une hydrogénation
catalytique marquée.
b) Les isotopes, tels que 2H, 13C, 15N ou 18O, ont une abondance naturelle très
faible. L’utilisation du 13C a un avantage : on peut utiliser la RMN en 13C et
savoir ainsi très facilement où sont les 13C dans la molécule ; mais cette
méthode a quand même un désavantage : il faut une grosse quantité de produit
(3-4mg) pour pouvoir faire la RMN, ce qui n’est pas pratique au point de vue
expérimental (alors que pour la spectrométrie, une très petite quantité de produit
est suffisante).

2. Introduction des traceurs

Il y a plusieurs possibilités d’introduction des traceurs dans le végétal :


 On met le traceur à incorporer dans la solution nutritive destinée à la plante.
 On injecte directement le traceur (bonne méthode pour les plantes à tige creuse
telles que les Opiaceae).
 Pour les plantes à tige rigide, on peut réaliser une fente dans cette tige et y
introduire un coton imbibé de la solution de marqueur.
 On peut aussi couper la tige et la faire tremper dans la solution contenant le
marqueur.

3. Exemples d’utilisation des précurseurs marqués

Double incorporation

Après introduction d’un traceur radioactif précurseur dans la plante, ce n’est pas parce
qu’il y a radioactivité dans la plante que c’est gagné ! En effet, le précurseur peut être
dégradé ou entraîné dans une autre voie de biogenèse qui n’est pas celle désirée.
 Il y a détournement de notre marqueur.
Dans ce cas, les métabolites du précurseur introduit présentent des atomes marqués à
des endroits bizarres (càd pas là où on s’attendait à les voir).
Pour éviter ces problèmes, on peut réaliser un marquage avec le même isotope à 2
endroits différents ou avec 2 isotopes différents.  C’est la double incorporation !
Ex (voir transparent) : on désire savoir quel N ferme le cycle.

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1ier cas : on réalise un double marquage du C et du N de gauche.
 Le N marqué disparaît du métabolite obtenu (anabasine), le C marqué reste.
2ième cas : on réalise un double marquage du C et du N de droite
 Le N marqué et le C marqué sont toujours là : on retrouve le double marquage !
C’est donc le N de droite qui ferme le cycle de l’anabasine !

Il n’est pas toujours nécessaire de faire la double incorporation ; il y a en effet


beaucoup de molécules de lysine présentes ; on en marque une partie au niveau du C et
l’autre partie au niveau de N.  C’est comme s’il y avait un double marquage des
lysines !

Administration compétitive

B
A* C* 1. A marqué  C marqué = 100
B’ 2. A marqué + B non marqué  C marqué << 100
Une partie des B s’incorpore dans C ; donc C* .
3. A marqué + B’ non marqué  C marqué = 100
Quand on ajoute B’, c’est comme s’il ne se passait rien vu que
la voie ne passe pas par B’ !
B
A* C* 1. A marqué  C marqué = 100
B’ 2. A marqué + B non marqué  C marqué= 100
3. A marqué + B’non marqué  C marqué << 100

Analyse séquentielle

On cultive la plante dans une atmosphère avec du 14CO2 et on analyse, qualitativement


et quantitativement, à intervalles réguliers, les métabolites synthétisées par les plantes.
On peut ainsi analyser la séquence d’incorporation des marqueurs : on peut suivre
l’apparition de 14C dans les métabolites.
C’est une très bonne méthode pour étudier les plantes à HE. Dans l’exemple du
transparent, on a réalisé une analyse séquentielle de Mentha piperita. On a prélevé
l’huile essentielle de Mentha piperita à différents moments après administration de
CO2 radioactif. L’huile essentielle de cette plante est constituée surtout de terpènes qui
se ressemblent fort. Grâce à l’analyse séquentielle, on peut déterminer dans quel ordre
ces terpènes se suivent. L’analyse séquentielle a également permis de découvrir que,
selon l’éclairage de la plante (cycle jour/nuit), les proportions de menthofuranne et de
menthol produites sont différentes !
 L’analyse séquentielle permet de déterminer l’ordre d’apparition des métabolites
dans certaines voies de biogenèse, surtout celles concernant les huiles essentielles.

4. Localisation des métabolites marqués dans les tissus (autoradiographie)

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On met les coupes d’organe en contact avec une émulsion de nitrate d’argent puis on
fait une autoradiographie de la coupe. L’autoradiographie nous montre à quel(s)
endroit(s) le C radioactif a été incorporé.
Cette technique permet également de voir les translocations des principes actifs d’un
organe à l’autre de la plante. Par exemple, les alcaloïdes voient leur structure changer
(déméthylation, hydroxylation, …) lors des transferts d’un organe à l’autre.
NB : une variante de la technique consiste à autoradiographier la plante tout entière.

5. Cultures d’organes ou de tissus in vitro

De nombreuses interférences peuvent provenir de la métabolisation secondaire. Pour


les éviter, on peut réaliser des cultures d’organes ou de tissus in vitro. Par exemple, si
on veut étudier le métabolisme au niveau des feuilles, le métabolisme des racines et de
la tige peuvent interférer ! Donc pour éviter ces interférences, on cultiver in vitro des
cellules de feuilles !
Le problème de ce type de culture est que, in vitro, il peut y avoir des déviations du
métabolisme, surtout si le précurseur est impliqué dans plus d’une voie métabolique.
Cette méthode ne garantit donc pas le parallélisme entre ce qui se passe dans la plante
en réalité et dans la culture in vitro.
Elle permet également d’étudier les effets de l’haploïdie et polyploïdie sur le
métabolisme.

6. Greffes

Les greffes permettent d’étudier dans quels sites se font le métabolisme primaire et
secondaire.
Par exemple, des greffons de Datura stramonium (contient des alcaloïdes) ont été
placés sur des plants de tomate (ne contient pas d’alcaloïdes) et des greffons de tomate
ont été placés sur des plants de Datura stramonium.
Il en résulte que les feuilles de tomate provenant des greffons de tomate placés sur des
plants de Datura stramonium contiennent et accumulent des alcaloïdes ; alors que les
feuilles de Datura stramonium provenant des greffons de Datura stramonium placés
sur des plants de tomate n’en contiennent pas.
 Ces résultats nous montrent 2choses :
1) le site de synthèse des alcaloïdes de la stramoine est la racine,
2) ensuite il y a translocation de ces alcaloïdes dans les feuilles.

7. Souches mutantes

Pour les micro-organismes, réaliser et cultiver des souches mutantes est une chose
aisée.
Les souches mutantes permettent d’inhiber certains enzymes et d’obtenir ainsi des
voies métaboliques déviées.
Pour les végétaux, les souches mutantes sont très difficiles à obtenir.

8. Apports de la chimiotaxinomie

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Plusieurs genres d’une même famille végétale produisent parfois des constituants assez
voisins. Par exemple, beaucoup de Solanaceae produisent des alcaloïdes anti-
cholinergiques ; beaucoup d’Apiaceae produisent des huiles essentielles ; et beaucoup
de Pinaceae produisent des résines.
Il existe donc un lien entre la position taxinomique d’une espèce et les métabolites
produits !
Certains métabolites caractérisent un nombre limité d’espèces, quelques familles ou
même un ordre tout entier. Ex : - la morphine se retrouve dans 2 espèces de Papaver
(somniferum et setigerum)  distribution taxinomique étroite !
- la protropine se retrouve dans toutes les espèces de
Papaver.
Pour les constituants qui ont une biogenèse banale (et qui se retrouvent donc un peu
partout), la distribution taxinomique n’est pas utilisable. Par exemple, les précurseurs
de la nicotine sont l’acide nicotinique et l’ornithine (un acide aminé banal) ; ces 2
précurseurs sont omniprésents, donc on trouve la nicotine dans plein de plantes
(bryophytes, Asteraceae, …).
 Chimiotaxinomie = systématique biochimique !
Cette classification permet de postuler les espèces à étudier en fonction des
constituants qui nous intéressent. Elle permet également de postuler sur le genre de
principe actif qu’on va retrouver dans une plante inconnue par rapport à sa position
chimiotaxinomique.

!!! Plus la voie de biogenèse est banale, plus le constituant est largement distribué dans
le règne végétale ; plus la voie est spécifique, moins c’est largement distribué !!!

2. Origines des briques du métabolisme secondaire

1. Cycles du métabolisme primaire

Les briques de base pour le métabolisme secondaire sont les intermédiaires


fondamentaux du métabolisme primaire.

 La photosynthèse

La photosynthèse est le cycle fondamental d’incorporation des C.

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Les plantes sont des organismes phototrophes qui, à partir de CO2, H2O et de lumière,
sont capables de synthétiser tous les composés organiques.
La brique fondamentale élémentaire est donc le CO2, qui est en fait la source de C de
la plante. Les C permettent la synthèse de toutes les molécules organiques (acides
nucléiques, amidon, …).
Les pigments (le principal, la chlorophylle, et les accessoires, le caroténoïde et le
flavonoïde) permettent l’absorption de la lumière et donc le transport d’électrons à
travers des transporteurs liés aux membranes thylakoïdes des chloroplastes. Le résultat
net est l’oxydation de l’H2O en O2 ; cet O2 génère des électrons qui vont permettre la
synthèse de NADPH, et des protons qui permettent la synthèse d’ATP.
Les produits résultant de la photosynthèse sont le glycéraldéhyde-3-phosphate qui
s’interconvertit en dihydroxyacétone - phosphate. Ces molécules peuvent :
- entrer dans la glycolyse et fournir ainsi de l’énergie à la plante
- entrer dans le métabolisme osidique et permettre la synthèse d’oses.
La transaldolase peut combiner les 2 produits résultants : on obtient ainsi du fructose-
1,6-diphosphate. Celui-ci perd un phosphate (action de la fructose-1,6-diphosphatase)
et devient donc du fructose-6-phosphate qui peut suivre 2 voies :
1) il peut rentrer dans la synthèse des oses, des osides, de l’amidon, …
2) il peut se combiner à un glycéraldéhyde-3-phosphate pour donne un ose en C9
qui se décompose en erythrose-4-phosphate (C4) et en xylulose-5-phosphate
(C5).
L’érythrose-4-phosphate n’existe pas à l’état libre et constitue donc une brique
élémentaire entrant dans la constitution des métabolites secondaires.

 La glycolyse

La glycolyse consiste en la dégradation du glucose en pyruvate.


La glycolyse est la voie de dégradation principale des glucides : les glucides finissent
donc par s’y retrouver.
Les 2 produits résultant de la photosynthèse peuvent aussi y rentrer.
Ce cycle comporte 2 intermédiaires importants : le phosphoénolpyruvate (composé
riche en énergie) hydrolysé en pyruvate avec formation d’ATP. Le pyruvate est le
produit de catabolisme commun à tous les glucides ; c’est aussi le produit de
dégradation de certains acides aminés.
Le pyruvate entre dans la mitochondrie où il va majoritairement être oxydé et
décarboxylé. La pyruvate déshydrogénase va permettre finalement d’aboutir à l’acétyl-
Coenzyme A ou acétate activé, qui est :
 une molécule riche en énergie
 une charnière du métabolisme
 constitué de 3 parties : -mercaptoéthylamine, acide pantothénique et 3’-
P-ADP
 le produit de catabolisme commun aux oses, acides gras et corps
cétoniques
 le substrat n° 1 du cycle de Krebs
 une source de groupements acétyl- et acyl- ; son action métabolique
concerne le transfert de ces groupements

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 une source pour la biogenèse des acides gras (carboxylation en malonyl-
CoA)
 à l’origine de la synthèse de mévalonate (biosynthèse des terpènes).

 Le cycle de Krebs

Le cycle de Krebs est le cycle des acides tricarboxyliques.


L’acétate activé est dégradé en CO2. Cette dégradation permet un transfert d’énergie
sur les coenzymes NAD+ et FAD. L’énergie est récupérée par la chaîne de respiration
mitochondrienne pour obtenir de l’ATP.
Dans ce cycle, 2 intermédiaires sont des briques du métabolisme secondaire : l’-
cétoglutarate et l’oxaloacétate. Ces 2 molécules constituent des briques pour la
synthèse d’acides aminés, de flavonoïdes et d’alcaloïdes.

L’-cétoglutarate subit une amination réductive grâce à du NADH (le N est fourni
par une glutamine) pour donner de l’acide glutamique. L’acide glutamique se
transforme facilement en glutamine : ce couple joue un rôle important dans le transfert
de groupes aminés par réaction de transamination (synthèse d’acides aminés).
Généralement, les sources de N sont la glutamine et l’acide glutamique.
L’acide glutamique est l’origine de 3 acides aminés, qui permettent la synthèse
d’alcaloïdes :
o amination réductive de l’acide glutamique (le N est fourni par la glutamine)
 ornithine
o cyclisation de l’acide glutamique  proline
o l’arginine est produite par le cycle de l’urée, qui est une séquence complexe de
réactions : piégeage d’un ammonium par le carbamoyl-P, puis ce carbamoyl-P
ainsi azoté se condense avec de l’ornithine pour donner de la citrulline , et enfin
un groupe aminé supplémentaire (provenant de l’aspartame) est ajouté à la
citrulline.

L’acide oxaloacétique est transformé en acide aspartique par amination réductive


avec la glutamine comme donneur de N. Cet acide aspartique peut incorporer un
pyruvate provenant de la glycolyse : on forme ainsi la lysine.
L’acide aspartique est aussi le précurseur d’autres acides aminés (méthionine, arginine,
…).

L’histidine est un acide aminé intéressant car il entre dans la formation des alcaloïdes.
Cet acide aminé comporte un cycle imidazole provenant des bases nucléiques (AMP).
Il y a rupture du cycle imidazole de l’AMP et du ribose ; puis il y a une rupture
supplémentaire et on aboutit à l’histidine.
 L’imidazole de l’AMP n’est pas l’imidazole de l’histidine (les 2 N de l’imidazole
proviennent de la glutamine et du glutamate) : il n’est pas repris tel quel pour former
celui de l’histidine, il subit des transformations !

2. Acide mévalonique et unités isoprènes

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Le mévalonate, en empruntant la voie du squalène et du cholestérol (unités
isoprénoïdes), est à l’origine de la synthèse des terpènes.
2 acétyl-SCoA se combinent pour donner de l’acéto-acétyl-SCoA. Un 3ième acétyl-
SCoA se rajoute pour former le -hydroxy--méthylglutaryl-SCoA. Cette molécule est
réduite par le NADPH en mévalonate (structure en croix). Le mévalonate est ensuite
activé par du pyrophophate (provenant de 2 ATP) ; on obtient du 5-
pyrophosphomévalonate, qui est le substrat d’une décarboxylase ; il y a donc perte de
CO2 et de 2 H2O et formation d’une double liaison. Cela aboutit au pyrophosphate
d’isopentényle qui est lui-même le substrat d’une isomérase et qui peut donc
s’isomériser en pyrophosphate de diméthylallyle. Ces 2 dernières molécules
constituent des briques qui sont à l’origine de beaucoup de métabolites secondaires !

Condensation des unités isoprènoïdes

On a considéré que les terpènes pouvaient être formés à partir d’unités isoprénoïdes
(motif C4+C1 avec 5 C dont un est une ramification).
La règle de l’isoprène biogénétique (1953) est une théorie (règle empirique sans base
biochimique) selon laquelle l’apposition d’isoprènes permet d’expliquer la formation
de nombreux produits naturels (monoterpènes, triterpènes, stéroïdes, caoutchouc, …).
Sur le transparent, les molécules de droite sont des terpènes, constitués de
juxtaposition d’unités 4+1 :
 2 unités terpéniques  molécule en C10 = monoterpène
 3 unités terpéniques  molécule en C15 = sesquiterpène
 6 unités terpéniques  molécule en C30 = triterpène (par exemple le
squalène)
 8 unités terpéniques  molécule en C40 = caroténoïdes
 beaucoup d’unités terpéniques  longue chaîne linéaire comme le
caoutchouc.

La règle de 1953 permet de poser des hypothèses rationnelles quant au fonctionnement


de cette voie métabolique.
Une fois édictée, cette règle a été testée avec des traceurs radioactifs, des inhibiteurs
enzymatiques, des cultures in vitro, …
Grâce à l’hypothèse de départ, on a pu complètement décortiquer la voie métabolique
des terpènes : on a découvert l’acétyl-CoA, le mévalonate, le PP (pyrophosphate)
d’isopentényle, … puis toute la voie et son déroulement.

3. Biogenèse des dérivés aromatiques

Les champignons, les bactéries et les plantes sont capables de synthétiser des
composés aromatiques.
Les cycles aromatiques sont généralement très stables mais ne sont pas pour autant
présents dans l’environnement.
Les animaux utilisent des métabolites aromatiques mais ne sont pas capables de les
synthétiser.
Chez les organismes qui synthétisent des aromatiques, il y a 2 voies de genèse :

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1) La voie principale passe par l’acide shikimique :
Le phosphoénolpyruvate (PEP) provenant de la glycolyse se condense avec
l’érythrose-4-P pour donner une molécule en C7 comportant un cycle en C6, l’acide 3-
déhydroquinique. Puis il y a perte d’une molécule d’eau et donc introduction d’une
double liaison : on obtient l’acide 3-déhydroshikimique. Puis cette molécule est réduite
par le NADPH et on aboutit à l’acide shikimique, qui est l’intermédiaire principal de
toutes les molécules aromatiques.
Cet acide shikimique est activé par une kinase ; puis un 2ième PEP s’y additionne avec
perte d’eau et apport d’une 2ième double liaison : on aboutit ainsi à l’acide chorismique.
Ensuite, il y a 2 embranchements possibles :
a. Il y a réarrangement de l’acide chorismique ; le PEP change de C, puis il
y a une décarboxylation et une amination réductive qui introduit un NH2.
 on aboutit à la phénylalanine et s’il y a ajout d’un –OH en para on
obtient la tyrosine.
Cette voie mène aux briques de base des tanins, des lignames, de la vanilline, … ; elle
apporte en fait un squelette carboné de type C6+C3 (unité phénylpropane =
phénylpropanoïde), qui constitue la base de nombreuses molécules telles que les
coumarines, flavonoïdes, alcaloïdes (par exemple ceux de l’opium), …
b. C’est la voie menant au tryptophane : il y a ajout, sur l’acide
chorismique, d’un NH (provenant d’une glutamine), d’un C avec double
liaison permettant la fermeture de l’hétérocycle (grâce à l’intervention
d’un phophoribosyl-pyroP) et d’une sérine.
Le tryptophane comporte donc un hétérocycle, l’indole, qui est la base de quelques
alcaloïdes dits indoliques (strychnine, réserpine, ceux de l’ergot de seigle, et ceux de la
Pervenche de Madagascar qui sont des anti-cancéreux).

2) La voie secondaire est la voie acétate :


L’acétate occupe une place centrale dans le métabolisme.
La condensation d’unités acétates peut donner, par différents mécanismes, des
composés aromatiques.
Grâce à des traceurs radioactifs, on a pu déterminer l’existence de cette voie mais son
déroulement est encore obscur.
Le penicillium condense 4 unités acétates marquées (chacune une fois) pour donner un
cycle aromatique marqué 4 fois. Cependant, on ne connaît pas les étapes de ce
processus.
Chez les moisissures et les plantes supérieures, la condensation d’unités acétates de
manière linéaire mène à la formation de cycle anthraquinone (// formation des acides
gras chez nous). En fait, il y a condensation des unités acétates ce qui conduit à la
formation d’un oligomère linéaire. Ensuite, il y a fermeture des cycles (étapes
intermédiaires inconnues), suivie de réactions d’oxydation : on aboutit ainsi aux
anthraquinones (hémodine ici).
La genèse des tétracyclines s’explique par le même schéma.
!!!! Toutes les anthraquinones ne proviennent pas de cette voie ; par exemple,
l’alizarine résulte de la condensation d’acide shikimique avec des unités isoprènes !

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Beaucoup de voies et d’étapes intermédiaires sont encore mal connues car il est
difficile d’obtenir des intermédiaires marqués en quantité suffisante.
On sait par contre que sur base du métabolisme primaire (lui-même basé sur le
CO2, l’H2O et la lumière), tous les métabolites secondaires peuvent être
synthétisés.

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Chapitre 3 : systématique des métabolites secondaires

Pour chaque métabolite, on va voir :


 sa structure, sa classification et sa nomenclature
 sa biogenèse
 ses méthodes d’analyse (pharmacopées)
 son intérêt pharmaceutique et thérapeutique

1. Les oses et les osides

Classification

C’est un groupe qui rassemble aussi bien les substances énergétiques que celles de
réserve chez les végétaux. Ils tiennent donc un grand nombre de rôles différents !
Il y a 2 catégories : les oses simples et les osides ou oses combinés.
1) Oses simples :
 Aldoses : sucres aldéhydiques
 Cétoses : sucres cétoniques
 Dérivés osidiques : acide uronique, polyalcools (sucres réduits),
esters d’oses, oses aminés.
2) Osides :
 Hétérosides : oses couplés à quelque chose d’autre
 Holosides qui sont formés uniquement d’unités osidiques :
- polyholosides : plus de 10 unités oses, homogènes s’ils
sont constitués du même sucre, hétérogènes s’il y a
différents sucres dans la séquence
- oligoholosides : max 10 unités oses

Chez les végétaux, les composés sont souvent liés à des sucres pour former des
hétérosides ; cela permet d’augmenter l’hydrosolubilité de la molécule MAIS cela peut
rendre la biodisponibilité de la molécule fort inégale. En effet, pour qu’il y ait une
bonne résorption intestinale, il faut une hydrolyse enzymatique par la flore intestinale
et comme cette flore intestinale n’est pas identique chez tout le monde, il y aura une
grande variabilité dans la biodisponibilité de la molécule.
Cela rend également les études pharmacologiques plus difficiles à mener vu qu’il n’y a
pas de flore intestinale dans les cultures in vitro !
Dans les médicaments synthétiques, on ne couple jamais les molécules actives à des
oses !

Rappel de nomenclature

La disposition de la molécule selon Fischer permet de voir si l’ose appartient à la série


D ou L : si le dernier –OH est à droite, c’est la série D, et s’il est à gauche, c’est la
série L.

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La plupart des oses naturels sont D ; cependant, dans certaines bactéries, on peut
trouver des oses L.
L’appartenance à la série D ou L ne préjuge pas du pouvoir rotatoire de l’ose.
Les oses existent en fait sous forme cyclique.
 Si cyclisation en C1-C5 : cycle pyranique avec 6C
 Si cyclisation en C1-C4 : cycle furanique avec 5C

L’ose est dit  quand le dernier –OH dans le cycle (le même que pour Fischer donc)
est en-dessous du cycle ; l’ose est  quand ce –OH est au-dessus du cycle.
La forme « chaise » du cycle en C6 est la plus stable. Un isomère peut cependant être
favorisé par rapport à un autre de part des forces de répulsion moindres. Par exemple,
pour le glucose, c’est l’isomère  qui est favorisé.

Quelques oses simples des végétaux

Ce qui caractérise les oses chez les végétaux, c’est leur grande diversité. Il y en a
plusieurs centaines de sortes : certains universels, d’autres spécifiques à une espèce.

 Aldoses
 Pentoses : arabinose, xylose, ribofuranose.
 Hexoses : glucose (sucre le plus répandu), mannose (qu’on retrouve
surtout sous forme de polymères mananes), galactose (polyholosides
algues, mucilages, gommes).
 6-méthylpentoses (le groupement hydroxyle du C6 est remplacé par un –
CH3) : rhamnose, fucose (constituant fréquent des polyholosides des
algues, qui se retrouvent souvent sous forme d’ester méthylique).
 2,6-didésoxy-hexoses : digitoxose (hétéroside cardiotonique qu’on
retrouve surtout dans Digitalis purpurea ; ces hétérosides cardiotoniques
sont des sucres souvent méthylés).
 Cétoses
On trouve abondamment le fructose à l’état libre dans les fruits, dans les fructosènes
(inuline) et dans les fibres alimentaires prébiotiques (fibres non digérées par l’homme
mais fermentées par des micro-organismes spécifiques de la flore intestinale).

 Acides uroniques
Il y a oxydation de la fonction aldéhyde en –COOH (réactions redox possibles).
 Acide glucuronique : on le retrouve dans les mucilages, gommes, parties
osidiques des saponosides.
 Acide mannuronique : il se retrouve dans les polyholosides des algues.
 Acide galacturonique : on le trouve dans les pectines, gommes,
mucilages.

 Polyols
Ce sont des sucres réduits : il y a réduction de la fonction aldéhyde en fonction alcool.
 Sorbitol
 Mannitol

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 Inositol

 Esters d’oses
 Ester sulfurylé de galactopyranose : on en retrouve dans les
carraghénanes.
 Ester acétylé de digitoxose : on en retrouve dans les hétérosides
cardiotoniques.
 Oses aminés
 Glucosamine : on en trouve dans les glyco-aminoglucanes, qui se
polymérisent en chitine (constituant des insectes : du coup, certaines
plantes, champignons et algues élaborent des chitinases pour se protéger
des insectes).

Formation des osides

Les holosides résultent de la formation d’un lien glycosidique entre 2 oses :


R-OH + HO-R  R-O-R + H2O
 Il y a condensation entre 2 oses avec perte d’une molécule d’eau !
Les anomères  et  sont en équilibre (mutarotation). Dans les holosides, la
mutarotation ne se fait plus à cause du lien glycosidique.
Les liens glycosidiques peuvent se faire en 1-4 (le plus souvent) mais d’autres
configurations sont possibles aussi.
Si on fait plusieurs fois la réaction de formation du lien, on allonge peu à peu la chaîne
osidique.
Parfois les 2 fonctions aldéhydes sont à l’origine du lien (par exemple le saccharose) ;
dans ce cas, le sucre perd ses propriétés réductrices. Si les 2 fonctions aldéhydiques ne
réalisent pas le lien, les propriétés réductrices des oses sont conservées.

Quelques diholosides

 Saccharose : glucose sous forme de pyranose + fructose sous forme de


furanose
 Gentiobiose : 2 fructoses liés en 1-6
 Tréhalose : 2 glucoses liés en 1-1
 Cellobiose : 2 glucoses liés en  1-4 (= unité primaire de la cellulose)
 Maltose : 2 glucoses liés en 1-4 (= constituant de l’amidon)
 Isomaltose : 2 glucoses liés en  1-6

Il y a donc une très grande diversité structurale dans les oses de par :
- de nombreuses possibilités d’isomérisation
- de nombreuses possibilités d’enchaînement
- les différents types d’enchaînement

Les polyholosides

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C’est une association de plus de 10 unités osidiques.
Ils peuvent être :
 homogènes  hétérogènes
 neutres  acides (s’ils renferment de l’acide glucuronique, galacto-uronique ou
des oses sulfurylés)
 linéaires  ramifiés (branches le long de la chaîne)
 Dans la séquence périodique, les oses sont répartis le long de la chaîne
généralement linéaire selon un schéma répétitif (ex : cellulose, amidon, …) ; la
conformation du polymère est déterminée par la configuration du lien osidique :
- Si liens  1-4 : polymère en ruban très étiré (ex : cellulose)
- Si liens  1-4 : polymère de structure hélicoïdale
- Si liens 1-6 : grande liberté de rotation, conformation lâche
et flexible
 Dans la séquence interrompue, il y a alternance de zones périodiques et de zones
hétérogènes ; il y a donc de nombreuses possibilités d’interaction polymère-polymère,
ce qui favorise la gélification (ex : pectine).
 Dans la séquence hétérogène, il n’y a pas tellement d’interactions polymère-
polymère mais plutôt des interactions polymère-solvant.

La gélification

C’est une caractéristique intéressante des polyholosides.


La gélification consiste en la formation d’un réseau macromoléculaire tridimensionnel
solide qui retient entre ses mailles la phase liquide. Les gels sont donc des sortes
d’éponges moléculaires.
La gélification provient en fait de solutions vraies qui deviennent plus ordonnées par
l’association de chaînes ou de segments de chaînes entre eux.
Plus les associations sont importantes, plus la rigidité du gel augmente. Si elles sont
trop importantes, il y a rétraction partielle du gel dans une structure qui peut aller
jusqu’au précipité.
Les liens entre chaînes sont de type faibles (liens H, liens de coordination) et donc
réversibles.
Il n’y aura gélification que si un nombre suffisant de liens peuvent être crées. Cela
dépend de la structure du polymère : - si homopolymère très régulier  beaucoup de
liens
possibles ; donc on aura plutôt un précipité qu’un gel.
- si hétéropolymère sans aucune régularité  le polymère
sera très dispersé dans le solvant et on aura plutôt une
solution visqueuse qu’un gel.
- si séquence interrompue  il y a des zones de jonction
ponctuelles possibles et on aura un gel élastique.
Dans ces zones de jonctions, il peut y avoir des structures hélicoïdales (gel d’agarose,
carraghénanes). On peut aussi simplement avoir des entassements de chaîne (alginate,
pectine).

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Quand on a des chaînes linéaires avec des dérivés acides, il y aura des répulsions
électrostatiques qui tendent à amoindrir les liens intermoléculaires entre les chaînes.
Cela stabilise les gels qui ont tendance à précipiter.
Les polymères branchés sont difficiles à gélifier : il en faut une certaine concentration
mais ils ont tendance à coller (ce qui est bien quand on recherche des propriétés
adhésives).

La structure du polymère détermine la gélification !

Les homopolyholosides sont les constituants des fibres alimentaires.


Les hétéropolyholosides sont les constituants des :
o Hémi-celluloses, gommes, mucilages, pectines
o Hydrocolloïdes des algues (= constituant de soutien des parois cellulaires car le
milieu marin nécessite plus de flexibilité)
o Glycosaminoglycanes (acide hyaluronique, chondroïtine sulfate, héparine) =
polymère constitué d’unités disaccharidiques répétitives ; dans ce motif
disaccharidique, un des glucides est toujours un glucose aminé (N-
acétylglucosamine ou N-acétylgalactosamine).

Quand on veut extraire des polyholosides, on se base sur leur solubilité dans l’eau et
leur précipitation quand on ajoute de l’éthanol à la solution aqueuse les contenant
(diminution de la constante diélectrique de l’eau  précipitation favorisée). On les
purifie par filtration sur gel, par passage sur des résines échangeuses d’ions ou par
électrophorèse (si les polymères sont cationiques ou anioniques).

Les hétérosides

Ils sont constitués d’oses et d’éléments non glucidiques appelés génines ou aglycones.
Il y a 4 types d’hétérosides :
I. O-hétérosides : + R-OH (alcool)
II. S-hétérosides : +R-SH (thiol)
III. N-hétérosides : +R-NH2 (amine)
IV. C-hétérosides : +R-H
Les réactions d’ajout sont entièrement réversibles.
Chez les végétaux, ces hétérosides sont synthétisés et hydrolysés par des enzymes plus
ou moins spécifiques.
Les hétérosides peuvent présenter une configuration  ou  ; le plus souvent, dans la
nature, on trouve la .

!!!!! Glycoside = hétéroside = terme général


Glucoside = hétéroside avec du glucose

Plusieurs oses (de 1 à 7) peuvent être liés à la même génine. Le plus souvent, on
trouvera des bi-osides, mais on trouve aussi des tri- et des tétra-osides (jusqu’à 7 oses
chez les saponosides !).

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Quand on récolte la plante, lors du séchage, il y a hydrolyse des hétérosides par des
enzymes. Si on veut étudier les hétérosides d’une plante, il faut éviter cette hydrolyse :
SOIT on dénature les enzymes (éthanol bouillant)
SOIT on travaille sur la plante fraîche.
 Le séchage et l’extraction des hétérosides est une affaire délicate !
Par exemple, le purpuréaglucoside A est un hétéroside qu’on retrouve dans la Digitalis
purpurea fraîche ; quand la plante sèche, des enzymes coupent le glucose et il y a donc
hydrolyse en digitoxine.

Méthodes d’analyse des glucides

D’abord, il y a extraction des tissus frais par de l’éthanol ou du méthanol. On obtient


ainsi un extrait hydro-alcoolique (hydro car le tissu frais végétal contient beaucoup
d’eau : jusqu’à 90%). Cette solution aqueuse est délipidée par extraction avec de la
benzidine de phénol, puis filtrée et centrifugée.
Cette méthode est générale et convient aussi bien à l’analyse des osides que des
polyols.

Ensuite, il y a analyse quantitative et/ou qualitative par différentes méthodes :

 Méthodes chromogènes et dérivés d’addition


La solution est traitée par du 2,4-DNP (dinitrophénol) : on obtient alors des
hydrazones qu’on peut séparer.
Ces méthodes ne sont pas terribles quand on a affaire à un mélange de sucres, ce qui
est souvent le cas chez les végétaux.

 Réactions spécifiques (pharmacopées)


 Réaction de Keller – Kiliani : elle est très spécifique des 2-désoxy-riboses
(qu’on trouve surtout dans les digitales) ; c’est une réaction colorée de
mécanisme inconnu. On dissout le composé dans de l’acide acétique en
présence de traces de sels ferriques, puis on superpose de l’acide sulfurique
concentré. A l’interface, un anneau brun se développe ; la coloration diffuse
ensuite dans l’acide acétique pour donner une couleur bleue.
 Réaction à l’oxychlorure de ruthénium ammoniacal : elle est spécifique des
acides uroniques ; c’est une réaction colorée (elle aboutit à une coloration
rouge) de mécanisme inconnu.

 Dosages par voie enzymatique


Ces dosages sont très spécifique (car utilisation d’enzymes spécifiques) et très
rapides ; ils conviennent au dosage de certains oses libres, diholosides et polyosides. Il
existe des kits tout prêts pour les analyses médicales et alimentaires.

 Détermination de l’indice de gonflement

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Cette technique est facile et rapide et elle permet d’estimer globalement la
concentration en polyholosides (gommes, mucilages, …) et de mesurer directement
cette concentration dans la drogue végétale ou dans un extrait.
Certaines drogues végétales sont utilisées pour leurs propriétés purgatives car elles
gonflent dans l’intestin ; c’est ce gonflement qu’on met ici en évidence.
On place dans un tube une certaines quantité de drogue végétale et de l’eau ; on laisse
gonfler un certain temps puis on mesure le volume occupé par la drogue gonflée.
C’est un test rapide et directement relié à l’effet thérapeutique de la drogue.
On peut, comme essai complémentaire, déterminer le comportement rhéologique
(viscosité) de la solution de glucides.

 Chromatographie
 Planaire
 Sur papier : on ne l’utilise pratiquement plus !
 Sur couche mince (cellulose, gel de silice) :
Les sucres ne présentent pas de coloration naturelle et ni de spectre UV très
particulier ; donc, pour les révéler, il faut pulvériser une substance chromogène
(acide aminobutyrique ou phtalate d’aniline pour les sucres réducteurs ; la
limite de détection avoisine le microgramme) sur la plaque ; on peut aussi
utiliser des enzymes spécifiques qui révèleront un sucre précis.

 Electrophorèse
Elle ne convient qu’aux dérivés ionisables (acides uroniques, oses aminés).

 Chromatographie en phase gazeuse


C’est une méthode à haute résolution qui convient à des dérivés volatils ; les oses ne le
sont pas, d’où la nécessité de réaliser des réactions de dérivation
préchromatographiques (au niveau des groupements –OH) : silylation ou
trifluoroacétylation. Ces réactions de dérivation fonctionnent très bien et les sucres
résultants voient leur volatilité fortement augmentée !
Seule obligation : ces réactions doivent se faire en milieu strictement anhydre, sinon il
y a destruction des réactifs.
La résolution est telle que, pour un sucre, on peut avoir jusqu’à 5 pics (différenciation
 et ; différenciation pyranose, furanose et forme linéaire). Cela montre bien que
toutes ces formes coexistent dans la nature.
Pour analyser les polysaccharides, on les détruit au préalable en unités simples qu’on
traite par dérivation puis qu’on injecte dans le système ; on obtient des
chromatogrammes très (trop) complexes.  La très bonne résolution peut être un
problème !

 HPLC
C’est une très bonne technique pour séparer les oses sur phases aminées.
Les oses absorbent peu en UV (aux basses surtout), donc la détection n’est pas
aisée : généralement, on utilise un détecteur d’indice de réfraction, qui fournit une
détection peu spécifique et peu sensible (pas terrible donc). L’utilisation d’un détecteur
polarimétrique est possible aussi mais la détection est toujours peu sensible. On peut
aussi coupler l’HPLC au SM ou au ELSD (Détecteur Evaporatif à Diffusion de

29
Lumière ou Evaporative Light Scattering Detector : on évapore l’éluant puis un laser
mesure la diffraction dans la phase gazeuse). La détection avec ELSD est très sensible
et universelle mais le matériel est coûteux et peur répandu.
Sinon, on peut également réaliser des réactions de dérivation pré- ou
postchromatographique (entre la colonne et le détecteur) en greffant aux sucres des
groupes qui absorbent très bien dans l’UV (comme le 2,4-DNP).

 Chromatographie d’exclusion
Elle est très utile pour séparer des polymères de différentes tailles. Il s’agit en fait d’un
tamis moléculaire sur lequel on fait passer notre mélange à séparer : les grosses
molécules ne sont pas retenues par le tamis et passent donc vite, alors que les petites
molécules sont retenues par le tamis

Le tamis moléculaire permet donc de séparer les polymères en fonction de leur taille et
de leur forme.

De façon générale, quand on a affaire à des polymères, c’est plus complexe.


Déterminer la structure d’un polymère est quelque chose de très difficile ; on associe
donc des méthodes physiques et chimiques.

Méthodes physiques :
- Spectrométrie, notamment celle de masse
- Techniques de volatilisation particulières car les polymères
sont peu volatils : FAB, MaldiTOF
- RMN pour l’analyse de conformations (types de liaison)

Méthodes chimiques : Elles sont variées mais difficiles à mettre en œuvre ; elles
impliquent des hydrolyses partielles ou complètes, formations de
dérivés, et dégradations contrôlées de ces dérivés.
 On doit déterminer la configuration élémentaire, les modes de liaison et la
configuration des liaisons pour pouvoir estimer la longueur des chaînes,

30
localiser les branchements et finalement déterminer la structure et la masse du
polymère.

Plusieurs méthodes d’hydrolyse sont très utilisées :

 enzymatique
L’hydrolyse enzymatique est relativement spécifique et souvent partielle. On peut faire
intervenir en séquence plusieurs enzymes et les produits obtenus permettront de
remonter au polymère d’origine (on procède donc un peu comme avec les enzymes de
restriction pour analyser l’ADN).
Ce type d’hydrolyse permet de repérer la nature des liaisons impliquées et les lieux
d’attache.
Le problème de l’hydrolyse enzymatique est que les enzymes utilisés possèdent des
caractéristiques et spécificités encore mal connues et qu’ils sont souvent contaminés
par d’autres enzymes.
Cette méthode d’hydrolyse est donc difficile à appliquer aux polysaccharides !

 acide (HCl, H2SO4, TFA)


L’hydrolyse acide est plus performante et complète que l’hydrolyse enzymatique mais
elle est très peu spécifique.
Si on a des C-hétérosides, ils sont caractérisés par une très grande résistance à
l’hydrolyse acide ; donc, pour les hydrolyser, on ajoute un oxydant dans le milieu (par
exemple FeCl3).
En général, on réalise l’hydrolyse à chaud en présence d’HCl ou d’H2SO4. L’acide
trifluoroacétique est intéressant car complètement volatil ( pas de problème de
neutralisation après hydrolyse comme avec HCl ou H2SO4) et exerce une action moins
brutale que les 2 autres. Une résine échangeuse d’ions à caractère acide est également
utilisable.

 acide douce (acide oxalique)


L’hydrolyse acide douce est intéressante pour les hétérosides car la structure de la
génine et la structure du furanose sont mieux respectées. En effet, les autres hydrolyses
entraînent des modifications de structure des génines et des furanoses, qui sont très
sensibles aux acides.

Dans un polysaccharide complexe, certaines liaisons sont plus fragiles que d’autres :
une sélectivité de l’hydrolyse est donc possible, ce qui permet d’établir des structures.
Ainsi, les liaisons sont plus résistantes que les  et les liaisons 1-6 sont plus
résistantes que les autres ; l’hydrolyse des furanosides est plus rapide que celle des
pyranosides.
En choisissant soigneusement les conditions, on peut apporter une certaine sélectivité à
l’hydrolyse.  Très utile pour l’analyse structurelle !

Les peptides, protéines et ADN (qui sont des polymères aussi) sont plus faciles à
étudier car la masse de toutes les unités sont bien particulières : la caractérisation par le
SM est donc aisée.

31
Dans le cas des sucres, c’est beaucoup moins simple ; en effet, si on a un polymère
formé de fructose et de glucose (même masse !!!), la SM ne nous aidera pas !
En outre, l’ADN et les peptides sont des polymères linéaires, alors que les
polyholosides présentent plein de possibilités de liaisons et de branchements sur la
chaîne !

NB : analyse de l’ADN = génomique


analyse des protéines = protéique
analyse des oses = glycolique (on en est au début seulement)

Découvrir la structure fine et la configuration des polysaccharides est très important


car elles déterminent les propriétés biochimiques et physiques du polysaccharide en
question.
MAIS, encore aujourd’hui, analyser un polyholoside est quelque chose de très
difficile !

Intérêt pharmaceutique

 Oses simples et oligoholosides


L’intérêt est limité : on les utilise dans les solutions de perfusion, pour leur intérêt
nutritionnel (notion de prébiotique), comme excipients dans les sirops, …

 Polyholosides
Ils sont l’objet de nombreuses applications pharmaceutiques et industrielles, liées
surtout à leur pouvoir de gonflement et à la grande viscosité de leur solution.
Ces 2 caractéristiques sont en relation étroite avec leur structure et leur conformation.
Selon la structure, plusieurs actions sont possibles :

 Activité au niveau du tube digestif


 Augmentation du volume gastrique
- d’où un ralentissement de la vidange gastrique,
- d’où un effet coup-faim (traitement de la surcharge pondérale),
- d’où un étalement de la courbe de glycémie post prandiale
(accompagnement diététique du diabétique),
- d’où une action réductrice de la cholestérolémie grâce aux fibres
alimentaires (mais non spécifique du LDL-cholestérol).
 Pansement pour le traitement des colites et gastro-entérites : il y a un
effet protecteur direct
 Piégeage des radicaux libres : cette activité et celle de pansement
expliqueraient l’action anti-ulcère gastrique de certains polyholosides,
dont ceux de Bupleurum falcatum.
 Anti-inflammatoire : les dérivés sulfurylés provenant de synthèses ont
montré des propriétés anti-inflammatoires, qui seraient dues au caractère
anionique du dérivé, qui neutralise les protéines cationiques (par
exemple l’elastase, une enzyme protéolytique qu’on retrouve au niveau

32
des sites d’inflammation) libérées par les granulocytes au niveau des
sites inflammatoires.
 Augmentation du volume du bol fécal
- d’où une stimulation de l’activité motrice du colon (laxatif de
lest)
- d’où une régulation du transit intestinal (= un des intérêts
principaux des fibres alimentaires)

 Activité émolliente, adoucissante et anti-irritante


On les retrouve donc dans les sirops pour la toux et dans les soins
dermatologiques.
On traite donc l’irritation des cellules de la peau et de la muqueuse pharyngée
(antitussif). Pour cette action antitussive, la bioadhésion des polyholosides est
déterminante : ceux du fucus et de calendula sont plus bioadhésifs que ceux du
plantain et du lin).

 Activité immunostimulante
Les mosaïques d’antigènes permettant la reconnaissance Ag-Ac sont des
mosaïques de sucres. Il n’est donc pas surprenant qu’on retrouve des activités
immunostimulantes dans des polysaccharides provenant de végétaux.
On a découvert des polyholosides immunostimulants aussi bien chez les végétaux
supérieurs que chez les algues, champignons, et micro-organismes tels que les levures.
Aujourd’hui, on a mis en évidence 6 groupes de polyholosides pour lesquels des
actions immunostimulantes ont été démontrées :
 homoglucanes neutres
 hétéroglucanes neutres
 arabinogalactanes acides qui contiennent de l’acide galacturonique
 rhamnogalactanes acides
 structures hybrides entre ces 2 derniers
 AGPs = arabinogalactanes-protéines : en effet, des fractions protéiques
sont parfois associées et pourraient avoir un rôle dans l’activité
immunostimulante

Exemples de plantes à activité immunostimulante :


- Cetraria islandica = lichen d’Islande
- certains Plantago (utilisés comme antitussifs)
- certains Ganoderma (Japon)

Ces plantes sont très utilisées dans la médecine chinoise et japonaise. Chez
nous, elles sont encore peu utilisées mais cela va certainement évoluer !
A quoi les propriétés immunostimulantes peuvent être dues ? Y a-t-il un
rapport avec la structure ?

 Activités diverses (ces activités font l’objet d’études mais il n’y a pas encore
d’applications cliniques sauf pour l’héparine)

33
 Dérivés sulfatés : activité anticoagulante, thrombolytique, anti-
inflammatoire, antiproliférative, antimétastasique, antivirale,
antiangiogénique.
 Constitution de biomatériaux : les biomatériaux sont des substances
destinées à rentrer en contact avec un système biologique afin d’évaluer,
traiter, augmenter ou remplacer des tissus, organes ou fonctions du
corps. Comme on a des biopolymères avec une microarchitecture
tridimensionnelle, cela constitue des matrices sur lesquelles les tissus
peuvent se régénérer. Certaines de ces polymères ont aussi une activité
biochimique et vont stimuler la régénérescence tissulaire (donc il y a
beaucoup d’applications en chirurgie). Beaucoup de biopansements sont
aussi apparus (destinés à soigner des escarres, des brûlures, …) ; entre le
pansement et la peau, on met des biomatériaux (souvent des
polyholosides) ; ce sont donc des pansements biocompatibles qui aident
activement la peau à cicatriser.
 Excipients : on retrouve les polyholosides
- comme excipients dans les comprimés (surtout les formes
retard à libération prolongée), pour stabiliser des émulsions et
des suspensions ;
- comme matériaux d’enrobage et d’encapsulation (domaine
alimentaire et pharmaceutique) ;
- comme support quand on doit nébuliser des extraits secs : on
pulvérise l’extrait sous forme d’un spray dans un courant d’air
chaud, il y a alors évaporation quasi immédiate du solvant,
ensuite on récupère l’extrait sec ; pour une nébulisation plus
aisée, on mélange la solution à nébuliser avec des
maltodextrines.
 Adhésifs pour prothèses dentaires : ils sont aussi à base de
polyholosides.
 Dans l’industrie alimentaire, les polyholosides servent d’additifs
alimentaires ; par exemple, dans les yaourts à 0% de matière grasse (où
ils servent de gélifiant), dans les soupes en sachets (les polyholosides
permettent alors d’augmenter la viscosité de la soupe obtenue après
addition d’eau), dans les saucisses, … dans tout ce qui nécessite une
structure donc !

 Hétérosides
Leur(s) action(s) est due(s) aux GENINES. Les oses constitutifs de la molécule
n’interviennent pas dans la bioactivité mais bien dans les paramètres
pharmacocinétiques (absorption, distribution, métabolisation, élimination). Selon les
oses, les paramètres pharmacocinétiques seront différents ; cela est très intéressant car
on peut moduler ainsi le médicament MAIS les synthèses chimiques de modulation
sont difficiles à réaliser (quand on veut accrocher un ose à une molécule, cette dernière
est souvent détruite !)

Origine des polysaccharides végétaux

34
Il y a 3 origines possibles :1. paroi cellulaire
2. membrane
3. exsudats = polysaccharides généralement anioniques
qui s’écoulent naturellement ou après incision de certaines végétaux : ce sont les
gommes qui proviennent de la transformation de l’amidon ou des polysaccharides
pariétaux (ce sont des hypothèses, on ne sait pas très bien en fait).

La PAROI est une matrice extra-cellulaire :


- riche en polysaccharides
- entourant et délimitant le protoplaste
- présentant un rapport polysaccharides sur protéines de 9 :1
 grande prédominance des polysaccharides.
C’est une structure diverse, complexe et dynamique.

Diverse ?
La paroi est l’agent déterminant de la croissance et du développement d’une plante.
Elle détermine la taille et la forme des cellules et participe au support mécanique de la
plante. Elle participe aussi au transport, aux mécanismes de défense et à de nombreux
évènements métaboliques, notamment la signalisation cellulaire.

Complexe ?
Elle fait intervenir de nombreux polysaccharides :
 le plus important est la cellulose, aussi bien présent chez
les monocot que chez les dicot
 les pectines présentes chez les dicot mais pas chez les
monocot
 …
Les pectines représentent le constituant majeur des parois cellulaires de dicot et sont
constituées d’un ensemble de 3 domaines polysaccharidiques majeurs riches en acide
galacturonique :
1) domaine HGA : purement linéaire, non branché et constitué d’acides
galacturoniques (un seul type de sucres donc)
2) domaine RG-I : constitué d’une population de polymères hautement
diversifiée ; cette population sera diversifiée en fonction de la position spatiale
dans la plante et en fonction du stade de développement tissulaire de la plante ;
la différenciation joue au niveau de chaînes branchées qui peuvent être des
arabinanes (LM6) ou des galactanes (LM5) ; des arabinogalactanes (AGs) sont
également liés mais le mode de liaison n’est pas connu.
3) Domaine RG-II : hautement conservé.
On sait que dans les pectines, on a ces 3 domaines mais on ne sait pas si ces 3
domaines sont liés entre eux et s’ils sont liés, on ne sait pas par quels types de liaisons.
Leur biosynthèse a lieu au niveau de la membrane cellulaire et fait intervenir toute une
série d’enzymes mais on n’en sait pas plus !

Les modifications de la matrice pectique au niveau du développement de la plante


concernent surtout les chaînes latérales du domaine RG-I.

35
Dynamique ?
La complexité de la paroi correspond à une structure dynamique : elle dépend de la
croissance.

Commentaires des photos des apex de la racine de carotte :


On incube la racine de carotte avec des Ac fluorescents spécifiques de LM5 ou LM6.
Puis on fait des coupes dans ces racines et on observe au microscope :
- la région du méristème (région de division cellulaire intense) a
des cellules plus riches en arabinane que les cellules
environnantes ; par contre, il n’y a pas du tout de galactane dans
le méristème.
- c’est l’inverse pour la partie de la racine qui est en élongation :
beaucoup de galactane et peu d’arabinane.
 Pour les cellules en phase d’élongation : chaînes latérales = galactane
(surtout).
 Pour les cellules en division rapide : chaînes latérales = arabinane.
Structure des AGs de type II

Les AGs de type II sont des polymères polydispersés (càd qu’ils ont plusieurs chaînes
de longueur différente), à haut poids moléculaire, complexes et spécifiques des espèces
végétales.
Ils présentent une sorte de colonne vertébrale « blackbone » formée d’une chaîne de
galactane en  1-3 ou  1-6 et branchée régulièrement par des oligosaccharides
terminés en Araf(arabinose furanose)/Galp/Rhap/GlcAp.
Ils sont neutres et/ou acides (GlcA).
 C’est tout ce qu’on sait !

Une question a été posée, à laquelle on a su répondre : y a-t-il un motif répétitif dans la
blackbone ?
Pour répondre, les auteurs ont comparé un AG de mélèze sans activité
immunostimulante et un AG d’Angelica présentant une activité immunostimulante. Ils
ont constaté :
- pas de motif répétitif dans les AGs de mélèze : les chaînes
latérales sont très variables
- motifs qui se répètent clairement le long de la structure dans les
AGs d’Angelica.
On pense que les motifs répétitifs sont une condition pour avoir un AG bioactif.
Comment voir si un polymère présente un motif répétitif ?
Il faut réaliser une hydrolyse partielle enzymatique ou chimique, qui va couper des
liens rares dans la molécule. Après cette découpe sélective, on étudie les fragments
générés par SM, MaldiTOF, électrophorèse (ici OK car les polymères sont
anioniques), …
Si on trouve plein de fragments différents  pas de structure répétitive !
Si on trouve plusieurs fois les mêmes fragments  structure répétitive !

36
Les AGPs

Dans le cas des AGPs, il y a liaison à des protéines. Les AGPs sont en fait des
glycoprotéines riches en hydroxyproline (// collagène chez les animaux).
Il y a 2 niveaux de structure pour les AGPs :
I. chaîne polyosidique
II. protéine riche en hydroxyproline.
On a aussi remarqué que ces polymères se liaient au réactif de Yariv. Ce réactif
colore les AGPs en rouge (on peut voir sur la photo les AGPs en rouge au niveau
pariétal).
On a donc un moyen de détecter, quantifier et précipiter ces AGPs  tb pour leur
étude !
La plupart des AGPs et les AG-pectines d’Angelica donnent des réactions positives
avec le réactif de Yariv (voir tableau).

!!! Généralement, les substances colorées par le réactif de Yariv sont bioactives !!!

Les AGPs sont constituées d’un blackbone protéique sur lequel sont régulièrement
fixés des glycanes. A une extrémité, on trouve une ancre GPI ou phosphatidylinositol
glycosylé (= assemblage d’oses au bout duquel est accroché un phospholipide). Cette
ancre permet d’accrocher l’AGP dans la membrane cellulaire mais permet aussi une
grande mobilité de l’ancre de l’AGP dans la membrane.
Le fait d’être lié par une ancre GPI à la membrane confère souvent aux molécules un
rôle de signalisation cellulaire (l’ancrage dans la membrane déclenche un signal).
Il y a beaucoup d’hydroxyproline sur le blackbone : les AGs sont liés au blackbone via
ces hydroxyprolines.
Les AGPs ont des blackbone protéiques qui peuvent être différents. Il y a différentes
glycoformes sous lesquelles peuvent exister les AGPs.

Quelle(s) fonction(s) les AGPs exercent-ils au sein de la plante ?


 marqueurs du devenir d’une cellule
 participent à l’induction de l’embryogenèse
 participent à la prolifération et l’expansion cellulaire (photo A : protoplaste
sans paroi ; photo B : on a ajouté des AGPs  il y a prolifération)
 participent au phénomène d’apoptose
 jouent un rôle dans la tolérance au sel lors de l’imposition d’un stress salin à la
plante : une mutation au niveau de AGPs permet de profondes modifications de
structures tissulaires, ce qui permet à la plante de résister au sel
 jouent un rôle de protéines chaperons.

 Les AGPs sont des molécules messagers et de signalisation pour la plante !!!
Des Ac monoclonaux dirigés contre les AGPs et marqués nous ont montré qu’on
trouve des AGPs dans mais aussi hors des cellules (voir photo : la localisation des
AGPs est membranaire, pariétale ET extracellulaire) ; donc, les AGPs peuvent être

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secrétés. Cela valide l’hypothèse selon laquelle les AGPs sont des messagers pour les
cellules !

Chez les animaux, on a pu montrer que les AGPs avaient une action sur le système
immunitaire inné et pas du tout sur l’acquis.

L’immunité innée est non spécifique et d’intervention rapide : il n’y a pas de


reconnaissance d’Ag, ni de phénomène de mémoire. Dans l’immunité innée, plusieurs
mécanismes entre en jeu :
- barrières physiques et biochimiques
- protéines de phase aiguë (CRP)
- cytokines pro-inflammatoires
- cellules phagocytaires (monocytes et macrophages)
- cellules Natural Killer douées de propriétés cytotoxiques sans
aucune spécificité antigénique.

L’immunité adaptative relaie l’immunité innée et fait intervenir les LB, les LT, les
phénomènes de mémoire et la reconnaissance Ag-Ac.

Le lien entre ces 2 systèmes est le système du complément, qui peut être activé par 2
voies et dont l’activation aboutit à la formation d’un complexe de destruction
membranaire des « indésirables ».

Activité biologique des AGPs

 Les polysaccharides acides et neutres peuvent activer et/ou inhiber le système


immunitaire inné.
 Les AG-pectines et les AGPs possèdent des ligands qui peuvent être reconnus
par le système immunitaire inné.
 La structure 3D des chaînes latérales, exposées, flexibles est probablement plus
importante pour l’activité qu’un type spécifique de polysaccharide.
 La résorption des polysaccharides par voie orale a été montrée in vitro ; mais ce
qui se passe in vitro correspond-il à ce qui se passe in vivo ???  doutes !!!
 Mais des allergies tissulaires se sont développées après administration orale ;
cela signifie-t-il quand même que certaines molécules sont résorbées ?!?

!! D’autres polysaccharides peuvent stimuler le système immunitaire adaptatif !!

Deux plantes sont très importantes de par leur activité immunostimulante :


- Angelica acutiloba (racines) qui, par l’intermédiaire de pectines
acides, peuvent activer le système du complément
- Echinacea purpurea (cellules, parties aériennes et jus).

38
2. Les dérivés de l’acétylcoenzyme A

Lipides

Introduction

Les lipides sont des métabolites primaires.

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Le terme général de « lipides » englobe les matières grasses proprement dites, les
esters et les dérivés d’acides gras qui présentent des propriétés analogues.
On retrouve des lipides dans toutes les cellules végétales sous forme de complexes
lipoprotéiques organisés en fines granulations. Quand il y a beaucoup de lipides dans
la cellule, ils apparaissent sous forme de gouttelettes, les oléosomes.
 dans tout le Règne Végétal et dans tous les organes, on trouve des lipides !
En général, les lipides sont peu abondants dans les organes végétatifs ; ce sont souvent
les graines qui en renferment le plus. On en retrouve parfois beaucoup dans le
péricarde de certains fruits (olive, avocat, noix de palme).
Les graisses et huiles sont des réserves, des moyens de stocker l’énergie ; ces lipides
sont donc destinés à être catabolisés.
Les phospholipides ou sphingolipides sont des constituants des membranes cellulaires.
Les cires fournissent une enveloppe extérieure qui protège le végétal.
Dans la fraction lipidique, on a aussi des dérivés comme les tocophérols (vit E), les
stérols, les caroténoïdes, …

Production

Au niveau industriel, les lipides sont extraits à partir des graines nettoyées et broyées :
on obtient les huiles végétales (terme général qui regroupe tous les types de lipides)
par pression à froid (on parle alors d’ « huile vierge ») ou par pression à chaud à 90°C
(les protéines coagulent, les cellules éclatent et le rendement d’expression augmente
donc).
Pour le pressage, on utilise des presses hydrauliques ou à système de vis continu
(comme ça, la pression exercée est continue).
Quand on a pressé, il reste le tourteau qui est encore plein de matières grasses. Ces
matières grasses sont récupérées par des solvants apolaires (hexane, pentène,
trichloréthylène ou éthanol à chaud). Donc, il faudra par la suite vérifier que tout le
solvant aura bien été éliminé dans le produit fini.
Un solvant qui est de plus en plus utilisé est le fluide supercritique. Le CO2, dans
certaines conditions, dépasse le point critique : il n’est alors plus vraiment gazeux, ni
plus vraiment liquide. Le CO2 présente alors à la fois les propriétés d’extraction d’un
liquide et les propriétés de diffusion d’un gaz.  Gros avantage !
On laisse ensuite l’extrait revenir aux CNTP. Le CO2 redevient alors gazeux t il nous
reste l’extrait. Avec cette technique, il ne faut donc pas trouver de solutions pour
éliminer les résidus de solvant dans le produit fini.
Malgré le coût des installations, le fluide supercritique est très intéressant ! On utilise
aussi les fluides supercritiques pour enlever la caféine du café et pour extraire des HE.

Après l’extraction, que ce soit par solvant ou par fluide supercritique, on obtient une
huile brute qui sera raffinée en fonction de ce à quoi on veut aboutir. Plein de
traitements sont possibles :
- Démucilagination : huile + eau + acide phosphorique  élimination des
phospholipides et autres lipides polaires, des protéines et des éventuels métaux
lourds présents.

40
- Neutralisation : l’huile peut contenir des acides gras libres qui augmentent son
acidité ; en présence de NaOH, les acides gras libres sont éliminés sous forme
de sels.
- Décoloration : certaines huiles peuvent présenter une coloration jaunâtre peu
ragoûtante ; on les agite alors avec des adsorbants tels que le charbon actif.
- Désodorisation : on traite l’huile par la vapeur d’eau, à chaud et sous vide ;
cela permet d’enlever les odeurs désagréables (rance) qui peuvent provenir
notamment des produits d’oxydation des acides gras insaturés tels que les
aldéhydes ou les acides à chaîne courte ; cette technique permet aussi
d’éliminer les acides gras libres restés en trace.
- Chromatographie : quand on veut utiliser l’huile comme injectable, on la
purifie encore par chromatographie.

Après le raffinage, l’huile obtenue est de meilleure qualité mais il y a réduction de sa


teneur en insaponifiables (tocophérols, stérols, …) et donc réduction de sa valeur
nutritionnelle. En cours de raffinage, il y a modification de la structure des acides gras
insaturés ; en effet, ces derniers ont naturellement une configuration en CIS ; lors du
raffinage, des TRANS apparaissent. Cela modifie fortement l’activité biologique de
ces acides gras.
Les opérations de raffinage ont l’avantage d’éliminer les métaux lourds, les protéines
(dont certaines peuvent être allergéniques), les mycotoxines, les pesticides, les
hydrocarbures polycycliques aromatiques ; cela représente un avantage net pour la
qualité toxicologique du produit obtenu.

Classification

Voir transparent

Les triesters ou triacylglycérols présentent 3 fonctions esters entre les 3 –OH du


glycérol et 1 –OH provenant de chacun des 3 acides gras. En général, les 3 acides gras
sont différents. Les huiles végétales sont des mélanges complexes de triesters
différents.

Nous possédons des glycosphingolipides à la surface de nos globules rouges ; c’est la


nature de la chaîne osidique qui détermine le groupe sanguin auquel on appartient.

 1. Acylglycérols
 1.1 Les triesters

Ils présentent souvent un C*. En fait, on a un C* si R1 et R3 sont différents.


La notation est stéréospécifique. Pour l’établir, on dessine la croix de Fischer du
glycérol en plaçant le –H à droite ; puis on place les sn1, sn2 et sn3.
R1, R2 et R3 sont des acides gras qui peuvent être mono- ou poly-insaturés, qui
peuvent aussi être hydroxylés, qui peuvent être des diacides, qui peuvent avoir dans
leur structure des cyclopropanes, des cyclopentènes, des époxydes, …

41
Si R1 = R2 = R3, on parle de triester homogène.
Si R1, R2 et R3 sont différents, on parle de triesters hétérogènes (c’est ce qu’on
rencontre le plus fréquemment) ; R1 et R3 sont le plus souvent des acides gras saturés
et R2 est le plus souvent un acide gras insaturé.

Quelques éléments de nomenclature…


Si on veut spécifier la position des R, on utilise les nombres stéréospécifiques.
sn – POS = juste 1 stéréoisomère
POS = mélange de tous les isomères possibles

 1.2 Les mono- et diesters

Ils sont en concentration très faible dans les produits naturels et seront préparés par
hémi-synthèse. On les retrouve surtout comme excipients dans les cosmétiques.
Ex : la mono-oléine (qui est un glycérol avec un acide oléique fixé dessus)

 2. Phospho- et glycolipides
 2.1 Les phospholipides ou glycérophospholipides

Un acide gras est remplacé par un phosphate estérifié par un X (voir tableau sur le
transparent).

 2.2 Les glycéroglycolipides

Un acide gras est remplacé par un mono- ou disaccharide (plus rarement par un tri- ou
tétrasaccharide).

 2.3 Les sphingolipides

Le glycérol est remplacé par la sphingosine chez les Animaux et par la


phytosphingosine chez les Végétaux. La différence entre la sphingosine et la
phytosphingosine réside dans le fait que la double liaison de la sphingosine est
remplacée, dans la phytosphingosine, par un alcool primaire.
Animaux  1 -OH  1 possibilité de fixation
Végétaux  2 –OH  2 possibilités de fixation d’un acide gras, d’un mono- ou
disaccharide, …

 3. Autres dérivés associés à la fraction lipidique


 3.1 Les cérides vrais ou cires

42
Les cires sont des esters d’acides gras et d’alcools à longues chaînes ; elles sont très
utilisées en cosmétique, notamment les cérides, où on a réduit la longueur de la chaîne
d’un des 2 morceaux.

 3.2 Les stérides

Ce sont des esters d’acides gras et de phytostérols.

 3.3 Les étholides

Ils résultent d’interestérification d’hydroxyacides à longues chaînes.

Nomenclature

1) Nomenclature chimique
On numérote à partir du C fonctionnalisé (càd le C portant le –COOH).
On indique la place des doubles liaisons : on donne le numéro du C à partir duquel
commence la double liaison.
La configuration des doubles liaisons est en CIS ; donc, dans l’espace, la molécule est
reployée.

2) Nomenclature en 
Les nutritionnistes utilisent la nomenclature en . Dans ce cas, on numérote à partir du
–CH3.
 « nombre de C » : « nombre de doubles liaisons »  « numéro du C à partir duquel
commence la première double liaison »

!!! Dans les acides gras, les doubles liaisons ne sont pas conjuguées !!!

Nous devons trouver dans notre alimentation certains acides gras dit essentiels que
nous ne sommes pas capables de synthétiser.
Au niveau de l’alimentation, on doit avoir un apport suffisamment important en acides
gras 3, car ces derniers ont un effet protecteur sur le système cardiovasculaire.
La plupart des gens présentent un rapport  6 :  3 égal à 15 : 1 ; or ce rapport devrait
être égal à 5 : 1 ou même idéalement à 1 : 1 ! Pour atteindre ces valeurs, il faut changer
nos habitudes alimentaires.

NB : l’acide arachidonique est le précurseur de tout ce qui est prostaglandines.

Biogenèse des acides gras

Les acides gras sont synthétisés par un empilement de C fournis par le malonyl-CoA.
Le malonyl-CoA est synthétisé grâce à la vit B8 ou biotine, qui agit comme un
coenzyme pour les réactions de carboxylation et de transcarboxylation. La vit B8 est
fixée à un enzyme et cet enzyme permet la fixation du CO2 sur la vit ; ce CO2 est

43
ensuite transféré au substrat, l’acétyl-CoA ; on obtient le malonyl-CoA. La biotine est
ainsi régénérée et peut continuer à jouer son rôle de catalyseur.
Tout cela se réalise dans le complexe Fatty Acid Synthase. Un malonyl-CoA vient se
fixer sur ce complexe. 2 C sont ajoutés à la base puis il y a perte d’un CO2 et réduction
des 2 C terminaux. Le cycle se répète avec un nouveau malonyl-CoA : 2 C sont
ajoutés, il y a perte d’un CO2 puis réduction des 2 C précédents, … et ainsi de suite, le
cycle se répète jusqu’à ce qu’on atteigne le nombre de C désiré.
Le produit obtenu est le palmitate (acide gras en C 16).
Les acides gras grandissent donc de 2 C en 2 C. Dans la nature, on trouve d’ailleurs
une majorité d’acides gras à nombre pair de C.
La catabolisation (-oxydation) des acides gras se fait également de 2 C en 2 C.
Il existe des acides gras à nombre impair de C mais ils sont rares.
Le palmitate peut être désaturé (mais on n’est pas capable de les désaturer à tous les
niveaux, d’où l’existence des acides gras essentiels et la nécessité de les trouver dans
l’alimentation), allongé, condensé avec une sphingosine pour donner un sphinganine
qui est à l’origine des sphingolipides.
Le glycérol-3-P peut se condenser avec 2 acyl-CoA pour donner l’acide
phosphatidique, qui est à la base des phospholipides. L’acide phosphatidique peut
aussi perdre un P ; on obtient ainsi le diacylglycérol qui peut se condenser avec un 3ième
acide gras (provenant d’un acyl-CoA) pour donner les triglycérides (=
triacylglycérols). Le diacylglycérol peut aussi se condenser avec un sucre, on aboutit
ainsi au glycéroglyclipide.
 Acide phosphatidique = brique de base pour former TOUS les lipides !!!
On peut facilement colorer les lipides avec des colorants lipophiles (par exemple, le
Rouge Soudan 3).
Quand on met de l’acide osmique en présence d’acides gras insaturés, un précipité noir
d’osmium métallique apparaît.

Fractionnement des lipides

Une fois qu’on a obtenu la partie lipidique par extraction, on fractionne le mélange
lipidique par chromatographie sur couche mince ou sur colonne.
Par exemple, on peut déposer le mélange lipidique au sommet d’une colonne de silice
puis on élue par des solvants de différente polarité :
I. Éther : élution des lipides neutres
II. CHCl3/éthanol : élution des phopho- et glycolipides.
On peut étudier les 2 fractions obtenues par CCM en phase inverse ou on peut réaliser
une chromatographie directe des triglycérides par GC (vraiment pas top car les
composés lipidiques sont très très peu volatils) ou par HPLC (le plus souvent).
On peut aussi réaliser une transméthylation : on traite les acides gras par du méthylate
de Na, on rompt les liens avec du glycérol et on transforme ainsi les acides gras en
esters méthyliques. Après cette opération, on peut réaliser une GC efficace car les
composés obtenus sont plus volatils que ceux d’origine MAIS on perd de l’information
car on ne sait pas exactement d’où viennent ces esters.

44
C’est pour cette raison que l’HPLC directe sur triglycérides est quand même très
utilisée !
A cette HPLC, on associe une détection par UV ou ELSD (car les lipides n’absorbent
pas bien dans l’UV).
On peut aussi réaliser une saponification (càd une destruction des liens esters) par une
hydrolyse en milieu alcalin. On obtient alors les acides gras et les insaponifiables :

Triglycérides  acides gras + glycérol  solubles dans H2O


Insaponifiables  stérols, alcools gras, pigments comme les caroténoïdes, vitamines
liposolubles (A, E, …)
 insolubles dans H2O (ils restent en phase lipidique)
 peuvent être extraits par un solvant organique (éther ou CHCl2).
On peut faire suivre cette saponification d’une chromatographie.

Méthodes d’analyse

Caractériser une matière grasse est, comme nous l’avons vu ci-dessus, un boulot
énorme.
Dans l’industrie alimentaire et les contrôles de pharmacopées, on ne peut pas se
permettre de faire toutes ces opérations car elles exigent trop de temps et trop d’argent.
Donc, on va plutôt réaliser des déterminations, physiques et chimiques, simples et
rapides qui permettent, une fois mises en commun, de caractériser les lipides.

o Déterminations physiques

- solubilité
- densité relative
- indice de réfraction
- intervalle de fusion : souvent, on a affaire à des mélanges de triglycérides avec
des points de fusion différents ; donc on ne donne pas de point de fusion net
mais plutôt un intervalle assez large de températures ; de plus, les premiers
triglycérides qui fusionnent (ceux de bas PM) solubilisent les autres qui ne sont
pas encore en fusion.
- intervalle de solidification : idem ci-dessus.

o Déterminations chimiques

- indice acide (IA) = nombre de mg de KOH nécessaires pour neutraliser les


acides présents dans 1g de matière grasse.
On dissout la matière grasse dans un mélange alcool-éther et on titre par du
KOH éthanolique ou aqueux en présence de phénolphtaléine ; on obtient une
valeur globale qui nous renseigne sur la quantité totale d’acides présents dans la
matière grasse sans considération aucune du type d’acides (C16 ou C18 ou …
 on ne sait pas !).
- indice de saponification (IS) = nombre de mg de KOH nécessaires pour
neutraliser les acides libres et saponifier les esters dans 1g de matière grasse.

45
On effectue un chauffage à reflux de la matière grasse dans du KOH
éthanolique ; puis on titre l’excès de KOH par HCl en présence de
phénolphtaléine.
- indice ester (IE) : le KOH dans la matière grasse neutralise les acides gras puis,
quand on chauffe, le KOH permet de rompre les esters  IE = IS – IA !!
Avec IS, on mesure les acides gras et les esters ; avec IA, on mesure les acides
gras uniquement, donc (esters + acides gras) – acides gras = esters !
- indice hydroxyle (IOH) = nombre de mg de KOH nécessaires pour neutraliser
l’acidité qui se combine par acylation à 1g de matière grasse.
Cet indice nous renseigne sur la quantité d’alcool primaire, secondaire et
éventuellement tertiaire présente dans la matière grasse.
On traite la matière grasse par de l’anhydride acétique à chaud ; l’excès
d’anhydride acétique est ensuite détruit par addition d’eau ; il y a donc
formation d’acide acétique qu’on peut titrer par du NaOH. On réalise un essai à
blanc et par différence, on a la quantité d’acide qui a permis d’acyler la matière
grasse. Le résultat est exprimé en % d’alcool le plus abondant dans la matière
grasse.
- indice iode = quantité d’iode en g susceptible d’être fixée par 100g de matière
grasse On traite la matière grasse par l’iode qui va s’additionner sur les
doubles liaisons ; puis on titre l’iode en excès par du thiosulfate.
- indice peroxyde = quantité de peroxyde présente dans 1000g de matière grasse
L’indice peroxyde est un indice de qualité des huiles car les peroxydes sont des
produits de dégradation des huiles. Les acides gras insaturés sont très sensibles
à la peroxydation. L’indice peroxyde permet de calculer la quantité en peroxyde
qui sera exprimée en milliéquivalents d’O2 actif pour 1000g de matière grasse.
On ajoute du KI à la matière grasse ; il y a alors oxydation de I- en I2 et l’I2
libéré est titré par le thiosulfate.

o Analyse quantitative et qualitative de l’insaponifiable

La saponification consiste en une destruction de tous les liens esters.


Les glycérols et acides gras resteront dans la phase aqueuse. Cette phase aqueuse est
ensuite extraite à 100-105°C par un solvant organique qui sera ensuite évaporé. Tout
ce qui n’est pas parti à 100-105°C est qualifié d’insaponifiable.
Cette fraction insaponifiable contient des stérols, des alcools à longue chaîne, des
caroténoïdes, des vitamines liposolubles et différents métabolites secondaires qui
peuvent être présents dans la matière grasse.

On peut réaliser pour identifier la matière grasse :


- une détermination pondérale de la matière grasse
- une analyse quantitative par chromatographie : par exemple, on peut dériver les
stérols pour les rendre volatils et réaliser ensuite une GC pour les analyser.

L’identification d’une matière grasse repose en fait sur une combinaison de différentes
données physiques et chimiques : il n’y a pas 1 test d’identification.
La Pharmacopée Européenne fait procéder à une CCM directe avec les triglycérides.
Elle préconise aussi une saponification et une extraction des acides gras pour les

46
étudier ensuite en CCM (cela permet de rechercher une huile étrangère  falsification
fréquente). La GC précédée d’une transméthylation des acides gras permet également
de rechercher une huile étrangère.
On procèdera aussi à l’analyse des anti-oxydants. L’addition d’anti-oxydants est
autorisée par la législation dans certaines limites de concentration MAIS certaines
huiles contiennent beaucoup d’anti-oxydants naturels (tocophérols, dérivés
phénoliques). Pour contrôler la quantité d’anti-oxydants, on utilise les techniques
chromatographiques, notamment la CCM.

o Recherche des pesticides et des mycotoxines

On peut aussi chercher des contaminants comme les pesticides des cultures (utilisés
aussi pour empêcher l’invasion des grains par les insectes ou les champignons) ou les
mycotoxines.
La législation vient d’imposer une norme pour le benzopyrène (polycyclique
aromatique CANCERIGENE qu’on retrouve dans les fumées de cigarette et de bbq),
qu’on peut retrouver dans les grains car ceux-ci sont parfois séchés à chaud (par feu de
bois, …). Donc cette substance est susceptible de se retrouver dans la matière grasse.
Il est très important de rechercher ces contaminants (pesticides, mycotoxines,
benzopyrène) car on consomme beaucoup de matières grasses !

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

 L’intérêt majeur des matières grasses réside dans leur apport nutritionnel.
Les matières grasses végétales apportent des acides gras insaturés et des acides gras
essentiels.
Les huiles issues de la chair de poisson contiennent beaucoup d’acides gras en  3, qui
présentent une grande importance biologique.
Les lipides sont aussi les vecteurs des vitamines liposolubles (A, E, D). C’est le cas
notamment des huiles de poissons ou de certaines huiles végétales ; celle de germe de
blé, par exemple, est très riche en tocophérols (ou vit E).

 Les huiles végétales sont beaucoup utilisées comme laxatifs lubrifiants ;


l’huile de
ricin, par exemple, contient des acides gras qui ont un réel effet purgatif.
D’autres huiles sont considérées comme cholagogues.

 Certains extraits lipidiques sont utilisés pour traiter les symptômes de


l’hypertrophie bénigne de la prostate ; 2 plantes sont surtout concernées : le palmier
de Californie (Serenoa repens) et Pygeum africanum. Les extraits lipidiques de ces
plantes ont une réelle activité sur les symptômes. Ils sont donc abondamment utilisés.
Beaucoup d’études ont été faites mais on n’a toujours pas trouvé comment ces extraits
lipidiques peuvent soulager les symptômes, on ne sait pas ce qui est actif dans ces
extraits végétaux !
!!! La prise de ces extraits et donc la diminution des symptômes peuvent masquer un
cancer ; donc on peut utiliser ces plantes si on écarte un cancer d’abord.

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 Beaucoup de matières grasses sont utilisées comme excipients, surtout dans les
médicaments à usage externe. Elles sont aussi très utilisées en cosmétique : plus de
80% des préparations cosmétiques contiennent une phase grasse, surtout constituée de
matières grasses lipidiques.
Certaines matières grasses sont aussi cicatrisantes et anti-inflammatoires ; elles sont
donc utilisées pour traiter les brûlures superficielles et autres atteintes.
On a parfois des solutés huileux injectables : on utilise alors de l’huile d’olive ou
d’arachide, telle quelle ou hydrogénée (par réduction des doubles liaisons).
Les lécithines (qu’on retrouve en abondance dans la jaune d’œuf) sont parfois utilisées
comme émulsifiant.

 Les huiles de Flacourtiaceae sont actives contre Mycobacterium tuberculosis


et
leprae.
En effet, elles contiennent de l’acide chaulmoogrique, qui, malgré sa structure banale,
est très bioactif. Avant les sulfones, c’était le seul traitement qu’on avait pour traiter la
lèpre.

 L’insaponifiable de certaines huiles végétales (comme celles du soja, de


l’avocatier
et du maïs) est riche en phytostérols (surtout le -cyclostérol) qui ont des différentes
applications thérapeutiques, notamment l’abaissement de la cholestérolémie. On peut
aussi les utiliser en rhumatologie comme traitement d’appoint des douleurs
arthrosiques.

 L’huile de germe de blé est très riche en alcools à longue chaîne (C24, C26,
C28,
C30) et on pense que ces alcools seraient responsables d’une activité stimulante de
ces huiles qui permettent notamment d’améliorer les performances des athlètes. Ces
alcools garantissent également un apport nutritionnel très important et sont bons pour
le système cardiovasculaire.

 En usage externe, le glycosanol est utilisé pour le traitement du sarcome de


Kaposi (quand VIH).

 L’huile de cotonnier contient un polyphénol spécial, le gossypol, qui est un


sesquiterpène aromatisé (il possède des cycles naphtaléniques dans sa structure). Le
gossypol est un dimère inhibiteur du métabolisme des spermatozoïdes ; il inhibe une
enzyme spécifique de la synthèse des spermatozoïdes, la lactate déshydrogénase.
Ce composé est un bon spermicide qui induit une oligospermie significative et des
formes anormales de spermatozoïdes. En Chine, le gossypol est utilisé comme anti-
fertilisant masculin (loi de l’enfant unique).

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L’efficacité du gossypol est liée à la destruction des tubules séminifères ; le gossypol
engendre donc des effets secondaires non négligeables, qui sont dose-dépendants et
apparemment liés à un seul des 2 isomères : hypokaliémie, troubles gastro-intestinaux,
stérilité prolongée.
Le gossypol est relativement toxique pour le bétail ; or, on nourrit le bétail avec des
tourteaux de coton ! On doit donc préalablement éliminer le gossypol en chauffant le
tourteau, le gossypol étant thermolabile !

 Problèmes toxicologiques
Les matières grasses peuvent être les vecteurs de composés liposolubles indésirables ;
par exemples : les pesticides, les mycotoxines, les phtalates (plastifiants), …
Des contaminants peuvent également être introduits dans les matières grasses de façon
accidentelle (cfr affaire du poulet à la dioxine).
Donc, les matières grasses sont des vecteurs possibles de problèmes toxicologiques.

Poly-ènes-ynes

Les poly-ènes-ynes sont des acides gras dans lesquels on trouve à la fois des doubles et
des triples liaisons.
Qui dit doubles et triples liaisons dit beaucoup d’insaturations ; ces composés sont
donc très instables et facilement oxydables.
Ils peuvent être le support de certaines activités biologiques et notamment de toxicité.
On les retrouve dans certaines familles végétales : Apiaceae et Asteraceae.
Ex : la cicutoxine est une molécule qu’on retrouve en grande quantité dans la ciguë
aquatique, elle agirait par blocage des canaux potassiques ; l’intoxication avec cette
plante est rare (elle survient lorsqu’on confond cette plante avec une autre comestible)
mais souvent mortelle (fibrillation ventriculaire et arrêt respiratoire).
 la cicutoxine possède une structure relativement banale MAIS exerce une action
violente !

Quinones

Les quinones sont des pigments très répandus dans la nature qui ne contribuent que
très peu à la coloration des végétaux supérieurs mais qui sont souvent responsables de
la coloration des champignons, bactéries et lichens.
Au niveau des Animaux, on retrouve des quinones chez les arthropodes et les
échinodermes.

Classification et composition

Chimiquement, les quinones sont des dicétones arèniques. Le chromophore de base est
la benzoquinone.
On retrouve ces quinones à l’état libre ou sous forme d’hétérosides. On observe
souvent des substitutions par des groupements hydroxyle qui peuvent être libres (-OH)

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ou combinés dans une fonction éther avec un méthyle souvent (-O-CH3) ou avec des
oses (-O-Ose).
En fonction du noyau de base, on distingue :
I. BENZOquinones  1 cycle aromatique
Les benzoquinones sont peu présentes chez les végétaux supérieurs mais on les
retrouve fréquemment chez les champignons.
II. NAPHTOquinones  2 cycles aromatiques accolés
III. ANTHRAquinones  3 cycles aromatiques accolés

Les benzo- et naphtoquinones peuvent être substituées par des enchaînements de


longueur variable d’isoprènes (= groupe en C5 constituant la structure de base des
terpènes). Ex de benzoquinones isoprèniques : ubiquinone et plastoquinone.
On ne peut pas considérer ces quinones comme des métabolites secondaires car ces
molécules interviennent dans le métabolisme primaire en tant que systèmes redox : on
les retrouve dans la photosynthèse et la respiration cellulaire. On retrouve les ubi- et
plastoquinones dans toutes les plantes.
Ex de naphtoquinones isoprèniques : vit K1 et K2
Ces vitamines K sont très présentes dans notre alimentation : œuf, épinard, choux,
maïs, germe de blé,… Elles interviennent dans le fonctionnement de plusieurs
enzymes et subissent un cycle redox au niveau de la coagulation sanguine (lors de la
transformation de prothrombine ou thrombine) ; elles sont donc nécessaires pour une
bonne coagulation. Les déficiences en vitK sont rares ; elles peuvent toucher les
nouveaux-nés qui peuvent alors présenter un syndrome hémorragique.

Les anthraquinones ou anthranoïdes ou dérivés hydroxyanthranoïques peuvent se


trouve sous différentes fores : oxydée, réduite ou semi-réduite.
Ex : Anthraquinone = forme la plus oxydée
Oxanthrone = forme avec une des 2 cétones réduite  -OH
Anthrone = forme avec –OH précédent réduit  -H
Anthranol = forme avec les 2 cétones réduites
Les 3 dernières formes (oxanthrone, anthrone et anthranol) s’oxydent facilement en
anthraquinone.
Les anthraquinones existent sous forme de dimères symétriques (= homodimères =
dimères constitués de 2 monomères identiques) ou d’hétérodimères (= dimères formés
de 2 monomères différents). Ex : dianthranol (forme réduite), homo-dianthrone
(forme oxydée), hétéro-dianthrone
On peut avoir, par des réactions de couplage oxydatif phénolique, 2 pontages
supplémentaires ; on obtient alors une naphtodianthrone. C’est par exemple le cas de
l’hypericine, qu’on retrouve dans le millepertuis.
Les anthraquinones constituent le groupe de quinones le plus diversifié : on en trouve
dans les lichens, les champignons et dans un nombre limité de familles
d’Angiospermes : Rubiaceae, Polygonaceae, Rhamnaceae et Fabaceae (séné).

Biogenèse

Les quinones peuvent dériver de 3 voies :

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1. La principale, qui consiste en une condensation linéaire d’acétates suivie d’une
fermeture de cycle.
2. On peut aussi partir d’acide shikimique : celui-ci est isoprénylé puis SOIT on va
vers les quinones isoprèniques, SOIT il y a des réarrangements complexes et on
va vers les anthraquinones.
3. La dernière voie part de l’acide para-hydroxy-benzoïque ; celui-ci est
isoprénylé pour aboutir aux quinones.

Méthodes d’analyse

 Extraction
Les quinones libres (pas sous forme hétérosidique donc) sont quasiment insolubles
dans l’eau et sont donc extractibles par des solvants organiques.
!!! Les quinones sont sensibles à la lumière (photo-oxydation), donc il faut travailler à
l’abri de la lumière !!!
Certaines benzo- et naphtoquinones sont assez volatiles ; on peut donc les sublimer ou
les entraîner à la vapeur d’eau.

NB : vapeur d’eau = moyen d’entraîner tous les constituants volatils à partir d’une
drogue
végétale.

 Réactions spécifiques

Les C=O ne réagissent pas comme des cétones.

 Une réaction de coloration spécifique est basée sur la possibilité


d’interconvertir
les C=O (oxydation et réduction faciles).
On peut les réduire en hydroquinones avec le borohydrure de sodium ; on obtient ainsi
une forme non colorée. Ensuite, on agite le mélange à l’air, il y a oxydation (par
l’oxygène de l’air) et recoloration du produit.
 Décoloration par le borohydrure puis recoloration par agitation à l’air en milieu
légèrement alcalin !

 La réaction de Bornträger est utilisée pour trouver les anthraquinones dans les
végétaux.
On extrait la drogue par un solvant organique non miscible à l’eau (chloroforme, éther,
toluène, …) ; la phase organique ainsi obtenue est ensuite agitée avec une solution
aqueuse alcaline. Cette solution aqueuse se colore alors en rose, orange, rouge ou
violet (selon l’anthraquinone). Comme base, on utilisera souvent l’hydroxyde de
sodium ou l’acétate de magnésium. Pour les 1,8-dihydroxyanthraquinones, on obtient
des colorations plus stables qui permettent un dosage spectrophotométrique.
 Donc on extrait l’anthraquinone avec un solvant organique, puis on ajoute une
solution aqueuse alcaline. Les bases vont arracher 1 H aux fonctions phénol des
anthraquinones : on obtient des formes tautomères qui présentent de nombreuses

51
formes de résonance et donc une coloration intense.
Avec les formes réduites, dimérisées ou hétérosidiques, la coloration apparaît très
lentement, après chauffage ou longue agitation à l’air. Donc, pour toutes ces formes,
on réalise préalablement une oxydation par H2O2, HNO3 ou FeCl3. Pour les formes
hétérosidiques, il vaut mieux faire une hydrolyse en milieu acide avant la réaction : on
ajoute donc un acide et éventuellement du FeCl3 qui permet de couper les C-
hétérosides (plus difficiles à couper et formes réduites plus difficiles à oxyder).
Cette réaction de Bornträger est aussi observables in vivo, dans les urines des patients
qui prennent des anthraquinones. Si le pH de l’urine est supérieur à 7, les
anthraquinones (qui sont en fait éliminés en partie par les voies urinaires) donnent une
coloration rouge à l’urine.
Cette réaction (précédée d’une oxydation et d’une hydrolyse) permet également de
réaliser un dosage colorimétrique des anthranoïdes totaux d’une drogue végétale. On
dosera séparément les formes libres et hétérosidiques :
- les formes libres passent dans la phase organique  colorimétrie
- les hétérosides restent en phase aqueuse  on les hydrolyse, on extrait les génines,
puis on fait la colorimétrie.

Dans la rhubarbe, des molécules comme la rhéine possèdent des fonctions


carboxyliques. Ces molécules sont des acides plus forts que les phénols ; donc, en
jouant sur le pH, on peut séparer les phénols et les dérivés carboxyliques et les doser
séparément !

Il existe de nombreuses variantes à la réaction de Bornträger : on l’adapte selon les


mélanges d’anthraquinones auxquels on a affaire :
o Si forme non hétérosidique (aglycon) : réaction directe  la coloration
se développe dans la solution aqueuse.
o Si 1,8-dihydroxy-anthraquinone : la base utilisée est l’acétate de
magnésium, il y a complexation et coloration plus stable.
o Si forme réduite ou dimère : la réaction de Bornträger est plus lente ou
fonctionne moins bien ; donc on fait une oxydation préalable (par FeCl3,
H2O2 ou HNO3) et on aboutit à des anthraquinones (forme oxydée), avec
lesquelles la réaction fonctionne bien.
o Si O-hétérosides (solubles dans l’eau) : les O-hétérosides sont
difficilement solubles dans la phase organique, donc on réalise d’abord
une hydrolyse pour enlever l’ose et on se retrouve ainsi dans le cas de
l’aglycon.
o Si C-hétérosides : on procède préalablement à une hydrolyse en
présence d’un oxydant pour casser les liaisons simples C-C (l’hydrolyse
acide ne suffit pas pour détruire une liaison C-C).
o Si fonction carboxylique –COOH : le carboxyle est plus fortement
acide que le phénol, il est donc extractible à des pH moins alcalins que
les phénols.

 Il y a beaucoup de doubles liaisons et donc de conjugaison dans les quinones :


ces molécules possèdent donc des spectres (UV, …) très caractéristiques. Les

52
maxima d’absorption seront influencés par la nature et la position des
substituants.

 L’HPLC couplée à un détecteur UV permet un dosage très spécifique, c’est


donc une très bonne méthode !

 En CCM, la révélation est facile car ces substances sont souvent colorées ou
fluorescentes (la fluorescence permet de détecter des quantités très faibles de
substance). En alcalinisant la plaque chromatographique (en pulvérisant dessus
un réactif alcalin ou en l’exposant à des vapeurs d’ammoniac), on rend la
détection plus spécifique.

 Cas particulier des quinones isoprènoïques


Pour les quinones isoprèniques, l’extraction est plus spécifique et plus
compliquée. Comme il y a une chaîne isoprènique, les réactifs généraux des
terpénoïdes (chlorure d’antimoine par exemple) permettent de les caractériser.
Les quinones isoprèniques sont souvent présentes en faible quantité dans les
végétaux ; donc, elles sont difficiles à extraire et à caractériser.

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

 Beaucoup de quinones (surtout les benzoquinones) sont spasmolytiques.


 Beaucoup possèdent également une activité antibactérienne (action sur les
Gram- surtout) ; l’action antibactérienne est liée à l’addition des quinones sur
les fonctions thiol ou amine des enzymes bactériennes, ce qui inhibe ces
dernières. En général, on a une potentialité d’être antimicrobien
quand on a une certaine aromaticité et une fonction carbonyle en  par rapport à
une fonction qui peut donner des électrons dans la molécule.
 Les quinones, y compris les génines et les anthraquinones, sont fongicides,
parfois vermifuges et cytotoxiques.
 Certaines quinones sont allergisantes ; elles fonctionnent comme des haptènes
et se combinent avec des protéines (fonctions thiol et amine) pour donner des
allergènes. Ex : allergie aux anthraquinones des primevères

 On va rencontrer beaucoup de quinones (surtout des anthraquinones) au niveau


des LAXATIFS. Cette action laxative des dérivés hydroxyanthracèniques a été
très étudiée. En fonction de la dose, on aura une action laxative ou purgative.
Ici, on parle de laxatif stimulant ou irritant, qu’on appelle aussi laxatif de
contact.

Plusieurs mécanismes entrent en jeu :


 stimulation de récepteurs dans la muqueuse et sous-muqueuse intestinale
 augmentation du péristaltisme intestinal
 réduction du temps de transit colique
 diminution de l’absorption d’eau et des électrolytes, d’où une augmentation du bol
fécal

53
 augmentation de l’AMPc dans les entérocytes : cela entraîne les Cl- vers la lumière
intestinale, le Na+ est entraîné aussi pour conserver l’électroneutralité. Les
concentrations en Na+ et Cl- augmentent dans la lumière intestinale, l’eau sort pour des
raisons osmotiques.  action sécrétagogue (càd qui entraîne la sécrétion d’eau et de
sels).  blocage
+ + +
de la pompe Na /K ATPase : il y a inhibition de l’absorption de Na et donc de H2O
aussi.  action anti-absorbante
 action sur la synthèse des PG
On parle de laxatifs de contact car l’effet laxatif est provoqué par un contact entre la
molécule et la paroi intestinale.

Relation structure-activité :
 Il existe des différences importantes entre formes réduite et oxydée. Les
hétérosides d’anthranol et d’anthrone ont une activité plus drastique et sont plus
émétiques que les formes oxydées. On pense que le fait d’être réducteur permet
une absorption plus précoce dans le tube digestif (d’où une action plus haute
dans le tube digestif). Cela a des incidences sur les procédés de récolte. On
préfère oxyder les formes actives.
 Pour avoir une activité à partir d’une anthraquinone, on a besoin d’au moins 2
fonctions phénol et la distance entre les 2 influence l’action sécrétagogue.
 Les activités pour les génines ou hétérosides sont elles différentes ? On a
mesuré les effets après administration orale de génines et d’hétérosides :
l’hétéroside est plus actif que la génine. Par contre, quand on amène le produit
directement dans le colon, la génine est plus active. Cela signifie que les
bactéries de la flore intestinale sont responsables de la métabolisation et donc,
au niveau de l’intestin, les hétérosides sont transformés en génines. Si on prend
une génine par voie orale, comme elle est très peu solubles dans l’eau, la génine
a du mal à se solubiliser dans le bol. Si on administre un hétéroside, il se
solubilise bien dans le bol et est peu à peu hydrolysé en génine par les enzymes
intestinaux. On a pu vérifié cela en traitant des animaux par le
chloramphénicol ; sous chloramphénicol, la flore bactérienne est détruite et
l’activité des hétérosides diminue. Comme l’activité dépend de
la flore intestinale, il y a de grandes variations dans l’effet car la flore
intestinale est différente pour chaque personne.

La constipation est un problème banal. Les laxatifs de contact sont fréquemment


employés de manière systématique et prolongée : ce n’est pas une bonne idée ! Il est
avantageux de remplacer ces laxatifs par des laxatifs osmotiques, de lest, ou mieux
encore par des modifications du régime alimentaire (consommer plus de fibres !).
 PAS D’UTILISATION PROLONGEE !!!!
Ce sont des produits très consommés car on mange de moins en moins de fibres et
donc on est de plus en plus victime de troubles gastro-intestinaux. Les laxatifs ne
doivent être pris qu’en cure courte ; par exemple, quand on désire la production de
selles molles (en cas d’hémorroïdes ou autres), ou pour préparer à un examen digestif
ou à une chirurgie digestive, ou après un traitement anti-vers, ou lors de la prescription
d’un médicament à effet constipant.

54
!!! C’est prescrit comme amaigrissant : prescription longue dans ce cas ! 
DANGER !!!
 Contre-indication absolue en cas de colite, appendicite, douleur abdominale
d’origine inconnue, obstruction intestinale.
 Sauf exceptions, ils ne devraient pas être administrés aux enfants de moins de
12-13 ans.
 En cas d’utilisation prolongée, il y a apparition d’un phénomène de dépendance.
Cette dépendance peut être accompagnée de crampes abdominales, diarrhée,
troubles électrolytiques (surtout hypokaliémie), faiblesse musculaire,
inflammation et atonie du colon, albuminurie, hématurie, perte de masse
corporelle et désordre psychiatrique. Ces 4 derniers symptômes apparaissent
surtout chez les gens âgés : c’est la maladie des laxatifs.
 Lors d’une utilisation prolongée, on observe également une pseudo-mélanose
du colon : il y a accumulation de pigments au niveau du colon et donc ses
parois présentent une coloration jaune bien installée. La coloration peut être
accompagnée de lésions épithéliales du colon. La pseudo-mélanose est
réversible lorsqu’on arrête le traitement mais on se demande si les lésions
observées ne sont pas un préliminaire à une cancérisation du colon.
En fait, ces laxatifs entraînent une accumulation hydrique dans l’intestin ; cela
se traduit par une débâcle diarrhéique responsable d’une perte en eau et en
électrolytes.
 Certains hydroxyanthracènes sont carcinogènes in vitro et/ou génotoxiques. Il y
a donc un risque accru de développer un cancer du colon.
 Chez la femme enceinte, ces dérivés sont actifs au niveau sanguin de l’utérus et
semblent augmenter le risque d’avortement. Ils passent aussi dans le lait
maternel mais aucune diarrhée n’a été observée chez les nourrissons exposés (à
éviter quand même pour ne pas exposer le bébé à des xénobiotiques inutiles).
 Ces laxatifs de contact sont proscrits chez les femmes enceintes et
allaitantes : dans leur cas, mieux vaut utiliser les laxatifs de lest !
 L’hypokaliémie qui résulte de l’abus de ces laxatifs potentialise l’action des
hétérosides cardiotoniques (index thérapeutique très étroit  les conséquences
peuvent être très graves).
L’hypokaliémie interagit aussi avec les médicaments anti-arythmiques : cela se
traduit par des torsades de pointe (modifications de l’ECG qui se traduisent par
un désordre cardiaque pouvant être mortel !).
Il y a également interaction avec d’autres médicaments (corticoïdes,
diurétiques, hypokaliémants, amphotéricine B) qui induisent une hypokaliémie
et sont souvent utilisés en automédication. Donc le pharmacien doit intervenir
pour diriger les patients à risque vers les laxatifs de lest.

55
3. Les terpénoïdes

Les terpénoïdes sont omniprésents dans la nature : on en retrouve chez les bactéries,
les algues, les champignons, les végétaux terrestres, les insectes, les oiseaux, les
mammifères, certaines météorites, …
De nombreux terpénoïdes ont une distribution limitée à une classe, un ordre, une
famille ou un genre (c’est donc une donnée utile pour les études chimiotaxinomiques).
Les terpénoïdes sont intéressants en eux-mêmes mais ce sont aussi des métabolites
intervenant dans différentes voies de biogenèse (par exemple : voie de biogenèse des
alcaloïdes, flavonoïdes, coumarines, unités isoprènes dans la voie des quinones, …).

Monoterpénoïdes et iridoïdes

Monoterpénoïdes

Les monoterpénoïdes sont les constituants majeurs des HE. Dans ces HE, on les
retrouve sous forme de mélanges complexes avec parfois 1 ou 2 constituants majeurs.
Les HE contiennent aussi
- des SESQUIterpènes,
- des acides organiques de faible poids moléculaire (acide acétique, acide
formique),
- des dérivés aliphatiques (alcools, aldéhydes, cétones),
- des dérivés aromatiques (phénols, alcools, acides estérifiés ou non) avec un
squelette C6+C1 ou C6+C3,
- des coumarines,
- des monoterpénoïdes sous forme hétérosidique (donc non volatils),
- …

Biogenèse

Le PP de diméthylallyle et le PP d’isopentényle, 2 isomères unités isoprènes en C4+C1


(différenciés par la position de la double liaison) dérivés du mévalonate, sont
condensés tête à queue. On obtient donc une molécule en C10, le PP de géranyle, qui
constitue la porte d’entrée pour les monoterpènes (C10) a-, mono- et bicycliques.

56
Mécanisme du couplage

Le groupe PP est un moyen d’activer les molécules et est un très bon groupe partant
(sous forme d’anion PP).
La charge + qui résulte du départ du PP est délocalisée sur 3 C. Ensuite, on a une
addition électrophile sur les électrons  de la double liaison de l’isopentényle (double
liaison = zone riche en électrons). On obtient alors un carbocation qui peut perdre 1
proton (H+). Il y a ainsi régénération d’une double liaison. La perte du proton est
stéréospécifique. La double liaison générée est en TRANS. On aboutit ainsi au PP de
géranyle.
Quelques exemples de monoterpènes :
- linalol = monoterpène acyclique
- menthol = monoterpène monocyclique
- cinéol/eucalyptol = monoterpène bicyclique
- tétrahydrocannabinol = monoterpène incorporé dans la molécule.

 Isoprènes = moyens pour apporter 5 C dans une molécule


 Monoterpènes = moyens pour apporter 10 C dans une molécule

Comment se fait la cyclisation ?

Il y a plusieurs possibilités de cyclisation de par un réarrangement de la molécule.


Le groupe PP du PP de géranyle part, on obtient alors un carbocation dont la charge
est délocalisée sur 3 C (3 C +). Ensuite, un autre groupe PP peut venir s’additionner
sur le C de gauche, on obtient ainsi le PP de linalyle qui est un isomère du PP de
géranyle : la double liaison rouge est devenue terminale et la liaison simple C-C peut
subir une rotation (d’où l’existence de 2 formes pour le PP de linalyle).
S’il y a re-départ du groupe PP du PP de linalyle, on obtient à nouveau un carbocation
dont la charge est délocalisée sur 3 C. Si un groupe PP se re-additionne sur le C
terminal, on obtient le PP de néryle, qui est l’isomère CIS-TRANS du PP de géranyle.
 existence de 3 isomères : géranyle, linalyle et néryle !
Ensuite, le PP peut s’en aller une fois de plus, et on obtient le carbocation néryle avec
charge délocalisée sur 3 C. La liaison  peut alors réagir avec le + du C terminal : il y
a cyclisation et on obtient le cation menthyle.
!!! cation menthyle = clé pour aboutir aux monoterpènes cycliques !!!
Le cation menthyle possède dans sa structure encore une double liaison et donc des
électrons qui donnent une possibilité d’addition supplémentaire sur le + :
- si addition avec le C de gauche de la double liaison  cation bornyle Monoterpènes
- si addition avec le C de droite de la double liaison  cation pinyle bicycliques

La même enzyme, la monoterpène cyclase, cyclise la molécule et isomérise le


géranyle : donc une seule enzyme permet de réaliser toutes ces étapes ! Cette enzyme
peut aussi bien cycliser le géranyle que le linalyle ou le néryle. Quand on donne les 3
substrats à l’enzyme, le substrat préféré par l’enzyme est le linalyle.

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Méthodes d’analyse

Dosage volumétrique des HE par hydrodistillation ou entraînement à la vapeur


d’eau

Le dosage volumétrique des HE est à la fois un moyen d’extraire les HE à partir de la


drogue et de réaliser des contrôles de qualité. Il est décrit dans la Pharmacopée, qui
donne une concentration minimum pour que l’échantillon soit conforme.

On place la drogue dans un ballon, on ajoute de l’eau et un agent anti-mousse, puis on


distille. Au-dessus du ballon, on place un des 4 appareils présentés sur le transparent.
Quand on distille, la vapeur d’eau entraîne tout ce qui est volatil ; ensuite, il y a
condensation dans le réfrigérant. Comme l’HE est moins dense que l’eau, après
décantation, on retrouve un liquide biphasique : HE au-dessus et eau en-dessous.
L’eau est siphonnée et retourne dans le ballon : il y a donc une extraction en continu
des substances volatiles.
Pour les extractions industrielles, c’est le même principe d’entraînement à la vapeur
d’eau ou hydrodistillation mais avec des appareils de taille plus importante.

En fait, l’hydrodistillation obéit au principe physique connu sous le nom de Loi de


Raoult :
« Au-dessus d’un système de 2 liquides complètement non miscibles, la pression de
vapeur P est la somme des pressions de vapeur des 2 constituants purs ( mise en
commun des pressions de vapeur propres à chacun des liquides).
Chaque liquide émet sa propre pression de vapeur. La pression de vapeur est donc
indépendante des compositions globales et des quantités des composants en présence.
Un tel système bout lorsque la pression totale de la vapeur P atteint la pression
atmosphérique et par conséquent, à une température inférieure à la température
d’ébullition de chacun des 2 constituants purs. La température d’ébullition demeure
constante jusqu’à épuisement de l’un des 2 constituants. Cette technique de co-
distillation permet d’abaisser la température de distillation d’un composé
thermiquement sensible à sa température normale d’ébullition. Après distillation, les 2
composés sont facilement séparables puisqu’ils sont non miscibles. »
 Donc, dans notre cas, le mélange HE/eau bouillera à une température inférieure à
100°C sous 1 atmosphère.

Pour réaliser convenablement une hydrodistillation, l’HE doit avoir une densité
suffisamment différente de l’eau ; ainsi, la différenciation entre les 2 phases se fait
aisément. Si la différence de densité n’est pas assez important, on ajoute un solvant
organique (comme le xylène ou l’isooctène) qui piège l’HE.

Les avantages de l’hydrodistillation sont nombreux :


- Les substances aromatiques ne subissent pas de dommages trop importants et
l’HE ne se charge donc pas en composés pyrogénés, ce qui risque d’être le cas
si on réalise une distillation sèche.
- Elle permet aussi d’entraîner des composés dont la température d’ébullition est
supérieure à 100°C.

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- Le fait que l’eau soit constamment ramenée vers le ballon de distillation par un
système de siphon permet une extraction en continu de l’HE.
- La vapeur d’eau protège l’HE de l’air et son effet oxydant.
- Quand on macère la plante dans l’eau chaude, les cellules grossissent et
éclatent, libérant ainsi plus facilement leur HE.
- L’eau de distillation est saturée en dérivés aromatiques d’HE ; cette eau peut
être utilisée telle quelle (eau aromatique), ou être réutilisée pour l’extraction
d’une autre HE, comme ça, il y moins de perte de cette nouvelle HE puisque
l’eau est déjà saturée en HE (cohobage).

L’inconvénient de l’hydrodistillation est qu’il y a quand même un risque de


décomposition et d’hydrolyse à chaud (c’est un avantage si on est en présence
d’hétérosides terpéniques). Par exemple, la matricine de la matricaire est décomposée
à chaud en chamazulène ; heureusement, la matricine et la chamazulène ont la même
action : anti-inflammatoire par inhibition de la synthèse des leukotriènes.

La teneur en HE d’une drogue peut être très variable : les conditions opératoires,
décrites dans la Pharmacopée Européenne, sont donc très variables aussi (elles sont
fonction de la plante à laquelle on a affaire). On peut faire varier plusieurs paramètres
de manipulation :
 prise d’essai
 vitesse de distillation
 temps de distillation
 ajout ou non de glycérine (la glycérine est peu volatile et permet d’augmenter la
température d’ébullition)
 distiller la drogue entière (par exemple, fleurs de camomille) ou en poudre ou
en morceaux ou …

 Hydrodistillation = moyen d’extraction industrielle simple et peu coûteux


(augmentation de la taille de l’appareil)
= moyen de détermination analytique (extraction, analyse des
constituants de l’HE, contrôle de qualité).
Comme l’eau revient en continu dans le ballon de distillation, c’est une sorte de
recyclage, l’eau déjà saturée en HE sert à extraire une nouvelle drogue : c’est le
cohobage.
On obtient à la fin un liquide sur lequel on peut faire des contrôles physiques.

Contrôles physiques

 Coloration et spectre électronique

 Densité relative : l’HE est un mélange complexe et variable (en fonction des
conditions écophysiologiques dans lesquelles la plante a poussé) de
constituants ; donc, la Pharmacopée Européenne impose non pas un chiffre
précis mais une plage de valeurs pour la densité.

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 Pouvoir rotatoire : angle de rotation optique ; la Pharmacopée Européenne
impose un intervalle de valeurs acceptables.

 Indice de réfraction : on a une marge possible de valeurs.

 Résidu d’évaporation : dans un creuset taré, on évapore puis on pèse ce qui


reste (en principe rien ne doit rester).

 Solubilité dans le CS2 : cela permet de contrôler la présence d’eau dans l’HE
(l’eau est très insoluble dans le CS2) ; donc, s’il y a présence d’eau, il apparaît
un trouble dans la solution.

 Solubilité dans des solutions éthanoliques de titre prescrit : on exprime cette


solubilité en nombre de volumes d’éthanol de titre connu (en général 60, 70, 80
et 90 degrés) pour un volume d’HE. Cette solubilité permet de déceler
rapidement certaines falsifications grossières (par exemple, ajouter de l’HE de
térébenthine bon marché à une HE coûteuse pour augmenter son volume) et de
constater l’état de conservation et l’âge des HE. Si la conservation est
mauvaise, l’HE se résinifie et ne sera plus soluble dans le volume prescrit
d’éthanol.

 Viscosité : en général, la viscosité des HE est petite.

 Intervalles de congélation et de fusion

Contrôles chimiques

Avant, on faisait beaucoup de contrôles chimiques. Maintenant, ces contrôles ont été
remplacés par des contrôles chromatographiques et spectrophotométriques.

Contrôles chromatographiques et spectrophotométriques

On peut appliquer ces 2 techniques (chromatographie et spectrophotométrie) à l’HE


brute ou après séparation des différents constituants. La séparation se fait par LC ou en
fonction de leurs groupements fonctionnels : on réalise une solution d’HE dans l’éther
diéthylique ; puis on l’agite avec des solutions aqueuses de différentes compositions :
- solution aqueuse de Na2CO3 : les acides passeront en phase aqueuse sous forme
de carboxylates
- solution aqueuse de NaOH : les phénols sont extraits dans la phase aqueuse
sous forme de phénolates
- solution méthanolique de NaOH : il y a saponification et donc extraction des
esters et lactones dans la phase aqueuse
- réactif de Girard (solution de NaHSO3) : il donne un dérivé soluble dans l’eau,
donc extractible dans la phase aqueuse ; puis on laisse le dérivé en milieu acide
et il régénère des aldéhydes et cétones.
- anhydride phtalique : il permet la séparation des alcools ; les alcools primaires
et secondaires sont extraits.

60
Ensuite, il reste dans l’HE les alcools tertiaires, les éthers et les hydrocarbures, qu’on
sépare ensuite par chromatographie.

 CCM : c’est une technique rapide. La révélation se fait par des dérivés
aldéhydes aromatiques (vanilline ou anisaldéhyde) en présence d’acide
sulfurique ; on chauffe la plaque, les aldéhydes forment alors des carbocations
qui vont réagir avec les constituants des HE pour donner des produits colorés.

 HPLC : elle est peu utilisée car les constituants absorbent peu dans l’UV et la
détection n’est donc pas aisée. Elle est plutôt utilisée pour les grands groupes
en remplacement ou complément du fractionnement chimique.

 CG : c’est une bonne méthode pour l’analyse quantitative et qualitative des


HE. C’est la méthode la plus appropriée pour les composants volatils (ce qui
est le cas ici) ; la résolution et l’efficacité sont très bonnes !
En complément de la GC, on peut faire des réactions chimiques pour confirmer
la présence d’un constituant.

Commentaires des graphes : le pic du menthone (en bleu) a disparu du graphe de


droite, c’est que le constituant qu’on avait analysé était bien le menthone (le NaBH4
réduit la menthone en menthol).
Plus on augmente la longueur de la colonne (jusqu’à 60 m !!!), mieux on sépare tous
les constituants (très nombreux) de l’HE. Les HE sont donc vraiment des mélanges
très complexes. On a aujourd’hui des systèmes bidimensionnels pour les étudier.
GC  détecteur  système qui permet de piéger un seul pic (système avec azote
liquide) et de le réinjecter dans un autre système GC-détecteur.
On a maintenant des colonnes chirales qui permettent de séparer des énantiomères.
Selon les fractions énantiomériques obtenues, on peut déterminer de quelle plante
provient l’HE qu’on contrôle. Ces colonnes chirales permettent également de repérer
des falsifications ;
par exemple, l’HE de carvi ne contient que de la carvone dextrogyre, grâce aux
colonnes chirales, on peut savoir si de la carvone synthétique (qui contient les 2
isomères) a été ajoutée.

MAIS la GC et la CCM peuvent créer des artefacts. Si les constituants sont fort
fragiles ou labiles, on risque grandement de les détruire pendant les opérations de
chromatographie.

 RMN : elle peut être utilisée pour repérer des falsifications (augmentation de
volume par ajout de constituants de synthèse). La constitution isomèrique des C
et des H peut être différenciée entre des molécules de synthèse et des molécules
naturelles. Par RMN, on quantifie ces isotopomères (par exemple, la quantité en
13
C est différente dans la molécule synthétique et dans la molécule naturelle).

Les falsifications sont de plus en plus ingénieuses, donc il faut des techniques de plus
en plus complexes pour les détecter ! Les HE concernent un marché important, les
falsifications sont donc nombreuses et diverses !

61
Quelques constituants des HE

Ce cliché reprend surtout des monoterpènes (en noir) et des constituants en


C6aromatique+C3 (en rouge) surtout originaires du shikimate.
Le thymol et le carvacrol sont des dérivés aromatiques d’origine terpénoïque (3ième voie
mineure d’aromaticité, les 2 voies majeures étant l’acétate et le shikimate).

Dans les HE, on peut rencontrer :


 Principalement des monoterpènes acycliques, mais aussi mono- et bicycliques ;
ces monoterpènes peuvent être aromatisés ou fonctionnalisés (ce sont les plus
intéressants sur le plan pharmacologique) par un alcool, un aldéhyde, une
cétone, un ester, un éther, un peroxyde, un phénol (par exemple dans le thymol,
le carvacrol et l’eugénol), …
 Sesquiterpènes (C15)
 Unités aromatiques en C6+C3 et C6+C1 ; ces dérivés peuvent être majoritaires
dans l’HE (ex : cinnamaldéhyde = composé majoritaire dans l’HE de cannelle ;
dans l’HE de fenouil et d’anis ; eugénol = composé majoritaire de l’HE de
giroflier, …)
 Produits de dégradation des acides gras : aldéhydes, alcool, acides organiques
de faible poids moléculaire, cétones aliphatiques, …
 Produits de dégradation de terpènes complexes tels que les triterpènes ou les
carotènes
 Coumarines
 Composés azotés et soufrés (rares) qui sont caractéristiques des produits grillés,
rôtis ou torréfiés
 Hétérosides ; par exemple, dans les pétales de roses, on a montré l’existence de
glucoside de linalol (glucoside de linalol + glucosidase  libération du linalol).

Les plantes qui possèdent le plus de terpènes sont les plantes à HE.

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

Généralités

 Les terpénoïdes des HE sont métabolisés en fonction de leur structure :


métabolisation de phase 1 et métabolisation de phase 2.

Métabolisme de phase 1
C’est une biotransformation ayant pour but de rendre la molécule plus polaire et donc
plus simple à éliminer (hydroxylation, carboxylation, réduction). Dans certains cas, ce
sont ces métabolites qui sont actifs : les terpénoïdes contenus dans l’HE sont alors des
pro-drogues.

Métabolisme de phase 2 (conjugaisons)

62
Classiquement, on forme des dérivés glucuronides ; mais on peut aussi former des
dérivés soufrés. Le but des réactions de conjugaison est également d’augmenter
l’hydrophilie de la molécule et donc de faciliter son élimination.

 Dans les HE, il y a une grande hétérogénéité des composés et donc une
grande variété d’activités biologiques.

 Les constituants des HE sont surtout lipophiles ; les HE agissent donc


surtout
au niveau des membranes cellulaires en augmentant ou diminuant la perméabilité
membranaire par action sur les canaux ioniques ou sur les enzymes membranaires.

!!! Les propriétés de l’HE ne sont pas celles de la plante !!!

Les HE peuvent avoir l’action inverse de la plante entière : elles peuvent renforcer ou
contrarier l’action de la plante dont elle provient.
Il ne faut pas prendre des plantes à HE en gélules car il peut y avoir des pertes d’HE
(l’action diminue donc) et une toxicité éventuelle (qu’on ne retrouve pas avec l’HE
seule).
Malgré que l’usage des HE est de plus en plus populaire, les HE restent ignorées par
les pharmacologues.

Application par voie externe

 Résorption
L’application par voie externe est réservée à des traitements locaux. La résorption
dépend de la lipophilie des constituants (monoterpènes). Vu que cette lipophilie est
importante, il y a une absorption percutanée (qui est abondamment étudiée
aujourd’hui). En général, la pénétration est rapide et varie en fonction des constituants
présents.
Ex : - L’HE de thérébentine et l’eucalyptol sont complètement résorbés en 20
minutes.
- L’HE de menthe et celle de citronnelle sont complètement résorbées en 120
minutes.
Dans ces conditions d’application, les molécules échappent à une éventuelle
métabolisation au niveau du tube digestif. Comme l’absorption est rapide, l’action est
également rapide, ce qui est un avantage pour les produits de massage et les huiles de
bain.
L’inhalation est considérée comme un usage externe ! Quand on administre une HE
par inhalation, on a montré qu’il y avait bien résorption.

 Hyperémie (« propriétés révulsives »)


L’application de certaines HE provoque une chaleur et une rougeur de la peau car il y
a une vasodilatation importante au niveau du site d’administration. Cela peut conduire
à une action vésicante et même nécrosante ; en effet, en cas d’administration de dose

63
élevée d’HE, il y a altération de la fonction barrière des membranes cellulaires,
irritation des cellules sous-jacentes et destruction des cellules épidermiques.
La vasodilatation observée provient d’un réflexe d’axone, stimulé par un récepteur
cutané lui-même stimulé par l’irritant. Ce réflexe entraîne la libération de médiateurs
chimiques (polypeptide substance P, histamine, PG, …) au niveau central et
périphérique.
L’action vasodilatatrice amplifie et propage l’érythème qui est donc inflammatoire.
Cette vasodilatation a un effet décongestionnant sur les tissus sous-jacents et
avoisinants la zone d’administration de l’HE.
Vasodilatation  meilleur drainage des tissus
 résorption d’un éventuel œdème inflammatoire
 élimination plus rapide des déchets du métabolisme cellulaire
 augmentation locale de la température qui peut être objectivée par
mesures
 échauffement local
 analgésie
Cet effet analgésique permet d’expliquer la présence d’HE dans des pommades,
baumes, solutions éthanoliques, … et autres préparations destinées à soulager les
algies rhumatismales, articulaires, musculaires et dues au sport (Reflex Spray).

Exemples : HE d’eucalyptus, de térébenthine rectifiée, de genévrier, de gaultheriae


(contient 95% de salicylate de méthyle à action anti-inflammatoire), camphre (possède
une action anesthésique en plus), menthol, capsicum, et capsaïcine.

 Action anti-inflammatoire et cicatrisante


Certains terpénoïdes ont une action plus spécifiquement anti-inflammatoire.
L’HE de camomille matricaire contient de l’-bisabolol, un sesquiterpène à action
anti-inflammatoire.
Les HE de thym et de giroflier contiennent une quantité élevée de thymol et d’eugénol
respectivement ; ces molécules présentent une action anti-inflammatoire aux mêmes
doses que l’indométacine.
Ces HE agissent par inhibition des COX1 et COX2.

 Action anti-bactérienne
On connaît depuis longtemps l’usage des épices (riches en HE) comme conservateurs
des aliments. Cela signifie que certaines HE ont un effet inhibiteur sur le
développement des micro-organismes.
Avant les premiers antibiotiques (sulfamidés – années ’20), toute la thérapie anti-
infectieuse (surtout infections urinaires et des voies respiratoires) reposait sur
l’utilisation d’HE ou de drogues à HE.
Aujourd’hui encore, on utilise certaines HE comme désinfectants souvent actifs contre
des souches résistantes aux antibiotiques. Dans les HE, on a des composés lipophiles
avec des dimensions moléculaires réduites : ils peuvent donc facilement rentrer dans
les micro-organismes (surtout les bactéries à Gram-).
Le coefficient phénol nous renseigne sur l’activité anti-bactérienne d’HE par rapport à
celle du phénol, arbitrairement fixée à 1. Pour établir ce coefficient, il faut déterminer

64
la quantité d’HE qui a le même effet qu’une dose fixée de phénol. On peut faire cela
aussi bien pour l’activité bactéricide que pour l’activité bactériostatique des HE. C’est
peu précis et peu reproductible mais cela donne une bonne indication de la potentialité
des HE.
Certaines HE ont des propriétés anti-bactériennes très importantes : par exemple, l’HE
d’origan a une action bactériostatiques à une dilution de 1/50 000 et une action
bactéricide à une dilution de 1/4000.

 Action anti-fongique
Certaines HE réduisent la croissance des champignons et la concentration en
mycotoxines dans les aliments.
 Les HE concernées sont, entre autres, celles contenant des terpènes aldéhydiques :
ce sont des anti-fongiques très efficaces. Si l’aldéhyde est conjugué à une double
liaison, l’efficacité de l’action anti-fongique augmente fort (ex : cinnamaldéhyde).
Cette action anti-fongique des aldéhydes provient de la réaction entre un aldéhyde et
une fonction thiol présente sur un constituant essentiel des champignons.
 Les terpènes avec alcool primaire présentent également une action anti-fongique,
alors que ceux avec alcool secondaire et tertiaire n’ont aucune action anti-fongique.
 Les composés phénoliques (par exemples les phénols alkylés) ont aussi une action
anti-fongique ; pour les phénols alkylés, plus la chaîne alkyle est longue, plus l’action
anti-fongique est marquée.
 Les hydrocarbures et les éthers sont inactifs sur les champignons à 2 exceptions
près, le méthyleugénol et le méthylisoeugénol.

L’activité anti-bactérienne et antifongique de certains constituants des HE justifie


plusieurs utilisations de ces HE :
- le thymol ou son isomère le carvacrol (composés phénoliques) et les autres
constituants de l’HE de thym diminuent le nombre des bactéries responsables
des caries dentaires ; donc, on les retrouve dans des bains de bouche, des
dentifrices, …
- l’eugénol est très utilisé en dentisterie
- les HE contenant de l’eucalyptol, du géraniol, ou … sont utilisées comme
gouttes nasales pour traiter les rhinites et sinusites
- il y a des HE dans les excipients gras MAIS les excipients gras peuvent entraver
les mouvements ciliaires des voies respiratoires supérieures et donc la bonne
évacuation du mucus
- les HE se retrouvent aussi de plus en plus dans des pansements gras pour
soigner les plaies et les brûlures
- …

 Activité insecticide/insectifuge
Exemples : HE de citronnelle, d’eucalyptus, de giroflier, de cannellier, le citral, la
carvone, le cinnamaldéhyde, le camphre, la -asarone.

La -asarone, présente dans Asarum et dans Acorus calamus, est très active ; on
l’obtient généralement par extraction des racines d’Asarum. C’est une des substances

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les plus intéressantes au niveau de son activité. On a beaucoup étudié cette substance
pour son activité insecticide et insectifuge. C’est aussi un sédatif du SNC MAIS cette
substance est fortement mutagène, donc son utilisation est très dangereuse !
On utilise l’HE d’acore dans l’industrie alimentaire et cosmétique mais il existe
maintenant des concentrations limites autorisées par la législation.

 Activité insectifuge
Exemples : extraits d’Achillea millefolium, de citronnelle, d’eucalyptus, de girofle, de
lavande, de muguet, de menthe et goudron de bouleau et de pin.

 Activité acaricide
Exemples : HE de citron, de thym, de lavandin.
On retrouve ces HE sous forme de sprays anti-acariens. Ces HE sont moins efficaces
que le benzoate de benzyle (acaricide de référence) mais il est recommandé de les
utiliser dans les produits de nettoyage.

 Excipient
Les HE permettent d’aromatiser les crèmes, baumes, sirops, … Certains terpènes (par
exemple le nérolidol, un sesquiterpène présent dans l’HE de néroli) permettent une
meilleure pénétration de certains médicaments comme les anti-inflammatoires.

Administration par voie interne

Le plus souvent, c’est la voie orale qui est concernée : les HE sont diluées dans
l’éthanol ou dans une huile végétale comme l’huile de pépin de raisin qui contient
beaucoup d’anti-oxydants permettant de protéger l’HE.
L’action irritante peut aussi se manifester par voie orale. Pour éviter cette action, on
peut incorporer les HE dans des excipients pâteux qu’on introduit ensuite dans des
capsules ou des gélules. On peut aussi micro-encapsuler les HE dans des
cyclodextrines ou dans des polyholosides ; cela accroît leur stabilité et donc leur durée
de conservation. Ces micro-capsules peuvent ensuite être mises en gélules.
Après administration orale, on observe une résorption MAIS cela ne signifie pas qu’il
y a une action thérapeutique. La vitesse d’élimination de certaines HE est tellement
grande que la concentration en HE n’a pas le temps d’arriver aux concentrations
thérapeutiques plasmatiques et tissulaires.

 Activité expectorante
Ce n’est jamais une action antitussive réelle qui passe par voie centrale (comme la
codéine). Ici, c’est plutôt une action expectorante due surtout à un effet sécrétolytique.
On a une augmentation des sécrétions glandulaires au niveau des voies respiratoires ;
cette action sécrétolytique peut être directe (action directe de l’HE sur les cellules des
voies respiratoires) ou indirecte (via une stimulation des glandes de la muqueuse
gastrique).
L’action expectorante est aussi due à un effet sécrétomoteur (càd une stimulation de
l’évacuation des sécrétions bronchiques) et à un effet spasmolytique au niveau de
bronches.

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Exemples : HE d’anis et de fenouil (anéthol), d’Eucalyptus sp et de Melaleuca sp
(cinéole-1,8), de thym, de serpolet et d’origan (thymol), hydrate de terpine, HE de
camomille, de fleurs d’oranger, d’écorces d’oranger, de menthe, de sauge et de
cannellier.
La terpine est à la fois un produit d’hémi-synthèse obtenu à partir de l’HE de
térébenthine et un métabolite de certains monoterpènes comme le cinéole-1,8.

 Stimulation des voies digestives

 Sécrétions gastriques : certaines HE (HE d’anis, d’anis étoilé, de fenouil,


d’angélique, d’écorce d’orange, de menthe et de cannellier) peuvent
améliorer les sécrétions digestives au niveau de l’estomac et/ou de
l’intestin.
 Cholécinétique : les HE concernées (curcuma, carvi, lavande et menthe,
bornéol, camphre, cinéole-1,8,  et -pinènes, menthol, menthone)
favorisent l’évacuation de la bile au niveau de la vésicule biliaire.
 Cholérétique : l’HE de menthe et celles contenant du menthol stimulent
la vésicule biliaire. L’action cholérétique est souvent associée à l’effet
cholécinétique.
 Activité carminative : elle concerne les HE d’anis, de fenouil, de
camomille, de coriandre, de carvi et de menthe et est due à une irritation
locale des muqueuses gastrique et intestinale (effet hyperémiant). Cette
irritation provoque une augmentation des sécrétions gastriques et donc
une amélioration de la digestion avec augmentation de l’activité motrice
de l’intestin. Ces HE présentent également une activité antiseptique et
cholagogue. Pour certaines drogues, on observe aussi un effet
spasmolytique.

 Toutes ces actions mènent à une eupepsie (bonne digestion).

 Activité spasmolytique
Exemples : HE de camomille matricaire (-bisabolol), d’angélique, de carvi, de
fenouil, d’orange, de cannellier et de menthe
Quand une HE est spasmolytique, c’est en général par inhibition de l’entrée de Ca2+ au
niveau des membranes des cellules musculaires. Cela entraîne une diminution des
spasmes au niveau des muscles lisses (intestin, vésicule biliaire, bronches).
L’-bisabolol est un sesquiterpène à action anti-inflammatoire et spasmolytique.

Ces activités, stimulante des voies digestives et anti-spasmolytique, confèrent aux HE


concernées des qualités stomachiques (digestives).
L’eupepsie qui en résulte peut avoir des conséquences positives sur certains troubles
psychosomatiques.

Certains terpènes ont un effet spasmogène.


D’autres ont un effet spasmogène à faible dose mais un effet spasmolytique lorsque les
doses augmentent.

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Certains fabricants d’HE commercialisent des HE chémotypées (càd reproductibles).
Tout phytothérapeute sérieux se doit de travailler avec des HE chémotypées.

 Action anti-inflammatoire et anti-bactérienne


Exemples : drogues ou HE d’eucalyptus, de thym, de cannellier, matricine, -
bisabolol,  et -pinène, thymol, carvacrol.
La matricine et l’-bisabolol sont les constituants les plus importants utilisés pour le
traitement des gastrites et des stomatites.
Pour traiter les infections des voies respiratoires supérieures, on utilise des HE de
thym, d’eucalyptus et de cannellier. L’efficacité du thymol, carvacrol,  et -pinène a
été prouvée.

L’aromathérapie correspond à l’administration des HE par voie cutanée, par


inhalation, par voie orale (le plus souvent) et par voie parentérale.
Parallèlement à cela, se sont développés des laboratoires qui réalisent des
aromatogrammes. Ces aromatogrammes sont identiques à des antibiogrammes sauf
que le comprimé d’antibiotique est remplacé par une goutte d’HE ; ils permettent de
sélectionner le meilleur mélange d’HE pour traiter le patient MAIS les doses qu’on
utilise in vitro ne sont pas utilisables in vivo ! In vitro, on a des concentrations
approximativement 100 fois supérieures à celles qu’on obtient in vivo (à cause de
l’élimination souvent très rapide des HE). De plus, les HE in vivo sont très
métabolisées.
Les aromatogrammes sont-ils pertinents ? Représentent-ils ce qui se passe in vivo ?
Réaliser des aromatogrammes n’est donc pas la meilleure démarche à faire !

 Activité diurétique
Les HE concernées augmentent le volume de la diurèse par action irritante au niveau
des reins. L’action irritante provoque une vasodilatation et donc une augmentation de
la diurèse.
Cette vasodilatation peut être causée par l’HE de genévrier, qui contient des terpènes
non oxygénés. Cependant, mieux vaut ne pas utiliser cette HE comme diurétique car le
mécanisme d’action n’est pas très bien connu et un phénomène de toxicité est toujours
possible !

 Activité sédative
Exemples : valériane (iridoïdes et HE), HE de mélisse, de lavande, d’Acorus calamus
(-asarone  mutagène donc attention !!!), citronnellal, citrals, limonène et linalol.

 Activité stimulante au niveau cardio-respiratoire


Exemples : HE de romarin, de menthe, camphre.
C’est surtout le camphre qui est utilisé, principalement en inhalation. En fait, il y a
stimulation des nerfs olfactifs et des terminaisons sensorielles des muscles trijumeaux
et, par voie réflexe, on a une stimulation de la respiration. Cette activité en tant que
stimulant cardio-respiratoire est aujourd’hui contestée.

 Action anticarcinogène et antitumorale

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On retrouve cette activité chez des dérivés de plantes alimentaires (limonène, alcool
péryllique) responsables d’une chémoprévention (attaque par des carcinogènes
empêchée).
D’une part, les molécules concernées sont capables de stimuler l’enzyme gluthation-S-
transférase qui détoxifie les carcinogènes.
D’autre part, elles font régresser la croissance des tumeurs en induisant l’apoptose et
en inhibant des protéines qui régulent le cycle cellulaire.
Enfin, elles permettent une re-différenciation des cellules tumorales.
 Action très importante !
Ces dérivés font partie de ce qu’on appelle les phytonutriments, càd des aliments qui
contribuent à améliorer/maintenir la santé.
Manger suffisamment de ces phytonutriments permet de diminuer significativement le
nombre de cancers !

Toxicité

Les HE ne doivent pas être utilisées de façon inconsidérée. Les effets indésirables se
manifestent quand les doses administrées sont trop importantes. Les HE à terpènes
insaturés (riches en doubles liaisons) sont les plus toxiques.

 Allergénicité
Il s’agit surtout d’allergies de contact ; c’est le cas des HE contenant des terpènes
insaturés. On pense que les allergènes sont formés en cours d’extraction ou de
conservation des HE : il y a oxydation des doubles liaisons en peroxydes qui peuvent
se comporter comme des haptènes.
L’utilisation des HE est d’ailleurs de plus en plus règlementée pour une utilisation
optimale.
Exemples : HE de cannellier (aldéhyde cinnamique), de térébenthine

 Phototoxicité
Les HE concernées sont celles contenant des fur(an)ocoumarines : HE de Rutaceae
(bergamote, Citrus aurantium ssp bergamia, et de Ruta graveolens) et de certaines
Apiaceae, eau de Cologne.
Ces fur(an)ocoumarines jouent le rôle de photosensibilisant ; quand elles sont
exposées à la lumière visible, elles génèrent des radicaux libres qui provoquent un
érythème. En réponse aux radicaux libres, il y a une pigmentation de la peau.
Exemple : les produits solaires Bergasol qui contiennent de l’HE de bergamote ; la
réparation des dégâts faits à l’ADN (cancer !?!) par la lumière induit un effet
bronzant.
Ce genre de formulation n’est pas à recommander !

 Activité nécrotique et néphrotoxique


Exemples : HE de Juniperus sabina, Juniperus communis et de térébenthine

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Pour la Sabine, après application locale répétée ou à haute dose, on peut avoir une
nécrose sévère. Si on l’administre par voie interne, on risque d’avoir des atteintes
rénales sévères. Le constituant impliqué est un monoterpène, l’acétate de sabinyle.
C’est pareil avec l’HE de genévrier et de térébenthine !

 Propriétés abortives
Exemples : HE de thuya et de tanaisie (- et -thuyones), de sabines (sabinol et acétate
de sabinyle), de persil (apiol), de Ruta graveolens (méthylnonylcétone)
Ces HE, quand on les administre à haute dose, sont réputées pour leurs propriétés
emménagogues et abortives.
Avant, dans tous les jardines, on trouvait de la rue afin de réguler les menstruations et
les grossesses.
L’effet n’est pas sélectivement abortif : on a juste un effet toxique général très
important à haute dose. La toxicité entraîne la mort du fœtus, une forte contraction des
muscles lisses de l’utérus et une dégénérescence hépatique.
Pour l’HE de rue, on a une activité emménagogue importante ; mais vu sa toxicité, son
utilisation n’est pas recommandée !

 Cancérogénicité,mutagénicité, hépatotoxicité
Exemples : Acorus calamus (-asarone), safrole pulégone, menthofurane
La -asarone possède des propriétés insecticides et sédatives mais on a montré chez
l’animal une cancérogénicité et une mutagénicité de sa part. Donc cette molécule est
vraiment à éviter !
La pulégone (contenu dans l’HE de menthe) est métabolisée par les cytochromes en
menthofurane qui est hépatotoxique.

 Effet convulsivant (surtout chez les enfants de moins de 3 ans)


Exemples : HE de thuya (- et -thuyones), menthol, cinéole-1,8, camphre
En administrant ces HE, le risque est qu’il y ait un spasme de la gorge avec asphyxie
réflexe.
Il ne faut pas administrer ces huiles aux enfants, aux femmes enceintes et aux femmes
allaitantes !
On observe l’effet convulsivant avec ces HE quand elles sont administrées à forte
dose. L’effet principal est observé par les HE de thuya.
On peut avoir une contre-indication de ces HE pour les asthmatiques à cause de cet
effet convulsivant qui peut générer des bronchospasmes ( crises d’asthme).

Un bel exemple de n’importe quoi… les Aroma Suppo


Ce sont des HE sous forme de suppositoires à administrer par voie rectale, nasale ( ?!?)
et otique ( ?!?). Pour la voie nasale, c’est plutôt à éviter car les excipients gras
empêchent les mouvements ciliaires et donc l’évacuation du mucus.

!!! De façon générale, les HE et épices sont contre-indiquées chez les femmes
enceintes, surtout pendant les trois premiers mois (organogenèse du fœtus) !!!

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Iridoïdes

Ils sont synthétisés à partir du géraniol.


Si on retourne la molécule de géraniol et qu’on lui fait subir une dizaine d’étapes de
biogenèse, il y a fermeture de cycles et formation d’iridoïdes.
En fait, un iridoïde est un cyclopentène avec un pyrane portant une double liaison et un
éther (dont le carbonyle est conjugué  fonction énol-éther). La fonction hydroxyle
est couplée avec un glucose.
On a une 2ième catégorie d’iridoïdes, les sécoiridoïdes où le cyclopentène est ouvert.
Sur le transparent, on a un sécoiridoïde particulier : le sécologanoside intervenant dans
la biogenèse d’un bon nombre d’alcaloïdes où il va apporter d’un seul coup 10 C dans
les molécules. De façon générale, les sécoiridoïdes s’incorporent dans pas mal
d’alcaloïdes.
Ces iridoïdes se présentent souvent sous forme d’hétérosides, mais le sucre peut être
remplacé par un acide et on a alors un iridoïde sous forme d’ester (ex : iridoïdes de la
valériane).
Il existe beaucoup de variations structurelles, on trouve même des dimères d’iridoïdes.
En fait, le nom « iridoïde » vient de l’iridodial (l’iridoïde le plus simple) qui est sécrété
par des fourmis australiennes (les Iridomirmex) comme moyen de défense. Dès que
l’iridodial est libéré, il y a ouverture de la fonction énol-éther pour donner naissance à
2 fonctions aldéhyde. Ces aldéhydes s’additionnent sur des protéines de la cible : il y a
formation de bases de Schiff avec les fonctions amine des protéines. C’est comme ça
que les fourmis se défendent contre leurs agresseurs.
Une simple hydrolyse acide ou enzymatique (par une -glucosidase) du glucose peut
libérer le –OH et on se trouve alors dans le même cas que l’iridodial : 2 fonctions
aldéhyde peuvent sortir. Ces fonctions aldéhyde sont très réactives ; elles peuvent
réagir avec des amines, s’oxyder, et comme tous les aldéhydes, elles peuvent
polymériser ( formation de composés colorés).
Dans le cas du sécologanoside, on a déjà une fonction aldéhyde (CHO rouge). Si on
hydrolyse son glucose, on se retrouve avec 3 fonctions aldéhyde. Ces aldéhydes
peuvent servir à former d’autres cycles.
Les iridoïdes sont souvent rencontrés chez les Asteridae (Gentianales, Lamiales,
Scrofulariales, …).

Méthodes analytiques

 CCM
La CCM est très utilisée. On révèle les composants comme les monoterpènes par
pulvérisation d’un aldéhyde arènique (comme la vanilline ou l’anisaldéhyde) et
d’H2SO4 sur la plaque.

 HPLC
Elle est utilisée pour l’analyse qualitative et quantitative.

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

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 Avec les iridoïdes, on a souvent des activités biologiques intéressantes, ce sont
les constituants actifs d’un nombre non négligeable de plantes médicinales. On
a un large éventail d’activités biologiques qui dépendent des particularités
structurales des iridoïdes.  palette d’activités biologiques très importante :
propriétés antimicrobienne, hypotensive, analgésique, antirhumatismale,
tonique amer, sédative, laxative, antitumorale.

 Au niveau de la métabolisation, il est probable que les iridoïdes subissent dans


le tube digestif des profondes modifications structurelles.
Ainsi, dans l’estomac, ils subissent une hydrolyse acide ; et dans les intestins, la
flore enzymatique peut les attaquer.  Donc, en fait, les molécules actives
sont plus que probablement ces métabolites.
On a beaucoup de mal à étudier la flore enzymatique intestinale et son activité ;
donc, on ne connaît pas bien les métabolites dérivés des iridoïdes et leur mode
d’action. Tout ce qu’on sait, c’est que les propriétés antimicrobiennes sont dues
aux fonctions aldéhyde libérées lors de l’ouverture de la fonction énol-éther.

Sesquiterpénoïdes et lactones sesquiterpéniques

Biogenèse

Le PP de géranyle en C10 se couple tête à queue avec le PP d’isopentényle en C5 ; un


PP part sous forme d’anion et on obtient un carbocation qui s’additionne sur les
électrons  d’une double liaison : on aboutit au PP de farnésyle en C15. Ce PP de
farnésyle est la molécule de base des sesquiterpènes, c’est la clé qui mène à tous les
sesquiterpènes a-, mono- et bicycliques.
La cyclisation se fait comme celle des monoterpènes : un PP s’en va, on a alors un
carbocation qui s’additionne avec les électrons  d’une double liaison. Ici, il y a
plusieurs doubles liaisons différentes donc plusieurs possibilités de cyclisation. Le
carbocation formé est le cation germacradiényle.
Ce cation peut subir des oxydations (notamment une hydroxylation et une oxydation
en fonction acide), ce qui lui donne la possibilité de former un ester interne ou lactone.
On aboutit ainsi au germacranolide, qui est la molécule de base des lactones
sesquiterpéniques.

Dans les sesquiterpènes, il y a pas mal de possibilités de cyclisation vu qu’il y a


différentes doubles liaisons. Selon l’endroit où on va chercher les électrons pour la
cyclisation, on obtient différents sesquiterpènes.  on peut aboutir à des structures
différentes avec la même molécule de départ et en utilisant le même mécanisme
réactionnel !

Les sesquiterpènes se rencontrent dans les HE.


Par exemple, le bisabolol (constituant majeur de l’HE de matricaire) représente 50%
de l’HE de la drogue ; ce composé possède 2 C* (donc il y a 4 isomères) ; on a montré
pour le bisabolol une activité anti-inflammatoire et anti-ulcéreuse.

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Le parthénolide est un germacranolide qu’on retrouve dans l’HE de grande
camomille (Tanacetum parthenium) ; il serait le principe actif principal de l’HE. Cette
grande camomille a une large histoire dans le traitement de la fièvre, de l’arthrite, des
migraines, et des problèmes menstruels ; et aux parthénolides, on attribuerait une
action prophylactique des crises de migraine.
L’artémisinine se retrouve dans Artemisia annua ; c’est un sesquiterpène contenant un
endoperoxyde et un des agents les plus efficaces qu’on possède pour traiter la malaria
(parasite Plasmodium falciparum le plus souvent transmis par un anophèle). Ce
parasite est un organisme anaérobie se développant dans les globules rouges. Comme
le globule rouge est plein d’O2, il est en permanence à la limite du stress oxydatif. Le
but est donc d’apporter des radicaux libres supplémentaires dans le globule afin de tuer
le parasite. L’artémisinine est une source de radicaux libres utilisables dans ce but. Elle
permet de tuer rapidement le parasite (remède efficace) et il n’y a que peu d’effets
secondaires et de résistances qui y sont associées. L’artémisinine est donc un bon
remède à donner dans les zones où il y a des résistances à la chloroquine. MAIS les
taux de rechute est assez important et une neurotoxicité a été montrée chez l’animal à
forte dose (mais pas chez l’homme).

Les lactones sesquiterpéniques portaient le nom de « principes amers ». Ce terme, qui


regroupe des constituants assez homogènes, est aujourd’hui devenu obsolète.
Les lactones sesquiterpéniques « principes amers » ont une double nature ; lactone et
sesquiterpène.
On retrouve des principes amers dans les lactones sesquiterpéniques, les iridoïdes, les
triterpènes modifiés (limonoïdes et quassinoïdes), les diterpènes, les alcaloïdes
(quinine, strychnine), le houblon.
La grande majorité des lactones sesquiterpéniques se retrouve chez les Asteraceae,
dans les poils sécréteurs pluricellulaires fréquemment présents au niveau des feuilles et
des bractées de l’inflorescence ; mais on en trouve un peu partout. On rencontre
également ces lactones sesquiterpéniques dans les Apiaceae mais elles proviennent
alors de voies de biogenèse différentes.
Les lactones sesquiterpéniques et les sesquiterpénoïdes peuvent être trouvés dans la
nature sous forme d’hétérosides.

Méthodes d’analyse

 Sesquiterpénoïdes : - GC (pour les sesquiterpénoïdes volatils ; la plupart


donc),
- CCM
- HPLC
 Lactones sesquiterpéniques : - CCM
- HPLC
- PAS GC car ces composés sont non-volatils !

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

Aujourd’hui, ces composés sont peut utilisés mais leur intérêt thérapeutique n’en est
pas négligeable pour autant.

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On a diverses activités biologiques : propriétés cytotoxique, anti-tumorale, anti-
inflammatoire, anti-migraineuse, anthelminthique, eupeptique (tonique amer),
analgésique anti-bactérienne, anti-fongique, cytoprotecteur gastrique, …
Certaines de ces molécules peuvent aussi se comporter comme des haptènes et donc
être allergisantes ; d’autres sont aussi neurotoxiques (comme Centaurea repens).

Dans un certain nombre de structures, on retrouve la fonction -méthylène--lactone.


Cette fonction est importante pour pas mal d’activités biologiques des sesquiterpènes :
propriétés anti-bactérienne, cytotoxique, anti-tumorale, anti-inflammatoire.
Elle est notamment capable de s’additionner sur les centres nucléophiles d’enzymes
(fonctions thiol ou amine). C’est la réaction de Michael : par le jeu de résonance, on a
un C + qui peut facilement s’additionner sur un centre nucléophile thiol, on obtient un
composé S-alkylé. On a la même réactivité vis-à-vis des fonctions amine. L’alkylation
irréversible des systèmes enzymatiques cellulaires qui en résulte a été montrée in vivo.
Pour l’activité anti-inflammatoire, il y a alkylation et donc inhibition des enzymes
lysosomiales ou inhibition de la phosphorylation oxydative et de la synthèse protéique
(c’est la même activité que certains anti-inflammatoires de synthèse). On a notamment
montré que les lactones sesquiterpéniques peuvent inhiber le NF-B (un transmetteur
cellulaire). Le NF-B est un facteur de transcription qui a la caractéristique d’avoir
une régulation très rapide et qui contrôle de très nombreux gènes ; il existe dans le
cytoplasme en association avec un peptide appelé complexe répresseur. En réponse à
un stress cellulaire, ce peptide se détache et libère ainsi le NF-B qui se rend au noyau
(translocation), y pénètre et s’y lie à l’ADN. Là, il joue son rôle de facteur de
transcription. Le NF-B a un rôle important au niveau de l’inflammation, du système
immunitaire, du contrôle du cycle cellulaire, des réponses en cas de stress oxydatif, des
réponses aux UV, … donc beaucoup d’activités dans pas mal de systèmes biologiques.
Les lactones sesquiterpéniques sont capables d’inhiber ce facteur, d’où leur effet anti-
inflammatoire.
L’hélénaline provient de l’Arnica montana. Dans cette molécule, il y a une fonction
-méthylène--lactone et une seconde fonction cyclopenténone (avec un 2ième C +) qui
joue le même rôle. Donc, on a 2 possibilités d’addition sur des centres nucléophiles
thiol ou amine.
L’activité anti-inflammatoire a aussi été expliquée par une inhibition de l’activité des
cellules immunitaires comme les LT, les macrophages et les granulocytes.
On pense que l’activité de protection gastrique (anti-ulcéreuse) s’expliquerait aussi par
des réactions de Michael avec des protéines de la muqueuse gastrique.

Toxicité

 Propriétés allergisantes
Les Asteraceae contenant des lactones sesquiterpéniques sont souvent responsables de
dermites allergiques provoquées par contact direct avec la plante (rupture des glandes
contenant les lactones sesquiterpéniques qui touchent alors directement la peau) ou par
contact non direct (quand le vent dissémine des parties de plante sèches, notamment
les poils glanduleux).

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A nouveau, c’est une réaction de Michael qui est en jeu : les lactones
sesquiterpéniques se combinent avec des protéines pour former des haptènes
allergisants. La structure des lactones sesquiterpéniques impliquées est importante
pour la reconnaissance Ag-Ac.
Par exemple, lorsqu’on applique de la teinture d’Arnica montana pour traiter une
enflure ou une entorse, chez certaines personnes, il n’y aura pas de soulagement mais
une dermite allergique sévère !
Les espèces maraîchères (comme les artichauts), horticoles (comme les
chrysanthèmes, marguerites, asters, cosmos, …), médicinales (comme la camomille,
arnica, …), ornementales (comme Frullania), cosmétiques (comme l’arnica et les
camomilles), alimentaires (comme Laurus nobilis) présentent aussi un caractère
allergisant. Ces espèces peuvent être à l’origine de dermites papuleuses et de
conjonctivites (chez les horticulteurs, les fleuristes, …).

 Propriétés neurotoxiques
On retrouve cette activité chez Centaurea repens et chez C. solstialis.

Diterpénoïdes et alcaloïdes non-diterpéniques

Biogenèse

Le PP de farnésyle en C15 se couple tête à queue avec le PP d’isopentényle en C5. Un


PP s’en va et on obtient un carbocation qui vient s’additionner sur les électrons  de
l’isopentényle : on aboutit ainsi au PP de géranylgéranyle en C20. Ce PP de
géranylgéranyle est la clé menant aux diterpènes a-, mono-, bi-, tri- ou tétracycliques.
On peut avoir des structures très diverses : 3 cycles en C6 ; 1 cycle en C5, 1 en C6 et 1
en C7, … Exemple : dans le paclitaxel (Taxol), il y a tout plein de cycles imbriqués.
On retrouve aussi des diterpènes dans le Ginkgo biloba.
Les structures des diterpènes sont très complexes de par leurs nombreuses possibilités
d’imbrication de cycles.
 Quand on voit une molécule avec beaucoup de cycles imbriqués sans N et avec +/-
20 C, c’est qu’on a affaire à un diterpène.

Un acide diterpénique est un acide résineux avec beaucoup de doubles liaisons et donc
beaucoup de possibilités de polymérisation ( résine).

On retrouve des diterpènes dans certains alcaloïdes (par exemple, dans ceux de
l’aconit).

Méthodes analytiques

IDEM terpènes !

Activité pharmacologique

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Comme il y a beaucoup de structures possibles, il y a beaucoup d’activités biologiques
très diverses.

Triterpénoïdes

Triterpénoïdes et stéroïdes

Biogenèse

Les triterpénoïdes possèdent 30 C (= 6 unités isoprènes en C5 liées).


La structure fondamentale des triterpènes est celle du squalène. Le mécanisme de
couplage se fait queue à queue entre 2 PP de farnésyle en C15.
Le couplage queue à queue est difficile à expliquer chimiquement. On ne connaissait
pas le mécanisme jusqu’à ce qu’on découvre un intermédiaire un peu farfelu avec un
cycle propane (rare car importante tension de cycle d’où une grande instabilité), le pré-
squalène.
On a donc un couplage queue à queue avec départ d’un PP puis réarrangement avec
ouverture réductrice du cyclopropane. On aboutit au squalène qui possède une simple
liaison qui rend la rotation possible, ce qui permettra ultérieurement la cyclisation.
On retrouve aussi ce couplage queue à queue avec les tétraterpènes mais dans ce cas,
l’ouverture du cyclopropane aboutit à une double liaison.
Ensuite, le squalène subit une époxydation de la double liaison 2,3 ; cela dégage
suffisamment d’énergie pour permettre un basculement de tous les électrons  des
doubles liaisons : il y a ainsi fermeture de 4 cycles. Cette fermeture peut se faire
suivant 2 stéréochimies différentes, donc on aura 2 familles de dérivés du squalène :
les protostanes et les dammaranes.
Configuration des cycles des protostanes : 1ier cycle en chaise, 2ième en bateau, 3ième en
chaise et 4ième en bateau.
Configuration des cycles des dammaranes : 3 1ier cycle en chaise et 4ième en bateau.

A partir de ces 2 intermédiaires, on peut arriver à plein de structures différentes.


Comme un époxyde intervient dans la biogenèse, on aura presque toujours un alcool
(provenant de l’époxyde) en position 3.
Sur les cycles, les substitutions par des fonctions alcool, aldéhyde ou carboxylique
sont fréquentes.
Dans la suite des opérations de biogenèse, les stéréochimies peuvent encore changer.
Donc, quand on voit une molécule, il est difficile de dire si elle provient d’un
protostane ou d’un dammarane.

A partir des protostanes, on peut obtenir :


- des cucurbitanes
- des cycloartanes, qui sont à la base des cholestanes, eux-mêmes à la base de :

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- spirostanes (fermeture de 2 cycles supplémentaires) qui peuvent
former les saponosides stéroïdiques et, quand on incorpore 1 N dans la molécule,
les azastéroïdes (considérés comme des alcaloïdes) ;
- phytostérols (dans les margarines) ;
- pregnanes à l’origine des azastéroïdes quand on ajoute 1 N, des
hétérosides stéroïdiques (=squelettes de base des hétérosides cardiotoniques) quand
on incorpore des sucres, et des stéroïdes.

Les stéroïdes sont des triterpènes tétracycliques qui ont perdu quelques C.

Exemples de triterpénoïdes dérivés du protostane

 Parilline
C’est un saponoside : squelette triterpénique + chaîne osidique fixée en position 3.
Dans ce cas, la chaîne osidique est constituée d’1 rhamnose et de 3 glucoses.
La génine s’appelle la sarsa-sapogénine.
On retrouve dans cette molécule un cycle spirane (tétrahydrofurane en C5 avec un
tétrahydropyrane en C6) ; ces 2 cycles sont liés par un enchaînement particulier avec
un seul C, l’enchaînement spiro (2 cycles qui se touchent par une pointe).
C’est un constituant de racine de salsepareille, une Liliaceae. Les saponosides de type
parilline sont, in vitro, fortement anti-fongiques et anti-bactériens.
La pharmacologie de ces dérivés est inconnue. Avant, on les utilisait pour le traitement
des affections cutanées et de la lèpre.
Ces composés sont aussi intéressants pour l’hémi-synthèse des stéroïdes.

 Digoxoside
C’est un hétéroside cardiotonique avec un cycle particulier fixé.
C’est un cardénolide type qui existe dans la plante sous forme d’hétéroside (1 glucose
et 3 digitoxoses liés en position 3).

 Condurangoside
Il provient de l’écorce d’une liane Condurango (Asclepiadaceae) originaire de la
Cordillère des Andes. Sa structure est proche d’un hétéroside cardiotonique. A part
une activité cytotoxique démontrée in vitro, ses actions ne sont pas très bien connues.

 Conessine
Cette molécule possède des N dans sa structure ; c’est un alcaloïde stéroïdique extrait à
partir des écorces de Holarrhena (Apocynaceae d’Inde et Afrique). C’est un anti-
protozoaire notamment un anti-amibien assez répandu dans les pays du Sud.
Cette écorce est utilisée en Inde et en Afrique pour éviter les troubles gastro-
intestinaux. Cette molécule existe sous forme de spécialité en France (années ’60).

 Solasodine
C’est l’alcaloïde stéroïdique (un azastéroïde en fait) des Solanaceae. Il y a 2 groupes :
- les spirosolanes : même structure avec un cycle oxoazaspirodécane (= cycle
spirane avec un N à la place d’un O) ; les structures possédant ce cycle sont des
saponosides azotés.

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- les structures avec un cycle indolysidine (1 cycle en C5 et 1 cycle en C6).
Une chaîne hétérosidique peut être liée en position 3. On parle donc de glycoalcaloïdes
stéroïdiques. Ils provoquent des altérations des membranes cellulaires. On pense qu’ils
interagissent avec les stérols des membranes par un effet tensioactif ; en effet, le côté
hétérosidique est polaire alors que la génine est apolaire.  caractère amphiphile
marqué, d’où le nom de saponoside.
Ce type de molécule est potentiellement insecticide et molluscicide, ce qui est bien car
certaines parasites se transmettent par des mollusques (= hôtes
intermédiaires).Certaines molécules sont aussi cytotoxiques.
Ces glycoalcaloïdes stéroïdiques ne sont pas utilisés en thérapeutique mais doivent être
connus pour leur toxicité potentielle (qui peut se développer après consommation de
pommes de terre). La pomme de terre en contient peu, concentré dans la peau et la
couche cellulaire sous-jacente ; ils sont donc éliminés en grande partie lors de
l’épluchage. Dans certaines conditions (au moment de la germination, en cas
d’illumination, de verdissement, de traumatismes, …), la teneur en glycoalcaloïdes
augmente très fort. Ces alcaloïdes sont stables à la cuisson et s’avèrent toxiques
(nécrose des muqueuses gastriques et intestinales, et inhibition des choliestérases). Les
cas d’intoxication sont rares, ils se manifestent par des troubles gastro-intestinaux, de
la fièvre, de la confusion, et des chutes de tension. On suspecte aussi ces dérivés d’être
tératogènes (effet prouvé chez les animaux : quelques % de malformations
congénitales).

Les phytostérols se retrouvent partout et ont des activités marquées.


Le -sitostérol se retrouve dans quasiment toutes les plantes.
Certains stérols sont plus spécifiques d’une classe : l’ergostérol se retrouve surtout
chez les levures et les champignons, le fucostérol se retrouve surtout dans les algues.
Le cholestérol, qu’on pensait typiquement animal, est assez bien représenté dans le
règne végétal. Ces phytostérols peuvent réduire la cholestérolémie et possèdent un
effet protecteur vis-à-vis du cancer colorectal.
Comme ils sont présents dans tout le règne végétal, on les considère comme des
phytonutriments.
L’effet sur la cholestérolémie a été prouvé il y a quelques années. MAIS récemment,
des études cliniques très contrôlées ont montré que cet effet était marginal.  on ne
sait pas très bien quoi finalement !
L’ecdysone est un dérivé du cholestérol qui est une hormone des insectes régulant
notamment les métamorphoses. Cette molécule a été isolée pour la première fois dans
un ver à soie. On la retrouve chez les insectes mais aussi chez les plantes, où ses
concentrations et sa diversité sont plus importantes ! On ne sait pas à quoi sert
l’ecdysone chez les plantes ; mais cela peut montrer l’existence d’une relation
importante entre plantes et insectes (cependant, aucune étude n’a encore été réalisée
sur ce sujet).
Les insectes ne savent pas synthétiser le squelette stéroïdique et doivent donc le
trouver dans les plantes.

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Dammaranes

D’une part, les dammaranes sont à la base des cycles stéroïdiques, de molécules
comme l’euphol et ou le tirucallol, de triterpènes modifiés (quassinoïdes, limonoïdes)
et de saponosides triterpéniques tétracycliques (triterpènes avec chaînes
hétérosidiques).
D’autre part, les dammaranes sont à la base des lupanes. Les dammaranes peuvent
subir un réarrangement de cycles (surtout au niveau du 4ième cycle) : ouverture du
cyclopentane, re-fermeture en cyclohexane et fermeture d’un 5ième cycle (un
cyclopentane). C’est ainsi qu’on aboutit aux lupanes. Les lupanes peuvent être à
l’origine de triterpènes pentacycliques et de saponosides triterpéniques pentacycliques.

Exemples de triterpénoïdes dérivés du dammarane

 Glycyrrhizine
C’est le saponoside de la réglisse (Fabaceae). La génine principale est l’acide
glycyrrhétique pentacyclique. Quand la génine, l’acide glycyrrhétique donc, est
substituée par 2 acides glucuroniques, on obtient la glycyrrhizine.
Cet acide glycyrrhétique est caractérisé par une cétone -insaturée.
L’extrait de réglisse est classiquement présenté comme antitussif mais l’activité la plus
intéressante est une activité anti-ulcère gastrique. Le mécanisme n’est pas bien
compris : il semble y avoir 2 effets : anti-inflammatoire et inhibiteur de la sécrétion
acide. L’effet anti-inflammatoire est indirect ; càd qu’on a une inhibition compétitive
des enzymes dégradant des hormones stéroïdiques comme le cortisol, d’où une
augmentation de l’effet de ces hormones qui sont en fait des anti-inflammatoires
naturels !

 Acide bétulinique
C’est un triterpène pentacyclique extrait de l’écorce du bouleau et du platane. Il a une
activité cytotoxique. On en a fait des dérivés amidiques (sur le carboxyle) qui sont
actifs contre le VIH en bloquant l’entrée du virus dans les cellules.

 Asiaticoside
Cette molécule présente un dérivé hydroxylé, le madécassoside, en position 6. La
génine est l’acide asiatique qui est pentacyclique. Lorsqu’on substitue cette génine par
une chaîne osidique (2 glucoses et 1 rhamnose) fixée par un lien ester (ce n’est donc
pas un hétéroside de triterpène mais un ester de triterpène), on obtient l’asiaticoside.
Il est extrait à partir des hydrocotyles de Centella asiatica. Cette plante est utilisée pour
la cicatrisation des plaies car ses dérivés stimulent la production de collagène et des
mucopolysaccharides.

 Les triterpénoïdes modifiés


Les triterpénoïdes peuvent être transformés, ce qui engendre des changements radicaux
de structure.
Les Quassinoïdes sont des dérivés terpéniques oxygénés avec des lactones dans leur
structure ; ce sont donc des molécules fortement amères. Par exemple, la brucéantine,

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extraite du genre Brucea, est une molécule pontée et estérifiée à propriétés
cytostatique, parfois anti-malarique et parfois aussi amoebicide.
Les Limonoïdes sont ici représentées par l’azadirachtine, extraite de l’Azadirachta
indica ou lilas de Perse (Meliaceae). Cette molécule est un facteur anti-nutritif à
l’encontre des insectes ; elle induit un retard de croissance, une inhibition de la mue et
des malformations. C’est donc un insecticide intéressant car l’impact sur
l’environnement est beaucoup moins important que pour les pesticides synthétiques.
Ces 2 classes de molécules présentent une structure tellement changée qu’on voit à
peine que ce sont des triterpènes (on ne doit pas savoir les reconnaître pour l’exam).
 L’origine triterpénique de ces molécules est difficile à déterminer.

Méthodes analytiques

Les triterpénoïdes sont peu réactifs.

 Réaction colorée
Le réactif général des triterpénoïdes est le réactif de Lieberman-Burchard mais il est
très peu spécifique. On dissout les terpènes dans un mélange acide acétique -
anhydride acétique et on obtient une coloration bleue à verte. En fait, il y a formation
d’un carbanion.
 Réaction générale des triterpènes mais ne présentant aucune spécificité !

 Chromatographie
De nombreuses techniques (HPLC, CCM) sont utilisables, même la GC. Si la
molécule est trop fonctionnalisée, on ne peut pas faire de GC. Des réactions de
dérivation peuvent être réalisées : silylation ou trifluoroacétylation. Elles permettent
d’obtenir des dérivés volatils et la GC devient donc utilisable.

 Importance biologique
On pourra ainsi caractériser les phytostérols. Ces phytostérols font partie de
l’insaponifiable et permettent de caractériser une matière grasse. On ne connaît que
quelques organismes, comme certaines bactéries, qui peuvent se développer en
l’absence de phytostérols.
Les phytostérols et les triterpènes pentacycliques joueraient un rôle d’agent de
protection contre les insectes phytophages et les micro-organismes. En effet, ces
molécules ont des activités anti-bactériennes assez marquées.
Exemple : - et -amyrine ; acide ursolique et acide oléanolique  ce sont des
triterpènes pentacycliques qu’on retrouve, eux et leurs dérivés, dans les cires qui
recouvrent les feuilles et les fruits.
Les phytostérols sont des phytonutriments mais aussi des hormones chez les insectes
(ecdysone).

 Intérêt thérapeutique et industriel


Les triterpènes et les stéroïdes ont un grand intérêt thérapeutique et industriel ;
notamment certains hétérosides, au niveau desquels on a un groupe de métabolites
secondaires de première importance, les hétérosides cardiotoniques.
A côté de ceux-ci, les saponosides présentent également un intérêt thérapeutique.

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Les saponosides spirostanniques sont aussi intéressants ; ils présentent parfois des
propriétés anti-tumorales et sont surtout des matières premières tout à fait
indispensables pour couvrir les besoins de l’industrie pharmaceutique en hormones
stéroïdiques (hémi-synthèse des anabolisants, contraceptifs, anti-inflammatoires,
agents dopants, …).

Cardénolides et bufadiénolides

C’est un groupe bien individualisé présentant une grande homogénéité structurelle et


pharmacologique. Ce sont des médicaments majeurs qu’on utilisera dans le traitement
de l’insuffisance cardiaque malgré une marge thérapeutique très étroite. La répartition
botanique est restreinte et sporadique. On a quelques dizaines de genres répartis
inégalement dans une douzaine de familles. Dans les Asclepiadaceae, les
Scrophulariaceae et les Apocynaceae, on trouve le plus de genres représentés. On ne
rencontre ces composés que rarement dans les espèces animales (dans les venins de
certains crapauds, dans certaines chenilles à lépidoptères qui se nourrissent de plantes
à cardénolides pour se protéger des prédateurs, dans quelques coléoptères capables de
synthétiser les génines cardiotoniques sur base de phytostérols).
Au niveau de l’usage traditionnel, à part la scille, connue et utilisée depuis l’Antiquité
pour ses vertus diurétique et expectorante, les drogues de ce groupe ont longtemps été
inutilisées, sans doute à cause de leur forte toxicité.
C’est seulement au 16ième siècle qu’on a reconnu l’activité fortifiante pour le cœur du
muguet.
La digitale (la drogue principale du groupe) est décrite dans des manuscrits irlandais
du 10ième siècle.
En Europe, du 16ième au 19ième siècle, les feuilles de digitale ont été utilisées en
décoction, infusion, emplâtre, … et on les employait pour soigner les blessures,
l’épilepsie et surtout pour soigner ce qu’on appelait l’hydropisie (càd des œdèmes) en
exploitant les propriétés diurétiques de la plante. Elle était très utilisée dans les
oedèmes du poumon. Un anglais, William Withering a découvert que l’action de la
digitale s’exerçait surtout au niveau du rythme cardiaque. La pharmacologie de la
digitale a été étudiée.
En Afrique, Levingstone a découvert que les graines d’une plante africaine, une
Strophantus, avaient des propriétés cardiotoniques.
Plusieurs de ces drogues ont été utilisées comme poison de flèches (souvent composé
d’un cardiotoxique et de substances irritantes, qui facilitent la diffusion tissulaire du
poison) aussi bien en Asie qu’en Afrique.

Structure

On connaît 2 grands types d’hétérosides cardiotoniques : les cardénolides et les


bufadiénolides.

 Cardénolides
C’est le groupe le plus largement représenté ; c’est ce groupe-là qui est utilisé en
thérapeutique.

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Toutes les génines possèdent en commun le noyau stéroïdique classique et portent en
17 un cycle lactonique insaturé (cycle buténolide).
 Ces cardénolides possèdent 23 C et un cycle buténolide à 5 C.
La fonction carbonyle C=O est conjuguée avec la double liaison.

NB : « olide » = ancien terme pour « ester interne »

 Bufadiénolides
Ce sont des homologues des cardénolides ; les bufadiénolides ont 1 C supplémentaire
dans le cycle lactonique, donc ils comportent 24 C et un cycle pentadiénolide à 6 C.
Les bufadiénolides sont les moins largement distribués ; on les trouvera dans quelques
Liliaceae et Ranunculaceae mais aussi dans les venins de certaines crapauds
(= « bufa » en latin). Dans les venins de crapauds, il y a des génines en partie libre et
en partie combinée avec une subéryl-arginine.

Au niveau des variations structurales, dans les 2 groupes, on a toujours un hydroxyle


en 3 et en 14 ; on pourra aussi avoir des hydroxyles en 1, 5, 11, 12 ou 16. Le méthyle
(C19) angulaire porté par le C en position 10 peut être remplacé par un alcool primaire
ou un aldéhyde.
Qui dit hétéroside dit chaîne osidique, ici en position 3. On peut trouver des oses
communs comme le rhamnose, le glucose ou comme c’est le plus souvent le cas, des
structures particulières comme les 2-désoxyhexoses ou les 2,6-désoxyhexoses
(=digitoxoses).
Les sucres seront souvent sous forme de 3-O-méthyle (càd qu’ils porteront souvent un
méthyle ou un acétyle).
Le sucre caractéristique de la digitale est le digitoxose.

Extraction

Les hétérosides cardiotoniques sont fragiles à l’hydrolyse. Le séchage et l’extraction


des drogues sont donc des étapes très délicates.
Les hétérosides cardiotoniques ne sont pas toujours très stables et sont fréquemment
présents en faible quantité sous forme de mélanges complexes.
I. le matériel végétal est séché dans de bonnes conditions puis broyé ;
II. ensuite, il est extrait par l’éthanol à 70% ;
III. puis la solution extraite est traitée par le sous-acétate de plomb jusqu’à
précipitation complète (des tanins, polyphénols, flavonoïdes, pigments et
protéines) ;
IV. le tout est alors centrifugé ;
V. le surnageant est traité par une solution aqueuse de sulfate de sodium, qui
permet la précipitation de l’excès de plomb ;
VI. la solution résultante est extraite par le chloroforme.
Les hétérosides cardiotoniques sont solubles dans le chloroforme mais leur solubilité
diminue avec le nombre d’oses dans la chaîne osidique. Donc, à la fin de l’extraction,
une partie des hétérosides cardiotoniques sera dans le chloroforme et une autre partie
dans la solution eau-éthanol.

82
Avant, on utilisait directement ces extraits bruts de digitale. Aujourd’hui, avec les
techniques chromatographiques disponibles, on peut purifier et isoler les hétérosides
cardiotoniques : on n’a plus qu’1 hétéroside cardiotonique au lieu d’un mélange
complexe. Les paramètres pharmacocinétiques sont ainsi plus maîtrisables, ce qui est
très bien vu l’index thérapeutique très étroit de ces drogues.

Si on veut réaliser une extraction sur base de graines, on fait d’abord un dégraissage
avec de l’éther de pétrole (ce n’est pas un éther mais un mélange d’alcanes obtenus par
distillation du pétrole).

!!! PROBLEME !!! Une partie des hétérosides cardiotoniques s’additionnent sur le
précipité avec l’acétate de plomb. On perd donc une partie des hétérosides
cardiotoniques. De plus, le sous-acétate de plomb peut entraîner l’hydrolyse de
certains esters (par exemple l’ester formique présent dans certaines génines).
L’association terpène-lactone confère à la drogue une saveur amère. Une lactone est
assez fragile : elle peut s’ouvrir en milieu alcalin.
Si on veut analyser les oses et les génines séparément, il faut réaliser une hydrolyse
acide.
Dans certains cas, on peut faire des réactions de déshydratation, on obtient donc des
anhydrogénines qui peuvent être des artefacts.  Entre la plante fraîche et la plante
séchée, il y a des différences au niveau des hétérosides cardiotoniques.

Méthodes d’analyse

 Réactions chimiques

On a des réactions colorées (certaines applicables à la révélation en CCM) permettant


de caractériser le cycle stéroïdique ou le cycle lactonique.

Cycle stéroïdique

C’est la réaction générale des stéroïdes. En milieu acide (sulfurique, phosphorique ou


trichloracétique) à chaud, on obtient par perte d’eau des carbocations colorés ou
fluorescents. En ajoutant, dans le milieu réactionnel, un oxydant comme la chloramine,
on obtient des fluorescences de différents couleurs, ce qui augmente la spécificité de la
révélation en CCM).

Cycle lactonique

Il y a plusieurs réactions de coloration liées à la présence d’un méthylène activé (càd


conjugué à la cétone de l’ester) et basées sur la condensation du cycle lactonique avec
un dérivé aromatique nitré en milieu alcalin.

 Dans le cycle cardénolide, on peut arracher le H acide si on se met en milieu


alcalin. Il y a alors formation d’un carbanion qui s’additionne sur le + de l’acide
picrique (acide trinitrophénol) ou autres (voir ci-dessus) ; on aboutit à un complexe où
les 2 cycles se superposent et où les transferts de charge sont très importants, d’où une

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coloration intense. Cette réaction est donc très sensible mais elle manque de
spécificité.
On obtient le même genre de
Réaction de Baljet  avec l’acide picrique
complexes ; leur coloration est
Réaction de Kedde  avec l’acide 3,5-nitrobenzoïque simplement un peu différente
Réaction de Raymond  avec le m-dinitrobenzène selon le réactif utilisé !
Ces réactions sont tout à fait utilisables pour le dosage et la révélation de CCM.

 Avec le TNDP en milieu alcalin, c’est pareil mais la conjugaison du produit


obtenu
est plus grande ; la sensibilité de la réaction est donc augmentée.

 Avec le nitroprussiate (réaction de Legal), c’est toujours le même principe


(addition sur C en  de la double liaison) mais cette réaction n’est positive qu’avec les
cardénolides.

Désoxyoses

Dans ce cas, on caractérise la chaîne osidique et non plus la génine.


Pour caractériser les désoxyoses, on dispose de 2 réactions : Keller-Kiliani
(mécanisme inconnu ; spécifique des désoxyoses) et xanthydrol.

 Spectroscopie UV

Cardénolides : 230-240 nm
Bufadiénolides : 295-305 nm
Les bufadiénolides absorbent à des longueurs d’onde plus importantes que les
cardénolides car ils possèdent plus de doubles liaisons.

 Dosage

SOIT colorimétrie
SOIT chromatographie, l’HPLC ou la CCM mais pas la GC car les génines se
dégradent en cours de dérivation ou dans l’injecteur (très haute température).

 Essais biologiques

Dans un mélange brut d’hétérosides cardiotoniques, il y a tout un tas de génines et de


chaînes osidiques différentes.  potentialité différente et propriétés
pharmacocinétiques différentes  dangereux et difficile à utiliser
car il y a de gros problèmes de standardisation : à l’époque, on déterminait la DL50 en
injectant un extrait à des pigeons ; la DL50 était la dose à laquelle 50% des pigeons
étaient tués.

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Aujourd’hui, ce système n’est plus appliqué car on n’utilise plus les mélanges
complexes mais les produits purs. Et même si on devait utiliser un mélange complexe,
on se débrouillerait avec l’HPLC.

Activité biologique

 Mode d’action et toxicité

Les hétérosides cardiotoniques ont une action puissante, très spécifique et se


manifestant à des doses faibles sur le muscle cardiaque.
 3R : renforcement, régularisation, et ralentissement du cœur défaillant
L’activité pharmacologique dépend de la génine et des résidus osidiques :
- les génines sont responsables de l’activité propre sur le cœur
- les chaînes osidiques augmentent l’hydrophilie et le pouvoir de fixation sur le
muscle cardiaque, et modifient les paramètres pharmacocinétiques des
molécules (influence sur la résorption, l’élimination et l’action).
Ils produisent pas mal d’effets différents sur le cœur. Le mécanisme exact est encore
aujourd’hui sujet d’études. Il y a en fait 2 effets principaux :

1. effet sur la Na+K+ATPase


La Na+K+ATPase est un complexe protéique enzymatique inséré dans la bicouche
lipidique membranaire. Elle est constituée de 4 sous-unités (2 hétérodimères
comprenant chacun une chaîne lourde  et une chaîne légère ). La chaîne  est
porteuse de l’activité de transfert des Na+ et des K+. Du côté externe, la chaîne 
possède un site de fixation pour les ions et les hétérosides cardiotoniques. Sur sa face
interne, il y a un site de fixation pour l’ATP et un site de phosphorylation. La chaîne 
est orientée vers l’extérieur de la cellule ; elle comporte des sites de glycosylation
(donc des chaînes osidiques peuvent se fixer sur b). Son action n’est pas connue.
Cette pompe exerce son action au niveau du cœur mais comme elle est en quantité plus
importante au niveau des reins, elle travaille aussi activement à la réabsorption du
sodium.
Quand l’enzyme est inhibée, les ions Na+ ne peuvent plus sortir et les K+ ne peuvent
plus rentrer ; donc, il y a moins de K+ dans les cellules. Parallèlement, il y a une
mobilisation du Ca2+ : le calcium extracellulaire entre et le calcium intracellulaire est
libéré. La concentration en calcium augmente donc dans la cellule, ce qui stimule une
myosine ATPase et accroît la contractibilité des cellules du myocarde.
Globalement, les hétérosides cardiotoniques ont un effet bathmotrope positif
(augmentation de l’excitabilité), ils renforcent ainsi la contraction systolique et ont un
effet inotrope positif (augmentation de la contraction) ; cela entraîne un
raccourcissement du temps de systole, ce qui permet aux ventricules de mieux se
remplir. Il y a donc augmentation du volume télédiastolique : par contraction, le cœur
éjecte plus de sang et entre 2 contractions, le temps de repos est plus long.

2. Ralentissement de la conduction au niveau du nœud auriculo-ventriculaire


Le cœur est un muscle qui possède les propriétés d’excitabilité et de contractibilité des
muscles. MAIS le muscle cardiaque échappe au phénomène de tétanisation,
contrairement aux muscles squelettiques, qui se tétanisent lorsqu’ils sont soumis à des

85
excitations répétées. En effet, quelle que soit la fréquence des excitations qu’on
imprime au myocarde, il y aura des réponses distinctes pour chacune d’entre elles car
la contraction de chaque cellule est suivie d’une période réfractaire pendant laquelle la
cellule ne peut pas être excitée. Le myocarde donne donc une réponse à chaque
excitation.
Le muscle cardiaque est aussi doué d’automatisme : il peut se contracter de façon
autonome sans avoir besoin d’une excitation extracellulaire.
A l’état physiologique, les cellules du myocarde répondent à une stimulation
neurologique.
Cette excitation démarre dans le nœud sino-auriculaire (dans le haut de l’OD) ; les
impulsions électriques partent de ce nœud, se propagent aux oreillettes puis aux
ventricules. Le nœud sino-auriculaire est donc le pacemaker physiologique : il
déclenche les contractions cardiaques. Il est relié au nœud auriculo-ventriculaire, qui
est lui-même relié au faisceau de His prolongé par les fibres de Purkinje dans les
ventricules.
La contraction démarre au nœud sino-auriculaire, elle se propage ensuite aux
oreillettes, puis au nœud auriculo-ventriculaire, et enfin aux ventricules via le faisceau
de His. La propagation aux ventricules met +/- 0,1 seconde.
Les hétérosides cardiotoniques interviennent au niveau du nœud auriculo-ventriculaire
en ralentissant la conduction (effet dromotrope négatif). Il y a donc diminution de la
conduction intracardiaque de l’excitation. Ce ralentissement provoque un effet vagal
avec relargage d’Ach, ce qui entraîne une prolongation de la période réfractaire et un
effet chronotrope négatif (ralentissement et stabilisation du rythme cardiaque).
Les hétérosides cardiotoniques sont donc des agents anti-arythmiques efficaces dans
les arythmies supra-ventriculaires. Ils ont un effet anti-arythmique, de soutien et de
renforcement du cœur défaillant. Il y a donc une amélioration de la circulation
générale, ce qui tend à une augmentation du débit rénal et donc à un effet diurétique
par réduction de la rétention hydro-sodée responsable des oedèmes souvent associés à
une insuffisance cardiaque.

3. Toxicité
Les doses efficaces représentent 50 à 60% de la dose toxique, on est donc très proche
des doses toxiques (index thérapeutique très étroit).
Les effets indésirables sont : anorexie, nausées, vomissements, troubles visuels,
troubles psychiques, altérations du rythme et de la conduction cardiaques. Un suivi
rigoureux des patients traités est nécessaire (monitoring cardiaque, …), d’autant plus
que, selon les individus et leur flore intestinale (hydrolyse enzymatique), la résorption
varie.
La toxicité est telle qu’on a synthétisé des Ac anti-digoxine pour traiter les cas
d’intoxication éventuels.

Les hétérosides cardiotoniques ont un grand intérêt pour les problèmes cardio-
vasculaires, abondants dans nos pays. Ils font donc l’objet de nombreuses
recherches et études. On devrait finir par être capable de synthétiser des
médicaments à activité identique mais à toxicité moindre ; cependant, à l’heure
actuelle, rien ne peut remplacer les hétérosides cardiotoniques !

86
 Relation structure-activité

Tout indique que la portion buténolide de la molécule la conduit dans le récepteur par
un mécanisme d’interactions électrostatiques. Il y a notamment une grande importance
de l’orientation du C=O dans la molécule. La double liaison du buténolide oriente
l’atome d’O accepteur vers un acide aminé donneur d’H. Cet acide amine fait partie de
la matrice du récepteur qui identifie la molécule.
On a fait beaucoup de modifications et d’hémi-synthèses pour tenter de réduire la
toxicité de ces molécules.
Les bufadiénolides sont trop toxiques pour être utilisés en thérapeutique. L’utilisation
en thérapeutique se limite donc aux cardénolides. Certains éléments sont
indispensables pour qu’il y ait activité :
- l’enchaînement conjugué de doubles liaisons dans la lactone : si pas de X=C-
C=X, pas d’activité,
- la stéréochimie des cycles : A et B doivent être en CIS, B et C en TRANS, C et
D en CIS,
- la lactone insaturée doit être en position 17-,
- il faut un –OH en position 3-,
- il faut un –OH en position 14 et la configuration du C qui le porte.

Comme on a des récepteurs pour ces molécules, on s’est demandé si on n’avait pas des
hétérosides cardiotoniques endogènes. On a montré que des digitaliques endogènes
existent. Ce sont des stéroïdes appelés EDLS. On se demande si ce n’est pas
l’ouabaïne (molécule présente dans le genre Strophantus) mais c’est très controversé !
On pense donc que les hétérosides cardiotoniques sont des analogues structurels de
molécules endogènes qu’on ne connaît pas encore.
En faisant des hémi-synthèses et des modifications, on n’est pas parvenu à diminuer la
toxicité tout en conservant ou augmentant l’activité.
Après hydrolyse de la chaîne osidique, la génine est toujours activée mais elle se fixe
moins bien sur le myocarde.
On sait aussi que ces hétérosides cardiotoniques sont très liés aux protéines
plasmatiques, elles sont donc un temps de demi vie plasmatique très importante.
Malgré tous les progrès réalisés en chimie de synthèse, tous les digitaliques sur le
marché sont d’origine naturelle (végétale).

 Cardénolides et cancer

Les cardénolides pourraient jouer un rôle d’anti-cancéreux.


En 1982 a été publié un article disant qu’il y avait 10 fois moins de récidives de cancer
du sein après 5 ans chez les femmes avec insuffisance cardiaque traitée par des
digitaliques.
A l’époque, c’est passé inaperçu ; peut-être que le risque cardiovasculaire était trop
grand ou peut-être qu’il n’y avait pas d’intérêt commercial suffisamment important à
ce moment. Le suivi de ces femmes a continué : après 20 ans, le résultat est toujours
aussi bon, l’effet protecteur est donc démontré.

87
On a étudié in vitro les cellules de ces femmes : il a été montré que les cellules
cancéreuses avaient des facultés prolifératives réduites et que les cardénolides avaient
un effet cytotoxique non négligeable.

La Calotropis procera est une plante qu’on trouve en Inde et en Afrique. Elle a
beaucoup d’utilisations traditionnelles : anti-inflammatoire, anti-parasitaire,
analgésique, cytotoxique, … Il y a beaucoup de différents principes actifs dans cette
plante : alcaloïdes, flavonoïdes, diterpènes, triterpènes (stérols, pentacycliques), et
beaucoup d’hétérosides cardiotoniques de type cardénolides.
Son effet inhibiteur sur la pompe Na+K+ et ses effets anti-tumoraux ont été étudiés in
vitro et in vivo (sur l’animal) et démontrés.
On a fractionné les extraits de cette plante et on a pu ainsi purifier ses constituants : on
a isolé 5 cardiotoniques dont 4 à chaîne osidique curieuse (chaîne osidique liée au
stéroïde en 2 et 3  double liaison stéroïdique donc) et un cycle particulier, le
thiazolidine-one, fixé sur la chaîne osidique. Il y a également une lactone en 17 mais
cela n’a rien de particulier.
La molécule du transparent, isolée de la plante, a une action inhibitrice des cellules
cancéreuses à 10 nM et la dose maximale tolérée (chez la souris) est de 10 mg/kg.
Des dérivés ont été synthétisés par hémi-synthèse. On a constaté que la réduction de
l’aldéhyde (en rouge) en alcool (en rouge) diminue drastiquement la toxicité tout en
conservant l’activité anti-cancéreuse : il y a toujours inhibition des cellules
cancéreuses à 10 nM mais la dose maximale tolérée par la souris est alors de 120
mg/kg (12 fois plus !!!).

Mécanisme d’action

D’une part, la Na+K+ATPase est très active dans les cellules cancéreuses. La
prolifération rapide semble nécessiter des échanges ioniques importants. Inhiber cette
pompe est donc particulièrement néfaste pour ces cellules.
D’autre part, on sait que cette pompe est liée à la voie de signalisation intracellulaire
du NF-B. Cette voie est déclenchée en réponse à un stress cellulaire (UV, oxydatif,
inflammatoire, …). Lors d’un stress, toute une série de réactions de défense/protection,
médiées en grande partie par le NF-B, ont lieu. On sait que ce facteur joue un rôle
important au sein des cellules cancéreuses.
Les médicaments anti-cancéreux sont considérés comme des stress par les cellules. Si
le système du NF-B est très actif, les cellules peuvent résister aux médicaments.
Les cardénolides désactivent cette voie du NF-B : les cellules cancéreuses deviennent
donc moins prolifératives et moins résistantes. On a aussi montré que les cardénolides
peuvent augmenter la concentration intracellulaire en calcium (mobilisation du Ca2+),
ce qui désorganise complètement le cytosquelette d’actine.

Commentaire des photos


L’ADN est marqué par le bromure d’éthydium, le noyau apparaît donc en rouge.
L’actine est liée à une sonde fluorescente et apparaît verte.
Le cytosquelette est bien marqué dans l’image de gauche. En 24 à 30h (images
centrale et de droite), ce squelette est complètement désorganisé.

88
Les cellules cancéreuses ont donc moins tendance à faire des métastases. Ces
molécules sont aujourd’hui très étudiées.

Saponosides

Ils sont caractérisés par le fait de pouvoir former des solutions colloïdales dans l’eau.
Ils présentent un caractère amphiphile : ce sont donc des composés qui ont une action
tensioactive. Physiquement, un tensioactif est un réducteur des tensions faciales et
superficielles.
« sapo » (latin) = savon  les solutions de saponosides moussent très fort !
Les saponosides interagissent avec les membranes des cellules vivantes. Cette
interaction conduit soit à une destruction irréversible de la membrane ( mort
cellulaire), soit à une modification transitoire des propriétés membranaires qui se
manifeste par différents effets biologiques pouvant être au niveau des processus
sécrétoires ou au niveau des canaux ioniques (inhibition ou stimulation).
Les saponosides ont en général une saveur amère parfois sucrée (c’est le cas de la
réglisse) et un certain nombre d’entre eux peuvent provoquer une hémolyse des
hématies. L’hémolyse est liée à des interactions entre les saponosides et le cholestérol
de la membrane des érythrocytes ; ces interactions augmentent la perméabilité
membranaire et permettent la fuite de l’hémoglobine.
On trouve les saponosides dans les végétaux mais aussi dans certains organismes
marins d’origine animale.
Il existe des saponosides stéroïdiques qu’on retrouve surtout chez les Monocot
(Liliaceae, Dioscoreaceae) ; les saponosides tri-, tétra- ou pentacycliques sont eux
plutôt caractéristiques des Dicot (Fabaceae, Hippocastanaceae, Caryophyllaceae), on
ne les trouve que rarement chez les Monocot.
Dans les végétaux, les saponosides sont localisés au niveau des membranes des
systèmes cellulaires ; ils peuvent atteindre des concentrations élevées (jusqu’à 10%)
dans les végétaux.

Structure

Au niveau chimique, on classe les saponosides en fonction de la structure de leur


sapogénine (= génine des saponosides). Il y a 2 groupes distincts :
I. Sapogénines stéroïdiques (dérivés du protostane)
II. Sapogénines triterpéniques tétra- ou pentacyclique (dérivés du dammarane).
Tous ces composés ont la même origine : on est toujours dans les dérivés de l’acide
mévalonique. Un autre point commun à ces composés est la présence, dans ces
molécules, d’une chaîne osidique (souvent un oligoholoside linéaire ou branché).
Les saponosides ont une chaîne osidique contenant jusqu’à 5 oses, la plupart du temps
classiques (mais pouvant être parfois des acides uroniques). La liaison s’effectue
préférentiellement sur le –OH en position 3, mais elle peut également se faire sur les –
OH en position 1 ou 5.
On peut parfois avoir une liaison entre l’acide carboxylique porté par le stéroïde (et
c’est souvent en remplacement du méthyle en position 28 : le –CH3 est oxydé en –

89
COOH) et la chaîne osidique, qui sera alors de type branché ; dans ce cas, ce n’est pas
un lien éther qui est mis en jeu mais bien un lien ester !
On connaît des saponosides qui ont des liens osidiques en plus d’une position ; on
parle d’hétérosides bis-desmosidique, qui sont donc des hétérosides où les chaînes
osidiques sont liées à plus d’un endroit dans la molécule.

Les saponosides stéroïdiques sont souvent appelés saponosides neutres car ils ne
portent pas de chaîne carboxylique. Le noyau de base des saponosides stéroïdiques est
un stéroïde avec un cycle spirane (un tétrahydrofurane sur un tétrahydropyrane en
enchaînement spiro) accolé. Le stéroïde et le cycle spirane forment ensemble le noyau
spirostane.

Les saponosides triterpéniques ont souvent une fonction acide dans leur structure, on
les appelle donc les saponosides acides. Sur cette fonction acide peut venir se fixer une
chaîne osidique par un lien ester.
Les saponosides triterpéniques pentacycliques sont classés en 3 groupes suivant que le
squelette dérive de l’-amyrine, de la -amyrine ou du lupéol. Dans le lupéol, le 5ième
cycle est un cycle à 5 C, alors que dans les 2 autres cas, le 5ième cycle comporte 6 C.
Quand on a une fonction carboxylique, on la trouve fréquemment en position 28 ou 30.

Méthodes d’analyse

 Réactions colorées

Elles permettent de caractériser les saponosides mais elles manquent de spécificité.


On peut mettre en évidence soit la génine soit la chaîne osidique. Trois réactifs
permettent de caractériser les génines :
I. Le réactif de Lieberman-Burchard, qui est un mélange d’acide sulfurique et
d’anhydride acétique (réactif général des triterpènes)
II. Le réactif de Noller, qui est composé de chlorure de thionyle et de chlorure de
fer III
III. L’acide sulfurique, qui provoque un charbonnement.
Ces 3 réactifs généraux donnent des colorations à partir des génines.

 Chromatographie

- CCM
Elle est utilisable mais le dérivé est amphiphile (chaîne osidique polaire et génine
apolaire) et la migration est donc mauvaise. Après hydrolyse acide, les génines
libérées sont beaucoup moins polaires et peuvent donc être extraites par des solvants
organiques ; la séparation sur CCM sera beaucoup facile. Les génines sont souvent
faciles à cristalliser et donc à purifier. Il y a 2 possibilités pour la révélation :
SOIT révélation par les réactifs généraux des terpènes H2SO4, SbCl3, H2SO4 +
aldéhyde arènique ;

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SOIT révélation par hémolyse : on pulvérise sur la plaque une suspension
d’hématies ou on coule sur la plaque une suspension d’hématies dans de la gélatine ; à
l’endroit des spots, il y a hémolyse, ce qui se traduit par l’apparition d’une tache
blanche.

- GC
Elle est utilisable avec les génines ; il faut donc réaliser préalablement une hydrolyse
pour les libérer et des réactions de dérivation pour les rendre plus volatiles.

- HPLC
On a un problème de sensibilité car il n’y a pas de chromophore important sur ces
molécules. Donc soit on réalise une dérivation préalable, soit on utilise un détecteur
universel.
Cependant, on retrouve ici aussi le problème rencontré dans la CCM : les saponosides
ne migrent pas bien à cause de leur caractère amphiphile.

- LC à contre-courant
Elle fonctionne très bien.
La phase stationnaire est une phase liquide. Cette phase stationnaire liquide est
contenue dans un tambour percé de microalvéoles et maintenue en place (plaquée dans
les alvéoles donc) par centrifugation. Puis on fait passer une phase mobile liquide dans
ces microalvéoles. Chaque petite alvéole se comporte comme une ampoule à décanter
dans laquelle il y aura partage. La séparation des constituants dépend de leur
coefficient de partage dans les 2 phases.
Cette méthode est difficile à mettre au point (chaque séparation est unique et différente
des autres) ; mais une fois installée, elle fonctionne très bien, notamment pour les
composés amphiphiles comme les saponosides.
 Méthode chromatographique la plus adaptée aux saponosides !

 Dosages

 Gravimétrie
On réalise une hydrolyse en milieu aqueux, puis on extrait les génines par un solvant
organique, on évapore la phase extractive, et enfin on pèse le résidu.

 Colorimétrie
On peut faire de la colorimétrie soit avec un réactif qui caractérise la génine (voir ci-
dessus), soit avec un réactif spécifique aux oses.

 Titrimétrie en MNA
Cette méthode est applicable lorsque la génine porte une fonction acide. Le milieu non
aqueux permet d’exalter la force acide de la génine.

 Essais biologiques : indice hémolytique IH

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La détermination de cet indice fait l’objet d’une monographie dans la Pharmacopée
européenne. Elle vise à déterminer la concentration minimale qui permet encore
l’hémolyse d’une suspension de globules rouges dans des conditions bien déterminées.
La monographique dit de réaliser une extraction aqueuse de la drogue puis des
dilutions séquentielles de l’extraction ; chaque dilution est mise en contact avec une
solution d’hématies. Quand il y a hémolyse, le fait de centrifuger fait que la solution
reste rouge ; s’il n’y a pas hémolyse, la solution est limpide car les hématies
sédimentent.
Chaque hématie provenant d’un patient différent est différente ! On exprime donc
l’indice hémolytique par rapport à un standard, l’extrait de Quillaya. Cela permet
d’éliminer les interférences dues aux patients ; la valeur obtenue avec le Quillaya
permet de corriger l’autre.
Avec cet indice, on vérifie que l’hydrolyse est due aux saponosides et pas à autre
chose ; pour ce faire, on traite l’extrait par du cholestérol qui précipite les saponosides
sous forme de complexes insolubles, les digitonides : c’est la défécation. Si le filtrat
obtenu n’est pas hémolytique, c’est bien les saponosides qui étaient responsables de
l’action hémolytique de l’extrait.
Cette détermination d’indice est proche de celle de l’indice d’amertume (monographie
de la gentiane).

Intérêt thérapeutique et pharmaceutique

 Activité biologique

A cause de leur caractère polaire, les saponosides sont peu résorbés au niveau du
tractus gastro-intestinal. Il y a donc peu d’effets systémiques si la drogue est
administrée oralement. Leurs propriétés sont diverses et nombreuses :
- Hémolytique Il
y a interaction avec les stérols de la membrane des GR, la perméabilité
membranaire augmente alors, du Na+ et de l’eau rentre, du K+ sort et la
membrane finit par éclater.  La fuite de l’hémoglobine est ainsi permise.
Les monodesmosides sont beaucoup plus hémolytiques que les bisdesmosides
et l’action hémolytique décroît à mesure que la chaîne osidique s’allonge.
- Spermicide
Liées à cette activité hémolytique, on a aussi des propriétés spermicides ; des
crèmes vaginales à base de saponosides ont d’ailleurs été étudiées.
- Propriétés antimycotiques, antimicrobiennes et antivirales
Dans les végétaux, les saponosides participent à la défense du végétal contre les
attaques microbiennes et fongiques. Cela a été montré in vitro aussi bien pour
les phytopathogènes que pour les Candida ou les dermatophytes.
- Propriétés antitussives et expectorantes
C’est le cas pour le Polygala, la réglisse et la primevère. L’activité expectorante
serait médiée par une réduction de la viscosité du mucus, ce qui améliore son
évacuation, mais aussi par une irritation de la muqueuse gastrique (s’en suit une
stimulation réflexe par la voie parasympathique es glandes muqueuses
bronchiques). On retrouve donc de la teinture de Polygala dans certains sirops
pour la toux.

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- Activité diurétique
Elle serait due à une irritation rénale, mais souvent, les drogues à saponosides
contiennent aussi des flavonoïdes et du potassium qui expliqueraient aussi cette
activité. L’action diurétique n’est donc pas forcément uniquement due aux
saponosides.
- Activité anti-inflammatoire et anti-oedémateuse
Cela concerne la réglisse, le marronnier d’Inde, le Polygala, le Solidage et le
Bupleurum. Cette action peut avoir différentes origines. Pour la réglisse, la
glycyrrhizine inhibe la destruction du cortisol endogène, il y a donc un effet
anti-inflammatoire indirect. Des tests in vitro ont montré des interférences des
saponosides avec le métabolisme des médiateurs de l’inflammation et celui des
cellules de l’inflammation (granulocytes, macrophages, …).
- Activité édulcorante
Elle est très intense pour la réglisse, mais généralement, il y a un arrière-goût
amer pas toujours apprécié. Donc l’utiliser comme édulcorant est quand même
peu fréquent.
- Activité cytotoxique
- Inhibition de la carcinogenèse induite
- Activité radio-protectrice
- Activité hypocholestérolémiante
- Activité hépato-protectrice

Toutes ces propriétés ont été démontrées in vitro. Mais qu’en est-il in vivo ? La
résorption des saponosides est très faible. Leur pharmacocinétique n’a jamais été
étudiée. On ne sait donc pas très bien si, in vivo, les activités sont aussi intéressantes
que celles décrites ci-dessus.
La résorption faible a un avantage : comme c’est peu résorbé, la toxicité peut être
considérée comme négligeable.
On retrouve ces saponosides dans les arachides, pois, lentilles, soja, betteraves,… Ils
confèreraient à ces aliments des propriétés anti-carcinogènes, immunomodulatrices
directes, anti-oxydantes, ainsi que toutes celles démontrées in vitro ( ?).
L’action hypocholestérolémiante est très intéressante : elle permet d’augmenter
l’excrétion fécale des acides biliaires et des stérols neutres ; le contrôle de la
cholestérolémie est donc amélioré.
 Les plantes à saponosides sont donc considérées comme des phytonutriments.

 Intérêt pharmaceutique

o Les saponosides sont utilisés dans l’hémisynthèse des stéroïdes utilisés


comme médicaments ; sont concernés aussi bien les corticostéroïdes que les
stéroïdes anti-inflammatoires ou encore que les hormones contraceptives.
Les premières hormones utilisées en thérapeutique ont été extraites de glandes
d’animaux (ovaires, testicules, surrénales) et d’urine de juments poulinières. Les
manipulations nécessaires pour cette extraction étaient longues et coûteuses. Donc, on
s’est tourné vers les acides biliaires qu’on a en grandes quantités.
En 1939, l’Université de Pennsylvanie a montré qu’une Dioscorea mexicaine possédait
en grande quantité des saponosides dont on a pu obtenir, par hydrolyse, une

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sapogénine, la diosgénine. Des chercheurs ont mis en place des voies de dégradation
de la partie spirane de cette molécule afin d’obtenir des hormones stéroïdiennes.
On ne parvenait cependant pas à synthétiser toutes les hormones. En 1949, on a pensé
utiliser des micro-organismes pour fermenter certains stéroïdes. Le catalogue
stéroïdique s’est alors agrandi et la demande n’a plus fait qu’augmenter.
On retrouve surtout les stéroïdes dans les pilules contraceptives (progestagène et
œstrogène), dans les anti-inflammatoires et dans les dérivés à action androgénique.
La totalité des dérivés sur le marché sont d’origine naturelle car la synthèse totale des
stéroïdes est très coûteuse : ils sont produits à partir de phytostérols, de cholestérol,
d’acides biliaires, de saponosides, …
En fonction du marché, les prix et sources des matières premières se sont diversifiés.
Aujourd’hui, ce n’est pas possible de préciser l’importance relative des différentes
sources. Les saponosides les plus utilisés sont ceux de Yucca, Trigonella et Dioscorea.
L’agave donne une tycogénine très utilisée aussi. On utilise aussi beaucoup le
stigmastérol, un phytostérol provenant de l’insaponifiable de l’huile de soja.

La pilule contraceptive

Elle permet de corriger des fonctions normales. En fait, la pilule contraceptive est issue
d’une petite expérience menée par un groupe très restreint de 4 personnes :
- Margaret Sanger, qui était une féministe convaincue ayant lutté pour rendre aux
femmes la maîtrise de leur vie et de leur corps (contrôle des naissances) ; elle a
fondé en 1923 à New York le premier centre de planning familial ; 3 ans plus
tard, plus de 250 centres aux USA ont ouvert leur porte.
- Katherine Dexter, qui a financé les recherches.
- Gregory Pincus, un endocrinologue ayant mené des expériences bizarres sur
l’endocrinologie de la reproduction.
- Carl Djerassi, un chimiste connaissant très bien la chimie des saponosides et des
stéroïdes.
Ils ont conclu qu’en injectant de la progestérone à des lapins, un effet contraceptif était
provoqué. C’était intéressant mais la voie par injections n’était pas des plus pratiques.
Ils ont donc voulu trouver un stéroïde administrable par voie orale.
Ils ont utilisé comme molécule de base la diosgénine, qu’ils ont modifiée pour aboutir
au noréthindrone, premier progestatif actif en administration orale à des doses très
faibles. Leur objectif était donc atteint.
Les premiers essais cliniques eurent lieu à Porto Rico en 1956 et se couronnèrent par
96% de réussite. La molécule fut mise sur le marché en 1960. Finalement, il y eut une
bagarre entre le chimiste et l’endocrinologue car le noréthinodrel, qui se transforme en
noréthindrone dans l’estomac, fut commercialisé en premier.
Aujourd’hui, mener ces expériences et ces études ne serait plus faisable pour des
problèmes d’éthique et de morale. A l’époque, tout a été très vite et l’information
circulait moins vite, donc cela a été possible (heureusement…) !!!

o Les propriétés détergentes des saponosides sont utilisées en cosmétique ; on


trouve ainsi de la saponaire et de la Quillaya dans certaines préparations
cosmétiques. Les saponosides sont aussi utilisés dans l’industrie alimentaire
comme dispersants et émulsifiants.

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o Les saponosides sont également utilisés comme adjuvants dans la
formulation de vaccins. Un adjuvant a des propriétés immunomodulatrices et
permet donc d’améliorer la réponse immunitaire vis-à-vis des constituants du
vaccin, dont la puissance est ainsi augmentée.
Apparemment, certains saponosides peuvent s’associer avec les enveloppes des virus
pour former des structures particulières, les complexes immunostimulants, qui sont
mieux résorbés par les cellules immunocompétentes. Le QS-21 est un extrait de
Quillaya utilisé comme adjuvant de vaccins. C’est un triterpène pentacyclique avec
une fonction acide et portant 2 chaînes osidiques ; c’est donc un bisdesmoside. Une
des chaînes osidiques est liée par un lien éther classique, l’autre est liée par un lien
ester. Les 2 types de lien sont donc présents.
Les saponosides diminuent la charge d’Ag pour la même activité. Cette action
adjuvante a été découverte en 1936 ; d’ailleurs, certains vaccins vétérinaires contenant
des saponosides sont sur le marché depuis déjà très longtemps.

o Une autre utilisation des saponosides est le véhicule pour l’administration


intra-oculaire et intranasale de peptides bioactifs comme l’insuline.
Si les peptides sont pris par voie orale, la flore intestinale et le pH environnant les
détruisent. Seule la voie parentérale semble donc possible ! Grâce aux saponosides,
surtout ceux de Quillaya, ajoutés aux médicaments, on diminue la tension superficielle
et on augmente la résorption ; les voies intra-oculaire et intra-nasale deviennent donc
possibles !

 Toxicité

 Par voie orale, chez les animaux à sang chaud, il n’y a pas de toxicité car la
résorption est quasi nulle. Par contre, chez les animaux à sang froid (animaux
poïkilothermes), la toxicité est très très importante ; par exemple, la toxicité envers les
poissons fait que les saponosides sont utilisés comme poisons de pêche. Cette toxicité
est intéressante pour la prévention de la bilharziose (Phytolacca decandra) ; en effet,
des mollusques (animaux poïkilothermes) sont impliqués dans la transmission du
parasite Schistosonte, ils constituent en fait les vecteurs de la maladie et sont présents
dans les réservoirs d’eau douce. Chez l’Homme, le parasite vit dans les veines
mésentériques. Quand les couples de Schistosontes se reproduisent, ils pondent des
œufs qui sont évacués dans les selles. Une fois dans l’eau, les œufs donnent naissance
à des larves qui nagent. Quand ces larves croisent un mollusque, elles y pénètrent et
s’y reproduisent. Ensuite, le mollusque libère plein de larves nageantes pouvant
pénétrer par la peau et ainsi infecter l’Homme.
Cette maladie est très présente en Afrique. Elle touche beaucoup d’organes mais le
foie est surtout concerné. Que faire ? Détruire les mollusques en mettant dans l’eau des
plantes à saponosides (surtout Phytolacca decandra) est une bonne solution, qui doit
bien sûr être associée au respect des règles d’hygiène élémentaires.

 Effets irritants locaux et sternutatoires


Si ces effets irritants se manifestent au niveau gastrique, cela se traduira par des
nausées et des vomissements.

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 Toxicité parentérale
Cela se traduit par une néphrotoxicité et une action hémolytique. Cette toxicité est
générale mais ne se manifeste pas pour tous les saponosides, cela dépend de leurs
caractéristiques structurelles.

 Allergénicité
Elle provient du fait que les saponosides peuvent se comporter comme des haptènes.

Azastéroïdes

Biogenèse

Un N est présent ; donc les azastéroïdes sont rattachés au groupe des alcaloïdes mais
comme le squelette carboné ne vient pas d’un acide aminé, ce ne sont pas des
alcaloïdes vrais.
Leur origine est isoprénique et l’amination est un phénomène tardif dans la biogenèse.
On retrouve fréquemment ces alcaloïdes sous forme d’hétérosides. Dans les plantes
qui les contiennent, on trouve également souvent des hétérosides stéroïdiques, ce qui
conforte l’idée que la biogenèse est commune.
Les azastéroïdes sont principalement les glycoalcaloïdes des Solanum.

On a 2 types de dérivés :
I. Dérivés de type spirosolane : ils sont analogues au spirane mais un O a été
remplacé par un N ; ils sont caractérisés par un 5ième cycle pipéridine et un 6ième
cycle tétrahydrofuranne, l’enchaînement de ces 2 cycles forme le oxo-aza-
spirodécane.
II. Dérivés de type solanidane : le N tertiaire est commun aux 5ième et 6ième cycles ;
en fait, ces 2 derniers cycles, une pyrrolidine et une pipéridine, sont accolés,
l’enchaînement des 2 s’appelle le cycle indolizidine.

Caractéristiques chimiques

 Dans la pomme de terre, on peut extraire un mélange, la solanine T, de


différents glycoalcaloïdes et hétérosides basés sur la même génine solanidique
mais différant par la chaîne osidique. Cette structure est de type saponoside ;
d’ailleurs, l’ancien nom de cette classe est « saponosides azotés ». Ces
molécules présentent donc des propriétés tensio-actives.

 Dans la molécule, le N, secondaire ou tertiaire, confère à la molécule des


propriétés de base faible. Le procédé d’extraction est donc le même que celui
de l’extraction générale des alcaloïdes.

Activité biologique et intérêt pharmaceutique

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 Certains azastéroïdes peuvent être amoebicides.
 Certains peuvent, au même titre que les saponosides, servir de base pour
l’hémisynthèse des corticostéroïdes, des stéroïdes anti-inflammatoires et des
hormones contraceptives.
 Certains dérivés de plantes alimentaires sont responsables d’une toxicité qui
peut se marquer par une tératogénicité. Cela a été montré chez l’animal mais
pas chez l’Homme. N’empêche, ces dérivés sont à proscrire chez la femme
enceinte.

Tétraterpénoïdes ou caroténoïdes

Structure

Ils proviennent de la condensation de 8 unités isoprènes : 8 x 5 C = 40 C.


Il y a couplage queue à queue de 2 géranylgéranyl PP (C20) : on obtient donc une
molécule en C40.
Comme dans les triterpènes, c’est une condensation queue à queue avec un
intermédiaire contenant un cyclopropane. Cet intermédiaire est une molécule analogue
au pré-squalène mais avec 10 C de plus.
Contrairement aux triterpènes, l’ouverture du cyclopropane est ici oxydante. Elle ne
donne pas une simple liaison C-C mais bien une double liaison C=C. Cette double
liaison est conjuguée avec les autres ; cela rigidifie la molécule et empêche les
reploiements et la cyclisation (qui permettent d’aboutir au squalène, à l’origine des
triterpénoïdes).
Le phyto-ène obtenu subit ensuite des désaturations pour arriver à une molécule
complètement conjuguée, le lycopène (= caroténoïde de base).
Le fait d’avoir un couplage queue à queue fait qu’il y a inversion dans la molécule,
comme une symétrie centrale : à gauche les méthyles sont au-dessus et à droite les
méthyles sont en-dessous. Un reploiement et une cyclisation des extrémités de la
molécule sont possibles.

La plupart des caroténoïdes sont des tétraterpénoïdes avec 40 C. Certains peuvent


avoir jusque 50 C ; ils peuvent aussi être réduits à 20 (par exemple la crocine du
safran) ou 30 C, on parle alors d’apocaroténoïdes.
Les caroténoïdes font partie des pigments lipophiles ; leur chaîne est complètement
insaturée, ils présentent donc une couleur rouge. On les retrouve dans tout le règne des
Végétaux et aussi des Fungi.
Ils peuvent être ingérés par les animaux de par leur alimentation végétale et se
retrouver ainsi accumulés dans les tissus adipeux (surtout), et circulant dans le sang,
l’urine et le lait. Ils peuvent conférer aux animaux qui les ingèrent des couleurs
éclatantes ; par exemple, chez les flamants roses, les oursins, les homards, les étoiles
de mer, …
Les animaux ne peuvent pas les synthétiser mais peuvent, une fois acquis par
l’alimentation, les utiliser et les métaboliser (oxydation, hydroxylation). Par exemple,

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la vit A que nous utilisons, qui nous est indispensable en petite quantité et qu’on ne
trouve que dans notre alimentation, est un caroténoïde !

Classification

Les caroténoïdes sont divisés en plusieurs groupes suivant que la longue chaîne de 40
C (symétrie centrale par rapport à la liaison 15-15’) soit linéaire, cyclisée aux 2
extrémités ou partiellement cyclisée (à une seule extrémité).
En effet, on peut cycliser à l’une, à l’autre ou aux 2 extrémités de la molécule. Les
cycles peuvent avoir 6 chaînons (par exemple, le cycle triméthylcylohexènyle) ou 5
chaînons.
Les doubles liaisons sont en E ou TRANS pour des raisons d’encombrement stérique.
Cela constitue une différence avec les acides gras ou les doubles liaisons ne sont pas
conjuguée et sont naturellement en configuration CIS.
Les doubles liaisons des caroténoïdes peuvent facilement s’isomériser de TRANS vers
CIS. Il y a donc un grand nombre d’isomères de position possibles en fonction de la
position et du nombre de doubles liaisons.

Une autre classification scinde les caroténoïdes en 2 groupes :


I. Les carotènes qui ne possèdent aucun O dans leur structure
Le plus simple des carotènes est le lycopène ; il est complètement linéaire et c’est lui
qui est responsable de la couleur rouge de la tomate.
On parle de -carotène quand il y a cyclisation à une des extrémités et de-carotène
quand les 2 extrémités sont cyclisées.
Une scission en 15-15’ du -carotène fournit le rétinol (vit A1).

II. Les xanthophylles qui présentent au moins un O dans leur structure.


Ils résultent d’une oxydation (hydroxylation, époxydation pouvant être suivie d’un
réarrangement de la molécule). On peut avoir des dérivés monohydroxylés
(cryptoxanthine), dihydroxylés (lutéine), hydroxylés et époxydes (violaxanthine).
Les dérivés epoxydés se forment en 5-6 et plus rarement en 7-8 d’un côté ou de l’autre
de la molécule.
On peut aussi avoir une désaturation complète du(es) cycle(s) terminal(aux) et on
obtient un ou 2 cycles arèniques (dihydroxy-3-3’-isoréniératène). Ces dérivés
arèniques aromatiques sont rares ; on les trouve dans le genre Streptomyces.
Ces caroténoïdes peuvent être plus ou moins oxygénés ; des introductions de cétones
(C=O) sont possibles ; il peut y avoir aussi des dégradations-oxydations qui
aboutissent aux acides caroténoïques (on enlève un morceau de la molécule et on met
un COOH à la place) ; on peut aussi enlever des C au niveau des cycles terminaux ; …
 Il y a donc plein de possibilités de structures différentes !

La plupart des xanthophylles des végétaux se retrouvent sous forme d’ester d’acide
gras (acide palmitique, acide linoléique, acide oléique).
On retrouvera rarement les xanthophylles sous forme hétérosidique ; par exemple, la
crocine du safran est un apocaroténoïde (caroténoïde dégradé) dicarboxylique lié à 2
molécules de gentiobiose. Comme il y a moins de doubles liaisons conjuguées, la
crocine confèrera au safran non pas une couleur rouge mais jaune. Les oses

98
augmentent l’hydrosolubilité, donc, la crocine mise en solution aqueuse donne une
solution jaune. Le safran a peu d’utilisations thérapeutiques (sédatif léger et traitement
des poussées dentaires douloureuses mais ces effets n’ont pas été prouvés), il est
surtout utilisé comme épice.

La canthaxanthine est extraite des crevettes. Elle est utilisée


o comme colorant dans l’industrie alimentaire (saumon fumé, œufs de lump, …),
o dans les pilules bronzantes (industrie pharmaceutique),
o comme protecteur lors de problèmes de photosensibilisation car elle piège
certains radicaux libres formés par photo-oxydation.

La capsanthine donne sa couleur rouge au piment. La saveur piquante, elle, provient


non pas de la capsanthine mais de la capsaïcine, dérivée de la vanilline. Sur la peau, la
capsaïcine procure une sensation de brûlure, elle est donc utilisée comme traitement
chauffant, par exemple dans le traitement symptomatique des manifestations
articulaires douloureuses.

Extraction

Les caroténoïdes sont des pigments instables facilement oxydables (car beaucoup de
doubles liaisons) et isomérisables. Il faut donc être prudent quand à la manière de
travailler avec ces molécules.
On travaille avec du matériel végétal frais pour les éviter les oxydations.
On extrait les caroténoïdes par l’acétone ou le méthanol puis on ajoute de l’eau et on
extrait par l’éther diéthylique déperoxydé (fraîchement distillé). Les caroténoïdes sont
lipophiles et passent donc dans la phase éthérée. Cette phase est ensuite évaporée à sec
puis saponifiée par ajout d’éthanol et de KOH aqueux (rupture des liens ester). Puis,
on extrait à nouveau par l’éther diéthylique déperoxydé. Les acides gras restent en
phase aqueuse, alors que dans l’éther passent les caroténoïdes et les xanthophylles
libérés. On évapore alors la solution éthérée à sec puis on extrait par l’éther de pétrole,
où seuls les caroténoïdes passent (les stérols sont éliminés).
La solution obtenue peut être stockée à -10°C ou traitée :
SOIT par chromatographie sur colonne
SOIT par extraction - d’abord par un mélange méthanol : eau (9 : 1), où les
dihydroxycarotènes passent, tandis que les autres restent dans l’éther de pétrole
- puis par un mélange méthanol : eau (5 : 5) où les
monohydroxycarotènes passent alors que les carotènes restent dans l’éther de pétrole.
Toutes les solutions obtenues sont ensuite purifiées par chromatographie.

Méthodes d’analyse

 Réactions colorées

 Avec H2SO4 concentré

99
On obtient des couleurs intenses dans les verts ou violets foncés ; c’est la réaction de
caractérisation des caroténoïdes permettant de les distinguer des autres pigments
naturels comme les anthocyanes.

 Carr & Price


Le réactif de Carr & Price est le chlorure d’antimoine III en solution saturée dans
CHCl3. Cette réaction aboutit à la formation d’un complexe coloré entre les
caroténoïdes et le Sb. Ce complexe permet de réaliser des dosages colorimétriques des
caroténoïdes.

 Chromatographie

 CCM
Les caroténoïdes peuvent facilement être oxydés lors des processus de CCM. Donc, on
rajoute un agent antioxydant dans la phase mobile (par exemple, 0,75% d’éthoxyquine
qui piège les O).

 HPLC
Elle fonctionne très bien.

 Spectroscopie électronique, RMN, IR


Les caroténoïdes présentent un spectre UV-Visible très caractéristique. A partir des
résultats, on peut déterminer s’il y a eu isomérisation TRANS  CIS (E  Z) des
doubles liaisons dans la molécule. Les résultats obtenus avec les spectres UV-Visible
peuvent être confirmés par la RMN et le travail en IR.

Intérêt alimentaire, thérapeutique et pharmaceutique

Activité biologique

 Activité pro-vitaminique A
La molécule responsable est surtout le -carotène qui donne 2 vit A par hydrolyse. Les
autres carotènes ne donnent qu’une seule vit A par hydrolyse, donc leur activité pro-
vitaminique A est moindre.
Le clivage en 15-15’ est opéré par une enzyme de la muqueuse intestinale. In vivo, le
rendement de scission est faible.
Ces -carotènes se retrouvent en grande quantité dans les carottes et dans l’huile de
palme.
Le vit A est intéressante car elle diminue le risque de dégénérescence maculaire. Le
déficit en vit A est la première cause de cécité chez les enfants. Elle présente
également un grand intérêt dermatologique.

 Activité antioxydante
La vitamine A piège les O singulets, qui sont des radicaux libres résultant de la photo-
oxydation. Elle exerce donc un effet préventif dans l’apparition de certains cancers et
de maladies dégénératives cardiovasculaires. Le lycopène de la tomate, par exemple,

100
est concerné par cet effet préventif. C’est un composé qui possède ces propriétés
antioxydantes, qui peut activer la communication cellulaire et contrôler la croissance
cellulaire. Le lycopène, qu’on retrouve en concentration très importante dans le
concentré de tomates, joue donc un rôle très important dans la prévention et le
traitement de certains cancers.
Il y a une association entre la consommation de fruits et légumes et la prévalence
moindre de certaines formes de cancer. Des études suggèrent un effet protecteur de la
part des caroténoïdes alimentaires MAIS ces fruits et légumes contiennent beaucoup
d’autres choses ; donc, on ne sait pas exactement à quoi cet effet est du.
On a montré aussi que quand la concentration sanguine en -carotène augmente, le
risque de développer un cancer du poumon diminue. Mais c’est le seul cancer qui
montre ça ; dans les autres cas, il n’y a pas de corrélation. On a fait des études
prospectives en administrant à l’homme du -carotène tous les jours ; il en découle que
le -carotène ne semble pas avoir d’incidences sur les néoplasmes et les tumeurs.
D’autres études ont même montré une incidence augmentée de mortalité chez les
personnes à risque (fumeurs et anciens fumeurs) consommant beaucoup de
caroténoïdes ! En effet, quand une cellule est trop atteinte, elle se suicide : c’est la
mort cellulaire programmée ou apoptose. Le fait de donner des -carotènes
antioxydants empêche ce suicide et empêche les cellules très amochées de mourir.
D’autres études ont aussi montré qu’il n’y a aucune relation entre l’incidence des
maladies cardiovasculaires et l’administration de -carotènes.
 Un grand nombre d’études ont été réalisées, avec beaucoup de contradictions au
niveau des résultats ; donc, finalement, on ne sait pas très bien ce qu’il en est de
l’activité protectrice des caroténoïdes ! Mais de façon générale, on peut quand même
dire que la consommation de fruits et légumes diminuent le risque de cancer. Malgré
ces controverses, les caroténoïdes sont d’ailleurs considérés comme des
phytonutriments.

Intérêt alimentaire et pharmaceutique

 On a fait des dérivés d’hémisynthèse, les rétinoïdes, qui exaltent les


propriétés dermatologiques des caroténoïdes ; MAIS une importante
tératogénicité leur est associée !!! Il ne faut donc surtout pas administrer les
rétinoïdes à la jeune fille susceptible de tomber enceinte (traitement à
associer à un moyen de contraception) et à la femme enceinte ou désirant le
devenir.
 Comme ce sont des piégeurs d’O singulets, les caroténoïdes jouent un rôle
dans le traitement des photodermatoses.
 Les caroténoïdes naturels ou obtenus par hémisynthèse sont atoxiques aux
concentrations requises et peuvent donc servir de colorants pour les
médicaments les aliments. Les caroténoïdes de tagettes ou de rocouyer
peuvent intensifier la couleur des volailles, œufs, margarines, huiles, jus de
fruits, produits laitiers, saucisses, …
 On les retrouve aussi dans les pilules bronzantes qui facilitent la coloration
des téguments. MAIS ces pilules ne protègent pas des UVB, responsables de

101
la carcinogenèse cutanée ; la prise de ces pilules ne dispense donc pas d’une
application régulière de crème solaire.
 Enfin, les caroténoïdes peuvent être utilisés pour identifier et caractériser
certaines drogues (par CCM) ; ils sont donc utiles pour rechercher des
falsifications dans les drogues végétales coûteuses comme le safran ou le
capsicum.

NB : Les -carotènes peuvent être obtenus par synthèse ou par voie biotechnologique
(culture d’algues microscopiques).

Polyisoprénoïdes

Ils proviennent de la condensation d’un grand nombre d’unités isoprènes. Ce sont des
composés à propriétés élastiques. Les doubles liaisons présentes sont en configuration
E ou Z. On peut ainsi obtenir des polymères de PM très important (jusqu’à plusieurs
millions de Da).
On ne les trouve que chez les Angiospermes Dicot. Deux mille espèces de plantes
supérieures sont concernées et contiennent du caoutchouc dans leur latex. Les
Moraceae, Euphorbiaceae, Apocynaceae, Asclepiadaceae et Asteraceae sont les
familles surtout concernées. Seules 500 espèces contiennent une concentration
importante de caoutchouc, elles portent d’ailleurs le nom de « plantes à caoutchouc ».
Le latex est une émulsion H dans E où l’H est constituée de polyisoprènes. Les latex
ne sont cependant pas invariablement composés de polyisoprènes. La phase dispersée
peut être constituée d’autres terpènes (HE, saponosides, acides résineux, …) ou de
produits non terpéniques (lipides, protéines, …).

Parmi les polyisoprénoïdes, 3 sont particulièrement importants :


A. Le caoutchouc est obtenu à partir du latex d’hevea ; on en fait des
tétines, des sparadraps, …
B. Le gutta-percha est utilisé pour faire les fils de sutures.
C. Le chiclé est obtenu à partir du latex de sapotillier et était utilisé pour
faire du chewing-gum.
Tous ces polymères contiennent des protéines allergéniques et sont donc fréquemment
remplacés par des dérivés de synthèse. L’utilisation du caoutchouc nécessite un
traitement industriel, surtout la vulcanisation (caoutchouc traité à chaud avec du S) qui
le rend plus élastique mais risque de le contaminer avec des nitrosamines (dérivés très
cancérigènes !!!). Une étude a ainsi montré que 10% des tétines étaient contaminées
par des nitrosamines !

En fait, les polyisoprénoïdes sont constitués par l’association linéaire de plusieurs


millions de molécules. Mais ils présentent également des chaînes latérales (voir
transpa). Les plasto- et ubiquinones interviennent dans la chaîne respiratoire des
mitochondries.

4. Les dérivés d’aminoacides

102
Il s’agit des dérivés des acides aminés arèniques et/ou aliphatiques.
On peut avoir des dérivés C6-C3, des coumarines, des tanins hydrolysables, des
alcaloïdes, des hétérosides cyanogènes, des flavonoïdes, …

Glucosinolates

Ce sont des S-hétérosides ou thiohétérosides, càd des oses avec une fonction sulfonate.
Ils constituent une classe homogène de plus de 90 composés, détectés dans 11 familles
de Dicot. La plupart des plantes cultivées en contenant sont des Brassicaceae (surtout
le genre Brassica) qui comportent aussi bien des épices (moutarde, …) que des
légumes (radis, choux, rutabaga, …).
Les glucosinolates sont responsables des odeurs fortes et caractéristiques, et leur
teneur varie en fonction de l’espèce, de la partie de la plante utilisée et des conditions
de culture et de climat. La teneur moyenne en glucosinolates est de 0,5 à 1g/kg, mais
dans certains choux de Bruxelles, elle peut monter jusqu’à 3,9g/kg ! Cette teneur n’est
pas très importante mais suffisante pour avoir l’odeur caractéristique.
Les glucosinolates coexistent dans la plante qui les produit avec la myrosinase (une
thio-glucosido-hydrolase), l’enzyme qui peut les dégrader en coupant un
thiohétéroside.
L’enzyme et le glucosinolate sont dans des compartiments séparés : il n’y a pas de
contact direct entre les 2. Quand la structure végétale est rompue et dilacérée
(lorsqu’on coupe ou écrase la Brassica), le substrat et l’enzyme viennent en contact et
sont dégradés en présence d’eau. Il y a libération d’une fraction volatile, qu’on appelle
« HE non préformée » (càd que l’HE apparaît en cours de dégradation).

Structure

Les glucosinolates dérivent directement des acides aminés. Leur diversité structurelle
dépend de celle des acides aminés dont ils sont originaires.

L’acide aminé perd sa fonction carboxyle puis subit une dizaine d’étapes avec
incorporation d’un S et d’un ose pour aboutir à un thiohétéroside (=glucosinolate).
En rouge, le R provient de l’acide aminé. Ce R peut être soit une chaîne aliphatique,
soit une chaîne possédant un radical aromatique ; il peut lui-même contenir du S sous
forme de sulfure, sulfoxyde ou sulfone.
Le glucosinolate est un anion existant dans la plante sous forme de sel avec le
potassium ou avec la sinapine (ester entre l’acide sinapique et la choline) qui est
chargée positivement.
L’ose intervenant dans la structure est quasi toujours le glucose, à l’exception du
glucosinolate du radis qui contient un sinapoylglucose (= un glucose lié à un acide
sinapique).
Quand on lèse les tissus de la plante, la myrosinase attaque le glucosinolate et le coupe
au niveau de l’ose. Il y a donc libération d’un ose et d’une génine instable qui se
réarrange selon les conditions d’hydrolyse :

103
- A pH 7 : le R saute sur le N et on obtient un isothiocyanate.
- A pH 3,6 en présence de Fe II ou d’autres cofacteurs : on obtient un nitrile.
- En présence de cofacteurs non encore identifiés : le R saute sur le S et on
obtient un thiocyanate.
Ces dérivés sont volatils et présentent une odeur très forte.
 La variabilité des glucosinolates réside au niveau de la chaîne latérale R.

Il y a déjà plus d’un siècle, la sinigrine et la sinalbine ont été découvertes sous forme
de cristaux dans la moutarde noire et blanche.
Dans les espèces qui produisent les glucosinolates, beaucoup sont présentes dans notre
alimentation et utilisées en médecine traditionnelle.
Les graines de moutarde noire sont riches en mucilage (elles contiennent 20% de
mucilage et polyholosides) et en lipides insaturés. Quand on les broie et qu’on les
laisse macérer dans l’eau, la myrosinase hydrolyse la sinigrine et donne 0,7 à 1,3%
d’HE non préformée, à action révulsive et composée à plus de 90% d’isothiocyanate
d’allyle. Ce composé est fortement volatil et donne son goût et son odeur piquante à la
moutarde. Il confère également son action aux cataplasmes de farine à moutarde.
La moutarde blanche, lorsqu’elle est broyée puis macérée dans l’eau, donne un
composé à propriétés révulsives par hydrolyse de la sinalbine mais il n’y a pas
d’odeur piquante car le produit d’hydrolyse majoritaire, l’isothiocyanate d’acrinyle, est
plus lourd et beaucoup moins volatil.
La progoitrine est un glucosinolate -hydroxylé ; cela lui permet, après hydrolyse, de
cycliser pour donner la goitrine à propriétés toxiques.
Dans le radis noir, on trouve la glucobrassicine, où la chaîne latérale R est un noyau
indole provenant du tryptophane ; c’est donc un glucosinolate alcaloïde. Certains tests
in vitro montre que ce composé pourrait avoir une action immunomodulatrice mais les
données in vivo sont quasiment inexistantes.

Méthodes d’analyse

Extraction

On part de graines dégraissées par un solvant apolaire comme l’hexane ou de matériel


végétal desséché. Si on veut les glucosinolates intacts, il faut préalablement inactiver
la myrosinase. Pour ce faire, on chauffe le végétal entre 70 et 120°C (température
assez élevée pour inactiver l’enzyme et assez basse pour éviter la dégradation du
glucosinolate) ou on le traite par du méthanol ou par un mélange méthanol-eau à
chaud. Si on veut extraire le produit de réarrangement (génine), on laisse macérer la
plante (contact entre l’enzyme et le substrat possible  hydrolyse du substrat en
ose+génine) en choisissant les conditions en fonction de la génine qu’on souhaite
obtenir, puis on réalise l’extraction.

Chromatographie

 CCM
Elle est tout fait utilisable pour analyser les glucosinolates.

104
Comme il y a un sucre dans la structure, c’est sur cellulose que le glucosinolate salifié
migrera le mieux.
La révélation/détection peut se faire en lumière UV si on a un chromophore dans la
structure, ou par pulvérisation de nitrate d’argent ammoniacal (mise en évidence du
caractère réducteur du sulfonate). On peut aussi révéler la plaque en caractérisant les
génines. Donc, dans ce cas, on fait agir une myrosinase (celle de la plante ou une autre
si celle de la plante a été inactivée), puis on extrait les produits d’hydrolyse
(isothiocyanates) par un solvant organique ou par entraînement à la vapeur d’eau. On
fait ensuite réagir le mélange obtenu avec de l’ammoniac ; on obtient ainsi un dérivé
R-NH-C(NH2)=S, qui est un dérivé de la thio-urée :

R-N=C=S + NH3 R-NH-C=S Thio-urée : (NH2)2C=S


NH2

Ces dérivés migrent très bien en CCM ; ils sont donc simples à séparer.
La révélation se fait par un mélange de chlorure ferrique et de ferricyanure. Il y a en
fait formation de sulfocyanures qui, en présence de chlorure ferrique, donnent des
complexes rouges.

 GC
On peut séparer les glucosinolates par GC, mais, comme il y a un ose dans la structure,
on doit faire des réactions de dérivation préalables (surtout des silylations).

 HPLC
Elle est aussi utilisable. Il y a juste un petit problème pour la détection car il n’y a pas
de chromophores UV intenses. Les colonnes (phases stationnaires) le plus
fréquemment utilisées sont des échangeuses d’anions. En effet, comme les
glucosinolates sont des anions, elles permettent une très bonne rétention et donc
séparation.

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

Activité biologique

 Les génines obtenues après hydrolyse sont des substances biologiquement


actives et leur rôle au niveau de la plante pourrait être une action répulsive
envers les prédateurs, qui se sont parfois adaptés (par exemple, les
glucosinolates des choux sont des attracteurs pour certaines chenilles).

 Les glucosinolates participent à la saveur des choux, des brocolis, du raifort, de


la moutarde, ...

 Ces molécules sont considérées comme inoffensives pour l’humain et sont très
probablement protectrices vis-à-vis du développement de certaines formes de
cancers. Donc, les glucosinolates sont considérés comme des phytonutriments.
Ce caractère inoffensif n’est bien sûr valable que si on les consomme en

105
quantité raisonnable. Lors de l’administration de quantités élevées, des effets
toxiques se manifestent ; par exemple, il y a des intoxications de bétail nourri
massivement avec des végétaux à glucosinolates.

 Au niveau de la protection vis-à-vis de cancers, cela a été montré par des


études épidémiologiques. Ca a l’air de bien fonctionner mais il n’y a pas de
preuves tangibles quant à cette action.
Les glucosinolates des choux sont capables d’activer les enzymes de la
métabolisation de phase II. Les enzymes de phase I transforment les molécules
de façon à les rendre plus hydrosolubles (oxydation par hydroxylation) et les
enzymes de phase II réalisent des conjugaisons (par exemple, la
glucuronoconjugaison) au niveau des –OH des molécules pour augmenter
encore leur hydrophilie. Le fait d’activer les enzymes de phase II
permet d’accélérer l’élimination des xénobiotiques qui pourraient être
cancérigènes. Cette activité de protection serait donc médiée par ce type
d’action.
A cet égard, on a beaucoup insisté sur le rôle du sulforaphane, formé à partir des
glucosinolates du brocoli ; en effet, ces glucosinolates peuvent réduire la méthylation
de l’ADN. Le fait de méthyler l’ADN au niveau de certains gènes rend ceux-ci
« dormant ». On ne sait pas à quoi rattacher cette action de diminution des
méthylation : à la protection vis-à-vis des cancers ?
La glucobracissine se retrouve dans beaucoup de Brassicaceae alimentaires. Cette
molécule subit une métabolisation intense et se combine à la vit C (acide ascorbique)
pour donner l’ascorbigène qui est probablement ensuite méthylé en méthyl-
ascorbigène. Ces dérivés montrent une activité immunomodulatrice. Ils permettent
d’inhiber la croissance de tumeurs. Sur les animaux, on a montré que ces dérivés
protègent l’organisme contre diverses infections. La métabolisation de l’ascorbigène
pourrait expliquer pourquoi les Brassicaceae ont un rôle de phytonutriments
protecteurs vis-à-vis du développement de cancers.
On a également découvert une activité radioprotectrice de la part de la sinapine qui
salifie les glucosinolates ; càd que cette molécule protège l’organisme des radiations
ionisantes. La sinapine est largement distribuée dans les Brassica.

 Les produits d’hydrolyse des glucosinolates sont, dans certains cas, irritants.
Ils peuvent donc être utilisés comme révulsifs à usage local (par exemple, la
farine de moutarde) et comme expectorants. Les structures des glucosinolates
ont d’ailleurs servi de modèles pour la synthèse des gaz de combat et des agents
anti-cancéreux.
Dans le radis noir, on a des glucosinolates, principalement la glucobracissine, mais
aussi de la carboxy-méthyl-cystéine qu’on appelle aussi acétyl-cystéine (c’est un acide
aminé cystéine qui porte un acétate). Cette molécule est une substance muco-
régulatrice qui régule la production de mucus au niveau bronchique. Aujourd’hui, on
l’obtient par synthèse et elle est incorporée dans différentes spécialités comme le
Lysomucil. Le radis noir est également abondamment utilisé en phytothérapie pour
améliorer la sécrétion biliaire et en usage topique pour traiter les brûlures superficielles
(érythèmes fessier ou solaire).

106
 La plupart des génines ont une activité antimicrobienne, diurétique et
stimulant de l’appétit.

Toxicité

Il est possible qu’une consommation exagérée de Brassicaceae alimentaires associée à


un apport d’I insuffisant puisse conduire à une hypothyroïdie qui se traduit par
l’apparition d’un goitre. Deux mécanismes interviennent :

I. Libération dans l’organisme d’une quantité importante de thiocyanates qui agissent


comme anti-thyroïdiens et inhibent la pompe à I- de la glande thyroïde.
Cet inconvénient peut facilement être surmonté par un apport, via l’alimentation, de
grandes quantités d’I.

II. Pour certains glucosinolates, les glucosinolates -hydroxylés, on a une autre action
anti-thyroïdienne qui ne peut pas être levée par un apport d’I.
Les composés obtenus après hydrolyse par la myrosinase sont susceptibles de cycliser
assez facilement (lien C-O facilement formé) pour former un cycle thiooxazolidone et
ainsi aboutir à la goitrine. La goitrine, comme son nom l’indique, provoque des
goitres ; elle interfère donc directement dans la synthèse des hormones thyroïdiennes.
Cette activité anti-thyroïdienne n’est pas levée par un apport d’I.
La cyclisation n’est possible que si on est en présence d’un -hydroxyle.
On a observé des troubles de la thyroïde chez les patients ayant eu une consommation
excessive de colza, choux, rutabaga. C’est surtout pendant les périodes de guerre (2ième
guerre mondiale) que ces troubles se manifestaient car il n’y avait, dans nos régions,
quasiment que des Brassicaceae à manger.

Hétérosides cyanogènes

Le qualificatif « cyanogène » signifie que ces hétérosides peuvent générer des


cyanures CN-.
Les hétérosides cyanogènes sont distribués de manière aléatoire dans au moins 2000
espèces différentes qui se rassemblent dans 110 familles chez les champignons, les
fougères, les gymnospermes, les Monocot et les Dicot. On les a également détectés
chez les insectes.
Ils peuvent, par hydrolyse, libérer de l’acide cyanhydrique HCN.
D’autres types de composés peuvent libérer des cyanures, comme les cyanolipides
qu’on retrouve dans la famille des Sapindaceae.

Structure

Les hétérosides cyanogènes sont des hétérosides de 2-hydroxy-nitrile. Les C et les N


proviennent de l’acide aminé de départ.

107
Biogenèse

La base de la molécule est un acide aminé. Celui-ci subit un grand nombre d’étapes
avant d’aboutir à l’hétéroside cyanogène.
R1 et R2 dépendent de l’acide aminé de départ ; ils peuvent être arèniques ou
aliphatiques, ou peuvent, plus rarement, faire partie d’un cycle.
Le C est assez souvent asymétrique (*) et on a donc des paires d’énantiomères
prévisibles. En général, les énantiomères sont élaborés par des plantes différentes. En
fait, suite à ce C chiral, un des isomères se retrouve plus fréquemment dans la plante.
L’ose intervenant dans la structure est quasiment toujours le glucose.
L’enzyme qui dégrade les hétérosides cyanogènes est également présente dans la
plante. S’il y a dilacération des tissus végétaux, l’enzyme entre en contact avec le
substrat ; il y a formation des produits d’hydrolyse qui sont libérés et forment une HE
non préformée. Les lésions tissulaires peuvent être produites par des phénomènes
physiques (comme la mastication) ou par des infections fongiques. Différentes
substances volatiles peuvent être libérées mais HCN est toujours présent. Cette
libération joue très certainement aussi un rôle dans la défense du végétal contre les
prédateurs.

Il existe des hétérosides pseudocyanogènes, qu’on retrouve dans les graines des
plantes appartenant à la famille des Cycadaceae (surtout dans Cycas circinalis). Ces
plantes sont des palmiers dont la moelle et l’amande fécondée sont riches en amidon et
traditionnellement utilisées dans l’alimentation humaine, surtout dans les régions
asiatiques. On connaît des cas d’intoxication aiguë due à la consommation de ces
Cycadaceae. Des glucosides sont responsables de ces intoxications ; leur structure est
différente de celle des hétérosides cyanogènes. Ce sont en fait des hétérosides du
méthyl-azoxy-méthanol. On pensait d’abord que c’était le CN- libéré qui était
responsables des intoxications mais on s’est rendu compte que les glucosides étaient
des agents alkylants de structure proche des nitrosamines ; càd qu’ils peuvent aller
alkyler l’ADN ou les protéines, d’où un effet neurotoxique et cancérigène. Ces dérivés
seraient responsables de toute une série de maladies neurodégénératives apparaissant
lors des intoxications. Le glucoside surtout concerné est la cycasine, libéré par la flore
intestinale. Normalement, la cycasine est éliminée des farines. Les intoxications
proviendraient donc d’une contamination des farines par ce composé. Un acide aminé
particulier présent dans la plante serait aussi impliqué dans la pathologie de
l’intoxication.

Parmi les hétérosides cyanogènes, on retrouve fréquemment l’amygdaloside, dont la


structure comprend un hydroxynitrile, un ose (le gentiobiose) et un cycle aromatique.
On retrouve l’amygdaloside en quantité importante dans l’amande amère ou Prunus
communis var. amara.
L’hydrolyse enzymatique de la molécule nécessite 3 étapes menées par 3 enzymes
différentes. A partir des amandes, on a pu isoler un mélange complexe d’enzymes,
l’émulsine. On a montré que les enzymes s’attaquent séquentiellement à
l’amygdaloside :

108
1. Attaque par l’amygdalase : il y a libération du premier glucose et du
pruranoside (dérivé mono-osidique aussi présent dans la plante).
2. Libération du second glucose et donc de la génine par la -glucosidase ; cette
génine est le mandélonitrile (nitrile phénylglycolique).
3. L’oxynitrilase coupe le groupement nitrile ; il y a libération de HCN et de
benzaldéhyde. Ces 2 dérivés ont une odeur caractéristique de frangipane.
On retrouve assez fréquemment le groupe mandélonitrile dans les hétérosides
cyanogènes.

Méthodes d’analyse

Extraction

Les hétérosides cyanogènes sont très fragiles ; cela rend leur extraction et leur
purification très délicates.
Il faut commencer par inhiber les enzymes. Pour faire cela, on ne peut pas chauffer
(sinon il y a destruction des hétérosides cyanogènes) ; donc, on a trouvé une autre
technique : on trempe la plante fraîche dans de l’azote liquide, ensuite on réalise une
extraction par l’alcool, et enfin, on purifie les hétérosides par chromatographie.

Caractérisation des cyanures libérés

On caractérise les hétérosides cyanogènes en mettant en évidence les CN- libérés par
des réactifs chromogènes :
- acide picrique – carbonate de sodium
- benzidine – acétate cuivrique.
On peut aussi caractériser les cyanures libérés après séparation sur couche mince : on
réalise une CCM avec les hétérosides cyanogènes, puis on pulvérise une solution
d’enzymes et on caractérise les CN- libérés en pulvérisant, par exemple, du chlorure
ferrique.

Caractérisation du glucose libéré

Après hydrolyse, on peut aussi caractériser le(s) sucre(s) libéré(s).

Chromatographie

 CCM (voir ci-dessus)

 GC
On peut réaliser une GC après dérivation, mais souvent, les hétérosides cyanogènes
sont détruits en cours de dérivation car les réactions de dérivation nécessitent un
chauffage.

Dosage

109
On peut doser les cyanures.
On réalise une hydrolyse enzymatique des hétérosides cyanogènes ; il y a donc
libération de CN-, puis on distille en milieu acide (CN-  HCN), on obtient alors un
distillat contenant de l’acide cyanhydrique HCN qu’on peut doser par titrage
argentimétrique (méthode de Mohr, ...). Ce dosage est décrit dans la Pharmacopée
européenne pour le laurier-cerise.

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

Usages pharmaceutiques

Ils sont obsolètes vu la toxicité des dérivés obtenus ; la libération de HCN, gaz
toxique, réduit fortement leur intérêt pharmaceutique.
Une seule plante est intéressante : c’est le laurier-cerise ou prunus laurocerasus, qui
sert à la préparation de l’ « eau de laurier-cerise », titrée à 100 mg % d’HCN total.
Cette eau est toujours utilisée comme aromatisant, anti-spasmodique et stimulant
respiratoire. Donc, elle entre dans la composition magistrale de sirops, gouttes nasales,
... et autres préparations destinées au traitement des infections broncho-pulmonaires.

Toxicologie

L’intérêt des plantes à hétérosides cyanogènes se manifeste plutôt au niveau


toxicologique. Les hétérosides cyanogènes sont connus pour engendrer une
intoxication par les Rosaceae ornementales et fruitières (Cotoneaster et Pyracantha,
Sorbus aucuparia, Prunus laurocerasus, Prunus armeniaca, ...), mais aussi via certaines
espèces alimentaires (manioc, trèfles, sorgho, cycas et autres Cycadales).
On connaît bien depuis des siècles les possibilités de cyanogenèse par des végétaux
comme les abricotiers, les pêchers, les amandes, et autres espèces alimentaires.
Comme le trèfle et le sorgho sont présents dans les fourrages, on observe de
nombreuses intoxications chez le bétail. Chez l’humain, des cas d’intoxication se
manifestent de temps en temps. La plupart des intoxications sont causées par
l’ingestion d’espèces de différentes familles (Rosaceae, Fabaceae, Euphorbiaceae et
Poaceae). Le sorgho, qui appartient à la famille des Poaceae est la plante qui pose le
plus de problèmes de toxicité.

Quand on absorbe la plante contenant des hétérosides cyanogènes, l’HCN est libéré
dans les intestins par l’intervention d’enzymes, qui peuvent être des enzymes présentes
dans la flore intestinale ou des enzymes présentes dans les aliments ingérés (il faut
rappeler ici que les enzymes d’hydrolyse coexistent avec les hétérosides cyanogènes
dans la plante).

110
L’HCN inhibe des enzymes respiratoires, notamment la cytochrome oxydase. La re-
oxydation du cytochrome C est donc interrompue et l’oxygène moléculaire ne peut
plus être utilisé par les cellules.
En cas d’ingestion massive, les symptômes, troubles de la conscience puis mort, se
déclarent très rapidement. Beaucoup d’empoisonnements sont accidentels. Pour faire
du massepain par exemple, il ne faut surtout pas confondre l’amande amère et la douce
et utiliser l’amère au lieu de la douce !!!
On connaît des populations qui, de par leur alimentation, sont exposés tous les jours à
des hétérosides cyanogènes en quantité variable parfois importante ! Par exemple, la
cassave, qu’on obtient avec différentes espèces de manioc, est consommée en Afrique
de l’ouest ; dans 750g (ration journalière) de cassave, on peut avoir jusqu’à 75 mg de
cyanures : c’est une fois et demi la dose mortelle si la ration est ingérée en une
fois !!!). Comme ces cyanures sont incorporés dans l’organisme en plusieurs repas, ce
n’est pas mortel MAIS cela engendre des problèmes.
Les traitements culinaires traditionnels (fermentation, cuisson à l’eau, torréfaction, ...)
éliminent les cyanures. Mais les coutumes ancestrales se perdent car il n’y a plus de
transmission du savoir et, en Afrique de l’ouest, beaucoup d’intoxications ont été
signalées.
Notre corps est capable de se débarrasser de grandes quantités d’HCN mais les
intoxications répétées mènent à des désordres neurologiques sérieux.
L’HCN est métabolisé par les acides aminés soufrés en thiosulfate et sulfocyanure
SCN- qui provoque une inhibition de la pompe à iodures (réversible s’il y a un apport
en excès d’I) et donc l’apparition d’un goitre.
Dans ces populations d’Afrique de l’ouest, on peut voir des goitres apparaître chez les
foetus et les nouveaux-nés ; c’est donc un facteur important dans la pathogénicité.
Les neuropathies s’expliqueraient par une carence en acides aminés soufrés puisqu’ils
sont utilisés pour détoxifier les cyanures. Cette utilisation entraîne une diminution des
acides aminés soufrés disponibles et donc des troubles neurologiques.
Le problème est que ces populations souffrent aussi souvent de déficiences en
protéines, d’où un apport réduit en acides aminés de toutes sortes, ce qui ne fait
qu’accentuer les troubles. Des prises de sang ont d’ailleurs montré des concentrations
élevées de sulfocyanure.

Alcaloïdes

Ce sont les composés les plus anciennement caractérisés, on les connaît déjà depuis
longtemps. Ce sont les premiers composés végétaux à avoir été extraits et purifiés.
Les alcaloïdes sont les substances les plus largement représentées dans le métabolisme
secondaire. Ils ont des effets, toxiques ou médicamenteux, à doses très faibles et
présentent un grand intérêt pharmaceutique et thérapeutique.

La notion d’alcaloïde est récente (fin du 19ième siècle) mais la potentialité et la toxicité
des plantes à alcaloïdes sont connues depuis très longtemps. Par exemple, le Papaver
somniferum (opium), la coca, l’aconit, la belladone, la colchique, le quinquina et le
curare sont des plantes à alcaloïdes utilisées depuis plusieurs siècles, voire plusieurs
millénaires (pour l’opium).

111
Les premières purifications d’alcaloïdes ont été décrites au 19ième siècle et ont suivi
l’introduction des plantes à alcaloïdes en pratique médicale et le développement des
techniques de percolation. Le premier alcaloïde végétal (narcotine) a été isolé de
l’opium en 1803 en France et en 1816 en Allemagne, des chercheurs ont isolé la
morphine. Entre 1816 et 1826, d’autres alcaloïdes ont rapidement suivi et été isolés
(strychnine, émétine, brucine, pipérine, caféine, quinine, colchicine, coniine) car les
méthodes d’extraction sont les mêmes quel que soit l’alcaloïde concerné.
En 1870, la première structure d’un alcaloïde (en l’occurrence, la coniine) est établie ;
puis, en 1889, la première synthèse totale est réalisée.
Par contre, il a fallu 130 ans pour que la structure de la strychnine, très complexe et
polycyclique, soit établie.
La synthèse complète de la morphine n’a pu être réalisée qu’en 1952.
Entre 1800 et 1945, plus de 800 alcaloïdes différents ont été isolés. De 1945 à nos
jours, on a isolé 16 000 alcaloïdes, qui ont été caractérisés. Cette différence d’un
facteur 20 provient des évolutions techniques survenues ces dernières années.

Définition

Il n’y a pas de définition simple et précise. C’est parfois difficile de séparer les
alcaloïdes des autres métabolites azotés.
On distingue 3 groupes : les alcaloïdes vrais, les pseudo-alcaloïdes et les proto-
alcaloïdes.

Les alcaloïdes vrais sont des substances azotées, basiques, d’origine naturelle, de
distribution restreinte et de structure complexe. Leur N est inclus dans un système
hétérocyclique et ils possèdent une activité pharmacologique importante ; pour certains
auteurs, ils sont issus du seul règne végétal. Ils existent dans la plante à l’état de sel et
sont biosynthétiquement formés à partir d’un acide aminé.

Les pseudo-alcaloïdes présentent toutes les caractéristiques des vrais alcaloïdes mais
ils ne dérivent pas d’un acide aminé. Dans la majorité des cas, ce sont des isoprénoïdes
qui ont intégré un hétéroatome de N en fin de biogenèse. On parlera, dans ce cas,
d’alcaloïdes terpéniques (mono-, sesqui-, di- et triterpéniques, notamment des
alcaloïdes stéroïdiques).
On peut aussi avoir des substances azotées hétérocycliques issues du métabolisme des
acétates ; càd des polyacétates qui incorporeront un N en étape tardive de biogenèse.
C’est le cas notamment de la coniine (alcaloïde présent dans Conium maculatum, une
Apiaceae) qui possède un cycle pipéridine dans sa structure. Classiquement, ce cycle
pipéridine dérive d’un acide aminé, la lysine. Mais dans la grande ciguë, c’est
particulier : la coniine dérive d’un acide gras en C8 (acide caprique), et une
transamination tardive introduit le N et permet la fermeture du cycle. La grande ciguë
est toxique de par la coniine (empoisonnement de Socrate pour corruption de la
jeunesse en 399 ACN).
!!! Il ne faut pas confondre la grande ciguë et la ciguë aquatique ; cette dernière est
également toxique mais en raison de la présence d’autres principes actifs !!!

112
Les proto-alcaloïdes sont des amines simples : le N n’est pas inclus dans un
hétérocycle. Ce sont des substances présentant une réaction basique et dont l’origine
biogénétique est un acide aminé. Différentes substances répondent à cette définition,
par exemple la sérotonine (neurotransmetteur) et la mescaline (dans les cactus Peyotl).
La molécule d’origine est un acide aminé : le tryptophane pour la sérotonine et la
phenylalanine-tyrosine pour la mescaline. Donc, dans le cas des proto-alcaloïdes, le N
n’est pas incorporé dans un cycle même si la molécule est originaire d’un acide aminé.

La distinction entre les alcaloïdes vrais, les pseudo- et les proto-alcaloïdes semble ainsi
relativement nette, mais en fait pas mal de substances sont difficiles à classer.
Par exemple, la caféine présente un N dans un cycle mais ne dérive ni d’un acide
aminé, ni d’un terpène, ni d’un acétate ; c’est en fait une base purique. Donc, selon les
définitions ci-dessus, la caféine n’est ni un alcaloïde vrai, ni un proto-, ni un pseudo-
alcaloïde ! Pourtant, c’est un alcaloïde !
Un autre exemple est la colchicine ; cette molécule possède un N sous forme d’amide
mais n’a pas de propriétés basiques ; elle ne rentre donc pas dans nos définitions alors
que c’est bien un alcaloïde !

Donc, on établit une définition a contrario : on définit tout ce qui n’est pas un
alcaloïde.
Ne sont pas des alcaloïdes : les amines simples, les bétalaïnes, les peptides, les acides
aminés, les oses aminés, les porphyrines, les alkylamines et les arylalkylamines, du
moins celles qui sont largement distribuées.
Certaines arylalkylamines sont des alcaloïdes car elles ne sont pas universellement
répandues. Exemple : dopamine  universelle  ce n’est pas un alcaloïde.
éphédrine  distribution restreinte  c’est un alcaloïde
alors que sa structure est proche de la
dopamine.
Avec cette définition a contrario, la colchicine et la caféine sont bien des alcaloïdes.

Une fois qu’on sait ce qui n’est pas un alcaloïde, on peut établir une définition finale
de ce qu’est un alcaloïde, qui regroupe les caractéristiques de tous les alcaloïdes
connus.

Un alcaloïde est un composé organique d’origine naturelle (le plus souvent végétale),
azoté, plus ou moins basique, de distribution restreinte et doué, à faible dose, de
propriétés pharmacologiques marquées.
Le critère des propriétés pharmacologiques à faible dose est difficile à détecter.
D’autres substances autres que les alcaloïdes ont aussi un effet faible dose.
 Cette définition n’est pas encore tout à fait satisfaisante !

Donc les alcaloïdes forment un groupe hétérogène qui regroupe d’une part de
substances contenant un ou plusieurs N faisant généralement partie d’un hétérocycle,
d’autre part des substances dont la biogenèse fait généralement appel à des acides
aminés, et enfin dont le(s) N est(sont) inclus le plus fréquemment dans une fonction
amine tertiaire, parfois secondaire ou primaire, une fonction amide ou un iminium.
Quand le N est extracyclique, c’est parfois difficile de discerner les alcaloïdes de

113
l’ensemble des métabolites azotés. Dans ce cas, on se base plutôt sur l’origine
biogénétique pour les classer.
Par exemple, l’alcaloïde de l’if est le taxol ; en fait, le taxol est plutôt un diterpène
amidifié et, au lieu de parler d’alcaloïde de l’if, on devrait plutôt parler de pseudo-
alcaloïde de l’if.
Le regroupement d’un tas de substances aussi différentes dans un ensemble est
confirmé par des réactions de précipitation commune avec les réactifs généraux des
alcaloïdes (réactif de Draggendorff par exemple).

Dans ce cours, on incorpore les proto-alcaloïdes dans les alcaloïdes vrais. Donc, on
parlera d’alcaloïdes dérivés d’acides aminés et de pseudo-alcaloïdes.

On a considéré pendant longtemps que les alcaloïdes étaient d’origine végétale mais
maintenant, on en a découvert dans certaines espèces animales. Les alcaloïdes animaux
peuvent être exo- ou endogènes. Quand ils sont exogènes, ils proviennent des végétaux
qui ont été ingérés par l’animal. Par exemple, le castor mange des nénuphars, ce qui lui
permet de former l’alcaloïde castoramine.
Certaines espèces animales fabriquent eux-mêmes des alcaloïdes, qui sont donc de
véritables produits du métabolisme de l’animal ! Par exemple :
- la coccinelle produit des alcaloïdes à action cardiotonique.
- on peut retrouver de la morphine et des alcaloïdes dérivant de la quinolizidine et
de la pyrrolidine dans la peau de certaines grenouilles.
- dans les éponges, on peut avoir des hétérocycles azotés.
On a démontré récemment que des alcaloïdes se forment spontanément chez les
mammifères par condensation de substances aminées endo- ou exogènes avec des
carbonyles, ce qui conduit à la formation d’alcaloïdes de mammifères. Ces alcaloïdes
ont des structures assez variées ; on y retrouve des isoquinoléines, des thiazolidines,
des -carbolines, ...
L’apparition de ces alcaloïdes dans l’organisme peut être accidentelle, par exemple, à
la suite de l’administration de certains médicaments comme la L-dopa (traitement de la
maladie de Parkinson). Cela peut aussi être observé lors de l’administration chronique
d’éthanol ; dans ce cas, on pense qu’il se forme des alcaloïdes pouvant interagir avec
les récepteurs morphiniques. Certains auteurs ont pensé à induire la formation de ces
alcaloïdes dans un but thérapeutique mais il n’y a pas encore d’applications.

Répartition dans le Règne végétal

La source principale des alcaloïdes est le Règne végétal.

Les alcaloïdes sont exceptionnels chez les bactéries et rarement rencontrés chez les
champignons (avec une exception remarquable, l’ergot de seigle), les Thallophytes, les
Ptéridophytes et les Gymnospermes.
Les alcaloïdes sont surtout présents chez les Angiospermes Dicot. On en retrouve
dans certaines Monocot comme les Liliaceae, mais de façon générale, les alcaloïdes
sont peu fréquents chez les Monocot. Chez les Dicot, on en retrouve abondamment,
surtout dans les Centrospermales, les Ranales, les Magnoliales, les Rhoedales et les
Rosales.

114
La distribution des alcaloïdes est irrégulière et restreinte à certaines familles. Mais des
recherches sont encore nécessaires pour avoir une idée de leur répartition exacte.
On estime que 10 à 15% des plantes vasculaires synthétisent des alcaloïdes. Cette
répartition très irrégulière peut répondre ou non à des critères taxinomiques.

Ces différences de répartition répondent à la spécificité de la voie métabolique


empruntée pour la synthèse de l’alcaloïde. Plus cette voie est complexe et spécialisée,
plus l’alcaloïde aura une distribution restreinte.

 Exemple de répartition répondant à un caractère taxinomique au niveau du


genre ou de la famille :
Les alcaloïdes du genre de l’aconitine (avec une base diterpénique) sont
caractéristiques du genre Aconit.
Les alcaloïdes dérivant de l’atropine sont spécifiques de plusieurs genres des
Solanaceae : Datura, Atropa, ...

 Exemple de répartition ne répondant pas à un caractère taxinomique :


Les alcaloïdes concernés sont largement distribués. Par exemple, la caféine se retrouve
dans beaucoup de plantes différentes, appartenant à des genres et familles parfois très
éloignés. La caféine est une base purique ; or, le métabolisme des bases puriques est
commun à toutes les espèces végétales, et la probabilité de voir apparaître la caféine
dans un végétal est donc non-négligeable.
La voie de métabolisation menant à la nicotine est aussi non spécifique : condensation
de l’ornithine, un acide aminé omniprésent, et de l’acide nicotinique, aussi
omniprésent. La nicotine a donc une distribution très large.

Par contre, la morphine provient d’une voie métabolique très spécialisée n’est
présente que dans 2 espèces de Papaver (somniferum et setigerum) ; et encore, certains
auteurs pensent que ces 2 espèces n’en forment qu’une seule avec 2 variétés.
Ceci n’exclut pas que des séquences partielles de la biogenèse de la morphine puisse
se dérouler dans d’autres espèces qui n’appartiennent pas forcément au même genre ou
à la même familles.
D’autre part, au sein d’un même genre, on peut voir coexister des espèces à alcaloïdes
et des espèces sans alcaloïdes.

 Variabilité parmi les espèces appartenant à un même genre :


Pour le caféier, les espèces sont proches et appartiennent au même genre mais
contiennent des quantités très différentes de caféine. On connaît même des caféiers qui
ne produisent pas du tout de caféine.

Comme pour l’ensemble des métabolites secondaires, une espèce déterminée ne


contient pas un alcaloïde unique mais une série apparentée d’alcaloïdes parmi lesquels
un représentant est majoritaire. La voie de biogenèse mène à l’alcaloïde majoritaire
mais la plante peut faire des variations de cette voie principale pour aboutir à des
alcaloïdes proche du majoritaire.

Localisation et état naturel

115
Pour ce qui est de la localisation dans la plante, il faut séparer les lieux de production
et les lieux de stockage. On sépare les alcaloïdes du reste du métabolisme parce que
même une très petite quantité d’alcaloïde est susceptible d’altérer les métabolismes
vitaux, ne serait-ce que par son caractère basique.
 Au niveau de la localisation cellulaire, les alcaloïdes sont contenus dans des
vacuoles intracellulaires.
 En général, il n’y a pas de structure organisée pour stocker les alcaloïdes ; mais
dans quelques espèces, on les retrouve au niveau des laticifères, épidermes, faisceaux
libéro-ligneux et d’une manière générale, dans tous les tissus en voie de croissance
(jeunes racines, jeunes feuilles, ...).
 La répartition est différente en fonction de l’espèce considérée ; ainsi, le
Rauvolfia
vomitoria présente des alcaloïdes surtout dans l’écorce des racines, et les alcaloïdes du
colatier et du caféier se trouvent surtout dans les graines.
 Il arrive souvent que les alcaloïdes s’accumulent dans des lieux différents des
endroits de biogenèse : la translocation via le phloème avec éventuellement des
modifications de structure est fréquente. Par exemple, pour le tabac, les alcaloïdes sont
synthétisés dans les racines puis migrent via le phloème dans les parties aériennes
(feuilles) : c’est la translocation. Lors de la floraison/fructification, les alcaloïdes se
localisent souvent dans les pièces florales, les fruits ou les graines. Au cours de la
translocation, des modifications de structure peuvent apparaître. Ainsi, toujours chez
le tabac, une partie de la nicotine est déméthylée en ornicutine lors de son transfert des
racines vers les feuilles ; l’hyoscyamine (atropine) est transportée des racines vers les
feuilles où elle est époxydée en scopolamine.

Rappel : Le xylème transporte la sève brute des racines vers les feuilles ; le phloème
transporte la sève élaborée des feuilles vers les racines. Le phloème va aussi
bien
montant que descendant, donc il peut transporter des composés des racines
vers
les feuilles.

A l’état naturel dans les végétaux, les alcaloïdes existent sous forme de sels avec des
acides organiques de type classique (malique, tartrique, citrique) ou plus particulier
(méconique dans l’opium et quinique dans le quinquina).
On peut aussi retrouver les alcaloïdes en combinaison avec des polyphénols ou des
tanins ; le type de combinaison conditionne les conditions opératoires d’extraction et
d’isolation des alcaloïdes.
Dans le quinquina, les alcaloïdes sont très proches de polyphénols ; des conditions
drastiques seront donc nécessaires pour libérer les alcaloïdes des polyphénols.

Classification

Le nom des alcaloïdes se termine par –ine car il s’agit de substances azotées. Très
souvent, la dénomination est basée sur le nom de la plante dont ils ont été extraits pour

116
la première fois : quinine pour le quinquina, aconitine pour l’aconit, caféine pour le
caféier, papavérine pour le papaver, ... Par contre, l’appellation « morphine » vient du
dieu du sommeil Morphée.
Comme les alcaloïdes présentent une grande diversité (au niveau de l’origine
botanique, de la structure chimique et de l’activité pharmacologique), on a proposé
différents systèmes pour les classifier : les 2 classifications principales sont d’une part
en fonction de la structure chimique, et d’autre part en fonction de l’origine
biosynthétique.

1. En fonction des structures chimiques

Quand on procède à une classification basée sur les structures chimiques, on a :


 d’une part des alcaloïdes non hétérocycliques ou alcaloïdes atypiques
(proto-alcaloïdes) comme la mescaline,
 et d’autre part des alcaloïdes hétérocycliques qui seront divisés en 14
groupes en fonction de l’hétérocycle (voir transparent).

1) Pyrrole dans les alcaloïdes de la coca et des Solanaceae mydriatiques


2) Pyrrolidine
3) Pyrrolizidine : dans les alcaloïdes du genre Senecio
4) Pyridine dans le tabac, on a ces 2 types d’hétérocycles
5) Pipéridine
6) Tropane : cycle allongé basé sur une pyrrolidine (donc idem 2)
7) Quinoléine (=quinoline) : cycle à la base de la quinine
8) Isoquinoléine (=isoquinoline) : cycle de base pour la papavérine, l’émétine et la
morphine
9) Aporphine : tétracycle dérivé de l’isoquinoléine et qu’on retrouve dans les
alcaloïdes du boldo
10)Nor-lupinane : cycle proche de la pyrrolizidine (mais en C6 au lieu de C5) qui
est à la base des alcaloïdes du genêt à balai
11)Indole : cycle du tryptophane qu’on retrouve dans toute une série d’alcaloïdes
indoliques
12)Indolizidine : dans la castanospermine (anti-VIH)
13)Imidazole : cycle de l’histidine qu’on retrouve dans la pilocarpine
14)Purine : cycle de la guanine et de l’adénine qu’on retrouve notamment dans la
caféine

A ces 2 groupes, on peut encore rajouter :


 les alcaloïdes formés sur un noyau stéroïdique, càd les azastéroïdes
(coniine par exemple),
 et les alcaloïdes terpéniques comme l’aconitine.

2. En fonction de leur origine biosynthétique

Cette classification se base sur les acides aminés précurseurs et recouvre largement la
classification structurale. Cependant, cette classification biogénétique est plus
intéressante et c’est une donnée essentielle en chimie structurale car elle permet de

117
rapprocher des structures apparemment très différentes qu’on peut retrouver dans des
plantes très voisines (au niveau espèce ou genre). Elle est aussi intéressante comme
préliminaire pour des synthèses chimiques biomimétiques (càd qui suivent une voie de
biogenèse). Le seul problème est que cette classification est difficile à réaliser.

Alcaloïdes vrais dérivés d’un acide aminé (cela inclut les proto-alcaloïdes)

Cette sous-classification dépend de l’acide aminé de base, qui peut être :


1. L’ornithine, la putrescine (ornithine décarboxylée), la proline (ornithine
cyclisée).

2. La lysine, la cadavérine (lysine décarboxylée), l’acide pipécolique


(lysine cyclisée). Ces 3 acides aminés ont une structure semblable aux 3
précédents sauf qu’ils possèdent 6 C au lieu de 5 C !

3. L’acide nicotinique qui possède un cycle pyridine dans sa structure et


qu’on retrouve dans le NADPH.

4. La phénylalanine (structure sans –OH), la tyrosine (Phe mono-


hydroxylée en para), la dopa (Phe di-hydroxylée), et les 3 dérivés
décarboxylés correspondants, la phénéthylamine, la tyramine et la
dopamine respectivement. ; le précurseur de base est le plus souvent la
tyrosine, donc on parle généralement d’alcaloïdes dérivés de la tyrosine.

5. L’acide anthranilique qui n’est pas un acide -carboxylique mais un


cycle aromatique avec un –COOH et un NH2 en ortho.

6. Le tryptophane et la tryptamine qui possèdent un indole dans leur


structure.

7. Le noyau purique n’est pas vraiment un acide aminé ; il est à l’origine


des bases puriques comme la caféine et des dérivés de l’histidine (acide
aminé obtenu par dégradation du noyau purique).

Pseudo-alcaloïdes synthétisés par amination de dérivés

Le squelette de base a pour origine une molécule non azotée, donc ni un acide aminé,
ni une base purique. Il y a trois types d’alcaloïdes dérivés de :
 l’acétate
 la phénylalanine désaminée (alcaloïdes de type éphédrine)
 terpènes et stéroïdes.

Réactions biosynthétiques

On a la formation d’un système hétérocyclique. Bien qu’on arrive à des structures


complexes, le processus de fermeture du cycle est simple et peut être intra- ou

118
intermoléculaire. Ce processus peut passer par la formation d’une base de Schiff
(moyen simple pour rapprocher des précurseurs) ou par une réaction de type Mannich.

Exemples de cyclisations : voir transparent

1ière ligne
Il y a formation d’une base de Schiff par réaction entre une amine et un carbonyle.
Dans le carbonyle, on a un C + ; dans l’amine, on a une paire électronique libre (pel)
sur le N. Le C + s’additionne sur la pel, puis il y a déshydratation et formation d’une
imine ou d’un iminium. Le lien C-N ainsi formé peut être intra- ou intermoléculaire en
fonction de l’enzyme qui réalise la condensation. La cadavérine est une lysine
décarboxylée pouvant subir une désamination oxydative, ce qui introduit un aldéhyde
dans la molécule. La pel du N réagit avec le C + pour former une base de Schiff
intramoléculaire ; il y a ainsi fermeture du cycle et formation d’une pipéridine mono-
insaturée, la 1-pipéridine.

2ième, 3ième et 4ième lignes


Cette réaction illustre la réaction de Mannich, réaction classique en chimie organique
qui forme d’abord un lien C-N puis un lien C-C en  du N. Dans sa forme habituelle,
elle est décrite comme une réaction entre 3 précurseurs : un aldéhyde, une cétone et
une amine.
Dans la 1ière étape, il y a couplage entre le N et le C + pour former un iminium ou une
imine (= formation d’une base de Schiff).Ces fonctions sont très polarisées : le C est
fortement +. Ensuite, il y a un équilibre énol-cétone. En  de la cétone, le C est- et
donc nucléophile. Ce nucléophile s’additionne sur le C + de l’iminium. Il y a alors
formation d’un lien C-C. Ce lien C-C peut être inter- ou intramoléculaire.

2ième ligne  schéma général de la réaction type Mannich


3ième ligne  réaction de Mannich intermoléculaire : la molécule de gauche se retrouve
agrandie par un C supplémentaire.
4ième ligne  fermeture de cycle intramoléculaire du squelette de la Ph : formation
d’une base de Schiff où le C est fort+; par mésomérie, ce C + proche du C -  donc
formation d’un lien C-C en  du N, permettant la fermeture du cycle  formation du
noyau de type tétrahydroisoquinoléine.

 BASE DE SCHIFF : toute réaction permettant la formation d’un lien C=N !


 REACTION TYPE MANNICH : toute réaction permettant la formation d’un lien
C-C en  du N !

 Ces réactions permettent d’agrandir les molécules et de les cycliser !

Pour fabriquer un alcaloïde, on peut faire intervenir 1 acide aminé, 2 acides aminés
identiques ou plus rarement 2 acides aminés différents, ou même plus de 2 molécules
du même acide aminé.

119
Exemple réel : l’émétine ou synthèse d’un alcaloïde tétrahydroisoquinoléique
monoterpénique

L’émétine est un alcaloïde de l’ipéca. Dans les officines, on doit avoir de la teinture
d’ipéca car c’est un émétique puissant utile en cas d’empoisonnement.
L’ipéca contient 2 alcaloïdes majeurs très proches : l’émétine et la séphaline. Les
premiers chercheurs pensaient que le premier alcaloïde découvert faisait vomir, ils
l’ont donc appelé « émétine ». Mais en fait, c’est faux : l’émétine est un anti-amibien
pas un émétique ! En réalité, c’est la séphaline qui est émétique mais les noms ont
persisté.

L’émétine constitue un cas où la molécule comporte des C supplémentaires à ceux


venant des acides aminés.
En général, dans les alcaloïdes, quand on incorpore des C supplémentaires, ils
viennent de précurseurs impliqués dans d’autres voies métaboliques : acétates, acéto-
acétates, unités isoprénoïdes. On peut également avoir, comme source de C, le
sécologanoside, un sécoiridoïde.
Comme le sécologanoside est un monoterpène (C10) les molécules qui l’incorporent
sont des alcaloïdes monoterpéniques. S’il y a combinaison d’un indole et d’un noyau
monoterpénique, on parle d’alcaloïdes indolomonoterpéniques.

Dans les alcaloïdes, il y a énormément de variations structurales. Les réactions qui


expliquent ces variations sont : oxydation de double liaison, oxydation de noyau
aromatique, couplage oxydatif, estérification, éthérification, ... Ces réactions sont
secondaires à la formation du noyau et justifient la plupart des variations structurelles.
Pour construire l’émétine, on part du squelette de la dopamine C6 dihydroxylé-C2-
NH2. La méthoxylation est un évènement tardif dans la biogenèse. Le méthyle est
souvent apporté par la S-adénosyl-méthionine.

Dans la molécule, on a 2 fois ce squelette C6 dihydroxylé-C2-NH2 : on a donc 2


dopamines incorporées dans la molécule.
A côté de ces 2 dopamines, on a 9 C supplémentaires. En général, quand on a 9 ou 10
C en plus dans un alcaloïde, c’est qu’ils ont été apportés par un sécologanoside
(monoterpène donc 10 C). Dans le sécologanoside, la fonction réactive est un aldéhyde
(C + doublement lié à un O). L’aldéhyde réagit avec l’amine de la dopamine pour
former une base de Schiff (lien C-N polarisé avec C +). Dans le cycle aromatique de
la dopamine on a, par le jeu des délocalisations, un C -. Une réaction de Mannich peut
donc se réaliser : il y a formation d’un lien C-C en  du N et fermeture du premier
cycle (tétrahydroisoquinoléine).

Le sécologanoside est, comme cela a déjà été dit plus haut, un sécoiridoïde. Donc,
quand il subit une hydrolyse enzymatique (ose coupé), la génine obtenue est instable et
s’ouvre pour libérer 2 fonctions aldéhyde. Cela peut arriver dans le cas présent : le
sécologanoside incorporé dans la molécule peut facilement perdre son glucose et
s’ouvrir pour donner 2 fonctions aldéhyde. Ces fonctions aldéhyde tombent bien car,
pour aboutir à l’émétine, on doit encore faire des cycles !

120
Ensuite, on fait intervenir une 2ième dopamine. D’abord, il y a formation d’une base de
Schiff (imine) entre un des aldéhydes libérés et le N de la dopamine ; puis le C + de
l’imine et le C - tout proche se condense, il y a donc fermeture de 2ième cycle
isoquinoléine.
 Jusqu’ici, 2 cycles tétrahydroisoquinoléines ont donc été fermés.

Il reste encore un cycle à fermer. Pour ce faire, on a encore un aldéhyde (libéré du


sécologanoside) et une amine secondaire (le N du dessus) encore disponibles. La
fermeture du 3ième cycle est ainsi rendue possible.

Ainsi, l’émétine, un alcaloïde tétrahydroisoquinoléique monoterpénique est formée.


Cette molécule est fort compliquée alors qu’à la base, les 3 précurseurs (2 dopamines
et 1 sécologanoside) sont relativement simples et que les réactions intervenant sont
classiques.

NB : Différentes enzymes interviennent dans toutes ces étapes et catalysent les


réactions.
En tube à essai, on peut reproduire ces synthèses de façon biomimétique : ces
reproductions nécessitent des conditions opératoires souvent drastiques, moins
efficaces que les enzymes biologiques.

Synthèse d’un alcaloïde indolomonoterpénique

Dans ce cas, on réalise les mêmes réactions mais en partant non plus de la dopamine
mais de la tryptamine.
A partir d’un aldéhyde ou d’un acide -carbonyle (décarboxylé pour donner un
aldéhyde), on a exactement les mêmes possibilités de réactions : formation d’une base
de Schiff (lien C-N) par réaction entre la pel de l’amine primaire de la tryptamine et le
C + de l’aldéhyde. Le lien C-N de la base de Schiff est fortement polarisé : le C est
très +.
Dans la tryptamine, on a 2 C - (par jeu de délocalisation) en  et  du NH. Donc, on a
2 possibilités de fermeture du 3ième cycle :
- fermeture en  du N  formation d’une -carboline avec 3 cycles accolés.
- fermeture en  du N  formation d’une indolénine avec 2 cycles accolés et un
3ième cycle collé par la pointe = noyau de base des alcaloïdes indoliques.
Ces noyaux formés à partir de la tryptamine se retrouvent dans les alcaloïdes qui sont
indolomonoterpéniques ; les C proviendront quasiment toujours du sécologanoside.
Dans ces alcaloïdes indolomonoterpéniques, le sécologanoside peut s’incorporer de 3
manières différentes :
a) Le 1ier mode d’incorporation consiste en une incorporation du
sécologanoside tel quel : on ne garde que le squelette carboné à qui
on fait subir une rotation autour d’une liaison C-C simple. On obtient
ainsi les alcaloïdes de type Corynanthe.
Ces sécologanosides Corynanthe peuvent s’incorporer :
SOIT en configuration -carboline : on obtient alors un pentacycle qu’on retrouve dans
les alcaloïdes Corynanthe comme la réserpine ou le yohimbine ; ici, on est en présence

121
du noyau hétéroyohimbane ; si le O de ce cycle est remplacé par un C, on obtient le
noyau yohimbane ;
SOIT en configuration indolénine : on retrouve dans la structure le sécologanoside tel
quel ; ici, on a un noyau strychnane qu’on retrouve dans la strychnine. Encore une fois,
la strychnine présente une structure très complexe alors qu’elle est constituée de
structures simples : sécologanoside + tryptamine + 2 C supplémentaires qui
proviennent d’une acétylation au niveau du N suivie de la fermeture d’un cycle
supplémentaire.

b) Dans le 2ième mode d’incorporation, le sécologanoside est réarrangé :


il y a une rupture au niveau de la partie verte puis branchement
linéaire du morceau coupé sur la partie rouge, on obtient ainsi une
structure linéaire en zigzag avec 2 branchements. On retrouve cette
structure dans les alcaloïdes de type Iboga, les iboganes.
Sur le transparent, l’ibogane représenté est la catharanthine ; on y retrouve un noyau
tryptamine et la structure en zigzag du sécologanoside, qui forment un cycle -
carboline réarrangé.

c) Dans le 3ième mode d’incorporation, le sécologanoside est réarrangé


en une structure en forme de croix (par rupture au même endroit que
ci-dessus). On aboutit aux alcaloïdes de type Aspidosperma.
L’exemple présenté ici est la vindoline dont la structure correspond à
un sécologanoside en croix plaqué sur une tryptamine.

 Il y a donc 2 niveaux de complexité dans les alcaloïdes indolomonoterpéniques :


1) type de fermeture : -carboline ou indolénine
2) forme, réarrangée ou non, sous laquelle s’incorpore le sécologanoside :
corynanthe, iboga ou aspidosperma.

Dans quelques plantes qui ont un métabolisme luxuriant, on peut retrouver les 3 types
d’alcaloïdes, par exemple dans la Pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus,
Apocynaceae). On ne sait pas pourquoi cette plante est capable de synthétiser en grand
nombre les 3 types d’alcaloïdes indolomonoterpéniques. Ce n’est pas tout à fait
étonnant puisque de manière générale, les Apocynaceae ont souvent surtout des
alcaloïdes indolomonoterpéniques.
La Pervenche de Madagascar contient 2 alcaloïdes principaux, la vinblastine et la
vincristine. Ces alcaloïdes sont 2 des principaux agents utilisés en chimiothérapie anti-
cancéreuse (intérêt thérapeutique très important donc).
La vinblastine et la vincristine sont en fait des alcaloïdes dimères constitués d’une
catharanthine et d’une vindoline. La Pervenche de Madagascar est connue en usage
traditionnel pour son action anti-diabétique. En étudiant la plante, on n’a pas su
démonter cette action mais par contre, on a découvert beaucoup d’alcaloïdes qui
présentaient, de façon tout à fait inattendue, des propriétés anticancéreuses. Ces
alcaloïdes sont en fait des antimitotiques : ils se fixent sur la tubuline et empêchent la
formation des microtubules, bloquant ainsi les cellules en métaphase. Les cellules
bloquées en métaphase s’accumulent et ne sont plus capables de se multiplier !
Comme les microtubules jouent également un rôle important dans la

122
neurotransmission au niveau des axones, la toxicité principale de ces alcaloïdes est une
neurotoxicité.
La vincristine est l’alcaloïde présentant les propriétés anticancéreuses les plus
efficaces ; son utilisation donne des taux élevés de rémission pour les leucémies
touchant les enfants. Elle est aussi utilisée avec succès dans les cancers du sein et de
l’utérus.
Le problème est qu’on a maximum 0,0003% de vincristine dans la plante, cela fait 3g
de vincristine par tonne de plante ! C’est très très très peu ! Donc, le coût de
production est très élevé ! On essaye donc de produire la vincristine par hémisynthèse
à partir des autres alcaloïdes de la plante comme la vinblastine (anticancéreux moins
puissant que la vincristine). Pour passer de la vinblastine à la vincristine, il faut réaliser
une oxydation chimique ou biologique pour transformer le méthyle en aldéhyde.

Rauwolfia vomitoria (Apocynaceae) possède des alcaloïdes -carbolines formés


comme le noyau hétéroyohimbane :
o Yohimbine : cet alcaloïde ne possède plus d’hétéroatome O dans son squelette ;
c’est un aphrodisiaque assez réputé ; à part ça, il n’a pas beaucoup d’intérêt.
o Réserpine : c’est un noyau yohimbane estérifié par un acide 3-
méthoxybenzoïque ; cet alcaloïde était très utilisé comme antihypertenseur en
Europe avant qu’on se rende compte que les gens traités changeaient d’humeur.
Au même moment, aux USA, on a découvert la chlorpromazine qui modifie
aussi l’humeur des gens.  En même temps, on a découvert 2
substances qui modifient le comportement et l’humeur. C’est ainsi qu’est née la
classe des tranquillisants et des antidépresseurs, avec la réserpine et la
chlorpromazine comme chefs de file. Grâce à la réserpine, camisole
chimique, on a pu révolutionner le traitement des aliénés (avant 1950, on
n’avait rien : camisole de force et douches froides).

Alcaloïdes vrais

Alcaloïdes dérivés de l’ornithine, proline et putrescine

L’ornithine provient de l’acide -cétoglutarique, un intermédiaire du cycle de Krebs.


A partir de cet acide aminé, on peut avoir :
- une fermeture de cycle  on aboutit alors au noyau pyrrolidine,
- une condensation de 2 ornithines  on obtient le noyau pyrrolizidine,
- un allongement de l’ornithine avec un acéto-acétate suivie d’une fermeture de
cycle  on arrive au noyau tropane.
Du point de vue thérapeutique, les alcaloïdes les plus intéressants sont ceux basés sur
le noyau tropane, comme les alcaloïdes des Solanaceae mydriatiques (Atropa, Datura,
Hyoscyamus) ainsi que ceux de la coca. Les alcaloïdes dérivés de la pyrrolizidine sont
intéressants sur le plan thérapeutique mais leur toxicité est très grande ; leurs usages
sont donc très limités.

Biogenèse des alcaloïdes tropaniques

123
On part de la N-méthyl-putrescine (ornithine décarboxylée et méthylée).
D’abord cette N-méthyl-putrescine subit une désamination oxydative qui transforme
l’amine primaire CH2-NH2 en aldéhyde CH2-CHO. Il y a donc dans la molécule une
amine secondaire (pel sur le N) et un aldéhyde (C +). Une base de Schiff
intermoléculaire peut alors facilement être réalisée, ce qui permet la fermeture d’un
cycle à 5 chaînons.
Sur ce cycle, on fixe un acéto-acétate à partir de 2 acétyl-CoA : il y a alors une chaîne
latérale de 4 C sur le cycle.
Dans l’acéto-acétate, le C entre les fonctions carbonyle C=O porte une charge partielle
 négative. Or, le C de la liaison iminium C=N est fortement +. Si l’enzyme
nécessaire est présente dans la plante, elle peut réaliser une réaction de Mannich entre
ce C + et ce C -; il y a formation d’un lien C-C qui permet la fermeture du cycle en
C7 englobant le cycle à 5 chaînons.
Suivant la plante à laquelle on a affaire, ce n’est pas la même enzyme qui réalise la
biogenèse. Chez les Solanaceae mydriatiques, l’enzyme réalise en plus une
décarboxylation (perte d’un CO2) : on obtient le noyau tropinone, qui est à l’origine
de l’hyoscyamine et de la scopolamine. Dans la coca, l’enzyme présente ne réalise pas
de décarboxylation : on aboutit au noyau méthyl-ecgonine qui est à la base de la
cocaïne.
 Ces noyaux se ressemblent fort mais ont des actions très différentes :
o Alcaloïdes des Solanaceae mydriatiques : action anti-cholinergique
o Alcaloïdes de la coca : action anesthésiante et stupéfiante.
Alcaloïdes dérivés de la lysine, cadavérine, acide pipécolique

La lysine provient de l’acide oxaloacétique, également un intermédiaire du cycle de


Krebs. La lysine est le précurseur d’un certain nombre d’hétérocycles :
- s’il y a fermeture de cycle, on a le noyau pipéridine,
- s’il y a condensation de 2 lysines, on aboutit soit au noyau indolizidine (C6-N
commun-C5) soit au noyau quinolizidine (C6-N commun-C6 avec le N),
- s’il y a allongement par un acéto-acétate puis fermeture d’un cycle
supplémentaire qui englobe le cycle d’origine, on obtient le noyau granatane
(très rare).

Alcaloïdes dérivés de l’acide nicotinique

L’acide nicotinique est un co-facteur dérivé de l’acide -cétoglutarique impliqué dans


le transport des électrons dans le NAD et le NADP. Il est également connu sous le
nom de vit B3 (niacine). Par décarboxylation, l’acide nicotinique fournit la pyridine.
Les dérivés de l’acide nicotinique sont des alcaloïdes de type pyridinique ; ceux-ci ne
sont pas excessivement rares car l’acide nicotinique est très loin d’avoir une
distribution restreinte ; c’est d’ailleurs pour cette raison que l’acide nicotinique n’est
pas un alcaloïde.

Alcaloïdes dérivés de la tyrosine, phénylalanine, dopa

124
La tyrosine est un précurseur d’alcaloïdes, mais comme elle est elle-même dérivée de
la phénylalanine, on devrait plutôt parler d’alcaloïdes dérivés de la phénylalanine.
La phénylalanine provient de l’acide shikimique. Elle peut être hydroxylée en para (on
a alors la tyrosine) ou en méta et en para (on aboutit alors à la dopa).
La décarboxylation de la phénylalanine fournit la phénéthylamine, la tyramine et la
dopamine respectivement.
La phénylalanine est un donneur d’unités C6-C2-NH2 (phényl-éthyl-amine), qui sont à
l’origine du cycle isoquinoléine. On la retrouve aussi, quand elle est désaminée,
comme donneur d’unités C6-C3 (phényl-méthyle). Mais la grosse majorité des
alcaloïdes sont formés à partir du squelette C6-C2-NH2, qui peut facilement cycliser
pour donner une tétrahydroquinoléine ou tétrahydroisoquinoléine.

a) les phényléthylamines (arylalkylamines) et phényléthylamines benzylées

La simple décarboxylation des dérivés de phénylalanine, tyrosine et dopa (plus ou


moins hydroxylés) génère les aryl-alkyl-amines (= phényléthylamines =
phénéthylamines = cycle aromatique en C6 + chaîne à 2 C + N terminal).
Avec ces arylalkylamines, on est dans les neurotransmetteurs, comme l’adrénaline,
la noradrénaline, la dopamine, ...
Ces neurotransmetteurs ne sont pas considérés comme des alcaloïdes. En effet, ils
n’ont pas une distribution restreinte et sont moins souvent d’origine végétale
qu’animale. Ces neurotransmetteurs ont donc des structures dérivées d’alcaloïdes mais
ne sont pas des alcaloïdes pour autant.
La mescaline, qu’on retrouve dans le cactus mexicain Peyotl (Lophophora willliamsii,
Cactaceae), a de profonds effets psychoactifs et hallucinogènes et est utilisée dans les
rites magiques des chamanes indiens. Ce cactus Peyotl est donc un stupéfiant.
Comme la structure de la mescaline est analogue à celles de nos neurotransmetteurs,
les effets psychoactifs ne sont pas étonnants.
L’éphédrine est aussi une arylalklamine (dérivé de la phénylalanine désaminée).
Si on incorpore, par un lien C-C atypique, un phénylacétaldéhyde (unité C6-C2) dans
une molécule, on obtient la structure de la narcéine (un alcaloïde de l’opium). Dans
cette narcéine, on a des unités C6-C2 provenant d’une phénylalanine décarboxylée et
désaminée. Au niveau de la biogenèse de la narcéine, elle vient de la protoberbérine
(un gros cycle) dans lequel il y a eu des ruptures, d’où le lien C-C qui semble atypique.
Ce lien C-C est donc issu de la rupture de la protoberbérine.

b) les tétrahydroisoquinoléines simples

« Tétrahydro » car le 2ième cycle est saturé et « simple » car rien n’est attaché au C
incorporé.
La fermeture de cycle se fait simplement par apport d’un C.
Dans le cas présent, la fermeture se fait par apport d’un C (point bleu) suite à une
décarboxylation de l’acide glyoxylique ; en effet, ce C permet la formation d’une base
de Schiff car il est +, puis la réalisation d’une réaction de Mannich à l’origine du lien
permettant la fermeture du cycle.
L’anhalamine se retrouve dans le cactus Peyotl. Cette molécule a une structure simple
dérivée de la mescaline et exerce aussi un effet psychoactif.

125
c) les benzylisoquinoléines et benzyltétrahydroisoquinoléines

Pour fermer le second cycle, on utilise ici des unités C6-C2 ou phényl-éthyle. Ces
unités viennent de l’aldéhyde correspondant, càd C6-CH2-CHO. Cet aldéhyde provient
d’une phénylalanine, et plus précisément d’une dopa.
La dopa est décarboxylée puis subit une désamination oxydative (inverse d’une
transamination) qui transforme le CH2-NH2 en CHO. Elle se transforme donc en
phényl-CH2-CHO.
On incorpore cette unité C6-C2 (structure verte) à notre molécule. La formation d’une
base de Schiff entre l’aldéhyde nouvellement formé et une amine peut aisément se
faire ; ensuite, une réaction de Mannich peut se réaliser, et on a donc la formation d’un
lien C-C qui permet la fermeture du second cycle (cycle rouge de droite).
On obtient ainsi des alcaloïdes benzylisoquinoléiques (si le second cycle est insaturé,
comme la papavérine) ou benzyltétrahydroisoquinoléiques (si le second cycle est
saturé, comme la noscapine).
On retrouve ces motifs dans une série d’alcaloïdes importants au point de vue
thérapeutique.
La papavérine est un des alcaloïdes de l’opium ; on l’extrait du pavot. Elle est assez
différente des alcaloïdes morphiniques (morphine, codéine et thébaïne), qui sont aussi
des alcaloïdes de l’opium mais basés sur le cycle morphinane. La papavérine n’a pas
de propriétés analgésiques ni hypnotiques ; c’est un spasmolytique et un
vasodilatateur ! L’autre dérivé est la noscapine ; c’est aussi un alcaloïde de l’opium.
Elle porte une lactone (ester interne). Elle provient, comme la narcéine, de la rupture
d’une protoberbérine.
Quand on a isolé la noscapine, aussi appelée narcotine, on pensait qu’elle avait des
propriétés narcotiques, d’où le nom « narcotine ».En fait, la noscapine/narcotine n’a
aucune propriété narcotique : c’est un puissant antitussif ! Du coup, l’alcaloïde a
changé de nom au profit de « noscapine », afin de ne pas semer la confusion.

d) les bisbenzyltétrahydroisoquinoléines

Ces molécules peuvent dimériser. Le fait de dimériser fait que les molécules seront
appelées des « bisbenzyltétrahydroisoquinoléines ».
1 bisbenzyltétrahydroisoquinoléine = assemblage de 2 benzyltétrahydroisoquinoléines.
Aujourd’hui, on connaît plus de 400 dimères répartis en une trentaine de classes. On
peut distinguer les classes sur base de 4 critères :
I. Configuration du dimère : le dimère peut être en configuration tête à queue
(liaison entre le noyau benzénique et le noyau benzylique) ou en
configuration queue à queue (lien entre les 2 noyaux benzyliques). Sur le
transparent, on a un dimère tête à queue renversé l’un par rapport à l’autre.
II. Le nombre de pontages : on peut avoir 2 ou 3 pontages entre les monomères.
Dans l’exemple ici, on a 2 pontages.
III. Le type de liaison entre les molécules : liens de type éther (comme sur le
transparent) ou de type biphénylique (lien C-C simple entre les cycle).
IV. Les substances portées.

126
On connaît plus de 400 molécules différentes et on trouve fréquemment de nouvelles
variations !
Comme ces molécules possèdent des C*, cela complique encore la classification et la
nomenclature de ces alcaloïdes.
La tubocurarine est un dimère tête à queue biponté avec 2 liens éther. Elle a été
extraite des Menispermaceae à curare et était utilisée comme poison de flèche.
Actuellement, on l’utilise en chirurgie comme relaxant musculaire non dépolarisant ;
cela permet d’éviter les réflexes et mouvements musculaires incontrôlés lors des
interventions chirurgicales.
A l’heure actuelle, elle est toujours extraite des Menispermaceae. On a cherché des
analogues synthétiques, comme le décaméthonium ou le pancuronium, qu’on préfère
utiliser à la place du produit de base.
Le décaméthonium a une structure qui ne ressemble pas fort à celle de la
tubocurarine. En fait, on a étudié la relation structure/activité et on s’est rendu compte
qu’il fallait 2 N chargés séparés par 1,4nm (distance curarisante voir CPO). Au pH
physiologique, les 2 N sont chargés et sont séparés ainsi de la bonne distance pour
venir agir sur les récepteurs de la plaque neuromusculaire. Les chimistes se sont rendu
compte qu’en mettant 10 atomes entre les 2 N chargés, la distance entre les N était la
bonne.
C’est la même chose pour le pancuronium, qui possède un noyau stéroïde au centre
de la molécule : il y a la bonne distance entre les 2 N.
 En étudiant la relation structure-activité, on peut considérablement simplifier
les molécules !

e) les benzyltétrahydroisoquinoléines modifiées

Le pontage est obtenu par couplage oxydatif phénolique. Ce couplage peut servir
notamment à modifier le squelette benzyltétrahydroisoquinoléine : on obtient alors des
benzyltétrahydroisoquinoléines modifiées.
La réticuline présente dans sa structure une tétrahydroisoquinoléine avec 2 –OH
provenant de la dopa ainsi qu’un benzyle.
On retourne cette molécule dans l’espace et on la regarde par le bas : on s’aperçoit que
les 2 noyaux aromatiques sont très proches. Il y a donc facilement moyen de faire un
lien C12-C13 pour arriver à la morphine. Ce lien peut être réalisé par le mécanisme de
couplage oxydatif phénolique. Ce couplage passe par des réactions radicalaires. Un
radical libre est une molécule très instable qui présente 1 ou 2 électrons non appariés.
L’enzyme qui réalise le couplage arrache 1 électron à chacun des noyaux
benzéniques : il y a donc une oxydation monoélectronique. On obtient un radical libre
instable. Dans le cas présent, comme on est en présence de phénols, on peut écrire
plusieurs formes mésomères ; le radical est donc délocalisé et ainsi en partie stabilisé.
Ensuite, les 2 électrons libres sont mis en commun pour former un lien covalent C-C.
En formant ce lien covalent, on forme le squelette morphinane qui est à la base des
alcaloïdes morphiniques.
Pour la morphine, on a une réduction partielle du noyau aromatique rouge, ce qui
déguise l’origine tétrahydroisoquinoléique du noyau.
Le couplage oxydatif se fait en para du C=O du phénol rouge et en ortho du C=O du
phénol vert.

127
Si on traite la morphine avec un acide à chaud, on favorise un réarrangement
intramoléculaire (rupture du lien 13-15 et refermeture du cycle) et on forme
l’apomorphine. Cette apomorphine a perdu les propriétés analgésiques de la
morphine mais présente des propriétés émétiques exaltées par rapport à la morphine.
Donc, on change partiellement l’activité pharmacologique de la morphine.
L’apomorphine peut être injectée en urgences lors d’empoisonnements. On peut faire
basculer cette apomorphine pour obtenir le cycle de base aporphine. Il y a également,
dans les plantes, des alcaloïdes basés sur ce cycle. Au niveau de la biogenèse, ils
viennent aussi d’un couplage oxydatif phénolique en para du phénol et en ortho du
benzyle.

 Les alcaloïdes qu’on retrouve dans l’opium son tous basés sur le motif simple Phe-
Tyr-
Dopa ; et le couplage oxydatif permet d’avoir des structures plus complexes.

On a un autre type de modification de ces benzyltétrahydroisoquinoléines. Cette


modification est permise par une simple réaction type Mannich.
Si on part de la réticuline, une simple oxydation de la fonction N-méthyle forme un
iminium N=CH2. Cette fonction est polarisée : le C est + et le N est -. Dans la
molécule, on a un C - qui peut réagir avec le C + pour former un lien C-C : la
fermeture du 4ième cycle de la protoberbérine, un tétracycle, est ainsi réalisée.
La berbérine est un alcaloïde formé sur ce motif se retrouvant dans les Berberis
(Berberidaceae) mais aussi dans les Hydrastis (Ranunculaceae). Ces plantes sont
utilisées depuis très longtemps en médecine traditionnelle, notamment comme anti-
inflammatoire. On a montré que le berbérine a une action anti-inflammatoire,
antibactérienne et antiamibienne.
Le cycle protoberbérine peut subir ultérieurement des modifications telles que des
scissions. Il y a 3 schémas de scission possibles (pointillés en bleu), qui aboutissent à
des noyaux protoberbérines modifiés. C’était le cas de la narcéine et de la noscapine ;
en effet, au niveau de la biogenèse, ces 2 alcaloïdes sont issus d’une modification du
cycle protoberbérine.
 Donc, suivant la plante et les enzymes présentes, on a une grande diversité de
structures à partir du même précurseur.

f) les phénéthylisoquinoléines

On condense une dopamine avec une unité C6-C3 ; donc, on allonge d’un C la chaîne
entre les cycles par rapport aux cas précédents (unités C6-C2).
On peut réaliser des fermetures de tétrahydroisoquinoléines. C’est le cas de
l’autumnaline, qui a le même squelette que la réticuline mais avec un C
supplémentaire dans la chaîne latérale.
Comme dans l’aporphine, on peut fermer un cycle supplémentaire en C7 par couplage
oxydatif phénolique. Si on tourne la molécule, qu’on la regarde par en bas, et qu’il y a
ouverture du cycle isoquinoléine, on obtient un cycle à 7 chaînons :
1. couplage oxydatif phénolique
2. ouverture du cycle isoquinoléine avec perte d’un C
3. fermeture d’un noyau à 7 chaînons.

128
Un noyau aromatique en C7 porte le nom de tropolone.
On peut ainsi synthétiser la colchicine : le C marqué d’un X bleu est perdu en cours de
route ; à la suite de coupures, le N devient extracyclique ; puis il y a incorporation
tardive d’un acétate.
L’autumnaline et la colchicine se retrouvent dans le bulbe de Colchicum autumnale.
La colchicine est l’alcaloïde majeur, à raison de 0,6 à 0,8% dans le bulbe et dans les
graines. C’est un alcaloïde qui réduit de manière très spécifique la réponse
inflammatoire à l’acide urique ; il est donc très utile pour traiter les crises de goutte
(plus de 95% d’efficacité).
C’est tellement efficace qu’on utilise la colchicine pour détecter la goutte : si la
douleur inconnue est inhibée par la colchicine, c’est que la douleur est bien due à une
crise de goutte.
La colchicine est purement un anti-inflammatoire qui n’affecte pas le taux d’acide
urique circulant. Pour réduire ce taux d’acide urique (uricémie), on utilise un inhibiteur
de la xanthine oxydase comme l’allopurinol.
La colchicine est aussi un cytotoxique très toxique : elle bloque la mitose en se fixant
sur la tubuline, empêchant ainsi la formation des microtubules et donc du fuseau
mitotique. La mitose sera donc bloquée au stade de la métaphase : les chromosomes
sont formés mais les cellules-filles ne se séparent pas. La colchicine est donc
notamment utilisée pour réaliser des caryotypes mais aussi pour induire la polyploïdie
dans les plantes (ce qui est intéressant car la polyploïdie semble influencer la teneur en
principes actifs du végétal).
 A nouveau, ici, le précurseur est banal mais le réarrangement remarquable de
l’isoquinoléine permet de complexifier considérablement la molécule.

g) les tétrahydroisoquinoléines terpéniques

« Terpénique » signifie que les isoquinoléines ont incorporé un sécologanoside dans


leur structure.
L’émétine est un alcaloïde qu’on trouve dans les racines d’ipéca (Cephaelis
ipecacuanha, Rubiaceae). C’est un antiamibien puissant, utilisé pour traiter les
dysenteries amibiennes. On trouve, en officine, un extrait brut d’ipéca permettant de
faire du sirop d’ipéca dont les propriétés très émétiques sont utilisées lors
d’intoxications variées.
En réalité, ce n’est pas l’émétine qui est émétique mais la céphaline. En fait, les
chercheurs pensaient que l’émétine était émétique, d’où son nom mais ils se sont
planté. La fonction méthoxy présente dans l’émétine mais pas dans la céphaline bloque
l’action émétique.

h) les alcaloïdes d’Amaryllidaceae

C’est un petit groupe d’alcaloïdes.


On part toujours d’une tyramine (noyau C6-C2-N) qu’on condense avec un squelette
phényl-aldéhyde C6-CHO : il y a formation d’une base de Schiff suivie d’une
réduction de l’iminium. Dans la molécule, comme on a différents jeux de
délocalisation possibles, on a plusieurs possibilités pour réaliser un couplage oxydatif
phénolique soit en ortho, soit en para (illustrées sur le transparent).

129
Dans ces alcaloïdes, on a un facteur de variation supplémentaire : on peut incorporer
un C supplémentaire par un lien éther ; on a aussi la possibilité de faire un lien éther
intramoléculaire et donc couplage oxydatif supplémentaire.
La galanthamine est formée par couplage oxydatif phénolique de type lien éther. Elle
a été isolée du bulbe de la jonquille, du narcisse, du perce-neige, ... C’est un alcaloïde
inhibiteur compétitif des cholinestérases et on a montré qu’il pouvait améliorer les
fonctions cognitives dans la maladie d’Alzheimer (ne guérit pas la maladie mais en
retarde les effets). En effet, la maladie d’Alzheimer est expliquée par une déplétion des
neurones cholinergiques dans certaines zones du cerveau ; si on inhibe les
cholinestérases, on augmente la concentration en Ach dans le cerveau ; donc, on réduit
les symptômes de la maladie.

Alcaloïdes dérivés de l’acide anthranilique

On les retrouve dans la famille des Rutaceae.


Les alcaloïdes particulièrement représentés sont ceux à noyau quinoléine et acridine.
Pour obtenir ces noyaux, on passe par une condensation d’acétates ; puis il y a
allongement de chaîne sur le carboxyle. Le mécanisme est le même que la seconde
voie de biogenèse des dérivés aromatiques (quinones).
Noyau quinoléine : 1 acétate apporte 2 C supplémentaires à la molécule.
Noyau acridine : 3 acétates apportent 6 C supplémentaires à la molécule.
Entre les acétates et l’amine primaire, il y a formation d’une base de Schiff puis
aromatisation des cycles qui viennent d’être créés. C’est donc le même mécanisme que
pour la synthèse des quinones :
1. allongement linéaire d’acétates,
2. fermeture des cycles par formation d’une base de Schiff,
3. aromatisation des cycles nouvellement formés.

Le cycle quinoléine vient généralement d’un acide anthranilique combiné avec un


malonyl-CoA, mais il peut aussi provenir d’un réarrangement du noyau indole
(originaire du tryptophane), par exemple pour la quinine ou la camptothécine.
Le noyau acridine provient de la condensation d’un acide anthranilique avec 3
malonyl-CoA.
Le noyau quinazoline provient également de l’acide anthranilique ; le N
supplémentaire vient d’une ornithine ; donc, pour former ce cycle, on condense une
ornithine sur l’acide anthranilique. Cette ornithine apporte le N et le C qui servent à
fermer le cycle. Le cycle supplémentaire à droite peut être maintenu ou perdu par des
scissions. En fait, le –COOH de l’ornithine se condense avec le N de l’acide
anthranilique et le NH2 de l’ornithine se condense avec le COOH de l’acide
anthranilique.

Alcaloïdes dérivés du tryptophane

Ce sont des alcaloïdes à noyau indole, aussi appelés alcaloïdes indoliques.

a) les indoles simples

130
On y rencontre notamment les alcaloïdes de psilocybes (champignons hallucinogènes),
la psilocine et la psilocybine.
On connaît plus de 80 espèces de Psilocybe qui sont psychoactives et une 50aine
d’espèces qui n’ont pas d’activité. On a décrit 30 espèces hallucinogènes au Mexique
mais on en trouve un peu partout dans le monde. Dans plusieurs civilisations présentes
ou passées, les chamanes, prêtres et guérisseurs en consommaient lors de leurs
cérémonies rituelles à des fins divinatoires. L’usage le plus ancien remonte aux
civilisations Maya et Aztèque.
L’ingestion du champignon provoque des hallucinations visuelles avec changements
rapides de formes et de couleurs, et une altération des perceptions spatiales et
temporelles. L’effet se réduit graduellement. On ne connaît ni dommages ni assuétude
à l’usage de ces champignons, qui constitueraient donc la « drogue parfaite ». Mais
tout est relatif, la consommation de ces champignons n’est quand même pas
inoffensive...
Le problème est que ces champignons, vendus librement au Pays-Bas, sont souvent
falsifiés par de simples champignons séchés et peuvent être saupoudrés de n’importe
quoi. C’est ce « n’importe quoi » qui peut être dangereux. L’idéal serait d’avoir un
marché contrôlé (c’est le même problème que pour le cannabis).
Un 2ième problème est qu’il peut y avoir confusion dans l’identification des
champignons lors de la cueillette ; on peut donc avoir des intoxications (troubles
gastro-intestinaux sévères, ...) à la place des hallucinations.
Les alcaloïdes psilocine et psilocybine, qui ont tout 2 une activité psychoactive,
constituent le principe actif des psilocybes hallucinogènes. Ce principe actif a été
découvert par le même chercheur que celui ayant trouvé le LSD, Albert Hoffman.
La psilocine et la psilocybine sont proches, structurellement parlant, de la sérotonine,
un neurotransmetteur. Ces alcaloïdes miment donc la sérotonine, ce qui expliquerait
l’effet psychoactif.
Dans le champignon séché, on a 0,3% de principe actif. La dose active est comprise
entre 6 et 20mg d’alcaloïdes.

b) les -carbolines simples (noyau harmane)

Après fermeture du 3ième cycle (harmaline), soit il y a aromatisation de ce cycle (on


obtient alors les alcaloïdes de type harmine), soit il y a réduction de ce cycle (on
aboutit au noyau tétrahydroharmine).
Ces -carbolines simples sont aussi psychoactives ; on les retrouve dans Peganum
harmala (Zygophyllaceae), une plante également utilisée par les chamanes et les
guérisseurs.

c) les indolomonoterpéniques

Le monoterpène incorporé est le sécologanoside (sécoiridoïde) et il s’agit du même


schéma de réaction que pour les alcaloïdes dérivés de la tyrosine : il y a formation
d’une base de Schiff par réaction entre l’aldéhyde et l’amine primaire et donc
apparition d’un iminium polarisé (C +), ensuite, une réaction type Mannich peut se
réaliser entre le C + et un C -, ce qui permet la formation d’un lien C-C et donc la

131
fermeture en -carboline. On a ainsi la formation de strictosidine, qui est
l’intermédiaire commun à toutes les familles d’indoles monoterpéniques.
Dans la strictosidine, le sécologanoside peut s’ouvrir facilement pour libérer 2
aldéhydes. Si on coupe le sucre, le sécologanoside s’ouvre. Cela donne des possibilités
supplémentaires de réactions, notamment la fermeture d’un nouveau cycle (vu qu’il y a
encore une amine dans la molécule).
Dans ces alcaloïdes indolomonoterpéniques, beaucoup ont un grand intérêt
pharmacologique ; c’est, par exemple, le cas des alcaloïdes de la Pervenche de
Madagascar (voir page 111).

Il y a, comme on l’a déjà vu précédemment, 3 modes d’incorporation du


sécologanoside :
I. Incorporation du sécologanoside tel quel sans aucune modification :
alcaloïdes de type Corynanthe (comme ceux de Rauvolfia et Strychnos),
II. Réarrangement du sécologanoside avec scission et déplacement pour former
une structure en zigzag avec 2 branches latérales : alcaloïdes de type Iboga
(par exemple la catharanthine et l’ibogaïne),
III. Réarrangement du sécologanoside avec scission et formation d’une structure
en croix : alcaloïdes de type Aspidosperma (c’est le cas des alcaloïdes de la
Pervenche de Madagascar comme la vincamine et la vindoline).

d) les quinoléiques

On peut obtenir une quinoléine au départ d’acide anthranilique ou par réarrangement


d’un noyau indole (2 ruptures dans le noyau indole puis réarrangement du 2ième cycle
pour passer de C5 à C6). C’est le cas notamment de la quinine, où on a un noyau
quinoléine qui provient du tryptophane.
La quinine est un alcaloïde présent dans l’écorce de quinquina (Cinchonae sp).
En fait, à la base, les chercheurs ont trouvé des alcaloïdes indoliques dans les feuilles
de quinquina. Quand ils ont trouvé un alcaloïde dans l’écorce, ils se sont dit que celui-
là était sûrement de type indolique aussi. C’est ainsi qu’ils ont montré que la
quinoléine pouvait provenir d’un réarrangement du noyau indole.

Biogenèse
Elle commence par la formation d’une strictosidine. Ensuite, il y a rupture de l’ose du
sécologanoside et ouverture du cycle pour libérer 2 aldéhydes –CHO. Un des ces
aldéhydes peut former le 4ième cycle par réaction (formation d’une base de Schiff) sur
l’amine : on obtient un intermédiaire (en bas à droite du transparent 47) qui a encore
un aldéhyde dans sa structure. Il y a donc possibilité de refaire une base de Schiff à
condition de rouvrir le -carboline. Celui-ci s’ouvre alors à 2 endroits. Au passage, on
perd un C (décarboxylation) et on arrive à un intermédiaire où on a une liaison C-C
simple permettant la rotation de la molécule. En réalisant cette rotation, on s’aperçoit
que le carbonyle –CHO est très proche de l’amine ; il y a donc à nouveau formation
aisée d’une base de Schiff qui permet encore la fermeture d’un cycle supplémentaire.
Enfin, il y a aromatisation de ce cycle. On aboutit ainsi au noyau de la quinine.

132
D’autres alcaloïdes sont aussi basés sur le noyau quinoléine ; par exemple, les
alcaloïdes pyrroloquinoléiques qui comportent une quinoléine sur laquelle se greffe un
pyrrole. On part de la strictosidine. Le noyau -carboline se réarrange pour passer
d’une structure C6-C5-C6 à une structure C6-C6-C5. Encore une fois, on a une
extension du noyau indole pour aboutir au noyau quinoléique.
Parmi ces alcaloïdes pyrroloquinoléiques, on a la camptothécine, un anticancéreux
provenant de Camptotheca acuminata. Il y a 20 ans, cet alcaloïde avait été jugé trop
toxique mais on a réussi à modifier les paramètres d’administration et cette molécule
retrouve aujourd’hui beaucoup d’importance. Elle agit par inhibition des
topoisomérases I, enzymes permettant la réplication de l’ADN simple brin (la
topoisomérase II permet la réplication de l’ADN double brin). Le camptothécine
stabilise le complexe ADN-topoisomérase, ce qui empêche la réplication des cellules.
Par ce même mécanisme, la camptothécine est aussi un antiparasitaire actif contre les
Leishmanioses et les Trypanosomiases. En fait, au départ, cette plante était utilisée en
médecine traditionnelle comme antiparasitaire.
Dans la structure de la camptothécine, on trouve un sécologanoside incorporé tel quel ;
la camptothécine est donc un alcaloïde de type Corynanthe.

e) les pyrroloindoles

Ils comportent un pyrrole fixé sur un noyau indole.


La biogenèse commence par la méthylation d’un C nucléophile par un agent
méthylant, la S-adénosyl-méthionine. Cette méthylation induit un basculement des
électrons dans la molécule ; cela entraîne la formation d’une imine avec une liaison C-
N polarisée (C +). Or, on a une amine pas très loin. Il y a donc formation d’un lien C-
N avec fermeture du 3ième cycle et naissance du noyau pyrroloindole.
Ce noyau est peu représenté et l’alcaloïde le plus important est la physostigmine, qui
est extraite des graines de Physostigma venenosum (fève de Calabar, Fabaceae). Cette
plante est fortement toxique, d’où son nom « venenosum ». En Afrique de l’ouest,
notamment au Nigeria, elle était utilisée comme poison d’épreuve : l’accusé d’un
procès devait consommer une portion de graines écrasées : s’il vomissait, il était
déclaré innocent et libéré ; si le poison agissait, l’accusé était progressivement paralysé
puis mourait en raison d’une paralysie respiratoire. Le « truc » consistait à avaler les
graines très vite ; ainsi, ce sont les propriétés émétiques de la plante qui ressortaient et
le poison n’avait pas le temps d’agir.
Dans ces fèves, l’alcaloïde majeur est la physostigmine (=hésérine), qui est présent en
proportion de l’ordre de 0,3%. Cet alcaloïde a une grande importance en
pharmacologie car c’est un inhibiteur réversible des cholinestérases ; il empêche donc
la destruction de l’Ach et possède, de ce fait, une action pro-cholinergique (effet
inverse des alcaloïdes des Solanaceae mydriatiques).
Son usage principal se fait en tant que myotique. Comme elle permet également de
réduire la pression intraoculaire, la physostigmine est utilisée dans le traitement du
glaucome, en association avec la pilocarpine.
Comme c’est un pro-cholinergique, la physostigmine est également susceptible, tout
comme la galanthamine, de jouer un rôle positif dans le traitement de la maladie
d’Alzheimer.

133
La partie importante de cette molécule est la fonction carbamate car elle lui permet
d’estérifier la Sérine du site actif de l’enzyme cholinestérase : il y a formation d’un
ester relativement stable qui bloque la cholinestérase.

f) les alcaloïdes de l’ergot

L’ergot est une maladie fongique touchant de nombreuses graminées sauvages et


cultivées, causée par des champignons Claviceps. Quand la plante est parasitée, au lieu
de former des grains normaux, elle forme des ergots durs qui sont des sclérotes (état
végétatif du champignon). Dans les conditions naturelles, il y a formation des
alcaloïdes de l’ergot, élaborés par une combinaison entre le métabolisme de la plante
et celui du champignon. Cependant, si le Claviceps est cultivé in vitro, il est aussi
capable, tout seul, de produire ces alcaloïdes.
On trouve également des alcaloïdes de ce type dans les champignons du genre
Aspergillus, Penicillium, Rhizopus et dans quelques végétaux supérieurs (familles des
Convolvulaceae).
Au niveau structure, ces alcaloïdes sont tous dérivés de l’acide lysergique, formé par
condensation d’une tryptamine et d’une unité isoprène en C5, ici le PP de
diméthylallyle.
Tous les alcaloïdes sont des amides de l’acide lysergique. Certains seront des amides
simples et d’autres seront des amides peptidiques.

Dans les amides simples, on a le LSD, qui est un dérivé synthétique diéthylamide. Le
LSD est un composé psychotrope à dose très faible. L’effet se marque à des doses de
30 à 50 µg. Il a été découvert par Albert Hoffman. Le LSD est la « drogue des
hippies » : Lucy in the Sky with Diamonds (titre des Beattles) ; c’est un stupéfiant à
éviter. Il n’est pas naturel car on n’en trouve pas dans les plantes.
Dans les amides peptidique, plus complexes, on a incorporation d’un fragment
tripeptidique (3 acides aminés). Dans ce tripeptide, on a toujours une proline qui
permet le reploiement de la chaîne tripeptidique et une cyclisation supplémentaire.
L’un des acides aminés est également toujours sous forme d’un acide-aminé -
hydroxylé. Le fait d’avoir un –OH permet la formation d’un lien éther
intramoléculaire.
L’ergotamine est l’exemple type des amides peptidiques. Elle comporte dans sa
structure un acide lysergique amidifié par un tripeptide :
- acide lysergique : unité isoprénoïde en vert + atomes venant du Trp en rouge
- tripeptide : alanine + phénylalanine + proline
Tous les alcaloïdes de l’ergot sont des amides du COOH de l’acide lysergique. Les 3
acides aminés sont enchaînés par des liens peptidique : alanine -hydroxylée +
phénylalanine + proline (acide aminé cyclique). Cette proline permet un reploiement
de la chaîne, ce qui permet au COOH de la proline d’amidifier le NH2 de la
phénylalanine. Il y a ainsi formation d’un cycle supplémentaire.
On a aussi la formation d’un éther interne, càd un hémiacétal, et donc encore d’un
cycle supplémentaire.

134
Encore une fois, les précurseurs (noyau indole, unités isoprénoïdes en C5 et 3
acides aminés protéiques) sont simples et présents un peu partout alors que les
molécules d’arrivée possèdent des structures très complexes.

L’ergot contient beaucoup d’alcaloïdes, qu’on classifie en 2 groupes :


 dérivés amino-alcools qui sont solubles dans l’eau (20%)
 dérivés peptidiques qui sont insolubles dans l’eau (80%).
Le peptide comporte 3 acides aminés, 2 variables et 1 proline, mais l’acide aminé
proximal porte toujours un dérivé hydroxylé en
L’ergométrine est le représentant majeur des dérivés amino-alcools ; il résulte d’une
amidification entre un acide lysergique et un 2-aminopropanol.
Quant aux dérivés peptidiques, on les classe en 3 familles en fonction de l’acide
aminé proximal, la proline étant toujours là :
 groupe ergotamine : acide aminé proximal = alanine -hydroxylée
 groupe ergoxine : acide aminé proximal = acide -aminobutyrique -hydroxylé
 groupe ergotoxine : acide aminé proximal = valine -hydroxylée.

L’ergot est généralement causé par Claviceps purpurea, un parasite du seigle. Quand il
se développé, on a des structures en forme d’ergot noir (voir ci-dessus). Il a créé de
grandes épidémies en Europe (la première en 856, la dernière en 1926 en URSS). La
maladie porte également le nom de « Feu sacré » ou « Feu de Saint-Antoine » (Saint-
Antoine était le saint auquel on s’adressait quand on perdait un membre).
En 1676, on se rend compte que la maladie vient de l’ergot. Elle se déclare quand il y a
ingestion de graminées contaminées (surtout le seigle). Les dernières épidémies se sont
déclarées lors de périodes de disette, quand on avait plus que du seigle contaminé sous
la main.
Elle se manifeste par des gangrènes, à cause de l’effet vasoconstricteur des alcaloïdes
qui se manifeste au niveau des membres qui ne sont alors plus irrigués, noircissent et
finissent par tomber sans douleur, mais aussi par des crises épileptiformes, à cause de
l’action des alcaloïdes au niveau du SNC.
Toutes les femmes qui ont été brûlées pour sorcellerie au 16ième et 17ième siècle
présentaient des crises d’épilepsie qui seraient dues en fait à l’ergotisme et non pas à
un quelconque contact avec des forces obscures.
Ces grandes épidémies ont été suivies d’une baisse de la fertilité.
Les alcaloïdes de l’ergot ont aussi une activité ocytocique (reconnue vers 1880) ; on
connaît d’ailleurs la poudre d’ergot sous le nom de « poudre des parturientes ». A
l’époque, les mères mouraient beaucoup avant, pendant et après l’accouchement ;
l’utilisation de l’ergot, qui est à l’origine du contrôle des hémorragies post-partum, a
permis de diminuer cette mortalité. L’ergométrine notamment est un puissant
ocytocique : il augmente le tonus et la séquence des contractions de l’utérus, d’autant
plus que celui-ci est dans un état de gravidité avancé. L’ergotamine est également un
ocytocique.
L’ergotamine et ses dérivés sont également des vasoconstricteurs des vaisseaux
crâniens utilisés comme antimigraineux.

135
Les alcaloïdes ont été identifiés en 1918 et sont toujours utilisés aujourd’hui. Leurs
propriétés sont tellement intéressantes qu’on a fait des schémas de synthèse et
d’hémisythèse.

Alcaloïdes dérivés de nucléotides

On part de nucléotides, on forme un noyau purique et on peut, par quelques étapes,


arriver aux alcaloïdes puriques.
Par dégradation des bases puriques, on peut aussi former l’histidine ou l’histamine
(histidine décarboxylée) possédant dans leur structure un noyau imidazole pouvant être
à l’origine de certains alcaloïdes.
Dans le cas des alcaloïdes dérivés de nucléotides, on a donc soit les alcaloïdes
puriques, soit les alcaloïdes imidazoliques.

a) les alcaloïdes puriques

Les alcaloïdes puriques sont des bases xanthiques ; on les différencie par le nombre et
la position des méthylations. On retrouve ces bases xanthiques dans le thé, le café, le
maté, le cacao : caféine, xanthine, théophylline, théobromine, ...

b) les alcaloïdes imidazoliques

Ils sont rares. On pense qu’ils viennent d’une histidine mais cela n’a pas encore été
démontré.
La pilosine et la pilocarpine sont des alcaloïdes présents dans les feuilles de
Jaborandi, un arbuste d’Amérique latine (Pilocarpus microphyllus, Rutaceae). La
pilocarpine est utilisée comme collyre à action pro-cholinergique, myotique donc. Elle
agit en stimulant les récepteurs muscariniques de l’œil et en améliorant le flux de
l’humeur aqueuse. De par ces 2 actions, c’est un agent utilisé dans le traitement du
glaucome, parfois en association avec la physostigmine. Cependant, sa biodisponibilité
est faible, il est rapidement éliminé. Son effet est donc de courte durée.

Pseudo-alcaloïdes

Les pseudo-alcaloïdes sont des substances dans lesquelles le N de la structure finale ne


vient pas directement du squelette de l’acide aminé de départ. Les précurseurs peuvent
donc être différents acides aminés et le N est inséré tardivement dans la structure. Ces
structures sont habituellement basées sur un squelette terpéniques ou stéroïdique mais
on a aussi quelques alcaloïdes de structure relativement simple formée par amination
tardive.
Dans la plupart des cas, l’amination tardive se fait par une réaction de transamination
sur un aldéhyde ou une cétone. Le donneur de N est généralement l’acide glutamique.
Quand l’acide glutamique a donnée son N, il devient l’acide 2-oxoglutarique.
L’inverse de cette réaction est la désamination oxydative.

Alcaloïdes dérivés de l’acétate

136
L’exemple type est la synthèse de la coniine (principe actif très toxique de Conium
maculatum). La structure de la coniine comporte une pipéridine. Habituellement, les
pipéridines proviennent de la cyclisation d’une lysine. Dans le cas de la coniine, la
pipéridine vient du métabolisme des acétates. L’alcaloïde est construit à partir d’un
acide gras dérivé de l’acétate, l’acide octanoïque (acétate + malonate). Il lui arrive une
série de modifications : le COOH est réduit en CHO et une oxydation fait apparaître
une cétone dans la molécule, puis une transamination sur l’aldéhyde incorpore un NH2
dans la structure. Il se fait que le C + de la cétone est proche du N avec sa pel ; il y a
donc formation d’une base de Schiff, qui permet la cyclisation de la molécule et donc
la naissance de la pipéridine.
Des marquages ont été nécessaires pour pouvoir déterminer cette filiation
biogénétique.

Alcaloïdes dérivés de la phénylalanine désaminée (phénéthylamine)

La tyrosine et la dopa sont des précurseurs importants pour toute une série
d’alcaloïdes. La phénylalanine elle-même est moins fréquemment utilisée.
Souvent, la phénylalanine n’apporte pas son N mais est un donneur d’unités C6-C3,
C6-C2 ou C6-C1. Elle apporte donc son squelette carboné sans son N.
Par exemple, dans la synthèse de la colchicine, la phénylalanine fournit son squelette
carboné mais pas son N.
Le squelette carboné donné par la phénylalanine désaminée, un C6-C3 ici, sera aminé
tardivement pour donner les alcaloïdes de type éphédrine.
Dans l’éphédrine, on a un squelette C6-C3, mais, en réalité, il n’y a dans ce squelette
que la partie C6-C1 qui vient de la phénylalanine. La Phe est dégradée pour aboutir à
une unité C6-C1 activée (dérivé ScoA), qui réagit avec un acétate, permettant ainsi
l’incorporation de 2 C supplémentaires ( unité C6-C3).
Après la dégradation, on a donc la re-synthèse d’un dérivé C6-C3 qui peut ensuite
subir une transamination (incorporation d’un NH2). On obtient ainsi la cathinone qui
est réduite au niveau du carbonyle et qui peut éventuellement être méthylée au niveau
du N. La réaction de méthylation éventuelle et de réduction fait apparaître un C*. On a
donc 2 couples d’isomères :
o Pseudoéphédrine/éphédrine  dérivés méthylés
o Norpseudoéphédrine (cathine)/noréphédrine  dérivés non méthylés.
La classification se recoupant, on a ici des phénéthylamines : C6-C2-N ou phényl-
éthyl-amine.
En voyant la structure finale de ces alcaloïdes, on ne sait pas dire quelle voie de
synthèse en est à l’origine. Cette voie biogénétique a donc été établie grâce à des
marqueurs.
L’Ephedra est une plante connue en Chine depuis longtemps. Les feuilles contiennent
0,5 à 2,5% d’alcaloïdes. Selon l’espèce, l’éphédrine représente 30 à 90% des
alcaloïdes totaux.
Ces alcaloïdes ont une action sympathicomimétique : donc on a des effets similaires à
la NA (bronchodilatation et vasoconstriction efficaces). On utilise notamment la

137
pseudoéphédrine comme décongestionnant nasal. Ces alcaloïdes sont aussi des
stimulants du SNC.
L’Ephedra fait partie des drogues présentes sur les marchés parallèles sous le nom
d’ecstasy naturelle. En effet, à dose élevée, la consommation d’Ephedra engendre des
hallucinations, des paranoïas, des psychoses, ...
Le khat est un stimulant abondamment consommé en Afrique (surtout au nord). Dans
les feuilles fraîches de la plante, on trouve la cathinone qui, après séchage (réduction
enzymatique), devient de la cathine. Avec les feuilles sèches du khat, on a donc une
grande chance d’effet. L’effet de la cathinone est comparable à celui des
amphétamines.

Alcaloïdes terpéniques

a) monoterpénoïdes et iridoïdes

La gentianine est un artefact : cet alcaloïde n’est en fait pas présent dans la plante. On
extrait souvent les alcaloïdes sous forme basique par une base comme le NH4OH. Dans
la plante fraîche, on a le gentiopicroside, un iridoïde. Traité par du NH4OH, celui-ci
réagit pour donner la gentianine, un alcaloïde. L’apparition de gentianine est donc un
artefact de laboratoire !
Cependant, dans certaines plantes, on a isolé la gentianine sous pour autant les avoir
traitées avec du NH4OH. Donc, la gentianine est aussi un alcaloïde naturel provenant
du sécologanoside ou du loganoside MAIS le plus souvent, c’est un artefact !

b) diterpénoïdes

La situation est très complexe car il y a beaucoup de cycles entremêlés.


Quand les géranylgéranyl PP se condensent, il y a beaucoup de possibilités différentes
de fermeture de cycles.
Si on incorpore un dérivé aminoéthanol, on obtient des alcaloïdes de type atisine
(hexacycles). Si on regarde l’atisine par le haut, on s’aperçoit de la proximité spatiale
de plusieurs C, donnant une possibilité de réarrangement. Ce réarrangement est très
complexe et aboutit aux alcaloïdes de type aconitine.
Dans l’atisine, il y a 3 cycles en C6 (en noir, dans le plan de la feuille). Dans
l’acotinine, ces 3 cycles C6-C6-C6 sont réarrangés en 3 cycles C6-C7-C5 ; un C, celui
en haut à droite au bout de la double liaison, est également perdu en cours de route lors
du réarrangement. On arrive ainsi aux alcaloïdes de l’aconitine. La biogenèse n’est pas
à retenir mais elle nous montre à quel point la biogenèse des diterpènes peut être
compliquée.
L’aconitine est une substance parmi les plus toxiques qu’on connaisse. Il y a 2 esters
dans cette molécule : l’un avec un acétate et l’autre avec un acide benzoïque. Ces
esters s’hydrolysent facilement et, dans la drogue séchée, on retrouve des produits de
semi-hydrolyse et d’hydrolyse complète.
L’aconitine est l’alcaloïde majeur mais on a d’autres alcaloïdes basés sur cette
structure ; tous sont neurotoxiques par action sur les canaux sodiques en entravant la
repolarisation. L’aconitine excite d’abord puis paralyse les terminaisons nerveuses

138
aussi bien périphériques qu’au niveau des centres bulbaires. Cela se traduit par un
ralentissement respiratoire et une dissociation auriculo-ventriculaire.
On connaît une espèce du genre Delphinium (Ranunculaceae) qui accumule les
alcaloïdes de type atisine (alcaloïdes non réarrangés donc), moins toxiques que
l’aconitine. Il y a un usage traditionnel d’une décoction de graines de Delphinium pour
éliminer les poux.
Ces Delphinium sont quand même responsables de pas mal de pertes dans les
troupeaux en Amérique du nord.
Les Aconitum sont des espèces herbacées ornementales. Ce sont les plantes les plus
toxiques que l’on peut rencontrer chez nous. Les alcaloïdes sont situés dans les racines
séchées qui en contiennent 0,3 à 1,5%. Dans ces alcaloïdes totaux, il y a environ 30%
d’aconitine.
On utilise l’aconit comme poison de flèche depuis 3000 ans autant en Orient qu’en
Occident. D’ailleurs, le nom « aconit tue-loup » rappelle ce genre d’usage.
C’était un poison populaire chez les Romains ; il l’est d’ailleurs encore de nos jours en
Chine. La dose mortelle pour l’humaine est de 2 à 4g de racine ou de 5ml de teinture,
ce qui équivaut à 3mg d’aconitine. En cas d’empoisonnement, les manifestations
suivantes se déclarent : angoisse, myasthénie, engourdissement, nausées, altération
profonde du rythme cardiaque ; ces manifestations évoluent vers une défibrillation
ventriculaire irréversible et donc vers la mort. C’est un empoisonnement irréversible
et foudroyant, pour lequel il n’existe pas d’antidote !
Chez nous, on utilise la teinture comme anti-congestif dans les sirops contre la toux
sèche non productive de mucus. En Orient, on utilise des préparation hydrolysées
d’aconit : les racines sont trempées dans l’eau puis cuites ou traitées à la vapeur. Ce
traitement hydrolyse les esters ; et étant nettement moins toxiques, les produits
d’hydrolyse sont utilisés pour lutter contre l’arthrite et les rhumatismes.
Il y a régulièrement, en Asie et chez les immigrés chinois, des accidents dus à une
mauvaise préparation ou à un dosage non respecté.

c) triterpénoïdes et stéroïdes

On peut aussi avoir des alcaloïdes formés sur des triterpènes. On les appelle
« azastéroïdes » (voir chapitre des triterpènes).

N-oxydes d’alcaloïdes ou genalcaloïdes

Ils sont facilement préparés à partir des bases libres.


Vers 1920-1930, beaucoup d’études sur ces genalcaloïdes ont été réalisées. On leur a
attribué des effets retard et une toxicité plus faible, car ils sont plus solubles dans l’eau
que les alcaloïdes correspondants. On pensait que ces N-oxydes d’alcaloïdes étaient
des artefacts produits par manipulation à partir d’alcaloïdes tertiaires (càd des
alcaloïdes avec une amine tertiaire). Comme ils sont plus polaires et solubles dans
l’eau, on les perdrait en cours d’extraction.

139
Le N-oxyde de pyrrolysidine se retrouve dans le genre Senecio et est responsable de
dégâts hépatiques importants, notamment chez les animaux qui se nourrissent de ces
plantes.
Dans la plante, on retrouve la sénécionine, alcaloïde dérivé de l’ornithine, et son dérivé
N-oxyde. Les 2 sont métabolisés au niveau hépatique (aromatisation d’un des 2 cycles)
et on obtient un dérivé ester alkylant. Les dérivés alkylants peuvent alkyler l’ADN et
former des adduits sur celui-ci. Ces alcaloïdes ont donc un effet mutagène et
carcinogène.
Toutes les plantes à alcaloïdes dérivés de la pyrrolysidine sont à éviter à cause de leur
effet carcinogène.
On a pu démontrer qu’il existe des N-oxydes pour d’autres alcaloïdes, comme la
réserpine, la strychnine et les alcaloïdes des Solanaceae mydriatiques (sous forme de 2
isomères N-oxydes dérivés de l’hyoscyamine).
Ces N-oxydes pourraient être des intermédiaires de biogenèse. Ils pourraient aussi
faire partie d’un mécanisme redox important pour les plantes. Une autre hypothèse dit
qu’ils pourraient être, de par leur solubilité dans l’eau, des molécules de transport et de
translocation.
Actuellement, il n’y a plus de N-oxydes utilisées en thérapeutique ; ils ne nous
intéressent plus beaucoup.

Propriétés physiques et chimiques

 Les masses relatives sont variables (entre 100 et 900).

 Les alcaloïdes sans O dans leur structure sont le plus souvent liquides, parfois
volatils ; et quand leur structure n’est pas trop complexe, ils sont entraînables à
la vapeur d’eau.

 Ils ont une saveur amère.

 Leur premier nom fut « alcalis végétaux » ; il nous rappelle que les alcaloïdes
se comportent comme des bases : ils fournissent avec les acides des sels qui
cristallisent beaucoup mieux que les bases correspondantes. Donc, en
thérapeutique, on retrouve souvent des chlorhydrates, des sulfates, ...
d’alcaloïdes. En plus, sous forme basique, les alcaloïdes sont plus sensibles aux
dégradations. On a donc tout intérêt à les utiliser sous forme de sels.
La forme base est insoluble dans l’eau et soluble dans les solvants organiques.
La forme acide (sel) est soluble dans l’eau, dans les alcools de faible poids
moléculaire et insoluble dans les solvants organiques. Cette propriété est mise à
profit pour isoler les alcaloïdes de la plante.

 Leur basicité dépend de la disponibilité du doublet non liant (dnl) du N.


S’il y a un groupe électroattracteur sur le N, la basicité diminue.
S’il y a un groupe électrodonneur sur le N, la basicité est exaltée.
Quand on a un N sous forme d’amide (comme dans la colchicine), l’alcaloïde

140
n’est pratiquement pas basique.
Le noyau hétérocyclique de base, avec ses contraintes stériques, peut aussi
modifier la basicité. Dans la pyridine, la quinoléine et l’isoquinoléine, le cycle
est aromatique sans avoir besoin du dnl du N, le dnl est libre et n’entre pas dans
l’aromaticité : l’alcaloïde est donc une base forte. Dans le pyrrole et l’indole, le
dnl est nécessaire pour l’aromaticité du cycle, le dnl est donc délocalisé et les
alcaloïdes dérivés de ces cycles sont nettement moins basiques que les
précédents. Parfois, l’imbrication des cycles provoque
des contraintes stériques qui rendent le dnl moins disponible.
Si on a une fonction particulière (N-oxyde, iminium), la basicité est aussi
modifiée.

 Les alcaloïdes sous forme de base sont instables à la lumière, à la chaleur et à


l’oxygène de l’air. Si on parvient à cristalliser la base, on a un produit plus
stable avec un point de fusion net, mais cette cristallisation est généralement
très difficile.

 Souvent, dans l’alcaloïde, on a un C*. La mesure du pouvoir rotatoire nous


permettra donc d’estimer la pureté du produit.

Extraction

L’extraction est relativement spécifique et identique pour beaucoup de plantes


différentes. La méthode peut aussi déboucher sur une analyse quantitative. Elle se base
sur la différence de solubilité entre la forme acide et la forme base.

1) Pulvérisation de la drogue : cela la rend plus perméable aux solvants


d’extraction.
2) Alcalinisation.
3) Extraction par un solvant organique peu polaire (CHCl3, CH2Cl2, gasoil,
kérosène) : on épuise la drogue par macération ou percolation.
4) On sépare le marc et on obtient une solution extractive organique contenant des
alcaloïdes, des lipides, des pigments liposolubles, ...
5) La solution est concentrée puis traitée ou directement traitée par une solution
aqueuse acide diluée (HCl, H2SO4) ; donc, les alcaloïdes sont sous forme acide
et passent dans la phase aqueuse.
 La phase organique contient les lipides et autres composés liposolubles alors
que la phase aqueuse contient les sels d’alcaloïdes avec quelques impuretés.

On peut aussi procéder inversement :


1’) Pulvérisation de la drogue.
2’) Acidification puis extraction de la drogue par un alcool (méthanol ou éthanol) :
on
obtient donc une solution aqueuse d’alcaloïdes contenant beaucoup
d’impuretés.
3’) Evaporation à sec.

141
4’) Reprise du résidu par un acide dilué : les alcaloïdes sont alors sous forme acide
et
passent dans la phase aqueuse. D’autres composés comme les résines passent
aussi dans la phase aqueuse ; donc, on filtre ce qui ne s’est pas solubilisé.
5’) Introduction d’un solvant de lavage qui entraîne tout ce qui ne nous intéresse
pas,
càd tout sauf les alcaloïdes.

 SOIT : Milieu alcalin et solvant organique peu polaire


SOIT : Milieu acide et alcool puis évaporation et reprise par un acide dilué
MAIS ces 2 méthodes aboutissent à la même chose, donc elles se rejoignent.

L’étape initiale (soit alcalinisation, soit acidification) est justifiée par le fait que les
plantes contiennent les alcaloïdes sous forme de sels d’acide minéral ou organique (par
exemple, l’acide méconique et l’acide quinique), ou en combinaison avec des
polyphénols, en particulier les tanins. Par exemple, pour le quinquina, il est difficile de
séparer les alcaloïdes de leur partenaire, l’acide quinique ou des tanins ;
l’extraction nécessite donc des conditions drastiques.
Pour l’alcalinisation, le choix de la base est très important. On utilisera souvent le
NH4OH. Si on a une fonction labile en milieu alcalin (par exemple une fonction ester),
on préfère utiliser les carbonates afin de ne pas avoir un pH trop haut.
Si les alcaloïdes à extraire sont fort basiques, il est nécessaire d’avoir un pH élevé ;
donc, on utilise plutôt du NaOH, du Ca(OH)2 ou du Mg(OH)2.
En cas d’alcaloïdes fortement basiques en combinaison avec des tanins, on doit utiliser
des bases fortes pour les libérer.
!!! Si on est en présence d’un alcaloïde combiné à un phénol, le fait de monter trop
haut en pH transforme le phénol en anion phénolate soluble dans l’eau, qui ne pourra
pas être extrait par un solvant organique. Cette caractéristique permet de séparer les
alcaloïdes phénoliques des autres alcaloïdes. Par exemple, dans l’opium, on a un seul
alcaloïde avec une fonction phénol : la morphine. A pH fortement alcalin, seule la
morphine reste en phase aqueuse, les autres alcaloïdes de l’opium sont extraits par une
phase organique.  Donc, cet inconvénient des phénols peut être mis à profit pour
séparer spécifiquement
les alcaloïdes phénoliques des autres alcaloïdes !

NB : pKa amine = 8-9


pKa phénol= 10-11
Si le pH est très basique, les amines sont sous forme NH2 et le phénol est sous
forme de phénolate.

Reprenons...
La solution aqueuse est alcalinisée puis extraite par un solvant organique. Après
évaporation, on obtient un résidu d’alcaloïdes bruts. On peut peser ce résidu et on
obtient ainsi le % m/m des alcaloïdes totaux présents dans la plante. C’est donc un
moyen de standardisation.

Adaptation des méthodes générales

142
Les méthodes décrites ci-dessus sont générales et applicables à beaucoup de plantes
différentes.
Dans certains cas, il faut adapter la méthode. L’adaptation est nécessaire :

 Si les alcaloïdes bases sont trop solubles dans l’eau (éphédrine, colchicine, ...).

 Si les sels d’alcaloïdes sont peu solubles dans l’eau et/ou solubles dans les
solvants organiques : dans ce cas, les sels restent en phase organique au lieu de
passer en phase aqueuse.

 Si les alcaloïdes sont volatils (nicotine, spartéine) ; dans ce cas, un


entraînement à la vapeur d’eau est possible à partir de la drogue alcalinisée avec
recueillement dans une solution acide où se formera le sel d’alcaloïde non
volatil.

 Si les alcaloïdes possèdent une fonction iminium, on aura des problèmes


d’extraction car ils ne sont pas solubles dans les solvants organiques. Donc, on
précipite les iminiums par la réaction de Mayer (iodomercurate de K) ou par
l’acide picrique (il y aura alors formation de picrates). A partir de ce précipité,
on libère la base, par exemple sur résine échangeuse d’ions.

 Si on est en présence des N-oxydes d’alcaloïdes, la méthode classique pose


problème car les N-oxydes sont plus polaires ( très solubles dans l’eau) et
échappent donc aux méthodes classiques d’extraction. La solution consiste à les
réduire au préalable par l’H généré par Zn° en milieu acide concentré.

Séparation du mélange de bases

Au terme des extractions, on obtient le totum alcaloïdique, qui est en réalité un


mélange d’alcaloïdes. Pour les séparer, on dispose de plusieurs types de méthodes :

 Extraction séquentielle des alcaloïdes en fonction du pH : on se base sur les


différences de basicité entre les alcaloïdes du mélange. A partir de la solution
contenant le totum, on monte progressivement le pH, et aux différentes valeurs
de pH atteintes, on extrait par des solvants organiques. Si les pKa des alcaloïdes
sont suffisamment différents, les alcaloïdes sont extraits à des pH différents.
C’est donc une extraction séquentielle des alcaloïdes à des valeurs de pH
croissante. Cette méthode est applicable à Rauvolfia (réserpine et yohimbine).
Les fonctions phénol, si le pH est supérieur à 9-10, se déprotonnent pour donner
des anions phénolate ; les alcaloïdes contenant des phénols restent donc
solubles dans la phase aqueuse à un tel pH. Cette particularité permet d’isoler
facilement les alcaloïdes portant des phénols (par exemple la morphine) des
autres.

 Précipitations sélectives : on se base sur les conditions de précipitation (pH, Ks,


solvant, réactif précipitant utilisé) pour précipiter sélectivement les différents

143
alcaloïdes. On précipite généralement des sels dans des mélanges de solvants
appropriés. Certains sels sont plus solubles que d’autres. En choisissant bien le
sel et les solvants, on peut faire des précipitations sélectives. Ainsi, les sulfates,
les chlorhydrates et les bromhydrates d’alcaloïdes sont souvent plus solubles
que les autres.

 Au niveau industriel on se tourne régulièrement vers ces 2 méthodes car elles


sont beaucoup moins chères que les méthodes chromatographiques. Cependant, les
alcaloïdes sont souvent très proches et il est malgré tout nécessaire d’utiliser des
méthodes chromatographiques pour purifier et isoler les alcaloïdes.

 Méthodes chromatographiques : beaucoup de supports sont possibles, comme :


- la silice,
- l’alumine,
- les résines échangeuses d’ions et
- la filtration moléculaire sur gel, si les alcaloïdes ont une taille et un poids
moléculaire suffisamment différent.

 Extraction liquide-liquide à contre-courant, aussi utilisée au niveau industriel.


La phase stationnaire et la phase mobile sont liquides : les 2 liquides choisis
doivent donc être non miscibles. La phase stationnaire est maintenue dans la
colonne par centrifugation. Un système permet la bonne dispersion de la phase
mobile dans la phase stationnaire : en fait, la phase stationnaire comporte des
petites alvéoles, dans lesquelles va la phase mobile.
Ce système constitue donc une succession de micro-ampoules à décanter : au
niveau de chaque contact phase mobile/phase stationnaire, il y a des échanges
liquide-liquide. Pour modifier la séparation, on peut jouer sur le type des
solvants utilisés ; et si on utilise une phase aqueuse, on peut jouer sur le pH de
cette phase aqueuse : en utilisant différents tampons, on peut arriver à une
bonne séparation. Ces extractions liquide-liquide sont difficiles à mettre au
point car elles restent très empiriques : il faut essayer plein de solvants
différents avant de trouver la bonne combinaison. Mais une fois que les
conditions sont bien définies, c’est une méthode très facile, reproductible et
utilisable à grande échelle (industrielle).

Méthodes d’analyse

Réactifs de précipitation

Les alcaloïdes ont en commun un certain nombre de réactions de précipitation, utiles


pour les caractériser.
Ces précipitations correspondent à la formation de sels insolubles.
Les réactifs courants sont le réactif de Bouchardat, le réactif de Mayer, le réactif de
Draggendorff, l’iodoplatinate, le réactif de Bertrand, l’acide phosphotungstique, le sel
de Reinecke et les acides arèniques.
Ces réactifs donnent en général des précipités très peu solubles en milieu aqueux
légèrement acide ; cela permet donc de mettre en évidence des traces d’alcaloïdes.

144
Certains de ces réactifs, comme l’iodoplatinate ou le Draggendorff, sont utilisables
pour la révélation sur couche mince (lorsque les précipités obtenus sont colorés).
Ces méthodes de précipitation sont applicables à plein d’alcaloïdes.
Certains de ces réactifs sont également utilisés pour réaliser une analyse gravimétrique
des alcaloïdes ; c’est le cas du sel de Reinecke et de l’acide phosphotungstique, mais
aussi de l’acide picrique.

Réactifs de coloration

On obtient des produits colorés plus ou moins caractéristiques.


Les réactifs de coloration sont constitués d’un acide concentré et d’une substance
particulière qui donne des couleurs caractéristiques.
Trois réactifs sont particulièrement importants car très utilisés en toxicologie : réactif
de Froedhe, de Mandelin et de Marquis.

Le « testing » permet de tester les comprimés d’ecstasy en réalisant une réaction de


Marquis. L’ecstasy est un alcaloïde phénéthylamine de synthèse. Avec de l’ecstasy
pure, on doit obtenir une certaine coloration. Si on n’obtient pas cette coloration, c’est
que l’ecstasy est contaminée par autre chose.

En général, ces réactifs de coloration sont intéressants quand les alcaloïdes sont
suffisamment isolés et purs. En effet, d’autres substances accompagnant les alcaloïdes
dans les extraits bruts obtenus à partir d’une plante peuvent donner des réactions
pouvant être interprétées comme faussement positives. Par exemple, avec le réactif de
Draggendorff, on peut avoir des faux positifs avec des protéines, des coumarines, des
hydroxyflavones ou des lignanes.
En toxicologie, les ptomaïnes (produits de putréfaction) peuvent aussi donner des faux
positifs.

Tous ces réactifs sont utiles, mais en général on ne peut pas se passer des techniques
de chromatographie !

Caractérisation chromatographique

 CCM (silice ou alumine)


 électrophorèse (si le dérivé est chargé)
 HPLC
 GC pour les alcaloïdes volatils ou qu’on peut rendre facilement volatils

En CCM, on peut révéler les alcaloïdes avec des réactifs généraux comme
l’iodoplatinate de K ou le Draggendorff ; on peut aussi parfois utiliser des réactifs plus
spécifiques. Par exemple, il y a un nombre non négligeable d’alcaloïdes indoliques qui
réagissent avec la diméthylaminobenzaldéhyde ; et pour les phénéthylamines, on peut
utiliser la ninhydrine.

Détermination quantitative

145
 La concentration en alcaloïdes dans les végétaux peut varier très fort : de
quelques
ppm (par exemple pour Cataranthus) à plus de 10 % (par exemple pour le Quinquina).
Les teneurs varient en fonction de l’espèce/genre auquel on a affaire mais elles sont
également très sensibles aux conditions écophysiologiques. Par exemple, la
photopériode (alternance jour/nuit) peut fortement modifier la teneur en alcaloïdes ;
cela a été très bien montré chez les alcaloïdes du Datura.
Cela fait que la détermination quantitative des alcaloïdes doit être adaptée aux
caractéristique structurales des alcaloïdes à doser mais aussi à la drogue dont ils sont
extraits : on n’utilise évidemment pas la même méthode si on doit doser quelques ppm
ou plus de 10 % d’alcaloïdes !

 On procède à l’extraction des alcaloïdes en travaillant de manière quantitative


(en
évitant les pertes donc), puis on pèse le résidu du totum alcaloïdique. C’est donc une
détermination gravimétrique : on détermine le poids de l’extrait brut ou du précipité,
après précipitation des alcaloïdes par un sel. On peut, par exemple, exprimer le totum
alcaloïdique en silicotungstate. La détermination gravimétrique après précipitation est
souvent plus exacte, car dans le totum, les alcaloïdes sont accompagnés d’autres
substances, et donc le dosage réalisé sur base de la masse du résidu de l’extrait brut est
souvent en excès.

 On peut aussi réaliser un titrage acide base en milieu aqueux ou, et c’est
préférable,
en milieu non aqueux qui exalte la force des bases ; on travaille alors dans l’acide
acétique anhydre et on titre par l’acide perchlorique. Ce type de méthode est applicable
si les alcaloïdes sont présents en grande quantité dans la plante.

 Si le végétal concerné ne contient que peu d’alcaloïdes, on privilégie des


méthodes
telles que la spectrophotométrie ou la colorimétrie.

Toutes ces méthodes nous donnent un totum alcaloïdique. Les alcaloïdes de ce totum
peuvent présenter des activités pharmacologiques très différentes et inégales. Il est
donc nécessaire de doser séparément soit l’alcaloïde principal, soit l’alcaloïde le plus
actif sur le plan biologique. Par exemple :
- la poudre d’opium est standardisée en morphine,
- la poudre de quinquina est standardisée en quinine.

 Pas mal de méthodes anciennes existent, qui consistent en des séparations plus
ou
moins précises. Mais peu à peu, on a substitué ces méthodes par des méthodes
chromatographiques, surtout l’HPLC, nettement plus spécifiques. Une bonne partie
des alcaloïdes absorbent dans l’UV ; on peut donc utiliser un détecteur UV. Si ce n’est
pas le cas, soit on dérive les alcaloïdes en leur ajoutant un chromophore qui absorbe
dans l’UV, soit on utilise un détecteur spectrométrie de masse.

146
Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

Les alcaloïdes présentent une très grande diversité d’activités pharmacologiques,


impossibles à synthétiser.

Lorsque naturellement, plusieurs isomères coexistent, la stéréochimie est très


importante au niveau de l’activité. Quand les isomères D et L co-existent dans la
plante, la forme L est souvent la plus active au niveau biologique. Les modifications
stéréochimiques peuvent conduire à des modifications importantes de l’activité
biologiques. Par exemple, la (-)-morphine est un analgésique puissant alors que la (+)-
morphine possède des propriétés antitussives. Ces propriétés ont été exploitées dans le
dextrométhorphane, un dérivé synthétique qu’on retrouve dans beaucoup de sirops
contre la toux.

Les N-oxydes d’alcaloïdes peuvent présenter un intérêt aussi : les N-oxydes


augmentent la solubilité des alcaloïdes, ce qui leur confère une toxicité plus faible, et
donc moins d’effets secondaires.

Dérivés des aminoacides arèniques et/ou de l’acide shikimique

Ces dérivés sont phénoliques, non azotés et le(s) cycle(s) aromatique(s) sont
principalement issus du métabolisme de l’acide shikimique, mais aussi parfois de la
voie des acétates (c’est plus rare).

Les unités C6-C3 et C6-C1

Le terme C6-C3 se réfère à une unité phénylpropyle provenant du squelette de la


phénylalanine ou de la tyrosine (dérivés de l’acide shikimique). Pour aboutir à l’unité
C6-C3, il y a perte de l’amine.
La chaîne propyle peut être saturée ou insaturée, oxygénée ou non ; elle peut aussi être
clivée pour donner des dérivés C6-C2 ou C6-C1.
Dans certains cas, les cycles aromatiques peuvent être substitués par une ou plusieurs
fonctions hydroxyles ou méthoxyles.
Les acides cinnamiques et caféiques estérifient fréquemment des fonctions alcool
primaire ou secondaire provenant de nombreux métabolites secondaires.
On peut retrouver ces esters dans des alcaloïdes, par exemple l’aconitine, mais aussi
dans des stéroïdes, flavonoïdes et pas mal d’autres métabolites secondaires.
Le fait d’être hydroxylées confère à ces molécules des propriétés anti-oxydantes.

Les tanins

Introduction

 Les tanins naturels sont des substances polyphénoliques d’origine végétale,

147
hydrosolubles, et dont le poids moléculaire s’étage entre 500 et 3000.

 Ils présentent les réactions classiques des phénols, et surtout les propriétés de
s’associer facilement avec des macromolécules (protéines ou certains polyholosides).
Le test le plus simple pour les identifier est de regarder si l’extrait aqueux du végétal
obtenu précipite une solution de gélatine.

 Les tanins sont situés dans des vacuoles intracellulaires, où ils peuvent atteindre
des concentrations élevées. Ils y sont fréquemment en combinaison avec des protéines,
des polyholosides, parfois des acides nucléiques ou encore des alcaloïdes.

 Quand la concentration en tanins dans la plante devient très grande, ils tendent à
se localiser dans une partie spécifique du végétal comme les fruits, les feuilles, les
écorces ou les racines ; ils se concentrent donc généralement au niveau des cellules
épidermiques. On les retrouve parfois dans des cellules spécialisées, les idioblastes à
tanins.

Classification et structure

Il y a 3 types de tanins :
- les tanins hydrolysables
- les tanins condensés ou procyanidols, qui sont des polyflavonoïdes
- les tanins complexes qui sont des tanins présentant, dans la même structure,
un tanin complexe et un tanin hydrolysable.

Hydrolyse des « tanins hydrolysables »

Les tanins hydrolysables se rencontrent uniquement chez les Dicot, et uniquement


dans certains ordres.
Ils peuvent être hydrolysés en milieu acide, en milieu alcalin ou de manière
enzymatique avec une tanase (hydrolase spécifique) extraite à partir d’Aspergillus
niger.
L’hydrolyse des tanins donne naissance à des polyols et à des acides phénoliques.
Le polyol le plus fréquent est le glucose mais on peut en avoir d’autres, comme
l’hamamélose, l’arabinose et l’acide quinique. En ce qui concerne l’acide phénolique,
le plus fréquent est l’acide gallique et ses dérivés, on parle alors de gallotanins. On
rencontre également l’acide ellagique et ses dérivés, on parle d’ellagitanins.
Les premiers tanins qui ont été étudiés sont ceux de la noix de galle, d’où le nom
« gallo » ; quand on a découvert les autres tanins, on les a nommés « ellag », qui est le
verlan de « galle ».

Il y a 2 groupes de tanins hydrolysables.

1. Les tanins galliques


L’acide gallique est en fait de l’acide trihydroxybenzoïque.
Ses dérivés sont :

148
 l’acide m-digallique : 2 acides galliques liés par un lien ester entre un –COOH
et un –OH ; on parle de lien depsidique, qui peut être en configuration para
ou meta.
 l’acide p-digallique : le lien depsidique est en configuration para.
 l’acide hexahydroxydiphénique (HHDP) : 2 acides galliques liés par un lien C-
C
 l’acide déhydrodigallique : 2 acides galliques liés par un lien éther
 Il existe donc 3 modes de liaison possibles entre 2 acides galliques.

2. Les tanins ellagiques


Les ellagitanins libèrent par hydrolyse de l’acide gallique accompagné d’autres acides
phénoliques dont le majoritaire est l’acide ellagique. L’acide chébulique est le produit
d’oxydation de l’acide ellagique et l’acide valonéique est un autre produit d’hydrolyse.
Ces tanins sont plus fréquemment rencontrés dans les plantes médicinales que les
tanins galliques. On connaît quelques 500 structures différentes de tanins ellagiques.

En réalité, la distinction entre ces 2 sous-groupes ne tient pas la route. En effet, l’acide
ellagique correspond à une lactonisation de l’acide HHDP (estérification interne avec
apparition de fonctions lactone).
Dans la plante, avant hydrolyse de l’HHDP, on a 2 –OH liés à des glucoses. Après
hydrolyse, il y a lactonisation spontanée. Il y a différentes possibilités de lactonisation
pour l’acide chébulique. L’acide valonéique correspond à 3 acides galliques estérifiés
(2 fonctions lactone et un lien éther).

 Les tanins galliques donnent, par hydrolyse, beaucoup d’acide gallique et très peu
d’ellagique ; alors que l’hydrolyse des tanins ellagiques fournit beaucoup d’acide
ellagique et très peu de gallique.

Biogenèse

Couplage oxydatif des phénols

La biogenèse des tanins fait appel à des couplages oxydatifs phénoliques.


Le couplage se réalise avec du phénol et démarre par une oxydation monoélectronique,
càd que l’enzyme réalisant le couplage arrache un proton et un électron au phénol ; on
obtient ainsi un radical libre, le radical phénoxy. De façon générale, les radicaux libres
sont très instables mais ici, l’électron libre est réparti par mésomérie sur la molécule et
le radical est donc stabilisé. L’enzyme forme 2 radicaux libres qui mettent en commun
leur électron libre pour former un lien C-C ; ensuite, la molécule est réarrangée et
retrouve ainsi son aromaticité.
Les couplages se font généralement en ortho et en para du phénol.
C’est notamment par le couplage oxydatif phénolique qu’on peut avoir des liens éther
et c’est LE moyen pour créer des liaisons C-C.

L’acide gallique vient directement d’un intermédiaire de la voie de l’acide shikimique,


l’acide 3-déhydroshikimique. La biogenèse ne nécessite donc pas une Phe ou une Tyr.

149
La polycondensation de l’acide gallique avec un UDP-ose (ose activé) aboutit à la
formation de tanins galliques.
Deux acides galliques peuvent se coupler oxydativement pour donner de l’acide
HHDP, celui-ci se lactonise spontanément en acide ellagique.
L’acide ellagique ou l’acide HHDP peuvent ensuite co-polymériser avec des UDP-
oses : aboutit ainsi aux tanins ellagiques.

Assemblage phénol-oses

Les tanins sont des polymères. Pour synthétiser ces polymères, il faut créer des liens.
Ce sont souvent des liens ester entre un –COOH de l’acide phénolique et un –OH. Ce
–OH peut être une fonction alcool d’un des sucres ou une fonction phénol d’un autre
acide phénolique. Le tanin grandit par formation de ces liens ester.
Sur le transparent, la molécule présentée est le pentagalloylglucose. C’est un
pentaester du glucose : les 5 fonctions –OH du glucose sont estérifiées par 5 acides
galliques. Ce pentagalloylglucose est le tanin le plus commun ; il occupe une place
importante dans le métabolisme des tanins. C’est une molécule de base pouvant
évoluer vers des molécules plus lourdes, via des liens depsidiques et esters (on aboutit
alors aux tanins galliques) ou via des couplages oxydatifs phénol-phénol (on se dirige
alors vers les tanins ellagiques). Dans certains cas, on peut avoir des couplages
oxydatifs phénoliques avec des flavonoïdes : on aboutit alors aux tanins complexes.

Couplage des phénols

Les dérivés galloyles peuvent, comme on l’a vu ci-dessus, s’assembler de différentes


façons :
 Liens ester
 Liens C-C
 Liens éther.
Dans la structure, on peut avoir des oses polyhydroxylés ; on a donc plein de
possibilités différentes de réaliser des liens différents.  Très grande diversité
structurelle !

Extraction et méthodes d’analyse

Extraction

 On extrait les tanins à partir de solutions hydrométhanoliques ou


hydroacétoniques ; ces dernières sont préférées afin d’éviter le phénomène de
méthanolyse des liaisons depsidiques.
 On doit travailler avec la plante fraîche car, lors du séchage, les polyphénols
oxydases oxydent les tanins, qui peuvent alors se combiner de manière irréversible
avec d’autres polymères tels que les protéines.
 Ensuite, on sépare et on purifie par CCM avec phase greffée, échangeuse d’ions
ou
d’exclusion (sur tamis moléculaire).

150
Propriétés générales et méthodes d’analyse

 Solubilité
Les tanins sont souvent solubles dans l’eau, où ils forment des solutions colloïdales.
La solubilité est en fait fonction du degré de polymérisation. Les tanins sont souvent
aussi solubles dans l’éthanol, le méthanol et l’acétone.

 Oxydables
Les polyphénols sont des molécules facilement oxydables ; l’oxydation est favorisée
en milieu alcalin et lors du séchage (enzymes polyphénoloxydases).

 Réactions colorées
Avec les tanins, les réactions de coloration des phénols sont positives :
- avec FeCl3, on obtient une coloration bleu-vert
- avec le ferricyanure de K et l’ammoniac, on obtient une coloration rouge
- avec l’iodate de K, la coloration obtenue est rose.

 Réactifs de précipitation
On a également des réactifs permettant de précipiter les tanins :
o excès de métaux lourds
o solution aqueuse de dichromate de potassium
o phosphomolybdate d’ammonium
o urotropine (à pH 5-6 et en présence d’ions métalliques)

 Caractérisation chromatographique
Les tanins se trouvent dans les plantes sous forme de mélanges complexes comprenant
différents isomères, différents types de liaisons et différents degrés de polymérisation ;
et la séparation chromatographique, quand les poids moléculaires sont importants,
n’est pas facile à réaliser.
La CCM n’est faisable que si les tanins de faible poids moléculaire sont majoritaires
dans le mélange. Par exemple, dans l’écorce d’hamamélis, on retrouve surtout
l’hamamélitanin avec un ose et 2 unités galliques (faible poids moléculaire donc).
Phase stationnaire : cellulose ou polyamide
Révélation : UV ou réactif des phénols
On peut également utiliser des colonnes d’exclusion avec un tamis moléculaire pour
séparer les tanins.
L’HPLC est également une bonne méthode pour séparer les tanins.

 Déterminations structurales
Les tanins sont difficiles à analyser au niveau structural.
Avec le FAB-MS et l’électrospray-MS, on a fait pas mal de progrès : on a pu ainsi
déterminer les poids moléculaires et observer une fragmentation significative.
Avec la RMN, on peut repérer les monomères constitutifs et les modes de liaison.
Malgré ces méthodes, l’étude structurale des tanins doit quand même faire appel à des
dégradations chimiques, telles que l’hydrolyse des oligomères, les dégradations et la
détermination des degrés de polymérisation, de réticulation, ...

151
Les premiers auteurs qui ont étudié les tanins les hydrolysaient complètement et n’ont
donc pu qu’étudier les produits d’hydrolyse.

Dosages chimiques

 On précipite les tanins par des sels de métaux lourds ou des protéines (gélatine
ou caséine) puis on isole le précipité obtenu et on le pèse ; on peut également
travailler avec un excès de réactif de précipitation et déterminer ainsi, après
précipitation, la quantité de réactif qui a été nécessaire.

 On peut réaliser un dosage gravimétrique après adsorption sur poudre de peau.


La solution extractive est divisée en 2 parties. La 1ière partie est agitée avec de la
poudre de peau chromée puis filtrée ; la 2ième partie et le filtrat issu de la 1ière
partie sont évaporés à sec puis pesés.
m2ième partie – mfiltrat = m de tanins dans notre végétal
Cette technique est employée dans les industries utilisant des tanins. Cependant,
cette méthode n’est pas toujours très pratique car elle met en jeu de grandes
quantités de réactifs.

 La méthode colorimétrique est préconisée par la Pharmacopée européenne pour


toute une série de drogues. Le principe consiste en la réduction du réactif
phosphotungstique ou molybdique en sous-oxydes de tungstène bleus ou en
bleu de molybdène. L’intensité de la coloration est proportionnelle à la
concentration en tanins. On rend la réaction plus spécifique en réalisant
l’adsorption sur poudre de peau ; la différence entre le résultat avant adsorption
et après adsorption nous permet de calculer la teneur en tanins dans le végétal.

 La méthode biologique est basée sur le fait que les tanins se fixent sur les
hématies et les agglutinent. On recherche la quantité minimale d’extrait ayant
toujours ce pouvoir agglutinant. Comme pour la détermination de l’indice
hémolytique, les conditions sont bien définies et on opère par rapport à une
substance de référence, l’acide tanique, qui permet de gommer les différences
entres donneurs. Pour évaluer l’agglutination, on utilise une méthode visuelle
ou colorimétrique. Cette méthode est très bien car elle est plus en relation avec
l’activité biologique des tanins.
!!! Cette méthode n’est pas applicable à des drogues qui, en plus des tanins,
contiennent des saponosides car ces derniers provoquent l’hémolyse des
globules rouges ; il n’y a donc plus rien à agglutiner !!!

Activité biologique

 Les tanins interagissent avec les protéines, ils exercent donc de nombreuses
activités biologiques. En fait, ils interagissent surtout avec des enzymes ; on peut alors
avoir inhibition de l’activité enzymatique.
On a une co-précipitation des tanins avec les protéines et cette co-précipitation
implique 2 mécanismes successifs :

152
I. Le premier résulte d’une combinaison entre les tanins et les protéines par
formation de ponts H entre les –OH des tanins et différents groupements des
protéines (surtout les groupements C=O des liens peptidiques).
Si on a des petits tanins (par exemple les galloylglucoses), il faut au moins 3
unités galloyl sur le glucose pour avoir une liaison significative.
II. Quand il y a suffisamment de groupes –OH pour les liaisons et en fonction
du degré de polymérisation des tanins, des complexes s’établissent. Ces
complexes sont dissociables (la réaction de complexation est réversible).
Dans ces complexes, les tanins forment une couche moins hydrophile à la
surface des protéines plus hydrophiles : il y a donc co-précipitation (il faut
que le nombre d’unités galloyl soit suffisant).

Si le poids moléculaire des tanins augmente, les liaisons tanins-protéines augmentent


également.
Si la teneur en proline des protéines augmente, les interactions sont favorisées.
La précipitation dépend aussi des concentrations relatives en tanins et protéines.
Cela dépend aussi de la flexibilité du tanin : plus le tanin épouse la forme de la
protéine, plus la précipitation se fait facilement.
Si on a affaire à des tanins ellagiques et qu’on a des liaisons biphényliques (phényles
liés 2 à 2), ces liaisons réduisent la mobilité conformationnelle du tanin et donc leur
affinité pour les protéines (en effet, le tanin ne pourra plus épouser la forme de la
protéine). L’entièreté de ce phénomène est réversible, mais en plus de ce
mécanisme réversible, il existe des mécanismes de complexation irréversibles
concernant les tanins oxydés qui peuvent former des liaisons covalentes.

 Cette interaction protéines-tanins permet d’expliquer la plupart des propriétés


biologiques des tanins.

 L’astringence est la co-précipitation des protéines salivaires et des


glycoprotéines
buccales. La salive perd donc sa fonction lubrifiante et le goût d’astringence se fait
sentir en bouche. Certains tanins sont également amers ; ils sont capables de passer la
membrane lipidique et d’activer les récepteurs de l’amertume présents dans les cellules
gustatives.

Intérêt industriel et pharmaceutique

 De par cette co-précipitation avec les protéines, les tanins peuvent se fixer sur le
collagène de la peau, la rendant ainsi imputrescible.
Les industries de tannage les ont beaucoup utilisés pour améliorer la
conservation des peaux et permettre l’utilisation des cuirs.
Dans l’industrie alimentaire, les tanins permettent de co-précipiter des
solutions colloïdales d’origine protéique ; cette propriété est, par exemple, mise
à profit pour clarifier des boissons telles que la bière.

 Ces propriétés de précipitation des protéines de la peau s’associent à des


activités antiseptiques et vasoconstrictrices.

153
o Les propriétés antiseptiques s’expliquent par le fait que les bactéries sont
privées d’un milieu de culture favorable (comprenant notamment des protéines)
puisque les tanins le précipitent. Ces propriétés sont utiles pour traiter les brûlures
superficielles. Les protéines précipitant en surface, les couches cutanées sous-jacentes
s’en retrouvent ainsi protégées.
o Comme les tanins sont vasoconstricteurs capables d’agglutiner les
hématies
et, ils sont également hémostatiques. On les utilise d’ailleurs en médecine
traditionnelle pour traiter l’épistaxis.
o Les tanins sont des polyphénols ; comme tous les phénols, ils possèdent
donc des propriétés antimicrobiennes. Certains tanins inhibent même la réplication
des virus et leur pénétration dans les cellules. On a montré que certains tanins avaient
des propriétés anti-VIH.

!!! Comme les tanins ont la faculté de précipiter les protéines, on peut croire que tous
les tanins précipitent les enzymes et les inactivent, mais c’est faux : certaines
spécificités peuvent apparaître. On peut avoir une affinité beaucoup plus marquée pour
certains peptides et protéines, surtout ceux riches en proline. Si ces peptides possèdent
des activités biologiques (comme les angiotensines par exemple), ces activités seront
modifiées in vivo en présence de tanins : il y a une action sélective sur ces peptides et
protéines.

o Au niveau du tube digestif, les tanins exercent une activité anti-


diarrhéique. D’abord il y a précipitation des protéines ; ensuite, il y a modification du
transit intestinale et inhibition du péristaltisme intestinal. La drogue végétale qui était
utilisée abondamment pour cette indication était le brou de noix. C’est un traitement
symptomatique, donc il ne faut le prendre de manière prolongée. Aujourd’hui, on
dispose d’anti-diarrhéiques bien plus efficaces que les tanins.
o La complexation de certains métaux, comme le fer, modifie les
propriétés
pharmacologiques de ces métaux. Cette propriété de complexation peut être bénéfique,
si les métaux sont toxiques, ou pas, s’il s’agit d’oligoéléments indispensables à
l’organisme (comme le fer ou le zinc).
o Les tanins peuvent précipiter les alcaloïdes MAIS en présence d’un
excès
de tanins, l’alcaloïde concerné se re-dissout. Cette propriété peut être utilisée pour
traiter les intoxications aux alcaloïdes. En effet, la résorption des alcaloïdes en
combinaison avec des tanins est très diminuée et ralentie.
o Qui dit polyphénols, dit propriétés antioxydantes et capteurs de
radicaux libres. Les tanins peuvent être des antioxydants biologiquement importants,
par exemple le gallate d’épigallocatéchine (thé vert), les procyanidols (tanins
condensés) qu’on retrouve notamment dans les grains de raisin et donc dans le vin
rouge. Ces tanins sont très présent dans les alicaments : ils constitueraient donc des
phytonutriments. L’activité antioxydante est très bien démontrée in vitro : les
tanins sont capables d’inhiber la peroxydation lipidique, notamment au niveau des

154
mitochondries et des microsomes hépatiques. Ils sont donc également hépato-
protecteurs et anti-hépato-toxiques. Cela a été notamment démontré pour la racine de
chicorée. Les tanins sont des antioxydants,
ils ont donc une activité favorable sur la résorption de l’acide ascorbique en le
protégeant dans le tractus intestinal.
o Certains tanins ont une activité facteur P ; càd qu’ils ont une action
veinotrope (renforcement de la paroi des capillaires).
o Certains tanins ellagiques présentent une activité immunostimulante
mais
aucun intérêt thérapeutique n’a encore été établi.
o Ces molécules sont des polymères. Au niveau du tube digestif, elles sont
hydrolysées (cela a été démontré in vitro et in vivo) intensément par les enzymes et les
pH. Les ellagitanins notamment peuvent libérer de l’acide ellagique. On a montré que
cet acide pouvait lier des carcinogènes éventuellement présents dans les intestins.
Cette propriété permet d’inhiber la mutagénicité et la carcinogénicité de certains
composés ingérés. Certains tanins peuvent ainsi s’avérer être antimutagènes.
Consommer des aliments contenant des ellagitanins constitue une prévention contre le
cancer colorectal surtout.  ellagitanins = phytonutriments
On retrouve de l’acide ellagique dans les fraises, framboises, raisins, cassis et noix.
Pour vérifier cette anti-mutagénicité, on a injecté en intra-péritonéal à des souris des
ellagitanins. On a ainsi montré qu’ils permettent de faire régresser la croissance de
certaines tumeurs. Le mécanisme d’action consiste en la diminution de sécrétion des
cytokines pour les cellules tumorales.

Toxicité

 La toxicité principale vient de la précipitation des protéines, notamment les


protéines alimentaires et les enzymes digestives. Les tanins ont donc des propriétés
anti-nutritionnelles. C’est plutôt la précipitation des protéines alimentaires que
l’inhibition des enzymes digestives qui est responsable de ces propriétés.
Chez le rat, on aussi montré une réduction temporaire de l’absorption du calcium
lorsqu’on leur administre des tanins, mais pas de modification de la concentration en
calcium dans les os.

 Certaines études épidémiologiques appuieraient l’hypothèse selon laquelle une


consommation accrue de tanins se corrèleraient avec une augmentation des cancers de
l’œsophage. Donc, il semble que les tanins peuvent renforcer l’action de certains
carcinogènes ou cocarcinogènes.  La notion de phytonutriment n’est pas toujours
très claire en ce qui concerne les tanins.

 Il est bien établi qu’il y a une interaction avec le fer ; il y a donc une
diminution
de la biodisponibilité du fer bioalimentaire. Ainsi, si on suit un régime alimentaire
riche en tanins pendant longtemps, on risque de souffrir d’une anémie.

 On sait aussi que les personnes souffrant de gastrites ou d’irritation gastrique ne


tolèrent pas bien les tanins quand ils en consomment.

155
Les lignoïdes

Introduction et classification

Les lignoïdes sont très répandus dans les végétaux. Ce sont notamment les précurseurs
de la lignine (polymère imprégnant la membrane cellulaire de certains tissus comme
les vaisseaux et les fibres).
Aujourd’hui on distingue 5 groupes de lignoïdes :

1) Les lignanes proprement dits

Ils résultent de la liaison 8-8’ (C latéraux ) de 2 unités C6-C3 ; ce sont donc des
molécules en C18.
Trois exemples sont illustrés sur le transparent. Les 3 molécules ont l’air complexe
mais en réalité, ce sont juste des combinaisons de 2 unités phénylpropanes plus ou
moins réarrangées.
- L’acide guaiarétique est le constituant majeur de la résine de gaïac ; c’est un
réactif utilisé en labo permettant de caractériser les peroxydases, les
oxydases et les cyanures.
- La cubébine qu’on retrouve dans les Cubeba a longtemps été utilisée comme
substitut du poivre noir. Elle possède des propriétés analgésiques.
- La podophyllotoxine est le constituant majeur de la résine de podophyllum
obtenue par précipitation de l’extrait alcoolique de la racine : on ajoute de
l’eau jusqu’à précipitation de la résine. La racine contient 15 à 60 % de
lignanes cytotoxiques et glucosides correspondants. La podophyllotoxine est
le composé majoritaire. Ces lignanes sont des antimitotiques qui lient la
tubuline du fuseau et empêchent ainsi la polymérisation et l’assemblage des
microtubules (même mode d’action que la colchicine). Ce sont donc des
poisons du fuseau.
La podophyllotoxine est aussi un toxique violent, ce qui empêche son
utilisation clinique comme anticancéreux.
Les glucosides sont moins actifs que les génines mais ont des effets
secondaires moins marqués.
On a fait des hémi-synthèses à partir de la podophyllotoxine. Le plus
important des dérivés hémi-synthétiques est l’étoposide, qui est la molécule
de base d’une classe d’anticancéreux très utilisés en médecine humaine.
L’étoposide contient 2 molécules d’oses et est obtenue par hémi-synthèse à
partir d’un glucoside naturel (podophyllotoxine). Curieusement, ces dérivés
ne sont plus des poisons du fuseau mais des inhibiteurs de topoisomérases
II. La podophyllotoxine peut être utilisée en
topique pour traiter les verrues (surtout les condylomes).
La grossesse et l’allaitement sont des contre-indications absolues pour
l’utilisation de la podophyllotoxine et ses dérivés. Un moyen de
contraception doit d’ailleurs être associé au traitement.

156
2) Les néolignanes

Ils correspondent à l’association de 2 unités phénylpropane mais la liaison entre les 2


implique maximum un C latéral , par exemple une liaison 8-1’, 3-3’, 8-3’, ... Cela
permet une grande diversité de structures.
Le magnoliol est extrait de l’écorce de Magnolia officinalis. C’est un antioxydant et
anxiolytique très utilisé en médecine traditionnelle chinoise.

3) Les oligomères

Ils résultent de la condensation de 2 à 5 unités C6-C3, différents modes de liaison sont


possibles (ceux de lignanes et des néolignanes).

4) Les nor-lignanes

Ce sont des lignanes déméthylés ; ils ont donc un squelette en C17.

5) Les lignoïdes ou « lignages hybrides »

Par exemple, la silybine (Silybum marianum) correspond à l’association d’une unité


C6-C3 et d’une unité flavanne. La combinaison des 2 molécules se fait par couplage
oxydatif phénolique. Les fruits du chardon marie sont utilisés en Europe dans la
médecine traditionnelle surtout pour traiter les troubles hépatiques.
A partir de la plante, on obtient un extrait contenant des flavo-lignanes : on parle de
silymarine, dont le composé majeur est la silybine. Ces composés ont beaucoup été
étudiés pour leur rôle hépatoprotecteur. Les études réalisées ont montré que ces
molécules protègent le foie d’hépatotoxiques tels que le paracétamol (dose mortelle =
10g en une prise), le CCl4, l’-amanitine, la phalloïdine, ... On peut l’utiliser en
clinique dans le cas de maladies hépatiques et d’intoxication. Malgré tout, cet effet est
difficile à objectiver, étant donné que la fonction hépatique n’est pas facile à évaluer.
Pour évaluer la fonction hépatique, on mesure le taux de transaminases. Les
flavolignanes ne semblent avoir un effet que modeste et exigent un traitement de
longue durée.
In vitro, on a pu montrer 3 modes d’action pour ces molécules :
I. Il y a réaction au niveau de la membrane des hépatocytes, d’où une
inhibition de la résorption par les hépatocytes.
II. Ce sont des phénols, donc des antioxydants ; or, dans les hépatocytes,
il y a beaucoup de réactions d’oxydation (métabolisme de phase I).
Ces processus génèrent des radicaux libres toxiques. Les phénols sont
des capteurs de radicaux libres et protègent donc les cellules.
III. Elles provoquent la stimulation de l’ARNp et donc de la synthèse des
protéines. Le tissu hépatique se régénère donc plus et plus vite.
 Ces propriétés ont été bien démontrées in vivo (souris) et in vitro ; mais au point de
vue clinique, il est difficile de mettre l’effet en évidence car il n’engendre pas de
grand impact sur le taux de transaminases.

157
Ces molécules (les lignanes) sont peu solubles dans l’eau. On en fait donc des
complexes avec, par exemple, la phosphatidylcholine.
Dans les différents groupes de lignanes, il existe différentes molécules. En effet, on
peut avoir des substitutions par des –OH, des –OCH3, par des fonctions méthylène-
dioxy (pont méthylène entre 2 –OH). On a aussi la possibilité de faire des lactones ou
des esters internes.
Ces métabolites peuvent également se présenter sous forme d’hétérosides ou de
polymères.
Exemple : la lignine du hêtre

Biogenèse

Ces dérivés proviennent de l’acide cinnamique, lui-même venant de la phénylalanine


/tyrosine. Cet acide peut être réduit en alcool puis hydroxylé et/ou méthoxylé en
différentes positions. La di- ou polymérisation se fait par couplage oxydatif
phénolique. L’enzyme arrache un proton et un électron : un radical stabilisé par
mésomérie est ainsi formé ; et comme on a une double liaison dans la chaîne latérale,
le C  est activé, d’où le mode de liaison par ce C . La mise en commun de 2
électrons libres (de 2 molécules différentes) forme une liaison C-C covalente.

Activité biologique

La présence de lignoïdes dans la plante est liée à un mécanisme de défense vis-à-vis


d’espèces parasites.

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

Les lignoïdes présentent :


 Activité oestrogénique
Les phyto-œstrogènes sont des molécules végétales capables d’activer les récepteurs
aux oestrogènes. Dans ce groupe, on retrouve différents types de molécules, mais
surtout des lignanes.
Il semble que dans les groupes de population consommant beaucoup de phyto-
oestrogènes, l’incidence des maladies cardiovasculaires, des cancers du sein et des
cancers de la prostate est réduite.  Ces molécules sont donc considérées comme des
phytonutriments. On retrouve beaucoup de lignoïdes dans les céréales.
Dans l’urine humaine, on a retrouvé 2 phyto-oestrogènes, l’entérodiol et
l’entérolactone, qui sont tout 2 des métabolites de lignoïdes alimentaires
(sécoisolaricirésinol). Si on les retrouve dans l’urine, c’est qu’ils sont bien résorbés !
Chez les végétariens, on pense que le fait qu’ils consomment plus de lignoïdes serait
responsable d’un nombre moindre de cancer du sein.

 Activité antioxydante
De part la présence de phénols
 Activité antibactérienne

158
 Activité antimitotique et antinéoplasique

 Activité sur le SNC


Le magnoliol, par exemple, a une activité anxiolytique.

 Etc...

Dans l’industrie alimentaire, on met à profit l’activité antioxydante et antibactérienne


pour protéger certains aliments. Par exemple, pour fumer des poissons et des jambons,
on utilise des bois riches en lignanes. Ainsi, lors du fumage, les phénols vont se
déposer sur les aliments et les protéger.

Les coumarines

Structure et biogenèse

Les coumarines simples sont largement distribuées dans le Règne Végétal.


Les coumarines complexes se retrouvent surtout chez les Rutaceae et les Apiaceae.

Leur structure est très variable, on en connaît plus de 800 différentes.


Ce sont des dérivés de noyaux C6-C3 et donc de l’acide cinnamique provenant de la
phénylalanine/tyrosine. Plus précisément, ce sont des dérivés de l’acide ortho-
hydroxy-cinnamique : en effet, il y a un –OH en ortho de la chaîne latérale.

Au niveau de la biogenèse, l’enzyme réalise d’abord hydroxylation de l’acide


cinnamique puis une isomérisation E vers Z de la double liaison de la chaîne latérale :
le –COOH pointe alors vers le bas et est en position idéale pour former une lactone.
Donc, ensuite, il y a lactonisation spontanée pour former la coumarine.

On a un grand nombre de molécules qui diffèrent par les substituants au niveau du


cycle : on peut avoir des –OH, des –OCH3, des –O engagés dans des liaisons
hétérosidiques.

Un élément structural commun à un bon nombre de coumarines résulte d’une


isoprénylation : un isoprène se rajoute à la molécule. Cette unité peut alors se fermer
en un cycle supplémentaire, un furanne plus exactement. On parle de furocoumarines.
Suivant la position de l’isoprénylation, la furocoumarine sera linéaire ou angulaire.
On a identifié ces furocoumarines dans des plantes alimentaires comme le persil, le
céléri, ... Dans certaines plantes, on trouve des dérivés comme le mélilotoside
(Melilotus officinalis), où le –OH en ortho est engagé dans une liaison hétérosidique.
Une -glucosidase peut libérer ce –OH et permettre ainsi la lactonisation. Cette
réaction peut se produire dans les végétaux dilacérés ou coupés, ce qui leur confère
une odeur agréable de foin coupé.

159
La structure coumestane, dans laquelle un cycle aromatique est fixé sur le noyau
coumarinique, se rencontre de temps en temps.

Méthodes analytiques

La plupart des coumarines présentent une fluorescence, sauf la plus simple des
coumarines, non fluorescente (voir transparent). Cependant, par hydrolyse de la
lactone en milieu alcalin et par exposition sous une lampe UV, on provoque une
réaction photochimique (isomérisation de la double liaison) et on obtient ainsi un
dérivé TRANS fluorescent.
Les autres coumarines sont quasiment toutes fluorescentes. La fluorescence varie du
bleu, jaune au pourpre en fonction des substituants sur le cycle. La fluorescence
s’intensifie en milieu alcalin.  On a donc un moyen sensible, après la CCM ou
l’HPLC, pour détecter les coumarines, mais aussi un moyen de traçage : on utilise
souvent les coumarines comme traceurs pour caractériser les plantes médicinales.
De plus, le spectre UV-visible caractéristique des coumarines est très caractéristique,
fortement influencé par les substituants présents et modifié profondément en milieu
alcalin (càd par ouverture de la lactone).

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

 Les coumarines sont souvent antibactériennes.

 Certaines coumarines ont des propriétés anticoagulantes, anti-


inflammatoires, et d’autres ont des propriétés facteur P.

 Les dérivés des coumestanes ont des activités oestrogéniques, ce sont en effet
des phyto-oestrogènes.

 Toxicité
Les coumarines sont apparemment non toxiques in vivo ; mais on ne peut plus les
utiliser pour aromatiser les aliments. En Allemagne, la concentration en coumarines est
fortement règlementée ; par exemple, pour le Maitrank, la concentration maximale en
coumarines est de 5 mg/l.

Le mélilot est une plante fourragère. Quand elle est stockée dans de mauvaises
conditions, elle peut subir des contaminations fongiques. En réponse à ces
contaminations, la plante synthétise des substances de protection, telles que les
phytoalexines, parmi lesquelles l’acide ortho-hydroxy-cinnamique. Cet acide est
métabolisé en dicoumarol, qui possède de fortes propriétés anticoagulantes. Le bétail
qui consomme ce mélilot gâté présente donc des phénomènes hémorragiques.
D’ailleurs, le dicoumarol a servi de modèles pour les anticoagulants coumariniques de
synthèse, qui sont des antagonistes de la vit K1.
Les dérivés coumariniques ont en général une activité anticoagulante et pourraient
passer dans le lait maternel. Les mères allaitantes doivent donc éviter les
phytomédicaments contenant des dérivés coumariniques (marronnier d’Inde, piloselle,
mélilot, ...).

160
Dérivés des aminoacides arèniques et de l’acétyl-CoA

Les flavonoïdes

Introduction

Les flavonoïdes ont une structure basée sur le cycle flavanne ou 2-phénylchromane.
Cette structure est à l’origine de plein de constituants (plus de 4000) connus sous le
nom de flavonoïdes (flavus = jaune en latin).
Ils sont répandus dans tout le Règne Végétal car présents dans toutes les cellules qui
font de la photosynthèse. Donc, on ne les trouve pas dans les champignons !
Certains flavonoïdes sont ubiquitaires : on les retrouve partout ; alors que la présence
d’autres flavonoïdes particuliers est réduite à certains genres ou espèces. En général, la
répartition est différenciée au niveau des organes de la plante.
Les insectes peuvent accumuler et/ou synthétiser des flavonoïdes. Mais tous les autres
organismes d’origine animale sont incapables de synthétiser le flavanne et
d’accumuler les flavonoïdes dans les tissus car ils les métabolisent trop rapidement ;
donc, pour tous les autres animaux que les insectes, les flavonoïdes sont exogènes.

Localisation

Dans toutes les cellules végétales, les flavonoïdes sont présents essentiellement au
niveau des chloroplastes, et plus précisément au niveau des thylakoïdes (lieux où se
déroule la photosynthèse). Cela signifie que les flavonoïdes jouent un grand rôle au
niveau redox et au niveau de la régulation des échanges ioniques, importants dans la
photophosphoryla-
tion.
La plante les accumule dans des vacuoles et les flavonoïdes sont surtout abondants
dans les organes jeunes.

Variations structurales

Les flavonoïdes possèdent une structure de base sur laquelle beaucoup de variations
peuvent avoir lieu :
 substitutions par un hydroxyle (position déterminée par la biogenèse), un
méthoxyle ou un méthyle ; la production des flavonoïdes oxygénés est favorisée
par la lumière
 introduction d’un cycle furanne grâce à un isoprène ( furocoumarines)
 conjugaison avec des oses ; les flavonoïdes se trouvent donc sous forme
d’hétérosides O ou C
 acylation de ces oses par un acide aliphatique ou aromatique
 les oses peuvent être des mono-, di-, ou trisaccharides ; par exemple, on peut
avoir le rhamnose, l’apiose, le xylose, l’arabinose, le galactose, le glucose, ...
 sulfurylation et/ou estérification des oses

161
 polymérisation des flavannes : plusieurs degrés de polymérisation sont
observés : di-, tri-, tétra-, ..., polymères.

Interconvertibles

Plusieurs noyaux de base interconvertibles existent. Toutes les réactions de biogenèse


(oxydation et réduction) sont réversibles. Les flavonoïdes jouent donc un rôle redox
important. Ces interconversions peuvent encore se faire in vivo après ingestion.

Biogenèse

Avec les flavonoïdes, on est dans les dérivés des acides aminés aromatiques.

La phénylalanine/tyrosine, en quelques étapes, donne naissance à l’acide cinnamique


(squelette C6-C3). Cet acide cinnamique peut être hydroxylé ; mais, s’il provient d’une
tyrosine, il est déjà hydroxylé en para ( acide p-coumarinique), et s’il provient d’une
dopamine, il est dihydroxylé ( acide caféique).
Le –COOH est activé par la fixation d’un coenzyme A ; on obtient donc le cinnamyl-
coA. Une fois la molécule activée, on peut lui fixer des acétates (seconde voie
d’aromatisation).
 Les 2 voies de biogenèse principales, celle du shikimate et celle des acétates, se
rejoignent ici !
Sur le transparent, les acétates bleus peuvent cycliser et s’aromatiser : il y a donc
apparition d’un deuxième cycle aromatique dans la molécule. On obtient ainsi une
chalcone.
Les groupements –OH sur le cycle A et C sont déterminés de par les précurseurs qui
ont servi à former les cycles :
- sur le cycle A : 2 –OH en méta l’un par rapport à l’autre
- sur le cycle C : 2 –OH en ortho l’un par rapport à l’autre
 Cela signe l’origine biogénétique du cycle !

Cette chalcone est assez instable et en état d’équilibre avec la forme flavanone ; en
fait, on a une isomérase dans la plante capable de transformer la chalcone en flavanone
(réaction réversible).
Pour la fermeture du cycle central, une enzyme prend les électrons de la double liaison
puis lie le C avec le O de façon covalente. Dans certaines plantes, la fermeture ne se
fait pas avec le C  du cycle mais avec le  : on obtient alors une aurone.

A partir des chalcones, on peut réaliser une hydrogénation et on obtient un édulcorant


accepté par la législation alimentaire.

Quand on passe de la chalcone à la flavanone, on perd la conjugaison dans la


molécule. La molécule devient incolore, vu qu’il n’y a plus de délocalisation possible.
Ces flavanones ont une distribution restreinte dans le Règne Végétal ; on les retrouve
surtout chez les Citrus.

162
Les aurones sont parfaitement conjugués ; ce sont d’ailleurs des pigments rouges-
orangés qui colorent les fleurs, en particulier chez les Asteraceae et les
Scrophulariaceae.

A partir des flavanones, on a 2 biogenèses possibles :

1. déshydrogénation
On obtient une flavone, où il y a de nouveau de la conjugaison. Les flavones sont des
pigments jaune pâle, qu’on retrouve dans les fleurs, les feuilles, les graines et les fruits.
La flavone sans –OH ne se retrouve pas dans la nature ; par contre, on retrouve
fréquemment des dérivés naturels hydroxylés et méthoxylés. Les flavones jouent un
rôle important dans la photosynthèse ; dans la plante, ce sont des facteurs de
croissance. Ils jouent un rôle dans la différenciation cellulaire et dans le
développement des cotylédons et des feuilles.

2. hydroxylation :
L’hydroxylation se fait en position 3 par l’intervention d’une hydroxylase ; on obtient
un flavonolol ou dihydroflavonol. Ce flavonolol peut aussi être déshydrogéné pour
donner un flavonol.
Les flavonols peuvent également être directement formés par une hydroxylase qui
introduit un –OH sur une flavone.
Les flavonols possèdent des cycles parfaitement conjugués : ce sont donc des pigments
colorés en jaune pâle, très largement distribués dans le Règne Végétal et surtout
présents quand les plantes sont pauvres en flavones.

 Toutes ces molécules sont interconvertibles et jouent un rôle redox important pour
la plante !

On connaît aussi des isoflavonoïdes : le cycle phényle est déplacé de la position 2 à la


position 3. On les retrouve essentiellement chez les Fabaceae ; la distribution
restreinte indique que la voie de biogenèse est hautement spécialisée.
Des études de marquage ont montré que dans ces plantes, une enzyme particulière
pique le noyau aromatique B et le déplace dans la molécule : ce noyau B change ainsi
de position.
Exemple : roténoïde (roténone) = insecticide qu’on retrouve sur le marché

Le flavonol peut être réduit au niveau de la double liaison ; on obtient alors un


leucoanthocyanidol ou flavan-3,4-diol. Des enzymes sont capables d’aboutir
directement à un leucoanthocyanidol à partir d’une chalcone, du flavonol ou d’un
anthocyanoside, puisque toutes ces molécules sont interconvertibles.
Comme leur nom l’indique, les leucoanthocyanidols sont blancs car il n’y a plus de
conjugaison au niveau des cycles. On les retrouve en quantité importante dans toutes
les parties des plantes supérieures. Ils constituent donc une étape importante dans le
métabolisme des flavonoïdes.
Il y a 2 groupes de leucoanthocyanidols suivant qu’ils aient ou pas un radical
hydroxyle en R3 :

163
I. Ceux qui le possèdent sont particulièrement instables et ont
tendance à polymériser rapidement ; on ne les retrouve donc
qu’à l’état de traces dans les plantes. Ces dérivés
trihydroxylés ont donc un phénol en R3 ; cela active la
fonction du C4, augmente son caractère électrophile, et lui
permet de réagir avec des centres nucléophiles d’autres
molécules de leucoanthocyanidols. Cela permet la
polymérisation.
II. Ceux qui n’ont pas de –OH en R3 sont nettement plus
stables ; on les retrouvera partiellement sous forme de
polymères.

Dans le cas des leucoanthocyanidols, on n’a jamais de méthoxylation et on ne les


trouve jamais sous forme d’hétérosides.
Ils sont solubles dans l’eau jusqu’à un degré de polymérisation de 8 unités.
Les polymères de flavan-3,4-diol sont des polyphénols et sont donc capables de
précipiter les protéines. Ces flavonoïdes peuvent subir une oxydation ; on obtient alors
un –OH supplémentaire. La molécule obtenue est instable et se déshydrate facilement
pour former un pyrène aromatique (cycle particulier) : on parle d’anthocyanidol
(anthos = fleur, cyan = bleu). Ces anthocyanidols sont très colorés (rouge-foncé à bleu)
et se retrouvent dans les fleurs.
La réduction des anthocyanidols nous ramène aux leucoanthocyanidols. Les
leucoanthocyanidols sont donc des anthocyanidols devenus blancs.
La voie de biogenèse vers les anthocyanidols est favorisée in vivo, par la lumière UV
et par des températures relativement basses. Cela permet d’expliquer la coloration très
intense des fleurs de haute montagne. Cette coloration joue certainement un rôle
attractif envers les insectes et protecteur de la plante vis-à-vis des UV.
Les premiers teinturiers de la Préhistoire et de l’Antiquité réalisaient leurs teintures
avec ces plantes à anthocyanidols.
Les hétérosides dont la génine est un anthocyanidol sont appelés anthocyanosides. En
général, on retrouve les anthocyanidols sous forme d’anthocyanosides, la liaison avec
les oses s’effectuant en position 3 (le plus souvent) ou en position 5 de la génine.
L’ose le plus fréquent est le glucose. Dans ces structures, on rencontre aussi
fréquemment des acylations par des unités C6-C3.
Le passage du flavonol à l’anthocyanidol modifie fortement la structure et donc les
propriétés physiques et chimiques des molécules.
De par la résonnance, les –OH voient leur acidité augmenter : ils deviennent des acides
faibles. Quand on augmente le pH, les protons peuvent être cédés et on obtient alors
des quinones.  En fonction du pH, la coloration de ces molécules changent fort : en
milieu acide, la coloration est rouge-orange alors qu’à pH compris entre 4 et 6, la
coloration est bleu-mauve.
Les formes hétérosidiques sont relativement stables entre pH 3 et pH 7, et les
molécules sont solubles dans l’eau. Les génines sont nettement moins stables et
insolubles dans l’eau.
Ces composés, les anthocyanidols, sont de bons colorants (notamment alimentaires) ;
en biologie, ils ont un grand intérêt, et en pharmacognosie, ce sont de bons traceurs
pour la caractérisation chromatographique des plantes ; les fleurs de coquelicot, de

164
violette et les fruits de cassis peuvent ainsi être caractérisés grâce à leurs
anthocyanidols, notamment par des CCM en milieu acide (permet de stabiliser les
molécules).

Les biflavonoïdes sont des dimères de flavonoïdes obtenus par couplage oxydatif
phénolique à partir de monomères de flavones ou de flavanones.
Ces biflavonoïdes sont plutôt caractéristiques des gymnospermes. On les retrouve par
exemple dans les principes actifs du Ginkgo biloba.

Quelques exemples de flavonoïdes

La réglisse contient de l’isoliquiritoside (chalcone) en équilibre avec le liquiritoside


(flavanone). Deux sucres sont liés en position 4 du cycle aromatique de l’unité C6-C3.
Dans la réglisse, cette isomérisation a lieu et on retrouve donc ces 2 constituants dans
la plante. L’activité intéressante de la réglisse est l’activité anti-ulcère gastrique et anti-
inflammatoire. On a montré que les flavonoïdes avaient une activité antiulcéreuse,
antimicrobienne et spasmolytique.

Le scoparoside se retrouve dans le genêt à balai. Cette plante contient des alcaloïdes
quinolysidiques. L’effet diurétique associé au genêt à balai est purement marginal.
Cette plante n’a donc plus beaucoup d’intérêt thérapeutique.

Le rutoside est un flavonol très répandu. C’est en fait un hétéroside : la génine est le
quercétol (c’est le flavonol le plus répandu) et le sucre est le rutinose.
Le rutoside était utilisé pour teindre la soie et aujourd’hui, on l’utilise pour ses
propriétés facteur P, donc pour le traitement des manifestations d’origine vasculaire :
fragilité capillaire, crise hémorroïdaire, insuffisance veineuse et lymphatique.
On associe parfois ce rutoside à la vincamine (alcaloïdes modifiant la forme des
globules rouges et améliorant l’oxygénation des organes dont le cerveau).
L’association vincamine-rutoside est parfois utilisée pour améliorer les symptômes du
déficit intellectuel.

Le cyanidol est la génine la plus répandue. Ce type de composé est utilisé comme
colorant dans l’industrie alimentaire (confitures, confiseries, boissons, ...). On les
utilise aussi pour traiter les problèmes d’origine vasculaire.

Certains biflavonoïdes sont plus rares mais sont utilisés pour leur intérêt
thérapeutique. C’est notamment le cas de ceux retrouvés dans les feuilles de Ginkgo.
Dans le Ginkgo, on trouve également des diterpènes actifs. Les flavonoïdes participent
à l’activité de la drogue car ce sont de très bons antioxydants. Ainsi, on trouve dans le
commerce beaucoup d’extraits de Ginkgo standardisés en diterpènes et en
biflavonoïdes.

Extraction et méthodes d’analyse

Intérêt chimiotaxinomique

165
L’identification des flavonoïdes dans les végétaux présente un double intérêt :
- d’un point de vue chimiotaxinomique
- en raison de leur intérêt thérapeutique.

Photo de la CCM

Tous les Equisetum présentés (9 espèces en tout) sont vendus sous forme d’extraits
« Equisetum ». Ils présentent un effet diurétique, mais il est cliniquement très faible.
La prêle est aussi reminéralisante ; en fait, elle contient du silicium organique qui
interviendrait dans le métabolisme phospho-calcique et dans la régénération des tissus
conjonctif. Mais cliniquement, on n’a pas su mettre en évidence ces effets.
C’est une drogue très populaire !
La CCM nous montre à quel point les extraits vendus sous le même nom sont
différents du point de vue composition. Cette CCM permet d’identifier les espèces
auxquelles on a affaire mais aussi de repérer les falsifications.

Les flavonoïdes nous permettent donc de déterminer, pour certains genres, l’espèce à
laquelle on a affaire.

Extraction

Les hétérosides sont solubles dans les solvants polaires (éthanol, méthanol) et
insolubles dans les solvants apolaires (éther, chloroforme, toluène).

Les génines ont des propriétés de solubilité inverses à celles décrites ci-dessus :
insolubles dans les solvants polaires (en particulièrement dans l’eau) et solubles dans
les solvants apolaires.

Les caractéristiques de solubilité dépendent également du nombre de –OH et/ou de


–OCH3 portés par le flavonoïde. Si beaucoup de –OCH3 sont présents sur la molécule,
la solubilité dans les solvants polaires diminue. Par contre, si un groupement sulfate
est présent, la solubilité dans l’eau augmente.

Les flavonoïdes (les plus oxygénés surtout) sont relativement peu stables. Ils se
dégradent facilement à la chaleur, la lumière et en milieu alcalin.
Les polyols peuvent facilement être oxydés en quinoïdes. Cette oxydation est favorisée
par les enzymes mono- ou polyphenoloxydases présentes dans les plantes. Pour
certains dérivés, le fait d’être oxydés entraîne une polymérisation oxydative.
 Quand on veut caractériser les flavonoïdes dans une plante, il faut faire attention !

Comme on a souvent des hétérosides, il faut faire une hydrolyse (classiquement en


milieu acide) pour libérer les génines. Si on est en présence de C-hétérosides, il faut,
pour les hydrolyser, ajouter des sels de Fe3+ ou de Pb car ils sont plus résistants à
l’hydrolyse que les O-hétérosides.
Si des sulfates sont présents, on les enlève avec des enzymes de type sulfatase.

 Pas de schéma général d’extraction !

166
 A voir au cas par cas !

Réactions de coloration

 Test de Shinoda
Le test de Shinoda porte également le nom de réaction à la cyanidine.
On traite les flavonoïdes par un fragment de Mg en présence d’HCl concentré. Ce sont
donc des conditions réductrices. On obtient ainsi un dérivé flavylium de type
anthocyanidol, coloré en rouge ou en violet (la coloration précise dépend des
substituants présents au départ).

 Réactif de Neu
Ce réactif est un complexe entre le diphénylborate et l’aminoéthanol.
Avec les flavonoïdes, il y a formation de diphénylborchélates de flavonoïdes. Ce
réactif est utilisé pour la révélation en CCM. La complexation avec le diphénylborate
rigidifie les flavonoïdes, ce qui augmente la fluorescence.
En fait, pour la révélation en CCM, on pulvérise le diphénylborate d’aminoéthanol,
puis un polymère (le propylène glycol) qui protège la plaque de l’oxygène et des
photodégradations oxydatives qui y sont associées.
Sur la photo de la CCM d’Equisetum, la révélation a été réalisée avec le réactif de
Neu. On constate que la fluorescence est très différente en fonction des substances.

 Chlorure ferrique
C’est un réactif classique des phénols. En fonction du pH, on a des colorations
différentes.

 Chlorure d’aluminium ou oxychlorure de zirconium


Ces réactifs permettent de complexer les flavonoïdes. En fonction du flavonoïde et de
la position de ses substituants, on a des complexes différents et donc des colorations
différentes.

A part la réaction de Shinoda, toutes les réactions présentées ci-dessus peuvent être
utilisées pour la révélation en CCM.

Spectres

Le spectre UV-visible est intéressant pour identifier des flavonoïdes. En fonction du


pH et en présence de certains réactifs comme le chlorure d’aluminium, on peut avoir
des déplacements de bande d’absorption tout à fait caractéristiques des molécules.
En fonction de la structure exacte des flavonoïdes, les déplacements des bandes sont
différents.

Dosages

Au niveau des dosages, on a des méthodes colorimétriques ou spectrophotométriques.


Suivant la plante, les schémas d’extraction et de dosage sont différents ; il y a donc
beaucoup de variations dans les méthodes.

167
Méthodes chromatographiques

- sur papier
- sur couche mince (silice, cellulose, polyamide)
- électrophorèse (si les dérivés sont chargés)
- HPLC (très souvent utilisée)
- GC pour les molécules (uniquement les génines, pas les hétérosides) qu’on
peut facilement dériver pour rendre volatiles.

La chimiotaxinomie utilise les flavonoïdes pour identifier des espèces très proches, par
exemple, les prêles.

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

Métabolisation
Tous ces dérivés subissent de profondes modifications dans l’intestin. Or, les effets
thérapeutiques ont été étudiés sur les flavonoïdes eux-mêmes (pas leurs dérivés de
métabolisation intestinale) in vitro.
Mais ce qui se passe in vitro est-il ce qui se passe in vivo ?
Seule une très petite partie des flavonoïdes ingérés est absorbée sans modifications
structurales, le reste est intensément métabolique.
 Les effets attribués aux flavonoïdes sont-ils dus aux structures initiales ou à leurs
produits de dégradation (mis en évidence dans le plasma, l’urine, ...) ???

Les voies de métabolisation sont différentes suivant que les flavonoïdes sont
hydroxylés en 3 ou non.
 Si pas de –OH en 3
C’est le cas des flavanones et des flavones. On a montré qu’il y a dégradation du cycle
central à 2 endroits. Parmi les métabolites, on a pu identifier des dérivés C6-C3, des
trihydroxybenzènes, ainsi que des produits de clivage des unités C6-C3.

 Si –OH en 3
Le clivage se fait de manière différente : entre C3 et C4 ; et on retrouve comme
métabolites des unités C6-C2 et des unités C6-C1.

Ces métabolites peuvent encore être déhydroxylés et méthylés par la flore intestinale.

 Une bonne partie des flavonoïdes est dégradée par la flore intestinale et une petite
partie est résorbée intacte. Une fois dans le foie, cette petite partie subit une
métabolisation hépatique : conjugaison avec l’acide glucuronique, méthylation,
sulfurylation, oxydation en forme quinoléique.
Si on absorbe des dimères ou des polymères, ils sont dépolymérisés dans les intestins.

Il y a donc 2 difficultés pour avoir une action des flavonoïdes :

168
I. trouver une voie d’administration où la résorption est meilleure que par la
voie orale
II. on ne parvient pas à maintenir une concentration plasmatique suffisante
pour avoir une action.
Et 2 problèmes se posent toujours quant à la démonstration de cette action :
1) l’effet est-il du aux métabolites ou aux molécules initiales ?
2) l’activité in vitro correspond-t-elle à l’activité in vivo ? Par exemple, le rutoside
présente une action antispasmodique in vitro, mais in vivo, il n’y a plus du tout
cet effet !

Activités pharmacologiques
Les flavonoïdes sont des composés très réactifs.

Au point de vue biochimique, cela se marque par une grande affinité envers les
enzymes.
 quinones qui forment des produits de condensation avec les acides aminés et les
protéines (fonctions amine et thiol).
Les flavonoïdes peuvent être métabolisés en structure de type quinones, qui vont se
lier aux protéines et ainsi inactiver des enzymes.
Dans le tableau du transparent, toutes les enzymes citées peuvent être inactivées par
les flavonoïdes ; mais en fonction de la structure du flavonoïde, on a une action
inhibitrice plus ou moins spécifique.

Les flavonoïdes ont une grande affinité pour les métaux lourds, avec lesquels ils
forment facilement des complexes, les chélates.
Cette affinité dépend de la structure des flavonoïdes. Les structures favorisant cette
affinité sont :
- Carbonyle en 4
- Hydroxyle en 3 ou 5
- Double liaison en C2-C3
- Hydroxyles libres sur les cycles A et B
Cette affinité pour les métaux lourds est à la fois une propriété générale des
flavonoïdes ET une propriété dépendant de la structure des flavonoïdes.

 Toutes les propriétés vues ne sont pas communes à tous les flavonoïdes.
Les particularités structurales influencent les propriétés.

Au sein d’une même drogue, on a des flavonoïdes de structures différentes qui


exercent différentes activités. Ces drogues manquent de spécificité thérapeutique.

Apports alimentaires
Il y a 2 types d’apports possibles : alimentaire et médicamenteux.
A part les lipides et les glucides, les flavonoïdes sont les métabolites secondaires les
plus absorbés par l’alimentation. Donc, de par notre alimentation, nous sommes
soumis aux activités biologiques potentielles des flavonoïdes. C’est le métabolite
secondaire qu’on prend en plus grande quantité dans notre alimentation quotidienne.
On ne sait pas exactement quelle quantité de flavonoïdes on ingère chaque jour.

169
Mais une étude réalisée aux USA en 1971 a permis de se faire une petite idée sur la
question : on absorberait 1 g de flavonoïdes par jour.
Une autre étude a conclu qu’on absorbe à peu près 25 mg de quercétol par jour.
Selon les habitudes culturelles et alimentaires et les aliments disponibles, la quantité
absorbée est différente ; par exemple, en Hollande, les flavonoïdes sont apportés par le
thé, les oignons et les pommes, alors qu’en France, ils sont surtout apportés par le vin
rouge (source importante de flavonoïdes).
Mais, peu importe les habitudes, tout le monde en absorbe en grande quantité.

On ne connaît pas exactement le rôle joué par les flavonoïdes au niveau de l’organisme
mais on pense que ce rôle est important. Les flavonoïdes sont donc des
phytonutriments.
Les flavonoïdes, non-indispensables à la vie, exercent une fonction plus ou moins
spécifique sur l’organisme et, par l’observation, on commence à avoir la preuve que
les flavonoïdes contribuent à maintenir les individus en bonne santé.
Quelles sont les origines de ces contributions ?
- On a montré que les flavonoïdes interviennent dans le métabolisme des
xénobiotiques lipophiles (médicaments, carcinogènes alimentaires ou
environnementaux, polluants, ...).
- On a montré sur l’animal un effet anti-carcinogène pour les chalcones.
- On a montré que certains flavonoïdes ont une activité antiproliférative vis-à-
vis des tumeurs, càd un rôle de désactivation de la carcinogenèse.
- On a montré aussi que certains flavonoïdes inhibent la transcriptase reverse
de certains virus pouvant être à l’origine de tumeurs.
- Les flavonoïdes sont des polyphénols, ils sont donc antioxydants par
neutralisation des radicaux libres, impliqués dans beaucoup de processus
pathologiques (inflammation, irradiation, hypoxie tissulaire, ...). Ce fait de
neutraliser les radicaux permet de protéger l’organisme. Cela reprend le rôle
redox (transporteurs d’électrons) des flavonoïdes qu’on retrouve dans les
végétaux. Pour que les flavonoïdes soient de bons piégeurs de radicaux,
certaines structures doivent être présentes :
o Structure dihydroxy du cycle B
o Double liaison en C2-C3 conjuguée à la fonction oxo en 4
o Hydroxyle en 3 ou 5.

Avant, on savait que les flavonoïdes étaient de bons antioxydants et on pensait que cet
effet antioxydant était responsable de toutes les activités biologiques des flavonoïdes.
On s’est rendu compte que c’était faux. Comme cela a déjà été dit plus haut, on ne sait
pas bien à quoi est dû l’effet des flavonoïdes ! De plus, on a montré que les
flavonoïdes n’augmentent pas le pouvoir antioxydant total du sérum.
Aujourd’hui, on ne sait pas très bien quoi ! En effet, il semble que les produits
d’oxydation des flavonoïdes peuvent même être des pro-oxydants !
 On a encore beaucoup de questions à propos de ces molécules !

Activité oestrogénomimétique
Les isoflavonoïdes sont aujourd’hui très vantés pour leur propriété
oestrogénomimétique. Ce sont donc des phyto-œstrogènes, au même titre que les

170
coumestanes et les lignanes. Cette propriété est liée à la distance entre les 2 –OH aux
extrémités de la molécule et à l’orientation de ces –OH. La distance et l’orientation des
–OH terminaux des isoflavonoïdes sont identiques à celles de l’œstradiol. Les
isoflavonoïdes sont donc capables de se fixer aux récepteurs aux œstrogènes.
Le diéthylstilboestrol est une molécule synthétique qui était utilisée, dans les années
’60, pour éviter les fausses couches. Cette molécule provoquait des problèmes au
niveau de l’appareil reproducteur chez les filles des mères traitées et chez les garçons
de ces filles. Elle a été prescrite dans nos pays jusqu’en 77-78, alors que sa toxicité est
connue depuis 68-69 !

On pense que la consommation d’isoflavonoïdes peut avoir une influence sur la


mortalité et la morbidité du cancer du sein. On pense que les protéines de soja,
abondamment consommées en Asie, permettent d’expliquer la faible incidence de
cancer du sein dans ces régions. Il y a en effet 45 mg d’isoflavonoïdes pour une
portion de 60 g de soja.
Donc, plus encore que les autres flavonoïdes, les isoflavonoïdes sont des
phytonutriments.

Ces observations ont mené à recommander des grosses doses d’isoflavonoïdes pour
lutter contre les troubles liés à la ménopause. Actuellement, un grand nombre de
compléments alimentaires contenant des isoflavonoïdes de soja existent sur le marché.
Pour diminuer les troubles de la ménopause, le traitement habituel est le traitement
hormonal substitutif. Celui-ci a été beaucoup étudié et est très bien connu ; des études
ont montré qu’il augmenterait l’incidence de maladies cardiovasculaires. Beaucoup de
femmes ont donc arrêté ce traitement et se sont rabattues sur les compléments
alimentaires contenant des isoflavonoïdes.
Finalement, pour l’augmentation de l’incidence des maladies cardiovasculaires, on ne
sait plus très bien quoi car les chercheurs ayant réalisé l’étude ont avoué s’être trompés
dans les statistiques.
Avec les isoflavonoïdes, on n’a aucun recul et on a montré que l’effet clinique est
complètement négligeable. On ne sait absolument pas ce que l’administration de doses
massives d’isoflavonoïdes risque d’engendrer : le rapport bénéfice/risque est
totalement inconnu !
De plus, l’effet gênant principal de la ménopause est l’ostéoporose. Or, on n’a aucune
idée de l’effet des isoflavonoïdes sur l’ostéoporose.

 Le traitement des troubles ménopausiques avec les isoflavonoïdes risque de révéler


des
effets inconnus dans les années à venir !

Stabilisation de l’acide ascorbique


Les flavonoïdes stabilisent l’acide ascorbique. Cet effet serait du à leurs propriétés
antioxydantes et complexantes vis-à-vis des métaux.

Propriétés facteur P
Il faut savoir que l’administration de flavonoïdes résulte d’un certain empirisme : on
connaît l’usage avant l’activité !

171
Les flavonoïdes auraient des propriétés facteur P.
Certains pharmacologues accordent très peu d’importance à cette propriété.
N’empêche que le Daflon, un médicament veinotrope et capillarotrope contenant des
flavonoïdes, est très vendu.
Certains cliniciens admettent des effets positifs uniquement quand la dose est
importante et l’administration prolongée.
On utilise ainsi les flavonoïdes dans diverses affections circulatoires.
Ces propriétés facteur P sont dues à l’inhibition de toute une série d’enzymes comme
les protéases, élastases et catéchol-O-méthyltransférases.
Ces propriétés consistent en une diminution de la perméabilité des capillaires et un
renforcement de la paroi capillaire.
Les indications sont les suivantes : fragilité capillaire (prévention d’accidents
hémorragiques), maladies veineuses (amélioration des troubles fonctionnels des
maladies variqueuses ou varices), problèmes d’hémorroïdes, en gynéco-obstétrique
dans les cas de métrorragie liées à certains dispositifs de stérilité, en ophtalmologie
pour l’amélioration de la circulation au niveau de la rétine.

Faibles propriétés antihypertensives


Les flavonoïdes chélatent le zinc qui est dans le centre actif de l’enzyme de conversion
de l’angiotensine. Il y a donc inhibition de cette enzyme et donc très léger effet
antihypertenseur.

Activité diurétique
Certains flavonoïdes ont une action diurétique par inhibition de l’AMP
phosphodiestérase.

Activité anxiolytique et sédative


Certains flavonoïdes tels que le chrysol et l’apigénol sont capables de se lier aux
récepteurs des benzodiazépines ; mais cette activité impliquerait aussi d’autres
neurotransmetteurs.

Inhibition de phosphodiestérases de photorécepteurs


Les photorécepteurs sont situés dans les bâtonnets rétiniens.
Cela concerne les oligomères d’anthocyanosides, qu’on retrouve dans les myrtilles et
les produits de fermentation du raisin (vin).
C’est une activité intéressante pour le traitement des myopies dégénératives et des
rétinites diabétiques.
Les anthocyanes ont une grande activité de protection des capillaires. Leur mode
d’action a été bien étudié. Parmi leurs propriétés intéressantes, on a le piégeage de
radicaux libres mais aussi l’inhibition d’enzymes protéolytiques aussi bien au niveau
de l’endothélium microvasculaire que de la matrice intravasculaire.
Ces mêmes molécules protègent les neurones contre les stress oxydatifs.

Activité hépato-protectrice
Cela concerne les flavolignanes.

172
Activité anti-ulcère gastrique
Les propriétés pouvant expliquer cette action sont :
- inhibition des COX et des lipooxygénases dans les phénomènes
inflammatoires
- inhibition de la pompe à proton
- effet antioxydant
- effet inhibiteur vis-à-vis de la croissance d’Helicobacter pylori.

Activité anti-venin d’insecte


Certains flavonoïdes sont utiles contres les piqures d’insectes car ils ont une action
anti-venin. Ils peuvent inhiber la phospholipase A2 et l’hyaluronidase, qui augmentent
la pénétration du venin dans l’organisme.

Activité antispasmodique et antiallergique


Cette activité est due à l’interférence avec l’entrée du calcium.

Certains flavonoïdes sont également antimicrobiens et cytotoxiques (propriétés plus


spécifiques). Quelques molécules ont également une activité immunomodulatrice.

Souvent, les flavonoïdes ne sont pas les principes actifs majeurs d’une drogue, mais
interviennent d’une manière ou d’une autre dans l’activité de la plante.

Toxicité
Les flavonoïdes sont particulièrement atoxiques. Aucun effet toxique n’a été observé
chez l’adulte pour des doses allant jusqu’à 1 g/jour.
Néanmoins, un effet mutagène pour les molécules courantes (flavonolol comme le
quercétol) a été montré in vitro, mais n’a jamais été constaté in vivo.

Les procyanidols

Structure

On les trouve dans les tissus végétaux lignifiés et dans les tissus végétatifs (parties
tégumentaires des fruits murissant auxquels ils communiquent leur astringence).
Ils portent d’autres noms : tanins condensés, tanins catéchiques, tanins flavaniques,
proanthocyanidols.
Quand on traite ces molécules en milieu acide (hydrolyse), on obtient des
anthocyanidols pour presque tous les anthocyanidols. On devrait donc plutôt les
appeler « polyflavonoïdes » mais « procyanidols » est le nom qui prévaut aujourd’hui.

Ces molécules dérivent des flavonoïdes par une réaction de réduction. Les
leucoanthocyanidols obtenus peuvent être réduits (-OH  -H2) ou oxydés (apparition

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d’un –OH supplémentaire) en un dérivé instable qui perd une molécule d’eau et
aromatise son cycle central.
On obtient ainsi les catéchines et les anthocyanidols qui, lorsqu’ils polymérisent,
donnent des procyanidols. La polymérisation se fait par couplage oxydatif
phénolique.
D’un point de vue chimique, les procyanidols sont donc des oligo- ou polymères de
flavan-3-ol et de flavan-3,4-diol. Dans ces oligomères, on trouve des liaisons
interflavannes, entre le C4 d’un cycle et le C8 (le plus souvent) ou le C6 d’un autre
cycle.

Dans la molécule, il y a 2 C* (C2 et C3), et donc différentes possibilités de


configuration. La plupart des procyanidols possèdent une configuration 2R et un cycle
B substitué par 2 ou 3 –OH.

 La structure biflavanne est relativement répandue dans le Règne Végétal. Un


peu comme dans le cas des tanins hydrolysables, ce sont des polyphénols
végétaux hydrosolubles.

 Leur masse moléculaire est généralement comprise entre 500 et 3000 mais
elle peut parfois dépasser 15 000 !

 Dans les tissus sénescents (bois et écorce), la polymérisation est accélérée en


présence d’oxygène et d’enzymes. Des réactions peuvent alors se passer et les
polymères deviennent très peu solubles ou même insolubles dans l’eau et sont à
l’origine de la couleur brun-rouge des écorces.

 L’hydrolyse correspond à la rupture des liaisons flavannes et à la formation de


carbocations qui peuvent repolymériser et/ou former des anthocyanidols. Dans
le végétal, il est probable que ces polymères soient associés par des liaisons
avec des polyholosides.

 La liaison flavanne est simple mais assez rigide, elle prend donc différentes
hélicités en fonction des constituants.

 Ces dérivés sont très rarement glycosylés.

 Dans certains végétaux, on retrouve des monomères associés à l’acide


gallique ; cette association forme des complexes comme les gallates de flavan-
3-ols (feuilles de thé).

Exemple de l’aubépine

Les baies, fleurs et sommités fleuries de l’aubépine contiennent 1-2 % de flavonoïdes


et 2-3 % de procyanidols.
 Le flavonoïde principal est le galactoside du quercétol (hyperoside).

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 On trouve également des C-hétérosides de flavanes comme la vitexine, et son
dérivé rhamnosidé, le vitexine-O-rhamnoside, qui est le flavonoïde principal
des fleurs.

 Des procyanidols sous forme de di- (majoritaires), tri-, tétra-, ou oligomères


sont présents. Le composé majoritaire est la procyanidine B2, qui est un dimère
classique en C4-C8 avec 2 épicatéchols. Une quantité importante de monomères
est également présente.

L’aubépine est réputée pour son action sur le myocarde, qui résulterait d’une synergie
d’action entre les flavonoïdes et les procyanidols (en fait, on ne sait pas très bien ce
qui se passe).
L’aubépine ralentit le rythme cardiaque, améliore la contraction donc l’éjection du
sang et accroît le débit de la circulation coronarienne et myocardique.

On a pu montrer qu’il y a une inhibition de la phosphodiestérase de l’AMP cyclique et


une action sur les récepteurs -adrénergiques.
Les essais cliniques ont montré que l’effet était bénéfique, existant et intéressant, avec
une toxicité tout à fait négligeable par rapport aux hétérosides cardiotoniques. Mais
aucune étude n’a été réalisée sur la toxicité chronique de l’aubépine lors d’une
administration au long cours.
Chez les insuffisants cardiaques légers, l’administration d’aubépine au long cours,
éventuellement en association avec la passiflore, améliore les symptômes subjectifs de
ce mal (essoufflement, palpitations).

!!! Il y a beaucoup d’automédication avec l’aubépine, mais cela n’est pas du tout
recommandé car la prise peut masquer une pathologie grave.
Pour le médecin, l’aubépine constitue une bonne alternative à des traitements
beaucoup plus lourds.

Méthodes d’analyse

Elles sont les mêmes que pour les tanins hydrolysables (transparent 3-4-61).

Deux réactifs spécifiques permettent de les différencier des autres tanins :


 Réactif de Stasny = formaldéhyde + HCl
Il provoque la précipitation sélective des procyanidols monomères et oligomères

 Réactif vanilline = vanilline + HCl ou H3PO4


Lorsqu’on traite des tanins hydrolysables avec ce réactif, on obtient des colorations
peu spécifiques ; avec les procyanidols, on aboutit à des colorations rouges
(mécanisme : voir transparent) : le C + dans la molécule se condense avec le C - du
cycle flavanique et il y a formation d’un dérivé conjugué coloré. Ce réactif peut être
utilisé pour la révélation en CCM.

Intérêt pharmaceutique et thérapeutique

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Métabolisation

Les procyanidols font l’objet d’une intense métabolisation intestinale.


Nous sommes capables de résorber des dimères et peut-être des trimères, mais au-
dessus, il n’y a pas de résorption.
Dans le tube digestif, les liaisons interflavannes sont rompues ; on se retrouve donc
avec des monomères qui sont attaqués par la flore intestinale. Celle-ci rompt un cycle
et on obtient de l’acide oxalacétique et du pyronone hydrogénée. Ce dernier peut être
coupé à différents niveau (on obtient des acides C6-C3 et C6-C5), avec comme
métabolite final l’acide benzoïque.
On pense que tous ces métabolites pourraient jouer un rôle dans l’action des
procyanidols (qu’on retrouve dans beaucoup de plantes alimentaires).

Activités biologiques

 Propriétés générales
Elles sont analogues aux propriétés des tanins hydrolysables MAIS la liaison
interflavanne est rigide et l’affinité pour les protéines est donc moindre.

 Propriétés antioxydantes élevées


Il y a inhibition des enzymes de dégradation de collagène, de l’élastine et de l’acide
hyaluronique (composés majeurs de la matrice extravasculaire comme le derme).
Ces molécules inhibent également les xanthine oxydases.
Elles sont amphiphiles et se distribuent donc à l’interface des membranes cellulaires ;
là, elles piègent les radicaux libres et protègent ainsi les membranes.
 Effet dermoprotecteur : on retrouve donc ces molécules dans les produits
cosmétiques.
 Effet angioprotecteur (protection de l’endothélium sanguin) : consommer des
plantes riches en procyanidols permet de prévenir certaines pathologies
cardiovasculaires.

 Effet anti-arythmogène
Pour l’aubépine.

 Inhibition modeste de l’enzyme de conversion de l’angiotensine


Il y a donc un effet antihypertenseur modeste.

 Liaisons spécifiques
Les procyanidols peuvent faire des liaisons non spécifiques avec les protéines du sang
et des reins mais aussi des liaisons spécifiques avec la peau, les parois vasculaires
(effet facteur P ?) et la muqueuse intestinale.

 Activité anti-diarrhéique
Il y a, comme avec les tanins, inhibition de la motricité intestinale.

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 Toxicité
A des doses normales, la toxicité est négligeable.
MAIS en Afrique du Sud, un grand nombre de gazelles ont été retrouvées mortes de
façon étrange.
Les autopsies n’ont pas montré de maladies mais les gazelles étaient émaciées, comme
si elles avaient manqué de nourriture. Or, cela n’est pas possible car leur
environnement était optimal. En fait, les gazelles étaient émaciées parce qu’à ce
moment-là, leur digestion était mauvaise car la production d’acides gras volatils
avaient diminué. Les gazelles ont donc commencé à cataboliser leurs propres réserves
et ont fini par mourir de faim.
Les responsables sont les acacias traumatisés qui, pour se protéger de l’appétit des
gazelles, produisent des procyanidols dans leurs feuilles. Les feuilles attrapent donc
mauvais goût et les gazelles vont voir ailleurs. MAIS dans notre cas, les gazelles
étaient dans un enclos ; elles n’ont donc pas pu aller voir ailleurs et ont du manger les
feuilles pleines de procyanidols. Ces procyanidols ont précipité les protéines ingérées
par les gazelles et ont donc grandement perturbé leur digestion.
Les acacias peuvent augmenter leur teneur en tanins de 94 % en 15 minutes et il faut
50 à 100 heures pour retrouver des taux normaux.
Cette réaction des acacias est essentiellement un phénomène de protection à l’encontre
des prédateurs. De plus, les arbres qui produisent des tanins dégagent un complexe
aromatique (phéromones) qui signale aux acacias voisins qu’il est temps d’augmenter
leur production de tanins. D’ailleurs, dans la nature, les gazelles broutent toujours dans
le sens opposé au vent.

Chez nous, le bétail qui mange des jeunes feuilles et glands présente des atteintes
rénales profondes graves et des constipations à cause des procyanidols.

Protéines

Les lectines

Elles appartiennent plutôt au métabolisme primaire mais beaucoup de protéines


présentent des effets biologiques marqués ; certaines sont édulcorantes, d’autres
allergènes ou antivirales.

On va ici parler des lectines (legere = choisir), des glycoprotéines végétales :


- formées de 2 sous-unités A et B reliées par un pont disulfure
- pas de structure d’immunoglobuline
- comportent au moins un site capable de former des liaisons réversibles avec
des mono- ou des oligosaccharides
- grande affinité pour les oligosaccharides typiques des glycoprotéines
animales.

Certaines sont capables d’agglutiner les hématies. Cette propriété est utilisée en
clinique pour étudier les groupes sanguins.

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D’autres sont capables d’activer les mitoses (effet mitogène), surtout chez les
lymphocytes ; elles ont donc un rôle dans l’immunité. Certains pensent donc que les
lectines pourraient être des adjuvants en chimiothérapie.

Pour certaines, la toxicité se manifeste par voie parentérale.


Par voie orale, on ne sait pas très bien ce qui se passe. Les seuls cas connus
d’intoxication par voie orale sont dus à la ricine.
Toutes les lectines ne sont pas toxiques mais certaines présentent une grande toxicité.
On ne sait pas quel impact ont les lectines ingérées via l’alimentation.

La ricine

C’est une lectine qu’on trouve dans la graine de Ricinus communis.


Les graines de cette plante contiennent une huile utilisée comme laxatif et dans les
moteurs d’avion/moto.
La ricine est constituée de 2 sous-unités (chaînes A et B) reliées par un pont disulfure.
La ricine est une plante dont la graine est reconnue toxique depuis l’Antiquité.
Cette molécule peut être isolée à partir du tourteau par extraction par l’eau puis
précipitation par un sel (augmentation de la force ionique). On peut ensuite filtrer la
solution puis dessécher le précipité. On obtient ainsi une poudre qui conserve les
propriétés de la ricine.
On ne trouve pas de ricine dans l’huile de ricin car cette molécule est très hydrophile :
la ricine est donc totalement insoluble dans l’huile.
La toxicité dépend de la voie d’administration.
Par voie orale (digestive), la ricine est très peu résorbée et rapidement inactivée par les
enzymes digestives. La ricine est 1000 fois moins toxique par voie orale que par voie
pulmonaire ou parentérale !
Par voie perlinguale, l’absorption est importante : si on mâchouille 2 graines de ricin,
la résorption perlinguale est telle que la dose mortelle est atteinte !
Par voie pulmonaire (inhalation), la toxicité est très grande aussi.

Les symptômes de l’intoxication sont nombreux, divers, non-spécifiques, et dépendent


de la voie d’introduction. Ils apparaissent après quelques heures puis soit s’atténuent,
soit s’aggravent (selon la dose) jusqu’à provoquer la mort en 2-3 jours.

La toxicité est due à l’inhibition des synthèses protéiques mais le mode d’action exact
n’est pas totalement élucidé. Cela se passe en différentes étapes.
La chaîne B possède les propriétés des lectines, càd qu’elle permet à la protéine de se
fixer à la surface des cellules. Ensuite, il y a endocytose et la protéine se retrouve ainsi
dans le cytoplasme. La chaîne A entre alors en jeu : cette chaîne est une enzyme
capable d’hydrolyser la sous-unité ribosomiale 28s. Il y a donc inhibition de la
synthèse protéique. Cela entraîne, dans la cellule, des désordres menant à la mort.
Il n’y a pas d’antidote !!! Tout ce qu’on peut faire, c’est un traitement symptomatique
en croisant les doigts pour que la dose ingérée ne soit pas trop élevée. Si la dose est
trop importante, le patient mourra quoi qu’il advienne !

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Cette ricine constitue donc une arme biochimique de guerre et de terrorisme idéale,
développée par les USA à la fin de la première guerre mondiale.
Ricinus communis est simple à cultiver, la ricine est une protéine très toxique, stable,
et facile à extraire et à conserver. La dose mortelle est très faible : chez la souris, elle
est de 60 ng/kg !!! De plus, on peut facilement l’aérosoliser.
Vu les risques liés au terrorisme, on essaye actuellement de développer un vaccin
contre cette protéine mais les résultats ne sont pas encore probants.

On peut aussi utiliser la ricine de manière bénéfique ; on peut fixer sur la chaîne B un
médicament, permettant ainsi à ce médicament de pénétrer dans les cellules mais il y a
un grand manque de spécificité.
Aujourd’hui, on couple la ricine avec les anticorps monoclonaux pour donner une
certaine spécificité, par exemple à l’encontre des cellules cancéreuses.

Les enzymes

Les enzymes sont des protéines.


Le tableau nous montre une classification rapide d’une série d’enzymes qu’on peut
utiliser en thérapeutique, en industrie pharmaceutique ou agro-alimentaire.
Des réactions d’hypersensibilité peuvent se manifester avec ces enzymes car certaines
ont un caractère antigénique. Donc, comme effets secondaires, des allergies sont
possibles !

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