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Etudes françaises, Semestre 5

Module « Théories de la communication »

Les modèles structurants d’un domaine en évolution

Professeur Hassan ENNASSIRI, 2022-2023

« L’objet des SIC, c’est l’étude du tissu des rapports entre êtres, signes et choses qui constituent
l’humain » P. Lévy.
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Pour introduire...

C’est une évidence que la communication ponctue sans cesse notre présent, comme elle
a structuré notre passé mais elle reste à jamais imparfaite, incomplète. Rêver donc d’une
communication transparente est un mythe pur et dur ! Même quand nous pensons
maîtriser la langue, nos messages demeurent souvent vagues, voire ambigus car il nous
est difficile d’exprimer clairement nos messages. En effet, les récepteurs ne
sélectionnent que les informations qu’ils désirent et les véritables enjeux des échanges
restent la plupart des situations, voilés.

Cela semble curieux sachant que l’homme a commencé par communiquer dès ses
premières minutes d’existence, et ce, même s’il ne disposait pas de langage verbal.

L’acte de communiquer se caractérise par sa variété et sa complexité : l’être humain


transmet ses messages précocement, subtilement et via différents canaux : l’odorat, les
gestes, les regards, la voix...

C’est grâce à ces conduites et à ces interactions que l’enfant réalise son développement
sur les plans intellectuel, affectif et social.

L’agir communicationnel se manifeste sous deux formes complémentaires :

1. La communication verbale correspond au langage via l’écriture, la voix, le langage des


signes, la prosodie, l’intonation.

2. La communication non verbale renvoie aux signes non exprimés par le langage et
souvent encore plus révélateurs de sens, gestes, silences, soupirs, regards, rires, larmes
et toutes manifestations corporelles. Dans ce sens, David LEBRETON affirme : « Le geste
est une figure de l’action, il n’est pas un accompagnement décoratif de la parole. »

I. La communication : une histoire tout en miracles

L’histoire de la communication nous apprend les grandes évolutions réalisées depuis la


nuit des temps :

➢ entre l’invention du langage et celle de l’écriture, il y a 500 000 ans


➢ entre l’écriture et l’imprimerie, puis celle du téléphone (1876) puis de la radio
(1899), il y a 5000 ans
➢ la télévision, 40 plus tard
➢ Le multimédia et les NTIC surgissent 40 ans après
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➢ L’écriture est une révolution copernicienne dans l’histoire de l’humanité.


Elle a permis de codifier les connaissances, de réaliser une certaine abstraction que
l’homme ne pouvait atteindre par l’oralité. Par ailleurs, l’écriture a permis de
transmettre au-delà du temps, des distances et des frontières, les connaissances et
les croyances, voire les vestiges des civilisations et des cultures.
➢ Le livre et la presse sont aussi des vecteurs de mutation sociale
➢ Et depuis le 16ème siècle, des transformations culturelles sont initiées par les livres.

Eu égard à ces évolutions extraordinaires, J.F. Dortier affirme à juste titre : « A Chaque
grande étape de l’histoire des communications, l’humanité semble faire un bond en avant. »

Ainsi, dès les années 50, l’explosion des médias de masse (presse, télévision, radio) a été
suivie d’autres mutations sociales importantes en matière de communication,
notamment :

- L’essor de la publicité, du marketting et de la communication politique

- L’explosion des outils de communication : téléphone fixe puis téléphone


sans fil, ensuite téléphone portable ou smartphone, et internet

- Le développement de la communication politique et de la communication


d’entreprise

- En même temps s’est produite une révolution dans les relations sociales

On notera aussi la remise en cause de l’autorité traditionnelle cédant la place à plus de


concertation, de négociation, de discussion, d’échange, plus de communication (parents
/ enfants, professeurs / élèves, maris/femmes, cadres/salariés…)

Ces mutations ont donné lieu à la naissance des sciences de l’infocom : en l’occurrence la
71 ème section du Conseil supérieur des Universités, d’un côté ; de l’autre, la formation
d’une idéologie de la « société de communication »

Ainsi, dans la foulée de ces changements, a vu le jour une utopie de la communication


qui a développé une vision idéale de la société de communication dans les années 80
dont les causes sont :

➢ Le développement des médias, de la téléphonie, des communications


interpersonnelles, de la communication d’entreprise
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➢ L’idée que la communication remet en cause les frontières spatiales, temporelles


et sociales, devient ainsi généralisée et transparente
➢ Les techniques de communication permettent une communication dépassant les
tabous, les malentendus, au-delà des secrets et amenant un processus de
démocratisation sociale

Toutefois, de vives critiques ont été opposées à cette vision idéalisée développée dans
la seconde partie du XXème siècle. A ce propos, le sociologue Philippe Breton parle
d’ « utopie de la communication » comme si elle pouvait régler les problèmes entre les
hommes de façon universelle et transparente. Lucien Sfez, parle d’une « utopie »
technicienne et déshumanisante. Erik Neveu quant à lui, parle du « mythe de la société
de communication. »

Après cette présentation générale dont le but est de fournir un cadrage général du
cours, il s’agit maintenant de rendre compte des grands modèles de communication et
des grandes références ayant tenté d’en cerner la complexité et d’en approfondir les
questions théoriques et épistémologiques.
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Au commencement, Aristote....

1. Le modèle rhétorique
Selon Aristote, la communication repose sur une forte charge émotionnelle, l'auditoire
doit être séduit ou charmé sinon il fermera la communication. Selon Aristote, c'est le
récepteur qui détermine l'objet et la fin de la communication, si l'objet ne lui convient
pas, il mettra un terme à la relation.

Le philosophe grec a établi le premier modèle de communication orale qu'il a appelé


rhétorique. Ainsi, l'art oratoire repose sur trois éléments :

l'éthos (le style que doit utiliser l’orateur pour capter l'attention de l'auditoire),
le logos (la logique, le raisonnement, l'argumentation)
et le pathos (la sensibilité de l'auditoire).
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2. Théories de la communication: les grandes références


Sciences de la communication : les grandes références

Communication Communication LINGUISTIQUE


de masse interpersonnelle

F. de Saussure
(1857-1913)
SOCIOLOGIE
1930 DES MEDIAS
ET DE LEUR K. Lewin
INFLUENCE (1890-1947)
H.D.Lasswell Dynamique des groupes
(1902 – 1978)
P.Lazarsfeld

1940 (1901-1976)
E.Katz ECOLE DE
N.Wiener
(né en 1927) PALO ALTO
(1894-1964)
R.K.Merton * Cybernétique
(né en1915) G. Bateson
1950 (1948)
(1904-1980)
R. Jakobson
C.Hovland C.E.Shannon (1896-1962)
E.T. Hall
(né en 1916) *Les Six Fonctions
(né en 1914)
*Théorie de du langage
R. Birdwhistell
l’information
(né en 1918)
(1948) J. Austin
P. Watzlawick
1960 M. McLuhan
(1911-1960)
(1911-1980) (né en 1921)
*La pragmatique
*La Galaxie D. Jackson

Gutenberg (1962) (1920-1968)

*Pour comprendre E. Goffman


SEMIOLOGIE
(1922-1982) ANALYSE DE
les médias (1964) (SCIENCE
*Les Rites CONVERSATIONS
DES SIGNES)
d’Interaction
R.Barthes
U. Eco
A. Greimas
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2.1. Conception « télégraphique » de la communication


2.1.1. Le Modèle de la théorie de l’information

Claude Shannon, mathématicien, est le père de la théorie mathématique de l’information


qui fut le modèle des sciences de la communication.

Le schéma suivant résume ce modèle :

Norbert Wiener et Claude Shannon s’intéressaient tous les deux à la transmission des
informations à travers les lignes téléphoniques.

Selon Shannon et Weaver, la communication se définit comme « le transfert d’un


message » sous forme de signal depuis une source d’information par le biais d’un
émetteur et d’un récepteur. Cette transmission peut être altérée par des parasites ou
« bruits ». Les opérations de codage et de décodage, montrent les raisons pour
lesquelles un signal est rarement identique à sa réception à ce qu’il était à sa production.

2.1.2. Le Modèle « émetteur-récepteur »

Ce modèle « émetteur-récepteur » renvoie à la métaphore du télégraphe

Un émetteur envoie un message qui est codé au départ puis transmis sur la ligne
téléphonique, à l’autre bout, le récepteur reçoit et décode l’information. En imaginant
que le message de départ subissait le moins d’altérations possibles. Mais utiliser ce
modèle amène à se poser multiples questions :
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- Quelle est l’information de départ ? Quel codage ? Quel parasitage ? Appelé aussi
« bruit », tout ce qui peut être physique ou psychologique. Quelle distorsion ? Quel
résultat ?

Ce modèle linéaire correspond mieux à notre façon de penser la communication bien


qu’il lui soit inadéquat aujourd’hui.

Or, Shannon s'est éloigné volontairement des idées de Wiener, puisque son schéma
néglige consciemment une caractéristique fondamentale pour Wiener, à savoir la notion
de rétroaction (feedback), auquel on devrait par la suite la théorie systémique de la
communication.

2.1.3. Modèle la communication à deux niveaux

Les recherches en SIC ont révélé que la communication de masses médias se situe à
deux niveaux. Le média n’agit pas directement sur le public cible. L’impact du média
passe par le biais de « leaders d’opinions » qui sont eux-mêmes des relais auprès
d’individus cibles.

Ce modèle est encore exploité en publicité, le cas de l’enfant qui relaie auprès de ses
parents tel ou tel produit en est un exemple. Les publicitaires repèrent les « leaders
d’opinions » et agissent directement sur cette cible privilégiée. Tout ceci donne
naissance au modèle « marketting » , modèle très présent et enseigné dans les écoles de
commerce et de gestion.

Dans les trois modèles précités, la communication est décrite comme « une opération à
piloter ». Les trois modèles souscrivent à la même épistémologie « positiviste »
puisqu’ils raisonnent dans une linéarité cause-effet. Bien qu’ils soient linéaires, et donc
ne rendent pas compte de la complexité de la communication humaine, ces modèles
sont encore exploités et enseignés.

Pour nous enseignants et étudiants, nous ne pouvons nous contenter de ces modèles
qui bien qu’importants, sont insuffisants pour assurer une communication de qualité. La
communication humaine ne peut se réduire à un modèle mathématique. En effet,
plusieurs facteurs échappent à cette vision télégraphique, en l’occurrence elle ne tient
pas compte de la signification des signaux, du contexte, de la culture, de l’intention de
l ’émetteur et du récepteur…
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2.2. Le modèle de Jakobson

Jakobson résume le processus de communication en 6 facteurs interdépendants


traduisant ainsi la complexité de la communication humaine. Toutefois, son modèle
semble accorder au message une attention particulière.

Selon ce modèle, l’Emetteur envoie un message à un récepteur, grâce à un code,


linguistique et gestuel, graphique… , par le biais d’un canal, auditif, visuel, tactile…, dans
un contexte donné. Bien que réducteur, ce schéma est incontournable dans les études
de communication.

Schéma de Jakobson met en surface ces facteurs :

Jakobson explique que « le destinateur envoie un message au destinataire. Pour être


opérant, le message requiert d’abord un contexte auquel il renvoie (…) contexte
saisissable par le destinataire et qui est soit verbal soit susceptible d’être verbalisé ; ensuite,
le message requiert un code commun en tout ou au moins en partie, au destinateur et au
destinataire (…) enfin, le message requiert un contact, un canal physique et une connexion
psychologique entre le destinateur et le destinataire qui leur permet d’établir et de
maintenir la communication »

Le message est une séquence de signaux transmettant l’information mise en forme par le
codage du destinateur et identifiée par le décodage opéré par le destinataire.
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Le contexte désigne « l’environnement d’une unité déterminée » et « un ensemble de


conditions sociales » auxquelles réfère le message. La communication s’établira via un
contact physique et affectif.

Jakobson pose la question du feedback dans le processus d’écoute: « Il y a sans doute


feedback entre la parole et l’écoute (…) ; tous deux sont également essentiels et doivent
être regardés comme complémentaires »

Chaque facteur correspond à une fonction que ce schéma permet de mettre en relief :
Contexte

(Fonction référentielle)

Destinateur..…………..…..……….Message……….……………Destinataire

(Fonction émotive) (Fonction poétique) (Fonction conative)

Contact

(Fonction phatique)

Code

(Fonction métalinguistique)

Selon Jakobson, chaque fonction est assumée au niveau d’un pôle composant le
schéma :

- la fonction « expressive » ou émotive, traduit les émotions

- la fonction « conative » a pour but d’agir sur le destinataire

- la fonction « phatique » vise à établir ou maintenir un contact

- la fonction « métalinguistique » consiste à réguler son propre discours

- la fonction « poétique » vise à rechercher des effets de style

- la fonction « référentielle » consiste à transmettre une information


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2.3. Modèle de Dell hymes « speaking »


Ce modèle conçoit la langue comme outil en interaction avec la réalité sociale et culturelle

Ainsi, l’outil linguistique ne se réduit pas aux règles internes de fonctionnement mais devient aussi le
lieu de normes culturelles.

C’est ce que le modèle de Hymes apporte à travers le concept de compétence de communication

Elle est la capacité d’utiliser à bon escient cette langue dans ses dimensions pragmatiques et culturelles
dans des interactions effectives.

Ce modèle SPEAKING apporte un élargissement important à celui de Jackobson, comme le montre le


schéma suivant :

2.3.1. Un schéma élargi

Ce schéma rend compte de la complexité de la situation de communication et de


l’acte de communiquer oû interviennent au-delà des différents codes, les contextes
qui jalonnent les interlocuteurs et qui influencent leur construction réciproque des
significations qu’ils élaborent ensemble. Le schéma, en reconnaissant la part de
l’intention des interlocuteurs, met en évidence aussi le rôle de la métacommunication
qui vient réguler les échanges et réajuster les compréhensions.
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2.3.2. Les 8 constituants de la situation de communication

1-Situation (Setting) : renvoyant au cadre et à la scène où communiquent les sujets


parlants.

2-Participants : référant aux destinateur et destinataire.

3-Finalité (Ends) il s’agit des objectifs intentions et des objectifs résultats

4- Actes (Actes sequences) : le contenu et la forme du message.

5-Ton (Keys) : c’est l’accent, la manière ou l’esprit dans lequel un acte est accompli.

6-Instruments (instrumentalities) : ils renvoient aux canaux et aux formes de la


parole.

7-Normes (Norms) : elles regroupent à la fois les normes d’interaction notamment les
mécanismes de régulation interactionnelles (par exemple : tours de paroles,
interruptions, chevauchement…) et les normes d’interprétation qui « impliquent le
système de croyance d’une communauté » et « supposent que les messages sont
transmis et reçus en fonction d’un système de représentation et d’habitudes
socioculturelles ».

8- Genre (Gender) : cette notion renvoie aux caractéristiques formelles reconnues et


définies traditionnellement.
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2.4. Conception orchestrale de la communication : L’école de Palo Alto

Dans les années 50, faisant opposition au modèle de Shannon jugé trop linéaire, l’école
de Palo Alto, du nom d’une petite ville de Californie située au Sud de San Francisco et
constituée principalement de Grégory Bateson, Paul Watzlawick et Erving Goffman,
propose d’envisager la communication comme un vaste système de processus
relationnels et interactionnels.

Les auteurs posent en axiome que : « toute communication présente deux aspects : le
contenu et la relation.» Une interaction ne se réduit pas à un simple transfert de contenu
mais le dépasse à l’établissement d’un lien, et donc elle répond à un enjeu relationnel.

Par ailleurs, en vue de comprendre un comportement de communication ou décoder un


message, la notion de cadre est indispensable selon ces chercheurs.

Ce groupe de chercheurs est nommé aussi « collège invisible » par Yves Winkin étant
donné que ses membres travaillaient sur des recherches pluridisciplinaires et dans divers
centres universitaires aux Etats-Unis. Issus d’horizons différents, ces chercheurs
s’accordent sur leur choix méthodologique de recherche. C’est le mélange des genres
qui a fait toute la distinction de cette école qui a renouvelé, voire révolutionné la
conception et la définiton de la communication humaine.

2.4.1. Les six principes de Cette école

a) La communication est inévitable


Les travaux du collège invisible de Palo Alto (P.Watzlavick et alii voir par exemple la
nouvelle communication, une logique de la communication) ont démontré qu’il est
impossible de ne pas communiquer et que même le refus de communiquer est une forme
de communication.

b) La communication est prévisible :


Cela signifie que la communication ne se fait pas au hasard. En effet, en observant notre
communication, nous essayons de prévoir le comportement des autres. Autrement dit,
plus nous parlons avec les autres et plus nous pouvons deviner quels seront leurs
comportements.

c) La communication est un processus dynamique sans début ni fin précis :


C’est un peu à la manière de l’histoire de l’oeuf et de la poule. Comme dit le dicton « une
poule n’est qu’une façon pour un oeuf de produire un autre oeuf ». Cela veut dire que la
communication est un processus continu et dynamique.
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d) La communication se fait généralement à deux niveaux :


IL y a le niveau du contenu (du message) et celui du comportement à déclencher. Ex : en
disant « j’ai soif » je peux signifier à la fois que j’ai soif au moment où je l’ai dit (niveau du
message) et «pouvez-vous me donner à boire » (au niveau du comportement).

e) La communication est égale ou inégale :


L’égalité en communication signifie que les interlocuteurs ont la même maîtrise du code,
le même statut socioprofessionnel, etc. Or, dans chaque communication, on essaie de
montrer une « face positive », de préserver son image en quelque sorte (Voir les travaux
de Goffman à ce sujet : les rites d’interaction, la mise en scène de la vie quotidienne), on
essaie par tous les moyens de marquer son « territoire ». Pour ce faire, on utilise le
langage (voix forte), l’espace (rapprochement par rapport au récepteur), le regard, dans
le but de dominer l’autre.

f) La communication est un partage de significations :


Comme on l’a dit plus haut, pour qu’il y ait communication, il faut que les partenaires
attribuent au message la même signification. Les mots n’ont pas de signification en eux-
mêmes, ils n’ont que le sens que nous leur attribuons.

2.4.2. Gregory Bateson l’anthropologue : Vers une théorie interactionnelle de la


communication

Bateson pose les premiers jalons d'une approche interactionnelle du comportement


appliquant les principes de la cybernétique à la communication humaine. Il Utilise ainsi
l’approche systémique, en recourant à la notion d’interaction ou de la notion de feed-
back dans le domaine des relations humaines.

Ce chercheur s’attache à décrire les conduites manifestées par les individus au cours de
leurs interactions. Il met ainsi en évidence un « système de gestes », une expression
codifiée des émotions et des affects qu’il désigne par le concept d’ « ethos », concept qui
a influencé Erwing Goffman et qu’on retrouve chez Pierre Bourdieu (habitus).

2.4.3. La double contrainte ou communication paradoxale

Bateson a développé également le concept de « double lien » ou « double contrainte »


caractérisé par une communication paradoxale. Notion qui renvoie à une contradiction
qui rend la réalisation du message impossible ou difficile.
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La double contrainte est en quelque sorte le contraire du libre choix. Selon ce chercheur
la double contrainte est organisée autour de 6 éléments :

1. Les deux personnes sont en relation forte : père/fils

2. La personne en position de pouvoir exprime deux types de messages : un


négatif/l’autre positif

3. La personne dépendante est incapable de communiquer sur sa double contrainte :


(voir l’exemple de la mère et son fils)

4. La personne en position de pouvoir ajoute une injonction ternaire négative (« Tu


ne peux pas quitter la partie », « Si tu me quittes, ça veut dire que tu ne m'aimes
pas »)

5. C'est une expérience répétée de nombreuses fois : la double contrainte s’installe


comme une habitude, un leitmotiv.

6. En fin de compte, la répétition n'est plus forcément nécessaire: Ainsi, celui qui subit
les doubles contraintes ne voit son univers qu’à travers celles-ci. Plus encore, cette
personne peut en devenir la source.

2.4.4. La métacommunication

« Méta » est un terme grec qui signifie « au-dessus de ». C’est donc l’échange qui porte
sur l’échange lui-même. Cette opération permet d’élucider les dysfonctionnements de
communication tel le malentendu. Méta communiquer, c’est communiquer à propos de
la communication. c’est donc se situer « au-dessus » de l’échange en cours pour en
déceler le dysfonctionnements éventuels.

Ex: un professeur parle à un étudiant pressé de sortir: « dois-je comprendre que vous
avez une urgence ou que le cours vous déplaît?

Il s’agit ainsi d’un processus réflexif portant sur l’acte de communiquer ou d’échanger en
vue d’en déceler les ratés, les maladresses ou les dysfonctionnements (malentendus,
incompréhensions, conflits...) dus à un ou plusieurs facteurs qui composent l’interaction.
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2.5. Paul Watzlawick, un psychothérapeute et philosophe : « On ne peut pas ne pas


communiquer »

Selon Watzlawick, même quand on refuse de communiquer, on exprime un message,


donc c’est un signe de communication. La non communication n’existe pas ! Tout en
l’être humain, communique !

Grâce à ce chercheur, il a été possible de distinguer contenu et relation. Quand on


échange, on transmet un contenu mais on exprime aussi un enjeu relationnel, un
rapport.

L’acte de communiquer comporte une double information : une portant sur le contenu
et une autre sur la façon dont le message est exprimé.

Par ailleurs, Watzlawick note que l’acte de communiquer est dépendant du


comportement des individus. En effet, le « non-comportement » n’existe pas. Même le
silence et l’inaction sont des conduites communicationnelles, la communication est donc
permanente.

Selon cette vision systémique, il ne convient pas de séparer l’individu du contexte


culturel et relationnel dans lequel il évolue. Cette conception systémique devient le
fondement même qui s’applique à la famille, à la psychiatrie ou au monde du travail, pour
comprendre les interactions et les interrelations.

2.6. Erwing Goffman le sociologue ou le maintien de la « face »

Etant ethnométhodologue, Goffman produit une œuvre qui consiste à décrire et


analyser des situations concrètes de la vie quotidienne en se fondant sur l’utilisation des
métaphores dramaturgiques. Selon lui, ce sont les rites d’interaction qui régulent et
régissent fortement la communication entre personnes.

Dans sa théorie ethnométhodologique, la présentation de soi (la mise en scène)


constitue un enjeu prépondérant à la relation. Ainsi, faire bonne figure est une fonction
essentielle de la communication. Le maintien de la « face », ou l’image positive est une
valeur que tout individu tente de présenter aux autres. (langage, postures,
habillement…)

Cette théorie conçoit le monde social comme une scène de théâtre où chacun assume
un rôle, chacun est à la fois acteur et spectateur. Dans ce cadre, Le concept de rôle et de
la distance au rôle, renvoient à une attente sociale et à des normes prédéterminées et
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morales. Goffman dit à ce propos : c’est « parce que ces normes sont innombrables et
partout présentes, que les acteurs vivent, bien plus qu’on ne pourrait le croire, dans un
univers moral… »

Le but fondamental de l’interaction sociale est de ne pas perdre la face. Lorsque l’acteur
déroge à ces règles, il commet une fausse note (exemple gaffe, impairs), ce qui peut
engendrer rupture de l’interaction et gacher la face.

En vue d’éviter cela, l’acteur recourt à des stratégies de protection comme le tact et les
échanges réparateurs. Ils permettent d’assurer une régulation à l’ordre de l’interaction,
ainsi la face des individus est protégée. Ces échanges réparateurs ritualisés, comme les
excuses, sont essentiels dans les relations interpersonnelles dans la vie professionnelle.

Comme le souligne Watzlawick, Goffman rappelle « Qu’un individu le veuille ou non […]
son corps, en présence d’autrui, ne peut pas ne pas communiquer. » Selon lui, la tenue et la
déférence sont des manifestations de cette considération réciproque (tenue, allure,
félicitations, gratification, politesse…), laquelle exprime l’Importance de l’engagement
qui s’exprime non seulement par la parole mais également par le corps tout entier à
travers les comportements, attitudes, postures, habillement, tenue.

2.7. Ray Birdwhistell : la kinésique ou le mouvement comme langage

Ayant subi l’influence de M. Mead et Sapir, les recherches de Birdwhistell se focalisent


sur la tenue du corps et la gestuelle.

Pour lui, la gestualité, le langage parlé, le toucher, l’odorat, l’espace et le temps sont des
codes de communication. Ce chercheur définit la kinésique comme « l’étude des aspects
communicatifs des mouvements corporels appris et structurés ». La gestualité renvoie à
un ensemble de règles de construction aussi élaborées que le langage. Véritable
grammaire gestuelle, le kinème a la même importance pour le geste tout comme le
phonème pour l’alphabet.

Birdwhistell conçoit ses études dans l’objectif de mettre en évidence une grammaire
généralisée du comportement qui s’inscrit dans une culture donnée, dans un contexte
donné .

On doit à ce chercheur cette notion fondamentale de prévisibilité. A cet égard,


R.Birdwhistell définit la prévisibilité en affirmant : « Etre membre, c’est être prévisible. »
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2.8. Edouard. T. Hall: la proxémie, l’espace comme langage

Même non conscient et non formulé, cet « espace informel » qui est l’espace est très
important. Il permet de voir comment les individus, dans un espace donné, se situent
entre eux et quelle en est la signification.

Hall met en évidence quatre modes de distances communicationnelles dans son ouvrage
le langage silencieux, en s’attelant à l’étude de l’espace dans la culture nord-occidentale.

- Distance intime : 0 cm à 20 com

- Distance personnelle : de 20 cm à 1,20

- Distance sociale : 1,20 à 2,40

- Distance publique : à partir de 2,40

Dans d’autres cultures, d’autres types de langages de l’espace sont structurés.


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3. L’héritage de l’école de Palo Alto

Les travaux de cette école vont donner naissance à d’autres méthodes et théories. un
grand nombre de méthodes thérapeutiques de référence comme :

3.1. la thérapie familiale

3.2. la thérapie brève

3.3. et surtout la thérapie systémique

La communication interpersonnelle :

3.4. la Programmation Neurolinguistique (PNL) (cf. Support complémentaire)

3.5. l'Analyse Transactionnelle (AT) (Cf. Support complémentaire)

La psychologie humaniste et les travaux sur la relation entre individus :

3.6. la hiérarchie des besoins de A. Maslow

3.7. la théorie de Jakobson


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Conclusion

Certes la communication est complexe, mais une bonne communication est possible si
l’on est conscient de ses enjeux, ses principes et ses contraintes.

L’on peut parvenir à développer une hygiène communicationnelle si on peut avoir une
bonne connaissance des différents modèles étudiés.

Il importe également de distinguer l’acte de communiquer et le concept de la


communication auquel s’intérressent les sciences de la communication depuis un demi
siècle

Il n’est pas admissible de confondre information et communication. Daniel Bougnoux


considère que l’information serait un contenu et la communication un contenant ou, plus
exactement, une relation.

« L’information est représentée du côté de la raison, respectant le libre arbitre de chacun,


tandis que dans la communication on se situerait plutôt du côté de la sensation, dont on
soupçonne la séduction manipulatrice. » K.P. dans Etat des savoirs.

Jean Dortier stipule que « Connaître les ressorts de la communication, ses embûches, ses
obstacles, ses enjeux invisibles- permet de mieux en jouer. »

Et Winkin renchérit : « Apprendre à voir, c’est d’abord apprendre à penser. »

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