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Chirurgie du cancer

du sein et reconstruction mammaire


Chez le même éditeur

Dans la même collection « Techniques chirurgicales – Gynécologie »


Hystérectomies, par M. Cosson, A. Wattiez, P. Collinet. 2016, 256 p.
Chirurgie des cancers gynécologiques, par D. Querleu, E. Leblanc, P. Morice, G. Ferron. 2014, 2e ed, 216 p.

Autres collections
Échographie et imagerie pelvienne en pratique gynécologique, par Y. Ardaens, J.-M. Levaillant, P. Coquel, T. Haaq. Collection Imagerie
médicale – Précis, 6e édition, 2017. Compléments en ligne.
Chirurgie plastique du sein, par J.-P. Chavoin. Collection Techniques Chirurgicales – Plastique et esthétique, 2012, 228 p.
Cancer du sein, par J.-M. Classe. Collection Pratique en gynécologie-obstétrique, 2016, 248p.
Chirurgie des cancers gynécologiques, par D. Querleu, E. Leblanc, P. Morice, G. Ferron. Collection Techniques chirurgicales, 2e édition.
2014, 216 p.
Rééducation et cancer du sein, par J.-C. Ferrandez, D. Serin. 2011, 224 p.
Maladie du sein, par H. Mignotte. Collection Pratique en gynécologie-obstétrique, 2e édition. 2011, 216 p.
Échographie du sein, par A.M. Dixon. 2009, 272 p.
Cancer du sein traité et médecine de rééducation, par S. Petiot, C. Hérisson, J. Pélissier. Collection Problèmes en médecine de réédu-
cation. 2007, 168 p.
Cancer du sein, par J.-P. Brettes, 2007, 384 p.
Imagerie diagnostique du sein, par S. Heywang-Köbrunner, I. Scheer. Collection Imagerie médicale – Précis, 2007, 2e édition, 528 p.
Techniques chirurgicales – Gynécologie
Collection dirigée par Michel Cosson

Chirurgie du cancer du sein


et reconstruction mammaire
Alfred Fitoussi
Michaël Atlan
Benoît Couturaud
Jean-François Honart
Laurent Lantieri
Nicolas Leymarie
Ali Mojallal
Benjamin Sarfati
Samuel Struk
Michaël Veber
Assaf Zeltzer

Dessins de Cyrille Martinet

2e édition
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Dessins : Cyrille Martinet

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propriété intellectuelle).

© 2010, 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-75630-6
e-ISBN : 978-2-294-75703-7

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex
www.elsevier-masson.fr
Les auteurs

Auteur Sarfati B., docteur, praticien spécialiste des centres de lutte


contre le cancer, service de chirurgie plastique et recons-
Fitoussi A., docteur, tructrice, Institut Gustave Roussy, Villejuif.
Centre du sein et de la femme, Paris V. Soffray F., docteur, gynécologue-obstétricien, chirurgie gyné-
cologique mammaire, hôpital privé Saint-Martin, Pessac.
Co-auteurs Struk S., assistant des centres de lutte contre le cancer,
service de chirurgie plastique et reconstructrice, Institut
Atlan M., maître de conférences des universités, praticien Gustave Roussy, Villejuif.
hospitalier, chef du service de chirurgie plastique recons- Tribondeau P., docteur, gynécologue-obstétricien, chirurgie
tructrice et esthétique, microchirurgie, hôpital Tenon, Paris. gynécologique mammaire, hôpital privé Saint-Martin, Pessac.
Charitansky H., docteur, gynécologue-obstétricien, service Zeltzer A., MD FCCP, chirurgien plasticien, service de
de chirurgie, Institut Bergonié, Bordeaux. ­chirurgie plastique et reconstructrice, Hôpital Universitaire
Cothier-Savey I., docteur, praticien spécialiste en chirurgie de Bruxelles (VUB), Bruxelles, Belgique.
plastique, chirurgie plastique et esthétique, Espace médi-
cal Vauban, Paris.
Couturaud B., docteur, chirurgien plasticien, service de Collaborateurs
chirurgie sénologique, Institut Curie, cabinet médical, Paris.
Boucher F., praticien hospitalier, chirurgien plastique
Ferron G., docteur, chirurgien oncologue, service de chirur- reconstructrice et esthétique, service de chirurgie plas-
gie oncologique, Institut Claudius Regaud, Toulouse. tique, hôpital de la Croix-Rousse, hospices civils de Lyon.
Honart J.-F., chirurgie sénologique et reconstruction mam- Bouteille C., docteur, gynécologue-obstétricien, chirur-
maire, Institut Gustave Roussy, Villejuif. gie gynécologique, clinique mutualiste chirurgicale,
Lantieri L., professeur des universités, praticien hospitalier, Saint-Etienne.
service de chirurgie plastique et reconstructrice et esthé- Château J., docteur, service de chirurgie plastique recons-
tique, hôpital européen Georges Pompidou, Paris. tructrice et esthétique, hôpital de la Croix-Rousse, hos-
Leymarie N., docteur, praticien spécialiste des centres de pices civils de Lyon.
lutte contre le cancer, Institut Gustave Roussy, Villejuif. Gebert L., docteur, service de chirurgie plastique recons-
Mojallal A., professeur de chirurgie plastique, esthétique et tructrice et esthétique, hôpital de la Croix-Rousse, hos-
reconstructrice, chef de service adjoint, service de chirur- pices civils de Lyon.
gie plastique, esthétique et reconstructrice, hôpital de la Haddad K., docteur service de chirurgie plastique et
Croix-Rousse, hospices civils de Lyon. reconstructrice et esthétique, hôpital européen Georges
Rimareix F., docteur, praticien spécialiste en chirurgie plas- Pompidou, Paris.
tique, service de chirurgie, Institut Gustave Roussy, Villejuif. Shipkov H., docteur, service de chirurgie plastique recons-
Veber M., docteur, chirurgien plasticien, cabinet médical, tructrice et esthétique, hôpital de la Croix-Rousse, hos-
Lyon. pices civils de Lyon.

V
Préface

La chirurgie du cancer du sein nécessite d'être précise et pas que le patient est souvent prescripteur. D'ailleurs cer-
efficace mais également esthétique et légère, si possible. taines patientes renoncent même purement et simplement
L'évolution actuelle tend vers une chirurgie moins lourde à toute reconstruction considérant celle-ci comme un trau-
avec une efficacité carcinologique au moins équivalente matisme supplémentaire insupportable.
aux techniques plus invasives. On observe une diminution La patiente choisit son chirurgien rarement par hasard. Le
des indications des mastectomies, des résections cutanées, bouche à oreille, les associations, les conseils du médecin
des amputations de la plaque aréolo-mamelonnaire et des traitant, et évidemment Internet et les forums, sont autant
curages. de moyens qui guideront la patiente vers le chirurgien
La chirurgie préventive du sein à risque s'est également qui semble lui correspondre. Une fois la patiente arrivée à
développée ces dernières années grâce aux progrès de la votre consultation, commencent alors un échange et une
génétique. La découverte de nouveaux gènes à risque de analyse amenant le plus souvent à plusieurs possibilités.
cancer du sein augmentera encore ses indications dans L'indication chirurgicale évolue au cours de la consulta-
l'avenir. Cette chirurgie de l'organe sain est particulière par tion, influencée par le ressenti du patient. Qu'est ce qui
son principe. Elle autorise la conservation de l'étui cutané est esthétique, suffisamment esthétique? Qu'est ce qui
ainsi qu'une reconstruction immédiate mais impose le lourd, trop lourd? Nos explications sont fondamentales à
sacrifice total de la glande alors qu'il peut être évité pour une bonne compréhension de la patiente même si elles
certains cancers. Ce type de chirurgie préventive a égale- sont toujours empruntes d'une part de subjectivité. Mais
ment pour conséquence une augmentation des indica- au final seul le ressenti de la patiente compte. Au terme
tions de reconstructions bilatérales. de cette consultation une méthode opératoire est le plus
La chirurgie de reconstruction du sein se doit d'être esthé- souvent proposée. La patiente prendra rendez-vous…. ou
tique par nature (en tenant compte aussi du site donneur) pas, souhaitant parfois un autre avis ou renonçant même
mais également aussi légère que possible sur les plans médi- parfois à la reconstruction. Une chirurgie de reconstruc-
cal, psychologique et social. Si ces impératifs nous guident tion mammaire réussie débute par la bonne indication
constamment lors de nos consultations et de nos interven- pour le bon patient.
tions, les choix que nous faisons restent toujours dépen- Les résultats des reconstructions nécessitent de tenir
dants des méthodes à notre disposition et également de compte des séquelles qu'elles engendrent. Un prélèvement
notre subjectivité et de notre expérience. d'un lambeau ou même de lipo-injection peuvent parfois
Les méthodes chirurgicales, notamment de reconstruction, laisser des séquelles qui grèvent le bénéfice global de la
ont beaucoup évoluées depuis cinq à dix ans, nous appor- reconstruction. Il ne faudrait jamais poser une indication
tant de nouvelles solutions plus esthétiques, plus légères ou de reconstruction sans envisager les séquelles esthétique
simplement différentes. et fonctionnelle même éventuelles. Il ne faudrait jamais
Il s'agit de raffinements techniques comme les membranes montrer un résultat de reconstruction sans montrer le site
ou les lambeaux partiels de grand dorsal, mais aussi de nou- donneur éventuel.
velles méthodes comme la lipo-injection exclusive ou de Dans le choix d'une technique, il s'agit d'éviter deux écueils :
nouveaux lambeaux libres. Ces nouvelles méthodes rem- la timidité et la témérité. Ainsi disait Hippocrate : la timidité
placent rarement les précédentes interventions mais enri- décèle l'impuissance, et la témérité l'ignorance. La connais-
chissent les choix du chirurgien et du patient. N'oublions sance et l'expérience permettent d'éviter ces écueils.

VII
Préface

Le travail remarquable d'Alfred Fitoussi répertorie l'état actuel Aussi, j'ai été extrêmement honoré qu'Alfred me demande
des méthodes à notre disposition de façon claire et didactique. de préfacer ce livre qui fera référence. J'avoue avoir moi-
Cet ouvrage permettra de servir de référence à la fois aux jeunes même sa première édition dans ma bibliothèque et m'y
chirurgiens et aux chirurgiens plus expérimentés. L'importance référer. La deuxième suivra...
de l'enrichissement de cette deuxième édition témoigne de son Dr Marc Chaouat
intention de suivre l'évolution rapide de cette chirurgie du sein. Chirurgie plastique et esthétique, Hôpital Saint-Louis, Paris

VIII
Avant-propos

La chirurgie mammaire a bénéficié d'une véritable révolu- tructions. Parallèlement sont apparues les techniques
tion depuis trente ans. Alors que la chirurgie esthétique s'est de reconstruction par lambeau abdominal publiées en
peu modifiée mis à part de certains modes dont la durée 1982 par Hartrampf qui se sont largement diffusées dans
de vie est souvent courte. Les fondements de cette chirur- le monde et adaptées aux besoins individuels. Enfin plus
gie sont restés forts depuis leurs créations. A contrario, la récemment cette technique a évolué pour sauvegarder au
chirurgie mammaire carcinologique, aussi bien d'exérèse maximum la fonction musculaire abdominale, à travers
que de reconstruction après traitement conservateur ou les lambeaux libres abdominaux, puis le DIEP voire vers
radical, n'a cessé d'évoluer et de s'adapter. d'autres lambeaux perforateurs (Fessiers, TUG, PAP).
La chirurgie d'exérèse ne se contentait plus de guérir, elle Pendant ce temps, la reconstruction mammaire par implant
devait en outre permettre de conserver une forme, un s'est également adaptée afin d'améliorer sa fiabilité et ses
volume mammaire et des cicatrices acceptables et peu résultats à court et à long terme. De nombreuses évolu-
visibles à long terme. L'emplacement des cicatrices, le tions ont permis cette amélioration : la multiplication de
comblement des défects glandulaires, puis les techniques formes, de textures et de qualité des implants, l'utilisation
de plasties mammaires ont permis d'obtenir des résec- du lambeau d'avancement abdominal, le resurfaçage par
tions plus larges avec de bonnes marges et donc plus de injection de graisse.
traitements conservateurs. Ces techniques de plasties Même les déformations secondaires au traitement conser-
mammaires «esthétiques» adaptées au cancer du sein vateur qui autrefois n'étaient pas prises en charge, se sont
ont ensuite évolué afin de permettre de traiter toutes les vues classées et traitées de façon sélective et adaptées en
localisations sans déformation majeure et avec un taux de fonction de la déformation. Le lipomodelage a ainsi permis
récidive semblable aux traitements conservateurs standard. de traiter des déformations modérées qui n'étaient jusque-
La chirurgie «oncoplastique» était née et n'allait cesser là pas prises en charge.
d'évoluer et de se standardiser jusqu'à aujourd'hui. Enfin, la problématique de prise en charge spécifique des
Certains ont même tenté d'augmenter encore le taux de patientes mutées ou à haut risque est envisagée dans
conservation mammaire en utilisant des lambeaux muscu- cet ouvrage, afin de bien orienter et de proposer le bon
locutanés en comblement de larges exérèses. Mais le risque traitement, au bon moment et ne pas être pris à défaut
de récidive locale après le sacrifice de ces lambeaux n'a pas par les chirurgies antérieures ou les retards de prise en
permis le développement en standard de cette chirurgie charge.
qui est restée ponctuelle. Au total, cet ouvrage très didactique, très terre à terre,
Pendant ce temps, la chirurgie de reconstruction n'est pas doit permettre à chacun de pouvoir améliorer sa prise en
restée en plan. En effet même si des lambeaux comme le charge et sa technique opératoire à travers des textes très
grand dorsal étaient connus depuis fort longtemps, on ne descriptifs, plus de 300 dessins et 600 clichés, mais aussi plus
pourra comparer leurs utilisations dans les années 1970–1980 de vingt-cinq films sonorisés reprenant chaque technique
et de nos jours. Le type de prélèvement, le positionnement, opératoire. Ce livre doit vous aider à bénéficier dans votre
les possibilités de reconstruction sans prothèse, voire l'aug- prise en charge journalière pour vos patientes de toutes les
mentation de volume par ré-injection de graisse purifiée techniques, des évolutions et de tous les «trucs» qui ont
ont permis de modifier et d'améliorer de façon majeure les permis depuis trente ans de révolutionner cette chirurgie
résultats esthétiques à court et à long terme de ces recons- du cancer du sein.

IX
Avant-propos

Merci à tous ceux qui ont travaillé à la réalisation de ces Cet ouvrage «pratique» permettra à chacun de s'amélio-
écrits, ces schémas, ces photos et ces films afin de rendre rer, mais aussi à améliorer les techniques qui deviennent
très simple cette chirurgie qui est devenue très vaste au fil de moins en moins invasives, avec une hospitalisation plus
des années et qui devrait continuer à s'adapter aux besoins courte (certaines en ambulatoire), et des résultats meilleurs
et à la demande très forte des patientes qui souhaitent «se et plus stables dans le temps.
reconstruire». Alfred Fitoussi

X
Table des compléments en ligne

Des vidéos sont associées à cet ouvrage, elles sont indiquées dans le texte par un picto . Pour voir ces vidéos, connectez-
vous sur http://www.em-consulte.com/e-complements/475630 et suivez les instructions.

Auteurs*: Vidéo e5.10


Oncoplastie : technique simple du sillon sous-mammaire.
A. Fitoussi
B. Couturaud
Chapitre 7
N. Leymarie Greffe de tissu adipeux
J.-F. Honart Vidéo e7.1
B. Sarfati Apports du lipomodelage.

F. Soffray Vidéo e7.2


RMI par grand dorsal autologue et lopifilling concomittant.
P. Tribondeau
M. Veber Chapitre 8
R. Wattelet La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Vidéo e8.1
Chapitre 5
Reconstruction mammaire secondaire par prothèse.
« Oncoplastie »
Vidéo e8.2
Vidéo e5.1
Traitement des expositions de prothèses par lambeau d'avancement
Oncoplastie : technique en «T» inversé à pédicule supérieur.
abdominal.
Vidéo e5.2
Oncoplastie : technique verticale pure à pédicule supérieur. Vidéo e8.3
Reconstruction mammaire immédiate par prothèse.
Vidéo e5.3
Oncoplastie : technique en «J» à pédicule supérieur. Vidéo e8.4
Reconstruction mammaire par prothèse et lambeau dermique
Vidéo e5.4
désépidermisé sans cicatrice verticale.
Oncoplastie : technique externe.
Vidéo e8.5
Vidéo e5.5
Reconstruction immédiate bilatérale par prothèse + plaque dermique.
Oncoplastie : technique péri-aréolaire ou «round block».
Vidéo e5.6 Vidéo e8.6
Oncoplastie : technique en «T» à pédicule inférieur. Reconstruction mammaire immédiate par expandeur
et lambeau d'avancement abdominal.
Vidéo e5.7
Oncoplastie : technique en «oméga». Vidéo e8.7
Reconstruction mammaire immédiate par lambeau d'avancement
Vidéo e5.8 abdominal et plaque type Tigr®.
Oncoplastie : technique interne.
Vidéo e8.8
Vidéo e5.9
Reconstruction du sillon sous-mammaire par la technique du Hamac.
Oncoplastie : pamectomie centrale.
Vidéo e8.9
Reconstruction mammaire immédiate par prothèse en «T» inversé et
* Pour la production des films. Mesh synthétique.

XIII
Table des compléments en ligne

Chapitre 9 Chapitre 15
Reconstruction par lambeau de grand dorsal Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire
Vidéo e9.1 Vidéo e15.1
Reconstruction mammaire secondaire par lambeau du grand dorsal et Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire (PAM).
prothèse.
Vidéo e9.2 Chapitre 17
Reconstruction mammaire secondaire par lambeau partiel de grand Séquelles esthétiques du traitement conservateur
dorsal (MSLD) pas à pas. et de la radiothérapie locale
Vidéo e9.3 Vidéo e17.1
Résultats très naturels et souples d'une reconstruction mammaire Traitement des séquelles d'irradiation du sternum par lambeau
immédiate par deux lambeaux partiels de grand dorsal (MSLD). de pectoral et lambeau de San Venero.
Vidéo e17.2
Chapitre 10 SETC de grade 4 : traitement par lambeau de grand dorsal autologue.
Reconstruction mammaire par lambeau abdominal
pédiculé Chapitre 18
Vidéo e10.1 Prise en charge des patientes à haut risque de cancer
Reconstruction mammaire secondaire par lambeau de TRAM. du sein
Vidéo e18.1
Chapitre 11 Reconstruction mammaire immédiate bilatérale prophylactique par
Les lambeaux microchirugicaux prothèses.
Vidéo e11.1
Reconstruction mammaire secondaire du lambeau de DIEP.

XIV
Abréviations

ACR American College of Radiology MSLD Muscle Sparing Latissimus Dorsi


ALV anastomose lymphaticoveineuse OSNA One Step Nucleic Acid Amplification
ASC Adipose-derived Stem Cell PAL Power Assisted Liposuccion
CE conformité européenne (marquage) PAM plaque aérolo-mamelonnaire
CIC carcinome intracanalaire PAP Profonda Artery Perforator
CMI chaîne mammaire interne RMI reconstruction mammaire immédiate
DIEP Deep Inferior Epigastric Perforator RMS reconstruction mammaire secondaire
DIEAP Deep Inferior Epigastric Artery Perforator SETC séquelle esthétique du traitement
HAS Haute Autorité de santé conservateur
HBPM héparine de bas poids moléculaire SFV Stromal Vascular Fraction
ICG indocyanine green SGAP Superior Gluteal Artery Perforator
IGAP Inferior Gluteal Epigastric Artery Perforator SIEA Superificial Inferior Epigastric Artery perforator
IMC indice de masse corporelle SSM sillon sous-mammaire
IRM imagerie par résonance magnétique TA tissu adipeux
LAA lambeau d’avancement abdominal TDAP Thoracodorsal Artery Perforator
LAP Lumbar Artery Perforator TFL tenseur du fascia lata
LATA lambeau d’avancement thoraco-abdominal TMG Transverse Musculocutaneous Gracilis
LMC lambeau musculocutané TMG transfert microvascularisé de ganglions
lm lumen TRAM Transverse Rectus Abdominis Muscle
LSG lymphoscintigraphie TUG Transverse Upper Gracilis

XV
Chapitre 1
Anatomie
B. Couturaud, A. Fitoussi

PLAN DU C HAPITRE
La glande mammaire 2
L'aisselle 5
Le muscle grand dorsal 6
Le muscle droit de l'abdomen 8

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Outre celle du sein et de l'aisselle, l'anatomie du muscle Réseau


sous-dermique
grand dorsal et du muscle droit de l'abdomen (ancienne-
Plan cutané
ment «grand droit»), pourvoyeurs de lambeaux musculo-
cutanés, sont rappelées.

La glande mammaire
Le sein est une glande exocrine d'origine ectodermique. Il Crêtes
de Duret
présente une quinzaine de canaux galactophores qui dis-
tribuent autant de lobes (eux-mêmes multilobulés) et qui
s'abouchent indépendamment au niveau du mamelon et
de l'aréole (fig. 1.1).
Son bourgeon est enchâssé dans le fascia superficialis du
grand pectoral. Les canaux apparaissent vers le cinquième Réseau
préglandulaire

Figure 1.2
Les réseaux vasculaires sous-dermique et préglandulaire
Artère axillaire communiquent par l'intermédiaire des crêtes de Duret.
Dessin : Cyrille Martinet.

Veine axillaire
mois intra-utérin puis, après la naissance, ce bourgeon se
Ganglion de Rotter modifie peu jusqu'à la puberté. Il se développe ensuite jusqu'à
atteindre sa taille définitive. Des modifications auront encore
Muscle lieu pendant la grossesse et éventuellement la lactation.
petit pectoral
Cette glande est également composée de graisse en
quantité plus ou moins importante en fonction de l'âge, du
Muscle
grand pectoral statut hormonal et de la morphologie, ce qui explique la
densité du sein tant au toucher que sur les mammographies.
Elle se positionne au niveau du thorax, en avant du
Graisse
muscle grand pectoral. Sa base s'étend du bord inférieur de
la deuxième côte jusqu'au sixième cartilage costal et, trans-
versalement, du bord externe du sternum à la ligne axillaire
antérieure. Ses limites, sa forme et son volume sont, cepen-
dant, variables d'un sujet à l'autre. Elle comporte à son som-
met la plaque aérolo-mamelonnaire (PAM), composée de
l'aréole et du mamelon.
Muscle
intercostal Canal La glande mammaire est attachée à la paroi thora-
galactophore cique, sur le muscle grand pectoral, par la bourse séreuse
de Chassaignac qui procure un espace de glissement qui
Lobe facilite la dissection. L'enveloppe cutanée du sein est consti-
multilobulé
tuée d'une peau fine qui entretient des rapports étroits
avec la glande en profondeur par l'intermédiaire des crêtes
de Duret1 (fig. 1.2). Ce plan est un espace virtuel que l'on
s'attache à disséquer lors d'une mammectomie. Cette dis-
section ne doit pas être trop profonde pour ne pas laisser

Figure 1.1
Paroi thoracique et glande mammaire : coupe sagittale. 1. «Crêtes fibreuses de la glande mammaire» selon la nouvelle
Dessin : Cyrille Martinet. nomenclature.

2
1. Anatomie

trop de glande et ne pas léser le réseau vasculaire préglan-


dulaire, ni trop superficielle pour épargner le derme et ses Vaisseaux
acromio
plexus vasculaires. thoraciques
Une seule zone adhère vraiment à la glande mammaire,
c'est la plaque aréolo-mamelonnaire, car il n'y a pas de tissu
graisseux dans sa partie la plus centrale.
Ces deux espaces (bourse séreuse et espace virtuel
des crêtes de Duret) sont peu vascularisés ; on imagine
Artère
donc l'intérêt chirurgical qui permet de libérer complè- thoracique
tement une zone de la glande mammaire et qui facilite interne
le remodelage de celle-ci après l'ablation d'une zone
glandulaire.
Artère
Les rapports anatomiques en surface se font avec la peau thoracique
et en profondeur avec les muscles grand et petit pectoraux. latérale Perforantes
Plus en profondeur et, surtout, à la partie inférieure, le sein mammaires
Branche internes
est en rapport avec les côtes et les muscles intercostaux
cutanée
expliquant le risque de brèche pleurale en cas de dissection latérale
trop profonde. intercostale

Vascularisation
La vascularisation de la glande mammaire repose sur un
réseau rétroglandulaire et un réseau antérieur. Celui-ci est Figure 1.3
composé d'un réseau sous-dermique (plus dense à proxi- Vascularisation de la glande mammaire.
Dessin : Cyrille Martinet.
mité de la plaque aréolo-mamelonnaire) et d'un réseau pré-
glandulaire (à la surface de la glande), qui communiquent
par l'intermédiaire des crêtes de Duret (fig. 1.2). Un réseau Les variations anatomiques sont nombreuses et
anastomotique intraglandulaire assure la distribution du fréquentes.
réseau antérieur. Chaque pédicule peut assurer à lui seul la vascularisation.
Deux pédicules principaux et trois pédicules accessoires Outre la conservation du réseau antérieur, la chirurgie conser-
assurent l'alimentation du sein (fig. 1.3). Les deux pédicules vatrice impose le respect d'au moins un de ces pédicules.
principaux sont : La vascularisation de la plaque aréolo-mamelonnaire
● les branches de l'artère thoracique latérale (ancienne- repose sur un réseau profond (le long des canaux galacto-
ment artère mammaire externe, qui est issue de l'artère phores) et un réseau sous-dermique (de disposition radiaire
axillaire), entrant par le quadrant supéro-externe ; ou annulaire) qui définit le cercle péri-aréolaire. On peut :
● les branches perforantes des deuxième, troisième et ● soit réaliser une incision circonférentielle : l'aréole est
quatrième intercostaux issues de l'artère thoracique interne alors vascularisée par le réseau profond ;
(auparavant dénommée artère mammaire interne, nais- ● soit décoller la plaque aréolo-mamelonnaire par une
sant de l'artère subclavière), irriguant un large quadrant incision hémi-circonférentielle qui préserve le réseau
supéro-interne. sous-dermique.
Les trois pédicules accessoires sont :
● supérieur : branches de l'artère acromiothoracique ; Drainage lymphatique
● inféro-externe : branches latérales cutanées des artères
intercostales postérieures (du troisième au cinquième Le drainage mammaire est constitué :
espace intercostal principalement) ; ● d'un riche réseau cutané dans la couche profonde du
● inféro-interne : branches perforantes inférieures de faible derme ;
calibre de l'artère thoracique interne. ● d'un réseau glandulaire profond associé aux lobes ;
En outre, des rameaux grêles émergeant des artères inter- ● d'un réseau péri-aréolaire (cercle de Sappey [1]) aux
costales antérieures (issues de l'artère thoracique interne) tubules de plus gros calibre et valvulés, sur lequel repose
irriguent la glande mammaire par sa base. l'anastomose entre les deux premiers réseaux.
3
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Du cercle péri-aréolaire partent quatre canaux collec- formant continuum au sein de la graisse du creux
teurs qui se dirigent vers l'aisselle, principalement vers axillaire, ne sont pas individualisables cliniquement :
le groupe ganglionnaire thoracique latéral. La lymphe les classiques trois étages ganglionnaires de Berg [2]
de la partie médiale est drainée vers la chaîne paraster- (le niveau I en dessous du petit pectoral, le niveau II
nale (ou chaîne ganglionnaire mammaire interne). Une en arrière, le niveau III au-dessus du tendon du petit
voie lymphatique supérieure inconstante est parfois pectoral ; fig. 1.4) gardent toute leur valeur pour le
décrite, qui va directement vers les ganglions de la fosse chirurgien.
supraclaviculaire majeure (son envahissement garde Les ganglions axillaires et parasternaux se jettent dans
valeur de métastase). des ganglions de second niveau supraclaviculaires.
Les ganglions lymphatiques du sein convergent donc L'espace interpectoral (entre les muscles grand pecto-
vers deux groupes essentiels : les ganglions axillaires et les ral et petit pectoral) est le siège des ganglions de Rotter
ganglions parasternaux. (fig. 1.1), répartis le long des branches pectorales des vais-
Les ganglions parasternaux sont situés au niveau des seaux thoracoacromiaux.
trois premiers espaces intercostaux en arrière des carti-
lages costaux et des muscles intercostaux et en avant de Innervation
la plèvre.
Les ganglions axillaires sont répartis en cinq L'innervation sensitive du sein provient de deux réseaux
groupes : axillaires pectoraux (ou thoraciques laté- principaux (fig. 1.5), qui sont les rameaux perforants cuta-
raux, le long de l'artère thoracique latérale), axillaires nés latéraux et antérieurs des deuxième au septième nerfs
postérieurs (ou subscapulaires), axillaires latéraux intercostaux. Les branches inférieures du plexus cervical
(ou huméraux), axillaires centraux (situés devant superficiel participent également à l'innervation de la partie
le muscle sous-scapulaire, sous la veine axillaire), haute du sein. La glande elle-même est beaucoup moins
axillaires apicaux (sous-claviculaires). Ces groupes, innervée.

Rameaux antérieurs
Niveau III du nerf supraclaviculaire
Niveau II
Niveau I (issu du plexus cervical superficiel)

Ganglions
mammaires
internes

Perforants
intercostaux
(rameaux cutanés
latéraux)
Perforants
intercostaux
Figure 1.4 (rameaux antérieurs)
Les trois niveaux du curage mammaire externe (étages
ganglionnaires de Berg) et les ganglions mammaires internes Figure 1.5
(chaîne parasternale). Innervation de la glande mammaire.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

4
1. Anatomie

Segment I

Segment II

Projection PAM

Segment IV
Segment III

Figure 1.6
Le sein est divisé en quatre quadrants (supéro-externe, supéro-
interne, inféro-interne et inféro-externe), centrés sur la plaque
aréolo-mamelonnaire (PAM) ; le prolongement axillaire du sein Figure 1.7
est la zone frontière entre le quadrant supéro-externe et le creux
axillaire. Le sein est constitué arbitrairement des segments suivants :
Dessin : Cyrille Martinet. – segment I : il correspond à la partie thoracique antérieure
allant de la clavicule jusqu'au sillon sus-mammaire ;
– segment II : du sillon sus-mammaire au bord supérieur de la PAM ;
– segment III : du bord inférieur de la PAM au sillon
Nomenclature des quadrants sous-mammaire ;
– segment IV : du sillon sous-mammaire au rebord costal.
et segments Dessin : Cyrille Martinet.

La dénomination des différents quadrants et segments du


sein est rappelée dans les figures 1.6 et 1.7.
La base du creux axillaire est fermée par l'aponévrose
clavi-pectoro-axillaire.
L'aisselle L'aisselle comporte des éléments vasculaires et nerveux
(fig. 1.8 à 1.10) :
L'aisselle, décrite comme une pyramide à quatre faces au ● le nerf thoracique long (ou nerf de Charles Bell), qui
sommet tronqué, est limitée : descend le long du muscle dentelé antérieur : ce nerf à
● en avant par la face postérieure du grand pectoral en préserver impérativement constitue la limite interne du
superficie et par les muscles sous-clavier et petit pectoral curage ;
en profondeur ; ● les branches cutanées latérales des premier, deuxième et
● en dedans par la paroi thoracique, constituée des cinq troisième nerfs intercostaux, qui traversent l'aisselle trans-
premières côtes recouvertes par le muscle dentelé antérieur versalement pour innerver les téguments de la face interne
(anciennement grand dentelé) ; de l'aisselle et du bras ; la branche cutanée latérale du
● en arrière par le muscle sous-scapulaire et le muscle deuxième intercostal, dénommée nerf intercostobrachial,
grand dorsal ; fusionne avec le nerf cutané médial du bras ;
● en dehors par le bord antérieur du muscle grand dorsal ; ● le nerf du grand dorsal (nerf thoracodorsal), qui court
● en haut par la veine axillaire. verticalement le long du muscle sous-scapulaire ;

5
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Artère Veine Artère


Veine thoracoacromiale axillaire axillaire thoracique
(branche pectorale) supérieure
Artère
Veine céphalique thoracoacromiale

Artère
subscapulaire

Artère
circonflexe
scapulaire

Artère
thoracodorsale
Pédicule Artère
thoracodorsal thoracique
(nerf du grand latérale
dorsal, veine
et artère Figure 1.10
thoracodorsale) Branches de l'artère axillaire.
Dessin : Cyrille Martinet.
Nerf
thoracique
long
(nerf de Charles ● l'artère subscapulaire, qui accompagne le nerf du
Bell)
grand dorsal : elle se divise en une branche circonflexe
Figure 1.8 scapulaire (dans l'espace axillaire médial) et une branche
Principaux rapports du creux axillaire. thoracique qui est l'artère thoracodorsale, contribuant
Dessin : Cyrille Martinet.
à la vascularisation des parois postérieure et médiale de
la fosse axillaire. Cette branche thoracique se divise en
une branche antérieure pour le dentelé antérieur, une
Nerf
Anse des nerfs branche latérale pour le grand dorsal et une branche
pectoraux inférieure (limite inférieure du curage) descendant vers
musculocutané
Nerf ulnaire la paroi thoracique ;
Nerf médian ● la veine axillaire transversale : en dessous de l'artère axil-
Nerf cutané laire, elle est la limite supérieure du curage.
médial
du bras

Le muscle grand dorsal


Le muscle grand dorsal2 est un muscle très large, plat, pair
et symétrique situé dans la partie médiane et inférieure du
dos. Le plus large des muscles du dos, il lui donne sa forme
Nerf intercosto-brachial triangulaire.
Nerf subscapulaire
Il s'insère sur les vertèbres thoraciques et lombaires
inférieur de T7 à L5, sur le tiers postérieur de la crête iliaque et
Nerf grand dorsal sur les quatre dernières côtes. Les fibres musculaires
(nerf thoracodorsal)
convergent vers la base de l'aisselle, passent devant
Nerf thoracique long Muscle Muscle la pointe inférieure de la scapula, pouvant avoir à ce
(nerf de Charles Bell) petit grand niveau quelques adhérences musculaires. Ses fibres se
pectoral pectoral
regroupent ensuite pour former un relief musculaire
Figure 1.9
Innervation du creux axillaire.
Dessin : Cyrille Martinet. 2. Latissimus dorsi.

6
1. Anatomie

Muscle trapèze

Muscle trapèze Muscle


deltoïde

Muscle
sous-épineux

Muscle
petit rond

Muscle
Muscle
grand rond
grand dorsal

Muscle
oblique interne

Muscle grand dorsal

Muscle
oblique externe

Figure 1.11
Grand dorsal, vue de trois quarts.
Dessin : Cyrille Martinet.

épais au bord postérieur de l'aisselle avant de se ter-


miner par un tendon plat dans la coulisse bicipitale de
l'humérus (fig. 1.11 et 1.12). Figure 1.12
Les bords supérieur et antérieur de ce muscle sont libres Grand dorsal, vue arrière.
Dessin : Cyrille Martinet.
de toute insertion, ce qui rend aisé leur décollement à ce
niveau. On notera la superposition musculaire entre le bord
supérieur du grand dorsal et le bord inférieur (plus en pro-
fondeur) du muscle dentelé antérieur. Ces deux muscles notions sont importantes à prendre en compte chez les
sont libres de toute insertion à ce niveau, ce qui assure personnes ayant une réduction de mobilité. Le grand dorsal
un parfait glissement lors des mouvements de flexion du est fortement sollicité pour grimper, dans les disciplines de
tronc. Cette notion est importante à préciser pour la dis- natation et dans le ramage.
section de cette région (fig. 1.13).
Le muscle grand dorsal entretient des insertions étroites Vascularisation
avec les fibres du grand oblique en bas et en avant et avec
le grand rond en haut et en arrière. La vascularisation du muscle grand dorsal est de type V
Si l'épaule est le point mobile, le grand dorsal est rotateur selon la classification de Mathes et Nahai [3], ce qui signifie
interne, adducteur et rétropulseur du bras ; si l'humérus est que l'on peut prélever un lambeau musculaire sur son pédi-
le point fixe, le grand dorsal devient élévateur du tronc. Ces cule principal (cf. chapitre 9).
7
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 1.13
En regard de la scapula, le bord inférieur du muscle dentelé Figure 1.14
antérieur est libre de toute insertion et il est possible de passer
sous ce dernier. Vue de la bifurcation du pédicule du grand dorsal
en transillumination dans le muscle.
Crédit : Dr Veber.

Vascularisation artérielle
Le muscle grand dorsal est vascularisé par l'artère thora- Innervation
codorsale, branche de terminaison de l'artère subscapu-
laire (fig. 1.9 et 1.10) [4]. Cette artère subscapulaire est une L'innervation est assurée par le nerf du grand dorsal (nerf
branche collatérale de l'artère axillaire : elle naît à son bord thoracodorsal), issu du tronc secondaire postérieur (pro-
inférieur, descend verticalement pour bifurquer (en général venant essentiellement de la racine C7) ; il est satellite du
après 1 à 4 cm) en artère circonflexe scapulaire qui tourne pédicule vasculaire.
en arrière (destinée au muscle sous-scapulaire et la peau
des lambeaux ortho- et parascapulaires) et en artère tho-
racodorsale, qui poursuit un trajet oblique en bas et en
dehors. Cette artère va ensuite croiser le bord antérieur du Le muscle droit de l'abdomen
muscle et pénétrer quelques centimètres en arrière dans ce
Le muscle droit de l'abdomen3 est situé à la partie antérieure
dernier. Dans son trajet extramusculaire (d'une longueur
de l'abdomen. C'est un long muscle plat, pair et symétrique
variable de 6 à 16 cm), elle émet des branches collatérales
(fig. 1.15).
pour la peau de la partie basse de l'aisselle (artère cutanée
Son origine se fait par des digitations au niveau des
directe) et les muscles rond et dentelé antérieur (branche
faces externes des cinquième et sixième côtes ainsi que
thoracique). À l'intérieur du muscle, elle se divise en deux
sur le septième cartilage costal et l'appendice xiphoïde.
branches, l'une antérieure, qui suit le trajet du bord anté-
Il descend verticalement vers le bas (sa largeur étant
rieur, et l'autre postérieure oblique en bas et en arrière.
décroissante de haut en bas), entrecoupé par quatre à
Cette notion est importante à connaître car elle permet
cinq intersections tendineuses (les « inscriptions »), qui
de réaliser un lambeau de grand dorsal partiel ne prélevant
rendent le muscle très plat sur quelques millimètres de
qu'une bandelette musculaire antérieure centrée sur cette
hauteur. Le muscle droit de l'abdomen va ensuite se ter-
branche. Son trajet est vertical et se voit très bien par la face
miner en bas sur la tubérosité pubienne et la symphyse
profonde ou en transillumination (fig. 1.14).
pubienne.
C'est un fléchisseur du tronc et il participe au tonus
Retour veineux
intracavitaire de l'abdomen.
Le réseau veineux est satellite de la vascularisation artérielle.
Il est à noter qu'au sommet de l'aisselle, la veine est plus
externe et plus superficielle que l'artère. 3. Rectus abdominis, anciennement «muscle grand droit».

8
1. Anatomie

Perforantes
directes
Pédicule
épigastrique
supérieur

Vaisseaux Pédicule
épigastriques intercostaux
supérieurs
Pédicule Arcade de Douglas
Muscle épigastrique
grand droit inférieur
Figure 1.16
Muscle L'épigastrique inférieure est dominante ; elle s'anastomose
oblique à l'épigastrique supérieure à travers le muscle droit. Des
perforantes naissent directement, traversent l'aponévrose et
Vaisseaux vont vasculariser la graisse sous-ombilicale. Les plus grosses sont
épigastriques situées dans un diamètre de 5 à 8 cm autour de l'ombilic.
inférieurs Dessin : Cyrille Martinet.

interne. Elle n'est pas prédominante par rapport à l'épigas-


trique inférieure, souvent de plus gros calibre.
En bas, l'artère épigastrique inférieure profonde naît
de l'artère iliaque externe, à l'opposé de l'origine de l'ar-
tère circonflexe iliaque profonde, quelques millimètres
Figure 1.15 en arrière et au-dessus de l'arcade crurale. Elle se porte en
Vascularisation du muscle droit de l'abdomen. Incision 1 ou 2 cm dedans puis s'infléchit et monte vers l'ombilic en décri-
au-dessus de l'ombilic qui emmènent les perforantes supérieures. vant une crosse à concavité supérieure qui contourne
Dessin : Cyrille Martinet. l'orifice inguinal profond. Dans son segment oblique,
l'artère suit une direction donnée par une ligne joignant
Il est contenu dans une gaine aponévrotique résistante, le milieu de l'arcade crurale à l'ombilic. Elle monte obli-
qui naît de la réunion des aponévroses des muscles transverse quement pour croiser le bord latéral du muscle droit,
et obliques externe et interne. Les gaines aponévrotiques 3 ou 4 cm sous l'arcade de Douglas. Jusqu'à l'arcade de
s'entrecroisent au niveau de la ligne médiane pour former la Douglas, l'artère est située en arrière du fascia trans-
ligne blanche (tendue de l'appendice xiphoïde à la symphyse versalis. À partir de l'arcade, elle monte dans la gaine,
pubienne). La gaine antérieure est solide, celle postérieure en arrière du corps musculaire, jusqu'à l'ombilic où elle
plus fragile. Il existe une zone dépourvue de gaine postérieure pénètre dans le muscle et s'anastomose avec l'artère épi-
en bas jusqu'à l'arcade de Douglas (fig. 1.16). Cette zone est gastrique supérieure par l'intermédiaire de vaisseaux de
plus fine et présente une faiblesse majorée. petit calibre. Son diamètre moyen est d'environ 3,5 mm –
donc supérieur au pédicule épigastrique supérieur
utilisé pour le lambeau de TRAM pédiculé –, ce qui
Vascularisation explique le rôle dominant du pédicule épigastrique
inférieur.
Vascularisation artérielle Au niveau cutané, les perforantes du réseau profond
La vascularisation du muscle droit de l'abdomen est assurée s'anastomosent avec les artères cutanées directes. Les
par deux pédicules dominants : les vaisseaux épigastriques principales artères cutanées directes sont, en haut, l'ar-
supérieurs et les vaisseaux épigastriques inférieurs profonds tère épigastrique supérieure superficielle, en bas l'artère
(de type III selon la classification de Mathes et Nahai [3]) épigastrique inférieure superficielle (artère sous-cutanée
(fig. 1.15). abdominale) et l'artère circonflexe iliaque superficielle et,
En haut, il s'agit de l'artère épigastrique supérieure, qui latéralement, les branches à destinée cutanée des artères
est une branche terminale de division de l'artère thoracique intercostales.

9
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Le lambeau de droit de l'abdomen est vascularisé par les L'utilisation d'un lambeau pédiculé – qui permet de
perforantes transmusculaires directes issues des pédicules conserver de multiples perforantes sous-ombilicales tout
vasculaires. le long du muscle prélevé et sus-ombilicales (1 à 3 cm au
dessus en fonction de la zone de section) – permet de
Retour veineux répartir le risque de lésion de ces perforantes de retour
Le drainage veineux suit le réseau artériel en retour. Il veineux et, ainsi, de limiter le risque de nécrose totale du
s'effectue de la palette cutanéograisseuse vers les veines lambeau (cf. chapitre 10).
épigastriques supérieure et inférieure et, de façon moins
importante, vers la veine épigastrique inférieure superficielle. Innervation
Pour des raisons physiologiques, le réseau superficiel est
plus développé que le réseau profond, ce qui a poussé cer- L'innervation est segmentaire et provient des branches ter-
tains auteurs à pratiquer une anastomose veineuse com- minales des six derniers nerfs intercostaux. Elles pénètrent
plémentaire de l'épigastrique inférieure ou superficielle, la gaine du droit à son bord externe et cheminent à la face
technique dénommée «turbo-TRAM». Cette amélioration profonde du muscle.
du retour veineux était censée limiter les souffrances vas- Tous ces nerfs seront sectionnés au cours de la levée du
culaires des lambeaux de TRAM monopédiculés et donc lambeau (cf. chapitre 10).
améliorer leur fiabilité pour de gros volume.
Le retour veineux est d'abord assuré par le réseau super-
ficiel, qui n'est pas valvulé. Le sang veineux rejoint ensuite le
réseau profond au moyen de la ou des veines perforantes Références
transmusculaires disséquées. Ceci a été prouvé par les tra- [1] Sappey C. Anatomie, physiologie, pathologie des vaisseaux lympha-
vaux de Blondeel et al. [5], qui ont étudié les rapports entre tiques. Paris : Adrien Delahaye Librairie ; 1874. Éditeur.
le réseau superficiel et le réseau profond. Ils ont montré [2] Berg JW. The significance of axillary node levels in the study of
que l'injection du système veineux épigastrique superficiel breast carcinoma. Cancer 1955 ; 8(4) : 776–8.
[3] Mathes SJ, Nahai F. Clinical applications for muscle and musculocu-
entraîne une opacification du système veineux épigastrique
taneous flaps. St Louis : Mosby ; 1982.
profond, et ce de façon bilatérale. En revanche, l'injection [4] Bartlett SP, May Jr. JW, Yaremchuk MJ. The latissimus dorsi muscle :
du système veineux profond n'atteint pas le système vei- a fresh cadaver study of the primary neurovascular pedicle. Plast
neux superficiel, mais le réseau profond veineux controlaté- Reconstr Surg 1981 ; 67(5) : 631–6.
ral. On l'explique par la présence de valvules au niveau des [5] Blondeel PN, Arnstein M, Verstraete K, Depuydt K, Van
Landuyt KH, Monstrey SJ, et al. Venous congestion and blood
perforantes veineuses. La circulation veineuse se fait donc flow in free transverse rectus abdominis myocutaneous and
du réseau veineux épigastrique superficiel vers l'axe veineux deep inferior epigastric perforator flaps. Plast Reconstr Surg
profond par les perforantes veineuses. 2000 ; 106(6) : 1295–9.

10
Chapitre 2
Chirurgie d'exérèse simple
des tumeurs du sein :
les tumorectomies
A. Fitoussi4

PLAN DU C HAPITRE
Installation et matériel 12
Dessins préopératoires 12
Incisions 12
Abord du massif glandulaire 14
Lambeaux glandulaires 16
Intervention en fonction
du type de la lésion 16
Conclusion 17
4. Avec la collaboration pour l'édition précédente de F. Laki.

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Installation et matériel ● l'intérêt esthétique évident.


Elle présente toutefois quelques inconvénients :
Les patientes sont installées sur une table opératoire en décu- ● longueur limitée de l'incision : de 3 à 8 cm selon la taille
bitus dorsal, le plus souvent bras écartés. Toutes les zones de l'aréole ;
d'appui doivent être protégées, en particulier les bras qui ● nécessité fréquente de décollements importants lorsque
sont enveloppés dans des plaques de gel. La tête est fixée et, les lésions sont à distance ;
si on peut, la position assise doit être possible avec, au mieux, ● hémostase rendue plus difficile en raison de ce trajet en
une table électrique. Cette installation peut permettre de «baïonnette» ;
mieux visualiser des éventuels défects ou tractions entraînés ● difficultés à extraire des lésions volumineuses ;
par l'intervention. Dès que cela est nécessaire, on mettra les ● remodelage glandulaire plus délicat (surtout pour les
deux seins dans le champ opératoire afin de pouvoir appré- seins peu glandulaires).
cier la forme du sein pendant le remodelage glandulaire.
Une boîte standard sera utilisée ; on pourra y ajouter L'incision péri-aréolaire demeure la meilleure voie
quelques instruments utiles : d'abord lorsqu'elle est réalisable.
● des écarteurs de Farabeuf court et profond, et écarteur
de Hartmann ;
● des crochets, unique ou double ; Incisions trans-aréolaires
● une pince de Museux délicate et une pince en cœur ;
● des ciseaux de Mayo, mousses et des ciseaux à peau ; Les incisions trans-aréolaires sont moins utilisées car,
● des pinces de Kocher, Christophe, Bengoléa ; traversant les canaux, elles entraînent beaucoup plus de
● des pinces d'Adson à griffes, des pinces à disséquer et des saignement.
pinces de DeBakey longues.
Incisions dans le sillon sous-mammaire
Dessins préopératoires Les incisions dans le sillon sous-mammaire (SSM) pré-
sentent de nombreux avantages :
Les dessins préopératoires sont systématiquement effec- ● accès facile, après décollement de la glande mammaire
tués avant l'intervention, la patiente étant debout, sur un du plan pectoral, à toute la face profonde de la glande, sur-
sein soumis à la pesanteur, à l'aide d'un marqueur indélébile tout dans les quadrants inférieurs ;
(qui reste visible après badigeonnage). ● longueur de la cicatrice non limitée ;
● bonne visibilité ;
Incisions ● pas de traversée de tout le massif glandulaire, ce qui
limite le saignement ;
De multiples incisions ont été décrites ; elles ne sont pas ● remodelage relativement facile, surtout pour les seins
toutes utiles. Insistons sur les principales. difficiles de petit volume ;
● cicatrice relativement esthétique en cas de ptose.
Elles peuvent être très utiles pour des lésions profondes
Incisions péri-aréolaires proches du pectoral, surtout pour les petits seins, afin d'évi-
Cette voie d'abord, à privilégier quand cela est possible, pré- ter un remodelage glandulaire très difficile dans ce cas.
sente de multiples avantages : Ces incisions ont aussi des inconvénients :
● le peu de visibilité de la cicatrice ; ● parfois inesthétiques, car épaisses, surtout sur les seins
● l'accès possible à tous les quadrants en tournant autour non ptosés ;
de l'aréole ; ● pouvant poser un problème en cas de reprise pour
● la cicatrice qui entre dans la zone de prélèvement de la mammectomie ;
mammectomie si nécessaire ; ● à risque de lymphocèle accru ;
● l'utilisation possible des techniques d'oncoplastie si ● avec cicatrice dans la zone de pression du soutien-gorge.
nécessaire ;
● la possibilité d'agrandir la voie d'abord par un trait de On doit éviter les 2 ou 3 cm les plus internes et externes,
refend central ou distal de 1 à 2 cm ; très visibles.
● le faible risque de cicatrice chéloïde ;
12
2. Chirurgie d'exérèse simple des tumeurs du sein : les tumorectomies

Incisions radiaires
Les incisions arciformes sont donc à éviter au maximum
Il s'agit de l'incision la plus simple à réaliser et, souvent, la si possible, en raison de l'aspect disgracieux des cica-
plus proche de la zone à traiter. Elles sont fréquemment trices et du fort risque de déformation du sein après
utilisées afin de simplifier l'acte opératoire. Il faut éviter de radiothérapie.
se rapprocher trop de l'aréole.
L'incision radiaire présente de nombreux avantages :
● accès direct sur la tumeur ;
● longueur de la cicatrice non limitée et bonne visibilité ; Cicatrices axillaires
● hémostase très facile car en regard ; Les cicatrices axillaires présentent des avantages, surtout
● remodelage facile car direct ; pour les lésions très externes, voire du prolongement axil-
● rentrant dans le tracé de mammectomie pour les laire ou du creux axillaire :
incisions proches de l'union des quadrants internes ou ● on peut les dissimuler en incisant en arrière du bord
externes. externe du pectoral ;
Ainsi que des inconvénients : ● on peut éventuellement pratiquer un geste axillaire par
● aspect inesthétique dans certains cas, car plus visible ; la même voie d'abord.
● très inesthétique et à éviter au niveau du décolleté (de Les inconvénients sont :
11 h à 3 h sur un sein droit) ; ● l'obligation d'éviter les cicatrices rectilignes au pro-
● à éviter à l'union des quadrants inférieurs, car elle majore fit des courbes, afin de diminuer le risque de rétraction
le risque de déformation postopératoire ; postopératoire ;
● ne rentrant pas toujours dans le tracé de mammec- ● une gêne possible lors de l'abduction de l'épaule ;
tomie ; ● parfois visibles, car en dehors du soutien-gorge.
● attraction fréquente de la plaque aréolo-mamelonnaire
vers la cicatrice après radiothérapie.

Elles restent néanmoins très utiles pour des lésions


très externes et supérieures, mais son indication reste
L'incision radiaire demeure très utile pour des exérèses limitée.
larges, dans des seins graisseux, en cas de remodelage dif-
ficile, lorsque le problème esthétique importe peu.

D'autres cicatrices peuvent être décrites, mais leurs indi-


cations restent très limitées.
Incisions arciformes
Les incisions circulaires peuvent être utiles dans certains
cas d'exérèse très large sur des seins volumineux. On
essaye de limiter au maximum leur indication, car elles À retenir
présentent de nombreux inconvénients. ■
Cicatrices à éviter (fig. 2.1) :
Elles présentent des avantages d'accès : – radiaire atteignant la plaque aréolo-mamelonnaire ;
● accès direct sur la tumeur ; – radiaire supéro-interne dans le décolleté ;
● longueur de la cicatrice non limitée et bonne visibilité ; – axillaire débordant sur le sein ;
● hémostase très facile car en regard ; – circulaire surtout interne et inférieure ;
● remodelage facile car direct. – sous-mammaire trop interne.
Mais les inconvénients sont majeurs :

Cicatrices à préférer (fig. 2.2) :
– péri-aréolaire (en priorité) ;
● cicatrices très visibles, surtout au niveau du décolleté ;
– sous-mammaire pour les tumeurs profondes et
● déformation fréquente du sein après radiothérapie, avec inférieures ;
attraction de la plaque aréolo-mamelonnaire vers la cica- – axillaire courbe pour les tumeurs très hautes et
trice, surtout dans les quadrants inférieurs ; externes ;
● n'entrant pas toujours facilement dans la cicatrice de – radiaire à l'union des quadrants externes.
mammectomie en cas de reprise.
13
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Abord du massif glandulaire


La stratégie est souvent la même, quelle que soit la voie
d'abord.
On va, après l'incision cutanée, si possible péri-­
aréolaire, décoller la peau du massif glandulaire sur plu-
sieurs centimètres en périphérie de la lésion (fig. 2.3).
Autant que cela sera nécessaire pour éviter des tractions
cutanées après remodelage glandulaire. Ce décollement
va s'effectuer dans le plan des crêtes de Duret, peu vas-
cularisé. Il peut être effectué au ciseau très facilement ou
au bistouri électrique en évitant toute brûlure cutanée.
La plaque aréolo-mamelonnaire peut être décollée si
nécessaire afin d'éviter qu'elle soit attirée vers la cicatrice
après la radiothérapie.
Puis on repère la zone à prélever, on traverse
ensuite la glande mammaire à la partie inférieure ou
supérieure de cette zone d'exérèse. On décolle la glande
mammaire du plan pectoral profond, de manière aussi
étendue que nécessaire. On pourra ensuite, au moyen
d'une palpation bidigitale, mieux apprécier les limites
Figure 2.1 nécessaires afin de pratiquer une tumorectomie mono-
Cicatrices à éviter.
Dessin : Cyrille Martinet. bloc en zone saine, avec des berges de section nettes.
Cette pièce opératoire doit avoir une forme dont la fer-
meture est aisée (triangulaire, en « quartier d'orange », en
« calisson d'Aix »…) (fig. 2.4).
Une fois la «zonectomie» effectuée, on repère la lésion
par des fils le plus souvent dans les trois dimensions afin
d'éviter les erreurs d'orientation lors de l'examen anatomo-
pathologique. Une radiographie de la pièce sera pratiquée
si nécessaire, afin de confirmer l'exérèse de la lésion dans sa
totalité.
Si un geste axillaire est nécessaire, il sera le plus sou-
vent effectué par une cicatrice axillaire indépendante
(cf. chapitre 4).
On complétera le décollement prémusculaire ou
sous-cutané, si cela s'avère nécessaire. Puis le remode-
lage peut commencer par rapprochement des piliers
glandulaires qui sont suturés face à face de façon directe
(fig. 2.5).
La patiente peut alors être assise, afin de vérifier la symé-
trie et éviter les attractions cutanées possibles, corrigées en
étendant la zone de décollement. Elles peuvent être pro-
fondes ou superficielles.
En général, il n'y a pas de drainage.
Figure 2.2 La suture cutanée doit être effectuée sans tension, si pos-
Cicatrices conseillées. sible à l'aide d'un fil fin monobrin par points séparés puis
Dessin : Cyrille Martinet. surjet intradermique (fig. 2.6).

14
2. Chirurgie d'exérèse simple des tumeurs du sein : les tumorectomies

Figure 2.3 Figure 2.5


Incision péri-aréolaire et zone de décollement cutanée étendue, Fermeture des piliers glandulaires par points séparés de fil
afin de faciliter la tumorectomie et le remodelage sans traction résorbable.
cutanée. Dessin : Cyrille Martinet.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 2.4 Figure 2.6


Tumorectomie en forme de «calisson d'Aix» pour faciliter Fermeture cutanée, le plus souvent sans drainage.
le remodelage. Elle va jusqu'au plan pectoral si nécessaire. Dessin : Cyrille Martinet.
Dessin : Cyrille Martinet.

15
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Lambeaux glandulaires laire reste attaché et vascularisé par le dernier côté, attaché
à la glande. Ce lambeau doit être suffisamment large pour
Les deux éléments, peau et massif glandulaire, sont traités rester bien vascularisé – longueur inférieure à deux fois la
séparément. On décolle la glande mammaire du plan pro- largeur. L'hémostase doit être parfaite ; le drainage n'est pas
fond musculaire et du plan superficiel cutané pour que la nécessaire le plus souvent, sauf cas particuliers (patiente
zone soit totalement libre. Le décollement superficiel se fait sous anticoagulants, lambeaux multiples…). La suture glan-
dans le plan des crêtes de Duret, aux ciseaux ou au bistouri dulaire est réalisée par points séparés de fil résorbable et la
électrique sans brûler la peau. Ce décollement doit être suture cutanée par monobrin résorbable.
large et, si nécessaire, pourra intéresser la plaque aréolo-­
mamelonnaire. Une fois la zone libérée, on pourra évaluer la
lésion par toucher bidigital et faire une résection à distance, Intervention en fonction
qui peut être en regard de l'incision cutanée ou décalée. du type de la lésion
Dans certains cas, le glissement des deux piliers glandulaires
est suffisant pour effectuer une suture sans tension (fig. 2.7). Un bilan complet doit être pratiqué avant tout geste opéra-
Sinon, on pourra réaliser un lambeau glandulaire de rotation toire : mammographie, échographie, galactographie, voire
(fig. 2.8). Pour ce faire, on va libérer en dedans et en dehors la IRM et, si possible, examen histologique préopératoire
glande déjà libre en avant et en arrière. Ce lambeau glandu- (micro- ou macrobiopsie).
Un repérage préopératoire peut être nécessaire si la
lésion n'est pas palpable, on l'effectuera soit par échogra-
phie (marquage cutané), soit par radiographie (repérage
par hameçon).

Adénofibromes
Ce sont des tumeurs bénignes d'un à quelques centimètres
de diamètre. Le plus souvent, elles sont facilement clivables
du reste de la glande. L'abord est direct ou décalé ; on tra-
verse ensuite la glande pour atteindre la lésion qui est facile­
ment énucléée le plus souvent. Le remodelage est facile, car
Figure 2.7 ces lésions repoussent la glande. Après suture cutanée, un
Écorché : les deux piliers glandulaires supéro-interne et supéro- pansement simple est mis en place.
externe sont décollés des plans cutané et profond pectoral puis,
par glissement des deux côtés des piliers glandulaires, on pratique
la fermeture du massif glandulaire. Écoulements uniporiques
Dessin : Cyrille Martinet.
mamelonnaires
Ces écoulements peuvent nécessiter une exérèse en cas de
doute : il s'agit d'une «pyramidectomie». Après repérage du
canal dilaté, on y injecte un colorant bleu à l'aide d'un cathlon
très fin, puis on incise en péri-aréolaire. On repère facilement le
canal dilaté et bleu. Le canal est lié ; on exerce une traction sur
ce fil, ce qui permettra de disséquer au large l'arbre galactopho-
rique jusqu'au plan pectoral si nécessaire. La suture glandulaire
directe est facile après hémostase, suivie de la suture cutanée.

Abcès
Figure 2.8
Les abcès sont drainés chirurgicalement ou spontanément,
Lambeau de rotation glandulaire du quadrant supéro-interne
en externe puis fermeture du massif glandulaire. puis repris pour exérèse au large après avoir été refroidis,
Dessin : Cyrille Martinet. afin de limiter le risque de récidive (fréquente).
16
2. Chirurgie d'exérèse simple des tumeurs du sein : les tumorectomies

Seins accessoires le plan des crêtes de Duret, aux ciseaux ou au bistouri


électrique sans brûler la peau. Le décollement doit être
Le sein accessoire est généralement axillaire. On pratique large et, si nécessaire, pourra intéresser la plaque aréolo-­
en général une incision horizontale, avec résection cutanée mamelonnaire. La tige de l'hameçon est repérée, la zone
minime si nécessaire (excès de peau) ; puis on pratique centrée par le repérage est retirée. Une radiographie de la
l'ablation de la glande, un capitonnage et un drainage. pièce opératoire repérée est souhaitable afin d'évaluer la
qualité de l'exérèse. La suture glandulaire est menée avec
Gynécomastie ou sans lambeau de rotation, puis la suture cutanée.

Il existe deux types de gynécomastie, plus ou moins mélan-


gés : glandulaire ou graisseuse. En fonction du rapport entre
les deux types, on effectuera une exérèse chirurgicale ou Dans tous les cas, le volume mammaire est reconstruit.
une liposuccion, parfois une association des deux tech- La cicatrice sera si possible péri-aréolaire ; sinon, il faudra
niques. La liposuccion est première, suivie d'une incision éviter le quadrant supéro-interne.
Pour les lésions inférieures, il ne faudra pas hésiter,
péri-aréolaire inférieure et d'une section sous-aréolaire lais-
comme pour les lésions volumineuses, à utiliser les tech-
sant en place quelques millimètres de tissu glandulaire, afin niques d'«oncoplastie» décrites au chapitre 5.
d'éviter la nécrose de la plaque aréolo-mamelonnaire et la
fixation sur le plan profond. Une mammectomie sous-cuta-
née est réalisée. Un drainage est nécessaire après hémostase
et suture cutanée (cf. chapitre 19). Conclusion
Microcalcifications Le choix de la cicatrice, la qualité du remodelage glandu-
laire, la confection d'un lambeau glandulaire bien vascula-
Après repérage par hameçon transcutané, on pratique si risé ou le décollement de la plaque aréolo-mamelonnaire
possible une incision péri-aréolaire. s'il est nécessaire, sont les garants d'un bon résultat à long
On décolle la glande mammaire du plan profond mus- terme, après d'éventuels traitements complémentaires ; il
culaire et du plan superficiel cutané pour que la zone soit s'agit également de faciliter une mammectomie avec, éven-
totalement libre. Le décollement superficiel se fait dans tuellement, reconstruction immédiate si elle est nécessaire.

17
Chapitre 3
Chirurgie d'exérèse totale
du sein : les mammectomies
A. Fitoussi5

5. Avec la collaboration pour l'édition précédente de V. Fourchotte.

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

d c
b

Figure 3.1 Figure 3.2


Incisions possibles de la mastectomie standard. L'incision verticale ou l'incision en «T» inversé est adaptée aux
a. Horizontale. b. Verticale. c. Oblique interne. d. Oblique externe. tumeurs inférieures sur des seins très volumineux, permettant
Dessin : Cyrille Martinet. alors de diminuer l'étui cutané dans le même temps opératoire.
Dessin : Cyrille Martinet.

La mastectomie radicale classiquement réalisée dans notre est inutile et peut donner des problèmes de cicatrisation.
service est la mastectomie radicale modifiée selon Madden Il ne faudra cependant pas non plus laisser trop de peau,
(1972) [1]. Elle consiste en l'ablation totale de la glande mam- afin de ne pas laisser une sorte de sac cutané qui risque de
maire associée à un curage axillaire (étages I et II de Berg) en faciliter les lymphocèles et de se déformer après radiothé-
monobloc. Il n'est pas effectué de résection des muscles grand rapie, pouvant gêner les premiers temps de reconstruction,
pectoral et petit pectoral, ni de curage axillaire des trois étages en particulier par prothèse.
de Berg comme dans l'intervention de Halsted, décrite en Pour cela, il faut faire les dessins préopératoires sur une
1882 [2]. La mastectomie associant une résection du muscle patiente debout. Ce dessin permet de bien visualiser la base
petit pectoral avec curage des trois étages, intervention de d'insertion du sein afin de pouvoir pratiquer une mammec-
Patey décrite en 1948 [3], n'est pas classiquement réalisée. tomie complète en position allongée de la patiente et, ainsi,
Plusieurs incisions cutanées sont réalisables pour effectuer limiter les risques de récidive. L'incision est positionnée en
une mammectomie. Elles sont le plus souvent horizontales, évaluant la quantité de peau nécessaire à une bonne ferme-
biconcaves, emmenant la plaque aréolo-mamelonnaire ture cutanée (fig. 3.3).
(PAM) (fig. 3.1a). L'incision est alors de la longueur de la base On débute l'intervention par une incision cutanée sur
du sein ; elle peut être plus courte pour les seins de petit toute son épaisseur. Puis on mettra en traction la peau à
volume. Devant certaines localisations tumorales particu- l'aide de crochets ou de rétracteurs multigriffes. Le plan de la
lières, elles peuvent être effectuées en vertical (fig. 3.1b) et mammectomie passe dans l'espace des crêtes de Duret. Elle
également en oblique en dehors ou en dedans (fig. 3.1c et d). se fait au bistouri électrique ou à l'aide de ciseaux de Mayo
Dans certains cas, on pourra également effectuer des légèrement entrouverts que l'on pousse facilement dans
cicatrices en «T» inversé (fig. 3.2) : cas de grande ptose ou cet espace quasiment avasculaire (fig. 3.4). Ce décollement
de cicatrice préexistante mal positionnée. doit dépasser le tracé en pointillé de l'insertion externe de
On ne retirera pas plus de peau que nécessaire. La ferme- la base du sein. L'hémostase est réalisée au fur et à mesure
ture sous tension ne diminue pas le risque de récidive ; elle et, une fois terminé le décollement cutané, on débutera le

20
3. Chirurgie d'exérèse totale du sein : les mammectomies

Figure 3.3 Figure 3.4


L'incision cutanée horizontale emmène l'aréole et le mamelon La mastectomie peut aussi être réalisée aux ciseaux, qui passent
mais peut être économe en peau, permettant de conserver une facilement dans l'espace des crêtes de Duret sur une peau bien tendue.
grande partie de l'étui cutané si nécessaire (surtout en cas de Le geste est facile, rapide, dans un bon plan régulier ; il évite les
reconstruction immédiate). brûlures éventuelles du bistouri électrique.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

clivage à la face profonde sur le plan pectoral. Il ne sera pas courte de 5 ou 6 cm associée à une incision axillaire peut
nécessaire de peler la peau – les inconvénients sont alors être proposée afin d'éviter que la cicatrice se retrouve dans le
nombreux : accolement parfois douloureux aux plans pro- quadrant supéro-interne et dans le décolleté (fig. 3.6).
fonds, moins bonne absorption des traitements adjuvants La fermeture :
(radiothérapie), risque de souffrance cutanée et gêne pour ● en profondeur (fig. 3.7 et 3.8) : on peut afin de limiter
la reconstruction secondaire. la quantité de liquide lymphatique dans les drains ou les
On débutera le plus souvent le clivage à la face profonde lymphocèles réaliser un capitonnage de la loge. Elle se fait
à la partie supéro-interne du sein qui sera mis en traction à par suture de la face profonde du derme au muscle pec-
l'aide de pince de préhension. Cette zone est la plus facile à toral ou au fascia. On utilise souvent un fil autobloquant
décoller du plan musculaire. On ramènera progressivement (Stratafix®, Veloc®, Quill®…) en deux ou quatre surjets
le sein vers l'extérieur tout en effectuant les hémostases aller-retour avec ou sans drain. Cela permettra de laisser le
des petits vaisseaux perforants qui traversent le muscle et drain moins longtemps (24 heures le plus souvent), voire
pénètrent dans la glande au fur et à mesure. La fin de cette même sans drainage pour les petits seins. L'hospitalisation
mastectomie se fait au niveau du prolongement axillaire de sera donc réduite à 24 ou 48 heures. Dans certains cas, cette
la glande : elle doit être totale dans cette zone. On atteint intervention pourra être effectuée en ambulatoire en l'ab-
ensuite le creux axillaire et on pourra effectuer si nécessaire sence de geste axillaire extensif. L'aspect de multicapitons
un geste axillaire par la même voie d'abord. Dans certains cas type «Chesterfield» se résorbe en trois à quatre semaines.
de cicatrice de mammectomie très courte, on pourra effec- Il ­faudra prévenir la patiente de cet aspect ;
tuer le geste axillaire par une autre incision axillaire adaptée. ● en superficie : fermeture de la peau par surjet intrader-
En effet, pour les seins de petit volume et non ptosés, une mique de monofil type Monocryl®.
incision péri-aréolaire (fermée par une bourse) est parfois La pièce opératoire sera orientée et pesée. Ces données
possible (fig. 3.5). Le plus souvent, une cicatrice horizontale seront inscrites sur le compte rendu opératoire.

21
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 3.5
Mammectomie par incision péri-aréolaire.
A. Avec ablation de la PAM en per-opératoire. B. Avec fermeture de la peau par une bourse.
Dessin : Cyrille Martinet.

A B
Figure 3.6
Mammectomie par incision horizontale courte.
A. Avec ablation de la PAM en per-opératoire. B. Aspect post-opératoire avec fermeture de la peau par incision horizontale courte.
Dessin : Cyrille Martinet.

22
3. Chirurgie d'exérèse totale du sein : les mammectomies

Figure 3.7 Figure 3.8


Cloisonnement de l'espace créé par la mammectomie par Capitonnage complet de la loge par 2 surjets aller-retours,
"capitonnage" de la partie inférieure de la loge par un surjet aller- puis suture de la peau (drainage facultatif).
retour de fil anti-retour (type «Chesterfield»). Dessin : Cyrille Martinet.
Dessin : Cyrille Martinet.

Le drainage est le plus souvent effectué par deux drains


de Redon, un sous-cutané et un positionné dans le creux ■
Laisser sous la peau la graisse sous-cutanée qui facilite
axillaire. la souplesse et donc les gestes de reconstruction et
n'augmente pas le risque de récidive.

Le capitonnage permet de limiter les lymphocèles et
la durée d'hospitalisation.
À retenir ■
Orienter et peser la pièce opératoire.

En cas de mammectomie par cicatrice très courte :

Petite cicatrice possible.
geste axillaire par incision sous-axillaire.

Limiter la quantité de peau réséquée au strict
minimum.

Dessins préopératoires sur une patiente debout.

Éviter les résections cutanées trop larges, qui Références
entraînent une cicatrisation sous forte tension, et trop
longues lorsqu'elles ne sont pas nécessaires. [1] Madden JL, Kandalaft S, Bourque RA. Modified radical mastectomy.

Le clivage aux ciseaux peut faciliter le geste opératoire Ann Surg 1972 ; 175(5) : 624–34.
et éviter des souffrances cutanées par brûlure, surtout [2] Halsted WS. The result of radical operations for the cure of carci-
pour les seins volumineux et irradiés. noma of the breast. Ann Surg 1907 ; 146 : 1–19.
[3] Patey DH, Dysonb WH. Prognosis of carcinoma of breast in relation
to type of operation performed. Br J Cancer 1948 ; 2(1) : 7–13.

23
4
6

Chapitre

Chirurgie d'exérèse
des ganglions
A. Fitoussi

PLAN DU C HAPITRE
Curage axillaire 26
Ganglion sentinelle 27
Curage de la chaîne mammaire interne (CMI) 29
Drainage 29
6. Avec la collaboration pour la première édition de S. Alran.

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Pendant longtemps, le seul geste pratiqué était le curage


axillaire. Il s'agissait d'une ablation de tous les ganglions des
premier et deuxième étages du creux axillaire (cf. fig. 1.4)
entraînant des complications et des séquelles que nous
connaissons tous et qui sont loin d'être négligeables
(troubles sensitifs, douleurs résiduelles, lymphœdème du
bras…).
De nouvelles études ont permis de réduire, dans certains
cas de cancer du sein peu étendu, l'étendue de ce curage
en repérant les premiers relais ganglionnaires de la maladie.
Grâce à cette technique, dite du «ganglion sentinelle», on
a pu dans certains cas limiter ce geste axillaire au prélève-
ment de quelques ganglions et donc limiter les complica-
tions inhérentes aux prélèvements plus étendus.

Curage axillaire
Les limites anatomiques de l'aisselle ont été rappelées au
chapitre 1. Figure 4.1
L'incision est le plus souvent transversale, horizontale, Incisions axillaires possibles : horizontale (la plus utilisée),
verticale, en lazy «S».
légèrement arciforme dans un pli du creux axillaire à deux Dessin : Cyrille Martinet.
travers de doigt du sommet du creux axillaire. Elle ne
dépasse pas le bord externe palpable du grand pectoral alors «casser» l'axe de l'incision et horizontaliser la partie
pour éviter les brides cutanées disgracieuses. Elle doit rester axillaire de la cicatrice (cicatrice coudée).
à distance du sommet de l'aisselle afin d'éviter les cicatrices Le curage axillaire doit respecter le nerf du dentelé
rétractiles. antérieur, le nerf du grand dorsal et le pédicule vasculaire
Certains utilisent des incisions verticale ou incurvée (lazy qui l'accompagne et, si possible, les premier et deuxième
«S») qui longent en arrière le bord externe du muscle pec- nerfs perforants intercostaux – mais la conservation des
toral (fig. 4.1). nerfs perforants n'est pas systématique. En cas de traite-
L'incision horizontale permet un abord direct du creux ment conservateur, l'artère et la veine thoraciques laté-
axillaire après ouverture de l'aponévrose clavi-pectoro-axil- rales peuvent également être disséquées et réséquées
laire puis une dissection de la pyramide cellulograisseuse (cf. fig. 1.8 à 1.10 du chapitre 1 de rappels anatomiques).
axillaire. Cette incision serait moins pourvoyeuse de brides Le curage axillaire emporte la lame ganglionnaire située
axillaires rétractiles et est très esthétique. sous la veine axillaire et celle située entre le nerf du dentelé
Pour les tumeurs proches du sillon mammaire externe, antérieur (ou nerf thoracique long) et le pédicule vasculo-
une incision unique prolongée dans la continuité du pli nerveux du grand dorsal ; le curage emporte également le
mammaire externe est possible. tissu cellulograisseux situé en dehors du pédicule du grand
En cas de mastectomie, l'incision permet le plus souvent dorsal, sous la veine axillaire. L'espace de Rotter sera systé-
de réaliser facilement un curage axillaire même lorsqu'elle matiquement exploré et prélevé si nécessaire. Le curage se
reste en dedans de la ligne axillaire antérieure. termine systématiquement par une exploration digitale, en
En cas de traitement conservateur, une incision distincte particulier au-dessus de la veine axillaire.
sera réalisée. Elle doit rester à distance du sommet de l'ais- Selon les équipes, un drainage de type drain de Redon
selle afin d'éviter les cicatrices rétractiles. Pour les tumeurs n° 10 est placé ou non. Dans notre institution, s'il est posé,
très latérales du quadrant supéro-externe et du prolonge- il est alors laissé jusqu'à ce qu'il donne 30 à 50 mL (ou
ment axillaire, le curage peut se faire par l'incision de mas- moins). La quantité de liquide recueilli est en rapport avec
tectomie partielle. Celle-ci ne doit pas se prolonger dans le le geste opératoire, l'importance de cette dissection et,
creux axillaire car elle entraîne des cicatrices rétractiles. Si le pour certains, avec l'utilisation du bistouri électrique ou la
prolongement de la cicatrice dans le creux s'impose, il faut ­non-­utilisation de système de lymphostase (clips).
26
4. Chirurgie d'exérèse des ganglions

L'alternative est le capitonnage aponévrotique, pos-


sible uniquement avec une incision cutanée transversale.
Plusieurs techniques de capitonnage peuvent être utilisées :
fermeture simple de l'aponévrose clavipectorale, éventuel-
lement fixée au plan celluleux profond, ou fixation com-
plète aux muscles en profondeur faisant disparaître tout
espace mort – mais entraînant des douleurs et une sclérose
non négligeable du creux axillaire sans bénéfice patent.
Les questions en rapport avec la nécessité ou non du drai-
nage, sa durée, le capitonnage du creux ou non restent ouvertes.

Ganglion sentinelle
Principe
L'incision est transversale dans un pli du creux axillaire.
Elle est beaucoup plus petite (2 cm) que celle du curage
et prolongée en cas de nécessité de curage. Elle est réali- A
sée à l'aplomb du point «chaud» à la sonde de détection
de radioactivité, s'il y a une fixation à peau fermée. En cas
d'absence de fixation radioactive à peau fermée ou de tech-
nique au bleu patenté V seul, l'incision est faite à la base de
l'aisselle. L'aponévrose clavi-pectoro-axillaire est ouverte et
les ganglions sentinelles repérés puis prélevés.

Méthodes de détection et d'exérèse


du(des) ganglion(s) sentinelle(s)
axillaire(s)
Méthode colorimétrique B
Le colorant lymphotrope (1 à 2 mL de bleu patenté V pur, Figure 4.2
parfois moins) est injecté en péri-aréolaire, le plus souvent, L'injection du bleu patenté V en péri-aréolaire (A) ou en
péritumoral permet de visualiser, après 10 minutes d'attente,
ou en péritumoral ou dans le quadrant concerné en début les ganglions sentinelles bleutés (B).
d'intervention selon les auteurs (fig. 4.2a). Dessin : Cyrille Martinet.
Un délai de 10 minutes est nécessaire avant l'incision
cutanée au niveau du creux axillaire sur 15 à 20 mm. L'intervention se termine par une exploration digitale de
La recherche du ganglion sentinelle est visuelle après l'aisselle à la recherche d'un ganglion macroscopiquement
ouverture de l'aponévrose clavi-pectoro-axillaire. On pren- suspect qui sera alors prélevé.
dra garde de ne pas sectionner le lymphatique coloré. On La fermeture cutanée se fait sans drainage avec, éven-
recherche minutieusement à la partie basse de l'aisselle un tuellement, fermeture de l'aponévrose ouverte par deux
vaisseau lymphatique bleuté. Dès qu'il est repéré, il peut points de fil résorbable.
être suivi à l'aide d'un dissecteur jusqu'au premier ganglion La non-détection du ganglion sentinelle coloré peut
bleu. Celui-ci(ceux-ci) est(sont) prélevé(s) électivement. Un relever d'une faute technique, de conditions défavorables
ou plusieurs ganglions (deux en moyenne) peuvent être (obésité, sein volumineux), d'un drainage extra-axillaire de
bleus (fig. 4.2b). La position de ces ganglions est souvent la la tumeur ou d'un envahissement massif du ganglion, qui
même, très proche de la veine thoracique latérale. réalise alors un obstacle à la diffusion du colorant. En cas
27
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

de non-mise en évidence du ganglion sentinelle, un curage Le(ou les) ganglion(s) radioactif(s) ou «chaud(s)»
axillaire traditionnel devra être pratiqué. est(sont) disséqués(s). Un contrôle de la radioactivité du
Le principal avantage de cette méthode est sa simplicité ganglion sera effectué ex vivo. La sonde gamma permet
et son faible coût, mais elle nécessite de l'expérience de la ensuite de contrôler l'absence de radioactivité résiduelle en
part de l'opérateur et ne permet pas de retrouver des gan- fin d'intervention et de mesurer le bruit de fond.
glions sentinelles extra-axillaires. Une coloration cutanée L'avantage de cette méthode est de permettre une
résiduelle est parfois observée et de rares accidents aller- détection des ganglions extra-axillaires, de localiser le gan-
giques ont été décrits. glion sentinelle en percutané avant l'intervention et de
vérifier l'absence de radioactivité résiduelle en fin d'inter-
Méthode isotopique vention. En revanche, la méthode est coûteuse et plus diffi-
cile à mettre en place car elle nécessite le recours au service
Le colloïde marqué (sulfure de rhénium marqué au tech-
de médecine nucléaire.
nétium 99) est injecté en péri-aréolaire supéro-externe,
généralement la veille ou le matin de l'intervention (fig. 4.3).
Une scintigraphie avec clichés de face et de profil permet Méthode combinée
de localiser une cartographie des ganglions sentinelles, d'en Elle associe les deux méthodes détaillées précédemment.
connaître le nombre et la localisation. Elle n'est pas réalisée La recherche du ganglion sentinelle est guidée par le site
de manière systématique. de radioactivité et le canal lymphatique bleuté. Une fois le
En préopératoire, à l'aide d'une sonde gamma, on loca- ganglion identifié, on vérifie sa radioactivité ex vivo. Tous les
lise au travers de la peau les zones de radioactivité corres- ganglions colorés et chauds sont prélevés mais aussi ceux
pondant au ganglion sentinelle («point chaud»). La sonde qui sont uniquement chauds ou uniquement colorés. Cette
ne doit pas être orientée vers le site d'injection du radio- méthode permet une augmentation des taux de détection
isotope afin d'éviter tout parasitage. et une diminution du taux de faux négatifs ; elle présente
cependant les inconvénients des deux méthodes.

Examen extemporané
anatomopathologique des ganglions
sentinelles
Certains l'effectuent de façon systématique : en cas de posi-
tivité, on complétera par un curage axillaire afin d'éviter une
nouvelle intervention à distance. D'autres opérateurs pré-
fèrent attendre le résultat définitif et réintervenir si nécessaire.
Dans tous les cas, la patiente doit être prévenue de ce risque.

Méthodes d'avenir
● OSNA® : dans cette technique, les ganglions sentinelles
sont pris en charge dans une machine qui va analyser le broya
cellulaire et donner une réponse en moins de 30 minutes.
● Autres marqueurs : d'autres marqueurs sont en cours
d'évaluation, voire utilisés de façon routinière par certaines
équipes dans le monde. Certains métaux permettent une
détection visuelle mais aussi à l'aide d'un compteur spéci-
fique, vert d'indocyanine,…
Figure 4.3 Pour l'instant, ces méthodes plus coûteuses ne sont pas prises
Par la méthode combinée avec injection d'isotope, les ganglions en charge et leur coût limite leur utilisation. Elles vont prendre de
sentinelles seront bleus et «chauds» (certains uniquement bleus
ou uniquement «chauds»). plus en plus de place dans les indications opératoires à l'avenir
Dessin : Cyrille Martinet. et vont remplacer les méthodes combinées par un seul produit.
28
4. Chirurgie d'exérèse des ganglions

Curage de la chaîne mammaire Drainage


interne (CMI) Généralement, on ne draine pas. Un capitonnage de l'apo-
névrose peut être réalisé.
Le curage mammaire interne n'est pas réalisé en pratique
courante. Il nécessite l'abord de l'espace intercostal où se
situe le ganglion sentinelle chaud repéré en préopératoire.
Cet abord se fait en parasternal au niveau des cartilages
costaux. Le muscle grand pectoral est incisé transversale-
ment entre deux côtes. Le muscle intercostal est ouvert À retenir
transversalement en prenant soin de ne pas léser le pédi- ■
L'incision axillaire horizontale limite le risque de
cule intercostal situé au bord interne de l'espace intercostal. rétraction axillaire.
Une rugine est glissée sous la côte afin de décoller le muscle ■
Il faut limiter l'incision au strict minimum en longueur.
intercostal. Le pédicule mammaire interne est ensuite ■
Le respect de tous les éléments vasculonerveux au
repéré en prenant garde de ne pas le léser. Le ganglion sen- cours de cette dissection (curage hypersélectif) per-
tinelle chaud est disséqué et prélevé. La fermeture se fait mettrait de limiter les séquelles liées à cette chirurgie.
par quelques points séparés de fil résorbable au niveau du

Le capitonnage du creux axillaire peut permettre
muscle pectoral. La plèvre peut parfois être lésée. On peut d'éviter son drainage sans augmenter les complica-
tions de cette chirurgie.
alors la suturer après avoir rétabli le vide de la cavité pleu- ■
La méthode dite combinée (bleu patenté V et iso-
rale par hyperpression. Le drainage n'est pas nécessaire. Une tope) est la plus performante. Seule une grande
blessure du pédicule mammaire interne est aussi possible ; expérience permet d'utiliser les méthodes au bleu
son hémostase peut être délicate, ce qui justifie pour cer- seul avec un taux presque identique de repérage du
tains une ligature préventive. Le plus souvent, le traitement ganglion sentinelle.
de la chaîne mammaire interne sera fait par radiothérapie.

29
Chapitre 5
« Oncoplastie »
A. Fitoussi

PLAN DU C HAPITRE
Prise en charge des tumeurs
des quadrants inférieurs 32
Prise en charge des tumeurs
des quadrants externes 46
Prise en charge des tumeurs
des quadrants supérieurs 48
Prise en charge des tumeurs
des quadrants internes 58
Prise en charge des tumeurs
centrales : « pamectomie » 67
Prise en charge des tumeurs
du sillon sous-mammaire 75
Conclusion 79

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Le traitement conservateur n'a cessé d'évoluer depuis plus daires au traitement de cette localisation tumorale avec
de vingt ans. Nous avons essayé de clarifier les traitements des déformations dites en «bec d'aigle», en «Concorde»…
conservateurs standard dans le chapitre 2, adaptant au mieux On pratiquait depuis des décennies des réductions
les différents types d'incision et de remodelage glandulaire. mammaires à visée esthétique, parfois très importantes, en
L'adaptation des techniques de chirurgie plastique à utilisant des techniques inférieures («T» inversé le plus sou-
la cancérologie mammaire a permis de repousser plus vent, mais aussi verticale) avec des résections glandulaires
loin encore les indications de mastectomie : la chirurgie de plus de 1 000 g et bien au-delà. On a donc imaginé une
«oncoplastique» faisait son apparition. Elle avait débuté tumeur au sein de cette résection, avec ses marges d'exé-
par l'utilisation des techniques de réduction en «T» inversé rèse de bonne qualité et la plus grande facilité d'irradiation
à pédicule supérieur pour les tumeurs des quadrants infé- d'un sein qui a retrouvé un volume normal. Les indications
rieurs dont on connaissait les déformations fréquentes pour les tumeurs des quadrants inférieurs se sont donc
après radiothérapie. Ces techniques permettaient de traiter multipliées et, bientôt, même pour des petits volumes de
des tumeurs plus volumineuses avec des bonnes marges résection afin de limiter les déformations.
d'exérèse et un résultat esthétique de bonne qualité.
De nombreuses études multicentriques commençaient à
confirmer que la limite des 2 cm pour le traitement conser-
La zone traitée doit être clippée de façon à pou-
vateur pouvait être repoussée à 3 ou 4 cm, voire plus si les voir reconstruire le volume d'exérèse pour faciliter la
limites de la tumorectomie étaient suffisamment larges. radiothérapie.
Progressivement, de nouvelles techniques ont été uti-
lisées pour s'adapter à chaque localisation tumorale, au
volume mammaire, à la forme et au degré de ptose du sein.
Les tumeurs centrales, souvent prises en charge par mam- Technique en « T » inversé à pédicule
mectomie, ont pu être traitées par tumorectomie centrale
avec remodelage glandulaire et reconstruction secondaire de supérieur (vidéo e5.1)
la plaque aréolo-mamelonnaire, sans différence de survie ou
de récidive à long terme. Toutes les autres localisations des
Dessins préopératoires
techniques «sur-mesure» ont ensuite progressivement vu le On dessine une «serrure», dont le trou supérieur «bcd»
jour. Nous avons essayé plus tard de mieux standardiser les correspond au nouvel emplacement de l'aréole, mesurant
techniques et le traitement des tumeurs en fonction de la en général 5 à 8 cm de base («i») et 4 à 6 cm de hauteur
localisation tumorale et des autres paramètres mammaires («j») (fig. 5.1). La partie verticale «de» ou «ab», d'au moins
(volume, forme, ptose, densité…). Ces techniques ont fina- 5 cm, correspond en général à la zone glandulaire réséquée
lement été utilisées pour des localisations difficiles (tumeurs qui emmène la tumeur. Cette longueur «ab» va définir le
internes), pour des seins de très petit ou de très gros volume. degré de ptose du sein traité – des longueurs de 5 à 10 cm
Nous allons commencer par le traitement des tumeurs et plus vont permettre de dérouler le sein en créant la
inférieures, puis celles des quadrants externes et tour- ptose. Les triangles latéraux de la résection vont jusqu'au
ner autour du sein vers les quadrants supérieurs et, enfin, sillon sous-mammaire à partir de ces points «a» et «e».
internes ; puis nous aborderons les tumeurs centrales et
nous terminerons par les tumeurs du sillon sous-mammaire. Début de l'intervention
L'incision, très légère, suit le dessin préétabli, évitant de tra-
verser le derme, afin de ne pas couper la vascularisation
Prise en charge des tumeurs dermique du pédicule porte-mamelon supérieur «abcde».
des quadrants inférieurs Cette zone est désépidermisée, en excluant la plaque aréolo-
mamelonnaire d'environ 4 à 5 cm de diamètre, qui sera ascen-
La prise en charge des tumeurs des quadrants inférieurs sionnée et vascularisée sur les vaisseaux dermiques de la zone
concerne les tumeurs situées dans les rayons de 4 h à 8 h à «bcd» après section des segments «ab» et «de» (fig. 5.2).
droite et à gauche. On lève ensuite le pédicule porte-mamelon, d'environ 5 à
C'est historiquement la première localisation traitée par 6 cm de large sur une épaisseur de quelques millimètres. La hau-
la chirurgie oncoplastique. En effet, on connaissait depuis teur de la transposition de l'aréole ne doit pas être supérieure à
fort longtemps les séquelles esthétiques majeures secon- deux fois la largeur «bd» du lambeau porte-mamelon (fig. 5.3).
32
5. « Oncoplastie »

b
d

a e

A B
Figure 5.1
Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : dessins préopératoires.
A. Dessin en «T» inversé avec «trou de serrure». B. «ab» doit rester supérieure à 5 cm et «j» inférieure à deux fois «i».
Dessins : Cyrille Martinet.

c c

b b d
d
X X

Y Y

e a
a e

Figure 5.2 Figure 5.3


Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : levée du
désépidermisation du «trou de serrure». pédicule porte-mamelon de quelques millimètres d'épaisseur ;
Dessin : Cyrille Martinet. il reste attaché en haut.
Dessin : Cyrille Martinet.

33
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

On incise ensuite le derme dans le sillon sous-mam- Remodelage glandulaire


maire «xy» et on rejoint le tracé précédent en incisant les
L'aréole est repositionnée en «bcd». Les piliers glandulaires
segments «xa» et «ye». On décolle la glande mammaire
sont rapprochés et suturés entre eux pour reconstruire
du plan pectoral en coupant toutes les perforantes inter-
un massif glandulaire à base plus étroite et plus haut situé
costales (fig. 5.4). Le décollement latéral de la glande mam-
(fig. 5.7). On positionne un drain en déclive et le sillon sous-
maire passe en sous-peau en interne et en externe afin de
mammaire est suturé.
reconstituer un volume glandulaire à base plus étroite et
En cas de tumeur inféro-interne ou inféro-externe, on
plus haut situé.
adaptera la résection glandulaire en fonction des besoins.
On commence la section glandulaire en incisant vertica-
Un lambeau glandulaire controlatéral sera confectionné
lement les segments «ab» et «de», en remontant jusqu'en
sur le pilier opposé afin de combler le défect glandulaire
arrière de la plaque aréolo-mamelonnaire afin de faciliter
(fig. 5.8).
la plicature du pédicule dermique porte-mamelon (fig. 5.5).
On garde bien en main cette résection glandulaire afin
d'obtenir de larges marges en périphérie de la tumeur.
La pièce opératoire est orientée dans les trois dimensions
Symétrisation
et elle est pesée. Même si la tumeur est proche de la peau, Le sein controlatéral peut être symétrisé par la même
la tumeur sera réséquée avec la peau en regard (fig. 5.6). technique dans le même temps opératoire (fig. 5.9) ou
Le curage, s'il est nécessaire, peut être effectué par la dans un second temps en cas de doute. On s'aidera du
même voie d'abord ou par une incision horizontale sous- poids de la résection du sein traité pour adapter celle du
axillaire indépendante. sein opposé.

A B
Figure 5.4
Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : décollement glandulaire du muscle pectoral.
A. De face. B. De profil.
Dessins : Cyrille Martinet.

34
5. « Oncoplastie »

c
c

b
d

X
b d
X
Y
Y

a e
a e

Z
Z

Figure 5.5 Figure 5.7


Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : section latérale Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : fermeture
de la glande mammaire après avoir délimité la résection inférieure. glandulaire puis cutanée.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

b d

X Y

a e

Figure 5.6
Figure 5.8
Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : résection
Lambeau glandulaire de rotation qui permet de combler le défect
de la tumeur à l'union des quadrants inférieurs, qui est orientée.
latéral en cas de tumorectomie décalée de la verticale.
L'aréole est fixée en haut après plicature douce du lambeau Dessin : Cyrille Martinet.
dermique porte-mamelon.
Dessin : Cyrille Martinet.

35
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

risque de souffrance voire de nécrose d'une partie ou de la


totalité de l'aréole et du mamelon. Dans ce cas, on peut réaliser
une «ablation» de la plaque aréolo-mamelonnaire (fig. 5.12a)
comme une greffe de peau mince (quelques millimètres) et
la reposer en greffe sur une zone receveuse d ­ ésépidermisée
après résection en «T» inversé de la glande des quadrants
inférieurs (fig. 5.12b).
Après repositionnement de l'aréole sur la zone désépider-
misée, une suture en périphérie est réalisée ; quelques micro-
incisions sont pratiquées dans la greffe afin d'évacuer des
sécrétions et améliorer le contact du derme et de la greffe.
Un pansement compressif est positionné (bourdonnet), afin
de favoriser le contact greffe-zone désépidermisée (fig. 5.12c).
Cette intervention est dénommée «technique de
Thorek». Elle est montrée en figure 5.13. Les résultats sont
présentés sur les photographies de la figure 5.14.

Technique verticale pure à pédicule


supérieur (vidéo e5.2)
Figure 5.9
Cette intervention dérive de la précédente, seuls les triangles
Symétrisation par la même technique du «T» inversé.
Dessin : Cyrille Martinet. cutanés n'étant pas effectués.

Résultats Dessins préopératoires


Cette intervention en «T» inversé est présentée en résumé Pour la partie supérieure, les dessins préopératoires sont
sur les clichés de la figure 5.10. Les résultats sont montrés identiques à ceux de la technique en « T » inversé à pédi-
sur les clichés de la figure 5.11. cule supérieur : une « serrure » dont le trou supérieur
Cette technique en T inversé est, pour certains, la plus « bcd » correspond au nouvel emplacement de l'aréole
utilisée car elle permet d'avoir accès à tous les quadrants. et qui mesure en général 5 à 8 cm de base et 4 à 6 cm de
Elle présente, néanmoins, des inconvénients : hauteur. La partie verticale, d'au moins 6 cm, correspond
● intervention plus longue ; en général à la zone glandulaire réséquée qui emmène
● technique plus difficile à réaliser ; la tumeur. Les deux verticales latérales « az » et « ez » se
● complications postopératoires plus importantes (nécrose rejoignent en inférieur au point « z » situé le plus souvent
cutanée ou glandulaire, retard de cicatrisation,…) avec le 1 ou 2 cm au-dessus du sillon sous-mammaire (fig. 5.15).
risque de retarder les traitements complémentaires ; Cette longueur « zb » va définir le degré de ptose du sein
● en cas de nécessité de mastectomie pour exérèse traité, avec des longueurs de 5 à 10 cm qui vont per-
insuffisante, de difficultés pour la RMI avec prothèse sur mettre de dérouler le sein en créant la ptose.
ces cicatrices en T avec risque d'exposition de la prothèse.
Il faut donc bien peser les indications et choisir une tech-
nique horizontale (qui entre dans la cicatrice de mastecto- Début de l'intervention
mie) en cas de doute sur les limites de la lésion.
L'incision suivant le dessin préétabli, très légère, évite de traver-
ser le derme, afin de ne pas couper la vascularisation dermique
Variante : technique de Thorek du pédicule porte-mamelon supérieur «abcde». Cette zone
En cas de gigantomastie, la remontée de la plaque aréolo- est désépidermisée, en excluant la plaque aréolo-mamelon-
mamelonnaire de 15 cm ou plus sur le lambeau porte-­ naire d'environ 4 à 5 cm de diamètre, qui sera ascensionnée
mamelon peut être difficile à réaliser. La vascularisation de la et vascularisée sur les vaisseaux dermiques de la zone «bcd»
plaque aréolo-mamelonnaire est alors plus aléatoire, avec un après section des segments «ab» et «de» jusqu'à «z».
36
5. « Oncoplastie »

A B

C D

E F

Figure 5.10
G Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : résumé opératoire.

37
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 5.11
Technique en «T» inversé à pédicule supérieur : résultats.
A. Aspect préopératoire. B. Après plastie en «T» inversé et
C radiothérapie. C. Après symétrisation par la même technique.

Puis on va lever le pédicule porte-mamelon, d'envi- On garde bien en main cette résection glandulaire afin
ron 5 à 6 cm de large sur une épaisseur de quelques d'obtenir de larges marges en périphérie de la tumeur.
millimètres, de la même manière que pour le « T » La pièce opératoire est orientée dans les trois dimensions
inversé. La hauteur de la transposition de l'aréole « oc » et elle est pesée. Même si la tumeur est proche de la peau,
ne doit pas être supérieure à deux fois la largeur « bd » la tumeur sera réséquée avec la peau en regard.
du lambeau porte-mamelon. Le curage, s'il est nécessaire, est effectué par une incision
On incise «zab» et «zed», puis la glande mammaire est horizontale sous-axillaire indépendante.
décollée en sous-cutané en dessous des points «a» et «e» En cas de tumeur légèrement interne, on pourra confec-
et, latéralement, jusqu'à la partie interne et la partie externe tionner un petit lambeau glandulaire désépidermisé qui
du massif glandulaire. viendra combler par rotation la zone de tumorectomie
On décolle ensuite la glande mammaire du plan pectoral large (fig. 5.17).
en coupant toutes les perforantes intercostales (fig. 5.16).
On termine la section glandulaire en incisant verti-
calement les segments « ab » et « de », en remontant
Remodelage glandulaire
jusqu'en arrière de la plaque aréolo-mamelonnaire L'aréole est repositionnée en «bcd». Les piliers glandulaires
afin de faciliter la plicature du pédicule dermique sont rapprochés et suturés entre eux pour reconstruire un
porte-mamelon. massif glandulaire à base plus étroite et plus haut situé.
L'excédent glandulaire inférieur et latéral sera réséqué En cas de tumeur inféro-interne ou inféro-externe, on
dans la même pièce opératoire que la résection centrale. adaptera la résection glandulaire en fonction des besoins.

38
5. « Oncoplastie »

A B

Figure 5.12
Technique de Thorek.
A. Prélèvement de l'aréole en peau mince. B. Résection en «T»
inversé de la tumeur emmenant le site de la plaque aréolo-
mamelonnaire ; désépidermisation d'une zone de même taille
que l'aréole pour la repositionner. C. Greffe de l'aréole après
désépidermisation ; suture avec pansement compressif.
C Dessins : Cyrille Martinet.

39
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

E F

Figure 5.13
G
Technique de Thorek : résumé opératoire.

40
5. « Oncoplastie »

A B

Figure 5.14
Technique de Thorek : résultats.
A. Aspect préopératoire. B. Après plastie mammaire en «T» inversé
C avec greffe de PAM (Thorek). C. Aspect après symétrisation.

b d
o

a e

Figure 5.15 Figure 5.16


Technique verticale pure : désépidermisation, ascension de la plaque Technique verticale pure : ablation au large de la tumeur et
aréolo-mamelonnaire et résection de la peau en regard de la tumeur. décollement de la glande du plan pectoral après section latérale.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

41
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Un lambeau glandulaire controlatéral sera confectionné sur


le pilier opposé afin de combler le défect glandulaire.
On réalise une fermeture cutanée verticale en fronçant
légèrement la suture afin de réduire le segment III.
Un drain est positionné dans la région déclive du sillon
sous-mammaire.

Symétrisation
Le sein controlatéral peut être symétrisé par la même tech-
nique dans le même temps opératoire ou dans un second
temps en cas de doute (fig. 5.18). On s'aidera du poids de la
résection du sein traité pour adapter celle du sein opposé.

Résultats
La technique opératoire par technique verticale est présen-
tée figure 5.19. Les résultats sont exposés sur les photogra-
phies de la figure 5.20.

Figure 5.17 Technique en « J » à pédicule


Technique verticale pure : lambeau glandulaire de rotation en cas
de tumorectomie décalée.
supérieur (vidéo e5.3)
Dessin : Cyrille Martinet.
Il ne s'agit en fait que d'une technique verticale avec un trait de
refend en virgule dirigé vers l'extérieur. Cette technique reprend
trait pour trait tous les temps opératoires des techniques ver-
ticales en permettant un meilleur remodelage cutané. Cette
technique est particulièrement adaptée aux tumeurs inféro-
externes sur sein légèrement ptosé (fig. 5.21 et 5.22).
Un lambeau glandulaire peut également être confec-
tionné (fig. 5.23).
Le sein controlatéral peut être symétrisé par la même tech-
nique dans le même temps opératoire ou dans un second
temps en cas de doute (fig. 5.24). On s'aidera du poids de la
résection du sein traité pour adapter celle du sein opposé.
La technique en «J» est présentée par les photographies
de la figure 5.25.

Technique en « L » à pédicule
supérieur
Peu différente des autres techniques verticales, la technique
en «L» est en fait une technique en «T» inversé avec une
seule branche inférieure horizontale externe. Elle permet de
limiter les cicatrices en interne et de traiter les tumeurs plus
externes (fig. 5.26a).
Le sein controlatéral peut être symétrisé par la même tech-
Figure 5.18
nique dans le même temps opératoire ou dans un second
Technique verticale pure : suture, symétrisation.
temps en cas de doute (fig. 5.26b). On s'aidera du poids de
Dessin : Cyrille Martinet. la résection du sein traité pour adapter celle du sein opposé.
42
5. « Oncoplastie »

A
B

C D

E F

G H
Figure 5.19
Technique verticale pure : résumé opératoire.

43
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 5.20
Technique verticale pure : résultats.
A. Avant intervention. B. Après plastie unilatérale verticale.
C C. Après symétrisation par la même technique.

Figure 5.21 Figure 5.22


Technique en «J» à pédicule supérieur : dessin préopératoire en Technique en «J» à pédicule supérieur : ablation au large de la
«virgule» et désépidermisation. tumeur et décollement de la glande mammaire du plan pectoral.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

44
5. « Oncoplastie »

Figure 5.23 Figure 5.24


Technique en «J» à pédicule supérieur : lambeau glandulaire Technique en «J» à pédicule supérieur : suture et symétrisation.
de rotation en cas de tumorectomie décalée. Dessin : Cyrille Martinet.
Dessin : Cyrille Martinet.

A B

C D
Figure 5.25
Technique en «J» à pédicule supérieur : résumé opératoire.
45
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 5.26
Technique en «L» à pédicule supérieur.
A. Incision identique à celle de la technique verticale, avec une exérèse cutanée externe en «virgule». B. Cicatrice en «L» après symétrisation.
Dessins : Cyrille Martinet.

Prise en charge des tumeurs Technique externe (vidéo e5.4)


des quadrants externes Dessins préopératoires
La prise en charge des tumeurs des quadrants externes Les dessins préopératoires reprennent le principe de la «ser-
concerne les tumeurs situées entre le rayon de 8 h et 10 h à rure» des techniques verticales. L'aréole sera ­transposée
droite et de 2 h à 4 h à gauche. en haut et en dehors dans l'orifice du trou de serrure «bcd».
Les tumeurs externes sont les plus fréquentes et la La base est d'environ 6 à 8 cm et la hauteur de 4 à 5 cm. La
forte concentration glandulaire dans cette zone permet tumeur – surtout si elle est proche de la peau – entrera
des résections larges avec un remodelage souvent facile. dans la résection latérale à branche horizontale «ab» et
On connaît pourtant les déformations occasionnées par «de». Ces deux branches se terminent en externe en pointe
de larges tumorectomies effectuées par cicatrice radiaire sur le point «z» (fig. 5.27).
externe sans repositionnement de l'aréole. En effet, si le
volume réséqué est important (supérieur à 80 à 100 g), le
sein et en particulier l'aréole seront attirés en dehors. Début de l'intervention
L'incision suivant le dessin préétabli est très légère, évitant
de traverser le derme, afin de ne pas couper la vasculari-
La technique externe permet de retirer la tumeur
sation dermique du pédicule porte-mamelon supérieur
et la peau en regard au large, de réadapter l'étui
cutané au nouveau volume glandulaire et, grâce au «abcde». Cette zone est désépidermisée, en excluant la
repositionnement de l'aréole en haut et en dedans, plaque aréolo-mamelonnaire, d'environ 4 à 5 cm de dia-
d'éviter qu'elle soit attirée en dehors, surtout après la mètre, qui sera déplacée en haut et en dehors. Elle reste
radiothérapie. vascularisée sur les vaisseaux dermiques de la zone «bcd»
après section des segments «ab» et «de» (fig. 5.28).

46
5. « Oncoplastie »

b
b a
a c c

Z Z

e e
d d

Figure 5.27 Figure 5.28


Technique externe : dessin préopératoire et désépidermisation Technique externe : ablation au large de la tumeur et décollement
péri-aréolaire. de la glande mammaire du pectoral.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

Puis on va lever le pédicule porte-mamelon d'environ 5 à Remodelage glandulaire


6 cm de large sur une épaisseur de quelques millimètres. L'aréole est repositionnée en «bcd». Les piliers glandulaires
La hauteur de la transposition est généralement beau- sont rapprochés et suturés entre eux pour reconstruire
coup plus courte dans cette technique, avec peu de risque un massif glandulaire à base plus étroite et plus haut situé
vasculaire. (fig. 5.29).
On incise «zab» et «zed», puis la section glandulaire, En cas de tumeur inféro-externe ou supéro-externe, on
en incisant verticalement les segments «abz» et «dez», adapte la résection glandulaire en fonction des besoins. Un
remonte jusqu'en arrière de la plaque aréolo-mamelonnaire lambeau glandulaire controlatéral sera confectionné sur
afin de faciliter la plicature du pédicule dermique porte- le pilier opposé afin de combler le défect glandulaire si la
mamelon si nécessaire (fig. 5.28). tumeur est située loin de la peau.
On décolle la glande mammaire du plan pectoral en La fermeture cutanée est directe ; un drain est positionné
coupant certaines perforantes intercostales. dans la région postérieure.
On garde bien en main cette résection glandulaire afin
d'obtenir de larges marges en périphérie de la tumeur.
La pièce opératoire est orientée dans les trois dimensions
Symétrisation
et elle est pesée. Même si la tumeur est proche de la peau, Le sein controlatéral peut être symétrisé par la même tech-
la tumeur sera réséquée avec la peau en regard. nique ou par une technique verticale, dans le même temps
Le curage, s'il est nécessaire, est effectué par la même opératoire ou dans un second temps en cas de doute
incision ou, parfois, par une incision horizontale sous-­ (fig. 5.30). On s'aidera du poids de la résection du sein traité
axillaire indépendante. pour adapter celle du sein opposé.

47
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Résultats
La technique externe est présentée en figure 5.31. Les résultats
sont exposés sur les photographies des figures 5.32 et 5.33.

Prise en charge des tumeurs


b des quadrants supérieurs
a c
La prise en charge des tumeurs des quadrants supérieurs
z
concerne les tumeurs situées entre les rayons de 10 h à 2 h
e
d
à droite et à gauche.
Les tumeurs des quadrants supérieurs sont souvent de traite-
ment difficile, car les cicatrices sont souvent très visibles, le volume
glandulaire utilisable est souvent limité à cause de la ptose et la
mobilisation de lambeau glandulaire souvent peu aisée.
Les techniques utilisées sont multiples, fonction de la
forme du sein, de sa ptose, de son volume, de la localisation
tumorale.
Figure 5.29
Technique externe : suture de la glande mammaire.
Dessin : Cyrille Martinet. Technique péri-aréolaire, ou « round
block » (vidéo e5.5)
Cette technique est utilisable dans tous les quadrants, mais
surtout en supérieur, externe et interne. Elle peut s'étendre faci-
lement aux tumeurs des deux quadrants supérieurs. Pour les
quadrants inférieurs, la technique est réalisable mais souvent
plus difficilement. Elle est, en revanche, très facilement réali-
sable pour les tumeurs proches de l'aréole à 2 ou 3 cm – plus
difficilement si elles sont à distance des quadrants supérieurs.
Elle ne gêne pas une éventuelle reprise chirurgicale par mastec-
tomie même avec reconstruction immédiate.

Dessins préopératoires
On dessine deux cercles, un péri-aréolaire et un ovale dans
le sens vertical, qui prédomine en supérieur. Les deux cercles
doivent pouvoir être congruents lors de la fermeture.

Déroulement de l'intervention
La zone entre les deux cercles est désépidermisée
(fig. 5.34). Puis on décolle en cutanéoglandulaire des deux
quadrants en périphérie de la tumeur. On peut éventuel-
Figure 5.30
lement libérer la glande mammaire du plan pectoral et
Technique externe : suture cutanée et symétrisation par la même
technique.
« sortir » la zone décollée afin de pratiquer l'exérèse de la
Dessin : Cyrille Martinet. tumeur au large (fig. 5.35) sous contrôle manuel et visuel –

48
5. « Oncoplastie »

A B C

D E

Figure 5.31
F Technique externe : résumé opératoire.

A B
Figure 5.32
Technique externe : résultat.
A. Avant plastie externe unilatérale. B. Après radiothérapie sans symétrisation.

49
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 5.33
Technique externe : résultat.
A. Avant plastie externe. B. Après plastie externe bilatérale et radiothérapie.

Figure 5.34 Figure 5.35


«Round block» : dessin peropératoire et désépidermisation ovalaire. «Round block» : ablation de la tumeur au large et décollement
Dessin : Cyrille Martinet. de la glande mammaire des quadrants supérieurs.
Dessin : Cyrille Martinet.

si le sein est moins glandulaire, on évitera les lambeaux repositionnés sur le pectoral. Un clip est mis en place
glandulaires avec une suture directe de la glande après sur le muscle pectoral pour orienter la radiothérapie
tumorectomie. (fig. 5.36).
La résection glandulaire est souvent effectuée en L'étui cutané est ensuite adapté au nouveau volume
triangle à base périphérique ou, parfois, en losange verti- glandulaire par rapprochement et suture des deux
cal, afin de reconstruire facilement le volume glandulaire cercles de la zone désépidermisée. Un drain est mis en
par adossement direct des piliers glandulaires qui sont place.
50
5. « Oncoplastie »

Symétrisation
Le sein controlatéral peut être symétrisé par la même tech-
nique ou par une technique verticale, dans le même temps
opératoire ou dans un second temps en cas de doute
(fig. 5.37). On s'aidera du poids de la résection du sein traité
pour adapter celle du sein opposé.

Résultats
La technique péri-aréolaire («round block») est présentée
en figure 5.38.
Les résultats sont exposés sur les photographies des
figures 5.39 et 5.40.

Technique en « T » à pédicule
inférieur (vidéo e5.6)
Il s'agit d'une technique identique à celle en «T» inversé déjà
décrite ; la seule différence est que le pédicule dermique porte-
Figure 5.36 mamelon est inférieur. Cette technique est particulièrement
«Round block» : suture de la glande mammaire. adaptée pour les tumeurs à l'union des quadrants supérieurs qui
Dessin : Cyrille Martinet. s'inscrivent dans le trou de la serrure du dessin préopératoire, sur-
tout si la tumeur est proche de la peau, sur un sein ptosé.

Dessins préopératoires
On dessine une «serrure» dont le trou supérieur «bcd»
correspond au nouvel emplacement de l'aréole et qui
mesure en général 5 à 8 cm de base et 4 à 6 cm de hauteur.
Cette zone sera réséquée en monobloc avec la tumeur et la
peau en regard jusqu'au plan pectoral.
La partie verticale, d'au moins 5 à 6 cm, est incisée ; elle déter-
mine le lambeau dermoglandulaire qui portera la plaque aréolo-
mamelonnaire et qui sera ascensionné afin de réhabiter le défect
glandulaire laissé en place après la tumorectomie (fig. 5.41).
Cette longueur «ab» va définir le degré de ptose du sein
traité, avec des longueurs de 5 à 10 cm et plus qui vont
permettre de dérouler le sein en créant la ptose.
Les triangles latéraux et toute la partie inférieure sont
ensuite désépidermisés.

Début de l'intervention
Après incision suivant le dessin préétabli du «trou de
serrure» «abcde», on pratique une tumorectomie large
monobloc allant jusqu'au plan pectoral en contrôlant
manuellement les marges d'exérèse (fig. 5.42).
Figure 5.37
Par incision péri-aréolaire d'environ 4 à 5 cm de diamètre,
«Round block» : suture de la peau avec des fronces très fines ;
symétrisation selon la même technique.
la plaque aréolo-mamelonnaire sera ascensionnée dans
Dessin : Cyrille Martinet. le trou de serrure et restera vascularisée par les vaisseaux
51
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

E F
Figure 5.38
«Round block» : résumé opératoire.

52
5. « Oncoplastie »

A B
Figure 5.39
«Round block» : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire avec radiothérapie.

A B
Figure 5.40
«Round block» : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire avec radiothérapie.

c
c

b d

b d
X
a X
e X
a X
e

Figure 5.41 Figure 5.42


Technique en «T» à pédicule inférieur : dessin préopératoire et Technique en «T» à pédicule inférieur : ablation de la tumeur
désépidermisation en «T» sauf en regard de la tumeur. au large jusqu'au plan pectoral.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.
53
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

c c

b
b d
d
X X

a X X
e
a e

Z
Z

Figure 5.43 Figure 5.44


Technique en «T» à pédicule inférieur : incision glandulaire Technique en «T» à pédicule inférieur : remodelage et début des
jusqu'au plan pectoral latéralement et libération latérale de la peau. sutures.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

dermiques de la zone «abde» après section des segments


«ab» et «de» (fig. 5.43).
On incisera ensuite le derme dans le sillon sous-mam-
maire «xy» et on rejoint le tracé précédent en incisant les
segments «xa» et «ye».
Cette zone est désépidermisée et sera ensuite
enfouie sous la peau latéralement après décollement
de celle-ci.
Le lambeau glandulaire porte-mamelon est libéré laté-
ralement et a minima sur le plan pectoral afin de ne pas
sectionner les perforantes intercostales qui vascularisent la
plaque aréolo-mamelonnaire.
La pièce opératoire est orientée dans les trois dimensions
et elle est pesée.
Le lit tumoral est clippé pour orienter la radiothérapie.

Remodelage glandulaire
L'aréole est repositionnée en «bcd». Tout le massif glandu-
laire est ascensionné, ensuite il est fixé en haut à la glande
mammaire (fig. 5.44).
On positionne un drain en arrière.
La peau latérale, légèrement décollée, est ensuite refermée Figure 5.45
sur le nouveau massif glandulaire ; la glande désépidermisée Technique en «T» à pédicule inférieur : suture cutanée ;
symétrisation en «T» inversé avec généralement un pédicule
des quadrants inférieurs est enfouie sous la peau qui est supérieur.
abaissée au sillon sous-mammaire (fig. 5.45). Dessin : Cyrille Martinet.

54
5. « Oncoplastie »

A B

C D

E F
Figure 5.46
Technique en «T» à pédicule inférieur : résumé opératoire.
Dessin : Cyrille Martinet.

Le curage, s'il est nécessaire, peut être effectué par une temps opératoire ou dans un second temps en cas de
incision horizontale sous-axillaire indépendante. doute. On s'aidera du poids de la résection du sein traité
pour adapter celle du sein opposé.

Symétrisation
Le sein controlatéral peut être symétrisé par la même tech-
Résultats
nique mais, le plus souvent, par une technique en «T» La technique opératoire des pédicules inférieurs est présen-
inversé à pédicule supérieur, plus facile à réaliser (fig. 5.45). tée en figure 5.46. Les résultats sont exposés sur les photo-
Cette symétrisation peut être effectuée dans le même graphies de la figure 5.47.
55
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 5.47
Technique en «T» à pédicule inférieur : résultats.
A. Cliché préopératoire : rétraction sous-aréolaire. B. Après plastie
C en T à pédicule inférieur. C. Après symétrisation.

Technique en « oméga » (vidéo e5.7)


La technique en «oméga» est destinée aux tumeurs des qua-
drants supérieurs et, surtout, supéro-internes proches sou-
vent de la peau, même pour des tumeurs très haut situées sur
des seins ptosés. À l'origine, il s'agissait d'une technique avec
cicatrice radiaire externe et interne reliée par une péri-aréo-
laire supérieure avec résection de peau plus ou moins impor-
tante, qui diminue d'autant la ptose. Par évolution, la cicatrice
peut se retrouver au-dessus de l'aréole sans la traverser. Elle ne
gêne pas une éventuelle reprise chirurgicale par mastectomie,
même avec reconstruction, qui reprend la même cicatrice en
emmenant la plaque aréolo-mamelonnaire.
Elle s'adresse à des seins ptosés car la distance clavi-
cule-aréole doit rester supérieure à 15 cm après suture et
­ablation de la peau sus-aréolaire.

Dessins préopératoires
Le trait inférieur dessine une cicatrice radiaire externe
sur le rayon de 10 h à droite et 2 h à gauche, suivie d'une
Figure 5.48
­péri-aréolaire supérieure puis d'une cicatrice radiaire à 2 h à
«Oméga» : incision cutanée. droite et 10 h à gauche. Le trait supérieur emporte la peau
Dessin : Cyrille Martinet. en regard de la lésion sur 3 ou 4 cm (fig. 5.48).

56
5. « Oncoplastie »

Figure 5.49 Figure 5.50


«Oméga» : ablation de la tumeur avec la glande en monobloc «Oméga» : suture glandulaire directe après décollement
jusqu'au plan pectoral. de la glande du plan musculaire.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

Début de l'intervention
L'incision suivant le dessin préétabli va jusqu'au plan pec-
toral, emmenant en monobloc la lésion avec la glande
mammaire. La pièce opératoire est orientée dans les trois
dimensions et elle est pesée (fig. 5.49). Le lit tumoral est
clippé pour orienter la radiothérapie.
Remodelage glandulaire
Le décollement de la glande mammaire supérieure et infé-
rieure permet l'ascension de la plaque aréolo-mamelon-
naire de quelques centimètres.
Une suture glandulaire directe de la glande face à face réduit
la ptose du sein traité (fig. 5.50). Ensuite la peau est suturée.
Le curage, s'il est nécessaire, peut être effectué par la
même incision le plus souvent.
Un drainage est souvent nécessaire.
Symétrisation
Le sein controlatéral peut être symétrisé par une technique ver-
ticale, dont les cicatrices sont plus acceptables, d'autant que ce
sein ne sera pas irradié. Cette symétrisation peut être effectuée
dans le même temps opératoire ou dans un second temps en
cas de doute (fig. 5.51). Souvent, la technique utilisée est une Figure 5.51
« Oméga » : suture cutanée ; symétrisation par une autre
technique verticale plutôt qu'horizontale. On s'aidera du poids technique.
de la résection du sein traité pour adapter celle du sein opposé. Dessin : Cyrille Martinet.

57
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 5.52
«Oméga» : résultat.
A. Cliché préopératoire : tumorectomie non in sano. B. Après plastie
C en Oméga et radiothérapie. C. Après symétrisation en «T» inversé.

Résultats Dessins préopératoires


La technique en «oméga» est présentée en figure 5.52. Les Les dessins préopératoires reprennent le principe de
résultats sont exposés sur les photographies de la figure 5.53. la « serrure » des techniques verticales. L'aréole sera
transposée en haut et en dedans dans l'orifice du trou
de serrure « bcd ». La base est d'environ 6 à 8 cm et
Prise en charge des tumeurs la hauteur de 4 à 5 cm. La tumeur, surtout si elle est
des quadrants internes proche de la peau, entrera dans la résection latérale à
branche horizontale « ab » et « de ». Ces deux branches
Cette prise en charge concerne les tumeurs situées dans les se terminent en externe en pointe sur le point « z »
rayons de 2 h à 4 h à droite et de 8 h à 10 h à gauche. (fig. 5.54).

Technique interne Début de l'intervention


Les tumeurs internes sont rares et souvent très difficiles à L'incision suivant le dessin préétabli, très légère, évite
traiter sans déformation glandulaire. de traverser le derme, afin de ne pas couper la vas-
cularisation dermique du pédicule porte-mamelon
supérieur « abcde ». Cette zone est désépidermisée en
La technique interne va permettre de retirer la tumeur et excluant la plaque aréolo-mamelonnaire, d'environ 4
la peau en regard au large, de réadapter l'étui cutané au à 5 cm de diamètre, qui sera déplacée en haut et en
nouveau volume glandulaire et, grâce au repositionne-
dehors. Elle reste vascularisée sur les vaisseaux der-
ment de l'aréole en haut et en dehors, d'éviter qu'elle soit
attirée en dedans après la radiothérapie.
miques de la zone « bcd » après section des segments
« ab » et « de ».
Puis, on va lever le pédicule porte-mamelon d'environ 5 à
C'est l'opposé d'une technique externe. 6 cm de large sur une épaisseur de quelques millimètres. La

58
5. « Oncoplastie »

A B

C D

Figure 5.53
E «Oméga» : résumé opératoire.

59
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

d
e
c d e
Z
c
Z
a
b
a
b

Figure 5.54 Figure 5.55


Technique interne : incision radiaire en regard de la tumeur. Technique interne : repositionnement de l'aréole en haut et en
Dessin : Cyrille Martinet. dehors après résection glandulaire emmenant la tumeur allant
jusqu'au plan pectoral.
hauteur de la transposition «de» est généralement beau- Dessin : Cyrille Martinet.

coup plus courte dans cette technique, avec peu de risque


vasculaire.
On incise « zab » et « zed » puis on pratique la section
glandulaire en incisant verticalement les segments « abz »
et « dez », en remontant jusqu'en arrière de la plaque
aréolo-mamelonnaire afin de faciliter la plicature du pédi-
cule dermique porte-mamelon si nécessaire (fig. 5.55).
On décolle la glande mammaire du plan pectoral en
coupant certaines perforantes intercostales. On garde bien
en main cette résection glandulaire afin d'obtenir de larges
marges en périphérie de la tumeur. d
e
La pièce opératoire est orientée dans les trois dimensions c
et elle est pesée. Même si la tumeur est proche de la peau, Z
la tumeur sera réséquée avec la peau en regard.
a
Remodelage glandulaire b
L'aréole est repositionnée en «bcd». Les piliers glandulaires
sont rapprochés et suturés entre eux pour reconstruire
un massif glandulaire à base plus étroite et plus haut situé
(fig. 5.56).

Figure 5.56
Attention ! Ne pas retirer trop de peau, car cela pourrait
Technique interne : la glande mammaire est décollée puis suturée
ascensionner et déformer le sillon sous-mammaire. directement.
Dessin : Cyrille Martinet.

60
5. « Oncoplastie »

La fermeture cutanée est directe ; un drain est positionné Technique interne avec rotation
dans la région postérieure.
Le curage, s'il est nécessaire, sera effectué par une inci- glandulaire (vidéo e5.8)
sion séparée sous-axillaire horizontale. Il s'agit en fait d'une technique interne modifiée afin
de traiter les tumeurs inféro-externes très proches ou
adhérentes à la peau, qui nécessitent une large exérèse
Symétrisation cutanée associée à la tumorectomie. Elle concerne les
Le sein controlatéral peut être symétrisé par une technique tumeurs proches du sillon sous-mammaire dans le rayon
verticale, dont les cicatrices sont plus acceptables, d'autant de 4 h à droite et 8 h à gauche avec, le plus souvent,
que ce sein ne sera pas irradié. Cette symétrisation peut atteinte cutanée.
être effectuée dans le même temps opératoire ou dans un
second temps en cas de doute (fig. 5.57). On s'aidera du
poids de la résection du sein traité pour adapter celle du
sein opposé. Dans ce cas de figure, le simple décollement glandulaire
et le rapprochement des piliers glandulaires sont insuf-
fisants. On y associe donc une rotation complète des
deux quadrants inférieurs après avoir incisé le sillon sous-
Résultats mammaire et décollé complètement la glande.
La technique opératoire interne est présentée en figure 5.58.
Les résultats sont exposés sur les photographies de la
figure 5.59.
Dessins préopératoires
Les dessins préopératoires reprennent le principe de la
technique interne précédemment décrite associé à un trait
de refend sur tout le sillon sous-mammaire.

Début de l'intervention
Il s'agit de la même intervention pour tout ce qui
concerne le début : incision très légère évitant de traver-
ser le derme, suivant le dessin préétabli, afin de ne pas
couper la vascularisation dermique du pédicule porte-
mamelon supérieur « abcde », avec désépidermisation de
cette zone en excluant la plaque aréolo-mamelonnaire,
d'environ 4 à 5 cm de diamètre, qui sera déplacée en
haut et en dehors. Elle reste vascularisée sur les vaisseaux
dermiques de la zone « bcd » après section des segments
« ab » et « de » (fig. 5.60).
Puis on va lever le pédicule porte-mamelon d'environ 5 à
6 cm de large sur une épaisseur de quelques millimètres. La
hauteur de la transposition «de» est généralement beau-
coup plus courte dans cette technique, avec peu de risque
vasculaire.
On incise «zab» et «zed», puis on sectionne la glande
en incisant verticalement les segments «abz» et «dez»
Figure 5.57
en remontant jusqu'en arrière de la plaque aréolo-­
Technique interne : suture cutanée ; symétrisation par une autre
technique.
mamelonnaire afin de faciliter la plicature du pédicule
Dessin : Cyrille Martinet. ­dermique porte-mamelon si nécessaire (fig. 5.61).

61
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

F
E

Figure 5.58
G Technique interne : résumé opératoire.

62
5. « Oncoplastie »

A B

Figure 5.59
Technique interne : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Après technique interne. C. Résultat
C tardif (amélioration des cicatrices par la radiothérapie).

d c

b
e
b
e

a
Z Z
a

Figure 5.60 Figure 5.61


Technique interne avec rotation glandulaire : le dessin est le Technique interne avec rotation glandulaire : tumorectomie
même que pour les tumeurs internes ou externes ou en «J», allant jusqu'au plan pectoral et en arrière de la plaque
emmenant la peau en regard de la tumeur inféro-interne. aréolo-mamelonnaire.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

63
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

c c
d d

b e
e b
a

Z
Z

A B
Figure 5.62
Technique interne avec rotation glandulaire : remodelage.
A. Incision de la peau dans le sillon sous-mammaire jusqu'au rayon de 8 h au minimum. B. Transposition en monobloc de la peau et de la
glande des deux quadrants inférieurs en dedans.
Dessins : Cyrille Martinet.

La différence réside dans le fait qu'on doit décoller les


deux quadrants inférieurs après avoir incisé la totalité du
sillon sous-mammaire.

Remodelage glandulaire
L'aréole est repositionnée en «bcd». Les quadrants inférieurs
sont totalement décollés avec section de toutes les perfo-
rantes intercostales mais respect de la thoracique latérale.
Puis on effectue une rotation interne complète de toute
la partie inférieure du sein, les deux quadrants inférieurs
avec peau et glande. Les deux quadrants inférieurs sont
donc transposés sans tension en interne (fig. 5.62a). Ainsi
mobilisée, la glande est ensuite suturée sur le pilier glandu-
laire interne fixe (fig. 5.62b).
La fermeture cutanée est directe ; un drain est positionné
dans la région postérieure.
Le curage, s'il est nécessaire, sera effectué par une inci-
sion séparée sous-axillaire horizontale.
Figure 5.63
Symétrisation Technique interne avec rotation glandulaire : suture finale en «Z» à
droite. Symétrisation par une technique verticale ou en «T» inversé.
Le sein controlatéral peut être symétrisé par une technique Dessin : Cyrille Martinet.
verticale, dont les cicatrices sont plus acceptables, d'autant
que ce sein ne sera pas irradié. Cette symétrisation peut être
Résultats
effectuée dans le même temps opératoire ou dans un second La technique opératoire interne avec lambeau de rotation
temps en cas de doute (fig. 5.63). On s'aidera du poids de la est présentée en figure 5.64. Les résultats sont exposés sur
résection du sein traité pour adapter celle du sein opposé. les photographies de la figure 5.65.
64
5. « Oncoplastie »

A B

C D

E F


Figure 5.64
Technique interne avec rotation glandulaire : résumé opératoire.

65
 Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

G H

I J
Figure 5.64
Suite.

A B

Figure 5.65
Technique interne avec rotation glandulaire : résultat.
A. Aspect préopératoire. B. Après plastie interne et lambeau
C de rotation. C. Après radiothérapie.

66
5. « Oncoplastie »

Prise en charge des tumeurs


centrales : « pamectomie »
Le traitement des tumeurs centrales s'est longtemps résumé
à la mastectomie. Progressivement, des études ont montré
que la conservation du reste de la glande mammaire était
possible avec un bon résultat esthétique et carcinologique
en remodelant la glande mammaire avant la radiothérapie
complémentaire.
Deux techniques sont le plus fréquemment utilisées :
● la technique péri-aréolaire, qui va laisser une cicatrice en
bourse ;
● la technique horizontale, plus simple à réaliser.
Dans certains cas, l'ablation de la plaque aréolo-mamelon-
naire – ou PAM, d'où le terme de «pamectomie» – pourra
être associée à une plastie de réduction, quelle que soit la
technique (en «T» inversé, verticale, en «J», externe…).

Figure 5.66
Cette chirurgie avec ablation de la plaque aréolo-mame- Technique péri-aréolaire : incision cutanée et décollement
lonnaire en monobloc allant jusqu'au plan pectoral est de la peau en périphérie.
Dessin : Cyrille Martinet.
adaptée aux tumeurs rétroaréolaire situées à moins de
2 cm du mamelon.
Les tumeurs beaucoup plus profondes sont traitées
comme les tumeurs périphériques.

Technique péri-aréolaire
Début de l'intervention
Il s'agit d'une tumorectomie monobloc en forme de
cône emmenant la plaque aréolo-mamelonnaire et allant
jusqu'au plan pectoral. L'incision se fait à la limite externe
de l'aréole et sera orientée par la localisation de la tumeur,
avec marges d'exérèse de bonne qualité (fig. 5.66).
La peau sera libérée en périphérie de l'incision sur
quelques centimètres, dans le plan des crêtes de Duret, afin
de mieux adapter l'étui cutané au nouveau massif glandu-
laire après remodelage.
Cette résection glandulaire va jusqu'au plan pectoral qui
sera «clippé» pour mieux orienter la radiothérapie (fig. 5.67).
La pièce opératoire sera repérée pour aider l'examen Figure 5.67
anatomopathologique. Technique péri-aréolaire : tumorectomie monobloc jusqu'au plan
pectoral et décollement profond de la glande mammaire.
Dessin : Cyrille Martinet.
Remodelage
Une fois l'exérèse réalisée, un remodelage glandulaire et La reconstruction du massif glandulaire commence par
cutané est nécessaire, afin d'éviter une déformation du sein la libération de la face profonde du sein. Un rapprochement
traité avec un aspect plat. des piliers glandulaires débute alors de la face p­ rofonde à
67
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 5.68
Technique péri-aréolaire : remodelage.
A. Suture glandulaire de la profondeur vers la superficie et désépidermisation controlatérale. B. Bonne projection antérieure
par remodelage glandulaire de la profondeur vers la superficie.
Dessins : Cyrille Martinet.

la superficie (fig. 5.68a). Le volume reconstruit sera donc


un cône à base plus étroite avec une bonne projection
qui évitera l'aspect plat du sein reconstruit (fig. 5.68b). Un
drainage peut être nécessaire. L'étui cutané sera ensuite
refermé au moyen d'une ou de deux bourses étagées (pro-
fonde puis superficielle), afin de limiter le risque de désu-
nion locale due à l'incongruence de la suture. Des points
non résorbables superficiels peuvent compléter cette fer-
meture (fig. 5.69).
Pour les seins graisseux ou très ptosés, ces décollements
extensifs sont moins nécessaires, ce qui permet de limiter
les risques de dévascularisation glandulaire et les suites
opératoires.
Le résultat après radiothérapie est le plus souvent plus
petit et plus haut situé que le sein controlatéral.
La reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire
sera effectuée dans un second temps quelque mois à un an
après la fin des rayons, afin de travailler sur un résultat sta-
bilisé. Plutôt que par tatouage sur une zone très cicatricielle,
l'aréole est plus facile à réaliser à l'aide d'une greffe de peau Figure 5.69
du pli inguinal et le mamelon par un lambeau local. Technique péri-aréolaire : fermeture en bourse serrée ; plastie
de symétrisation à gauche.
68 Dessin : Cyrille Martinet.
5. « Oncoplastie »

Symétrisation
Une symétrisation du sein controlatéral est souvent néces-
saire, le plus souvent par technique péri-aréolaire, parfois par
une technique verticale ou en «T» inversé en fonction du
degré d'asymétrie et de la quantité de glande et de peau à
réséquer (fig. 5.69). Le sein remodelé devra être légèrement
plus petit et plus haut situé pour prévenir les modifications
postopératoires à court et à moyen terme. Il est certain que
de grandes modifications de poids pourront déstabiliser cette
symétrie restaurée, il faudra donc en informer la patiente.

Technique horizontale (vidéo e5.9)


La technique opératoire est la même que pour la technique
péri-aréolaire, seule l'incision est différente. Elle est horizontale,
biconcave, passant juste aux limites supérieure et inférieure de
l'aréole (fig. 5.70). Elle est la plus courte possible et dessine un
losange (ou un «calisson d'Aix»). La résection glandulaire est
identique à celle de la technique péri-­aréolaire (fig. 5.71). La
glande est refermée par adossement des piliers glandulaires Figure 5.71
en démarrant de la profondeur vers la superficie (fig. 5.72). La Pamectomie horizontale : tumorectomie centrale monobloc
jusqu'au plan pectoral et décollement profond de la glande
fermeture cutanée est alors effectuée de façon directe. mammaire.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 5.70 Figure 5.72


Pamectomie horizontale : incision cutanée et décollement Pamectomie horizontale : suture glandulaire de la profondeur
de la peau en périphérie. vers la superficie avec désépidermisation controlatérale.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

69
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Le reste de l'intervention est identique en tout point à la Plasties mammaires associées


technique péri-aréolaire.
En revanche, en ce qui concerne la reconstruction de la Dans certains cas, lorsque la tumeur n'est pas uniquement
plaque aréolo-mamelonnaire, les techniques sont le plus rétroaréolaire et qu'elle présente une extension inférieure,
souvent différentes. En effet, un tatouage pourra facilement une ablation plus large est nécessaire. Une plastie mam-
être utilisé pour l'aréole, associé à un lambeau local tatoué maire associée à la pamectomie est alors effectuée.
bilobé. Ce geste peut même parfois être effectué en partie Toutes les techniques de plastie mammaire précédem-
ou en totalité au cours du premier temps opératoire. ment décrites sont utilisables.
La symétrisation peut être également pratiquée dans
le même temps opératoire, en général par une technique Plastie mammaire verticale associée
péri-aréolaire (fig. 5.73).
La technique opératoire des pamectomies horizontales
(« T » inversé, verticale pure, « J » ou « L »)
est présentée en figure 5.74. Ces techniques sont décrites plus haut dans les sections qui
les concernent.
Résultats L'incision en « T » inversé inclut la plaque aréolo-
Les résultats sont exposés sur les photographies des mamelonnaire et remonte 1 ou 2 cm au-dessus (fig. 5.78).
figures 5.75 à 5.77. La résection glandulaire suit l'incision cutanée jusqu'au
plan pectoral en emmenant la tumeur (fig. 5.79). La seule
différence sera la fermeture directe de la cicatrice verti-
cale après ablation de la plaque aréolo-mamelonnaire
(fig. 5.80).
La reconstruction de la plaque aréolo-mamelon-
naire pourra se faire par toute sorte de technique ; en
revanche, on utilisera le plus souvent la même technique
pour la symétrisation du sein opposé (« T », verticale…)
(fig. 5.81).

Résultats
La technique et les résultats sont présentés sur les photo-
graphies des figures 5.82 à 5.84.

Plastie mammaire associée par technique


externe ou interne
La technique externe ou la technique interne (décrites
plus haut) est simplifiée par le fait que la transposition à
l'opposé de la plaque aréolo-mamelonnaire ne sera alors pas
nécessaire. Le remodelage glandulaire doit en revanche être
Figure 5.73
minutieux afin d'éviter l'aspect «plat» du sein reconstruit.
Pamectomie horizontale : fermeture directe horizontale ; plastie
de symétrisation gauche par technique péri-aréolaire.
Des lambeaux glandulaires de rotation peuvent être utilisés
Dessin : Cyrille Martinet. (fig. 5.85).

70
5. « Oncoplastie »

A B

C D

E F
Figure 5.74
Pamectomie horizontale : résumé opératoire.

71
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 5.75
Pamectomie horizontale : résultat après reconstruction de la plaque aérolo-mamelonaire et radiothérapie.

A B
Figure 5.76
Pamectomie horizontale : résultat après reconstruction de la plaque aérolo-mamelonaire, radiothérapie et symétrisation
par technique externe.

A B
Figure 5.77
Pamectomie horizontale : résultat après reconstruction de la plaque aérolo-mamelonaire, radiothérapie et symétrisation par round block.

72
5. « Oncoplastie »

Figure 5.78 Figure 5.80


Incision en «T inversé» emmenant la plaque aréolo- Rapprochement des piliers glandulaires et suture directe
mamelonnaire droite et désépidermisation bilatérale. après décollement du plan pectoral.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 5.79 Figure 5.81


Tumorectomie très large emmenant les quadrants inférieurs Suture cutanée et symétrisation par la même technique en «T»,
et la tumeur jusqu'au plan pectoral. mais conservant la plaque aréolo-mamelonnaire.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

73
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 5.82
C
Plastie mammaire associée à la pamectomie : technique.

A B
Figure 5.83
Plastie mammaire associée à la pamectomie : résultat.

A B
Figure 5.84
Plastie mammaire associée à la pamectomie : résultat.

74
5. « Oncoplastie »

Figure 5.85
Intervention par technique externe emmenant la plaque
aréolo-mamelonnaire.
Dessin : Cyrille Martinet. Figure 5.86
Technique simple du sillon sous-mammaire : incision cutanée
1 cm au-dessus et au-dessous du sillon sous-mammaire ;
désépidermisation, sauf en regard de la tumeur.
La reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire Dessin : Cyrille Martinet.
pourra se faire par toute sorte de technique ; la symétrisa-
tion sera le plus souvent effectuée par une technique ver-
ticale au choix. Début de l'intervention
On incise 1 cm au-dessus et au-dessous du sillon sous-
mammaire, centré sur la tumeur et en allant jusqu'au
Prise en charge des tumeurs muscle pectoral. L'incision est prolongée en dedans et en
du sillon sous-mammaire dehors sur 3 à 5 cm afin d'éviter, lors du remodelage, l'ina-
déquation des cicatrices supérieure et inférieure.
Les tumeurs du sillon sous-mammaire sont générale-
ment plus faciles à traiter avec un remodelage glan- Remodelage glandulaire
dulaire par abaissement du massif glandulaire. Le plus
La tumeur est emmenée en monobloc avec les oreilles
souvent, la symétrisation n'est pas nécessaire pour ces
interne et externe jusqu'au plan pectoral. Puis la glande
tumeurs. Cette technique est très facile à réaliser sur
mammaire est décollée en haut sur 5 à 8 cm en dépassant
des seins ptosés.
l'aréole afin d'abaisser facilement la cicatrice supérieure avec
la glande mammaire sur la cicatrice inférieure (fig. 5.87). Cet
Technique simple du sillon artefact permet de modifier très peu le pôle inférieur du
segment sous-aréolaire (segment III). Le lit opératoire est
sous-mammaire (vidéo e5.10) clippé pour orienter la radiothérapie.
La pièce opératoire est orientée.
Dessins préopératoires La fermeture cutanée est directe ; un drain est positionné
Le dessin passe 1 cm au-dessus et au-dessous du sillon dans la région postérieure du sein.
sous-mammaire en emmenant la tumeur et la peau en Le curage, s'il est nécessaire, sera effectué par une inci-
regard. Le dessin continue en interne et en externe et sion séparée sous-axillaire horizontale.
permet de refermer le sillon sous-mammaire sans oreille Le sein controlatéral nécessite rarement un geste de
latérale (fig. 5.86). symétrisation (par la même technique) (fig. 5.88).
75
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Résultats
La technique opératoire du sillon sous-mammaire est pré-
sentée en figure 5.89. Les résultats sont exposés sur les pho-
tographies de la figure 5.90.

Technique de sillon sous-mammaire


avec lambeaux dermograisseux
de comblement
Sur des seins de petit volume et, surtout, si la tumeur
se situe légèrement au-dessus du sillon, l'exérèse va
entraîner un défect glandulaire difficile à combler. On
peut alors utiliser une ou les deux oreilles latérales de
la résection du sillon sous-mammaire. Une fois désé-
pidermisées, on peut les détacher du plan pectoral en
les laissant attachées et vascularisées sur la base du
Figure 5.87 triangle.
Technique simple du sillon sous-mammaire : incision monobloc
jusqu'au plan pectoral et décollement de la glande mammaire. Dessins préopératoires
Dessin : Cyrille Martinet.
Le dessin passe 1 cm au-dessus et au-dessous du sillon sous-
mammaire en emmenant la tumeur et la peau en regard.
Le dessin va continuer en interne et en externe et permet-
tra de refermer le sillon sous-mammaire sans oreille latérale
(fig. 5.91).

Début de l'intervention
On incise 1 cm au-dessus et au-dessous du sillon sous-
mammaire, centré sur la tumeur et allant jusqu'au
muscle pectoral. L'incision est prolongée en dedans
et en dehors sur 3 à 5 cm afin d'éviter, lors du remo-
delage, l'inadéquation des cicatrices supérieure et
inférieure. Les lambeaux dermograisseux latéraux sont
désépidermisés.

Remodelage glandulaire
La tumeur est réséquée avec la peau en regard (fig. 5.92) ;
puis, la glande mammaire est décollée en haut sur 5 à
8 cm en dépassant l'aréole, afin d'abaisser facilement
la cicatrice supérieure avec la glande mammaire sur la
Figure 5.88
cicatrice inférieure. Cet artefact permet de modifier
Technique simple du sillon sous-mammaire : la symétrisation n'est
pas toujours nécessaire ; sinon, elle est effectuée de la même façon. très peu le pôle inférieur du segment sous-aréolaire
Dessin : Cyrille Martinet. (segment III).

76
5. « Oncoplastie »

A B

C D

E F

H
G
Figure 5.89
Technique simple du sillon sous-mammaire : résumé opératoire.
77
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 5.90
Technique simple du sillon sous-mammaire : résultats avant et après traitement d'une lésion du sillon sous-mammaire interne droit.

Figure 5.91 Figure 5.92


Technique du sillon sous-mammaire avec lambeau Technique du sillon sous-mammaire avec lambeau
dermoglandulaire : incision cutanée identique à celle de la dermoglandulaire : ablation au large de la tumeur ;
technique simple. désépidermisation du sillon sous-mammaire.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

Les lambeaux dermograisseux désépidermisés sont levés et La fermeture cutanée est directe ; un drain est positionné
restent attachés à leur base afin de rester vascularisés (fig. 5.93). dans la région postérieure du sein.
Ils sont transposés dans la zone de défect glandulaire afin de Le sein controlatéral nécessite rarement un geste de
le combler. Ils seront fixés pour qu'ils ne se déplacent pas lors symétrisation (fig. 5.94).
de l'abaissement de la cicatrice supérieure sur la cicatrice infé- Le curage, s'il est nécessaire, sera effectué par une inci-
rieure. Le lit opératoire est clippé pour orienter la radiothérapie. sion séparée sous-axillaire horizontale.

78
5. « Oncoplastie »

Figure 5.93
Technique du sillon sous-mammaire avec lambeau
Figure 5.94
dermoglandulaire : libération des deux lambeaux désépidermisés
dermoglandulaires qui viennent combler le défect glandulaire. Technique du sillon sous-mammaire avec lambeau
Dessin : Cyrille Martinet. dermoglandulaire : suture de la peau. Symétrisation par la même
technique sans lambeau glandulaire.
Dessin : Cyrille Martinet.

Toutes ces techniques (fig. 5.95) permettent une prise en localisations difficiles à traiter sans déformations (quadrant
charge par rayon des cancers du sein. À chaque locali- supéro-interne, inféro-interne…). Il trouve également sa
sation correspond une technique opératoire retrouvée place sur des seins de très petit volume, lorsque le rapport
dans ce schéma. volume tumoral sur volume mammaire est élevé car, dans
ces cas difficiles, la tumorectomie large entraîne souvent
des défects majeurs difficiles à corriger par la suite.
Conclusion Les limites du traitement conservateur peuvent être
encore repoussées si on parvient à diminuer le volume
Depuis vingt ans, les limites du traitement conservateur tumoral à l'aide d'un traitement. La chimiothérapie ou
n'ont pas cessé d'être repoussées, afin de diminuer le l'hormonothérapie adaptées peuvent permettre l'obten-
nombre de mastectomies radicales, d'améliorer la qualité tion d'un tel effet sur la tumeur. En outre, elles ne grèvent
des marges d'exérèse et de diminuer les séquelles esthé- en rien la qualité du résultat esthétique à long terme, ce
tiques de traitement après radiothérapie. qui n'est pas le cas pour la radiothérapie préopératoire
Les techniques oncoplastiques permettent de remode- dont les effets sur la glande mammaire et la vascularisation
ler le sein afin de lui donner une forme souple, sans traction perturbent la cicatrisation et augmentent de façon très
ou défect glandulaire, pouvant recevoir au mieux la radio- significative les déformations et les séquelles esthétiques
thérapie et évitant les distorsions qui s'ensuivent. à long terme.
Ce traitement est bien sûr adapté pour les grosses Ces techniques sont présentées dans la figure 5.96 qui
tumeurs sur des seins généreux, mais également pour des résume ce chapitre.

79
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

6 Figure 5.95
7 Technique utilisée en fonction de la localisation.
2 5 1. Technique de «round block», technique en «T» à pédicule inférieur,
technique en «oméga» ou en «V» pour les quadrants supérieurs. 2. Technique
4 externe pour les quadrants externes. 3. Technique en «T» avec ou sans
lambeau glandulaire de rotation pour des tumeurs des quadrants inférieurs,
3 mais aussi technique en «J», «L» ou verticale. 4. Technique interne avec
lambeau de rotation. 5. Technique interne. 6. Technique en «oméga» souvent
8 utilisée pour les tumeurs supéro-internes qui atteignent fréquemment la peau.
7. Pamectomie pour les tumeurs centrales. 8. Techniques du sillon sous-
mammaire pour les tumeurs du sillon sous-mammaire.
Dessin : Cyrille Martinet.

Plastie mammaire périaréolaire Plastie mammaire à pédicule inférieur Plastie mammaire en V ou oméga

1
Plastie mammaire externe 6 Plastie mammaire interne
7
2 5

4
3

Plastie mammaire en J Plastie mammaire verticale

Plastie mammaire en L Plastie mammaire en sillon sous-mammaire Plastie mammaire en T inversé

Figure 5.96
Récapitulatif des techniques de chirurgie oncoplastique.
Dessin : Cyrille Martinet.

80
5. « Oncoplastie »

Inconvénients Avantages, indications


Il faut évoquer les inconvénients de cette chirurgie, qui Il faut néanmoins garder à l'esprit que ces techniques
ne sont pas négligeables : permettent une conservation du sein dans plus de 90 %

la formation spécifique à acquérir pour pouvoir effec- des cas et évitent donc les difficultés de la reconstruction
tuer ces interventions dans de bonnes conditions et mammaire et de ses multiples temps opératoires avec des
obtenir un résultat esthétique satisfaisant ; résultats plus ou moins naturels. La qualité des marges

l'augmentation significative de la durée de l'inter- d'exérèse est également à signaler : elle permet d'obtenir
vention, qui doit rester en balance avec le temps des taux de récidive locale et de survie sans récidive qua-
opératoire et le coût qui serait nécessaire pour une siment identiques pour ces tumeurs difficiles.
reconstruction en cas de mastectomie (quelle que Ces résultats restent largement positifs dans la balance
soit la technique utilisée) ; en faveur du traitement conservateur s'il est bien mené.

l'importance des cicatrices du sein traité, dont la Les indications de la technique à utiliser sont maintenant
qualité est bien sûr améliorée par la radiothérapie bien hiérarchisées en fonction de la localisation tumorale,
postopératoire ; rayon par rayon. Parfois, deux ou plusieurs techniques sont

mais qui reste néanmoins parfois difficile à faire envisageables ; il faudra choisir la plus simple, la plus adaptée,
accepter par la patiente ; celle qui entrera le plus facilement dans la cicatrice d'une

la symétrisation du sein controlatéral, qui reste très éventuelle mastectomie. Le choix peut être également fonc-
fréquente et dont les cicatrices sont souvent moins tion de la difficulté technique, les techniques horizontales
«belles» car elles ne bénéficient pas des effets positifs étant plus simples que les techniques verticales (dites de
de la radiothérapie postopératoire ; niveau 2 ou 3 selon les auteurs).

les difficultés parfois majeures lors de la reprise chirur-
gicale précoce (en cas d'exérèse insuffisante) ou tar-
dive (pour récidive locale) en raison des cicatrices
du geste oncoplastique (en particulier dans les tech-
niques verticales : «T» inversé, «J»…).

81
Chapitre 6
Prise en charge globale
des patientes en vue
d'une reconstruction mammaire
A. Fitoussi

PLAN DU C HAPITRE
La première consultation 84
La consultation préopératoire 85
Dernière information au cours des dessins
préopératoires 85

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Avant de discuter des différentes interventions possibles sur ● le matériel local : pacemaker, prothèse de hanche ou
un plan technique, une évaluation globale de la patiente, d'épaule ;
de sa morphologie, de ses souhaits et des possibilités tech- ● la stéatomérie ;
niques est nécessaire. Une information complète et compré- ● le volume mammaire à réaliser (bonnet et tour de
hensible doit être fournie, avec un support écrit si possible. thorax) ;
Des photographies peuvent éventuellement lui être mon- ● la forme du sein opposé (très large, degré de ptose,
trées afin de mieux intégrer les cicatrices et les résultats. mammectomie bilatérale…) ;
● les traitements éventuels sur le sein opposé (cicatrices,
plastie de symétrisation ou de réduction préexistante,
La première consultation radiothérapie…) ;
● la qualité et la quantité de la peau mobilisable sur le tho-
Cette première consultation va être décisive pour la rax et en dessous du sillon sous-mammaire ;
patiente ; elle va lui permettre de formuler sa demande ● les cicatrices associées sur le thorax, le sein opposé, l'ab-
pour la reconstruction secondaire. domen, le dos… ;
On en profitera pour revenir sur les différents traitements ● la souplesse de la peau et son épaisseur ;
qui ont été nécessaires et qui peuvent moduler l'indication ● la souplesse et le volume des zones éventuellement don-
opératoire (en particulier la radiothérapie), évoquer des neuses : le dos, l'abdomen, la fesse ;
suites opératoires compliquées et qui peuvent gêner la ● la possibilité de prélèvement de graisse pour
reconstruction (lymphocèle récidivante avec ponctions lipomodelage.
multiples, difficultés de cicatrisation avec parfois nécrose Par un interrogatoire précis, l'opérateur va également
cutanée et cicatrisation dirigée…). évaluer chez la patiente :
On recherchera également les gestes opératoires pré- ● la motivation pour cette chirurgie contraignante ;
existants et les cicatrices associées : tumorectomie en ● ses éventuelles expériences personnelles (geste de
dehors de la cicatrice de mammectomie (dans le sillon reconstruction déjà effectué sur le sein opposé), sur des
sous-mammaire, très haut située…), voire d'oncoplastie proches (amie ou famille), voire dans des associations de
(cicatrice en «T», radiaire…), qui peuvent modifier l'indi- patientes. Souvent, ces expériences ont déjà orienté la
cation opératoire. patiente vers telle intervention qu'elle a trouvée «formi-
Dans les cas de reconstruction immédiate, on insistera dable» ou contre telle autre qu'elle dit «insoutenable» ;
sur les cicatrices, la disparition le plus souvent du mamelon, ● l'acceptation des cicatrices à distance, des multiples
la consistance du sein reconstruit en fonction de la tech- temps opératoires et des modifications de volume du sein
nique utilisée… ainsi que sur le nombre de temps opéra- opposé si nécessaire ;
toires nécessaires pour finaliser la reconstruction. ● sa connaissance de l'effet «patch», avec cicatrices supé-
L'opérateur va ensuite apprécier au mieux les multiples rieure et inférieure, pour les lambeaux musculocutanés
facteurs qui lui permettront de poser une indication opéra- quand ils ne peuvent pas être complètement enfouis ;
toire et d'expliquer ce choix à la patiente : ● le volume qu'elle souhaiterait éventuellement obtenir en
● la taille, le poids et ses modifications récentes ; fin de reconstruction si cela est possible (plus petit pour les
● le tabagisme à quantifier ; gros volumes ou plus gros pour les hypotrophies).
● les antécédents de radiothérapie et les séquelles ; On évoquera avec la patiente les attentes de la recons-
● les pathologies associées : diabète, asthme, hypertension truction et les réalités :
artérielle… ; ● forme, souplesse, mobilité envisageables du sein recons-
● l'état psychologique : traitements antidépresseurs asso- truit selon la technique ;
ciés, suivi psychiatrique… ; ● insensibilité quasi totale du sein reconstruit ;
● le bilan d'extension récent, négatif si possible ; ● nécessité fréquente et acceptation d'un geste chirurgi-
● l'existence d'une lésion, même bénigne, du sein opposé cal sur le sein opposé (réduction, augmentation, cure de
qu'il faudra retirer dans le même temps opératoire (adéno- ptose…), avec les cicatrices et les troubles de la sensibilité
fibrome, lipome, microcalcifications…) ; associés ;
● les malformations associées : scoliose, déformations tho- ● devenir de la reconstruction et reprise chirurgicale éven-
raciques, agénésie mammaire controlatérale… ; tuelle à long terme en fonction des techniques et du maté-
● les traitements au long cours : anticoagulants, anticancé- riel utilisé (changement d'implant en cas de rupture ou de
reux, corticoïdes… ; coque mal supportée du sein reconstruit ou de modifica-
84
6. Prise en charge globale des patientes en vue d'une reconstruction mammaire

tion de volume du sein opposé, reprise du sein opposé en On vérifiera qu'on a bien fourni un support explicatif
cas de nouvelle ptose…). écrit et qu'il a été compris par la patiente.
Au vu de ce bilan complet, on pourra proposer et expli-
quer à la patiente les différentes techniques envisageables
dans son cas précis, les avantages et les inconvénients de
celles-ci, ainsi que les éventuelles modifications du résultat Dernière information au cours
esthétique à long terme. On évoquera également les pos- des dessins préopératoires
sibilités de reprises chirurgicales parfois nécessaires (souf-
frances des lambeaux, thromboses des lambeaux libres…). Les dessins préopératoires sont généralement faits la veille
Des photographies avant/après peuvent éventuellement ou le matin de l'intervention, patiente debout puis allon-
être montrées à la patiente si elle le souhaite. gée. On utilise un marqueur (indélébile), ce qui permettra
Une note d'information complète, reprenant les différents à la patiente de mieux visualiser les zones opératoires et
points essentiels de la consultation, sera fournie à la patiente. l'emplacement des futures cicatrices.
On confirmera avec la patiente les différents temps opé-
ratoires programmés et ceux qui seront éventuellement
Un délai de réflexion est le plus souvent nécessaire avant réalisés dans un second temps.
d'envisager une seconde ou une troisième consultation
d'information et une éventuelle décision opératoire.

La consultation préopératoire À retenir


Au cours de cette dernière consultation avant l'interven-

Bien vérifier la compréhension des différentes solu-
tion, on reviendra sur les consultations précédentes et on tions thérapeutiques proposées.

S'il existe plusieurs solutions, choisir celle que préfère
insistera sur la durée de l'intervention, de l'hospitalisation
la patiente.
et, surtout, sur les inconvénients (cicatrices, douleurs, drai- ■
En cas de doute, reporter l'intervention après un autre
nages…) et les complications éventuelles. voire deux autres rendez-vous.
On prescrira une mammographie s'il n'y en a pas de ■
Évoquer les complications inhérentes à chaque
récente et, éventuellement, un soutien-gorge de maintien technique.
à porter en postopératoire. ■
Montrer les cicatrices nécessaires à la technique
Un ultime rappel des différents temps opératoires et des opératoire.
décisions prises en commun avec la patiente concernant ■
Envisager toutes les solutions possibles et celle la plus
le déroulement des deux ou trois temps opératoires est adaptée à la patiente.
toujours souhaitable la veille ou le matin de l'intervention.

85
Chapitre 7
Greffe de tissu adipeux
A. Fitoussi, A. Mojallal

P L AN D U CHA PI T RE
Introduction 88 Lipomodelage de « resurfaçage »
après reconstruction par implant 110
7.1. Généralités sur le transfert
de tissus adipeux 88 Lipomodelage des lambeaux
musculocutanés (LMC) 113
Tissu adipeux et greffe de tissus adipeux 88
Lipomodelage exclusif en reconstruction
Greffe de tissus adipeux en reconstruction
mammaire immédiate ou secondaire 119
mammaire après chirurgie du cancer du sein 89
Reconstruction du sein par lipomodelage
7.2. Les indications de transfert de tissus
après ablation de prothèse (conversion) 132
adipeux en reconstruction mammaire 106
Séquelles esthétiques de traitement
Lipomodelage de la paroi thoracique
conservateur (SETC) 135
après mastectomie avant la mise
en place d'une prothèse 106

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Introduction Cette technique permet non seulement d'améliorer


la vascularisation et donc la trophicité locale mais aussi
A. Fitoussi de corriger des défauts très localisés qui étaient autrefois
La réinjection de la graisse a révolutionné la chirurgie de très difficiles à modifier. Cette technique est simple, peu
reconstruction mammaire et cela dans toutes les techniques, invasive, sans cicatrice le plus souvent et pratiquée en
dans tous les temps opératoires de la reconstruction mam- ambulatoire dans la plupart des cas. Des reconstructions
maire et même dans les séquelles du traitement conservateur. complètes du sein, voire le remplacement des implants
La graisse peut être prélevée sur des zones variables du corps mal supportés, sont devenus faciles à réaliser en 3 ou
et les bénéfices secondaires sur ces zones de prélèvement ne 4 injections.
sont pas négligeables pour la plupart des patientes. Nous allons essayer de les répertorier dans ce chapitre en
Depuis près de 20 ans, la technique initialement décrite fonction du type de reconstruction ou de traitement des
par Ilouz et Fournier, a été remise au goût du jour par séquelles, sans être exhaustif.
Coleman et al. Depuis lors, la technique n'a cessé d'évoluer Avant de prendre la décision opératoire et surtout si
pour être plus rapide, plus efficace et plus simple : plusieurs injections sont nécessaires, il faudra bien évaluer
● les indications se sont multipliées ; le capital graisseux total afin de ne pas consommer dès le
● la fiabilité du transfert c'est amélioré ; début les meilleures zones donneuses.
● les transferts sont plus volumineux et donc moins Si l'on estime qu'il faudra 3, 4 ou 5 injections pour une
nombreux. reconstruction complète du sein, voire bien plus en cas de
Les complications, en particulier la cytostéatonécrose, reconstruction bilatérale, une planification exhaustive des
ont progressivement diminué grâce à une technique plus zones de prélèvement nécessaires sera élaborée. Ces zones
fine et plus fiable. Les images radiologiques, qui auraient seront définies en fonction du volume utile : sous- et sus-
pu gêner la surveillance, sont également plus limitées et ombilicale, face interne et/ou antérieure de cuisses, genoux,
surtout mieux interprétées par les radiologues. face externe de cuisses puis le bas du dos voire les bras.
L'efficacité sans partage de cette technique a permis au Les patientes avec un IMC bas seront de mauvaises candi-
lipomodelage de s'imposer dans la plupart des temps de dates pour cette technique de reconstruction et on devra
reconstruction mammaire : avant ou après la pose d'un les informer dès le début de la possibilité d'y adjoindre un
implant, dans l'augmentation de volume des lambeaux mus- petit implant en fin de traitement et après épuisement des
culocutanés, dans les séquelles du traitement conservateur… stocks de graisse.

7.1. Généralités sur le transfert de tissus adipeux

Tissu adipeux et greffe de tissu des cellules progénitrices - cellules souches adipeuses (ASC),
des fibroblastes, des cellules musculaires lisses vasculaires,
adipeux des cellules endothéliales, des monocytes/ macrophages
A. Mojallal, H. Shipkov, L. Gebert, F. Boucher
résidents et des lymphocytes, etc. L'ensemble de cette frac-
tion cellulaire autre que les adipocytes est appelé la fraction
vasculaire stromale (SFV), et les ASC représentent 5–10%
Les tissus adipeux et les cellules de cette fraction (1–3). Les cellules souches ont la propriété
de se multiplier et de se différencier en différents types cel-
souches du tissu adipeux (ASC : lulaire de la lignée mésenchymateuse [1, 2].
Adipose Derived Stem Cells) La matrice extracellulaire est une structure tridimen-
sionnelle qui se compose de fibres de collagène, de fibres
Le tissu adipeux se compose de deux principales compo-
d'élastine et de substances extracellulaires dans lesquelles
santes : la composante cellulaire et la matrice extracellulaire.
toutes les composantes cellulaires et fibreuses trouvent
La composante cellulaire est formée de cellules lipi-
leur milieu naturel. Cette structure 3D permet le dévelop-
diques matures univacuolaire appelées adipocytes (occu-
pement des cellules et contient l'arborescence vasculaire
pant 90 % du volume) et d'autres types cellulaires tels que
88
7. Greffe de tissu adipeux

(avec les péricytes) qui distribue les vaisseaux pour le plexus épaisseur de la peau et diamètre des pores) et améliore la
dermique. guérison des plaies [15]. Les mécanismes physiologiques de
Le tissu adipeux a une fonction mécanique protégeant les ces phénomènes dynamiques ne sont pas encore suffisam-
organes ; une fonction d'isolant thermique ; et joue le rôle du ment élucidés. L'effet régénérateur résulte probablement
principal réservoir énergétique [sous forme de lipides, stocké de la capacité des ASC à se transformer en diverses cellules
dans les adipocytes (diamètre de 20 à 200 μm)]. Le tissu adi- de tissu conjonctif, à stimuler la synthèse de collagène de
peux participe également à l'homéostasie énergétique avec ses type I et de la matrice extracellulaire par les fibroblastes ; et
deux processus de base de la lipogenèse et la lipolyse. En dehors la capacité des adipocytes à sécréter des adipocytokines.
des fonctions sus-citées, le tissu adipeux joue également un rôle La greffe de tissu adipeux peut donc être utilisée soit pour
dans la régulation métabolique, neuroendocrine, immunitaire recréer du volume, soit pour faire cicatriser et améliorer la qua-
et cardiovasculaire par la sécrétion de peptides appelés adi- lité de la peau (par exemple : post radiothérapie), soit les deux.
pocytokines, qui agissent de manière autocrine, paracrine ou Dans des études précliniques réalisées chez l'animal, nous
endocrine. Une petite partie des adipokines sécrétées sont spé- avons observé que pour préserver un volume par greffe grais-
cifiques pour le tissu adipeux comme adiponectine et leptine. seuse, la matrice extracellulaire était l'élément indispensable
Le reste des adipokines sécrétées ne sont pas spécifiques pour [16]. Elle est la pierre angulaire de la rétention de volume,
le tissu adipeux. Il s'agit de protéines du complément, de pros- et est primordiale pour la survie des cellules (adipocytes
taglandines (PGE2, PGD2), de facteurs de croissance (TGF-b, matures, ASC, et autres). Ensuite, l'élément le plus important
IGF-I, MCS-F, VEGF), d'interleukines, de substances vasoactives est la cellule souche adipeuse. Le nombre et la fonctionnalité
(angiotensinogène, angiotensine, résisitine), comme l'interleu- des ASC sont des éléments importants à la régénération du
kine 6 (IL-6), de facteur nécrosant de tumeur-α (TNFα), et de TA greffé et à l'impact de la greffe sur les tissus avoisinants.
facteur de croissance des fépatocytes (HGF) [2-5]. De nombreuses études ont montré qu'il existait une grande
variation inter-individuelle de nombre de cellules souches dans
le tissu adipeux. C'est probablement cette variation de nombre
La greffe de tissu adipeux : théories d'ASC entre individus qui expliquent la variabilité des résultats
de survie cellulaire et indications obtenus. Nous pensons qu'à l'avenir, un comptage cellulaire
per-opératoire d'un échantillon du tissu adipeux greffé pourra
Depuis la première greffe de graisse, réalisée à la fin du constituer le meilleur élément prédictif du résultat. Ainsi une
XIXe siècle, les indications de greffe de graisse ont nette- corrélation de type « dose-effet » pourra être recherché en
ment évolué. En 1950, Lyndon Peer décrivait deux théories fonction de la quantité des cellules souches injectée.
concernant la greffe de tissu adipeux : la théorie de survie Le chirurgien peut contrôler la qualité du tissu adipeux
cellulaire et la théorie de remplacement par l'hôte. Depuis prélevée et injectée selon les instruments utilisés et le pro-
la fin des années 1970, la greffe de graisse a gagné en popu- tocole de préparation suivi. Il nous paraît important de pré-
larité grâce aux travaux de Illouz, Fournier et Coleman [3]. server une matrice extracellulaire de qualité avec un grand
Néanmoins, la non-prédictibilité des résultats obtenus a nombre de cellules souches adipeuses.
toujours été source d'interrogations et de controverse. Et
bien que la survie du tissu adipeux ait déjà été documentée
de différentes manières, y compris par des méthodes méta- Greffe de tissus adipeux
boliques et radiologiques [2–8], la greffe de graisse présente
encore des taux de réabsorption imprévisibles [9, 10]. en reconstruction mammaire
Jusqu'à la découverte des cellules souches adipeuses, le après chirurgie du cancer du sein
résultat favorable des greffes de graisse était simplement
attribué à la capacité des cellules adipeuses à survivre ou à A. Mojallal, L. Gebert, F. Boucher, H. Shipkov
faire réagir le site receveur [11, 12]. Or, Yoshimura et al. [13, La greffe de tissus adipeux telle qu'elle est utilisée depuis plus
14] ont montré qu'après une greffe de graisse, uniquement d'une dizaine d'années, dérivée des descriptions de Coleman a
200 μm du lobule adipeux survivaient en surface du lobule fait ses preuves d'efficacité et de sûreté [17, 18]. Son utilisation en
et que le reste était régénéré à partir des ASC. chirurgie mammaire, en présence de parenchyme mammaire
En parallèle, il a été observé et documenté que la greffe natif a fait l'objet d'une longue controverse [19]. Aujourd'hui, suite
de tissu adipeux avait également un effet régénérateur sur à de nombreuses publications de séries cliniques, l'utilisation de
les tissus du site receveur. La greffe de tissu adipeux per- la greffe de tissus adipeux dans les malformations mammaires,
met d'améliorer la texture et l'élasticité de la peau (grain et dans la chirurgie reconstructrice après mastectomie totale, est
89
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

actuellement validée par tous à condition de remplir les critères En effet, deux problèmes se posaient aux chirurgiens. Le
cliniques et radiologiques préopératoires. Cette technique, premier, était que les foyers de cytostéatonécrose secondaires
utilisée en complément d'autres techniques chirurgicales, per- à l'autogreffe de tissus adipeux perturbent le diagnostic radiolo-
met de corriger des défauts difficilement traitables jusque-là. gique de cancer du sein. Le second était que les cellules souches
Elle permet de contrôler au mieux la base mammaire, le volume mésenchymateuses présentes dans le tissu adipeux accélèrent le
et la projection du sein, ainsi que les défauts de contour au développement d'un cancer du sein préexistant, tel qu'observé
niveau des régions supéromédiale du décolleté (zone sociale- dans les études in vitro et in vivo chez l'animal. Les études radio-
ment visible du sein et difficile à traiter), et supérolatérale du logiques (mammographie, échographique et IRM) ont mon-
prolongement axillaire du sein. De plus, le caractère bioactif du tré que le retentissement sur l'imagerie mammaire n'était pas
tissu adipeux greffé permet d'améliorer la trophicité des tissus rédhibitoire [38]. Depuis, les indications de greffe adipeuse en
receveurs, notamment en cas d'irradiation [20, 21]. Les progrès chirurgie mammaire se sont élargies aux reconstructions mam-
récents de la technique de la greffe graisseuse permettent main- maires post-mastectomie radicale, puis aux malformations, aux
tenant chez certaines patientes, une reconstruction complète séquelles de tumorectomie mammaire, et enfin dernièrement,
du sein sans avoir recours à d'autres techniques. à la chirurgie esthétique du sein. Depuis 2011, la réunion plénière
Après un historique de la greffe de tissus adipeux au de la Société française de chirurgie plastique, reconstructrice et
niveau du sein, nous aborderons la technique de transfert de esthétique a donné sa position définitive sur la greffe graisseuse
tissus adipeux ainsi que ses particularités en chirurgie mam- dans le sein en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.
maire ; pour terminer par les indications de cette technique. Cet avis a été confirmé en 2015 par la Haute Autorité de santé
(HAS) et s'étend à toutes les femmes quel que soit leur âge.
Historique de la greffe de tissus Selon la HAS, les indications d'autogreffe de tissus adi-
adipeux au niveau du sein peux au niveau du sein sont les suivantes :
● reconstruction mammaire après mastectomie partielle
Le premier cas de reconstruction mammaire par graisse ou totale ;
autologue a été décrit par Czerny en 1895 [22]. Il utilisa un ● asymétrie majeure nécessitant une compensation dans
volumineux lipome prélevé en région dorsale pour com- le soutien-gorge ;
bler une tumorectomie mammaire. Lexer en 1931 [23] a ● syndrome malformatif (sein tubéreux et syndrome de Poland).
présenté une reconstruction mammaire, après mastecto- Cet acte n'est pas indiqué pour la symétrisation mam-
mie pour mastopathie kystique, par la graisse de la région maire du sein controlatéral en cas de mastectomie partielle
axillaire. Le fort taux de résorption qui a suivi a été expliqué ou totale pour cancer.
par la faible vascularisation de cette graisse. Selon les recommandations de la HAS, les contre-­
En 1941, May [24] a présenté un cas de reconstruction indications d'autogreffe de tissus adipeux au niveau du sein
mammaire bilatérale par greffe de tissus adipeux d'un côté sont les suivantes :
et greffe de graisse plus fascia de l'autre avec l'idée que le ● facteurs de risque familiaux, histologiques, génétiques
fascia permettait de mieux préserver la graisse. ou médicaux de cancer du sein ;
Dans le cadre des hypoplasies mammaires, c'est Bames ● pathologie cancéreuse mammaire évolutive ou absence
[25] qui en 1953 a publié plusieurs cas d'augmentation de rémission ;
mammaire par greffe dermograisseuse, puis Schorcher [26] ● délai de moins de 2 ans après la fin des traitements locaux
qui en 1957 rapporte huit cas d'augmentation mammaire pour cancer du sein : en cas de chirurgie conservatrice ou lorsqu'il
par greffe graisseuse. À la même époque Peer traitait un existe un fort risque de récidive en cas de mastectomie totale.
syndrome de Poland par greffe dermograisseuse [27]. Après avoir pris en considération les aspects réglementaires
Après la description de la liposuccion par canule, Illouz et la sélection des patientes ; il est important de préciser que la
fut également un des premiers à utiliser cette technique technique de greffe graisseuse en chirurgie mammaire permet
dans la région mammaire [28]. Bircoll en 1987 [29, 30] d'obtenir de si bons résultats, qu'il est aujourd'hui inenvisageable
présente plusieurs cas d'hypoplasie ou de symétrisation de réaliser une reconstruction de qualité sans y avoir recours.
mammaire post-cancer en injectant de petites quantités Cette technique s'associe à toutes les autres techniques [39–45]
par séance. Cette pratique a suscité de violentes réflexions et se pratique même seule pour une reconstruction mammaire
de la part de la communauté scientifique [30–36]. Hang-Fu exclusivement par graisse. L'avenir verra probablement l'ingé-
et al. [37] en 1995, rapportent une série de prothèses mam- nierie tissulaire se développer à partir des cellules souches du
maires remplies de graisse autologue pour éviter tous les tissu adipeux, utilisant différents types de matrice extracellulaire
inconvénients liés à l'injection de graisse dans le sein. et l'ensemencement des cellules souches [46–48].
90
7. Greffe de tissu adipeux

Technique de greffe de tissus adipeux Les points d'entrée pour avoir une bonne accessibilité aux
zones de prélèvement et de réinjection doivent également
Les zones de prélèvement et de réinjection doivent être ana- être réfléchis avant l'intervention. Il est important de ne pas
lysées et repérées avant l'intervention en position debout. abîmer les zones de prélèvement (fig. 7.1).
Le protocole utilisé suit deux principes fondamentaux
qui sont le caractère peu traumatique de la manipulation
(prélèvement, préparation) du tissu adipeux et la ­réinjection tri-
dimensionnelle du tissu adipeux sous forme de petites parti-
cules permettant une bonne et rapide revascularisation. Tout
acte traumatisant pour la graisse doit être évité. La graisse ne
doit être ni pressée, ni aspirée à haute ­dépression, ni injectée
à haute pression, ni exposée longuement au contact de l'air.
Cette technique est rigoureuse et les résultats obtenus
dépendent en grande partie du respect de ses principes
fondamentaux permettant de préserver les cellules du tissu
adipeux vivantes.
La technique de greffe de tissus adipeux comporte trois
étapes : prélèvement, préparation, réinjection [18]. À ce jour,
aucune technique n'a fait la preuve de sa supériorité [49].

Prélèvement
Le prélèvement se fait en prenant la graisse profonde des
stéatoméries. Ce sont souvent la région abdominale, la
région trochantérienne, ou la face interne des genoux.
En cas de faible indice de masse corporelle et absence de
vraie stéatomérie, nous préconisons un prélèvement diffus de
faible quantité (tel un balayage). Selon cette technique, il est
Figure 7.1 toujours possible d'obtenir 400–500 cm3 de tissus adipeux, qui
Marquage pré-opératoire des zones de prélèvement peuvent suffire à un temps de la reconstruction mammaire.
et de réinjection (en tenant compte des points d'entrée).

A C

B
Figure 7.2
Prélèvement à la seringue en circuit fermé (A) avec des canules de 3 mm multiperforées ou de 1,5 mm multiperforées (B).
Cette technique est utilisée pour les greffes de petites quantités et à visée régénérative pour la qualité de la peau.
91
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Une infiltration à la canule de Klein est réalisée dans la ● à l'aide d'une pompe d'aspiration réglée à – 300 mmHg,
zone de prélèvement. Nous injection un mélange de Ringer avec une canule d'aspiration de diamètre de 3 mm avec ou
Lactate® avec 1 mg d'adrénaline par litre. Lorsque l'inter- sans système motorisé d'aspiration (fig. 7.3). Cette technique
vention est réalisée sous anesthésie générale (ce qui est le rend la procédure plus rapide tout en préservant la qualité
plus souvent le cas), nous ne rajoutons pas de lidocaïne au et le nombre de cellules souches mésenchymateuses [50].
mélange d'infiltration. L'infiltration est facultative selon les Dans tous les cas, de multiples tunnels sont réalisés lors
habitudes de chacun. du prélèvement pour diminuer les traumatismes et hémor-
Le prélèvement peut se faire soit : ragies locaux. De plus, cette technique permet de prévenir
● manuellement avec une canule d'aspiration d'un les éventuelles irrégularités de la silhouette.
diamètre externe de 3 mm, d'une longueur de 15 cm, à
bout mousse et avec doubles orifices assez larges pour Préparation du tissu adipeux
permettre le passage des adipocytes (fig. 7.2a à c). Cette
Lorsque la graisse est prélevée manuellement avec des
canule est montée sur une seringue vissée de 10 mL. Le
seringues de 10 cm3, celles-ci sont ensuite centrifugées pen-
vide dans la seringue est créé manuellement et progres-
dant 1 minute à 1 000 tours par minute (fig. 7.4a à c).
sivement, afin d'éviter une trop grande pression négative
Lorsque la graisse est prélevée à l'aide d'une aspiration
imposée aux adipocytes. Cette technique est habituelle-
mécanique, elle est retenue dans un bocal stérile. La graisse
ment réservée aux cas où une petite quantité de tissus
est ensuite lavée au Ringer Lactate®, puis laissée décanter
adipeux va être injectée (moins de 100–120 cm3) ;
(fig. 7.5a et b).
Dans tous les cas, on obtient trois couches :
● le surnageant : huileux, est fait de triglycérides issus des
adipocytes abîmés et constitue la partie la moins dense.
Cette partie est éliminée ;
● la partie basse de la seringue contient essentiellement les
produits sanguins et les débris hématiques et le reste du
produit d'infiltration. Cette partie est également éliminée ;
● la partie intermédiaire : c'est dans cette partie que
l'on trouve le tissu adipeux sain avec son ultrastructure
tridimensionnelle.

Transfert de tissus adipeux (réinjection)


Le but est de déposer de petites quantités à chaque passage
de canule. Pour cela il est nécessaire de réaliser un treillis
tridimensionnel dans le tissu à greffer. Ce geste doit se
faire délicatement et sans aucune pression exercée sur les
seringues. Les canules de réinjection sont de 17–18 G et de
forme et longueur variables (fig. 7.6).
Dans tous les cas, l'extrémité de la canule est mousse
pour éviter un traumatisme supplémentaire et la généra-
tion d'un hématome au niveau du site receveur. L'orifice
d'injection de la canule est latéral afin d'éviter une injection
intravasculaire intempestive. La taille de la canule et son
orifice sont suffisamment grands pour laisser passer les adi-
pocytes sans les abîmer. La canule est introduite jusqu'au
bout par l'incision et l'injection se fait en retirant la canule.
Il est important de réaliser une multitude de tunnels qui
se croisent afin de déposer la graisse en forme de treillis tri-
Figure 7.3 dimensionnel. Tous les plans sont greffés, en débutant par
Prélèvement de plus grandes quantités par une pompe la profondeur. Cette règle doit être rigoureusement respec-
d'aspiration et un système de prélèvement motorisé. tée, car au niveau du sein de grandes quantités vont être
92
7. Greffe de tissu adipeux

A C
Figure 7.4
Centrifugeuse à vitesse variable.
A. Centrifugeuse à vitesse et temps variable.
B. Tubes avec système "push-out" avant centrifugation.
C. Tubes après centrifugation.

A B
Figure 7.5
En cas de transfert de grande quantité, la graisse est lavée et laissée pour décantation dans un récipient spécifique.
A. Lavage de la graisse.
B. Décantation de la graisse.
93
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 7.6
Injection rétro-traçante, avec une canule spécifique de réinjection faisant 150 mm de longueur, de «spaghettis» graisseux qui vont
former un treillis tridimensionnel.

Figure 7.7
Un réinjection en 3D de petits filaments de graisse («spaghetti» graisseux) laissé sur la peau en reculant la canule.

injectées et qu'en l'absence de respect de cette règle, un la technique princeps décrite par Coleman tout en respec-
risque important de nécrose graisseuse existe (fig. 7.7). tant les principes généraux. C'est pour cela que nous réali-
sons le prélèvement à la pompe avec une pression négative
Particularités du transfert de tissus adipeux
faible et que nous gardons la graisse dans un récipient [50].
en chirurgie mammaire
Après avoir fait une partie de la réinjection, des fascioto-
La particularité du transfert de tissus adipeux au niveau mies transcutanées à l'aide de trocarts 18 Gauge sont réali-
du sein réside dans le fait qu'hormis les cas de reconstruc- sées afin de briser les adhérences sous-cutanées et laisser la
tion de défects localisés après tumorectomie, il est sou- peau s'expandre. En effet, ces gestes permettent de fragiliser
vent nécessaire d'apporter de grandes quantités de tissus les attaches fibreuses entre tissus cutané et sous-cutané et
­adipeux. Cet impératif demande alors une réadaptation de de rendre le site receveur plus plastique.
94
7. Greffe de tissu adipeux

Il est évident que compte tenu des grands volumes de est le plus difficile à corriger par les techniques classiques. Les
tissus adipeux injectés par séance dans le sein, le respect défauts après reconstruction mammaire sont en effet parti-
absolu des principes de microgreffes par tunnels multiples culièrement marqués au niveau de la partie interne et supéro-
et multiplans est impératif. En aucun cas il ne faut injecter interne du sein, zone du décolleté. Cette zone est pourtant la
un amas de tissus adipeux. plus importante pour les patientes, car elle est la plus visible et
est très utile dans la vie sociale. Avant la technique de transfert
Innovations dans la technique du transfert de tissus adipeux, aucune technique ne permettait de corriger
de tissus adipeux appliquées au sein la zone du décolleté de façon satisfaisante.
Dans le but d'améliorer les résultats obtenus par cette Le complément de greffe adipeuse dans le but de parfaire
technique et de simplifier la procédure chirurgicale, de un résultat de reconstruction mammaire peut se faire tant
nombreux travaux sont réalisés concernant chaque étape dans les reconstructions autologues par lambeau de grand
de la technique. La recherche de techniques innovantes dorsal, MSLD, par TRAM, DIEP ou dans les reconstructions
concerne donc soit le prélèvement, soit la préparation et la prothétiques. Dans ces cas, la greffe de tissus adipeux peut être
purification, ou soit la réinjection. réalisée dans le même temps opératoire puis tous les 4 mois
Le prélèvement motorisé (le PAL, Power Assisted après (2–3 séances) pour obtenir un résultat satisfaisant.
Liposuccion) [51] permet de gagner en temps pour le prélè-
vement de grande quantité de tissus adipeux (fig. 7.3). Après tumorectomie du sein
Beaucoup de travaux sont concentrés sur l'étape de la
purification, car elle permettrait de gagner du temps et évi- Lorsque le tissu adipeux est utilisé dans cette indication,
terait des séries successives de centrifugation. L'idée est de un bon résultat clinique en termes de volume peut être
purifier soit par un filtre, soit par un piège à tissu adipeux obtenu associé à une amélioration des rétractions et des
nettoyant (LipiVage® [52], Aquavage®, PureGraft®). déformations cutanées (fig. 7.8a à d).
Une idée dans ce domaine concerne la préparation du
site receveur (surtout en région thoracomammaire) par un Après mastectomie
procédé d'expansion tissulaire externe appelé Brava®. Selon Reconstruction par prothèse
l'auteur, le fait de mettre le site receveur (sein) sous pression
négative pendant plusieurs semaines avant l'injection de tissu La greffe de tissus adipeux peut se faire soit avant l'implan-
adipeux aurait pour effet d'expandre le tissu, d'augmenter la tation prothétique afin de donner plus d'épaisseur aux
vascularisation locale et d'élargir «la matrice» receveuse que tissus cutanés chez une patiente mince à peau fine ; soit
représentent les tissus receveurs [53]. Cette technique pour- secondairement pour camoufler les contours de la pro-
rait être intéressante dans certains cas avec peau lésée ou thèse, créer un décolleté plus naturel, mieux définir ou
irradiée qui seule aurait du mal à s'expandre. Mais aucune de abaisser le sillon sous-mammaire. Lors d'une reconstruc-
ces nouveautés n'a fait la preuve de sa supériorité en termes tion prothétique, la capsule périprothétique recrée de
de survie de tissu adipeux et des résultats obtenus. manière exagérée la limite latérale du sein. Il existe alors
D'autres auteurs extraient des cellules souches du tissu adi- souvent une déformation de type encoche à l'extrémité
peux en peropératoire et les mélangent au tissu adipeux pour latérale de la cicatrice de mastectomie créant une zone
ainsi greffer du tissu adipeux enrichi en cellules souches, c'est la d'atrophie en dessous du compartiment graisseux axillaire.
technique de Cell-Assisted Lipotransfer [54]. Selon ces auteurs, Cette déformation peut être corrigée par une plastie locale
la greffe de tissu adipeux enrichi aurait une plus grande fiabilité, combinée au transfert de tissus adipeux (fig. 7.9 et 7.10).
mais cela nous oblige à prélever deux fois plus de graisse. Cette Dans toutes ces situations, il convient de rester vigilant
double quantité injectée devrait donner un meilleur résultat. lors de l'intervention à ne pas percer la prothèse. Pour cela,
la prothèse est luxée et protégée par une main et le tissu
adipeux est réinjecté par l'autre main. Il est également pos-
Indications sible d'utiliser un appareil d'échographie avec une canule
de réinjection spécifique (ne donnant pas d'ombre posté-
Le transfert du tissu adipeux après chirurgie du cancer du sein rieure) pour vérifier la position de la canule et éviter tout
est une technique qui a actuellement de nombreuses indica- traumatisme à la prothèse (fig. 7.11).
tions. Elle peut être utilisée pour reconstruire les déformations Il semblerait que le transfert du tissu adipeux du fait de
liées à la chirurgie carcinologique ou pour compléter le résultat l'effet anti-inflammatoire du tissu adipeux diminue le taux
d'un sein reconstruit. Le quadrant supéro-interne est celui qui de coques périprothétiques.
95
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 7.8
Greffe de tissu adipeux en une séance ; réinjection de 95cc.

96
7. Greffe de tissu adipeux

B
Figure 7.9
Reconstruction mammaire droite par implant après une expansion préalable (A,B). La pose d'implant est combinée à un lambeau
d'avancement thoraco-abdominal (C). La reconstruction est terminée par un complément de greffe de tissu adipeux pour parfaire les
contours et la surface du sein reconstruit, réinjection de 115 cc (D).

97
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

C
Figure 7.10
Reconstruction par implant en silicone.
Amélioration de l'aspect de la reconstruction par une greffe de tissu adipeux. La greffe de tissu adipeux a également permis de corriger,
en association avec des fasciotomies, la rétraction de la cicatrice sous-axillaire.

98
7. Greffe de tissu adipeux

Reconstruction par lambeau


Lambeaux de la région dorsale : grand dorsal étendu,
MSLD (Muscle Sparing Latissimus Dorsi) [41, 42, 55]
Au niveau des seins reconstruits par lambeaux, le transfert du
tissu adipeux peut apporter un volume important et contri-
buer à maintenir le caractère purement autologue de la recons-
truction en améliorant le volume, la forme et la projection du
sein reconstruit. Le tissu adipeux se substitue dans ce cas à l'im-
plant mammaire siliconé placé derrière le lambeau. Lorsqu'une
reconstruction par lambeau est réalisée, nous n'associons jamais
cela à une prothèse et nous ne faisons plus de lambeau de
grand dorsal depuis 2009. Tous les lambeaux pris aux dépens
Figure 7.11 de la région dorsale sont soit des lambeaux perforants thora-
Contrôle sous échographie de la position de la canule afin de ne codorsaux (TDAP) soit des lambeaux avec préservation du
pas embrocher la prothèse. muscle grand dorsal MSLD (cf. chapitre 9) (fig. 7.12 et 7.13).

Figure 7.12
Reconstruction secondaire du sein gauche par lambeau MSLD et 3 séances de greffe de TA : 180 cc, 145 cc, 120 cc, et résultat final.

99
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 7.13
Reconstruction bilatérale par lambeau partiel de grand dorsal (MSLD) suivi de lipomodelage : (réinjection en 2 séances de 150 cc
et 180 cc de chaque côté).

Lambeau abdominal type DIEAP (Deep Inferior Epigastric Conversion d'une reconstruction mammaire
Artery Perforator), MS-TRAM (Muscle Sparing-TRAM), prothétique en reconstruction autologue
TRAM (Transverse Rectus Abdominis Muscle) [44, 45] par greffe de tissu adipeux
La greffe de tissus adipeux permet également de traiter Nombreuses sont les patientes qui ont eu une recons-
des défauts de volume situés en périphérie et en pro- truction mammaire par prothèse et qui pour des raisons
jection d'une reconstruction par lambeau abdominal. Il d'inconfort, de coque péri-prothétique ou de rupture ne
existe souvent une atrophie située sous la graisse axillaire souhaitent plus d'implant. Dans ces situations, lorsque la
en regard du pilier axillaire antérieur qui est difficile à trai- réserve en tissu adipeux le permet; une conversion totale
ter par un lambeau de TRAM ou de DIEAP. Cette défor- en reconstruction autologue avec de la graisse est possible.
mation peut être traitée par le transfert de tissus adipeux Dans ces cas, lors de la première intervention d'ablation
(fig. 7.14). Il est à noter que notre technique de DIEAP de prothèse avec capsulectomie, une première séance de
diffère de la technique classique de DIEAP. Nous l'asso- greffe de tissu adipeux est faite dans l'espace sous-cutané et
cions systématiquement à un lambeau d'avancement musculaire, épargnant l'espace vide de la loge prothétique.
abdominal pour ne pas insérer la peau abdominale dans Nous attendons la cicatrisation complète de cet espace qui
le sein. De ce fait, le sein reconstruit manque de projec- est suturé par des points de capitonage et drainé plusieurs
tion. Ceci est corrigé par greffe de tissus adipeux et greffe jour pour favoriser le réacollement des surfaces. Après 3–4
dermograisseuse. mois, une nouvelle séance de greffe de tissu adipeux est

100
7. Greffe de tissu adipeux

Figure 7.14
Reconstruction immédiate par DIEP et greffe de 165 cc de tissu adipeux en une séance.

réalisé en comblant tout l'espace. Cette technique permet qui ne souhaitent pas d'augmentation controlatérale.
d'obtenir un résultat parfaitement naturel avec une grande Dans ces cas, la greffe de tissus adipeux permet d'obte-
satisfaction des patientes (7.15). nir en plusieurs séances le volume adéquat [19, 20].
Afin de définir le sillon sous-mammaire et de recréer
Reconstruction par transfert de tissus adipeux exclusif une ptose et un déroulement du segment III, nous
Grâce aux progrès de la technique de greffe adipeuse, associons à cela un lambeau d'avancement thoraco-
il est maintenant possible de reconstruire entièrement abdominal qui va permettre de mieux définir le pôle
un sein par graisse sans avoir recours à un lambeau ou inférieur du sein. Nous réalisons généralement ce lam-
une prothèse [56]. Cela concerne essentiellement les beau lors de la deuxième séance de transfert de tissus
patientes avec des seins de petit ou moyen volume et adipeux (fig. 7.16 et 7.17).

101
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

B C

D
Figure 7.15
Conversion d'une reconstruction mammaire bilatérale par prothèses en silicone rompues.
Après ablation et capsulectomie bilatérale, deux séances de greffe de tissu adipeux ont permis de construire les deux seins uniquement
avec de la graisse ; permettant d'obtenir une grande satisfaction de la patiente.
A. Reconstruction mammaire bilatérale par prothèses PIP.
B. Ablation bilatérale avec capsulectomie. Rupture des implants.
C. Greffe de tissu adipeux dans l'espace périprothétique, musculaire et sous-cutané dans le même temps que l'ablation des implants.
Une deuxième séance de greffe de tissu adipeux 4 mois après a été réalisée.
D. Résultat final avec deux séances de greffe de tissu adipeux.
102
7. Greffe de tissu adipeux

B
A

C D
Figure 7.16
Construction d'un LAA lors de la 2e séance de lipomodelage avec injection de graisse dans cette zone.
A. Réalisation du SSM par lambeau d'avancement abdominal.
B. Réinjection dans l'épaisseur du LAA.
C. Réinejction dans le muscle pectoral et dans la partie supérieure de la région thoracique.
D. Compléments de lipofilling.

Autres effets de la greffe de tissus multiples fasciotomies percutanées sont alors réalisées
dans cette zone. Dans les mois suivant l'intervention,
adipeux il y a un abaissement du sillon sous-mammaire avec
Modification de la base déroulement du pôle inférieur du sein. Le galbe de cette
zone pourra être ajusté lors d'une seconde intervention
du sein et abaissement (fig. 7.12).
du sillon sous-mammaire
Nous avons pu constater que grâce au transfert Amélioration des qualités trophiques
de tissus adipeux un abaissement du sillon sous-­
mammaire était possible. Pour cela, il convient de
de la peau
transférer le tissu adipeux dans la zone du néosillon. Il n'est pas rare de voir des lésions de radiothérapie de type
Lors de l'intervention, la peau de cette zone adhé- télangiectasies ou placards dystrophiques dans le pôle supé-
rente à l'aponévrose du grand droit a du mal à se rieur du sein. Nous avons pu constater une atténuation de ces
décoller et prendre la forme du segment III du sein. De lésions après transfert de tissus adipeux. Cette amélioration

103
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B C

D E F

G H I
Figure 7.17
Reconstruction mammaire par greffe de tissu adipeux exclusif.
1er temps : greffe de graisse.
2e temps : greffe graisseuse et LAA.
3e temps : greffe de TA.
4e temps : greffe de TA, reprise de la cicatrice abdominale de césarienne et reconstruction de la PAM.

104
7. Greffe de tissu adipeux

est liée à la présence de cellules souches multipotentes et fac- Conclusion


teurs vasoactifs dans le tissu adipeux apporté [20, 21]. En effet,
le tissu adipeux riche en cellules souches mésenchymateuses Le transfert de tissus adipeux s'avère être un outil indis-
permet d'améliorer la trophicité cutanée, et d'accélérer les pro- pensable de l'arsenal thérapeutique dans la reconstruction
cessus de cicatrisation en diminuant la fibrose des tissus et en mammaire. En effet, le transfert graisseux doit être complé-
augmentant la vascularisation par néoangiogenèse (fig. 7.18). mentaire de toutes les techniques chirurgicales de recons-
truction mammaire pour aboutir au meilleur résultat naturel.

A B
Figure 7.18
Complément de greffe de tissu adipeux et fasciotomies pour traiter la rétraction du quadran inféro-externe.
A. Rétraction du quadran inféro-externe après tumorectomie et radiothérapie.
B. Reconstruction du sein droit après mastectomie par MSLD.

105
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

7.2. Les indications de transfert de tissus adipeux


en reconstruction mammaire (vidéo e7.1)
A. Fitoussi

Lipomodelage de la paroi préparation afin de limiter les complications locales. Cette


injection, associée à des fasciotomies, permet d'étoffer et
thoracique après mastectomie de rendre plus souple les tissus de la paroi thoracique, des
avant la mise en place côtes en profondeur à la peau en superficie (fig. 7.19a).
L'injection se fait avec une aiguille mousse longue (10 à
d'une prothèse 20 cm) et fine (1,4 à 2 mm). On déposera la graisse en rétro-
traçant, en «spaghetti», dans tous les plans et dans toutes
La reconstruction mammaire par prothèse est la technique
les directions en croisant les trajets (fig. 7.20a à c).
de reconstruction la plus répandue dans le monde (plus
Si une deuxième injection est nécessaire, un délai de 2 à 4 mois
de 60 %) car elle est simple, facile, rapide et sans cicatrice
sera nécessaire entre les deux injections afin de ne pas réinterve-
supplémentaire. Malheureusement, dans certains cas,
nir sur une zone dont la graisse est mal intégrée (fig. 7.19b et 7.21
cette technique est impossible ou très difficile avec un
à 7.24). Trois ou quatre injections sont nécessaires pour obtenir
risque d'échec élevé. Le plus souvent, cela est dû à la trophi-
le volume et la projection souhaités (fig. 7.19c).
cité de la paroi thoracique après les différents traitements.
La peau est parfois fine, irrégulière, rigide, ou difficile à mettre
en expansion sans risque de souffrance. Les risques d'exposi-
tion de prothèse sont alors suffisamment importants pour
que l'on opte pour un lambeau musculocutané avec ou
sans prothèse, parfois même contre l'avis des patientes…
L'injection de graisse dans tous les plans en partant des
côtes en profondeur jusqu'à la peau en superficie permet de
modifier totalement la compliance de cette paroi. Elle va deve- A
nir plus épaisse, plus souple, mieux vascularisée. Elle pourra
alors mieux accepter sa mise en tension lors de l'introduction
d'un implant rétromusculaire deux à quatre mois plus tard.
Grâce à cette préparation de la paroi thoracique, on va pou-
voir augmenter le nombre et les indications de reconstructions
par prothèse. De nombreuses patientes refusent toute autre B
technique de reconstruction qui entraîne des cicatrices dor-
sales ou ventrales. Elles ont souvent peur des séquelles sur les
zones de prélèvements des lambeaux musculocutanés. Grâce
à cette technique, de nombreuses femmes pourront accéder
quand même à une reconstruction mammaire plus simple et
plus acceptable en termes de séquelles.
C

Technique opératoire Figure 7.19


Différents temps de préparation de la paroi thoracique par
Le prélèvement ne présente pas de différence avec les autres lipomodelage et fasciotomie.
A. Injection de la paroi thoracique + fasciotomie. Cette première
indications. Le volume prélevé y est modéré (100 à 300 cm3), séance permet d'augmenter l'épaisseur et la souplesse des tissus
car la réinjection dans ces tissus fins et scléreux reste limi- avant introduction de l'implant. B. Deuxième séance qui permet
tée dans un premier temps en raison du risque de générer d'améliorer encore la paroi grâce aux injections et aux fasciotomies.
C. Troisième injection qui permet soit de mettre un implant très
des «plages» de graisse et donc de la c­ ytostéatonécrose. petit, soit de réaliser une reconstruction avec graisse exclusive.
On préférera parfois réaliser une deuxième injection de Dessin : Cyrille Martinet.

106
7. Greffe de tissu adipeux

A B C
Figure 7.20
Injections de la graisse dans plusieurs plans et directions.
A. Préparation de la paroi thoracique par injection par l'orifice inféro-externe. B. Les injections de filaments graisseux sont croisées par une
injection inféro-interne. On améliore la prise de la greffe et le volume injecté. C. Troisième injection croisée. On potentialise le volume injecté
et la prise de graisse.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 7.21 Figure 7.23


Paroi avant lipomodelage (face). Paroi avant lipomodelage (profil).

Figure 7.22 Figure 7.24


Après injection de 200 cm3 de graisse (face). Après injection de 200 cm3 de graisse (profil).

107
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Indications à mettre en place (fig. 7.27a et b). Il est aussi possible


de pratiquer une nouvelle injection de graisse après
Certaines patientes sont très gênées par des tissus très fins la mise en place de l'implant afin d'améliorer le résul-
(muscle et peau) qui montrent des côtes très proéminentes tat (injection de « resurfaçage »), ce qui est de plus
avec des creux entre chacune d'elles. Leur demande peut en plus souvent le cas lors de la reconstruction de
être uniquement de rendre la paroi thoracique «plate» la PAM, ceci est rappelé dans le paragraphe suivant
ou ­légèrement bombée, ce qui sera plus facile à accepter (fig. 7.28 à 7.33).
et même à appareiller (prothèse externe auto-adhésive)
(fig. 7.25 et 7.26).
Dans la plupart des cas, une injection est suffisante
en préimplantatoire. Elle va permettre de mettre en
place plus facilement la prothèse sur des tissus plus
souples. Mais parfois, une deuxième injection est
nécessaire (voire une troisième) pour améliorer la tro-
A
phicité des tissus et diminuer le volume de l'implant

Figure 7.25 C
Paroi après radiothérapie et ablation du pectoral (côtes sous la peau).

D
Figure 7.27
En coupe : augmentation de la projection du sein par
lipomodelage itératif.
A. La paroi thoracique avant injection est très fine. Le muscle,
le fascia et la peau sont quasiment collés. B. Après une ou deux
injections : dans et en arrière du muscle, dans les tissus profonds
sous-cutanés. C. Après trois ou quatre injections, le sein est
totalement reconstruit en graisse. D. Mise en place d'un petit
Figure 7.26 implant de 120 ou 140 cc afin d'améliorer la projection finale du
Amélioration de la paroi après injection de 180 cm3 (paroi sein reconstruit.
appareillable). Dessin : Cyrille Martinet.

108
7. Greffe de tissu adipeux

Figure 7.28 Figure 7.30


Paroi irradiée avant lipomodelage. Résultat de la PAM et lipomodelage de surface.

Figure 7.29
Préparation de la paroi thoracique pour mise en place d’une prothèse.
A. Paroi irradiée après lipomodelage de 230 cm3. B. Paroi après pose de l'implant.

Figure 7.31 Figure 7.32


Paroi irradiée avant lipomodelage. Paroi irradiée après lipomodelage de 250 cm3.

109
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 7.33
Reconstruction par prothèse sur une peau irradiée de mauvaise qualité avec lipomodelage néo-adjuvant.
A. Paroi après pose de l'implant. B. Paroi après reconstruction de PAM et lipomodelage.

Le transfert de graisse sur la paroi thoracique après


mastectomie et/ou radiothérapie permet de faciliter la
reconstruction secondaire par prothèse. On va fiabili-
ser la technique (moins de complications : exposition,
implant trop rigide, douleurs,…), mais aussi augmenter le
nombre des indications en la rendant possible sur des tis-
sus fins et rigides. C'est un vrai plus pour les femmes qui
refusent les cicatrices supplémentaires et les séquelles
des lambeaux musculocutanés (fig. 7.34 à 7.36b).
Certaines patientes après une ou deux injections et au
vu de l'effet trophique et volumateur de la graisse vont
opter pour une reconstruction exclusive du sein en trois
à quatre séances (fig. 7.27a à c).
Figure 7.34
Paroi avant lipomodelage.

Lipomodelage de « resurfaçage »
après reconstruction par implant
La reconstruction par prothèse est la technique la
plus utilisée en raison de sa simplicité (plus de 60 %
des reconstructions mammaires en France et en
Europe). Elle présente néanmoins des défauts, en
particulier dans l'aspect de la surface de la recons-
truction qui est souvent irrégulière (fig. 7.37a), mais
aussi trop rigide et parfois de volume inférieur en rai-
son d'une rétraction progressive des tissus de recou-
vrement (fig. 7.37b).
On peut, afin d'améliorer ces résultats, injecter de la
graisse dans les zones irrégulières, dans les quadrants supé-
rieurs, en sous-claviculaire ou dans le décolleté, voire en
sous-axillaire, ce qui permettra de reconstruire un volume Figure 7.35
plus harmonieux (fig. 7.20 et 7.38a, b). Paroi après lipomodelage de 250 cm3.

110
7. Greffe de tissu adipeux

Figure 7.36
Reconstruction par prothèse sur une peau irradiée de mauvaise qualité avec lipomodelage néo-adjuvant.
A. Paroi après pose de l'implant. B. Paroi après reconstruction de PAM.

Figure 7.37
Très mauvais résultat de RMI avec irrégularité cutanée.
A. Aspect irrégulier de la surface de la reconstruction. B. Rétraction progressive de la taille du sein reconstruit.

A B
Figure 7.38
Resurfacage de la peau sur l'implant par lipomodelage.
A. La surface de l'implant, surtout dans le décolleté, est irrégulière et trop fine. B. Amélioration du résultat après injection de graisse
dans le décolleté et les zones dépressives.
Dessin : Cyrille Martinet.
111
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Cette intervention est souvent délicate à réaliser en raison était souvent nécessaire en cas de modification du résultat
de la faible épaisseur des tissus à «lipomodeler». Le risque de (prise de poids, rétraction périprothétique, défect loca-
perforation de l'implant sous-jacent (fig. 7.39) est toujours pos- lisé,…) (fig. 7.41).
sible. Aussi, il faut être très attentif lors de cette procédure, ne Nous avons pris quelques exemples de situations qui
pas hésiter à utiliser un échographe en peropératoire et si pos- peuvent aujourd'hui être réglées en ambulatoire par simple
sible changer l'implant au moindre doute en fin d'intervention. retouche et lipomodelage (fig. 7.42 à 7.48).
Les fasciotomies, souvent nécessaires pour libérer les D'autres gestes peuvent être effectués dans le même
adhérences et créer un espace prémusculaire plus épais temps opératoire : tatouage, liposuccion du sillon sous-
et plus régulier, peuvent également être délétères pour mammaire, reconstruction de mamelon, changement
­l'implant. Il faudra donc les réaliser avec prudence et de d'implant…
façon très superficielle (fig. 7.40a et b). Grâce à cette injection de graisse dans les plans
Cette chirurgie, peu invasive, souvent réalisée en ambu- superficiels, on va pouvoir améliorer le résultat esthé-
latoire, va permettre de réduire le nombre de réinterven- tique mais aussi la souplesse du sein reconstruit et par-
tions avec changement d'implant et l'hospitalisation qui fois même les douleurs locales.

Le transfert de graisse entre l'implant et la peau, permet


d'améliorer nettement les résultats de reconstruction
par prothèse. Cela permet souvent d'éviter de changer
d'implant en redrapant complètement l'ancien implant
par un matelas graisseux plus ou moins épais.
Ces interventions sont pratiquées en ambulatoire le plus
souvent et permettent de minimiser les durées d'hospi-
talisation, d'arrêt de travail, les périodes sans sport ou
baignade… Les changements d'implant sont donc moins
fréquents avec de meilleurs résultats à terme.
Il faudra rester prudent quant au risque de lésion de
l'implant lors des fasciotomies et faire pratiquer une IRM
au moindre doute.
Certaines patientes après une ou deux injections et au
vu de l'effet trophique et volumateur de la graisse vont
opter pour une reconstruction exclusive du sein en trois
Figure 7.39 à quatre séances après dépose de l'implant quand elles le
Perforations multiples avec inclusions de graisse intraprothétique souhaitent.
suite à une séance de lipomodelage.

A B
Figure 7.40
Amélioration de la paroi qui devient souple et épaisse après lipomodelage et fasciotomie.
A. On pratique des fasciotomies de l'espace prépectoral, suivies d'injection de graisse. B. Resurfaçage de la prothèse par lipomodelage qui
permet d'améliorer le résultat de la reconstruction.
Dessin : Cyrille Martinet.

112
7. Greffe de tissu adipeux

Figure 7.41
Lipomodelage permettant de redonner une surface régulière Figure 7.44
et épaisse en avant de l'implant. Reconstruction par prothèse avant lipomodelage, résultat insuffisant.

Figure 7.42 Figure 7.45


Reconstruction par prothèse avec aspect irrégulier de surface Nette amélioration du résultat après lipomodelage de surface
avant lipomodelage. et reconstruction de PAM.

Cette technique fait aujourd'hui partie intégrante


de la reconstruction mammaire, avant, pendant ou
après cette reconstruction quelle que soit la technique
opératoire.

Lipomodelage des lambeaux


musculocutanés (LMC)
L'injection de graisse lors d'une reconstruction par
lambeau musculocutané ou lambeau libre est une
Figure 7.43 intervention souvent réalisée lorsqu'il existe une asy-
Nette amélioration du résultat après lipomodelage de surface métrie entre le volume du sein existant et celui du sein
et reconstruction de PAM. reconstruit (fig. 7.49).

113
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 7.46
Reconstruction par prothèse avant lipomodelage (mauvais résultats).
A. Face. B. Profil.

Figure 7.47
Nette amélioration du résultat après deux séances de lipomodelage de surface, changement d'implant et tatouage.
A. Face. B. Profil.

A B
Figure 7.48
Amélioration de la surface de la reconstruction par lipomodelage.
A. Reconstruction par prothèse, avant lipomodelage, avec séquelle radique du décolleté.
B. Nette amélioration du résultat après deux séances de lipomodelage de surface.

114
7. Greffe de tissu adipeux

A B
Figure 7.49
Augmentation de volume de la reconstruction par LMC de grand dorsal par lipomodelage et symétrisation.

A B
Figure 7.50
Augmentation de volume de la reconstruction par LMC de grand dorsal par lipomodelage et symétrisation.
A. Pré-opératoire. B. Post-opératoire.

Après une ou deux injections, le volume devient le


même que le sein opposé (fig. 7.52)
Cette intervention est facile à réaliser car le lambeau
est souvent volumineux et recevra facilement une grosse
quantité de graisse (200 à 400 cm3 si nécessaire) sur plu-
sieurs plans (fig. 7.50 et 7.51). En reconstruction mammaire
secondaire, cela évitera de prélever un trop gros lambeau
musculocutané (fig. 7.50 et 7.51).
De même en reconstruction mammaire immédiate, on
pourra utiliser un lambeau musculocutanée de très petit
volume qui sera amené au volume souhaité par deux ou
trois injections effectuées lors de la symétrisation et/ou de
Figure 7.51 la reconstruction de PAM (fig. 7.53a à c).
Reconstruction par lambeau de grand dorsal (postopératoire) après En outre, cette injection de graisse permet de modifier
les techniques de reconstruction par LMC, en particulier
115
un deuxième lipomodelage, symétrisation et reconstruction de PAM.

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 7.52
Augmentation de volume et remodelage de la reconstruction
gauche par LMC de grand dorsal trop petit par lipomodelage.
A. Reconstruction par lambeau de grand dorsal avant
lipomodelage. B. Reconstruction par lambeau de grand dorsal
après une injection de 280 cm3 en interne et en externe.
C. Reconstruction par lambeau de grand dorsal après deux
C injections et reconstruction de PAM.

pour les lambeaux de grand dorsal qui étaient autrefois Cette zone pourra même être le siège d'un lipomodelage
prélevés très volumineux, larges et étendus (fig. 7.54) en cas de défect ou de douleurs afin d'améliorer le résultat
avec des zones graisseuses très distantes du muscle et esthétique au niveau du dos et même les séquelles doulou-
donc mal vascularisées, souvent avec un risque accru de reuses dans cette zone (cf. chapitre 9).
cytostéatonécrose. On pourra même injecter de la graisse dans la partie
Aujourd'hui, les prélèvements vont être beaucoup plus inférieure du muscle grand dorsal et/ou dans le lambeau
limités car le «filling» de ce LMC va permettre en un ou lui-même avant sa mise en place en position thoracique
deux temps de lui redonner le volume souhaité. (fig. 7.55a) (vidéo e7.2). Une injection de complément dans
Cette modification du type de prélèvement va per- le muscle pectoral permettra aussi d'augmenter le volume
mettre de mieux limiter les risques de complications de ces du sein reconstruit (fig. 7.55b).
LMC sur la zone donneuse (retard de cicatrisation, désu- Le prélèvement musculaire du LMC de grand dorsal
nion cutanée, douleurs résiduelles, séquelles esthétiques peut, lui aussi, être plus limité en utilisant la branche anté-
dorsales, adhérences,…). Cela va rendre plus «acceptable» rieure du pédicule (cf. chapitre 9 § La reconstruction par
cette chirurgie souvent redoutée par les patientes avec lambeau de grand dorsal à prélèvement minimal). Cette
des cicatrices plus courtes, des séquelles profondes moins technique permet de prélever les LMC plus petits avec une
marquées et un meilleur résultat esthétique sur la zone de bande musculaire de 4 cm et de laisser en place le reste du
prélèvement. muscle (fig. 7.56).

116
7. Greffe de tissu adipeux

A B

Figure 7.53
Reconstruction droite par LMC de grand dorsal enfoui trop petit.
Augmentation par lipomodelage.
A. Reconstruction immédiate par lambeau de grand dorsal
autologue (préopératoire). B. Reconstruction par lambeau de grand
dorsal (postopératoire, lambeau de volume insuffisant). C. Fin de
reconstruction après deux injections, symétrisation et reconstruction
C de PAM.

Même si cette technique ne permet pas d'obtenir un lam- ciocutanés de la région peuvent être utilisés (lambeau de
beau très volumineux, il pourra être, par la suite, «lipofillé» et Holmström, cf. chapitre 13), ces techniques vont permettre
donc retrouver le volume souhaité. Et ceci, tout en gardant de limiter la rançon cicatricielle et rendre cette chirurgie
une bonne fonction du muscle grand dorsal en minimisant moins invasive.
la déformation dorsale et la longueur de la cicatrice. Les indications de cette technique ne cessent de se mul-
Ce lipomodelage dans ces lambeaux permet aussi de tiplier. Elle permet aujourd'hui de reconstruire des seins
redessiner le contour de ces lambeaux (fig. 7.51a à c). dans leur totalité par injections itératives de graisse et ce,
La même technique peut être utilisée pour les lambeaux aussi bien en reconstruction mammaire immédiate qu'en
abdominaux (TRAM, DIEP, …) ou tous les autres lambeaux reconstruction mammaire secondaire sans radiothérapie,
perforants. Ils sont souvent très utiles en cas de souffrance voire même après radiothérapie.
du lambeau avec perte de volume par lipolyse ou par perte Certains auteurs parlent même de l'effet positif de cette
partielle du LMC (fig. 7.57a et b). technique lorsque la radiothérapie est effectuée sur une
Il faut aussi souligner que certaines techniques de pré- zone injectée par de la graisse quelques semaines avant la
lèvement de lambeaux ou de nouvelles techniques de radiothérapie. Des essais sur cette technique d'injection
lambeaux locaux, sont en train de voir le jour avec l'idée de graisse en néoadjuvant (avant la radiothérapie) afin de
de lipomodelage en complément. Ces lambeaux peuvent limiter les séquelles locales de ce traitement sont en cours
donc être plus petits et même locaux. Des lambeaux fas- d'évaluation.

117
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 7.56
Lambeau partiel de grand dorsal (MSLD) : prélèvement
d'une bande musculaire de 4 cm.
Le reste du muscle reste en place.
Figure 7.54
Extensions graisseuses du muscle grand dorsal.
Dessin : Cyrille Martinet.

A B
Figure 7.55
Injection per-opératoire de graisse dans le lambeau de grand dorsal, dans la partie distale du muscle et dans le pectoral afin d’obtenir un
plus gros volume reconstruit.
A. L'injection de graisse dans la partie distale du muscle et dans le LMC permet d'augmenter son volume sous contrôle de la vue avant
de le positionner. B. On pourra aussi injecter le muscle pectoral comme en reconstruction immédiate par lipomodelage. On augmente
encore le volume du sein reconstruit dans le premier temps opératoire.
Dessin : Cyrille Martinet.

118
7. Greffe de tissu adipeux

A B
Figure 7.57
Lipomodelage d'une reconstruction par TRAM trop petite.
A. Reconstruction par lambeau abdominal avec nécrose partielle avant lipomodelage. B. Reconstruction par lambeau abdominal
après une injection de 250 cm3, symétrisation et reconstruction de PAM.

Lipomodelage exclusif
en reconstruction mammaire
immédiate ou secondaire
En reconstruction mammaire
immédiate (RMI)
Il peut sembler très difficile d'injecter de la graisse dans un
site de mastectomie car les décollements sont importants
et on voit mal où injecter cette graisse. En fait, le muscle
pectoral et la zone rétropectorale, mais aussi le fascia
superficiel sont des zones très vascularisées et peuvent Figure 7.58
recevoir une quantité relativement importante de graisse. Injection de graisse dans le muscle pectoral sous contrôle
L'injection est faite sous contrôle de la vue, directement de la vue.
dans le muscle sur plusieurs plans (de la profondeur vers la
superficie), toujours en croisant les «spaghetti de graisse»
qui sont croisés dans 2, 4 ou 6 axes (fig. 7.58).
Première injection
La zone du décolleté supéro-interne est la plus facile à rem- Les volumes, lors de ce premier temps concomitant de la
plir et sera la plus visible par la patiente en postopératoire. Il mastectomie, sont compris entre 100 et 200 cm3 en fonc-
faudra la prévenir de l'œdème postopératoire et du fait que le tion de la taille de la patiente, du muscle pectoral et de
résultat final sera inférieur de 30 à 50 % au résultat initial. La zone la qualité des tissus avoisinants (parfois même plus). Cette
inféro-externe, la plus difficile à remplir, sera souvent assez peu injection se fera à ciel ouvert, surtout en intramusculaire car
projetée en postopératoire, la patiente doit en être informée. cette zone très bien vascularisée va pouvoir intégrer facile-
Cette zone sera plus facile à remplir après cicatri- ment une bonne quantité de tissu graisseux (fig. 7.59a et b).
sation des différents plans, lors du 2e ou 3e temps de Que se passera-t-il en cas de nécessité d'une radiothérapie
lipomodelage. Le volume injecté dans ce premier temps post-mastectomie ?
opératoire, juste après la mastectomie, doit rester limité, Dans notre expérience, le lipomodelage va permettre de limi-
car le risque de « lac graisseux » avec une mauvaise prise ter les séquelles radiques (fibrose, rétractation, adhérences) qui
de cette greffe adipeuse peut entraîner des compli- sont normalement fréquentes dans ce cas, puis on reprendra le
cations : kystes huileux, cytostéatonécrose, infection, lipomodelage exclusif comme pour les patientes en reconstruc-
écoulement de la graisse liquéfiée,… tion mammaire secondaire après radiothérapie en sachant que

119
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 7.59
Reconstruction immédiate par lipomodelage : injection sous-cutanée et intra-pectorale sous contrôle de la vue.
A. En RMI, injection du muscle pectoral avec la graisse sous contrôle de la vue après mastectomie. B. Les injections sont croisées pour améliorer
la prise et augmenter le volume.
Dessin : Cyrille Martinet.

cela sera un peu plus long et difficile. Cette reconstruction par Autres temps opératoires
injection de graisse sera progressive et elle nécessitera une ou
En fonction du volume à réaliser, trois à six injections
deux injections de plus que pour les patientes sans radiothéra-
seront nécessaires pour restituer le volume mammaire
pie mais il n'y a pas de contre-indication connue à ce jour à faire
initial. Dans certains cas, une réduction du sein controlaté-
la radiothérapie sur ce terrain «lipofillé».
rale permettra de diminuer le nombre de séances. Chaque
En reconstruction mammaire immédiate, la recons-
injection de 200 à 400 cm3 en moyenne sera, bien sûr, plus
truction du volume mammaire, sa forme, son sillon sous-­
aisée en fin de traitement car le volume mammaire plus
mammaire, sa projection,… seront souvent plus faciles à
important pourra plus facilement recevoir un gros volume
obtenir car la peau laissée en place retrouvera aisément sa
injecté. Dans notre série, le volume moyen injecté était de
forme initiale (avant mastectomie) et ceci d'autant plus en
270 cm3.
cas de conservation de la PAM.

120
7. Greffe de tissu adipeux

Les « fasciotomies » maire immédiate. Le nombre d'injections est légèrement


supérieur, mais surtout la quantité de transfert à chaque
Afin de reconstruire le volume mammaire, il faut obtenir
injection est bien supérieure (fig. 7.63a à d).
une bonne souplesse et surtout une bonne projection.
Les multiples adhérences bloquent le plus souvent cette
­projection. Les fasciotomies sur ces zones de sclérose ou
de fibrose vont permettre de créer un espace plus ouvert En reconstruction mammaire
qui sera plus à même de recevoir la graisse injectée et secondaire sans radiothérapie
donc améliorer la projection du sein reconstruit (fig. 7.60).
Elles sont le plus souvent faites à l'aiguille à intraveineuse Les temps opératoires sont les mêmes en dehors du pre-
(très tranchante) à changer régulièrement pour qu'elles mier temps de reconstruction. Les tissus non irradiés sont
restent coupantes. Certains utilisent des instruments plus faciles à injecter de graisse. Certains utilisent pour
dédiés. Ce geste est essentiel pour libérer les tissus, facili- améliorer la prise adipocytaire un système aspiratif local
ter l'injection de la graisse et donner la forme souhaitée au dénommé « Brava », développé par le Dr Khoury (fig. 7.64).
volume reconstruit. Ce système est censé, par aspiration d'une dizaine
Au début de notre expérience, nous avions sélectionné d'heures la nuit pendant 15 à 20 jours avant l'interven-
des patientes avec de très petits volumes mammaires et si tion, faciliter le geste opératoire et la qualité de la prise
possible sans radiothérapie prévue pour effectuer ce type de la greffe adipocytaire. Ceux qui l'utilisent estiment
de reconstruction (fig. 7.61 à 7.62). que cela permet de diminuer le nombre de temps opé-
Puis avec l'expérience, des volumes mammaires bien ratoires d'une ou deux injections, ce qui n'est pas prouvé
supérieurs ont pu être réalisés en reconstruction mam- scientifiquement.

A B
Figure 7.60
Reconstruction mammaire exclusive par lipomodelage et fasciotomie.
Dessin : Cyrille Martinet.

121
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 7.61
RMI par lipomodelage exclusif : 3 temps opératoires.
A. Préopératoire. B. Après mastectomie avec conservation
de PAM et première injection de 160 cm3. C. Fin de reconstruction
C après trois injections, 750 cm3 au total.

A B

Figure 7.62
RMI par lipomodelage exclusif : 3 temps opératoires.
A. Postopératoire immédiat, après mastectomie avec
conservation de PAM et injection de 140 cm3. B. Postopératoire
C à 4 mois. C. Après trois injections et un total de 680 cm3.

122
7. Greffe de tissu adipeux

A B

C D
Figure 7.63
RMI par lipomodelage exclusif : 4 temps opératoires.
a. Patiente avant mastectomie. b. Après mastectomie et une injection de 280 cm3. c. Après trois injections de graisse. d. Fin de reconstruction
après quatre injections et un total de 1 080 cm3.

Figure 7.64
Matériel de préparation de la paroi par aspiration de type Brava®.

123
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Malgré tout, sans ce système, l'injection est d'autant plus Il faut insister sur l'importance des fasciotomies, ce
facile que les tissus sont souples ou déjà injectés. Trois à sont elles qui permettent de sculpter le sein recons-
six injections sont le plus souvent nécessaires pour recons- truit et d'obtenir la forme, le volume et la projection
truire un sein. Ces injections sont espacées de trois à quatre souhaités.
mois pour une bonne prise adipocytaire. En moyenne, le Des cas cliniques de reconstruction mammaire secon-
volume injecté par temps opératoire est de 270 cm3 dans daire de petit volume sont présentés en figures 7.65 et
notre expérience en 3 ou 4 fois, soit un total injecté de 800 7.66 puis avec des volumes beaucoup plus importants en
à 1 000 cm3 pour un sein moyen de 270 g. figure 7.67.

A B

C D

Figure 7.65
RMS par lipomodelage exclusif : 4 temps opératoires.
A. Après une injection de 140 cm3. B. Après deux injections. C à E.
Fin de reconstruction après trois injections avec un total de 760 cm3
E et un tatouage (face et profil).

124
7. Greffe de tissu adipeux

A B

C D

Figure 7.66
RMS par lipomodelage exclusif après radiothérapie : 4 temps
opératoires.
A. Préopératoire. B. Après une injection de 180 cm3. C. Après deux
injections. d et e. Fin de reconstruction après trois injections avec
E un total de 840 cm3 et tatouage.

Reconstruction mammaire falloir évaluer afin de connaître les difficultés dans ce


cas précis d'une reconstruction par injections de graisse
par lipomodelage exclusif itératives.
sur terrain irradié En fait, le plus souvent, cela sera possible mais les injec-
tions devront être plus nombreuses (1 à 2 de plus pour un
On se retrouve dans ce cas avec des tissus irradiés, plus même volume) et plus progressives afin de ne pas majorer
ou moins souples, parfois même scléreux, voire très les complications (abcès, cytostéatonécrose,…), parfois dif-
scléreux. C'est cette sclérose et le défect cutané qu'il va ficiles à prendre en charge sur ce terrain séquellaire.

125
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 7.67
RMS par lipomodelage exclusif après 4 temps opératoires.
A et B. Après une injection de graisse. C et D. Fin de reconstruction après trois injections avec un total de 840 cm3 et tatouage.

On utilisera donc plus souvent le système type «Brava®» trisation du sein reconstruit par rapport au sein opposé
ou une préparation des tissus par massages (LPG®) ; les injec- (fig. 7.66).
tions seront réduites en volume au moins dans les débuts Les fasciotomies qui permettent de sectionner la
de la reconstruction et on multipliera les temps opératoires sclérose qui s'est constituée dans les différents plans,
et surtout les fasciotomies, éventuellement en espaçant un sont un élément encore plus essentiel pour obtenir une
peu plus dans le temps les injections (cf. fig. 7.19a à c). bonne forme et de la souplesse pour ce sein reconstruit.
Ces injections itératives permettent de projeter de plus Ce geste est le seul qui permet de reconstruire le sein
en plus le volume reconstruit. et d'améliorer son volume, sa forme et sa projection.
Malgré ces difficultés, la reconstruction en lipomo- En effet, cette section des zones fibreuses profondes
delage exclusif est le plus souvent possible, si la patiente va permettre d'injecter des zones plus que d'autres
accepte la répétition des injections faites à trois ou afin de créer une forme et un volume proches du sein
quatre mois d'intervalle. Quatre à six séances (1 à 2 ans controlatéral.
de traitement) seront nécessaires pour reconstruire le Des photos de la technique Brava® ou LPG® suivie
volume souhaité. Une réduction plus ou moins impor- d'une reconstruction mammaire secondaire par lipo-
tante du sein controlatéral est souvent nécessaire afin modelage exclusif après radiothérapie sont présentées
de limiter le nombre d'injections nécessaires à la symé- figure 7.68.

126
7. Greffe de tissu adipeux

A B

C D

Figure 7.68
RMS par lipomodelage exclusif après ablation du pectoral
et radiothérapie : 5 temps opératoires.
A. Préopératoire. B. Après une injection. C. Après deux injections. D.
Après trois injections. E. Fin de reconstruction après quatre injections
E avec un total de 920 cm3 et tatouage.

Gestion du sillon sous-mammaire cile d'obtenir une bonne définition du SSM. Il faudra donc
agir mieux localement afin de marquer cette zone. Plusieurs
(SSM) techniques peuvent être utilisées pour cela :
Le sillon sous-mammaire se dessine le plus souvent faci- ● le plus souvent, le SSM va se définir progressivement
lement en reconstruction mammaire immédiate ou grâce aux injections itératives de cette zone, aux fascio-
après ablation d'implant et lipomodelage. En revanche, tomies multiples et éventuellement à une liposuccion
en reconstruction mammaire secondaire et surtout après de la zone en dessous du SSM (fig. 7.69 et 7.70a). De
mammectomie peu économe en peau, on aura du mal à profil, l'injection dans les quadrants inférieurs et la lipo-
donner une bonne projection du segment III. Ce sera diffi- succion du SSM donnent de bons résultats (fig. 7.70b) ;

127
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 7.69
RMS par lipomodelage exclusif : 3 temps opératoires.
A. Avant la dernière injection et la liposuccion du sillon
sous-mammaire. B. Postopératoire, la liposuccion du sillon
sous-mammaire permet de mieux le définir. C. Résultat à
C distance.

A B
Figure 7.70
Liposuccion du SSM et injection au dessus afin de marquer le sillon.
A. Injection de graisse dans les quadrants inférieurs et liposuccion du SSM pour améliorer le résultat et la projection. B. De profil, l'injection
de la graisse du haut et du bas dans les quadrants inférieurs + liposuccion du SSM + fasciotomies permettent de dessiner le SSM.
Dessin : Cyrille Martinet.

128
7. Greffe de tissu adipeux

● le lambeau d'avancement abdominal : on peut l'effectuer ● certains utilisent des artifices moins invasifs, en passant
comme en reconstruction par prothèse (cf. chapitre 8), lors du un fil cranté de la région sous-claviculaire jusqu'au SSM
2e ou 3e temps de lipomodelage par un abord interne et une (aller en externe et retour en interne). Après fasciotomie
fixation du derme profond au fascia ou au périoste (fig. 7.71) ; majeure de la région sous le SSM et traction + fixation de
● on pourra également le faire par abord direct, dans le ce fil, un néosillon sous-mammaire va se dessiner progressi-
SSM et par une fixation de 3 ou 5 points séparés ou deux vement (Dr Khouri. fig. 7.73).
hémi-surjets, cela permet d'éviter de retraverser les zones
injectées (fig. 7.72) ;

A B

Figure 7.71
Fixation du SSM par un LAA : fixation par voie interne et points
séparés de Vicryl 1.
A et B. Avant et après. C. : Par abord interne : section du fascia
superficialis et création d'un SSM par lambeau d'avancement
abdominal fixé à la paroi par des points séparés.
C Dessin : Cyrille Martinet.

129
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 7.72
Fixation du SSM par voie externe et incision dans le sillon par surjet de Vicryl 1.
A. SSM trop bas. B. Réfection du SSM par abord direct. C. et D. Création du SSM par abord direct.
Dessin : Cyrille Martinet.

130
7. Greffe de tissu adipeux

A B

Figure 7.73
Fixation et ascension du SSM par passage d'un fil cranté et sous claviculaire.
Fil cranté passé à l'aide d'une longue aiguille creuse en externe puis en interne et enfin fixé par traction par un nœud sous-cutané sous la clavicule.
Dessin : Cyrille Martinet.

131
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Reconstruction du sein ou du deuxième temps opératoire, l'ablation de l'implant


sera concomitante de la première ou la d ­ euxième injection
par lipomodelage après ablation de graisse. Cette première injection sera modérée comme
de prothèse (conversion) pour les reconstructions mammaires immédiates (100 à
200 cm3) et dans les plans superficiels et intramusculaires.
De nombreuses patientes sont souvent gênées par leur Il faudra bien sûr éviter la loge périprothétique. Le plus sou-
prothèse de reconstruction. Cette mise en tension des tis- vent, des capsulotomies multiples voire des capsulectomies
sus par l'implant ou par un expandeur est souvent incon- partielles seront nécessaires afin d'éviter des cicatrisations trop
fortable voire douloureuse, en particulier si la mastectomie rigides qui pourraient rendre difficiles les temps opératoires
était très proche du derme ou que l'irradiation a entraîné suivants, mais aussi afin de réduire le risque de lymphocèle
des séquelles locales avec fibrose, sclérose voire dévascu- postopératoire. Ainsi les injections suivantes pourront être plus
larisation des tissus thoraciques. Pendant longtemps, la volumineuses. Cette reconstruction nécessitera 3 à 4 temps opé-
seule solution pour améliorer l'état local (douleur, chaleur, ratoires pour remplacer un implant d'environ 300 cm3 (fig. 7.74).
souplesse, vascularisation, mobilité,…) était soit le retrait Les résultats sont souvent spectaculaires et le bien-être de
de l'implant, soit l'utilisation d'un lambeau musculocutané ces patientes qui souffraient depuis des années est immense.
avec tous les inconvénients connus de ces interventions. C'est pour cette raison que ce type de demande est de plus en
Pour ces raisons, les patientes sont toujours très réti- plus fréquent. D'autant que le résultat est définitif et ne néces-
centes à subir une nouvelle chirurgie qu'elle juge «lourde» sitera plus de changement d'implant ou de retouches itératives.
et souvent source de séquelles qu'elles redoutent. Dans des cas de prothèses bilatérales (une de recons-
Le lipomodelage itératif peut permettre d'apporter une truction et une d'augmentation sur le sein en place), en
solution simple et très efficace à ces problèmes. Dans ce raison d'une augmentation du sein controlatéral, on enlè-
cas, l'intervention se déroulera comme dans le cas des vera, bien sûr, les deux implants afin de réduire le volume à
reconstructions mammaires immédiates. Lors du premier reconstruire (résultats, fig. 7.75 et 7.76).

A B C D
Figure 7.74
Remplacement d'un implant de reconstruction par de la graisse.
A. Préopératoire. B. Premier lipomodelage avec prothèse en place. C. Deuxième lipomodelage + ablation de la prothèse. D. Troisième et/ou
quatrième lipomodelage qui permettent de reconstruire la totalité du sein sans implant.
Dessin : Cyrille Martinet.

132
7. Greffe de tissu adipeux

A B

C D

Figure 7.75
Conversion implant-graisse : ablation d'un implant suivi de
3 séances de lipomodelage.
A. Préopératoire. B. Ablation de l'implant de 445 cm3 et injection
de graisse de 120 cm3. C. Deuxième injection. D et E. Résultat face
E et profil sans implant.

133
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

Figure 7.76
Ablation de deux implants puis RMS par lipomodelage exclusif
et refixation du SSM plus bas.
A. Préopératoire, avec deux implants en place. B. Après dépose
de l'implant droit et lipomodelage. C. Après repositionnement du
sillon sous-mammaire et deuxième lipomodelage. D et E. Après
E quatre lipomodelages et retrait de l'implant mammaire à gauche.

134
7. Greffe de tissu adipeux

A B

C D
Figure 7.77
Exposition d'un implant de RMS à gauche après changement de prothèse PIP. Reconstruction par lipomodelage exclusif.
A. Préopératoire, avec implant en place. B. Après dépose de l'implant. C. Après une séance de lipomodelage. D. Après quatre lipomodelages,
le sein est totalement reconstruit et souple.

Dans certains cas, une prothèse s'expose et doit donc cette technique sur la trophicité locale, la vascularisation, la pig-
être retirée. Après cicatrisation, quatre séances permettront mentation mais aussi la souplesse, la forme et le volume de ces
de reconstruire un sein rempli exclusivement de graisse seins souvent rigides et déformés par ces traitements locaux.
(fig. 7.77). Ces séquelles sont fréquentes et entraînent déforma-
tion, défect et souvent douleurs associées. L'injection de
graisse dans ces zones séquellaires va permettre de corriger
Séquelles esthétiques le défect, d'améliorer la souplesse et les douleurs du sein
traité (fig. 7.78a et b).
de traitement conservateur Les séquelles du traitement conservateur sont traitées
(SETC) en totalité dans un chapitre spécifique auquel il faudra
se rapporter pour la prise en charge de ces séquelles
Les séquelles esthétiques dues au traitement conservateur qui sont plus ou moins importantes et invalidantes
des cancers du sein (SETC) et à la radiothérapie locale sont (cf. chapitre 17).
souvent traitées grâce à l'utilisation de la graisse depuis plus Voici quelques cas de résultats après traitement de
de 20 ans. Cela nous a permis de visualiser les effets positifs de séquelles esthétiques localisées (fig. 7.79a et b)

135
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 7.78
SETC du QSE du sein droit traitée par deux séances de lipomodelage.
A. Déformation du sein après traitement conservateur. B. Correction de la déformation par une séance de lipomodelage et RMI par prothèse à gauche.

A B
Figure 7.79
SETC sus-aréolaire gauche traitée par une séance de lipomodelage.
A. Déformation majeure après traitement conservateur et radiothérapie. B. Après une séance de lipomodelage + fasciotomies multiples.

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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

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138
Chapitre 8
La reconstruction mammaire
par prothèse ou expandeur
A. Fitoussi, N. Leymarie, S. Struk, B. Sarfati, J.-F. Honart, M. Atlan

P L AN D U CHA PI T RE
8.1. Reconstruction mammaire Le robot da Vinci Xi® 183
immédiate et secondaire par prothèse 140 Sélection des patientes 183
Généralités 140 Dessins préopératoires 183
Reconstruction mammaire secondaire Technique chirurgicale 184
par prothèse 142
Avantages de la chirurgie robotique 185
Reconstruction mammaire immédiate
par prothèse 155 Limites de la chirurgie robotique 186
Conclusion 168 Résultats 186
8.2. Reconstruction mammaire 8.4. Matrices biologiques acellulaires
par expandeur 170 en reconstruction mammaire 189
Généralités sur les expandeurs 170 Mise en place d'une matrice 189
Expandeurs en reconstruction mammaire Intérêts des matrices biologiques 190
immédiate 170 Complications 192
Expandeurs en reconstruction mammaire Échecs de reconstruction 194
secondaire 178
Notre expérience à l'hôpital Tenon 195
Conclusion 182
Évolution vers la reconstruction
8.3. Mastectomie avec conservation prépectorale 199
de l'aréole robot-assistée et reconstruction
mammaire immédiate par prothèse 183 Conclusion 200

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

La pratique de l'augmentation mammaire par implant a on attendra la fin du moratoire et la méta-analyse du New
débuté dans les années cinquante. De nombreux maté- England Journal of Medicine en 2000, qui confirmera l'in-
riaux avaient été utilisés mais, rapidement, la silicone nocuité des implants à la silicone et l'absence de lien avec
s'est imposée par sa bonne tolérance. Rapidement, des les maladies auto-immunes ou le cancer, pour remettre
implants gonflables sont apparus, préremplis ou avec en service la silicone de façon quasi exclusive. Sont alors
valves intégrées permettant de les remplir en peropéra- apparus de multiples formes, surfaces, consistances, rem-
toire. Enfin, des prothèses à expansion progressive (expan- plissages des implants à la silicone. Ces multiples modèles
deurs) sont apparues, certaines provisoires, d'autres ont permis d'adapter au mieux le choix de l'implant à la
définitives. Suspendue de pose pendant plusieurs années, forme du sein controlatéral.

8.1. Reconstruction mammaire immédiate


et secondaire par prothèse
A. Fitoussi

Généralités Certains implants sont recouverts d'une enveloppe de


polyuréthane. Le but serait de diminuer le risque ou l'impor-
tance de la réaction inflammatoire périprothétique (coque
Types d'implants périprothétique). Leur côté très «adhérent» permet aussi
Enveloppe des implants de limiter le risque de rotation.

Les enveloppes sont faites de plusieurs couches de silicone Contenu des implants
(trois à sept couches) empilées les unes sur les autres, ce
La prothèse peut être remplie de sérum physiologique ou
qui les rend très solides et limite la perspiration (passage
de silicone.
de molécules de silicone à travers la paroi). Elles peuvent
Celles remplies de sérum peuvent être préremplies avec
être lisses ou texturées (fig. 8.1). Les enveloppes texturées
un volume fixe, scellées par un patch de silicone collé,
sont censées limiter les phénomènes de coque (fig. 8.2) ;
ou porteuses d'une valve qui permet de les remplir en
elles sont d'ailleurs les seules prises en charge par l'Assu-
rance maladie.
Il existe de nombreux types de texturation, que l'on peut
en gros diviser en deux catégories, les macro- et les micro-
textures. Les microtextures sont censées être moins source
de développement de coque périprothétique, mais elles
sont plus mobiles dans la loge, ce qui peut gêner la patiente.

A B
Figure 8.1
Différents types de prothèses. Figure 8.2
A. Prothèse lisse. B. Prothèse texturée. Coque périprothétique.

140
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

­ eropératoire et donc d'ajuster le volume aux besoins. Ces


p Formes anatomiques
prothèses sont généralement rondes ; on ne pourra donc
Les prothèses ont des formes variables, plus hautes que
pas adapter leur forme au sein controlatéral.
larges ou plus larges que hautes selon les besoins. Leur
Celles remplies de silicone n'ont pas cessé d'évoluer, avec
projection est également variable, avec un point de
un gel de silicone de plus en plus cohésif, ce qui les rend
projection maximal plus ou moins haut. Les combinai-
plus solides et qui permet d'obtenir des formes stables de
sons sont multiples et permettent d'adapter au mieux
plus en plus nombreuses et adaptées aux besoins. Le taux
le choix de l'implant à la forme du sein controlatéral
de remplissage est également variable en fonction du résul-
(fig. 8.3b).
tat souhaité. Les implants fortement remplis permettraient
de limiter le risque de «vague».
Toutes ces évolutions ont permis de limiter au maxi- Autres types d'implants :
mum les risques de perspiration de la silicone à travers
la paroi, de rupture et de déformation. Le taux et l'inten- les expandeurs
sité des coques périprothétiques ont également pu être Il en existe de deux types : permanents ou non.
limités.
Modèles gonflables à une seule chambre
Forme des implants
Ces expandeurs ne sont pas permanents. Ils sont remplis
Formes rondes progressivement par l'intermédiaire d'une valve qui est
Elles ont une base plane, leur diamètre est variable et elles soit intégrée à la face antérieure de l'implant (fig. 8.4),
peuvent avoir des projections (distance antéropostérieure) soit déportée et reliée par un tube de silicone (fig. 8.5).
plus ou moins marquées : profils haut, moyen ou bas
(fig. 8.3a).

Figure 8.4
Expandeur à valve intégrée supérieure en avant
(repérage par un aimant de la valve).
Dessin : Cyrille Martinet.

B
Figure 8.3
Types de prothèses.
A. Prothèse ronde : profils bas, moyen et haut. Projection maximale
centrée. B. Prothèse anatomique : profils bas, moyen et haut.
Projection maximale centrée et en bas. C. Prothèse asymétrique :
projection maximale en bas et en dehors. Une prothèse pour la Figure 8.5
gauche et une pour la droite. Expandeur avec valve à distance.
Dessins : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

141
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Certains auteurs les utilisent systématiquement pour


leurs reconstructions par prothèse.

Quand envisager une reconstruction ?


Lorsque cela est possible, une reconstruction immé-
diate pourra être proposée à la patiente et, si sa mor-
phologie le permet, ce sera souvent par prothèse.
Figure 8.6 Dans les autres cas, la reconstruction se fera à distance
Expandeur à valve déportée, gonflable ou bicompartimentable (gel de la mammectomie :
en périphérie, sérum au centre), de type Becker.
Cet expandeur peut se transformer en implant définitif après retrait

dans les trois à six mois au minimum sans traitement ;
de la valve et du tuyau de silicone, par fermeture automatique des

dans les six à douze mois en cas de radiothérapie.
petites valves.
Dessin : Cyrille Martinet.

De forme ronde ou anatomique, ils sont position- Reconstruction mammaire


nés de la même façon que les prothèses définitives
mais devront être à terme remplacés par un implant secondaire par prothèse
définitif. (vidéo e8.1)
Modèles à double lumière La reconstruction secondaire par prothèse se déroule
généralement en deux ou trois phases à distance des
Ils présentent une chambre externe remplie de silicone
traite­ments adjuvants, au moins quatre à six mois après
liquide et une chambre interne dont on pourra faire varier
une mastectomie associée ou pas à une chimiothérapie.
le volume par une valve externe positionnée à 10 ou 15 cm
En revanche, il faudra attendre neuf à douze mois après
de l'implant. Cette valve lui est reliée par un tube de silicone
une radiothérapie de paroi et évaluer la qualité des tissus
qui permet d'injecter du sérum dans la chambre interne et
pour confirmer l'indication d'une reconstruction par pro-
donc de modifier le volume.
thèse si elle est envisageable.
Certains sont même également des implants définitifs
De nombreux artifices, décrits plus loin, ont permis
si on le souhaite (fig. 8.6) : en effet, le tube de silicone peut
d'augmenter les indications et la qualité des résultats de la
être retiré par voie externe par simple traction. À la sortie
reconstruction par prothèse :
des deux chambres, il existe des clapets qui se ferment ● le lambeau d'avancement abdominal (LAA) : il s'agit
automatiquement lorsqu'on extrait le tube de silicone. Le
d'une technique qui permet de mobiliser plusieurs cen-
volume est alors définitif, en partie silicone et en partie
timètres de peau thoracique en dessous du sillon sous-
sérum physiologique.
mammaire avec section du fascia superficialis et fixation du
néosillon au gril costal ;
Intérêt ● le lipomodelage (cf. chapitre 7) : il permet, en réinjectant
Ces expandeurs permettent d'obtenir une distension de la graisse purifiée, de «resurfacer» une reconstruction
progressive de la peau et du muscle pectoral. Cela peut par prothèse lorsque les tissus locaux sont trop fins et des-
représenter un avantage certain dans des situations dif- sinent les moindres défauts de l'implant. Le lipomodelage
ficiles, en particulier lorsque les tissus sont peu souples peut aussi être utilisé sur le thorax après mastectomie afin
et que la création d'une loge rétromusculaire de volume de préparer la mise en place d'un implant de reconstruc-
correct est délicate. On pourra alors gonfler progres- tion. Cette technique permet d'assouplir la peau et en
sivement l'expandeur en cinq à dix séances au cours augmentant l'épaisseur des tissus de faciliter la recons-
des consultations postopératoires. On pourra même truction. La liposuccion : elle peut permettre de mieux
surgonfler de 30 à 50 % l'expandeur, afin d'obtenir une dessiner les contours de l'implant (en particulier au sillon
bonne distension cutanée qui favorisera la souplesse et sous-­mammaire et en sous-axillaire), voire de diminuer la
la qualité de la reconstruction. projection de la reconstruction ;

142
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

● l'expansion cutanée progressive : utilisée dans certains d'éventuelles retouches à distance. Il faut pour cela pouvoir
cas, en particulier dans les gros volumes mammaires avec évaluer les modifications postopératoires, le positionne-
thorax très large ou en cas de difficultés à mobiliser cor- ment de l'aréole restant toujours difficile.
rectement un muscle de bonne qualité pour protéger
l'implant ;
● le choix aujourd'hui multiple de la forme, de la sur- Trois situations sont le plus fréquemment envisagées :
face, du remplissage des implants, qui permet de coller ■
le sein opposé est de taille, forme et volume simulables
au plus près au sein opposé avec ou sans remodelage par un implant : dans ce cas, pas de geste sur le sein
glandulaire. opposé lors du premier temps opératoire (fig. 8.7a) ;
Si le choix s'est porté sur la reconstruction secondaire

le sein opposé est très volumineux ou ptosé : une
par prothèse, les informations et le bilan évoqué dans le réduction ou une cure de ptose par technique adap-
tée (péri-aréolaire, verticale pure, «T» inversé…) sera
chapitre 6 sont à préciser de vive voix et par un écrit spéci-
effectuée dans le premier temps opératoire (fig. 8.7b) ;
fique (notice d'information). ■
le sein opposé est trop petit, éventuellement tom-
Dans la plupart des cas, le geste sera bilatéral afin de bant : on envisagera alors une augmentation conco-
diminuer le nombre d'interventions nécessaires à la recons- mitante par prothèse avec, éventuellement, cure de
truction. Certains opérateurs envisagent même aujourd'hui ptose a minima (fig. 8.7c).
des reconstructions en un seul temps opératoire avec

A B

Figure 8.7
Intervention sur le sein opposé à la reconstruction
mammaire secondaire par prothèse.
A. Sein opposé de volume moyen, bien projeté et sans ptose :
volume simulable par l'implant. B. Sein opposé trop volumineux
et ptosé : une réduction est nécessaire. C. Sein opposé trop petit :
C une augmentation sera nécessaire.

143
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Dessins préopératoires Du côté opposé à la mastectomie


Dessins nécessaires à la réduction ou à l'augmentation
Repérage des points fixes de mesure
(cf. chapitre 14 consacré à la symétrisation).
On tracera :
● sous-claviculaire à 5 cm de la ligne médiane ;
● fourchette sternale ; Matériel
● ligne médiane ; Le matériel spécifique souhaitable consiste en :
● insertion externe du dôme glandulaire. ● une table opératoire permettant d'asseoir la patiente
pendant l'intervention (si possible électrique) ;
Du côté de la mastectomie ● différents types de prothèses d'essais et définitives (ou
On tracera (fig. 8.8a) : d'expandeurs), afin de coller au mieux à la forme du sein
● position du sillon sous-mammaire (SSM) identique au opposé ;
sein opposé ; ● une valve éclairante qui facilite grandement la
● zone de décollement cutané sous le sillon sous-­ création de la loge rétromusculaire et son hémostase
mammaire, qui va être utilisée pour réaliser le lambeau minutieuse ;
d'avancement abdominal (LAA) ; ● et, selon les habitudes de chacun : Adson à griffe,
● limites du décollement interne, externe et supérieur ciseaux à peau, crochets doubles ou multiples, rond à sein,
nécessaire ; «Mammostat»…
● zone et longueur de l'incision cutanée.

A B
Figure 8.8
Reconstruction secondaire par prothèse.
A. Dessins des différents points fixes et du LAA qui amène 2 à 5 cm de peau. B. Le décollement descend en rétropectoral quelques centimètres
en dessous de l'insertion du muscle en sous-cutané.
Dessins : Cyrille Martinet.

144
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Installation de la patiente
La patiente est installée en décubitus dorsal, bras écartés
si un geste axillaire est nécessaire (bras le long du corps
sinon), avec protection anti-escarres sous les bras et les
talons, vérification de la station assise avant et après l'anes-
thésie, fixation du bassin afin d'éviter le glissement lors de
la station assise.
Un double badigeonnage vient clôturer la préparation
préopératoire (deux douches bétadinées). Les dessins sont
vérifiés après le badigeonnage.

Déroulement de l'intervention
Du côté opposé à la mastectomie
Certains – dont l'auteur de ces lignes – préconisent de
débuter l'intervention par le remodelage du sein opposé
s'il est nécessaire (plastie d'augmentation ou de réduction).
Ceci afin de pouvoir simuler au mieux la reconstruction par
prothèse (cf. chapitre 14 consacré à la symétrisation). Figure 8.9
Reconstruction secondaire par prothèse : incision de la peau
sur 3 à 5 cm et décollement cutanéomusculaire en périphérie.
Dessin : Cyrille Martinet.
Le sein remodelé par augmentation ou réduction sera
généralement positionné quelques centimètres plus
haut que le sein à reconstruire – la patiente sera bien sûr Cette incision doit être située plus haut que la zone d'in-
prévenue de cette asymétrie provisoire durant quelques sertion inférieure du muscle pectoral, mais pas trop haut
mois.
afin de limiter les difficultés opératoires lors de la création
du LAA et du sillon sous-mammaire (fig. 8.8b).
On passe ensuite sous la totalité des muscles de la paroi, au
Fermeture et drainage sont menés de la manière ras du gril costal, au bistouri électrique en effectuant la coagula-
habituelle. tion préventive des différents vaisseaux perforants (en particu-
lier : thoracique interne, sous-claviculaire…) si nécessaire.
Le décollement des quadrants supérieurs est très facile
Du côté de la mastectomie et sera effectué généralement au doigt (fig. 8.10).
La cicatrice de mastectomie est reprise le plus souvent au Le décollement supérieur et externe réalisé, on position-
centre ou à la partie externe sur 3 à 5 cm de celle-ci ; puis on nera la patiente assise afin d'effectuer, sous contrôle d'une
décolle la peau du muscle pectoral sur 2 à 4 cm en périphé- valve éclairante, le décollement interne et, surtout, inférieur.
rie en fonction des besoins afin de faciliter la fermeture des Celui-ci est plus difficile : on utilisera le bistouri électrique.
deux plans en fin d'intervention (fig. 8.9). Après avoir réalisé le décollement des zones définies par
Le muscle pectoral est incisé dans le sens des fibres, en le dessin préopératoire, en position assise on va décoller
regard d'une côte afin d'éviter une intrusion sanglante dans au ras de l'aponévrose la peau sur toute la zone prédéfinie
les espaces intercostaux très vascularisés. On évite aussi une et, souvent, quelques centimètres plus bas afin de faciliter
éventuelle brèche pleurale. l'ascension de ce lambeau dermograisseux (fig. 8.11a). De
profil, on descend plus bas que l'insertion du muscle pec-
toral, en sous-cutané, sur quelques centimètres (fig. 8.11b).
Si possible, l'incision musculaire sera située plus haut que Une fois le décollement effectué, toujours en position assise
l'incision cutanée, afin qu'elles soient décalées lors de la fer- et sous contrôle de la valve éclairante, on va inciser le fascia super-
meture pour diminuer le risque d'exposition de la prothèse. ficialis et la graisse sur toute son épaisseur jusqu'au derme sans le
brûler au niveau du trait inférieur du LAA préétabli (fig. 8.12).
145
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 8.10 Figure 8.12


Reconstruction secondaire par prothèse : décollement Reconstruction secondaire par prothèse : vue interne, rétromusculaire.
rétropectoral au doigt des quadrants supérieurs. Incision du fascia superficialis tout le long du futur sillon
Dessin : Cyrille Martinet. sous-mammaire, s'arrêtant à 2 ou 3 mm du derme, laissant
apparaître la graisse sous-dermique.
Dessins : Cyrille Martinet.

A B
Figure 8.11
Reconstruction secondaire par prothèse : décollement rétromusculaire.
A. En position assise et au bistouri électrique, on pratique un décollement rétromusculaire inférieur et interne allant plus loin que le dessin
préétabli. B. De profil, le décollement inférieur descend très bas.
Dessins : Cyrille Martinet.

146
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Le néosillon sous-mammaire sera ensuite défini par


sa fixation à la face profonde (périoste, aponévrose,
zone de fibrose…) par un point central qui va charger
la berge inférieure créée par la section du fascia super-
ficialis, très solide.
Celui-ci est fixé à la hauteur désirée – souvent 1 ou 2 cm
plus bas car la prothèse aura tendance à remonter au cours
de la cicatrisation dans les quatre mois postopératoires. On
vérifie sa position ; ensuite, on mettra en place de part et
d'autre (en interne et en externe) deux, quatre ou six points
latéraux afin de définir au mieux l'arc de cercle qui dessine
le sillon sous-mammaire (fig. 8.13) ; certains utilisent deux
hémi-surjets.
Le fil utilisé est le plus souvent un gros fil résorbable
(Vicryl® 0 ou 1) ; néanmoins, certains peuvent utiliser du fil
non résorbable (Flexocrin® ou Ethicrin®).
Une prothèse d'essai la plus adaptée au sein controla-
téral est positionnée pour apprécier en position assise le
résultat esthétique approximatif.
Le volume et la forme seront adaptés aux besoins ; Figure 8.13
la loge sera drainée par un drain de Redon ; la prothèse Reconstruction secondaire par prothèse : vue interne.
Fixation du premier point central puis des quatre points latéraux
définitive est positionnée et les plans musculaire et amarrés sur le périoste ou l'aponévrose (deux points de part
cutané fermés séparément (fig. 8.14a et b). Une fois et d'autre du point central).
Dessins : Cyrille Martinet.
fermés, les points peuvent être visibles (petite dépres-
sion vue de face et en coupe) (fig. 8.14c et d). Ils dis-
paraîtront en quelques semaines. On évitera les prises Complications
trop proches de la peau, qui pourraient entraîner
une nécrose cutanée locale et les complications qui Complications immédiates
peuvent en découler. (dans les trois mois postopératoires)
En fin d'intervention, on vérifie, patiente assise, la cohé-
Hématomes
rence des mesures sous-claviculaire/sillon sous-mammaire
(20 à 25 cm) (fig. 8.15a). La prothèse de reconstruction Les hématomes ne sont pas si rares en raison du décolle-
est placée plus bas de 2 cm environ que le sillon sous-­ ment et des sections musculaires multiples (fig. 8.20a). Il
mammaire controlatéral en raison de la chute du sein faut savoir réintervenir rapidement afin d'évacuer la collec-
remodelé et de l'ascension de la prothèse de reconstruction tion, de faire l'hémostase si on trouve un saignement, de
en trois à quatre mois (fig. 8.15b). laver la loge, de changer l'implant et de drainer.

Pansement La résorption spontanée est possible mais souvent


source de coque de grade élevé… L'abstention thérapeu-
Pansement simple sec et soutien-gorge de maintien sont
tique est donc déconseillée !
largement suffisants.

Résultats Lymphocèles périprothétiques


Quelques résultats de reconstruction mammaire secon- Elles sont très fréquentes, surtout lorsque l'on utilise des
daire par prothèse sont présentés par des photographies implants très texturés. Lorsqu'ils sont très abondants, il
en figures 8.16 à 8.19. semble préférable de ponctionner ces épanchements

147
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 8.14
Reconstruction secondaire par prothèse : mise en place et fermeture.
A. La prothèse est mise en place dans la loge rétromusculaire. B. Le muscle est fermé, la loge est étanche. C. Une fois le muscle fermé,
on voit sur la peau l'attraction des points, qui doit rester modérée. D. De profil, on voit que la fixation du sillon sous-mammaire permet
de recréer le segment III du sein.
Dessins : Cyrille Martinet.

148
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Figure 8.15
Reconstruction secondaire
par prothèse : contrôle.
A. Mesures prises en position
assise : clavicule-SSM à gauche
et à droite avec un LAA sont à
peu près égales (18 + 4 = 22 cm
à droite ; 13 + 4 + 5 = 22 cm à
gauche). B. En fin d'intervention,
la prothèse est positionnée 1 ou
A B 2 cm en dessous.
Dessins : Cyrille Martinet.

Figure 8.16
Reconstruction secondaire par prothèse : résultat.
A. Avant. B. Après avec symétrisation en T inversé.

A B
Figure 8.17
Reconstruction secondaire par prothèse : résultat.
A. Avant. B. Après avec symétrisation par prothèse.
149
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 8.18
Reconstruction secondaire par prothèse : résultat.
A. Avant. B. Après avec symétrisation par round black et prothèse.

A B
Figure 8.19
Reconstruction secondaire par prothèse : résultat.
A. Avant. B. Après.

(fig. 8.20b), si possible sous échographie. Dans le cas tion pourra éventuellement être tentée à nouveau six à
contraire, on risque l'évacuation spontanée de l'épanche- douze mois après cet épisode, par prothèse ou par lambeau
ment par la cicatrice et donc l'exposition de l'implant. On selon la situation locale.
risque également la surinfection de la lymphocèle, après
ponction plus ou moins septique.
Exposition précoce de l'implant
Complications infectieuses (avant trois mois) (vidéo e8.2)
Devant une infection périprothétique, avec syndrome Elle apparaît dans deux situations très différentes :
infectieux, sein œdématié, douloureux, rouge et chaud ● au cours d'une infection locale : souvent, la conduite à
(fig. 8.20c), le traitement par antibiothérapie adaptée et tenir est alors la même que pour les abcès, avec dépose de
évacuation de la collection peut parfois régler le problème ; l'implant ;
cependant, le plus souvent, la sanction est l'ablation de la ● au cours d'une exposition aseptique et donc mécanique
prothèse, le lavage et le drainage de la loge. La reconstruc- de l'implant (fig. 8.20d) : le sauvetage est alors possible par

150
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B

C D

Figure 8.20
Complications immédiates.
A. Hématome rétromusculaire. B. Lymphocèle périprothétique.
C. Abcès sur reconstruction par prothèse. D. Exposition punctiforme
de l'implant aseptique, un mois après l'intervention. E. Nécrose
E cutanée avec exposition de l'implant.

la création d'un nouveau lambeau d'avancement abdomi- Complications secondaires


nal et interposition de peau désépidermisée afin de pro- (après trois mois postopératoires)
téger la cicatrisation ; sinon, l'interposition d'un lambeau
musculocutané sera nécessaire, soit immédiatement, soit Coque périprothétique
secondairement. Il s'agit de la réaction à corps étranger qui se forme autour
Parfois, elle est secondaire à une nécrose cutanée de l'implant après son introduction. Il s'agit d'une fibrose
qui nécessite une suture avant exposition de l'implant qui comprime la prothèse et rend très dur la reconstruc-
(fig. 8.20e). tion (fig. 8.21a). Cette réaction est majorée par l'existence
151
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 8.21
Complications secondaires.
A. Coque de grade IV, souvent due à une radiothérapie postopératoire. B. Dégonflement d'une prothèse saline, changement nécessaire sans
urgence. C. Rupture d'une prothèse de reconstruction en silicone. D. Exposition tardive aseptique d'une prothèse de reconstruction par usure
cutanée.

de ­facteurs favorisants (radiothérapie, hématomes, lym- lavage de la loge (fig. 8.21c), voire l'ablation du ganglion
phocèles…). Une capsulectomie totale antérieure peut siliconé suspect.
améliorer le résultat ; sinon, il faudra utiliser un lambeau
musculocutané. Exposition tardive de l'implant (après trois mois)

Dégonflement de l'implant L'exposition tardive de l'implant apparaît dans deux


situations très différentes : très rarement au cours d'une
Le dégonflement d'une prothèse saline, souvent brutal, infection locale – souvent, la conduite à tenir est la
parfois lent, nécessite un changement de l'implant sans même que pour les abcès – ; le plus souvent au cours
urgence (fig. 8.21b). d'une exposition aseptique et donc mécanique de l'im-
plant (fig. 8.21d). Le sauvetage est alors possible avec la
Rupture de l'implant création d'un nouveau lambeau d'avancement abdomi-
Découverte par modification locale, par examen com- nal avec interposition de peau désépidermisée afin de
plémentaire (échographie, IRM…) ou par l'apparition protéger la cicatrisation, sinon l'interposition d'un lam-
d'un gros ganglion axillaire homolatéral, voire contro- beau musculocutané sera nécessaire. Souvent des épi-
latéral, dont la cytoponction retrouve de la silicone, sodes inflammatoires résolutifs sont retrouvés dans les
la rupture nécessite le changement de l'implant avec mois qui précèdent cette complication.

152
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B

Figure 8.22
RMS par prothèse avec expandeur permettant de créer un néo
sillon sous mammaire.
A. RMS par prothèse préopératoire. B. Expandeur en place.
C. Fin de reconstruction avec implant définitif en place
C et reconstruction de PAM.

Conclusion prélèvement de 2 à 300 cm3 de graisse abdominale ou sur


les cuisses. Cette graisse sera préparée soit par décantation,
On cherche toujours à augmenter les indications de recons- soit après centrifugation rapide et injectée comme un
truction par implant chez des patientes qui se refusent à «spaghetti» en rétrotraçant sur plusieurs trajets croisés et
accepter les LMC et les cicatrices au niveau abdominal ou sur plusieurs plans de profondeurs différentes afin de créer
dans le dos qui en découlent. Pour y arriver, nous allons une sorte de «matelas» graisseux.
utiliser des stratagèmes divers en fonction des possibilités Après une ou deux injections à 3 ou 4 mois d'intervalle,
locales. le résultat sera une meilleure trophicité locale et une plus
Pour certains auteurs, l'expansion cutanée peut être la grande souplesse des tissus locaux (fig. 8.23).
réponse pour ces patientes (cf. § Reconstruction mammaire Dans certains cas, après deux ou trois injections de tissus
par expansion cutanée). Cette technique doit permettre graisseux, on obtient un volume tellement important que
grâce à une expansion cutanée progressive d'obtenir un l'on pourra positionner l'implant en prépectoral, comme
surgonflement qui sera maintenu quelques semaines. on le fait en chirurgie esthétique lorsque le volume mam-
Ensuite, au moment du dégonflement, on obtient un sac maire est suffisamment important. La reconstruction sera
cutané suffisamment lâche pour permettre la mise en place alors plus souple et moins douloureuse pour la patiente
d'un implant définitif (fig. 8.22). avec souvent de très bons résultats car l'implant est noyé
Pour d'autres auteurs, le seul moyen réellement efficace dans un matelas graisseux. Cette technique est souvent uti-
pour augmenter le taux de reconstruction par prothèse lisée quand le capital graisseux est insuffisant pour obtenir
se base sur une amélioration de la qualité des tissus tho- le volume souhaité. Dans ces cas, on va mettre en place
raciques. On va essayer d'améliorer la vascularisation, la un implant de 100 ou 150 cm3 en complément des 4 ou
souplesse de cette paroi, mais aussi son épaisseur en injec- 500 cm3 que l'on aura injectés en 2 ou 3 séances pour obte-
tant de la graisse en sous-peau et dans le muscle pectoral nir un sein de 300 ou 350 cm3. Ce sein reconstruit sera bien
quelques mois avant la mise en place de l'implant. Cette sûr plus souple, plus mobile, plus chaud qu'un sein directe-
injection de tissu graisseux (cf. chapitre 7) se fera après ment reconstruit avec un implant de 350 cm3.
153
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 8.23
Reconstruction bilatérale par prothèse avec lipomodelage
néo-adjuvant.
A. Mastectomie bilatérale préopératoire. B. Après injection de
C graisse. C. Après mise en place d'un implant mammaire bilatéral.

À retenir de faire bomber la partie supérieure du sein symé-


trisé comme pour le sein reconstruit. Le sillon sous-­

Dans le dessin : marquer le nombre de centimètres mammaire sera également positionné plus haut que
nécessaires pour que la distance sous-claviculaire/sil- celui du sein reconstruit, pour les mêmes raisons.
lon sous-mammaire soit identique sur le sein recons- ■
Le choix de l'implant : il doit être le plus proche en
truit et sur le sein opposé (en général ces distances termes de hauteur-largeur-projection et forme que le
sont comprises entre 20 et 27 cm, avec une aréole de sein opposé remodelé.
4 à 5 cm de diamètre positionnée entre 10 et 15 cm de ■
Le néosillon sous-mammaire fabriqué par la fixation
la clavicule) (fig. 8.15a). du LAA par de nombreux points doit être :

Le poids de la mastectomie, s'il était noté sur le compte – plus bas que le sein opposé ;
rendu opératoire de la mastectomie (diminué du poids – très solide, surtout en interne, pour éviter le
de la réduction controlatérale ou augmenté de la taille «lâchage» et la création d'une poche de lymphocèle ;
de la prothèse d'augmentation du sein opposé) aide à – bien «dégraissé», pour améliorer la création, la
choisir approximativement le volume de la prothèse de qualité et la solidité du néosillon sous-mammaire
reconstruction (100 cm3 par 100 g de sein). (il pourra éventuellement être liposucé au cours

Si le sein opposé est réduit, on positionnera le sil- du deuxième temps de reconstruction).
lon sous-mammaire 2 à 4 cm plus haut que le sillon ■
Penser au lipomodelage pour préparer la recons-
sous-mammaire du sein reconstruit, car on pré- truction ou pour l'améliorer en fin d'intervention.
voit la chute du sein remodelé et la remontée du Cette technique fait aujourd'hui partie intégrante
sein reconstruit, d'autant plus importante que les des reconstructions mammaires secondaires par pro-
séquelles cutanées de la radiothérapie sont impor- thèse ; elle est de plus en plus utilisée et quasi systé-
tantes (fig. 8.15b). matique pour certains auteurs.

S'il s'agit d'une prothèse d'augmentation, elle sera
positionnée assez haut (au niveau du segment I), afin

154
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Reconstruction mammaire Du côté de la mastectomie


immédiate par prothèse On tracera :
position du sillon sous-mammaire, identique au sein
(vidéo e8.3)

opposé ;
● zone de décollement cutané sous le sillon sous-­
La reconstruction immédiate répondant aux mêmes
mammaire qui va être utilisée pour réaliser le LAA, d'à peu
besoins et donc aux mêmes techniques que la reconstruc-
près 2 à 3 cm de hauteur ;
tion secondaire, seules les spécificités de cette chirurgie ● limites du décollement interne, externe et supérieur
sont développées dans cette section.
nécessaire ;
Les «indications» de reconstruction immédiate ne sont ● zone et longueur de l'incision cutanée emmenant la
pas le propos de cet ouvrage de techniques chirurgicales,
plaque aréolo-mamelonnaire.
nous allons néanmoins les évoquer. Les meilleures indica-
L'incision est le plus souvent horizontale, emmenant
tions sont bien sûr la chirurgie prophylactique et les carci-
la plaque aréolo-mamelonnaire, sur une hauteur variable
nomes intracanalaires étendus qui ne nécessiteront pas de
en fonction de la ptose du sein (distance clavicule/sillon
radiothérapie postopératoire qui viendrait grever fortement
sous-mammaire).
le résultat de la reconstruction en raison de l'augmentation
En pratique, on calculera plutôt la peau du sein restante :
importante du taux de coque et des déformations du sein ● distance clavicule/partie supérieure du tracé de mastec-
reconstruit. On pourra y ajouter les petits cancers infiltrants
tomie, «x» : 12 à 15 cm, en moyenne ;
qui ne seront pas irradiés en postopératoire (petites tailles, ● et distance partie inférieure du dessin de mastectomie/
multicentriques…) et les récidives locales lorsque la peau
sillon sous-mammaire, «y» : 8 à 12 cm, en moyenne ;
est de bonne qualité sur un sein déjà irradié (récidive locale). ● soit une distance totale point sous-claviculaire/sillon
sous-mammaire «z = x + y» = 20 à 27 cm à laquelle on
Cette chirurgie répond à la même problématique que la ajoute 1 à 2 cm (fig. 8.24).
reconstruction secondaire. La forme, le volume, la ptose
du sein traité et l'aspect du sein controlatéral sont essen-
tiels pour définir la stratégie chirurgicale et les différents
temps opératoires.

Le prélèvement axillaire, lorsqu'il est nécessaire, pourra


être effectué par la même voie d'abord, mais nous lui préfé-
rons une voie horizontale très courte séparée, afin d'éviter :
● le «mélange» des éventuelles lymphocèles des deux sites ;
● les difficultés du geste opératoire lorsque les cicatrices de
mastectomie sont très courtes (péri-aréolaire ou horizon-
tale courte) ;
● l'attraction en haut et en dehors de la loge périprothé-
tique rétromusculaire vers la zone de curage qui a tendance
à se rétracter.

Dessins préopératoires
Repérage des points fixes de mesure
On tracera :
● sous-claviculaire à 5 cm de la ligne médiane ; Figure 8.24
● fourchette sternale ; Reconstruction immédiate par prothèse : la peau restante
(x + y = z) sur le sein reconstruit est à peu près égale à la peau
● ligne médiane ; restante sur la plastie de symétrisation (a + b + c = z).
● insertion externe du dôme glandulaire. Dessin : Cyrille Martinet.

155
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

On pourra également proposer dans certains cas très reconstruction par prothèse (cf. chapitre 14 consacré à la
particuliers des dessins différents : vertical en cas de cica- symétrisation).
trice radiaire verticale préexistante (échec d'une plastie Le sein remodelé par augmentation ou réduction sera
mammaire verticale pure), en «T» inversé dans des cas généralement positionné quelques centimètres plus haut
de grande ptose mammaire – attention à la nécrose des que le sein reconstruit – la patiente sera bien sûr prévenue
pointes du «T» et au risque d'exposition de la prothèse. de cette asymétrie provisoire durant quelques mois.
Fermeture et drainage sont menés de la manière habituelle.
Du côté opposé à la mastectomie
On trace les dessins nécessaires à la réduction ou à l'aug- Mais, dans ce cas de reconstruction immédiate, on préfé-
mentation (cf. chapitre 14 consacré à la symétrisation) et, rera commencer par le sein à reconstruire pour avoir une
le dessin de la plastie laissée en place : la distance «a» du idée du résultat obtenu avant de démarrer la symétrisa-
point sous-claviculaire jusqu'à la future aréole, «b» la lar- tion si elle est nécessaire, ce qui n'est pas toujours le cas.
geur de l'aréole et «c» le futur segment (cette distance sera
inférieure de 1 à 3 cm à celle du sein reconstruit car la ptose
secondaire du sein et la légère remontée du sein reconstruit Du côté de la mastectomie
amélioreront la symétrie après deux à trois mois) font un L'incision est, biconcave plus ou moins longue en fonction
total à peu près égal à «z» (fig. 8.24). du degré de plan et de l'excédent cutané. Elle emmène la
plaque aréolo-mamelonnaire selon le dessin préétabli.
Matériel La mammectomie peut s'effectuer au bistouri élec-
trique ou aux ciseaux afin de protéger la peau d'éven-
Le matériel spécifique souhaitable comprend :
tuelles brûlures. Le plan de section est celui des crêtes
● une table opératoire permettant d'asseoir la patiente (si
de Duret, mais il doit essayer de conserver au maximum
possible électrique) ;
les tissus graisseux sous-cutanés, afin d'améliorer la qua-
● différents types de prothèses d'essais et définitives (ou
lité de la reconstruction par prothèse. On insistera pour
d'expandeurs), afin de coller au mieux à la forme du sein
ne pas laisser de tissu glandulaire sur les bords externes,
opposé ;
internes et supérieurs, mais surtout au niveau du pro-
● une valve éclairante, qui facilite grandement la création
longement axillaire, sur le muscle et dans le sillon sous-­
de la loge rétromusculaire et son hémostase minutieuse ;
mammaire – ceci étant parfois rendu difficile quand
● instruments souhaitables : Adson à griffe, ciseaux à peau,
l'incision de mastectomie est courte.
crochets doubles ou multiples, rond à sein, «Mammostat»…
Une fois la mammectomie réalisée, la pièce opératoire
est pesée afin d'orienter le choix du volume de l'implant
Installation de la patiente sélectionné. On vérifie l'hémostase.
La patiente est installée en décubitus dorsal, bras écartés La création d'une loge rétromusculaire complète peut
si un geste axillaire est nécessaire (bras le long du corps être effectuée comme pour les reconstructions secondaires,
sinon), avec protection anti-escarres sous les bras et les mais elle est plus difficile car les différents plans (peau, sous-
talons, vérification de la station assise avant et après l'anes- peau, graisse et muscle) ne sont pas accolés.
thésie, fixation du bassin afin d'éviter le glissement lors de On préférera donc un décollement du muscle pectoral par
la station assise. son bord externe, puis des muscles petit pectoral et dentelé
Un double badigeonnage vient clôturer la préparation antérieur qui seront ensuite réunis par suture directe pour
préopératoire (deux douches bétadinées). Les dessins sont former une loge rétromusculaire complètement étanche.
vérifiés après le badigeonnage. Le bord externe du muscle pectoral sera pris dans une
pince plate et soulevé ; son décollement jusqu'aux fibres
musculaires internes est très facile. On sectionnera plus
Déroulement de l'intervention ou moins ces fibres musculaires internes en fonction des
besoins (fig. 8.25).
Du côté opposé à la mastectomie
On décolle ensuite le petit pectoral et le dentelé anté-
On pourra débuter l'intervention par le remodelage du rieur sur une côte afin d'éviter toute brèche pleurale ou un
sein opposé s'il est nécessaire (plastie d'augmentation ou saignement intempestif. En haut, le décollement est très
de réduction), ceci afin de pouvoir simuler au mieux la facile et doit être limité au strict minimum (fig. 8.26).
156
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Figure 8.25 Figure 8.27


Reconstruction immédiate par prothèse : le bord externe du muscle Reconstruction immédiate par prothèse : section du fascia
pectoral est saisi dans une pince plate en traction ; décollement superficialis jusqu'au derme au niveau du tracé du futur sillon
jusqu'aux fibres internes qui seront partiellement sectionnées. sous-mammaire au bistouri électrique.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

Il descend en dessous de l'insertion inférieure des fibres


musculaires du muscle grand pectoral, parfois en passant
sous le fascia superficialis en bas, voire sous l'aponévrose
du muscle droit de l'abdomen dans certains cas, afin de
conserver une loge totalement étanche. On passe plus bas
en sous-cutané et on descend comme le dessin préétabli
quelques centimètres plus bas que l'ancien sillon sous-
mammaire (fig. 8.27).
Une fois le décollement effectué, toujours en position
assise et sous contrôle de la valve éclairante, on incisera
le fascia superficialis et la graisse sur toute son épaisseur
jusqu'au derme, sans le brûler, au niveau du trait inférieur
du LAA préétabli.
Le néosillon sous-mammaire sera ensuite défini par sa
fixation à la face profonde (périoste, aponévrose, zone
de fibrose…) par un point central qui va charger la berge
inférieure créée par la section du fascia superficialis,
très solide, exactement comme pour la reconstruction
Figure 8.26 secondaire. Ce temps n'est pas toujours obligatoire,
Reconstruction immédiate par prothèse : décollement du dentelé surtout pour les seins de petit volume au sillon sous-­
et du petit pectoral en externe et en inférieur au bistouri électrique. mammaire mal défini.
Dessin : Cyrille Martinet.
Ce néosillon sous-mammaire est fixé à la hauteur
désirée – souvent 1 ou 2 cm plus bas, car la prothèse
Le temps le plus difficile est la réunion des décollements aura tendance à remonter au cours de la cicatrisation
musculaires interne et externe. Il s'effectue en position dans les quatre mois postopératoires. On vérifiera sa
assise, sous contrôle de la vue, aidé par la valve éclairante. position puis on positionnera de part et d'autre (en
157
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

interne et en externe) deux, quatre ou six points laté-


raux afin de définir au mieux l'arc de cercle qui dessine le
sillon sous-mammaire (fig. 8.28) ; certains utilisent deux
hémi-surjets.
Le fil utilisé est le plus souvent un gros fil résorbable
(Vicryl® 0 ou 1) ; certains peuvent utiliser du fil non résor-
bable (Flexocrin® ou Ethicrin®).
Une prothèse d'essai la plus adaptée à la forme du sein
controlatéral est positionnée pour apprécier, en position
assise, le résultat esthétique approximatif (position du sillon
sous-mammaire, projection du sein, volume général, aspect
du segment I…).
Le volume et la forme seront adaptés aux besoins. La
loge sera drainée par un drain de Redon. La prothèse
définitive est positionnée et les plans musculaire et
cutané fermés séparément. La loge prémusculaire est
également drainée, ainsi que le creux axillaire si néces-
saire (fig. 8.29).

Figure 8.28
Résultats Reconstruction immédiate par prothèse : fixation par trois,
cinq ou sept points du sillon sous-mammaire grâce à la partie
Des résultats de reconstruction mammaire immédiate inférieure du fascia superficialis sectionné amenée sur le périoste
sont présentés par les photographies des figures 8.30 à ou l'aponévrose.
Dessin : Cyrille Martinet.
8.33.

Techniques d'amélioration
du résultat
Le décollement du muscle pectoral en haut et en dedans
est toujours très facile à réaliser. À l'opposé, le décollement
inféro-externe (muscles petit pectoral et grand dentelé)
est souvent très délicat car cette zone est souvent fine,
fibreuse, rigide et donc fragile. Elle peut facilement se déchi-
rer et est alors extrêmement difficile à recoudre et donc à
utiliser pour recouvrir la partie inféro-externe de l'implant
de reconstruction.
Dans ces cas difficiles, plusieurs solutions sont envisa-
geables en fonction des possibilités locales.
● On pourra laisser l'implant en sous-cutané, sous la peau
en bas et en dehors, en fixant le bord externe du muscle
pectoral au fascia sous-cutané, quelques centimètres plus
bas que la cicatrice de mastectomie. Figure 8.29
● Une autre solution serait d'utiliser, dans les cas de seins Reconstruction immédiate par prothèse : fermeture complète du
très ptosés, la peau inférieure de la mastectomie (seg- muscle sur drain de Redon positionné dans le sillon sous-mammaire.
On visualise les zones de dépression des points de fixation du sillon
ment III) que l'on va désépidermiser et enfouir après l'avoir sous-mammaire.
suturée au bord libre du muscle pectoral (fig. 8.34). Dessin : Cyrille Martinet.

158
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B
Figure 8.30
Reconstruction immédiate par prothèse : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

A B
Figure 8.31
Reconstruction immédiate par prothèse : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

A B
Figure 8.32
Reconstruction immédiate par prothèse : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

159
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 8.33
Reconstruction immédiate par prothèse : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

A B

Figure 8.34
Reconstruction par prothèse avec couverture
de la prothèse avec le muscle pectoral en haut et un lambeau
dermique en bas.
A. Dessin préopératoire de la mastectomie. B. Désépidermisation du
segment III du sein. C. Suture du muscle pectoral à ce lambeau cutané
C désépidermisé.

160
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B C

D E F
Figure 8.35
Reconstruction par prothèse utilisant le muscle pectoral en haut et le derme inférieur du sein en bas, qui sont suturés.
A, C et E. Les différents temps opératoires de face. B, D et F. Les différents temps opératoires de profil.
Dessins : Cyrille Martinet.

L'incision se fera en T inversé, la partie inférieure du T sein controlatéral pourra être symétrisé dans le même
étant placé dans le futur sillon sous-mammaire (fig. 8.35). temps opératoire ou secondairement (fig. 8.37). L'incision
Puis le tout sera recouvert par la peau du segment I, au- en T inversé n'est pas obligatoire, on pourra abaisser
dessus de la cicatrice de mastectomie qui va être abaissée directement la cicatrice du haut dans le sillon sous-mam-
au sillon s­ous-mammaire (fig. 8.36). L'implant est donc maire sans cicatrice verticale (fig. 8.38 a à f). La PAM
totalement protégé dans une loge étanche. Il n'est plus en pourra être directement greffée ou reconstruite dans un
contact avec la loge prépectorale de la mastectomie. Le deuxième temps opératoire (fig. 8.39 a et b). (video e8.4)

161
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 8.36
RMI par prothèse en T inversé avec lambeau dermique enfoui.
A. Peau suturée en T au SSM. B. Résultat final après symétrisation et reconstruction de PAM.

A B

C
Figure 8.37
RMI par prothèse en T inversé avec lambeau dermique enfoui.
A. Préopératoire. B. Postopératoire. C. Après symétrisation et reconstruction de PAM.

162
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B

C D

E F
Figure 8.38
Déroulement de l'intervention avec désépidermisation du segment 3 qui, suturé au muscle pectoral, permet de loger la prothèse.
La peau est ensuite abaissée jusqu'au sillon sous-mammaire.

163
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 8.39
Préparation du lambeau dermique avant mastectomie.
A. Mastectomie bilatérale sur sein hypertrophique très ptosé. B. Résultat après utilisation d’un lambeau dermique du segment 3, abaissement
de la peau thoracique au niveau du sillon sous-mammaire et reconstruction du PAM.

A B
Figure 8.40
Utilisation d'une plaque de derme.
A. Mastectomie sans conservation de la PAM. B. Mastectomie avec conservation de la PAM.

● Une troisième solution consiste à remplacer ce lam- Meso BioMatrix®, etc.). Cette plaque va se positionner à
beau dermique désépidermisé (surtout quand il n'existe la partie inférieure et libre du muscle pectoral à laquelle
pas) sur des seins peu ou pas assez ptosés par une plaque elle va être suturée qu'elle soit en tissu biologique
d'un produit de synthèse. Il peut s'agir de produits inertes (fig. 8.40) ou inerte (fig. 8.41). Elle sera ensuite fixée par
à base de Vicryl®, de polypropylène… (Tigr®, Tiloop®,…) quelques points de fil résorbable dans le sillon sous-
ou de plaques de tissus biologique. Dans ce cas, il s'agit mammaire en lui laissant assez de souplesse et de maté-
de cellules d'origines diverses (derme, péritoine…) qui riel afin qu'elle puisse épouser la courbe du segment III,
sont désactivées afin de pouvoir s'intégrer facilement sous-aréolaire du sein à reconstruire (fig. 8.42). Les résul-
sans rejet en sous-peau. Ces cellules peuvent être d'ori- tats sur table sont excellents, car aucune modification de
gine humaine (interdite en France), bovine ou porcine la partie inférieure du sein ne sera nécessaire et la forme
(Strattice®, AlloDerm®, Meccellis®, Protexa®, SurgiMend®, sera totalement conservée (fig. 8.43) (video e8.5) .

164
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B
Figure 8.41
Utilisation d'une plaque Tiloop®.
A. Mastectomie sans conservation de la PAM. B. Postopératoire.

A B C
Figure 8.42
Reconstruction par prothèse recouverte en haut par le muscle pectoral, et en bas par une plaque de derme.
A et B. De face. C. De profil, la prothèse est en partie rétromusculaire en haut.
Dessins : Cyrille Martinet.

165
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 8.43
RMI bilatérale prophylactique avec augmentation de volume et mise en place d'une plaque Tiloop®.
A. Mastectomie bilatérale prophylactique préopératoire. B. Mastectomie bilatérale prophylactique postopératoire avec mise en place d'une
double plaque de derme. C. Mastectomie bilatérale prophylactique préopératoire. D. Mastectomie bilatérale prophylactique postopératoire
avec mise en place d'une double plaque inerte type Tiloop®.

● Certains auteurs utilisent même ces plaques de derme tructions mammaires immédiates avec conservation de
en entourant complètement l'implant avec ce matériau l'étui, mais aussi du mamelon et de l'aréole, interventions
avant sa mise en place en sous-cutané direct. Cette plaque qui vont probablement se multiplier dans les années à
peut être découpée à mesure en forme de poche pour y venir. Cette intervention deviendra alors plus simple, plus
glisser la prothèse (fig. 8.44). L'implant totalement entouré rapide, moins douloureuse et pour certains auteurs source
de cette plaque de derme pourra être glissé sous la peau de moins de coque périprothétique.
par la cicatrice de mastectomie, un drainage sera mis en ● La dernière solution qui pourra être utilisée pour ces
place (fig. 8.45). On peut même fixer ce montage qui sera reconstructions est de mettre l'implant en prépectoral sans
entouré d'une lymphocèle abondante par quelques points plaque de derme dans certains cas très sélectionnés. Pour
de suture afin de lui éviter une rotation. Il existe également certaines patientes dont les seins sont très volumineux, on
des plaques prédécoupées afin qu'elles épousent au mieux peut réduire l'excès cutané en enfouissant cette zone qui
la forme de l'implant (fig. 8.46). Sur ces dessins, on met en sera préalablement désépidermisée. Cet artifice permet de
place la plaque sur l'implant et sous la peau (fig. 8.47). Elle créer une double épaisseur qui protégera mieux la cicatrice.
est fixée par quelques points séparés. On peut imaginer Souvent chez ces patientes aux seins très «généreux», le
dans un futur proche que des industriels qui dominent ces derme laissé en place et la couche graisseuse qui le recouvre
deux types de production, vont rapidement fabriquer des sont très épais et n'obligent pas à positionner l'implant en
implants déjà recouverts d'une plaque de derme thermo- rétromusculaire. La position prépectorale est très bien sup-
collé. Ceci permettra de faciliter grandement la mise en portée avec de très bons résultats esthétiques et une réduc-
place de ces implants en sous-cutané au cours des recons- tion nette des douleurs postopératoires (fig. 8.48).
166
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B

Figure 8.44
Implant entouré par une plaque de derme type Cellis®.

Comme nous l'avons vu, il existe plusieurs solutions


pour effectuer cette reconstruction immédiate par pro-
thèse en fonction du volume du sein, du degré de ptose,
de la qualité de la peau et des tissus sous-cutanés. Cette
décision dépend également de la disponibilité ou non de
ces matériaux biologiques ou de synthèse, de plus en plus
différents et de plus en plus nombreux.
L'utilisation de ces matériaux augmente les risques de
complications postopératoires dans la plupart des séries
publiées. Mais il est fort probable qu'une sélection rigou- C
reuse des indications, des patientes et de la technique va Figure 8.45
rapidement permettre de limiter ces complications. Un RMI par prothèse pré-pectorale entourée de derme par incision
axillaire.
drainage prolongé et une antibioprophylaxie de couver- A. Mastectomie conservatrice par voie sous-axillaire. B. Mise en
ture vont permettre de limiter les complications et d'ob- place de l'implant mammaire entouré de derme artificiel et drainage
tenir de très bons résultats immédiats avec une chirurgie de la loge. C. Postopératoire immédiat avec une bonne symétrie.
moins invasive et mieux supportée par les patientes.
Les complications spécifiques de cette chirurgie sont aux
nombres de trois : des plaques de derme, probablement potentialisée par les
● les lymphocèles : souvent très importantes en raison du solvants de conservation, elle va progressivement diminuer
corps étranger mis en place et sources de complications avec des plaques «sèches» de derme ;
infectieuses secondaires. On les limitera progressivement ● le risque d'exposition de l'implant, souvent dû à une
par une prévention : drainage prolongé, antibioprophylaxie complication locale : lymphocèle, infection, nécrose de
au long cours et disparition des solvants très inflammatoires l'étui cutané… Le traitement reste également préventif,
pour la conservation de ces produits ; bonne conservation de l'étui cutané avec sa vascula-
● le red breast syndrome : complication largement décrite risation, drainage prolongé et antibioprophylaxie de
dans la littérature, très fréquente au début de l'utilisation couverture.
167
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A
Figure 8.46
Préparation de l'enfouissement de l'implant par une plaque
de derme pré-découpée type BRAXON®.
A. Implant posé sur la plaque de derme prédécoupée. B. Plaque
B repliée sur elle-même et suturée sur l'implant.

A B C
Figure 8.47
Reconstruction par prothèse prémusculaire. L'implant est totalement recouvert par la plaque de derme positionné sous la peau.
Dessins : Cyrille Martinet.

Conclusion L'expansion est systématique pour certains et à utiliser


dans des cas difficiles pour d'autres. Elle reste un outil sup-
La reconstruction par prothèse reste la plus utilisée, pour de plémentaire dans cet arsenal thérapeutique qu'il ne faudra
multiples raisons : elle est simple, facile et reproductible ; elle pas négliger. La technique est, dans beaucoup de cas, très
ne demande pas de cicatrice supplémentaire. Il existe tou- similaire.
tefois plusieurs points négatifs : cette intervention n'est pas Insistons sur l'information de la patiente afin
toujours réalisable en cas de paroi de mauvaise qualité (irra- qu'elle puisse choisir la technique opératoire en toute
diation, obésité…) ; la stabilité à long terme est inconstante, connaissance.
mais elle est beaucoup plus acceptable pour les patientes.
168
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B

C D
Figure 8.48
RMI bilatérale par prothèse sous cutanée.
A. Mastectomie gauche préopératoire. B. Postopératoire, prothèse positionnée en prépectoral et derme en excès désépidermisé et enfoui.
C. Mastectomie bilatérale préopératoire. D. Postopératoire, prothèses positionnées en prépectoral et derme en excès désépidermisé et enfoui.

À retenir symétrisé comme pour le sein reconstruit. Le sillon


sous-­mammaire sera également positionné plus haut

Dans le dessin : marquer le nombre de centimètres
que celui du sein reconstruit, pour les mêmes raisons.
nécessaires pour que la distance totale point sous-cla- ■
Le choix de l'implant : il doit être le plus proche en
viculaire à incision supérieure de mastectomie et inci-
termes de hauteur, largeur, projection et forme du
sion inférieure de mastectomie à sillon sous-­mammaire
sein opposé remodelé.
sur le sein reconstruit soit identique à celle sur le sein ■
Le néosillon sous-mammaire fabriqué par la fixation
opposé ; en général ces distances sont comprises entre
du LAA par de nombreux points doit être :
20 et 27 cm (fig. 8.24). – plus bas que le sein opposé ;

Le poids de la mastectomie (diminué du poids de la – très solide, surtout en interne, pour éviter le
réduction controlatérale ou augmenté de la taille de la
«lâchage» et la création d'une poche de lymphocèle ;
prothèse d'augmentation du sein opposé) aide à choisir – bien «dégraisser», pour améliorer la création, la
approximativement le volume de la prothèse de recons-
qualité et la solidité du néosillon sous-mammaire
truction (100 cm3 par 100 g de sein).
(il pourra éventuellement être liposucé au cours

Si le sein opposé est réduit, on positionnera le sillon sous-
du deuxième temps de reconstruction).
mammaire 2 à 4 cm plus haut que le sillon sous-mam- ■
Utilisation de plus en plus fréquente de matériaux pour
maire du sein reconstruit, car on prévoit la chute du sein
recouvrer la prothèse à sa partie inférieure : étui cutané
remodelé et la remontée du sein reconstruit d'autant plus
désépidermisé sur sein ptosé, plaque de synthèse ou bio-
importante que les séquelles cutanées de la radiothéra-
logique, voire positionnement sous cutané de l'implant.
pie sont importantes.
Des matériaux avec une bien meilleure compatibilité

S'il s'agit d'une prothèse d'augmentation, elle sera
sont en cours d'expérimentation et viendront bientôt
positionnée assez haute (au niveau du segment I),
prendre la place de ces plaques dans un futur proche.
afin de faire bomber la partie supérieure du sein
169
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

8.2. Reconstruction mammaire par expandeur


N. Leymarie, S. Struk, B. Sarfati, J.-F. Honart

Généralités sur les expandeurs donc de trouver l'équilibre entre volume idéal d'expansion,
tolérance cutanée et amincissement des tissus de couver-
L'expandeur mammaire est un dispositif médical implan- ture. Au terme des gonflages, l'expandeur est remplacé soit
table permettant de faire varier le volume du sein recons- par une prothèse définitive, soit par un lambeau.
truit. Il est constitué d'une enveloppe de silicone et d'une
valve permettant son expansion progressive par l'injection
de sérum physiologique. La valve peut être intégrée à la
face antérieure de l'expandeur et repérée en consultation Expandeurs en reconstruction
à l'aide d'un aimant (fig. 8.49). La valve peut également être mammaire immédiate
déportée et reliée à l'expandeur par l'intermédiaire d'une
tubulure (fig. 8.49). De forme ronde ou anatomique, les Principes de la reconstruction
expandeurs sont positionnés sous le muscle grand pectoral
de la même manière qu'une prothèse définitive. Dans de mammaire immédiate
rares indications, l'expandeur pourra être placé en sous- par expandeur
cutané. Le gonflage de l'expandeur est réalisé en consulta-
tion, à distance de l'intervention, et permet une expansion En reconstruction mammaire immédiate par expandeur,
de la loge prothétique en étirant le muscle grand pectoral le volume d'expansion initial joue un rôle important dans
et la peau en regard. L'expansion doit être progressive et les suites opératoires. Il doit être suffisant pour limiter l'es-
nécessite donc souvent plusieurs séances de gonflage. Le pace mort autour de l'expandeur et donc limiter le risque
nombre et la fréquence de ces séances sont fonction de de sérome. À l'inverse, si le volume d'expansion initial est
l'élasticité de la peau et de la tolérance de la patiente. Il est trop important, la tension exercée par l'expandeur sur le
impératif de réaliser une expansion progressive et indolore. muscle pectoral et surtout sur les lambeaux cutanés de la
Les séances de gonflage sont généralement espacées d'une mastectomie expose au risque de nécrose cutanée et de
à deux semaines (fig. 8.50). En cas de souffrance cutanée désunion de la cicatrice. Ainsi, le volume d'expansion initial
ou de douleurs, le gonflage doit être interrompu et par- doit être suffisant pour réduire les espaces de décollement
fois l'expandeur est partiellement dégonflé. Par principe, tout en permettant une fermeture de la loge et de la peau
l'expansion tissulaire amincit les tissus de couverture de sans aucune tension.
l'expandeur (muscle et peau), ce qui expose à des risques Qu'il s'agisse d'une prothèse définitive ou d'un expan-
de visibilité et d'exposition de la prothèse définitive. Il s'agit deur, la partie supérieure de l'implant est couverte par le
muscle grand pectoral. Cette loge rétropectorale de l'im-
plant permet d'interposer le muscle entre la cicatrice de
mastectomie et l'implant, limitant donc les risques d'expo-
sition et d'infection en cas de nécrose cutanée et de désu-
nion cicatricielle. Cette couverture musculaire de l'implant
permet également de limiter sa visibilité dans le décolleté.
Selon les équipes, la couverture de la partie inférieure et
latérale de l'expandeur peut être constituée soit du muscle
Figure 8.49 grand dentelé, soit du fascia du grand dentelé, soit d'une
Types d'expandeurs mammaires : à gauche, expandeur matrice biologique acellulaire ou de synthèse (résorbable
anatomique à valve intégrée, avec un aimant externe permettant
le repérage percutané de la valve ; à droite, expandeur ou non), soit en cas de réduction de l'étui cutané par les
anatomique à valve externe. lambeaux cutanés inférieurs désépidermisés :

170
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B C
Figure 8.50
Gonflages de l'expandeur mammaire à valve intégrée.
Dessins : Cyrille Martinet.

● la couverture inférolatérale de l'expandeur par le ● l'utilisation des lambeaux cutanés inférieurs désé-
muscle grand dentelé permet de créer une loge mus- pidermisés est rarement indiquée car cette technique
culaire complète mais de faible volume car le muscle est limitée aux cas de mastectomies avec réduction
est peu extensible. Le décollement du muscle grand de l'étui cutané. De plus cette technique est associée
dentelé est de plus potentiellement associé à une plus à un risque accru de complications car elle implique
grande morbidité et des douleurs postopératoires l'utilisation de lambeaux cutanés à la vascularisation
importantes ; potentiellement précaire car fragilisés par le geste de
● l'utilisation du fascia du muscle grand dentelé néces- mastectomie.
site la présence d'un fascia épais, suffisamment résistant Dans notre pratique, nous privilégions donc l'utilisation
et bien vascularisé. La qualité de ce fascia est cependant soit du fascia du grand dentelé, soit d'une matrice bio-
inconstante, en particulier en cas de d'antécédent de logique (derme acellulaire) ou d'une matrice de synthèse
radiothérapie ; résorbable.
● l'utilisation de matrices biologiques ou de synthèse
permet d'augmenter le volume de la loge de l'expan-
deur, donc le volume d'expansion initial de l'expandeur.
Ces matrices permettent principalement un support
Indications des expandeurs
mécanique du muscle grand pectoral en évitant sa en reconstruction mammaire
rétraction supérieure. De plus, elles assurent un sou- immédiate
tien de la prothèse pour diminuer la tension sur l'étui
cutané. L'intérêt à long terme de ces matrices est une Les trois principales indications des expandeurs en recons-
probable diminution du taux de contracture capsulaire, truction immédiate sont :
en particulier en cas de radiothérapie adjuvante. Mais la ● une taille de la loge prothétique insuffisante pour rece-
disponibilité et le coût de ces matrices limitent encore voir un implant définitif, en cas de loge rétropectorale et
leur diffusion ; sous-fasciale ;

171
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

● une indication de radiothérapie adjuvante, qui peut être traitée par capsulectomie avec un changement d'implant,
prévue avant la chirurgie ou probable ; par mise en place d'une matrice ou par changement de
● la nécessité d'associer un geste de réduction de l'étui technique pour un lambeau.
cutané à la mastectomie dans le cas des seins volumineux En cas de reconstruction autologue, la radiothérapie
et/ou présentant une ptose sévère. entraîne une augmentation globale du risque de cytos-
téatonécrose. L'utilisation de lambeaux fasciocutanés
Taille de loge prothétique insuffisante garantit une meilleure stabilité du volume de la recons-
truction que celle de lambeaux musculocutanés, car l'ab-
En reconstruction mammaire, les implants sont habi-
sence de muscle évite l'amyotrophie liée à l'irradiation. À
tuellement placés dans une loge rétropectorale et
noter qu'en cas de réaction sévère du lambeau dorsal à la
sous-fasciale. Cette couverture par le muscle grand
radiothérapie, la seule option de rattrapage est le recours
pectoral permet d'améliorer la couverture des implants
à un lambeau libre.
et de limiter leur visibilité dans le décolleté. Le muscle
Dans notre pratique, nous privilégions donc l'utilisation
grand pectoral permet également d'éviter une exposition
des expandeurs en reconstruction mammaire immédiate
secondaire de l'implant en cas désunion de la cicatrice de
si une radiothérapie adjuvante est prévue ou potentielle.
mastectomie.
L'expandeur est une solution d'attente qui permet la
La création d'une loge prothétique rétropectorale néces-
conservation de l'étui cutané du sein tout en conservant
site la section des insertions inférieures du muscle grand
toutes les options de reconstruction, prothétique ou
pectoral. Cette loge rétromusculaire est complétée latérale-
autologue. L'expandeur sera remplacé à distance de la
ment par le décollement du fascia du muscle grand dentelé
radiothérapie soit par un lambeau, soit par une prothèse
et en inférieur par le fascia sous-pectoral. L'implant est donc
définitive. Les patientes qui requièrent de la radiothérapie
positionné dans une loge rétropectorale et sous-fasciale. La
adjuvante peuvent ainsi bénéficier des avantages de la
préservation d'une continuité entre le muscle grand pec-
conservation de l'étui cutané en limitant les effets secon-
toral et les fascias du grand dentelé et sous-pectoral per-
daires de l'irradiation sur leur reconstruction définitive.
met d'isoler l'implant de la loge de mastectomie, éviter la
La chimiothérapie adjuvante n'est pas une contre-­
rétraction secondaire du muscle grand pectoral vers le haut
indication à la reconstruction mammaire immédiate par
et limiter la tension exercée par l'implant sur les lambeaux
expandeur. De nombreuses études ont montré que l'utili-
cutanés de mastectomie.
sation d'expandeurs ne retardait pas la mise en place de la
En cas de seins volumineux ou lorsque la qualité des fas-
chimiothérapie adjuvante et que la chimiothérapie adju-
cias ne permet pas la création d'une loge rétropectorale et
vante n'augmentait pas l'incidence des complications liées
sous-fasciale de taille suffisante pour recevoir un implant
à l'expandeur.
définitif, un expandeur sera mis en place. À distance, le
gonflage de l'expandeur permettra ainsi une expansion
progressive de la loge prothétique définitive et l'expandeur Seins volumineux et/ou présentant
sera remplacé lors d'un second temps opératoire par un une ptose sévère
implant définitif dans une loge prothétique de taille adap-
tée (cf. fig. 8.56). En cas de reconstruction mammaire immédiate chez des
patientes présentant des seins de volume important et/ou
Radiothérapie et chimiothérapie présentant une ptose sévère, une réduction de l'étui
cutané selon un patron de Wise (ou T inversé) peut
adjuvante être réalisée lors de la mastectomie. Cette technique de
La radiothérapie adjuvante est associée à une augmenta- réduction de l'étui cutané fragilise la vascularisation des
tion de l'incidence des complications après reconstruction lambeaux cutanés de mastectomie et expose au risque
immédiate, quelle que soit la technique, avec à long terme de nécrose cutanée. Dans ce cas, on privilégie la mise en
un impact sur le résultat esthétique et sur la satisfaction place d'un expandeur qui limitera la tension exercée sur
des patientes. les lambeaux cutanés. En cas de souffrance cutanée, l'ex-
En cas de reconstruction par prothèse, la radiothérapie pandeur pourra être dégonflé. Une fois la cicatrisation
entraîne en particulier un risque de coques périprothé- acquise, l'expansion de la loge prothétique pourra être
tiques Baker III et IV jusqu'à environ 40 %. L'apparition d'une réalisée sans risque, éventuellement jusqu'à des volumes
coque n'est pas une complication irréversible, elle peut être importants.

172
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Technique chirurgicale Choix de l'expandeur


des expandeurs en reconstruction Les expandeurs anatomiques sont généralement privilégiés
mammaire immédiate aux expandeurs ronds car ils permettent une expansion
prédominant dans le segment III du sein à reconstruire.
Loge prothétique rétropectorale, Comme toute reconstruction prothétique, le choix de
sous-fasciale (vidéo e8.6) l'expandeur dépend des mesures de la base mammaire, de
la hauteur et de la projection du sein.
Dans cette technique, l'expandeur est couvert à son pôle
supérieur par le muscle grand pectoral et à son pôle infé-
rieur et en latéral, par le fascia du muscle grand dentelé. Couverture cutanée
La dissection du muscle grand pectoral s'effectue Indication à une correction d'un déficit cutané
de latéral en médial à l'aide du bistouri électrique en
effectuant l'hémostase pas à pas des perforantes inter- En cas de mastectomie sans conservation de la plaque
costales, tout en préservant le muscle petit pectoral aréolo-mamelonnaire, l'exérèse de l'aréole entraîne un défi-
sous-jacent. La dissection s'arrête en médial un peu cit cutané de 4 à 5 cm (diamètre de l'aréole). Si l'objectif de
avant le sternum en préservant les attaches sternales la reconstruction est de restaurer à l'identique l'aspect du
du muscle grand pectoral. La dissection supérieure du sein, de volume et degré de ptose identiques, il est néces-
muscle pectoral ne doit pas dépasser la hauteur théo- saire de corriger ce manque de peau dès le premier temps
rique de l'expandeur pour éviter un déplacement secon- de la reconstruction (fig. 8.51).
daire de l'expandeur vers le haut. Les attaches inférieures La correction de ce déficit cutané ne doit pas être réalisée
du muscle grand pectoral sont sectionnées par sa face par l'expansion des lambeaux cutanés de la mastectomie
postérieure de façon à le décoller de la paroi thoracique, avec l'expandeur. Les lambeaux cutanés de la mastectomie,
tout en conservant la continuité de ses fibres inférieures généralement fins et fragiles, seront amincis par le proces-
avec le fascia sous-pectoral. sus d'expansion et ne permettront donc pas à terme une
La dissection du fascia du grand dentelé est réalisée en couverture cutanée de l'implant de bonne qualité.
inférieur jusqu'au sillon sous-mammaire. Latéralement, le Cette correction du déficit cutané devra donc être réali-
fascia du grand dentelé est décollé à la demande afin de sée par l'utilisation d'un lambeau d'avancement abdominal
créer une loge de taille adaptée au volume de l'expandeur. (LAA) (fig. 8.51). Le pôle inférieur de l'implant sera ainsi
Cette dissection du fascia doit être soigneuse afin de ne pas recouvert d'une peau abdominale épaisse et de bien meil-
le fragiliser et de préserver sa vascularisation. leure qualité que la peau fragilisée des lambeaux de mastec-
L'expandeur est ensuite positionné dans la loge qui est refer- tomie. La correction du déficit cutané par le LAA permet
mée sans tension en suturant le bord inférieur du muscle grand de restaurer une loge cutanée qui pourra être suturée sans
pectoral au bord libre du fascia. Le volume initial de l'expandeur tension et limitant donc le risque de nécrose cutanée.
dépend de la taille de la loge rétropectorale et sous-fasciale qui Le LAA est dessiné sous la forme d'une parabole située
a été disséquée. Si besoin le volume de l'expandeur sera ajusté 4 à 5 cm maximum sous le sillon sous-mammaire. Cette
pour permettre une fermeture sans tension de la loge. ligne va correspondre au niveau d'incision du fascia superfi-
cialis qui va recréer un néosillon sous-mammaire. Ce néosil-
lon sera refixé à la hauteur du sillon sous-mammaire original
Loge prothétique avec matrice biologique en suturant le bord inférieur de fascia superficialis à la paroi
thoracique. Cette refixation du sillon est idéalement réali-
acellulaire ou de synthèse (vidéo e8.7) sée par un surjet résorbable selon la technique dite du
Lorsque le fascia du muscle grand dentelé n'est pas de «hamac» (vidéo e8.8). La limite inférieure du décollement
bonne qualité ou de taille insuffisante, la couverture du cutané abdominal est ensuite tracée 4 à 5 cm plus bas que
pôle inféro-externe de l'expandeur pourra être réalisée par le niveau d'incision du fascia superficialis. Le décollement
l'utilisation d'une matrice biologique acellulaire ou par une abdominal doit être suffisant pour que l'ascension du LAA
matrice de synthèse. La matrice est généralement fixée en région thoracique soit réalisée sans aucune tension et
d'abord au plan costal, à hauteur du sillon sous-mammaire, éviter ainsi à la fois les risques de douleurs et de nécrose
puis l'expandeur est mis en place et la matrice fixée au bord cutanée et également un affaissement secondaire du néo-
inféro-externe du muscle grand pectoral. sillon (fig. 8.52).

173
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 8.51
Ascension du lambeau d'avancement abdominal (flèches jaunes) pour corriger le déficit cutané lié à l'exérèse de la plaque aréolo-
mamelonnaire (pointillés bleu).
Loge rétropectoral (rouge). Zone de dissection du fascia sous-pectoral et du muscle grand dentelé (vert). Continuité de la dissection en arrière
du fascia et en région abdominale dans un plan préaponévrotique (flèches blanches).
Dessins : Cyrille Martinet.

Figure 8.52
Dessins du lambeau d'avancement abdominal en reconstruction immédiate.
Le niveau d'incision du fascia superficialis (pointillés jaunes) est tracé sous le sillon sous-mammaire à une distance qui correspond au manque
de peau à corriger (d). La limite inférieure du décollement cutané abdominal est ensuite tracée à une distance au moins égale au manque de
peau à corriger (d) afin que l'ascension du LAA en région thoracique soit réalisée sans tension. (d) ne doit pas dépasser 4 à 5 cm.
Dessins : Cyrille Martinet.

174
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

En cas de loge prothétique rétromusculaire et sous-­fasciale, sous-pectoral et du muscle dentelé et donc d'augmenter
la dissection des fascias sous-pectoral et du muscle dentelé artificiellement la taille de la loge prothétique rétromuscu-
devra préserver leur continuité en distal avec le sillon sous- laire et sous-fasciale (fig. 8.53). Si le volume de la loge recréée
mammaire. La dissection du LAA dans le plan situé en avant ne suffit pas à la mise en place d'un implant définitif ou si
de l'aponévrose des grands droits sera donc réalisée dans le une radiothérapie adjuvante est prévue, il sera nécessaire
même plan que la dissection des fascias sous-­pectoral et du d'utiliser un expandeur. Dans le cas où la loge prothétique
muscle dentelé. Ces fascias restent donc attachés au lam- est de taille insuffisante pour recevoir un implant défini-
beau cutané inférieur au niveau du sillon sous-­mammaire. tif, le gonflage secondaire de l'expandeur va expandre à la
La fixation du LAA permettra ainsi d'ascensionner les fascias fois la loge prothétique et l'enveloppe cutanée (fig. 8.54).

A B
Figure 8.53
Résultat après reconstruction immédiate par expandeur et lambeau d'avancement abdominal.
A et B. Loge rétropectorale (rouge). Couverture inférieure par le fascia sous-pectoral et du muscle grand dentelé (vert). Lambeau d'avancement
abdominal (jaune). Ancien sillon sous-mammaire (pointillés blancs). Nouveau sillon sous-mammaire (pointillés jaunes). Cicatrice de
mastectomie (pointillés bleus). Lambeaux cutanés et de mastectomie (bleu).
Dessins : Cyrille Martinet.

A B
Figure 8.54
Résultat après reconstruction immédiate par expandeur sans lambeau d'avancement abdominal.
A et B. Loge rétropectorale (rouge). Couverture inférieure par le fascia sous-pectoral et du muscle grand dentelé ou par une matrice (vert).
Ancien sillon sous-mammaire (pointillés blancs). Cicatrice de mastectomie (pointillés bleus). Lambeaux cutanés et de mastectomie (bleu).
Dessins : Cyrille Martinet.

175
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 8.55
Reconstruction immédiate par expandeur avec lambeau
d'avancement abdominal, loge rétropectorale et sous-fasciale.
A. Préopératoire. B. Résultat à six mois de la fin de la radiothérapie
adjuvante. C. Résultat à un an après changement de l'expandeur et
C mise en place de prothèse définitive.

Mais l'épaisseur et la bonne qualité de la peau abdominale loge prothétique et la réalisation d'un LAA n'est pas
apportée par le LAA vont garantir une bonne expansion du nécessaire :
pôle inférieur du sein avec à terme une bien meilleure cou- ● mastectomie sans conservation de la PAM avec une ptose
verture de l'implant qu'en cas d'expansion des lambeaux de mammaire modérée (fig. 8.56) : l'exérèse de la PAM et une
mastectomie (fig. 8.55). fermeture cutanée en suture directe permettent de corriger
En cas d'utilisation de matrice biologique acellulaire ou la ptose ;
de synthèse, le LAA est réalisé sans décollement des fascias ● mastectomies avec conservation de la PAM (fig. 8.57) :
sous-pectoral et du muscle dentelé. Et la matrice est fixée l'ensemble de l'étui cutané du sein est conservé ;
à la paroi thoracique et au muscle pectoral après la réalisa- ● mastectomies avec réduction de l'étui cutané (fig. 8.58) : la
tion du LAA. réduction de l'étui cutané est réalisée par une désépidermi-
sation cutanée des quadrants inférieurs selon un patron de
Pas d'indication à corriger un déficit cutané
Wise, après la réalisation d'une mastectomie par voie péri-
Dans certains cas, l'utilisation des lambeaux cutanés aréolaire et la mise ne place de l'expandeur dans la loge
de la mastectomie suffit à la couverture cutanée de la prothétique (vidéo e8.9).

176
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B

Figure 8.56
Reconstruction immédiate par expandeur sans lambeau
d'avancement abdominal, loge rétropectoral et sous-fasciale.
A. Préopératoire. B. Résultat à trois semaines de la semaine
fin de la radiothérapie adjuvante. C. Résultat à six mois de la
C radiothérapie adjuvante.

A B

Figure 8.57
Reconstruction immédiate bilatérale prophylactique
par expandeur.
A. Préopératoire, loge prépectorale et sous-fasciale. B. Résultat
à trois mois après gonflage des expandeurs. C. Résultat à six mois
C du changement des expandeurs pour des prothèses définitives.

177
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 8.58
Reconstruction immédiate bilatérale par expandeur avec
réduction de l'étui cutané, loge prépectorale et sous-fasciale.
A. Préopératoire. B. Résultat à quatre mois après gonflage des
expandeurs. C. Résultat à dix mois du changement des expandeurs
C pour des prothèses définitives.

Déroulement de l'expansion Expandeurs en reconstruction


et remplacement de l'expandeur mammaire secondaire
Le gonflage de l'expandeur débute généralement trois à
quatre semaines après l'intervention, une fois la cicatrisation Indication des expandeurs en
acquise, afin de limiter les risques de désunion cicatricielle. reconstruction mammaire secondaire
L'injection de sérum doit être réalisée dans des conditions
d'asepsie rigoureuses, en piquant directement dans la valve. En cas de reconstruction mammaire secondaire par prothèse,
Cette valve est repérée soit avec un aimant pour les expan- le recrutement de la peau abdominale par un lambeau d'avan-
deurs à valve intégrée, soit à la palpation pour les expan- cement permet de corriger, au moins partiellement, le manque
deurs avec une valve sous-cutanée à distance. de peau de la région thoracique. Ce lambeau d'avancement
En cas de radiothérapie adjuvante, l'expandeur pourra être abdominal (LAA) permet de recruter 4 à 5 centimètres de
partiellement dégonflé avant le scanner de repérage et l'étude peau abdominale. Cette peau est généralement de meilleure
de dosimétrie. L'expandeur sera ensuite progressivement regon- qualité que la peau thoracique car plus épaisse et située hors
flé trois à six semaines après la fin de la radiothérapie, après cica- du champ de la radiothérapie antérieure. La couverture de la
trisation des lésions de radio-épithélite et avant la constitution partie inférieure de l'implant est ainsi optimale.
des lésions de fibrose post-radiques. Le remplacement de l'ex- Le lipofilling de préparation de la paroi est fréquem-
pandeur soit par une prothèse définitive, soit par un lambeau ment réalisé avant une reconstruction par expandeur
est réalisé six à huit mois après la fin de la radiothérapie. ou prothèse pour améliorer l'épaisseur et la trophicité
Il est important de travailler en accord avec l'équipe de des lambeaux cutanés. Dans ces cas, l'injection de graisse
radiothérapie pour définir quel est le volume idéal de l'expan- sera réalisée ­également sous le niveau du sillon sous-­
deur pendant l'irradiation. On rappelle que l'IRM est contre- mammaire théorique dans la zone correspondant au
indiquée en cas d'expandeur à valve métallique intégrée. futur LAA (cf. fig. 8.61).

178
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Figure 8.59
Reconstruction secondaire par expandeur avec lambeau d'avancement abdominal : optimisation de la couverture de l'implant par une
peau abdominale épaisse et non irradiée.
Dessins : Cyrille Martinet.

Lorsque le manque de peau excède les 4 à 5 centimètres controlatéral. Il correspond à la différence entre la
de peau apportés par le LAA, on associe le lambeau d'avan- distance, sur l'axe du sein, séparant la clavicule du
cement à un expandeur. Le résultat final de l'expansion milieu du sillon sous-mammaire au niveau du sein
cutanée est conditionné par la qualité des tissus de cou- controlatéral et cette distance mesurée au niveau du
verture de l'expandeur avant son gonflage. L'expansion de sein à reconstruire (d). Cette distance d correspond à
la peau abdominale apportée par le LAA, plus épaisse que la hauteur idéale de peau à apporter en région thora-
la peau thoracique et non irradiée, permet d'optimiser la cique pour reconstruire un volume équivalent au sein
qualité de la reconstruction prothétique (fig. 8.59). controlatéral (fig. 8.61).
Si l'expandeur est utilisé sans LAA, les gonflages vont Si cette distance n'excède pas 4 à 5 cm, alors le LAA
expandre une peau fine, peu élastique et souvent irradiée suffira à combler le manque de peau du sein à recons-
avec pour conséquences un potentiel d'expansion limité truire et une prothèse définitive pourra être mise en
(et donc un volume final trop petit), une couverture par place. Mais si cette distance excède 4 à 5 cm, la tension
une peau de mauvaise qualité, des risques de complica- cutanée abdominale limitera l'avancement du LAA et
tions cicatricielles et des irrégularités de contours liées à un l'incongruence importante entre la longueur de l'incision
implant trop visible (fig. 8.60). Nous recommandons donc du fascia ­superficialis (L) et la longueur du sillon sous-
la réalisation d'un LAA lors du premier temps d'une recons- mammaire à reconstruire (l) rendra difficile la redéfini-
truction mammaire secondaire par expandeur. tion du sillon (fig. 8.61) et pourra entraîner l'apparition
d'un excès cutané latéral important. Lorsque le manque
de peau excède 4 à 5 cm, le LAA devra donc être associé
Dessins préopératoires et choix à un expandeur.
de l'expandeur en reconstruction Le LAA est dessiné sous la forme d'une parabole située
4 à 5 cm sous le sillon sous-mammaire théorique. Cette ligne
mammaire secondaire correspond au niveau d'incision du fascia superficialis qui
En prenant comme modèle le sein controlatéral, l'axe va être ascensionné à la hauteur du sillon sous-mammaire
médian du sein à reconstruire ainsi que les sillons sus- et théorique afin de recréer un néosillon. La limite inférieure
sous-mammaire théoriques. du décollement cutané abdominal est ensuite au moins
Le manque de peau thoracique au niveau du sein 4 à 5 cm plus bas que le niveau d'incision du fascia super-
à reconstruire doit être mesuré par rapport au sein ficialis. Ce décollement abdominal doit être suffisant pour
179
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 8.60
Reconstruction secondaire par expandeur sans lambeau d'avancement abdominal : amincissement des tissus de couverture avec visibilité
de l'implant et risque d'exposition secondaire.
Dessins : Cyrille Martinet.

A B
Figure 8.61
Dessins préopératoires en reconstruction mammaire secondaire.
A. Si le déficit cutané entre le sein à reconstruire et le sein controlatéral (d) > 4–5 cm, indication à la mise en place d'un expandeur. Sillon sous-
mammaire théorique (l) et niveau d'incision du fascia superficialis (L). B. En cas de premier temps de préparation de la paroi thoracique par
lipofilling (jaune) comprend le lambeau d'avancement abdominal.
Dessins : Cyrille Martinet.

permettre une ascension du LAA en région thoracique sans Technique chirurgicale


aucune tension, pour éviter les risques de nécrose cutanée
et d'affaissement secondaire du néosillon. La cicatrice de mastectomie est excisée et le lambeau
On mesure enfin la base mammaire, la hauteur et la cutané supérieur est décollé jusqu'au sillon sus-mammaire
projection du sein controlatéral pour choisir l'expandeur théorique. Ce décollement doit être réalisé dans un plan
anatomique qui sera mis en place. plus superficiel que la fibrose cicatricielle, de façon à ­laisser

180
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

les adhérences cicatricielles en profondeur et bénéficier grand pectoral est fixé au lambeau cutané inférieur. Le
d'un lambeau cutané souple. De la même manière, le lam- volume de l'expandeur est ajusté pour permettre une
beau cutané inférieur est décollé jusqu'au futur sillon sous- fermeture sans tension.
mammaire. Le muscle grand pectoral est désinséré par son
bord inféro-externe jusqu'à ses insertions sternales qui sont Déroulement de l'expansion
respectées. Le muscle petit pectoral est préservé.
On réalise ensuite le lambeau d'avancement abdominal
et remplacement de l'expandeur
en poursuivant la dissection cutanée en région abdominale Comme pour la reconstruction immédiate, l'expansion
dans un plan préaponévrotique, en avant de la gaine des est débutée 3 à 4 semaines après l'intervention. Un gon-
grands droits. Le décollement est mené jusqu'à au moins le flage progressif de l'expandeur, en plusieurs séances de
double de la hauteur d'incision du fascia superficialis pour gonflage espacées de 1 à 2 semaines, va permettre une
permettre un avancement du lambeau sans tension. Le fas- loge de taille adaptée pour recevoir l'implant définitif.
cia superficialis est alors incisé. Le néosillon sous-mammaire L'expandeur est souvent légèrement surgonflé par rap-
est alors reconstruit en fixant la berge inférieure du fascia port au volume du sein controlatéral. Cet excès cutané
à la hauteur théorique du sillon par un surjet et/ou des permet lors de la mise en place de l'implant définitif de
points séparés. recréer un aspect de ptose plus naturel. Le changement
L'expandeur est ensuite partiellement gonflé au de l'expandeur pour la prothèse définitive est réalisé
sérum physiologique et positionné dans la loge rétro- 3 mois après le premier temps de la reconstruction.
pectorale. Contrairement à la reconstruction immé- La mise en place de la prothèse définitive est le plus
diate, la couverture inférieure et latérale de l'expandeur souvent associée à des gestes de capsulectomie et à un
par un fascia n'est pas réalisée en reconstruction mam- lipofilling pour améliorer le résultat de la reconstruction
maire secondaire. Le bord inféro-externe du muscle (fig. 8.62 et 8.63).

A B

Figure 8.62
Reconstruction secondaire par expandeur
et lambeau d'avancement abdominal.
A. Préopératoire. B. Résultat à quatre mois après gonflage
de l'expandeur. C. Résultat à deux mois du changement
C de l'expandeur pour une prothèse définitive.

181
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 8.63
Reconstruction secondaire par expandeur et lambeau
d'avancement abdominal.
A. Préopératoire. B. Résultat à trois mois après gonflage de
l'expandeur. C. Résultat à un an du changement de l'expandeur pour
C une prothèse définitive.

Conclusion la conservation de l'étui cutané sans pour autant subir les


effets secondaires de l'irradiation sur leur reconstruction
Les expandeurs occupent une place importante aussi bien définitive. À distance de la radiothérapie, l'expandeur est
en reconstruction mammaire immédiate que secondaire. remplacé par un lambeau ou par une prothèse définitive.
En dehors de l'indication classique des reconstructions En cas de reconstruction mammaire secondaire, les expan-
immédiates au cours desquelles la taille de la loge rétro- deurs sont systématiquement utilisés en association avec
pectorale est insuffisante pour recevoir un implant définitif, un lambeau d'avancement abdominal. L'expansion de la
les expandeurs sont à privilégier en cas de radiothérapie peau abdominale, épaisse et située hors des champs d'irra-
adjuvante prévue ou potentielle. L'utilisation d'un expan- diation, est de bien meilleure qualité que la peau thoracique
deur permet aux patientes de bénéficier des avantages de et permet d'optimiser le résultat final de la reconstruction.

182
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

8.3. Mastectomie avec conservation de l'aréole robot-


assistée et reconstruction mammaire immédiate par prothèse
B. Sarfati, S. Struk

La chirurgie robot-assistée connaît un essor considé- disponibles sur le robot Xi® sont utilisés pour réaliser cette
rable dans de nombreuses spécialités depuis la fin des intervention. Les instruments utilisés au cours de l'inter-
années 1990, et notamment en urologie, avec des bénéfices vention sont la pince bipolaire et les ciseaux monopo-
qui restent cependant à démontrer [1]. laires. L'optique utilisée est incurvée à 30°. Les instruments
La mastectomie conservatrice de l'aréole est maintenant peuvent être déplacés suivant sept degrés de libertés et
la technique de référence en chirurgie prophylactique [2]. amplifient les mouvements du poignet et de la main du
Aux États-Unis, elle est réalisée en cas de cancer dans des chirurgien, permettant une mobilité bien plus importante
indications ciblées [3]. En France, ses indications en cas de qu'en cœlioscopie traditionnelle.
cancer sont en cours d'étude. Les indications de mastec- Il est important de préciser qu'à ce jour, le robot da Vinci®
tomie avec conservation d'aréole sont en augmentation Xi® ne possède pas de marquage CE ou FDA pour la chirurgie
régulière ces dernières années. sénologique, il est donc interdit à ce jour de l'utiliser en chirur-
La mastectomie conservatrice de l'aréole avec reconstruc- gie mammaire en dehors d'un protocole de recherche clinique.
tion mammaire immédiate par prothèse donne d'excellents
résultats avec un taux de complications relativement faible [4].
En chirurgie conventionnelle, l'incision est variable : sous- Sélection des patientes
mammaire, hémi-péri-aréolaire inférieure avec ou sans refend
externe ou radiaire externe, dans tous les cas elle est réalisée sur L'intervention est réalisable pour toutes les patientes
le sein. Cette incision de l'étui mammaire interrompt la vascu- ayant une indication de mastectomie conservatrice
larisation des lambeaux cutanés, ce qui peut être à l'origine de de l'aréole (en chirurgie prophylactique et en chirurgie
nécrose de l'étui cutanée ou de l'aréole. Quand on souhaite carcinologique), avec un bonnet inférieur ou égal à C et
diminuer la taille de l'incision pour des raisons esthétiques, l'ex- présentant au maximum une ptose modérée (stades I
position peut être difficile et entraîner des exérèses de glande et II de la classification de Regnault). En cas de ptose
incomplètes ou des nécroses cutanées suite à une mise en ten- mammaire sévère, l'assistance du robot n'a plus aucune
sion trop brutale et prolongée avec des écarteurs. indication car l'étui cutané doit être réduit (cicatrice en
L'assistance du robot pallie ces difficultés en permettant T inversé). La nécessité d'associer un geste ganglionnaire
la réalisation de la mastectomie et la reconstruction mam- n'est pas une contre-indication car il peut être réalisé par
maire immédiate par implant par voie endoscopique, à la même cicatrice.
travers une cicatrice courte et discrète située dans la région
thoracique latérale, sous le bras.
Dessins préopératoires
Le robot da Vinci Xi®
On commence par dessiner l'empreinte du soutien-gorge
Le système da Vinci® est commercialisé par la société de la patiente pour pouvoir cacher la cicatrice de la voie
Intuitive Surgical® (États-Unis). La dernière version du robot d'abord sous la brassière. On dessine ensuite la base du sein
est la version Xi®. Il s'agit d'un télémanipulateur couplé à sur le thorax pour déterminer les limites de la mastecto-
un dispositif endoscopique. Le système se compose d'une mie. La voie d'abord associe une cicatrice supérieure de 3 à
console de commande à distance du patient (dans la salle 4 cm et une cicatrice inférieure centimétrique utilisée pour
d'opération) et qui comprend un dispositif de vision sté- insérer le troisième trocart et pour extérioriser le drain. Ces
réoscopique offrant au chirurgien une vue en trois dimen- deux cicatrices sont situées sur le même axe dans la région
sions en haute définition et des interfaces de commande thoracique latérale, en arrière du pilier axillaire antérieur.
(joysticks), d'une interface motorisée positionnée près du Ces cicatrices doivent être cachées par le bras de la patiente
patient et contrôlant directement les «bras» porte-ins- lorsque celle-ci est de profil avec le bras le long du corps
truments et les instruments. Seuls trois des quatre bras (fig. 8.64 et 8.65).
183
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Technique chirurgicale
L'intervention débute en décubitus dorsal avec le bras
Ligne axillaire antérieure en abduction à 90° sur un appui-bras. Le premier temps
Brassières chirurgical est un temps de chirurgie ouverte. On com-
Incisions
mence par infiltrer le sein dans le plan des crêtes de Duret
au sérum physiologique adrénaliné (1 mg/L) pour limiter
les saignements peropératoires et effectuer une hydrodis-
section. On réalise ensuite une partie du clivage cutanéo-
glandulaire à l'aide de ciseaux longs dans le plan des crêtes
de Duret. L'objectif est de créer un espace de décollement
entre la glande et la peau qui sera nécessaire à l'insufflation
Figure 8.64 de CO2. La voie d'abord est refermée sur deux trocarts qui
La voie d'abord associe une cicatrice supérieure de 3 à 4 cm et une vont recevoir pour l'un l'optique du robot et pour l'autre
cicatrice inférieure centimétrique situées dans la région thoracique les ciseaux monopolaires. On place enfin le troisième tro-
latérale, en arrière du pilier axillaire antérieur, bras levé. cart qui recevra la pince bipolaire (fig. 8.66). Le bras de la
patiente est ensuite placé au-dessus de sa tête (l'épaule
fléchie à 90° et le coude fléchi à 90°).
Le robot est ensuite arrimé (docking, fig. 8.67).
Le temps robotique débute par l'insufflation de CO2
(8 mmHg, 10 L/min) qui permet de créer un espace de
travail entre la glande et la peau (fig. 8.68). On complète
le clivage cutanéoglandulaire dans le plan des crêtes
de Duret (fig. 8.69). En interne, la dissection est prudente
pour contrôler les perforantes des vaisseaux mammaires
internes et aller jusqu'au muscle grand pectoral. La
glande est ensuite décollée du muscle grand pectoral en
réalisant l'hémostase pas à pas (fig. 8.70). La glande est
donc complétement libérée des plans superficiels (peau)
et profonds (muscle pectoral.) Dans certains cas, la loge
Figure 8.65 rétropectorale, quand elle est nécessaire, est aussi réalisée
La voie d'abord associe une cicatrice supérieure de 3 à 4 cm par voie endoscopique au robot.
et une cicatrice inférieure centimétrique situées dans la région
thoracique latérale, en arrière du pilier axillaire antérieur.
Bras baissé la cicatrice est complètement cachée.

Figure 8.67
Figure 8.66 Le bras de la patiente est placé au-dessus de sa tête et le robot est
Mise en place des trocarts. arrimé.

184
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Le robot est ensuite désarrimé (dedocking). L'incision


supérieure est rouverte pour retirer la glande.
Un Redon est mis en place dans la loge de mastec-
tomie et est extériorisé par l'incision inférieure. La pro-
thèse définitive est mise en place dans la plupart des
cas en prépectoral. Des points de capiton au Vicryl®
referment la loge en externe afin d'éviter la luxation de
la prothèse.

Avantages de la chirurgie robotique


Figure 8.68 L'avantage majeur de cette technique est esthétique, elle ne
Insufflation de CO2 dans le sein pour créer un espace de travail laisse aucune cicatrice sur le sein, la cicatrice finale mesure
entre la glande et la peau. entre 3 et 4 cm, et est située sous le bras et à distance de la
poitrine. La satisfaction des patientes est très importante et
une étude de qualité de vie est en cours.
De plus, toute incision sur le sein interrompt la vascu-
larisation des lambeaux cutanés de mastectomie, ce qui
augmente le risque de nécrose cutanée ou de l'aréole
et donc d'exposition de l'implant. Dans le cas des voies
d'abord hémi-péri-aréolaire inférieure ou radiaire externe,
la rétraction cutanée qui accompagne la cicatrisation peut
également être responsable de déformation ou de dystopie
de l'aréole [5]. Nous espérons montrer que cette technique
diminue les risques de nécrose cutanée, de nécrose de
l'aréole, de déformation et dystopie de l'aréole par rapport à
la chirurgie conventionnelle.
La cicatrice latérothoracique n'est pas sous tension et le
risque de désunion est moindre que lorsque la cicatrice est
Figure 8.69 placée sur le sein, en regard de l'implant. Par ailleurs, en cas
Décollement de la glande dans le plan des crêtes de Duret à l'aide de désunion, la cicatrice n'étant pas en regard de l'implant,
du robot. le risque d'exposition de la prothèse est inexistant.
La principale difficulté technique de la mastectomie
conservatrice de l'aréole en chirurgie conventionnelle est
l'exposition car la voie d'abord est limitée. En chirurgie
conventionnelle, la voie d'abord et sa longueur sont choi-
sies en fonction de la présence ou non d'une cicatrice sur le
sein, du volume du sein et de son degré de ptose. Le choix
de la voie d'abord est donc fondamental car des difficultés
d'exposition peuvent conduire à des fautes techniques :
exérèse incomplète de la glande, exérèse trop proche du
derme avec un risque de nécrose cutanée postopératoire et
d'exposition secondaire de l'implant. L'assistance du robot
permet de pallier les difficultés d'exposition de la technique
classique. La vision stéréoscopique offre une vue en trois
dimensions permettant d'apprécier les reliefs et les volumes,
les instruments bénéficient de sept degrés de liberté et per-
Figure 8.70 mettent d'amplifier les mouvements du poignet et de la
La glande est décollée du muscle grand pectoral à l'aide du robot. main dans toutes les directions de l'espace.
185
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Limites de la chirurgie robotique La reconstruction mammaire immédiate peut


être prothétique ou autologue. Un lambeau muscu-
Une analyse médico-économique est en cours pour éva- laire pur de grand dorsal peut être prélevé à l'aide du
luer le surcoût de la chirurgie robotique par rapport à la robot [6]. Le volume du lambeau peut être accru par
chirurgie conventionnelle dans cette indication. Outre le un lipofilling du muscle dans le même temps opéra-
coût du système da Vinci® Xi®, il faut prendre en compte toire. Enfin, on peut imaginer à l'avenir la possibilité
le coût des consommables, la maintenance du robot, la for- d'une ­reconstruction autologue par lambeau libre avec
mation préalable du chirurgien et de son équipe, la durée une cicatrice l­atérothoracique plus longue permettant
d'intervention prolongée. Nous espérons montrer que ce le passage du lambeau et un branchement axillaire à
surcoût peut être contrebalancé dans une certaine mesure ciel ouvert.
par une durée d'hospitalisation plus courte et des compli-
cations moins fréquentes.
La durée d'intervention est prolongée. Dans notre expé- Résultats
rience, le temps total d'intervention pour un sein (mastec-
tomie conservatrice de l'aréole et reconstruction mammaire Les résultats sont illustrés par les photographies préopéra-
immédiate par implant) est actuellement de 90 minutes. toires et postopératoires des figures 8.71 à 8.74.

A B

Figure 8.71
Reconstruction mammaire bilatérale par prothèse sous robot.
C A à C. Photos en préopératoire.

186
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B

Figure 8.72
Reconstruction mammaire bilatérale par prothèse sous robot.
C A à C. Photos à 3 mois après l'intervention.

A B

Figure 8.73
Reconstruction mammaire bilatérale par prothèse sous robot.
C A à C. Photos en préopératoire.
187
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 8.74
Reconstruction mammaire bilatérale par prothèse sous robot.
C A à C. Photos à 3 mois après l'intervention.

Références Reconstruction Outcomes, and 5-Year Trends. Plast Reconstr Surg


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188
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

8.4. Matrices biologiques acellulaires


en reconstruction mammaire
M. Atlan
La reconstruction mammaire basée sur les implants reste chacun puis frottée entre les doigts afin d'éliminer les conser-
le moyen de reconstruction le plus répandu en reconstruc- vateurs responsables du red breast syndrome (fig. 8.75). Les
tion mammaire [1]. matrices lyophilisées comme la Meso BioMatrix® doivent être
Les reconstructions peuvent se faire directement («Direct réhydratées au moins 10 minutes (sérum physiologique).
to Implant») ou en deux temps («Two-stage») en passant par Le bord supérieur de la matrice est fixé par un surjet (PDS®)
une étape d'expansion cutanée, remplacée par une prothèse en qui est ensuite retourné et l'implant mis en place (fig. 8.76).
silicone définitive. Classiquement, l'implant est placé en position La tension sur le pectoral est réglée et la matrice est fixée
rétromusculaire ce qui nécessite des décollements musculaires au sillon sous-mammaire et au sillon latéral du sein afin
(grand pectoral, dentelé antérieur, petit pectoral) et fasciaux. d'empêcher une migration secondaire de la prothèse dans
Malgré les évolutions des implants, ces reconstructions le segment IV ou vers l'aisselle, sans traction excessive afin
pâtissent de plusieurs défauts : de respecter la forme du sein et la ptose. La loge définie
● la nécessité d'une couverture musculaire avec des décol- par la matrice évite les complications secondaires de type
lements musculaires extensifs (petit pectoral, dentelé anté- migration d'implant dans le segment IV ou latéralement.
rieur, fascia au-dessus du muscle droit de l'abdomen…)
car le muscle grand pectoral est souvent trop court pour
couvrir entièrement l'implant ;
● l'animation (déformation du sein) lors de la contraction
du muscle grand pectoral ;
● une souplesse limitée ;
● une position trop haute de l'implant liée à la contrainte
musculaire ;
● des coques périprothétiques ; Figure 8.75
● les ruptures et rotation/malposition de l'implant ; Aspect trouble du liquide de rinçage après lavage d'une plaque de
● une visibilité importante de l'implant (vagues) ; Strattice®.
● le remplacement de l'implant et le vieillissement non
naturel du sein reconstruit obligeant à des chirurgies de
symétrisation controlatérale.
Pour répondre à certains de ces défauts, l'évolution se
fait vers une couverture musculaire partielle, avec l'utilisa-
tion d'une matrice biologique acellulaire qui permet de ne
pas utiliser d'autres muscles, de réaliser une loge et un sillon
sous-mammaire plus précisément, tout en étant recoloni-
sée par les tissus de la patiente (pas de matériel exogène).

Mise en place d'une matrice


Le grand pectoral est abordé en inférolatéral et désinséré sur
toute sa longueur jusqu'aux attaches sternales. Contrairement
aux reconstructions mammaires sans matrice, il n'est pas
nécessaire de décoller le muscle dentelé antérieur ou le fascia
au-dessus du muscle droit de l'abdomen.
La préparation de la matrice est importante. Elle est rincée Figure 8.76
(sérum physiologique) dans trois bains successifs de 2 minutes Fixation de la matrice au muscle grand pectoral (Strattice®).

189
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

L'AlloDerm® fut la première utilisée en reconstruction mam-


maire immédiate avec conservation de l'étui cutané et/ou – trois d'origine bovine : SurgiMend® (derme fœtal
de la plaque aréolo-mamelonnaire. Issue de cadavre humain bovin), Tutomesh®, Tutopatch® (péricarde bovin).
(AlloDerm®), elle a été très vite utilisée en reconstruction abdo- ■
Trois membranes conditionnées sans conservateurs :
minale (éventration) et en reconstruction mammaire [1]. Cellis®, Meso BioMatrix®, SurgiMend®).
Ce produit [2–5] (LifeCell) fut la première matrice uti-

Réticulation : cinq membranes non réticulées :
Strattice®, XenMatrix®, Meso BioMatrix®, Fortiva®),
lisée aux États-Unis, où les reconstructions assistées par
deux membranes réticulées : Cellis®, Permacol®,
matrices représentent près de la moitié des reconstructions (SurgiMend® : non précisé).
prothétiques [1, 6], et sont en augmentation exponentielle. ■
Hydratation : quatre membranes conservées en milieu
Les pays européens suivent dans une moindre mesure la humide (Permacol®, Strattice®, XenMatrix®, Fortiva®).
même évolution (Italie, Allemagne, Autriche…) avec un AlloDerm®, Strattice® puis SurgiMend® sont les matrices
remboursement dans certains pays du dispositif médical qui présentent le plus grand nombre de publications.
dans le contexte de la reconstruction mammaire, comme Meso BioMatrix® est en cours d'évaluation dans le cadre
par exemple par le National Health Service au Royaume-Uni. d'une étude multicentrique.
En France, l'évolution se fait lentement notamment en La plupart des matrices utilisables en France ont l'avan-
raison de la vigilance de l'ANSM et du non-remboursement tage de ne pas être d'origine humaine et de ne pas
présenter de polarité, c'est-à-dire qu'au contraire de
des matrices par l'Assurance maladie.
­l'AlloDerm®, les deux faces de la matrice peuvent être
Autant pour l'AlloDerm® les données sont claires : diminu- mises en contact avec la prothèse (tableau 8.1).
tion des coques en reconstruction, autant pour le Strattice®, les
données le sont moins en raison d'un recul moins important.
Nous excluons de ce chapitre les matériaux synthétiques
Les matrices visent à «guider» et accélérer la régénéra-
tels que les «Mesh», Tigr®, Tiloop®, Galaflex®, treillis de Vicryl®.
tion tissulaire en reproduisant un réseau fibrillaire en trois
Les matrices acellulaires sont d'origine :
dimensions, permettant une colonisation par les cellules
● dermique ;
de l'hôte et la fabrication d'un néotissu. Les matrices ou
● péritonéale ;
matrices acellulaires d'origine biologique sont des disposi-
● péricardique.
tifs médicaux implantables de type 3.
Les matrices acellulaires dermiques proviennent de la
Leur indication dans l'autorisation de mise sur le marché
peau d'origine animale, le plus souvent le porc ou le fœtus
est très large : «la régénération de tissus mous et conjonc-
de bovin. Il s'agit de tissus biologiques riches en fibres de
tifs pour la reconstruction, la restauration du contour et la
collagène, qui ont une faible antigénicité grâce à différents
régénération de tissus mous et conjonctifs, en particulier
moyens physiques (radiation) et chimiques, permettant
après une perte de tissus ; le soutien de tissus en cas de
leur intégration dans les tissus receveurs par colonisation
perte de stabilité».
cellulaire et leur stabilité dans le temps.
Cette matrice doit s'intégrer aux tissus sous-cutanés
et au muscle grand pectoral et cette intégration dépend
Principales matrices biologiques autant de la matrice que de sa finesse (fig. 8.77a à c) [7].

Matrices en reconstruction mammaire :
– Cellis® (breast) ;
– Strattice Pliable® ;
– Artia® (LifeCell) ;
Intérêts des matrices biologiques
– Meso BioMatrix® (DSM) ;
– SurgiMend® PRS (Integra). Les intérêts théoriques sont un meilleur résultat cosmé-
tique à long terme, avec moins de réinterventions, une

Trois membranes indiquées à la fois en chirurgie
digestive et en reconstruction mammaire : Fortiva®, diminution du taux de coques en reconstruction ou en
Tutomesh®, Tutopatch® mais peu utilisées. esthétique, une palpabilité de l'implant diminuée, une
Principales différences entre les dispositifs
meilleure souplesse de la reconstruction, et moins de

Selon l'origine animale : délabrements musculaires pour obtenir une couverture
– six d'origine porcine : Cellis®, Permacol®, Strattice®, complète de l'implant.
XenMatrix®, Fortiva® (derme porcin) et Meso Toutefois, il y a peu de travaux comparant la qualité de
BioMatrix® (péritoine porcin) ; vie et le résultat cosmétique, en fonction de l'utilisation
d'une matrice en reconstruction mammaire.
190
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

A B C
Figure 8.77
Intégration des matrices aux plans superficiels.
A. Intégration de Strattice®. B. Intégration de Meso BioMatrix®. C. Intégration de matrice.

Tableau 8.1. Avantages par type de matrice.


Membrane Avantages revendiqués par les sociétés
Cellis® – 100 % biologique : aucun agent conservateur
– Souplesse
– Formes adaptées
– Facile d'utilisation
– Hydratation rapide
– Inerte, non immunogène et biocompatible, peut être utilisée pour des patients présentant
un risque septique
Meso BioMatrix® – Intégration cellulaire en 4 à 6 semaines (modèle animal)
– Traitement Optrix® : désinfection, inactivation des virus, décellularisation, préservation des composants
extracellulaires. Intégration rapide et limitation de l'inflammation. Conservation des facteurs de
croissance natifs et des glycosaminoglycanes. Élimine l'ADN et les antigènes
– Adaptée à la reconstruction mammaire : résistance naturelle, longévité, élasticité, souplesse, porosité
(infiltration cellulaire et à la néovascularisation) : adaptée à la reconstruction mammaire
– Sans conservateur. Hydratation rapide
Permacol® – Réticulations naturelles présentes dans le collagène natif : stabilisation de la structure
protéique, résistance mécanique. Réticulation avec le diisocyanate d'hexaméthylène : stabilisation
protéique et résistance à la dégradation par l'activité enzymatique de la collagénase in vivo
– Pas d'altération du collagène par la réticulation
À 3 ans : durabilité dans les indications complexes, résistance, amélioration de la qualité de vie, intégration
complète dans le tissu hôte
Strattice® – Perforée : libre circulation des fluides, facile d'utilisation (pas de sens), les perforations facilitent
l'infiltration tissulaire (démontré dans un modèle primate, corrélation chez l'homme non établie), résistance
similaire aux autres références, bord non perforé permettant de découper la matrice sans affecter le
motif des perforations
– Strattice Artia® : souplesse accrue vs autres références Strattice®, procédé amélioré pour l'acellularisation
SurgiMend® – Derme fœtal bovin : source riche en collagène de type III (permet la guérison et la régénération tissulaire
tout en inhibant la formation de tissu cicatriciel)
– Constituée de collagène pur
– Sans conservateurs
– Dénuée de polluants ainsi que de protéines dénaturées
– Stérilisée en phase terminale, non traité avec des antibiotiques antigéniques
Perforée : drainage de liquide
– Forme semi-ovale ou rectangulaire

191
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Les utilisateurs réguliers mettent en avant les qualités sui-


vantes pour les matrices mais elles n'ont pour l'instant été Avantages des matrices biologiques acellulaires
étayées par aucune étude : (en fonction du niveau de preuve)
● un bon contrôle du sillon sous-mammaire, et de la loge ■
Diminution des coques +++++.
périprothétique permettant d'éviter la luxation externe de ■
Souplesse de la reconstruction.
la prothèse ; ■
Bon contrôle de la loge périprothétique et du sillon
● la souplesse de la reconstruction ; sous-mammaire +.
● la facilité d'injection de graisse. ■
Elles permettent une expansion plus rapide et plus
Les matrices, ont un temps laissé penser qu'une importante et moins de douleurs +.
reconstruction en un temps dans le cadre de mastec-
tomie conservatrice de la peau ou du mamelon, avec
matrice, était équivalente du point de vue esthétique aux Complications
reconstructions en deux temps, mais c'est sans compter
les complications liées à l'utilisation de ces matrices. De Les complications rencontrées lors de l'utilisation des
plus, en elle-même, la reconstruction immédiate par matrices sont celles liées à la mastectomie.
implant définitif sans l'assistance de matrice en un temps D'autres complications sont considérées comme plus
est grevée de plus de complications que la reconstruc- spécifiques des reconstructions avec matrice : les séromes,
tion en deux temps. Fisher et al. retrouvent après analyse et le red breast syndrome (fig. 8.78).
des données de 14 585 patientes, un taux global de com- Une étude reprenant 19 100 patientes, opérées pour
plications de 9 % pour les reconstructions en un temps reconstruction mammaire aux États-Unis, entre 2005 et
[8]. Les reconstructions en un temps avaient un taux de 2006, n'a pas montré de différence significative du taux
révision de 21 %, et l'accent est mis sur la sélection des de complications global entre les reconstructions avec et
patientes [9]. sans matrice. Le taux global de complications est variable
La sélection des indications est primordiale (tableau 8.2) en fonction de la taille des séries, de l'expérience des opé-
tout comme l'expérience des opérateurs, qui doivent rateurs, et du type de matrice. Dans cette étude, le risque
avoir réalisé leur courbe d'apprentissage [10]. L'argument principal est le maintien d'une intoxication tabagique, ou
d'une expansion plus importante des reconstructions en un traitement antérieur par corticoïdes.
deux temps assistées par des matrices de type biologique Hunsicker [16] évalue le taux global de complications à
a été mis en avant par certains auteurs [11, 12] avec une 8,9 %. Il s'agit essentiellement dans cette étude de nécrose
diminution des douleurs musculaires voire même une
­ cutanée, infection, sérome et hématome.
diminution du nombre de séances d'injection [13] mais L'un des rares essais cliniques randomisé montre un taux
des publications aux résultats contradictoires [13–15] sont de complications plus élevé (odds ratio : 3,81) mais aussi
tout aussi convaincantes. de réinterventions (odds ratio : 3,38) et de retraits d'im-

Tableau 8.2. «Guideline» d'utilisation des matrices biologiques acellulaires selon les facteurs de risque.
Vert Orange Rouge
Autorisé Contre-indication relative Contre-indication
→ Opérateur expérimenté
→ Prudence
Pas de comorbidités Comorbidités Radiodermite
Petit volume mammaire Antécédent de radiothérapie Cancer du sein inflammatoire
Pas de ptose Tabagisme actif Antécédent d'infection chronique
Pas d'antécédent de radiothérapie IMC ≥ 30 Tabagisme actif
Non fumeuse Malformation thoracique Infection active
IMC < 30 Ptose > grade II Faible vascularisation des lambeaux cutanés
Pas de malformation thoracique Réduction de l'étui cutané («oméga») (clinique/vert d'indocyanine)
Bonne vitalité des lambeaux cutanés volume à reconstruire > 400 cm3 Gros bonnets : D/E
en peropératoire Bonne vitalité des lambeaux cutanés Ptose importante
Réduction de l'étui cutané (patron de «Wise»)

192
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Figure 8.78
Aspect typique de Red breast syndrome gauche.

plants pour les reconstructions mammaires en un temps


avec matrice de type Strattice® en comparaison avec une
reconstruction en deux temps rétromusculaire avec :
● un taux de nécroses cutanées de 12 % versus 1 % ;
● un taux d'infection de 8 %. Figure 8.79
Cependant la revue de la littérature et trois méta-analyses Drainage obligatoire par deux drains de Redon
contrebalancent cette absence de différence et montrent une (un en avant et un en arrière du muscle).
Dessins : Cyrille Martinet.
augmentation faible du taux global de complications 15,4 % ver-
sus 14 % ; avec même un extrême à 46 % pour la série de Lanier.
Il est intéressant de noter que les publications les plus drains se fait si le drainage est inférieur à 20 cm3, sans hésiter
anciennes rapportent des taux de complications plus éle- à maintenir celui-ci une quinzaine de jours.
vés que les séries les plus récentes, probablement en raison Le drainage est obligatoire et nécessite classiquement
d'une meilleure compréhension de la prise en main de ce deux drains (fig. 8.79), un devant et un derrière le muscle.
matériel et de la gestion des complications. Certaines matrices «perforées» comme le SurgiMend® per-
Enfin, même si des complications apparaissent elles ne mettraient moins de séromes et un seul drain.
conduisent pas nécessairement à un échec de la recons- Le taux de nécroses cutanées est variable (8,3 %) :
truction [17]. AlloDerm® 0–23,4 % [18, 25], FlexHD® 6,6–9,0 %, Strattice®
Le taux de séromes est très variable selon les études 1,4–2,9 %, SurgiMend® PRS 5,7 %. Il dépend aussi du type
(extrêmes 1,5 à 29 %) [18] et les pratiques. Les matrices (mastectomie conservant la plaque aréolo-mamelonnaire,
biologiques d'origine animale de type Strattice® sont moins mastectomie conservatrice de l'étui cutané) et de la qualité
pourvoyeuses de séromes que l'AlloDerm® [4]. Une étude de la mastectomie mais également du volume et du type de
prospective sur 281 patientes [19] en comparant la matrice reconstruction (en un temps ou en deux temps).
SurgiMend® et la matrice AlloDerm® montre un taux signifi- Il faut aussi rappeler le taux de nécroses cutanées des
cativement plus élevé de séromes (30 %) pour le SurgiMend® mastectomies avec reconstruction immédiate est de 14 %
mais d'autres travaux montre un taux de séromes plus com- [26], avec comme facteur de risque :
parable aux autres matrices [18, 20–22]. Dans tous les cas le ● les mastectomies avec conservation de plaque
taux de séromes est plus élevé que dans les reconstructions aréolo-mamelonnaire ;
sans matrice [11, 23] et il est aussi plus important en cas ● les volumes importants à reconstruire ;
d'irradiation (traitement conservateur) [24]. ● un indice de masse corporelle élevé ;
Si un sérome est détecté, il faut sous contrôle radiolo- ● une dissection au bistouri électrique ;
gique ou chirurgical le drainer ou l'aspirer. Le retrait des ● un tabagisme actif.
193
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Deux méta-analyse récentes [25, 27] se contredisent cutané et empêcher son intégration. Les séromes font partie des
sur la relation entre l'utilisation de matrices et le risque de complications, qui diminuent avec la courbe d'apprentissage.
nécrose cutanée.
Il est possible d'utiliser l'imagerie par fluorescence émise Coques
par le vert d'indocyanine au contact du plasma (injection IV)
C'est l'un des principaux arguments pour l'utilisation de
pour évaluer la viabilité des lambeaux de mastectomie et
matrices biologiques en reconstruction du sein avec une
guider le chirurgien dans sa décision. Ainsi, au moindre
diminution de la formation de capsule en présence [31,
doute sur la survie de la plaque aréolo-mamelonnaire,
32] de matrices acellulaires avec moins de myofibroblastes
­celle-ci pourrait être réséquée ou si la viabilité est hasar-
et d'éléments vasculaires qu'en l'absence de matrice.
deuse, un expandeur [28] pourrait être plus indiqué.
Vardanian et al. [33] montrent un taux significativement
Le taux d'infections est là encore très variable, en fonc-
plus faible de coques avec 2 ans 1/2 de recul minimal,3,8 %
tion des études. Nahabedian rapporte des taux de 5 % [29]
avec les matrices contre 19,8 % sans matrice.
sur 476 seins reconstruits, avec un effet aggravant en cas
Salzberg, sur 1 584 patientes (Strattice®, AlloDerm®) met en
de radiothérapie. Farhadi [10] avec le Strattice® montre un
avant un risque de coques de 0,8 % toutes reconstructions pro-
taux plus élevé, de 11,5 % mais un taux de nécroses de 3,5 %.
thétiques confondues, et de 1,9 % pour les seins irradiés. Hille
À l'extrême, Hille Betz pour le Strattice® montre un taux
Betz retrouve la même tendance avec un taux global de coques
d'infections de 0,6 % alors que Sbitany dans une revue de la
de 0,6 %. Sur 682 seins [34], en comparant les reconstructions
littérature montre un taux d'infection des matrices (3,4 %)
en deux temps sans matrice et en un temps avec matrice, il
semblable aux reconstructions sans matrice.
a montré l'absence de différence significative pour le taux de
Red breast syndrome coques (4,5 % versus 3,2 %). Même en situation prépectorale les
taux de coques restent acceptables avec les matrices [35, 36].
C'est l'apparition d'un érythème intense du sein reconstruit,
apyrétique sans signes infectieux clinicobiologiques se mani-
festant dans les 10 à 15 jours après la pose d'une matrice. Les Échecs de reconstruction
atteintes unilatérales sont plus fréquentes (cf. fig. 8.78). La
Ils sont liés aux complications citées ci-dessus, et mènent à la
difficulté est de différencier ces épisodes d'un phénomène
perte de l'implant lors de l'utilisation de matrices. Ces échecs
infectieux, il n'y a classiquement pas d'hyperleucocytose mar-
sont sans surprise plus fréquents en cas d'irradiation préalable
quée et la CRP n'est pas élevée, bien qu'elle puisse l'être si la
et de tabagisme [17] mais aussi selon l'indice de masse corpo-
chirurgie est récente. Il n'a jamais été constaté de phénomènes
relle : chaque point augmente le risque d'explantation en cas de
comparables en reconstruction abdominale supposant une
reconstruction avec matrice. Dans une étude originale (Hirsch
spécificité du tissu mammaire l'expliquant.
[28]), un indice de masse corporelle supérieur à 30 est le princi-
L'épisode est spontanément résolutif avec retour à l'état
pal risque d'échec de reconstruction lors de la phase d'expansion
antérieur sans séquelles mais certains rapportent, une inci-
alors que c'est l'irradiation qui est associée au risque d'échec de
dence de séromes plus importante jusqu'à 30 % [19, 30].
reconstruction après la pose de l'implant définitif. Les facteurs
Les raisons là encore sont discutées : réaction d'hyper-
de risque d'échec de ces reconstructions rapportés sont le taba-
sensibilité non spécifique, conservateurs, anomalies du
gisme, l'âge et l'irradiation postopératoire. Il faut rappeler que
réseau lymphatique, réponse histaminique, réponse vasodi-
pour les reconstructions en un temps, le tabagisme actif, l'âge de
latatrice liée à la revascularisation dans la matrice.
plus de 55 ans, l'obésité, la reconstruction bilatérale sont des fac-
C'est une complication spécifique des matrices, qui
teurs de risque même en dehors de l'utilisation de matrices [8].
diminue avec la courbe d'apprentissage notamment avec
Cette revue de la littérature, montre bien que ces dispositifs
le rinçage abondant de la matrice avant implantation.
n'ont pas été évalués dans le cadre d'essais cliniques rando-
misés, et qu'il est très difficile de pouvoir discriminer un choix
Séromes de matrice tant les données sont différentes entre les équipes
Ils sont une complication sérieuse des matrices, avec des taux même pour une matrice identique. De plus, il existe peu de
variables et moins importants que sans l'utilisation de matrice données quant aux avantages (au contraire des publications
[18] ; de 1,8 à 29,9 % pour les reconstructions assistées par concernant les complications) de la reconstruction mammaire
matrice contre 1,6 à 15,7 % sans. Le respect d'un drainage long, assistée par matrice en comparaison avec une prothèse seule car
avec moins de 20 cm3 par côté, dans les drains permettra d'éviter la souplesse, le résultat esthétique [33], le meilleur contrôle de la
ces complications, qui peuvent disséquer la matrice du plan sous- loge prothétique sont des critères pour le moment non évalués.
194
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

L'expérience que nous en avons est basée sur 102 implan- bablement d'origine iatrogène après évacuation d'un
tations, dont 52 Strattice®, et 32 Meso BioMatrix®. La courbe sérome) (fig. 8.80). Ces quatre déposes d'implants corres-
d'apprentissage est réelle pour utiliser ces matrices et elle a pondent à nos 18 premières patientes. En effet, la majorité
été mise en avant par de nombreux auteurs et nécessite un de nos complications (tous grades de sévérité confondus)
accompagnement. La sélection des patientes est primordiale concernait les dix-huit premières patientes opérées. Les
pour éviter les complications qui peuvent être redoutables. dix-sept patientes suivantes (sur un total de 35) n'ont
La récente interdiction du Strattice® en juin 2015 par l'Agence présenté que des complications mineures (séromes ou
nationale de sécurité du médicament (levée en juin 2016) pour petites désunions) grâce à une limitation des indications.
des raisons de sécurité est une exception dans les pays occiden- Nous avons constaté cinq cas de red breast syndrome
taux et elle est probablement liée à une absence de formation à (cf. fig. 8.78). Notre prise en charge pour les trois premiers cas
l'utilisation de matrices, qui reste une chirurgie de niveau expert. a consisté en l'administration systématique d'une antibiothé-
rapie IV devant toute réaction inflammatoire diffuse du sein
par peur de méconnaître une infection sous-jacente. Certains
Notre expérience à l'hôpital Tenon auteurs recommandent plutôt l'administration d'une cortico-
thérapie systémique pour traiter ce phénomène d'hypersensibi-
Dans la série de l'hôpital Tenon, sur 52 implantations lité (attitude non suivie pour nos patientes). Pour les deux autres
(35 patientes traitées), l'amélioration de la satisfaction des patientes nous avons pu identifier le red breast syndrome et
patientes appréciées par le Breast-Q montre une améliora- temporiser. Aucun de ces cas n'a amené à une dépose d'implant.
tion nette avec dans 22 cas une augmentation du volume
mammaire avec un taux de coques faible (2 %) et un recul Satisfaction des patientes/analyse
de 18 mois. Les taux de complications spécifiques sont cor- du questionnaire Breast-Q
rélés à la courbe d'apprentissage et sont compatibles avec
les données de la littérature internationale (tableau 8.3). Le taux de réponses au questionnaire Breast-Q a été de
Les indications doivent être clairement posées, et nous 67 %.
avons retrouvé que les complications sévères étaient corrélées
à un indice de masse corporelle élevé (> 30 kg/m2), aux anté-
cédent d'irradiation, aux volume et ptose mammaires impor-
tants rejoignant les conclusions d'autres auteurs [10, 37]. La
courbe d'apprentissage n'est pas un prétexte à des résultats
de mauvaise qualité, mais est une réalité clinique, sur les pre-
mières implantations, notre taux de complications était élevé
et le management des complications spécifiques comme les
séromes, le red breast syndrome étaient en acquisition.
En revanche, après une dizaine de cas, le taux de com-
plications a chuté. Colwell et al. [38] rapportent un taux de
complications de 21,4 % la première année d'utilisation de
matrices contre 10 % après.
Les échecs (déposes de prothèse) concernaient nos
premières utilisations de Strattice® : trois nécroses cuta-
nées dont une surinfectée et une infection de loge (pro-

Tableau 8.3. Analyse statistique de facteurs de risque


d'échec sur la série de l'hôpital Tenon.
OR (IC à 95 %) P
Âge 0,843 (0,706–1,006) 0,0178
IMC 1,408 (0,989–2,003) 0,0234
Cancer invasif 0 (0–Inf) 0,0484 Figure 8.80
Radiothérapie 23,725 (0,723–778,164) 0,0326 Nécrose aréolaire totale, après mastectomie, conservation
de la PAM et matrice.
195
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Notre analyse a montré une amélioration du bien-être Le deuxième temps consistait en un lambeau d'avancée
global significativement corrélée à l'augmentation du abdominale, expandeur et matrice ; le troisième temps cor-
volume mammaire comparé au volume mammaire initial respondait à la mise en place de l'implant définitif (fig. 8.81
avant mastectomie (tableau 8.4). et 8.82). Nous avons grâce à cette attitude diminué l'uti-
lisation de la reconstruction par grand dorsal que nous
réservons aux situations d'échec de reconstruction ou en
Échec de la reconstruction cas de critères de mauvais résultats de lambeaux libres ou
L'échec de la reconstruction est dû à des facteurs variables de reconstructions par prothèses.
qui sont retranscrits dans le tableau 8.5. La matrice Meso BioMatrix® semble être un concept
innovant car à base de péritoine porcin et nous sommes
actuellement dans le cadre d'une étude multicentrique sur
3 ans, avec un résultat partiel (décembre 2016) sur 44 poses :
Résultats en reconstruction secondaire ● 1 % d'explantation ;
Nous avons aussi traité dans cette série, neuf patientes en ● 8,6 % de séromes ;
situation de reconstruction mammaire secondaire irradiées ● 6 % de red breast syndrome ;
en passant par un premier temps de lipofilling dans une ● 1 échec de reconstruction ;
zone dépassant la mastectomie. ● 11 % d'infections.

Tableau 8.4. Satisfaction des patientes.


Préopératoire moyenne Postopératoire moyenne p
(déviation standard) (déviation standard)
«Satisfaction seins» 60 (17,9) 75 (12,9) < 0,001
«Bien-être psychosocial» 46 (21,7) 69 (12,6) 0,0001
«Bien-être sexuel» 44 (22,7) 67 (18,1) 0,005
«Bien-être physique : tronc» 69 (19,1) 73 (23) 0,5
«Bien-être physique : abdomen» 69 (25,8) 71 (25,8) 0,045
BREAST-Q à six mois de la fin de la reconstruction mammaire en situation de RMI (pour les patientes ayant un suivi supérieur à six mois).

Tableau 8.5. Caractéristiques des patientes ayant eu un échec de la reconstruction mammaire.


3 patientes/ Tabac Antécédent Latéralité IMC ASA Volume Ptose grade III
4 échecs de mastectomie/
radiothérapie bonnet
Échec 1 0 1 1/2 31,8 2 813 g, D +
Échec 2 0 0 2/2 20,2 1 245–255 g, B +
Échec 3 0 1 1/1 30,5 2 1 395 g, E +
ASA : American Society of Anesthesiologists.

196
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

Figure 8.81
Expandeur et matrice en reconstruction
mammaire secondaire.

A B

Figure 8.82
Utilisation d'une matrice et d'une prothèse
C D en RMS (vues de face et de profil).

197
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Résultats en reconstruction
immédiate
Des résultats de reconstruction immédiate sont présentés
sur les photographies des figures 8.83 à 8.85.

Figure 8.83
Reconstruction bilatérale mammaire immédiate par expandeur-matrice (Strattice®) à droite et prophylactique à gauche.
A. Préopératoire. B et C. Postopératoire.

A B C
Figure 8.84
Reconstruction mammaire prophylactique en deux temps, avec un temps de lipofilling.
A. Préopératoire. B. et C. Postopératoire, matrice.

198
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

B
Figure 8.85
Mammectomie bilatérale prophylactique par voie sous-mammaire, expandeur-matrice.
A. Préopératoire. B. Postopératoire. Situation prophylactique.

Évolution vers la reconstruction en faveur des reconstructions prépectorales assistées par


matrices avec des complications comparables par rapport
prépectorale aux reconstructions rétropectorales.
Enfin, les matrices permettent l'injection de plus de
Pour d'autres [35, 36] l'avantage serait de pouvoir expandre graisse dans les seins reconstruits que sans matrice ce qui
mieux la peau, notamment en terrain irradié, que l'ensemble fait des reconstructions plus naturelles avec des prothèses
peau-muscle comme dans les reconstructions classiques. plus petites et moins palpables.
Grâce à ces matrices, la position prépectorale des implants La matrice enveloppe totalement l'implant et est fixée
est rendue envisageable, en évitant d'utiliser le muscle des sur le plan prépectoral, le sillon sous-mammaire et latérale-
reconstructions classiques avec un taux de coques accep- ment (fig. 8.86), les drains sont positionnés : un en avant de
table (5–7 %) mais aussi en diminuant la visibilité des la matrice et un en arrière (fig. 8.87).
implants [36, 39, 40]. La viabilité tissulaire des lambeaux de La position prépectorale des implants aurait pour avan-
mastectomie est essentielle et l'apport de l'imagerie au vert tage d'éviter :
d'indocyanine est à considérer. Zhu et al. dans une revue ● l'animation (la déformation) du sein lors des contractions
systématique de la littérature [41], sur 158 expandeurs, du grand pectoral comme dans les reconstructions classiques ;
trouvent une différence significative pour la diminution de ● les douleurs liées au prélèvement du muscle.
la durée d'expansion et le volume injecté et les douleurs
199
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 8.86
La matrice enveloppe totalement l'implant et est fixée sur le plan
prépectoral, le sillon sous-mammaire et latéralement.

Résultats de reconstruction mammaire


immédiate avec implant prépectoral,
matrice et lipomaodelage
Ces résultats sont présentés figures 8.88a et b.
Figure 8.87
Drainage par deux drains en avant et en arrière de la matrice.
Dessins : Cyrille Martinet.
Conclusion
Les matrices biologiques acellulaires sont d'utilisation sans animation du grand pectoral, et composite avec la
de plus en plus répandue dans les pays occidentaux. graisse tout en diminuant le taux de coques qui est le
La France a pris un retard conséquent, en raison de principal avantage de ces dispositifs.
contraintes réglementaires fortes qui brident parfois Il faut reconnaître que toute publication sur le sujet
l'évaluation des innovations, et du surcoût que cela se termine systématiquement par la classique phrase de
représente. L'Assurance maladie s'appuie sur des faits fin : devant la pauvreté des données de la littérature, il
et des études médico-­ é conomiques qui manquent est recommandé de réaliser un essai clinique randomisé
cruellement. de bonne qualité comparant reconstruction mammaire
Mais lorsque des études rigoureuses auront fait l'arbi- immédiate prothétique avec et sans matrice. Évidemment
trage sur ce sujet, il faut que les chirurgiens français cet essai manque pour pouvoir comparer les matrices entre
puissent maîtriser l'utilisation de ces innovations qui elles.
semblent ouvrir la voie vers des reconstructions plus Nous ferons donc de même et nous encouragerons
esthétiques, en avant du muscle, moins douloureuses, toute étude dans ce sens.

200
8. La reconstruction mammaire par prothèse ou expandeur

B
Figure 8.88
Reconstruction mammaire par prothèse + matrice + lipomodelage sur sein tubéreux.
A. Préopératoire : mastectomie avec conservation de la plaque aréolo-mamelonnaire sur seins tubéreux. B. Aspect postopératoire après
reconstruction mammaire immédiate prépectorale, matrice et lipomodelage.

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202
Chapitre 9
Reconstruction par lambeau
de grand dorsal
B. Couturaud7, A. Mojallal, M. Veber

P L AN D U CHA PI T RE
9.1. Reconstruction mammaire Résultats 232
par lambeau de grand dorsal et prothèse 204
Conclusion 234
Examen clinique préopératoire 204
9.3. Reconstruction mammaire
Lambeau de grand dorsal et prothèse par lambeau dorsal épargnant le muscle
en reconstruction secondaire 204 grand dorsal (Muscle Sparing
Latissimus Dorsi, MSLD) 235
Grand dorsal-prothèse sans
cicatrice dorsale 215 Bases anatomiques et évolution
de la technique opératoire 235
Lambeau de grand dorsal et prothèse
en reconstruction immédiate 219 Études anatomiques 237
9.2. Reconstruction mammaire Dessins préopératoires 238
par lambeau de grand dorsal autologue 220
Technique opératoire 240
Examen clinique préopératoire 221
Cas cliniques 242
Lambeau de grand dorsal autologue
Discussion 250
en reconstruction secondaire 221
Conclusion 250
Lambeau de grand dorsal autologue
en reconstruction immédiate 228 9.4. Reconstruction du sein par lambeau
partiel du muscle grand dorsal – Technique
Grand dorsal de couverture 230
chirurgicale pas à pas 250
Complications 231
Technique chirurgicale pas à pas 250
Prise en charge des complications 232
Cas cliniques et résultats 260

7. Avec la participation pour l'édition précédente de E. Delay.

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Le lambeau de grand dorsal a été utilisé pour la première En effet, lorsque le volume du dos est insuffisant
fois en 1896 par l'italien Tansini pour la fermeture d'une pour une reconstruction autologue, avant il fallait
mammectomie. Ce n'est que dans les années 1970 que compléter par une prothèse, dorénavant un complé-
son usage en chirurgie est réapparu (Olivari, 1976) avec les ment par lipofilling permet d'obtenir la taille désirée
autres lambeaux musculocutanés. Lorsque la trophicité des sans implant.
tissus de la paroi thoracique ne permet pas une recons- À l'inverse même, maintenant les prélèvements de lam-
truction mammaire simple par prothèse, l'apport de tissu beaux dorsaux sont moins extensifs et donc moins trauma-
devient indispensable : le lambeau de grand dorsal est une tisants car le lipofilling secondaire permet de compléter la
des techniques de référence dans cette indication. Il peut reconstruction autologue.
être utilisé en couverture lors d'exérèse large impossible Dans ces indications les lambeaux partiels ou conservant
à fermer directement, en reconstruction immédiate ou le muscle (muscle sparing) prennent toute leur valeur, dans
secondaire, avec ou sans prothèse en fonction de la taille l'objectif d'être le plus conservateur et avoir le moins de
du sein à reconstruire et de l'étoffe cutanée et graisseuse séquelles dorsales possibles.
du dos. Enfin, même certaines indications de lambeau ont
L'arrivée du lipofilling a quelque peu changé la stratégie été supplantées par le lipofilling avant mise en place
d'utilisation du grand dorsal. d'implant.

9.1. Reconstruction mammaire par lambeau


de grand dorsal et prothèse
B. Couturaud

Examen clinique préopératoire Lambeau de grand dorsal


Cette technique n'est possible que si le muscle et le pédicule
et prothèse en reconstruction
du grand dorsal sont intègres. Il est important de vérifier l'ab- secondaire (vidéo e9.1)
sence de cicatrice ayant pu sectionner le muscle (thoracoto-
mie…) ainsi que la bonne contractilité du muscle dorsal. Un Dessins préopératoires
bon moyen clinique (en plus de la lecture du compte rendu
opératoire du curage) pour préjuger de l'intégrité du muscle est Le dessin de la palette cutanée s'effectue avant l'interven-
de palper en adduction contrariée la symétrie des reliefs mus- tion sur une patiente en position debout. Plusieurs tracés
culaires. Si un doute persiste, il est possible de demander un sont possibles en fonction des besoins tant au niveau
Doppler préopératoire (effectué par certaines équipes entraî- cutané que musculaire :
nées). Dans ce cas particulier, il est préconisé de débuter l'inter- ● tracé vertical avec une palette centrée sur le bord
vention par l'exploration du pédicule comme décrit plus loin. antérieur du muscle (fig. 9.1). L'avantage de cette tech-
On appréciera également la laxité cutanée dorsale pour nique est que le prélèvement peut se réaliser en décubi-
choisir le tracé de l'incision, horizontale ou oblique. Le plus tus dorsal avec un billot en paravertébral. L'inconvénient
esthétique est le tracé horizontal dans le bandeau du soutien- souvent décrit est que l'on majore l'oreille axillaire. Nous
gorge. Il est recommandé de tracer les incisions dorsales juste privilégions plutôt cette technique pour les lambeaux
après le retrait du soutien-gorge pour bien repérer son niveau. de couverture ne nécessitant pas une grosse palette
On évalue la taille et la forme de la prothèse à utiliser cutanée ;
(largeur de la base, de la hauteur et de la projection). ● tracé oblique en bas et en avant (fig. 9.2). C'est le dessin
Les photographies seront effectuées selon les cadrages qui permet en théorie de prélever la plus grande palette
et les incidences habituelles. autofermante cutanée dorsale. L'avantage est d'avoir le

204
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.1
Palette verticale.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 9.3
Palette horizontale.
Dessin : Cyrille Martinet.

● tracé horizontal dans le bandeau du soutien-gorge (d'où


l'importance de faire le dessin chez une patiente qui vient
de retirer son soutien-gorge) (fig. 9.3). L'avantage est esthé-
tique, pour masquer le plus possible la cicatrice ; l'inconvé-
nient est que la palette cutanée prélevée est souvent plus
petite.

Installation de la patiente
Figure 9.2 L'installation s'effectue soit en décubitus dorsal pour
Palette oblique. un dessin vertical avec le bras dans le champ, pour
Dessin : Cyrille Martinet.
favoriser la dissection proximale, et un billot paraverté-
bral, soit en décubitus latéral (fig. 9.4 à 9.7). Il faut être
maximum de tissu pour mieux galber le sein reconstruit. vigilant sur toutes les zones d'appui et les protéger au
L'inconvénient est la séquelle cicatricielle dorsale (cicatrice mieux (gel de silicone) avec la jambe déclive pliée et
très longue). Il faut que le tracé ne soit pas trop haut pour la jambe au-dessus tendue (attention au nerf sciatique
ménager un débord musculaire supérieur qui, une fois le poplité externe avec la tête du péroné). Un billot dans
lambeau translaté sur le thorax avec une rotation de 180°, l'aisselle déclive peut être nécessaire pour dégager les
permettra de tapisser la peau du sein jusqu'au sillon sous- vaisseaux et améliorer la ventilation pulmonaire. Le bras
mammaire (entre la berge inférieure de la palette et le sillon, repose sur un appui au zénith sans tension ni traction
zone où la prothèse est sous la peau «mammaire» donc pour éviter toute compression vasculaire ou nerveuse
fine, source de visibilité de la prothèse) ; (plexus brachial).

205
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.6
Installation pour réaliser l'intervention, vue en avant (decubitus
latéral gauche).
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 9.4
Décubitus latéral.
A. Vue antérieure. B. Vue postérieure.
Figure 9.7
Installation pour réaliser l'intervention, vue en arrière (decubitus
latéral gauche).
Dessin : Cyrille Martinet.

Déroulement de l'intervention
Incision au bistouri froid de toute
la palette cutanée (fig. 9.8 et 9.9)
Dans le cas particulier où il existerait un doute sur la per-
méabilité du pédicule thoracodorsal, l'incision reprendra
soit la cicatrice de l'aisselle, soit la cicatrice de mammec-
tomie pour explorer dans un premier temps le creux de
l'aisselle et apprécier l'état du pédicule. Nous évaluons en
préopératoire la trophicité du muscle dorsal par une palpa-
Figure 9.5 tion bilatérale du bord antérieur du muscle en adduction
Installation. contrariée.

206
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.8 Figure 9.10


Incision de la palette. Décollement supérieur.

Figure 9.11
Décollement inférieur.

En arrière, le décollement est complété en fonction des


Figure 9.9 besoins tant de l'exposition que de la fermeture dorsale. Ce
Cicatrice positionnée horizontale dans le soutien-gorge. temps opératoire est particulièrement facilité par l'emploi
Dessin : Cyrille Martinet.
d'une valve éclairante.
Premier temps Deuxième temps
Le premier temps consiste à décoller toute la peau dor- Le deuxième temps permet de décoller la peau en distalité,
sale proximale jusqu'au sommet de l'aisselle et du tendon en fonction des besoins musculaires et de la fermeture dor-
(fig. 9.10). Tant que la dissection reste à l'aplomb du muscle, il sale (fig. 9.11). Ce plan de dissection est prémusculaire au
n'y a aucun danger pour le pédicule ni les vaisseaux axillaires. ras du périmysium – contrairement au plan de dissection
du grand dorsal autologue (cf. infra). Certains préconisent
En revanche, en avant du muscle et surtout si la patiente de prendre le moins de muscle en distalité (servant à cou-
a eu un curage axillaire, il faudra être prudent car les rap- vrir la prothèse dans le segment II) pour limiter les séquelles
ports du pédicule thoracodorsal peuvent être modifiés. et la lymphocèle, sachant que ce matelassage pourra être
réalisé par un lipofilling secondairement.

207
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Ensuite, le décollement s'effectue vers l'avant sans vers le bas. On peut ainsi sectionner le muscle d'abord
faire communiquer le large décollement dorsal et celui à sa partie distale puis médiane en remontant. On
du sein, ce qui pourrait être source de déplacement prendra soin de faire des hémostases des grosses per-
secondaire de la prothèse dans le dos. Le bord anté- forantes rencontrées, surtout en arrière et à proximité
rieur du muscle dorsal est toujours plus antérieur que de la pointe de la scapula (fig. 9.13). En remontant en
le rebord palpé ; il est plus facile à individualiser vers le arrière, il faudra bien libérer les fibres musculaires du
haut, en se souvenant que ses fibres musculaires dor- trapèze : elles sont obliques en bas et en avant alors
sales sont verticales et plus rosées que celle de l'oblique que les fibres du dorsal sont transversales (fig. 9.14). S'il
et du dentelé. On décolle ainsi le muscle par sa face existe un doute, il est alors recommandé de repérer le
profonde (fig. 9.12), d'abord à la partie médiane, peu trapèze en haut et de descendre le long de sa pointe. En
vers le haut à ce moment – on repère juste la branche regard de la scapula, le bord inférieur du muscle dentelé
thoracique plaquée en profondeur sur le muscle den- antérieur est libre de toute insertion et il est possible de
telé antérieur – et on prolonge le décollement surtout passer sous ce dernier (fig. 9.15). Il est conseillé, en cas

Figure 9.12 Figure 9.14


Décollement face profonde. Trajet des fibres du trapèze.

Figure 9.13 Figure 9.15


Perforantes postérieures. Bord inférieur libre du muscle dentelé.

208
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B
Figure 9.16
Pédicule thoracodorsal à la face profonde du muscle.

A B
Figure 9.17
Section du muscle.
A. Avant. B. Après.

de doute, de repérer le bord du dentelé vers l'avant et musculaire s'effectue au niveau du tendon ; elle peut
de reprendre la dissection d'avant en arrière. Quand on être complète ou partielle en fonction des besoins de
arrive au bord supérieur du muscle dorsal après avoir mobilisation du lambeau (fig. 9.17).
sectionné ses insertions internes, la dissection devient La branche thoracique n'a pas besoin d'être liée
plus aisée car le bord supérieur du muscle est lui aussi dans cette indication – elle peut néanmoins l'être, ce
libre de toute insertion. Il existe parfois des adhérences qui augmente l'arc de transfert du lambeau (fig. 9.18 à
avec les fibres musculaires antérieures du grand rond, 9.20).
adhérences que l'on peut sectionner sans danger.
Enfin, on repère le pédicule thoracodorsal par sa face
profonde, soit en longeant la branche thoracique, soit
en l'abordant directement par le bord postérieur en En cas de section complète du tendon, il faut être vigi-
haut (fig. 9.16). Celui-ci est libéré et on repère son point lant à ne pas trop tirer sur le muscle pour ne pas créer de
d'entrée dans le muscle de façon à sectionner les inser- traction au niveau du pédicule.
tions proximales au-dessus de ce point. Cette section

209
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.20
Section presque complète du tendon sans léser le pédicule
du grand-dorsal.
Figure 9.18 Dessin : Cyrille Martinet.
Prélèvement du lambeau dermo-graisseux avec le muscle grand
dorsal sectionné en bas.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 9.19 Figure 9.21


Section partielle du tendon du muscle grand dorsal au-dessus Excision de la cicatrice de mastectomie.
de l'entrée du pédicule.
Dessin : Cyrille Martinet.

Troisième temps
est même conseillé de s'arrêter quelques centimètres plus
Le troisième temps consiste à exciser la cicatrice de mam- haut et d'ajuster la position du sillon en position demi-
mectomie (qui est adressée systématiquement pour exa- assise (cf. infra § Modelage). Puis on réalise la tunnellisation
men en anatomopathologie) (fig. 9.21), puis à redécoller en redécollant la peau de l'aisselle en restant toujours suf-
la peau mammaire, surtout vers le haut et un peu vers le fisamment proximal pour que le tunnel ne permette pas à
bas sans dépasser le niveau du sillon sous-mammaire – il la prothèse de se luxer dans le dos (fig. 9.22). Attention aux

210
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B
Figure 9.22
Préparation de la tunnellisation.

A B
Figure 9.23
Tunnellisation du lambeau.

vaisseaux axillaires vers le haut et au pédicule thoracodorsal Changement de position


en profondeur ; il peut être prudent de réaliser ce décol-
Le changement de position est réalisé selon les habitudes de
lement en suivant le trajet du pédicule. Le lambeau est
chacun et permet d'installer la patiente en position demi-
ensuite transféré sur le thorax avec une rotation de 180° de
assise, les bras en croix. Là aussi, il faut être vigilant sur tous
sa palette (fig. 9.23 et 9.24). Les berges cutanées sont fixées
les détails de la bonne installation (tête fixée dans l'axe sans
transitoirement par des agrafes ou des fils. La fermeture dor-
compression oculaire, les épaules au même niveau sans trac-
sale se fait après vérification de l'hémostase et de l'absence
tion ni point de compression, talons protégés, jambe légè-
de traction sur le pédicule, sur un ou plusieurs drains de
rement pliée pour éviter que la patiente ne glisse) (fig. 9.27).
Redon (fig. 9.25 et 9.26). Il est courant de capitonner toute
la surface de décollement par des points résorbables ou des
surjets de fils crantés en accrochant le fascia au muscle, en Modelage
plusieurs lignes jusqu'à la cicatrice. Le drainage s'effectue Le modelage s'effectue en position assise, les deux seins
par drain de Redon si on ne capitonne pas. dans le champ opératoire.

211
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 9.24
C Rotation à 180° du lambeau.

Figure 9.25
Fermeture dorsale. Figure 9.26
Lambeau en attente de modelage.

On libère le lambeau de sa fixation transitoire ; on ner le sillon sous-mammaire, soit en prolongeant tout
vérifie l'hémostase, la bonne vitalité du lambeau par simplement le décollement vers le bas en s'arrêtant au
son saignement et l'absence de contrainte dans la tun- niveau désiré, soit éventuellement en effectuant un
nellisation. Le premier temps va consister à position- large décollement ­inférieur pour réaliser un lambeau
212
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.27 Figure 9.29


Changement de position. Choix de la prothèse.

et donc du décolleté. Dans l'absolu, un lambeau idéal


est un lambeau qui permet une cicatrice inférieure juste
dans le sillon sous-mammaire, suffisamment de peau
pour reproduire la ptose souhaitée et une couverture
musculaire de toute la surface du sein et de la prothèse,
et un remplissage harmonieux du décolleté et du pro-
longement axillaire. Néanmoins, on préconise de ne pas
prélever un lambeau cutané trop mutilant au niveau du
dos et de prévoir dans un deuxième temps de réaliser
un lambeau d'avancement abdominal pour reposition-
ner la cicatrice, créer de la ptose, faire disparaître la
palette cutanée, et assurer le remplissage nécessaire par
un lipofilling.

Figure 9.28
Positionnement du lambeau.
Il est très important à ce moment de bien fixer le bord
supérieur du muscle – qui, après la rotation de 180°, est
devenu inférieur – dans le sillon. En effet, la peau mam-
maire à ce niveau est fine et l'absence de doublure à cet
d'avancement abdominal (LAA) avec fixation du sil- endroit peut rendre la prothèse très visible et, surtout,
lon (fig. 9.28). Le niveau du sillon sera soit au même la différence d'épaisseur avec la peau de la palette du
niveau que le sein controlatéral soit un peu plus bas, lambeau réaliser un aspect de «marche d'escalier» et de
considérant que la prothèse aura tendance à remonter protrusion du lambeau assez disgracieux.
légèrement.
Ensuite, on excise plus ou moins de peau thoracique
pour positionner la berge inférieure de la palette du
lambeau le plus proche possible du sillon. Pour cela, il Le choix de la prothèse sera fonction de la forme et du
faut avoir une palette cutanée suffisamment haute et volume désiré et du projet de symétrisation (fig. 9.29). Le
large. En effet, nous pensons qu'il vaut mieux une cica- muscle pectoral est décollé vers le haut, la prothèse est ainsi
trice inférieure un peu haute mais un galbe et un rem- glissée sous le muscle pectoral en haut et recouverte sur
plissage harmonieux, surtout de la partie haute du sein tout le reste de sa surface par le muscle dorsal (fig. 9.30).
213
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.30
Couverture musculaire de la prothèse. Figure 9.31
Étalement supérieur du muscle.

Figure 9.32
Désépidermisation. Figure 9.33
Fermeture.

Certains ne décollent pas le pectoral et recouvrent la pro- le plus haut possible pour minimiser l'effet de « marche
thèse par le muscle dorsal seul en fixant bien la loge de la d'escalier » dans les quadrants supérieurs (fig. 9.31).
prothèse pour éviter tout déplacement secondaire. Dans Enfin, l'excès cutané est désépidermisé en fonction
certaines situations anatomiques, la couverture interne des besoins à la fois de remplissage et de ptose désirée
musculaire n'est pas totale ; il est prudent, dans ces condi- (fig. 9.32 et 9.33).
tions, de prévoir une désépidermisation de la palette Certains ne positionnent pas le lambeau dans la cica-
­cutanée à sa partie interne pour mieux couvrir la prothèse trice de mammectomie mais directement dans le sillon
à cet endroit. sous-mammaire. Si la quantité de peau est suffisante,
La berge inférieure du lambeau est suturée et position- alors toute la peau entre le sillon et la cicatrice de mam-
née en fonction des besoins cutanés internes et externes. mectomie est excisée ; dans le cas contraire, la cicatrice
La loge musculaire est suturée en externe pour per- de mammectomie est laissée en place ; la palette cutanée
mettre une bonne fixation de la prothèse ; le débord est alors utilisée pour le galbe du sein, mais trois cicatrices
musculaire dorsal est étalé largement vers le haut et fixé restent visibles.
214
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Grand dorsal-prothèse sibilité de lipofiling préparatoire mais où la finesse des tissus


rendrait une reconstruction par prothèse seule de médiocre
sans cicatrice dorsale qualité ; mais aussi en cas d'exposition de prothèse. Ainsi,
l'apport d'un lambeau musculaire pur de grand dorsal
Cette technique s'adresse aux indications rares où la peau fournit l'étoffe nécessaire pour un résultat plus satisfaisant.
mammaire paraît en quantité suffisante (éventuellement Dans ces conditions, l'apport de peau n'étant plus néces-
associée à un lambeau d'avancement abdominal) sans pos- saire aucune cicatrice dorsale n'est réalisée. L'intégralité de
la dissection va s'effectuer soit par la cicatrice de mammec-
tomie, et éventuellement celle du curage, soit par vidéochi-
rurgie ou même par chirurgie pilotée au robot.

Technique opératoire
L'installation de la patiente est la même que celle décrite pré-
cédemment en décubitus latéral. Nous préconisons de réaliser
la dissection du pédicule à ciel ouvert par la cicatrice axillaire
ou de mammectomie. Cette dissection est simple avec les
instruments habituels. Ensuite, il convient de réaliser un très
large décollement à la fois sous-cutané puis sous-musculaire,
qui n'est possible qu'avec des valves éclairantes suffisamment
longues ou, à défaut, par des instruments de vidéochirurgie
en fonction de l'expérience de chacun. Dans ces conditions,
on utilise des valves longues avec des optiques rigides (cœlio-
Figure 9.34 chirurgicales) et les instruments habituels de cette chirurgie.
Position du muscle dorsal. Le muscle est ensuite sectionné en bas et en dedans puis
Dessin : Cyrille Martinet. transposé selon la technique déjà citée (fig. 9.34 à 9.36).

A B
Figure 9.35
Section du muscle.
Dessins : Cyrille Martinet.

215
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Puis, en position assise, le muscle est étalé sur toute la


surface. Le muscle pectoral peut là aussi être soulevé pour
augmenter encore l'étoffe musculaire. La prothèse sera
positionnée dans son étui et le muscle fixé pour en assurer
la meilleure couverture.

Résultats
Les résultats de reconstruction par lambeau de grand dor-
sal-prothèse sont présentés dans les photographies des
figures 9.37 à 9.42.

Figure 9.36
Transfert du muscle sur la paroi thoracique.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 9.37
Reconstruction secondaire.
A. préopératoire. B. Postopératoire, grand dorsal-prothèse avec symétrisation par plastie seule.

Figure 9.38
Reconstruction secondaire.
A. préopératoire. B. postopératoire, grand dorsal-prothèse avec symétrisation par prothèse seule sous-mammaire.

216
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B
Figure 9.39
Reconstruction secondaire.
A. Préopératoire, reconstruction mammaire, patiente très maigre. B. Résultat postopératoire, grand dorsal-prothèse et symétrisation par
prothèse.

A B
Figure 9.40
Reconstruction secondaire.
A. préopératoire. B. Grand dorsal-prothèse sans symétrisation.

217
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

E F
Figure 9.41
Reconstruction secondaire.
A. Préopératoire, grand dorsal par prothèse, de face. B.Préopératoire, grand dorsal par prothèse, profil gauche. C. Préopératoire, grand dorsal
par prothèse, profil droit. D. Postopératoire, symétrisation par prothèse, de face. E. Postopératoire, symétrisation prothèse, profil gauche.
F. Postopératoire, symétrisation-prothèse, profil droit.

218
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B
Figure 9.42
Reconstruction secondaire.
A. Préopératoire, reconstruction mammaire avec cicatrice de mastectomie très haute. B. Postopératoire, grand dorsal-prothèse (palette
positionnée dans la cicatrice de mastectomie) sans symétrisation.

Lambeau de grand dorsal


et prothèse en reconstruction
immédiate
Avec conservation de l'étui cutané
L'intervention est réalisée en décubitus latéral, si pos-
sible en double équipe. Le dessin de la palette cutanée
s'attachera à rester au maximum dans le bandeau du
soutien-gorge car, dans cette indication, le défect cutané
est mineur. Le prélèvement est identique à la technique
standard. Pour le modelage, la palette cutanée est désé-
pidermisée et enfouie sur toute la surface sauf à l'em-
placement de la précédente aréole que la peau dorsale
remplace. L'orientation de la palette sera surtout fonction
du galbe désiré, mais aussi des besoins de couverture de
la prothèse. On insiste sur l­'importance d'une couverture
musculaire harmonieuse sur toute la surface pour éviter
des différences d'épaisseur sur le sein et des zones où la
prothèse en position sous-cutanée serait palpable ou
visible avec des vagues perceptibles. Il faut bien fixer le
muscle sur la périphérie pour un bon étalement (fig. 9.43).
Figure 9.43

Sans conservation de l'étui cutané Positionnement du lambeau.


Dessin : Cyrille Martinet.

Dans cette indication, l'installation de la patiente est il est nécessaire de refixer le sillon pour bien le positionner
identique à la précédente. La différence est due au déficit s'il a été désinséré au moment de la mammectomie ou si
cutané plus important et donc au dessin de la palette : on l'on désire y associer un lambeau d'avancement abdominal.
conseille de réaliser un prélèvement cutané superposable Certains préconisent la réalisation d'un lambeau d'avan-
à celui de la peau du sein retiré pour minimiser la rançon cement abdominal dans l'objectif d'un deuxième temps
cicatricielle dorsale. Le modelage dans cette indication est d'enfouissement complet de la palette cutanée du lam-
identique à celui d'une reconstruction secondaire. Parfois, beau dorsal en réalisant un nouvel avancement cutané.
219
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

9.2. Reconstruction mammaire par lambeau


de grand dorsal autologue
B. Couturaud

Le lambeau de grand dorsal autologue est une évolution du la plus conservatrice possible, même si le volume n'est pas
lambeau de grand dorsal-prothèse. Son principe consiste à satisfaisant dès le premier temps opératoire. Le volume final
reconstituer le volume du sein par de la graisse prélevée au sera obtenu par des séances complémentaires de lipofilling. Il
niveau du dos. Avant le développement du lipofilling, le prélè- est par ailleurs discuté par certains de «lipofiller» le muscle
vement dorsal était extensif car il assurait seul le remplissage. dorsal dans le premier temps opératoire (uniquement dans
Depuis quelques années, la dissection dorsale, s'attache à être sa partie distale) ainsi que le muscle pectoral (fig. 9.44 et 9.45).

A B

C D

Figure 9.44
A. Trajet de la réinjection de graisse dans le lambeau dermo-
graisseux. B. Réinjection de graisse dans le lambeau, sous la
peau. C. Réinjection de graisse dans la partie distale du muscle
dorsal. D. La partie inférieure du muscle est totalement
remplie de graisse. E. Trajet en rayon des injections de graisse
E dans le lambeau.

220
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B
Figure 9.45
Augmentation de volume d'un lambeau de grand dorsal par injection de graisse dans le lambeau et dans le muscle en peropératoire.
A. Injection de graisse dans le lambeau et dans le muscle dans sa partie distale. B. Injection de graisse dans le muscle pectoral.
Dessins : Cyrille Martinet

Figure 9.46
Dessins pré-opératoires pour une reconstruction par lambeau de grand dorsal.
A. Préopératoire, récidive de cancer du sein gauche. B. Repère de la ligne médiane, de la projection des sillons avec la palette de mastectomie gauche.

(Il est même proposé à certaines patientes de remplacer Les photographies seront effectuées selon les cadrages
leur prothèse sous le lambeau de dorsal par des injections et les incidences habituelles.
itératives de graisse.)

Examen clinique préopératoire Lambeau de grand dorsal autologue


en reconstruction secondaire
Les précautions préopératoires sont les mêmes que celles
décrites précédemment.
Dessins préopératoires
Dans cette indication, il sera important d'évaluer les réserves
de graisse dorsale pour expliquer au mieux à la patiente le pro- Le dessin de la palette cutanée s'effectue avant l'interven-
jet de reconstruction retenu. À savoir, si le volume final sera tion sur une patiente en position debout. Plusieurs tracés
obtenu en seule intervention avec ou sans symétrisation et s'il sont possibles en fonction des besoins tant au niveau
sera nécessaire de compléter par des séances de lipofilling. cutané que musculaire. Dans cette indication, il faut recréer
On appréciera également la laxité cutanée dorsale pour l'enveloppe cutanée mais aussi le volume par le muscle et
choisir le tracé de l'incision, horizontale ou oblique. Le plus la graisse dorsale (fig. 9.46).
esthétique est le tracé horizontal dans le bandeau du soutien- Pour augmenter le volume apporté par le muscle lui-
gorge. Il est recommandé de tracer les incisions dorsales juste même les différentes zones de graisse sont codifiées en
après le retrait du soutien-gorge pour bien repérer son niveau. 6 zones (en fonction de leur fiabilité) (fig. 9.47) :
221
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

E F

Figure 9.47
Dessins en décubitus latéral droit d'un lambeau de grand dorsal
avec les différentes zones graisseuses.
A. Installation en décubitus latéral. B. Dessins de la palette
et repère du muscle en violet. C. Zone 1 : graisse sous la palette.
D. Zone 2 : graisse en regard du muscle. E. Zone 3 : extension
graisseuse antérieure. Zone 4 : extension graisseuse du bord
supérieur du muscle. F. Zone 5 : graisse à l'extrémité distale des
G hanches. G. Zone 5 : graisse à l'extrémité distale des hanches.

222
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

● zone 1 : c'est la graisse sous la palette cutanée dorsale.


C'est la zone adipeuse la plus fiable car elle est incluse avec
les perforantes musculocutanées (fig. 9.47c) ;
● zone 2 : c'est la graisse en regard du muscle et située sous
le fascia superficialis de très bonne fiabilité (fig. 9.47d) ;
● zones 3 : c'est la graisse située en avant du bord antérieur
du muscle. Très fiable sur le plan vasculaire, elle n'est pas
toujours présente en quantité importante (fig. 9.47e) ;
● zone 4 : c'est la graisse située en haut du bord supérieur
du muscle dorsal. Véritable lambeau charnière ses rapports
largeur et longueur en font un lambeau (au hasard) fiable et
d'un volume souvent conséquent (fig. 9.47f) ;
● zone 5 : c'est toute la graisse des hanches située au-delà Figure 9.48
du bord distal du muscle. C'est la zone la moins fiable car Double installation.
très éloignée du pédicule principal (risque de cytostéato-
nécrose) et source de plus de lymphorrhée postopératoire.
C'est cette zone qui est de moins en moins utilisée pour
Deuxième temps
toutes ces raisons (fig. 9.47g) ;
● zone 6 : c'est la graisse située à la face profonde du Le décollement dorsal se fait plus prudemment sous le plan
muscle. On conseille de ne pas trop prélever surtout du fascia superficialis pour préserver au maximum la vascu-
en regard de l'omoplate pour limiter les douleurs et les larisation dorsale (fig. 9.49b et 9.49c).
séquelles esthétiques. Vers le haut, la dissection dépasse le rebord supérieur
À noter que les zones 3, 4 et 5 sont des extensions au du muscle dorsal pour ramener l'extension graisseuse
hasard du lambeau de dorsal. supérieure (zone 3) en arrière, la limite correspond au
bord antérieur du trapèze (fig. 9.49d et 9.49e). Il est
Installation de la patiente important de bien repérer ce muscle dans ce temps
opératoire pour ne pas le léser ensuite au moment de la
L'installation se fait en décubitus latéral (fig. 9.47a). Un billot levée du lambeau. On profite de cette exposition pour
est souvent placé sous le flanc pour favoriser la dissection des décoller la peau en regard de l'insertion supérieure du
décollements sous-cutanés. Ce billot sera retiré de préférence muscle.
au moment de la fermeture pour favoriser cette dernière. Ensuite, on décolle toujours dans le même plan la
Le bras repose sur un appui au zénith sans tension ni peau en distalité, en fonction des besoins. De plus en
traction pour éviter toute compression vasculaire ou ner- plus, on réduit le prélèvement de graisse distale (zone 5)
veuse (plexus brachial) (fig. 9.48). pour limiter les séquelles et la lymphocèle, sachant
que le remplissage pourra être réalisé par un lipofilling
secondairement.
Déroulement de l'intervention Ensuite, le décollement s'effectue vers l'avant en préle-
vant le débord graisseux situé en avant du bord antérieur
Premier temps du muscle (fig. 9.50).
On incise la palette cutanée et la graisse jusqu'au niveau du Puis, on décolle le muscle par sa face profonde, la dis-
fascia superficialis. Certains proposent d'infiltrer au sérum section se fait ensuite comme celle décrite dans le sous-­
adrénaliné le tracé de l'incision ainsi que toute la surface chapitre précédent. Ce qui diffère dans cette indication
du dos dans un plan sous-cutané profond pour faciliter la c'est le fait que les sections se réalisent dans la graisse et
dissection dorsale (fig. 9.49a). non dans les fibres musculaires (fig. 9.51).

223
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 9.49
C Décollement dorsal dans le plan du fascia. E

Figure 9.50
Décollement antérieur dépassant le bord antérieur du muscle.

224
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Enfin, on repère le pédicule thoracodorsal par sa face


profonde, soit en longeant la branche thoracique, soit
en l'abordant directement par le bord postérieur en
haut. Celui-ci est libéré et on repère son point d'entrée
dans le muscle de façon à sectionner les insertions proxi-
males au-dessus de ce point. Cette section musculaire
s'effectue au niveau du tendon ; elle peut être complète
ou partielle en fonction des besoins de mobilisation du
lambeau (fig. 9.52).
La branche thoracique n'a pas besoin d'être liée dans
cette indication – elle peut néanmoins l'être, ce qui aug-
mente l'arc de transfert du lambeau.

En cas de section complète du tendon, il faut être vigi-


lant à ne pas trop tirer sur le muscle pour ne pas créer de
traction au niveau du pédicule.

Figure 9.51
Décollement de la face profonde avec découverte des perforantes
lombaires.

Figure 9.52
Lambeau de grand dorsal avec les différentes zones graisseuses.
A. Lambeau en position anatomique. B. Excès graisseux supérieure (zone 4). C et D. Levée du lambeau.

225
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Troisième temps thoracodorsal en profondeur ; il peut être prudent de


réaliser ce décollement en suivant le trajet du pédicule.
Le troisième temps consiste à exciser la cicatrice de
Le lambeau est ensuite transféré sur le thorax avec une
mammectomie (qui est adressée systématiquement
rotation de 180° de sa palette (fig. 9.53). Les berges
pour examen en anatomopathologie), puis à redécoller
cutanées sont fixées transitoirement par des agrafes ou
la peau mammaire, surtout vers le haut et un peu vers le
des fils. La fermeture dorsale se fait après vérification de
bas sans dépasser le niveau du sillon sous-mammaire –
l'hémostase et de l'absence de traction sur le pédicule,
il est même conseillé de s'arrêter quelques centimètres
sur un ou plusieurs drains de Redon (fig. 9.54). Il est
plus haut et d'ajuster la position du sillon en position
courant de capitonner toute la surface de décollement
demi-assise (cf. infra § Modelage). Puis on réalise la tun-
par des points résorbables ou des surjets de fils crantés
nellisation en redécollant la peau de l'aisselle en restant
en accrochant le fascia au muscle, en plusieurs lignes
toujours suffisamment proximal pour ne pas compri-
jusqu'à la cicatrice. Le drainage s'effectue par drain de
mer le pédicule dans son passage axillaire. Attention
Redon si on ne capitonne pas (fig. 9.55).
aux vaisseaux axillaires vers le haut et au pédicule

C D
Figure 9.53
Repositionnement du lambeau en avant sur la paroi thoracique.
A, B et C. Tunnellisation du lambeau avec rotation à 180°. D. Contrôle du pédicule.

226
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Changement de position On libère le lambeau de sa fixation transitoire ; on


vérifie l'hémostase, la bonne vitalité du lambeau par
Le changement de position est réalisé selon les habitudes son saignement et l'absence de contrainte dans la tun-
de chacun et permet d'installer la patiente en position nellisation. Le premier temps va consister à position-
demi-assise, les bras en croix. Là aussi, il faut être vigilant sur ner le sillon sous-mammaire, soit en prolongeant tout
tous les détails de la bonne installation (tête fixée dans l'axe simplement le décollement vers le bas en s'arrêtant au
sans compression oculaire, les épaules au même niveau sans niveau désiré, soit éventuellement en effectuant un
traction ni point de compression, talons protégés, jambe large décollement inférieur pour réaliser un lambeau
légèrement pliée pour éviter que la patiente ne glisse). d'avancement abdominal (LAA) avec fixation du sillon.
Le niveau du sillon sera positionné au même niveau que
Modelage le sein controlatéral.
Ensuite, on excise plus ou moins de peau thoracique
Le modelage s'effectue en position assise, les deux seins pour positionner la berge inférieure de la palette du lam-
dans le champ opératoire. beau le plus proche possible du sillon. Pour cela, il faut
avoir une palette cutanée suffisamment haute et large.
En effet, nous pensons qu'il vaut mieux une cicatrice
inférieure un peu haute mais un galbe et un remplissage
harmonieux, surtout de la partie haute du sein et donc du
décolleté. Dans l'absolu, un lambeau idéal est un lambeau
qui permet une cicatrice inférieure juste dans le sillon
sous-mammaire, suffisamment de peau pour reproduire
la ptose souhaitée et une couverture musculaire de toute
la surface du sein qui servira de récepteur pour les injec-
tions de graisse ultérieures. Néanmoins, on préconise de
ne pas prélever un lambeau cutané ni musculaire trop
mutilant au niveau du dos et de prévoir dans un deuxième
temps de réaliser un lambeau d'avancement abdominal
pour repositionner la cicatrice, créer de la ptose, faire dis-
Figure 9.54 paraître la palette cutanée, et assurer le remplissage ulté-
Fermeture dorsale. rieurement (fig. 9.56).

A B C
Figure 9.55
Reconstruction par lambeau de grand dorsal autologue positionné dans le sillon sous mammaire.
A. Prélèvement d'un lambeau horizontal de grande taille. B. Grande palette dermique sur le muscle transposé en avant. C. Positionnement du
lambeau dans le sillon sous-mammaire.
Dessins : Cyrille Martinet.

227
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.56
Reconstruction par lambeau de grand dorsal autologue positionné dans le sillon sous mammaire.
A. Préopératoire, reconstruction par lambeau de grand dorsal autologue. B. Postopératoire, après symétrisation et PAM.

pidermisée et enfouie sur toute la surface sauf à l'em-


De plus en plus on préconise de ne pas prélever un lam- placement de la précédente aréole que la peau dorsale
beau trop délabrant au niveau dorsal et de prévenir les
remplace. L'orientation de la palette sera surtout fonc-
patientes que le volume final sera obtenu par des séances
de lipofilling. Certains réalisent même du filling dans le tion du galbe désiré. On insiste sur l'importance d'un
premier temps en injectant la graisse dans le muscle et étalement sur toute la surface pour obtenir une forme
dans la palette cutanée. harmonieuse du sein, même si le volume reste inférieur
et sera facilement rempli par de la graisse. La forme sera
plus délicate à retoucher dans un deuxième temps sans
réouverture des cicatrices.
La berge inférieure du lambeau est suturée et position-
née en fonction des besoins cutanés internes et externes, le
débord musculaire dorsal est étalé vers le haut et fixé pour Sans conservation de l'étui cutané
assurer le remplissage du segment II. Enfin, l'excès cutané
est désépidermisé en fonction des besoins à la fois de rem- Dans cette indication, l'installation est identique à la
plissage et de ptose désirée. précédente. La différence est due au déficit cutané plus
important et donc au dessin de la palette : on conseille de
réaliser un prélèvement cutané superposable à celui de la
peau du sein retiré pour minimiser la rançon cicatricielle
Lambeau de grand dorsal autologue dorsale. Le modelage dans cette indication est superpo-
en reconstruction immédiate sable à celui d'une reconstruction secondaire. Parfois, il est
nécessaire de refixer le sillon pour bien le positionner s'il a
Avec conservation de l'étui cutané été désinséré au moment de la mammectomie ou si l'on
désire y associer un lambeau d'avancement abdominal
L'intervention est réalisée en décubitus latéral, si pos- (fig. 9.57).
sible en double équipe. Le dessin de la palette cutanée Certains préconisent la réalisation d'un lambeau
s'attachera à rester au maximum dans le bandeau du d'avance­ment abdominal dans l'objectif d'un deuxième
soutien-gorge car, dans cette indication, le défect cutané temps d'enfouissement complet de la palette cutanée du
est mineur. Le prélèvement est identique à la technique lambeau dorsal en réalisant un nouvel avancement abdo-
standard. Pour le modelage, la palette cutanée est désé- minal (fig. 9.58 à 9.60).

228
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B C
Figure 9.57
Prélèvement d'un petit lambeau de grand dorsal totalement enfoui sous la peau.
A. Prélèvement d'un lambeau de grand dorsal autologue avec petite palette dermique. B. Transposition en avant de la petite palette
du lambeau avec la totalité du muscle. C. Enfouissement complet du LMC, qui est modelé sous la peau.
Dessins : Cyrille Martinet.

Figure 9.58
Cancer du sein droit.
A. préopératoire. B. Postopératoire après reconstruction mammaire immédiate autologue et reconstruction de PAM (avec conservation
de l'étui).

Figure 9.59
Récidive cancer du sein gauche.
A. préopératoire. B. Résultat postopératoire après symétrisation et reconstruction de PAM sans conservation de l'étui.
229
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.60
Cancer du sein gauche, exérèse incomplète.
A. préopératoire. B. Postopératoire après symétrisation.

Grand dorsal de couverture


Plusieurs stratégies sont envisageables dans cette indica-
tion précise :
● un lambeau musculaire pur, prélevé en décubitus
dorsal (billot paravertébral) avec une cicatrice verti-
cale la plus courte possible et greffé dans le même
temps ou secondairement : par exemple, dans l'indi- A
cation d'une radionécrose avec une peau thoracique
très fine où la palette cutanée dorsale serait trop
épaisse ;
● un lambeau musculocutané à palette cutanée verti-
cale permettant la réalisation de toute l'intervention en
décubitus dorsal comme précédemment : par exemple,
pour une mammectomie de propreté sur terrain fragile
(pas de reconstruction envisageable). Si un très grand
lambeau est nécessaire, une partie du site de prélève-
ment peut être laissée en cicatrisation dirigée ou greffée
(fig. 9.61) ; B
● un grand lambeau musculocutané à palette oblique
nécessitant dans ces conditions une installation en décu-
bitus latéral, sans nécessité d'un deuxième temps assis car
il n'y a pas de modelage à effectuer. Si un deuxième temps
de reconstruction mammaire paraît envisageable à l'ave-
nir, il est important d'anticiper à ce moment-là en étalant
bien le muscle et en positionnant la palette dans le souci
d'une bonne couverture ultérieure d'une possible prothèse
(fig. 9.62).

C
Figure 9.61
Lambeau de grand dorsal de couverture par incision verticale
sous axillaire.
A. Palette cutanée verticale. B. Transfert sur la paroi. C. Fermeture.
Dessins : Cyrille Martinet.
230
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.62
SETC de grade 5 : mammectomie + RMI par lambeau de grand dorsal autologue + lipomodelage.
A. Sein de pierre avec ulcération post-radique. B. Résultat à deux ans après grand dorsal de couverture et deux séances de lipofilling.

Complications Le pourcentage de lymphocèle dorsale est de 28,3 % ;


nous avons pu noter un taux plus élevé de lymphocèle
Nous rapportons notre expérience de l'Institut Curie sur dorsale dans les indications de reconstruction immédiate
l'analyse rétrospective des complications de trois cent que dans les reconstructions secondaires. Cette différence
soixante-dix-huit reconstructions mammaires par lambeau pourrait s'expliquer par l'ajout du risque d'épanchement
de grand dorsal. lymphatique de la mammectomie et de l'exploration gan-
La répartition était similaire entre reconstruction secon- glionnaire. Nous n'avons en revanche pas relevé de diffé-
daire (187, soit 49,5 %) et immédiate (191, soit 50,5 %). rence sur le taux de lymphocèle entre le groupe «grand
L'analyse des complications précoces montre un taux dorsal autologue» (deux cent vingt et un cas) et le groupe
global de nécroses de 1,8 %, toutes traitées par excision et «grand dorsal et prothèse» (cent cinquante-cinq cas).
cicatrisation dirigée, sauf un cas de nécrose complète sûre- Nous pensons que ceci est dû au prélèvement assez large
ment en raison d'une irradiation de l'aisselle majeure quinze de nos reconstructions par grand dorsal-prothèse.
ans auparavant. On remarque un taux plus élevé de nécrose Le taux de désunion dorsale était plus élevé après lam-
dorsal dans le groupe «grand dorsal autologue» que dans beau graisseux autologue.
le groupe «grand dorsal et prothèse» en raison du prélève- La radiothérapie n'entraînait pas d'augmentation de
ment plus extensif et superficiel donc ischémiant du dos. l'incidence des complications.
Ce type de complication a tendance à nettement dimi- Les facteurs de risque vasculaire (surpoids, tabac…) dans
nuer, car les prélèvements dorsaux sont beaucoup moins notre série n'entraînent pas d'augmentation significative du
extensifs du fait de la perspective offerte par le ­lipofilling risque de complications chirurgicales.
complémentaire. Les complications tardives restent peu importantes,
Le taux de nécrose thoracique est lui plus élevé dans le principalement esthétiques (aspect des cicatrices dorsales).
groupe de reconstruction immédiate que secondaire, là Les séquelles fonctionnelles sont négligeables : ressenties
aussi en raison du risque plus ischémiant d'une mammec- comme une plus grande fatigabilité à l'effort soutenu et
tomie concomitante. des limitations dans les mouvements extrêmes de l'épaule.
Le taux d'hématome est de 3,2 % et le taux de complica- Quelques très rares cas nécessitent un traitement antal-
tions thromboemboliques de 0,3 %. gique de fond pour des séquelles douloureuses dorsales
possiblement invalidantes.

231
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Prise en charge Les désunions ou nécroses de cicatrices dorsales néces-


sitent le plus souvent une reprise chirurgicale pour excision
des complications et suture si possible. En effet, la cicatrisation dirigée sur cette
zone est souvent longue du fait de la lymphorrhée et de
Le pansement de sortie de bloc doit ménager une l'importance du décollement. Les pansements par pression
fenêtre pour monitorer la palette cutanée du lambeau ; il négative peuvent apporter une aide à la cicatrisation, de
faut égale­ment bien installer la patiente dans son lit, bras même que les greffes de peau.
légèrement en abduction. En cas de souffrance du lam- La lymphocèle dorsale a beaucoup diminué depuis que
beau, en tout premier lieu il convient de vérifier la bonne l'on réalise des capitonnages.
position du bras, l'absence de compression extrinsèque Le phénomène de coque périprothétique est souvent
sur le trajet du pédicule (pansement) ou d'hématome. moins perceptible que dans les reconstructions par pro-
En cas de persistance des signes de souffrance à la phase thèse simple, du fait de l'épaisseur des tissus entre la peau
aiguë, il ne faut pas hésiter à réintervenir pour libérer et et la prothèse. Néanmoins, celles-ci, comme les infections
explorer le creux et le trajet du lambeau ainsi que de son de prothèse, peuvent conduire au retrait de l'implant et
pédicule. faire discuter soit la remise en place d'une prothèse soit des
Les rares souffrances cutanées sont celles de la peau séances itératives de lipofilling.
thoracique (peau irradiée, mammectomie trop superfi-
cielle ou tabagisme important) et sont traitées le plus sou-
vent par cicatrisation dirigée. Les rares nécroses de portion
interne du lambeau sont les plus à risque car, si la couver- Résultats
ture musculaire n'est pas parfaite, le risque d'exposition de
prothèse est important. Il est essentiel à ce titre de prévoir Les résultats de reconstruction par lambeau de grand dor-
une désépidermisation interne du lambeau pour limiter le sal avec prothèse sont montrés dans les photographies des
risque. figures 9.63 à 9.66.

Figure 9.63
Grand dorsal et prothèse avec symétrisation par plastie mammaire de réduction.

232
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B

C D
Figure 9.64
Grand dorsal et prothèse sans symétrisation.

Figure 9.65
Grand dorsal et prothèse avec symétrisation par plastie mammaire de réduction.

233
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 9.66
Grand dorsal et prothèse avec symétrisation par prothèse.

Conclusion ■
S'il existe un doute sur le pédicule du grand dorsal,
ne pas hésiter à commencer l'intervention par son
La reconstruction mammaire par lambeau de grand dorsal exploration, en reprenant la cicatrice de curage ou de
est une technique simple et fiable qui donne de très bons mammectomie.
résultats esthétiques. Les complications et les séquelles ■
Une fois le lambeau transféré sur le sein, il est impor-
chirurgicales ont nettement diminué depuis l'avènement tant de vérifier l'absence de compression dans la tun-
du lipofilling, ce qui nous permet des prélèvements moins nellisation ou de traction sur le pédicule.
invasifs. ■
Au moment du modelage, le bon positionnement du
sillon sous-mammaire est un temps essentiel : c'est le
socle de la reconstruction. La bonne couverture mus-
culaire de la prothèse est un atout tant sur le résultat
À retenir
esthétique que sur la cicatrisation (moins de risque

Il est important de faire les dessins sur une patiente d'exposition de prothèse, en cas de problème sur la
verticalisée pour bien prendre les repères tant sur la cicatrice), de même que le positionnement de l'implant.
position du sillon sous-mammaire que par la position ■
Enfin, le pansement doit être non compressif et per-
de la palette cutanée du lambeau. mettre le monitorage de la palette cutanée du lambeau,

Lors de l'installation, vérifier les points d'appui et, sur- avec le bras légèrement en abduction-ant­épulsion (par
tout, la position du bras homolatéral au lambeau en exemple, sur un oreiller) pour éviter toute compression
raison du risque de traction et d'étirement du plexus. du lambeau dans son passage axillaire.

234
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

9.3. Reconstruction mammaire par lambeau


dorsal épargnant le muscle grand dorsal
(Muscle Sparing Latissimus Dorsi, MSLD)
A. Mojallal, M. Veber, J. Château, F. Boucher, H. Shipkov

L'utilisation du lambeau musculocutané de grand dorsal


est largement décrite en reconstruction mammaire. Ce
lambeau peut être utilisé seul, ou avec une greffe grais-
seuse ou en association avec un implant. Cependant, les
séquelles non négligeables du site donneur d'un lambeau
de grand dorsal ont conduit au développement d'une
technique moins agressive, épargnant la fonction muscu-
laire : le lambeau dorsal avec épargne musculaire, nommé
Muscle Sparing Latissimus Dorsi dans la littérature anglo-
saxonne et répondant à l'abréviation MSLD.
Nous présentons ici les bases anatomiques et la technique
opératoire du lambeau MSLD ainsi que des cas cliniques
illustrant son utilisation en reconstruction mammaire.

Bases anatomiques et évolution


de la technique opératoire
La première description du lambeau de grand dorsal Figure 9.67
(Latissimus Dorsi) est faite par Tansini en 1896. Le muscle Bifurcation de l'artère thoracodorsale avec pénétration dans
est alors levé en totalité sur son pédicule thoracodorsal [1]. le muscle.
En 1976, Beaudet a décrit la possibilité de réaliser le lam- La branche descendante est le long du bord antérieur du muscle
grand dorsal et sert à la levée du lambeau de MSLD.
beau libre musculocutané de grand dorsal [2]. Source : Mojallal A, et al. Le lambeau grand dorsal avec conservation du muscle. Etude
anatomique et indications en reconstruction mammaire. Ann Chir Plast Esth 2010 ; 55 : 87–96.
Tobin a décrit en 1981 la possibilité de séparer les muscles © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
grands dorsaux en deux contingents : un contingent vertical
basé sur la branche descendante de l'artère thoracodorsale
et un contingent horizontal basé sur sa branche transverse Ce lambeau épargne totalement le muscle grand dorsal
[3]. Le contingent vertical représente la première description en prenant uniquement une palette cutanée vascularisée par
des bases anatomiques du MSLD. La figure 9.67 représente une artère perforante. Cette artère perforante est localisée
la bifurcation du pédicule thoracodorsal et la possibilité de au niveau de la palette cutanée puis disséquée au travers du
prélever un lambeau sur la branche descendante. muscle grand dorsal jusqu'à rejoindre son pédicule source.
Nous avons confirmé les observations de Tobin en Le groupement d'artères perforantes du lambeau thora-
démontrant l'indépendance de la vascularisation du terri- codorsal (zone où l'on retrouve la perforante) est préféren-
toire transverse du grand dorsal [4]. tiellement localisé dans un cercle de 3 cm de diamètre situé
Les séquelles du site donneur du lambeau de grand dorsal au niveau de la pointe de la scapula, approximativement
étendu ont motivé le développement de lambeaux basés sur 2 cm en arrière du bord antérieur du muscle grand dorsal
le même pédicule mais épargnant le muscle. C'est dans cette [6] (fig. 9.69).
optique que Angrigiani a décrit le lambeau perforant fascio- Cependant, les résultats du TDAP ont mis en évidence une
cutané thoracodorsal (Thoracodorsal Artery Perforator Flap, souffrance plus importante au niveau de la pointe du lambeau.
TDAP) en 1995 [5]. La figure 9.68 représente la levée du lam- Par ailleurs le dessin de la palette cutanée est sub­
beau TDAP épargnant complètement le muscle grand dorsal. ordonné à la position de l'artère perforante et la dissection

235
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.68
Lambeau perforant thoracodorsal (TDAP).Dans ce cas aucune partie musculaire du muscle grand dorsal n'est prélevée.

Figure 9.69
Schéma des groupements d'artères perforantes des branches Figure 9.70
descendante et transverse de l'artère thoracodorsale. Levée du lambeau MSLD emportant une tranche musculaire
qui inclut la branche descendante de l'artère thoracodorsale.
est plus complexe d'un point de vue vasculaire impliquant A. Pédicule thoracodorsal. B. Nerf moteur du muscle grand
un allongement de la durée d'intervention. dorsal donnant un rameau descendant et un rameau transverse.
Considérant ces différents éléments, Schwabegger a C. Branche descendante du pédicule thoracodorsal. D. Branche
transverse du pédicule thoracodorsal. E. Branche de section du bord
décrit en 2003 un lambeau à palette cutanée verticale pre- antérieur du muscle grand dorsal, emportant environ 2–3 cm de
nant uniquement la branche descendante de l'artère thora- largeur du muscle et s'arrêtant à la bifurcation du pédicule.
codorsale ainsi qu'un bandeau vertical de muscle contenant
cette branche descendante [7]. C'est la naissance du lam-
beau de grand dorsal avec épargne musculaire (MSLD). Actuellement nous réalisons le lambeau MSLD en prenant
Depuis cette description, de nombreux articles ont été uniquement un bandeau musculaire d'approximativement
publiés traitant majoritairement de l'utilisation du MSLD 2 cm de large incluant la branche descendante de l'artère tho-
en reconstruction mammaire [8–11]. racodorsale ainsi qu'une palette cutanée horizontale (fig. 9.70).
236
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Le point critique du lambeau MSLD est la naissance du peut également être sacrifiée faisant alors remonter le point
pédicule vasculonerveux transverse de l'artère thoraco­ pivot au niveau de la naissance de l'artère subscapulaire.
dorsale. En effet, soit la dissection doit s'arrêter à ce niveau La fine bande musculaire prise avec le lambeau est
et ce point devient le point pivot ; soit la dissection remonte séparée du grand dorsal restant en place au-dessus de
plus haut et dans ce cas il faut sectionner la branche arté- la pénétration du pédicule dans le corps musculaire.
rielle transverse de l'artère thoracodorsale. Ainsi le lambeau de MSLD est levé totalement en ilôt,
Le muscle grand dorsal appartenant au type V de la branche nerveuse motrice descendante est également
Mathes et Nahai, le sacrifice de la branche horizontale de sectionnée. Aucune contraction du lambeau n'est donc
l'artère thoracodorsale n'engendre pas de problème d'un possible lorsqu'il est utilisé pédiculé en reconstruction
point de vue vasculaire pour le muscle restant en place mammaire.
[12]. Ainsi la branche horizontale de l'artère thoracodorsale En réalisant ce type de dissection, nous obtenons un lam-
peut être sacrifiée, cependant la branche horizontale du beau MSLD avec un arc de rotation situé au niveau des vais-
nerf thoraco­dorsal doit être épargnée afin de conserver la seaux axillaires. Le site donneur présente un muscle grand
fonction motrice du muscle grand dorsal. dorsal quasiment épargné par la dissection. L'innervation
Tan a décrit en 2011 la possibilité de lever un lambeau est également épargnée et la vascularisation du muscle
épargnant la branche transverse du nerf tout en sacrifiant restant en place est assurée par les pédicules postérieurs
son homologue artérielle [13]. Cette dissection indépen- intercostaux et lombaires.
dante des éléments vasculaires et nerveux permet de faire Dans les cas où la branche descendante du nerf thoraco-
remonter le point pivot du lambeau au niveau de la nais- dorsal doit être sacrifiée, nous conseillons une suture de cette
sance de l'artère circonflexe scapulaire (fig. 9.71). branche dans le corps musculaire du grand dorsal restant en
Habituellement cet arc de rotation est suffisant pour les place afin de profiter d'un phénomène de neurotisation per-
cas de reconstruction mammaire. En cas de nécessité d'un mettant de récupérer une fonction musculaire plus importante.
arc de rotation plus important, l'artère circonflexe scapulaire Le bord antérieur du grand dorsal laissé en place est
ensuite suturé au muscle dentelé afin d'éviter la rétraction
du muscle.

Études anatomiques
Nous avons réalisé une étude anatomique concernant
quinze lambeaux de grand dorsal prélevés sur des cadavres
frais. L'artère thoracodorsale a été cathétérisée et irriguée
avec une solution de sérum physiologique à 37,8 °C puis
héparinée (10 U/mL) jusqu'à obtenir un reflux clair et que
toutes les fuites vasculaires soient cautérisées à l'aide d'une
pince bipolaire. Une injection intravasculaire de latex coloré
était ensuite réalisée.
Les pièces anatomiques étaient ensuite conservées
pendant 24 heures afin d'obtenir une solidification du
latex. Nous avons ensuite réalisé une dissection sous loupe
microchirurgicale afin d'exposer le pédicule vasculoner-
veux, la branche descendante et transverse du pédicule
thoracodorsal ainsi que la position de la bifurcation.
La distance de la branche descendante par rapport au
bord antérieur du muscle grand dorsal était mesurée à inter-
valle régulier de 5 cm le long de la ligne axillaire postérieure.
Figure 9.71
Considérant une abduction de l'épaule à 90° et une
Anatomie vasculaire du lambeau MSLD montrant la position
des vaisseaux et des différents points pivot. flexion du coude à 90° :
Source : Mojallal A, et al. Le lambeau grand dorsal avec conservation du muscle. ● la division de l'artère thoracodorsale est située à une moyenne
Etude anatomique et indications en reconstruction mammaire. Ann Chir Plast Esth
2010 ; 55 : 87–96. de 5,1 cm sous la ligne axillaire postérieure (2,1 à 7,5 cm) ;
237
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

● à 5, 10 et 15 cm en dessous de la ligne axillaire postérieure, suivent sans le soutien-gorge, nous demandons à la patiente
la branche descendante de l'artère thoracodorsale est située de mettre son bras en abduction à 90° de l'épaule et la main
respectivement à 2 cm (1,4–2,5 cm), 2,4 cm (1,3–3,3 cm) et sur l'épaule controlatérale. Les plis cutanés sont repérés en
2,9 cm (2,0–3,8 cm) en arrière du bord antérieur du muscle latéroflexion du thorax afin de repérer le pli cutané situé
grand dorsal. Soit une moyenne de 2,2 cm en arrière du bord en regard de la bretelle horizontale du soutien-gorge. C'est
antérieur du muscle grand dorsal (1,3 à 3,1 cm) (fig. 9.69) ; ce pli cutané qui sera emporté et qui correspond alors à la
● la longueur moyenne de la branche descendante est palette cutanée horizontale du MSLD (fig. 9.72).
mesurée à 15,2 cm (13,2–19,0 cm) ; La palette est située entre 10 et 14 cm de la ligne axillaire
● le diamètre moyen de l'artère thoracodorsale était postérieure, pour être en aval de la bifurcation artérielle entre la
de 2,8 ± 1,2 mm. branche descendante et la branche transverse de l'artère tho-
Le long de leur trajet, l'artère thoracodorsale et ses racodorsale (en regard du maximum de perforantes cutanées).
branches donnent entre 2 et 8 perforantes pour chaque La pointe antérieure de la palette cutanée est dessinée
hémidos. Une artère perforante de la branche descendante 2–4 centimètres en avant du bord antérieur du muscle
de l'artère thoracodorsale est trouvée de façon constante. grand dorsal afin d'inclure le maximum d'artères perfo-
Cette étude anatomique met en évidence que la rantes provenant de la branche descendante de l'artère
branche descendante de l'artère thoracodorsale se situe à thoracodorsale (fig. 9.72 a à d).
une moyenne de 2,2 cm en arrière du bord antérieur du La largeur de la palette cutanée est sélectionnée de
muscle grand dorsal. Une bandelette de muscle grand manière à être autofermante au niveau du site donneur. La
dorsal d'environ 3 cm de large permet ainsi d'emporter la surface de la palette cutanée est prise aussi large que pos-
branche descendante dans la plupart des cas et permet une sible pour permettre l'utilisation de son épaisseur dermo-
sûreté vasculaire ainsi qu'une épargne musculaire. graisseuse dans la reconstruction mammaire.
Par ailleurs, d'autres travaux ont mis en évidence que le Un Doppler préopératoire peut être réalisé afin de
groupement d'artères perforantesde la branche descendante confirmer la présence des artères perforantes de l'artère
de l'artère thoracodorsale est situé entre 6 et 14 centimètres en thoracodorsale au niveau de la palette cutanée (fig. 9.72d).
dessous du pilier axillaire postérieur. Ce groupement d'artères Dans les reconstructions mammaires immédiates avec
perforantes peut être représenté simplement par un cercle de conservation de l'étui cutané, la palette est dessinée de
3 cm situé 2 cm en arrière du bord antérieur du grand dorsal manière à ne pas déborder en avant et ne pas être visible
à hauteur de l'angle inférieur de la scapula. Ainsi, une palette au niveau des quadrants externes du sein. Dans ces cas,
cutanée localisée horizontalement entre 6 et 14 centimètres pour la reconstruction, la palette du MSLD est désépider-
en dessous du pilier axillaire postérieur permet d'emporter misée et placée en «hamac» dans le pôle inférieur du sein
avec une grande fiabilité un maximum d'artères perforantes afin de préserver le sillon sous-mammaire et maintenir le
de la branche descendante de l'artère thoracodorsale. volume à ce niveau. Le reste du volume mammaire pou-
vant être refait par la greffe de tissu adipeux (fig. 9.72 a à d).
Dans les reconstructions mammaires différées, un
lambeau d'avancement thoraco-abdominal (LATA) est
Dessins préopératoires systématiquement réalisé. Ce lambeau permet de défi-
nir le sillon sous-mammaire, le sillon atéro-mammaire,
Les dessins préopératoires sont réalisés en position debout, et le déroulé du pôle inférieur du sein. Dans cette situa-
nous demandons à la patiente de porter son soutien-gorge tion, le lambeau MSLD est aussi inséré horizontalement
afin de localiser la cicatrice horizontale au niveau de la sous le LATA pour maintenir la forme et la projection à
bretelle horizontale du soutien-gorge. Les dessins se pour- ce niveau (fig. 9.72 a à d).

238
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B

C D
Figure 9.72
Dessins préopératoires.
A. La palette à grand axe horizontal emportant le bourrelet dorsal avec une cicatrice cachée sous la bretelle du soutien-gorge. B. Intersection
entre le bord antérieur du muscle grand dorsal et la palette représentant la zone d'artère perforante. On voit la zone adipofascial prélevée
autour de la palette. C. Dessin du lambeau d'avancement thoraco-abdominal avec le néosillon sous-mammaire, le lambeau MSLD positionné
horizontalement dans le pôle inférieur du sein, une greffe de tissu adipeux est réalisée dans le pôle supérieur du sein. D. La position de l'artère
perforante peut être contrôlée à l'aide d'un appareil Doppler.

239
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Technique opératoire ensuite créé plus haut que la hauteur du point pivot pour
transposer le lambeau vers la loge mammaire. Ce tunnel
Brièvement, après la réalisation des dessins préopératoires selon est resuturé à la paroi thoracique après avoir transposition
les repères précités, au bloc opératoire, la patiente est installée du lambeau afin d'éviter la création d'une tuméfaction
dans un premier temps en décubitus latéral. Une curarisation latérothoracique.
est souvent nécessaire pour le temps de dissection musculaire. Le muscle grand dorsal resté en place est refixé à l'aide de
Nous réalisons une infiltration au sérum physiolo- points en X de PDS® 0. Cette fixation se fait en profitant de
gique sous le fascia superficialis dorsal en regard des son élasticité pour le positionner en regard de l'ancien relief
zones graisseuses prélevées afin de faciliter la dissection du bord antérieur.
sous-fasciale. La palette cutanée est incisée dans sa par- Une infiltration d'anesthésique local de longue durée
tie supérieure. La dissection commence sur la périphérie d'action (ropivacaïne, Naropéïne®) est réalisée dans le
de la palette cutanée dans le plan du fascia superficia- muscle. La fermeture dorsale est effectuée par un capiton-
lis. Ainsi une zone adipofasciale de 4–5 cm est prélevée nage de la zone décollée uniquement. Un drain siliconé
tout autour de la palette cutanée afin d'augmenter la aspiratif est laissé en place.
surface de « matrice vascularisée » qui sera transposée Puis la patiente est positionnée en décubitus dorsal. La
dans la loge mammaire et qui recevra une greffe adipeuse palette cutanée prélevée est entièrement désépidermisée.
ultérieurement. Elle est positionnée dans la loge mammaire.
Puis, le bord antérieur du muscle grand dorsal est repéré En cas de reconstruction mammaire immédiate, une
et décollé. La bifurcation vasculaire entre la branche des- partie de la palette cutanée est utilisée pour la reconstruc-
cendante et la branche transverse de l'artère thoracodorsale tion de la plaque aréolo-mamelonnaire (PAM). En cas de
est repérée par transillumination sous le bord antérieur du reconstruction mammaire différée, un lambeau d'avance-
muscle grand dorsal. L'utilisation d'un Doppler acoustique ment thoraco-abdominal permet de recréer l'enveloppe
peut aider au repérage de la branche descendante mais cutanée.
n'est pas obligatoire. Puis, le muscle grand dorsal est ouvert Le lambeau est fixé dans la loge thoracomammaire anté-
verticalement le long de la branche descendante de l'artère rieure par des points résorbables. Le positionnement du
thoracodorsale. Cette séparation se situe environ à 2 cm du lambeau doit favoriser avant tout le comblement du pôle
bord antérieur du muscle grand dorsal. La dissection est inférieur du sein. Un transfert de tissu adipeux complé-
poursuivie de distal en proximal. Elle est arrêtée en aval de mentaire est réalisé dans le même temps. Celui-ci est pra-
la bifurcation de l'artère thoracodorsale afin de préserver tiqué dans l'épaisseur sous-cutanée de la peau de la région
la branche transversale et le nerf correspondant. Ce point mammaire, dans la palette désépidermisée pour la partie
correspond au point pivot du lambeau (celui-ci peut être inférieure du sein et dans le muscle grand pectoral, et en
remonté comme décrit précédemment). La palette cuta- sous-cutané dans le pôle supérieur du sein.
née est solidaire de la bandelette musculaire par une très Un drain siliconé aspiratif est laissé dans la loge mam-
petite surface. maire et un pansement modelant le sillon sous-mammaire
La bandelette musculaire verticale est séparée du reste est laissé en place pour 2 jours.
du muscle en amont de la pénétration du pédicule thora- Ainsi, en combinant une greffe de tissu adipeux au
codorsal dans le muscle afin de séparer totalement le lam- MSLD dans le premier temps opératoire, un sein de volume
beau du muscle laissé en place. Un tunnel sous-cutané est moyen peut être obtenu immédiatement (fig. 9.73a à d).

240
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B

C D
Figure 9.73
Reconstruction par MSLD droit enfoui avec la création d'un sillon sous mammaire.
A. Repérage de la zone donneuse dorsale. B. Dessin de la palette de MSLD. C. Marquage de la zone thoracomammaire. D. Résultat obtenu à J15.

241
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Cas cliniques
Reconstruction mammaire différée après mastectomie radicale modifiée

A B

C D
Figure 9.74
Patiente de 52 ans avec mastectomie gauche suivie de radiochimiothérapie.
Reconstruction par LATA et MSLD et 3 séances de greffe adipeuse. Mastopexie péri-aréolaire controlatérale et greffe adipeuse dans le sein droit.
Reconstruction de la PAM par dermopigmentation et greffe de mamelon controlatérale. Nombre total d'intervention : 4.

242
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B

C D

Figure 9.75
Patiente de 43 ans avec mastectomie droite suivie
de radiochimiothérapie.
Présence de nombreuses télangiectasies en région
thoracomammaire. Nombre total d'intervention : 4.
Reconstruction par LATA et MSLD et 3 séances de greffe
adipeuse. Mastopexie péri-aréolaire controlatérale et greffe
adipeuse dans le sein gauche. Reconstruction de la PAM
par dermopigmentation et lambeau CV pour le mamelon.
Patiente en cours de traitement par laser pour
E F ses télangiectasies. Nombre total d'intervention : 4.

243
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 9.76
Patiente de 46 ans avec mastectomie droite suivie de radiochimiothérapie.
Reconstruction par LATA et MSLD et 3 séances de greffe adipeuse. Mastopexie avec cicatrice péri-aréolaire et T inversé controlatérale
et greffe adipeuse dans le sein gauche. Reconstruction de la PAM par dermopigmentation et greffe de mamelon controlatérale.
Nombre total d'intervention : 4.

244
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Reconstruction mammaire immédiate après mastectomie


avec conservation de l'étui cutané

A B

C D

Figure 9.77
Patiente de 39 ans ayant eu une tumorectomie des quadrants externes par une
cicatrice arciforme en avant du sillon latéromammaire ; suivie de radiothérapie
et chimiothérapie.
On observe une déformation de la PAM et une dystrophie cicatricielle. Une
mastectomie avec conservation d'étui cutané est réalisée avec une reconstruction
immédiate par MSLD et greffe adipeuse. Une mastopexie controlatérale avec greffe
E adipeuse est réalisée. À noter l'amélioration de la qualité de la cicatrice.

245
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Reconstruction mammaire immédiate bilatérale après mastectomie


prophylactique avec conservation de l'étui cutané

D
Figure 9.78
Mastectomie prophylactique bilatérale avec reconstruction immédiate par double MSLD.
A et B. On voit comment en deux séances de greffe adipeuse le volume et la forme des seins sont restaurés.
C. Première séance de greffe de tissu adipeux avec 230 cc de chaque côté. D. Deuxième séance de greffe de tissu adipeux avec injection de 180 cc
de chaque côté et tatouage des aréoles.

246
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

A B

C D
Figure 9.79
Résultats d'une reconstruction mammaire bilatérale par double lambeau MSLD en reconstruction mammaire immédiate.
On observe de dos la position des cicatrices ainsi que le respect du relief du pilier axillaire postérieur. De face, le volume et la forme des seins
reconstruits ont été obtenus par deux séances de greffe de tissu adipeux, suivies d'une reconstruction de PAM.

247
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

E F
Figure 9.80
Reconstruction mammaire bilatérale par double MSLD : le sein droit après mastectomie radicale modifiée reconstruit par LATA et MSLD
et greffe adipeuse ; le sein gauche après mastectomie prophylactique avec réduction de l'étui cutané par une cicatrice péri-aréolaire
et T inversé. Le volume des deux seins est augmenté par deux séances de greffe adipeuse.

248
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Reconstruction du pôle inférieur du sein après résection de tumeur cutanée


de type Darrier Ferrand

Figure 9.81
Tumeur de type Darrier-Ferrand du quadrant inféro-interne du sein gauche. Résection large et reconstruction par lambeau MSLD.
La palette cutanée est prélevée sur le groupement distal des perforantes cutanées afin d'augmenter l'arc de rotation.

249
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Discussion au prix d'un temps opératoire supplémentaire afin de res-


taurer un volume complet.
L'intérêt du lambeau MSLD comparé au grand dorsal étendu Dans notre équipe, aucun lambeau complet de grand
est la diminution des complications de type sérome, perte dorsal n'a été réalisé en reconstruction mammaire depuis
de fonction du grand dorsal, et douleurs et gênes dorsales. 2009.
Un autre intérêt de cette technique est la préservation du Il est à noter que les équipes réalisant les reconstructions
contour esthétique du dos [14–21]. mammaires microchirurgicales de DIEP ont un recrute-
La littérature met en évidence la faible incidence des ment particulier de patientes «ne souhaitant pas que l'on
complications lors de la réalisation des MSLD. Kim a mis touche à leur dos». Cependant le lambeau de DIEP n'étant
en évidence la diminution du nombre de complications pas toujours possible, le lambeau de MSLD est alors une
après réalisation d'un MSLD comparé au grand dorsal bonne option conservant le caractère «non invasif» de la
étendu [22]. reconstruction.
L'intérêt du MSLD comparativement au lambeau
TDAP est de limiter la souffrance de la pointe cutanée,
de réduire la durée opératoire et la courbe d'apprentis- Conclusion
sage, et de permettre un positionnement de la palette
cutanée indépendamment de la position de l'artère Le lambeau de grand dorsal avec épargne musculaire et
perforante. nerveuse est une solution intéressante en reconstruction
Le faible volume apporté par un lambeau MSLD com- mammaire comme alternative au grand dorsal étendu. Elle
parativement à un lambeau de grand dorsal étendu peut permet de limiter les séquelles au site donneur à savoir
poser problème dans les cas de reconstruction mammaire. séquelles fonctionnelles et complications postopératoires.
En réalité grâce à l'avènement du transfert de tissu adipeux, L'obtention d'un volume satisfaisant est réalisée par l'ad-
cette insuffisance du lambeau MSLD est largement corrigée jonction d'un transfert de tissu adipeux.

9.4. Reconstruction du sein par lambeau partiel


du muscle grand dorsal – Technique chirurgicale pas à pas
M. Veber, A. Mojallal

La reconstruction mammaire autologue utilisant le lam- cette technique avec la greffe de tissu graisseux signifie que
beau de muscle grand dorsal partiel ou «Muscle Sparing la reconstruction du sein peut être effectuée de manière
Latissiumus Dorsi Flap» en anglais (MSLD), épargnant purement autologue même pour des volumes de seins
le muscle dorsal et combinant la greffe de tissu graisseux importants sans l'utilisation de matériel prothétique.
est une nouvelle technique chirurgicale qui minimise les
conséquences sur le site donneur autant que possible.
Sa caractéristique principale est le prélèvement partiel a Technique chirurgicale
minima d'une partie du muscle grand dorsal, sur une bande
musculaire de 3 à 5 cm de large vascularisée par la branche pas à pas (vidéo e9.2)
descendante du pédicule thoracodorsal, dont la fiabilité
a été évaluée par une étude anatomique et radiologique Dessins préopératoires
antérieure [22]. Ses principaux avantages sont la réduction (fig. 9.82 à 9.84)
de la morbidité au niveau du site donneur, la préservation
totale à 100 % de la fonction de contractilité du muscle Il doit se faire debout dans la chambre de la patiente. On note
dorsal épargné, une meilleure récupération physique post­ que la palette cutanée, même si elle est amenée à être enfouie
opératoire pour la patiente, et une plus grande liberté de dans un lambeau d'avancement abdominal dans les cas de
mouvement dans la palette cutanée [23]. L'association de reconstructions mammaires différées, est bas située, entre 12 et
250
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.83
Dessin de la palette cutanée vue de profil bras levé – Repère
anatomiques à respecter.
Dessins : Cyrille Martinet.
Figure 9.82
Dessin de la palette cutanée vue de dos – Repère anatomiques
à respecter.
Dessins : Cyrille Martinet.

Palette anterieure et
basse +++ Figure 9.84
Dessin de la palette cutanée.

251
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

14 cm de la ligne axillaire postérieure, et doit affleurer avec la Dessin du lambeau


ligne antérieure de la projection du bras pour ne pas faire appa-
raître la cicatrice sur la partie antérieure du thorax de la patiente. d'avancement abdominal (fig. 9.85)
Elle doit toujours être plus antérieure d'environ 3 à 4 cm Dans le cadre d'une reconstruction du sein différée, il est
en avant du bord palpé du muscle grand dorsal pour éviter nécessaire de dessiner un lambeau d'avancement abdo-
tout risque de savonnage de la palette, très périlleux, par- minal pour permettre de recruter suffisamment de peau
dessus les quelques perforantes vasculaires retenues. pour la création d'une nouvelle poche cutanée. Il doit être
La palette cutanée ne doit pas avoir une largeur infé- dessiné très bas pour permettre une bonne tenue du sil-
rieure à 4 cm (de manière sécurisante au moins 6 cm) de lon sous-mammaire dans le temps. La hauteur de la peau
manière à inclure au moins deux perforantes pour sa vas- recrutée ne doit pas être trop ambitieuse et ne doit pas
cularisation, notamment pour assurer son retour veineux. dépasser 4 cm.

Cicatrice finale de MSLD


(fig. 9.86 et 9.87)
La cicatrice finale doit être horizontale et située au niveau
de la bride du soutien-gorge pour qu'elle soit le moins
visible possible. Dans les cas les plus favorables avec une
peau souple, il faut essayer de latéraliser la cicatrice au maxi-
mum sous le bras en minimisant le débord postérieur pour
garder un meilleur résultat esthétique du dos.
Dans les cas de lambeau d'avancement abdominal
important, il est possible d'intégrer dans le schéma initial,
la résection cutanée supplémentaire liée au surplus cutané
axillaire obtenu après la mobilisation de la peau abdomi-
nal. Il faut donc réaliser une résection en forme «d'accent
Figure 9.85 circonflexe» pour rejoindre la cicatrice de mastectomie en
Dessin du lambeau d'avancement abdominal dans le cas d'une latéral et obtenir une meilleure définition du sillon latéral
reconstruction du sein différée. de la reconstruction.

A B
Figure 9.86
MSLD avec dessin en accent circonflexe.
A. Résection en accent circonflexe pour absorber le surplus cutané du lambeau d'avancement abdominal dans les reconstructions mammaires
différées. B. Latéralisation de la palette cutanée toujours 3 à 4 cm en avant du bord antérieur du muscle grand dorsal palpé.
Dessins : Cyrille Martinet.

252
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.87
Résultats de cicatrices de prélèvements de lambeau partiel.

Installation au bloc opératoire Infiltration au sérum


(fig. 9.88) physiologique (fig. 9.89)
La patiente est installée en décubitus latéral. Cela permet Les zones de décollement cutané sont infiltrées au
éventuellement d'envisager aussi une double équipe chirur- sérum physiologique pur, cela permet une hydrodissec-
gicale dans le cadre d'une reconstruction mammaire immé- tion pour le repérage du plan chirurgical à suivre. Les
diate. Il faut bien veiller à protéger toutes les zones d'appui zones concernées sont la languette musculaire infé-
(malléole, nerf sciatique poplité externe du genou, épine rieure et la zone cutanée au-dessus de la palette située
iliaque antérosupérieure, billot sous l'épaule). Il est impor- entre la pointe de l'omoplate et le bord supérieur de
tant de vérifier la souplesse de l'épaule levée pour éviter la palette. Il est important de constater que sur la par-
tout risque de lésion du plexus brachial. Il peut être rassu- tie basse du dos, en arrière de la languette musculaire,
rant de positionner le capteur de saturation en oxygène sur aucun décollement cutané ne sera réalisé, ce qui per-
la main surélevée pour déceler tout risque de compression met de se mettre à l'abri du risque de séromes dorsaux
positionnelle pendant la chirurgie. postopératoires.

253
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.88
Installation de la patiente en décubitus latéral pour le prélèvement du lambeau partiel – possibilité de double équipe chirurgicale en cas
de reconstruction mammaire immédiate.

Fascia superficialis
BLANC en plafond de
prélévement

Figure 9.90
Figure 9.89 Décollement cutané sous le fascia superficialis.
Hydrodissection au sérum physiologique des zones de
décollements cutané envisagées.

Décollement cutané (fig. 9.90) Incision du fascia graisseux


(fig. 9.91 et 9.92)
Le décollement de la peau se fait de manière homogène
et régulière avec comme repère le fascia superficialis blanc Le fascia graisseux supérieur représente l'ensemble apo-
nacré qui doit rester au plafond du décollement. Il est mis névrotique et graisseux au-dessus des muscles grand
en avant grâce à l'hydrodissection et doit être respecté de dorsal, grand rond, et rhomboïde. Ce fascia est extrême­
manière précise tout au long du décollement. Cela permet ment vascularisé, visualisation en transillumination)
de garder un aspect cutané du dos sans séquelles de prélè- et plus ou moins épais en fonction des patientes et de
vement, et de préserver le fascia graisseux sur le plan pro- leur indice de masse corporelle. Le bord supérieur doit
fond au contact du muscle, partie essentielle à prélever dans être incisé de manière horizontale et franche jusqu'au
la technique du lambeau partiel du muscle grand dorsal. plan musculaire, à hauteur de la pointe de l'omoplate.
254
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Fascia Graisseux
superieur

Fascia Graisseux
superieur

Figure 9.93
Figure 9.91
Levée du fascia graisseux supérieur en laissant le muscle grand
Incision du fascia graisseux supérieur. dorsal intact.

positionnée de manière plus antérieure lors du dessin


initial. Le décollement du fascia graisseux est largement
favorisé avec une bonne curarisation de la patiente.

Levée du fascia graisseux (fig. 9.93)


Le fascia graisseux est totalement décollé des muscles
sous-jacents depuis la pointe de l'omoplate jusqu'à la
palette cutanée. Cela permet de laisser intact et totale­
ment fonctionnel tout le muscle grand dorsal et ses
muscles synergiques. C'est ici un des points clés de cette
technique opératoire, car à l'inverse du prélèvement du
grand dorsal extensif classique ici le muscle reste totale-
ment intact sur toutes ses zones de fixation anatomique
profondes (pointe de l'omoplate, ligne vertébrale, crête
iliaque).

Décollement du tunnel
Figure 9.92 inférieur (fig. 9.94)
Limite anatomique de l'incision du fascia graisseux supérieur.
Dessin : Cyrille Martinet. Le même décollement sous-cutané en tunnel en dessous
du plan du fascia superficialis est effectué en regard de la
Puis l'incision est prolongée le long du bord antérieur du languette musculaire antérieure du muscle grand dorsal,
muscle grand dorsal sur toute la hauteur possible jusqu'à seule partie musculaire prélevée dans la technique du lam-
la palette cutanée, et sur le long du bord antérieur du beau de grand dorsal partiel, afin de protéger de manière
muscle trapèze sur la partie postérieure du décollement. fiable le pédicule de la branche descendante de l'artère dor-
Le décollement graisseux postérieur peut plus ou moins sale, à l'origine des perforantes musculocutanés qui vont
déborder la largeur de la palette cutanée si celle-ci a été vasculariser le lambeau partiel.
255
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Décollement sous-musculaire dentelé antérieur ou grand dentelé. Le décollement sous-


musculaire se limite à la partie antérieure du muscle grand
profond et repérage de l'artère dorsal sur environ 4 à 6 cm, sur toute la hauteur de ce
du lambeau (fig. 9.95 et 9.96) même bord antérieur, depuis la bifurcation en haut entre
l'artère dorsale et thoracique du pédicule scapulaire infé-
Le bord antérieur du muscle grand dorsal est repéré per-
rieur, jusqu'à l'insertion du muscle en bas sur la crête iliaque.
pendiculaire à l'axe de la palette cutanée, puis il est soulevé
Une fois ce décollement effectué, il faut repérer la branche
à l'aide de l'index pour faire glisser le bistouri électrique
descendante de l'artère dorsale par transillumination au
entre le plan profond du muscle grand dorsal et le muscle
scialytique.

Crête iliaque

Branche descendante
Ant.

Figure 9.95
Figure 9.94 Repérage par transillumination de la branche descendante
Décollement du tunnel cutané inférieur. de l'artère dorsale du pédicule thoracodorsal.

A B
Figure 9.96
Repérage anatomique du bord antérieur du muscle grand dorsal pour réaliser le décollement profond du lambeau partiel. Dissection
profonde du muscle grand dorsal.
Dessins : Cyrille Martinet.

256
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Dissection de l'artère Section musculaire (fig. 9.98)


du lambeau (fig. 9.97) La section de la languette musculaire est réalisée du bas vers
La bifurcation entre la branche descendante et la branche le haut depuis le tunnel inférieur jusqu'à la palette cutanée
transverse postérieure de l'artère dorsale est repérée par sur une largeur de 3 à 5 cm autour de la branche descen-
­transillumination. Il peut exister des variantes anatomiques dante (l'axe de celle-ci ayant été repéré par transillumination
avec parfois une ou deux autres branches descendantes paral- auparavant). La palette cutanée est levée et séparée totale-
lèles à la principale, mais la fiabilité de la hauteur de la bifurca- ment du muscle grand dorsal depuis sa pointe postérieure
tion avec la branche postérieure a été parfaitement établie par jusqu'à l'axe de l'artère de la branche descendante repérée
une étude radio-anatomique déjà publiée. Une transsection par le lac vasculaire. Puis, le reste du muscle est ensuite sec-
du muscle grand dorsale sur 1 cm est effectuée sous la bifur- tionné vers le haut en direction du repérage par le lac de
cation pour glisser une lacette vasculaire de repérage. la bifurcation, sous contrôle de la vue par transillumination.

DISSECTION BIFURCATION
+ REPÉRAGE LACETTE

A B
Figure 9.97
Visualisation de la bifurcation du pédicule par transillumination.
A. Transsection du muscle grand dorsal sur 1 cm, effectuée sous la bifurcation entre la branche descendante et la branche postérieure
de l'artère dorsale. B. Repérage anatomique de la vascularisation visualisée par transillumination.
Dessin : Cyrille Martinet.

A B
Figure 9.98
Section d'une bande musculaire antérieure qui vascularise le MSLD par la branche antérieure du pédicule.
A. Section de la bande musculaire et levée complète du lambeau partiel du muscle grand dorsal. B. Visualisation du degré de liberté des différents
éléments anatomiques du lambeau partiel du muscle grand dorsal, à savoir la bandelette musculaire, la palette cutanée, et le fascia graisseux supérieur.
Dessin : Cyrille Martinet.

257
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Préservation du muscle ment sous-cutané latéral. Il est important de vérifier l'ab-


sence de bride fibreuse cicatricielle post-radiothérapie sur
grand dorsal (fig. 9.99) la zone de passage de la languette musculaire pour éviter
Ainsi 80 à 90 % du muscle grand dorsal sont laissés en tout phénomène de « billot » sur le pédicule.
position anatomique et préservés de tout geste chirurgi-
cal. Il reste parfaitement fonctionnel et contractile pour la Section nerveuse facultative (fig. 9.101)
patiente. L'esthétique du dos est préservée notamment par
l'absence de section du tendon du muscle grand dorsal sur On vérifie avant la fermeture du dos l'absence de tension
sa partie haute et axillaire. On peut observer la très grande sur le pédicule artériel du lambeau. Le point pivot du lam-
mobilité de ce lambeau une fois prélevé. beau est situé au final un peu au-dessus du sillon sous-
mammaire du sein reconstruit dans la plupart des cas. On
peut discuter la dissection et la section du nerf moteur
Tunnellisation du lambeau (fig. 9.100) accompagnant le pédicule vasculaire à ce moment-là.
Le lambeau partiel du muscle grand dorsal est tunnellisé
dans la loge antérieure de mastectomie par un décolle- Fermeture du site donneur (fig. 9.102)
La fermeture dorsale se fait après quelques points de capi-
tonnage au Vicryl® 2/0 du tunnel inférieur par une ferme-
ture en trois plans, fascia superficialis, dermique et surjet
intradermique sur un drain d'aspiration type Blake en sili-
Fascia Graisseux
cone souple. Un pansement compressif est mis en place
Partie posterieure de la
sur le décollement postérieur puis la patiente est mise en
palette cutanée
levée du muscle position demi-assise avec un nouveau champage.

Languette musculaire inferieure


Réalisation du lambeau
muscle Grand Dorsal Preservé
entre 80 % et 90 %
d'avancement abdominal (fig. 9.103)
Le décollement du lambeau d'avancement abdominal est
effectué en préaponévrotique du muscle grand droit jusqu'à
la hauteur du nombril. Seuls les cas de reconstructions mam-
Figure 9.99 maires immédiates avec le chirurgien gynécologue peuvent
Préservation de 80 à 90 % du muscle grand dorsal en position bénéficier de la mise en place directe du lambeau avec
anatomique et parfaitement fonctionnel. reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire immédiate

Bifurcation arterielle

Fascia graisseux superieur

Tunnel vue antérieure

Figure 9.100 Figure 9.101


Tunnellisation du lambeau partiel du muscle grand dorsal. Vérification de l'intégrité vasculaire du lambeau après la tunnellisation.

258
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.102
Fermeture dorsal avec technique de capitonnage des plans
profonds au fil Vicryl® 2/0 en points séparés.

Figure 9.104
Positionnement du lambeau partiel dans la loge
du sein reconstruit.

Figure 9.103
Reconstruction d'une poche cutanée mammaire par lambeau
d'avancement abdominal et enfouissement du lambeau partiel
de muscle de grand dorsal.

en utilisant une partie cutanée de la palette pour réaliser un


lambeau de skate-flap, car l'étui cutané du sein est préservé.
En revanche, dans les cas de reconstructions mammaires dif-
férées, la totalité de la palette cutanée est désépidermisée et
enfouie sous le lambeau d'avancement abdominal.

Positionnement du lambeau dans


la loge du sein (fig. 9.104 et 9.105) Figure 9.105
Le positionnement du lambeau dans la future loge du sein Détail anatomique du positionnement du lambeau partiel
du muscle grand dorsal pour une matrice vasculaire efficace.
reconstruit est important et minutieux, car le lambeau est Dessin : Cyrille Martinet.

259
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

petit et doit servir avant tout de «matrice vascularisée» Cas cliniques et résultats
pour les futurs transferts de graisse ultérieurs. La languette
musculaire est fixée au Vicryl® 2/0 en points séparés sur la (vidéo e9.3)
zone du décolleté. Le fascia graisseux est quant à lui étalé
et fixé sur la réflexion du néosillon sous-mammaire, et la Reconstructions mammaires
palette désépidermisée est rapprochée au maximum du sil- différées (Figures 9.106 à 9.112)
lon mammaire interne pour éviter toute rétraction superfi-
cielle cutanée secondaire. Plus la palette cutanée est épaisse
plus la projection finale est augmentée.

Figure 9.106
Reconstruction mammaire différée du sein gauche par lambeau partiel gauche + 2 transferts de graisses.

260
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.107
Reconstruction mammaire différée du sein gauche par lambeau partiel gauche + 2 transferts de graisses + symétrisation du sein droit.

261
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.108
Reconstruction mammaire différée du sein gauche par lambeau partiel gauche + 2 transferts de graisses + symétrisation sein droit.

262
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.109
Reconstruction mammaire différée bilatérale des seins par lambeau partiel + 3 transferts de graisses par côté.

263
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Résultats cicatrices dorsales

Figure 9.110
Résultat cicatrice de prélèvement bilatéral de lambeau partiel du muscle grand dorsal – Préservation des lignes esthétiques
du dos complètes.

264
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.111
Résultat cicatrice de prélèvement bilatéral de lambeau partiel du muscle grand dorsal – Préservation des lignes esthétiques
du dos complètes.

Figure 9.112
Résultat cicatrice de prélèvement droit de lambeau partiel du muscle grand dorsal chez femme jeune avec latéralisation maximale
de la cicatrice de prélèvement.

265
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Reconstructions mammaires immédiates (figures 9.113 à 9.116)

Figure 9.113
Reconstruction mammaire immédiate du sein gauche par lambeau partiel gauche + 3 transferts de graisses.

266
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Figure 9.114
Reconstruction mammaire immédiate du sein droit par lambeau partiel droit + 3 transferts de graisses.

267
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 9.115
Reconstruction mammaire immédiate bilatérale des seins par lambeau partiel + 3 transferts de graisses par côté.

Figure 9.116
Reconstruction mammaire immédiate du sein gauche par lambeau partiel gauche + 2 transferts de graisses.

268
9. Reconstruction par lambeau de grand dorsal

Reconstructions mammaires STEP by STEP (figure 9.117)

Figure 9.117
Reconstruction mammaire par lambeau partiel du muscle grand dorsal STEP by STEP – Essentiel d'expliquer les différentes étapes
à chaque patiente.

Points clés ■
Rapidité de prélèvement chirurgical du lambeau.

Meilleure récupération postopératoire, hospitalisa-

Épargne du muscle grand dorsal maximal jusqu'à
tion courte et douleur faible.
90 % avec la technique du lambeau de grand dorsal ■
Pas ou peu de sérome dorsal.
partiel. ■
Peut être utilisé en reconstruction mammaire compo-

Reconstruction du sein autologue.
site avec implant mammaire.

Matrice vascularisée pour transfert de tissu adipeux ■
Grande mobilité du lambeau grand dorsal partiel
secondaire.
pour son positionnement.

Esthétique du dos sur zone de prélèvement préservée. ■
Fiabilité technique et chirurgicale, avec technique

Cicatrice de prélèvement dissimulée et latéralisée
facilement reproductible.
dans le soutien-gorge.

Stabilité vasculaire des perforantes de la branche des-
cendante de l'artère dorsale.

269
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

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Esthet 2012 ; 57 : 366–72.

270
Chapitre 10
Reconstruction mammaire par
lambeau abdominal pédiculé
A. Fitoussi, C. Bouteille8

PLAN DU C HAPITRE
10.1. Reconstruction par lambeau
musculocutané pédiculé de muscle
droit de l'abdomen 272
Technique chirurgicale 272
Suites opératoires 288
Complications 289
Résultats 292
Conclusion 292
10.2. Reconstruction par lambeau
musculocutané bipédiculé de muscle
droit de l'abdomen 295
Indications 295
Technique 295
Avantages 297
Inconvénients 299
Discussion 299
8. Avec la collaboration pour l'édition précédente de H. Charitansky.

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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Décrit initialement en 1982 par Hartrampf [1], le lambeau de (fréquentes), voire totales du lambeau (rares). Le but est
muscle droit de l'abdomen, ou Transverse Rectus Abdominal donc de limiter au maximum ces complications par une
Musculocutaneous flap (TRAM), est un lambeau mus- technique de prélèvement parfaite et de gérer au mieux les
culocutané utilisant la peau et la graisse sous-­ombilicale. complications.
L'avantage de cette technique est dû à l'utilisation le plus L'alternative idéale est bien sûr le lambeau de DIEP
souvent d'un volume graisseux important qui permet de (cf. chapitre 11), mais le nombre d'interventions de ce type
ne pas utiliser de prothèse mammaire. Le sein est donc reste limité en France à quelques services pointus qui per-
uniquement reconstruit avec un tissu autologue, souple, mettent la réalisation de ces actes souvent longs (parfois à
modelable et qui permet de mimer au mieux le sein contro- deux équipes), la surveillance rapprochée des suites opé-
latéral. Cet avantage est essentiel sur le long terme, car le ratoires par un personnel nombreux et compétent et les
volume reconstruit suit le vieillissement du sein opposé possibilités de reprises chirurgicales urgentes (jour et nuit)
en termes de ptose, de taille et de consistance. Il s'adapte pour sauvetage du lambeau et réfection des anastomoses
particulièrement à la reconstruction des seins à base large, microchirurgicales, ceci n'étant pas toujours possible dans
volumineux et ptosés, souvent très difficiles à reconstruire des structures orientées vers le traitement en grand nombre
par d'autres méthodes utilisant des implants mammaires. de cancers du sein.
De nombreuses femmes à l'âge du cancer sein, ayant Des alternatives ont été proposées par certains auteurs
pris du poids, présentent un excès cutanéograisseux sous- comme l'adjonction d'un geste microchirurgical pour les
ombilical et une forme de sein volumineuse à base large lambeaux pédiculés. Ceci afin d'améliorer la perfusion du
avec éventuellement une peau thoracique très tendue en lambeau par une anastomose microchirurgicale (avec une
raison de la chirurgie, parfois de mauvaise qualité en rap- veine ou une artère et une veine). Mais ces techniques
port avec la radiothérapie souvent nécessaire. Le lambeau qui nécessitent un temps microchirurgical long («TRAM
de TRAM s'adapte particulièrement à ce type de patiente, turbo» ou «super charge») n'ont pas démontré leur effi-
mais ces indications peuvent être étendues au fur et à cacité et on leur préférera une intervention uniquement
mesure de l'expérience de l'opérateur et chez les patientes macrochirurgicale (lambeaux libres avec patch musculaire,
réticentes à l'idée de l'introduction d'un corps étranger ou à DIEP, etc.) qui ne présente pas les inconvénients pariétaux
la suite d'un échec de reconstruction par prothèse. des TRAM monopédiculés et surtout utilise le pédicule
Ce lambeau reste sous-utilisé en raison du risque de épigastrique inférieur comme principale perfusion qui est
complications parfois difficiles à gérer : en particulier, les de loin plus important en termes de débit.
risques d'éventration et les risques de nécroses partielles

10.1. Reconstruction par lambeau musculocutané pédiculé


de muscle droit de l'abdomen
A. Fitoussi

Technique chirurgicale L'autre raison pour l'utilisation du muscle controlatéral est


la meilleure préservation du sillon sous-mammaire (SSM)
(vidéo e10.1) du sein car le muscle peut passer au niveau du quadrant
inféro-interne du sein opposé et traverser la ligne médiane
Pour la réalisation de ce lambeau, nous utilisons un lam- plus haut en dedans, en évitant ainsi de déformer le sillon
beau à pédicule supérieur unique, en général controlatéral sous-mammaire au niveau du quadrant inféro-interne.
au sein reconstruit (fig. 10.1). Certains utilisent un lambeau Dans certains cas, on utilisera un lambeau bipédiculé afin
homolatéral, ce qui nous semble réalisable mais moins indi- d'augmenter le volume du sein reconstruit et sa f­iabilité,
qué en raison de la plus forte plicature du pédicule muscu- mais au prix d'une plus grande fragilisation de la paroi
laire et donc d'un risque de souffrance majoré du lambeau.

272
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

Lambeau
bipédiculé

Pédicule
épigastrique
supérieur

Anastomose
des
2 réseaux

Pédicule
épigastrique
inférieur

Figure 10.1 Figure 10.2


Vascularisation du lambeau abdominal par l'épigastrique Ouverture des deux gaines des droits, vascularisation optimale
inférieur et supérieur à travers l'anastomose des deux réseaux. de toutes les zones du lambeau.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

abdominale (fig. 10.2) (cf. sous-chapitre 10.2). On pourra Au niveau thoracique


également pratiquer des lambeaux avec anastomose
On repère la fourchette sternale, la ligne médiane, le sillon
microchirurgicale, utilisant le pédicule épigastrique infé-
sous-mammaire et la partie supérieure de la glande mam-
rieur prédominant : TRAM libre (avec prélèvement d'un
maire du sein opposé. Sur le sein à reconstruire, on réalise
« patch » musculaire) ou DIEP sans prélèvement muscu-
la résection de la cicatrice en secondaire et le positionne-
laire, qui sont décrits plus loin. L'avantage musculaire de
ment du sillon sous-mammaire 2 ou 3 cm au-dessus du sein
ces techniques microchirurgicales reste contrebalancé
opposé – car le sillon va largement descendre dès l'incision de
par les problèmes de reprises chirurgicales urgentes
la cicatrice de mastectomie. Le réglage exact se fera sur table,
liées à un défaut de perméabilité des sutures microchi-
en position assise, lambeau en place, en fin d'intervention.
rurgicales et du risque de nécrose totale du lambeau.
Le bénéfice sur la paroi n'est pas aussi optimal qu'on le
souhaiterait. Au niveau abdominal
On trace d'abord la limite inférieure du prélèvement dans
le pli naturel sus-pubien – éventuellement sur la cicatrice
Dessins préopératoires horizontale, si elle existe –, puis le tracé supérieur passant
Les dessins préopératoires sont essentiels à la bonne réali- 1 à 2 cm au-dessus de l'ombilic qui emmènera donc les per-
sation de l'intervention. Ils sont pratiqués sur une patiente forantes para-ombilicales. Latéralement, les deux cicatrices
déshabillée, réveillée et avec un feutre indélébile. Ils doivent se rejoignent suffisamment loin pour éviter une oreille
être réalisés la veille ou le matin de l'intervention sur une externe sur les épines iliaques (fig. 10.3).
patiente debout, puis couchée afin de ne pas sous-estimer On vérifiera en position allongée que la fermeture est
les tensions et de positionner au mieux les cicatrices abdo- possible sans trop de tension ; sinon, il faudra modifier le
minales et celles du sein reconstruit. tracé en remontant la cicatrice inférieure (fig. 10.4).
273
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 10.3
Dessins préopératoires avec position des perforantes.

Au niveau du lambeau, on trace les différentes zones de


perfusions du lambeau, de I à IV en allant de la meilleure Figure 10.4
à la moins bonne. Initialement décrite avec une zone I sur Le tracé supérieur du lambeau remonte au-dessus de l'ombilic ;
le muscle, deux zones II de chaque côté puis deux zones III une partie sus-ombilicale de graisse sera prélevée afin
et enfin une zone IV la plus externe et opposée au muscle d'augmenter le nombre de perforantes péri-ombilicales prélevées.
Le tracé du sein respecte le sillon sous-mammaire futur ; il sera finalisé
prélevé (fig. 10.5a), cette répartition évolue progressive- en position assise en fin d'intervention par un décollement à la demande.
ment vers une plus grande perfusion du côté du muscle Dessin : Cyrille Martinet.
prélevé, avec une zone I en regard du muscle et la meil-
leure perfusion côté homolatéral ; le côté opposé est mal
perfusé, surtout la partie la plus externe et la zone para- Temps opératoires
ombilicale (zone IVbis) ; c'est pourquoi ces zones seront
systématiquement réséquées. Seule la zone la plus proche Au niveau thoracique
de la ligne médiane bénéficie d'une relativement bonne Dans le cas d'une reconstruction mammaire différée, on com-
perfusion (fig. 10.5b). mence par exciser la cicatrice de mastectomie (fig. 10.6). Cette
cicatrice est envoyée en anatomopathologie afin de détecter
une récidive pariétale (fig. 10.7). La peau est ensuite décollée
Installation de la patiente vers le haut dans le plan prémusculaire jusqu'au tracé. Puis, le
La patiente est installée en décubitus dorsal. Les deux bras décollement sous-cutané est poursuivi vers le bas jusqu'au
sont positionnés à 90° d'abduction sur deux tables à bras. futur sillon sous-mammaire. La hauteur est déterminée par
L'abdomen, le thorax et les deux creux axillaires sont inclus rapport au niveau du sillon controlatéral en restant 1 à 3 cm
dans le champ opératoire. L'installation doit permettre plus haut jusqu'au réglage final. La peau inférieure est excisée
d'asseoir la patiente en fin d'intervention pour le modelage en fonction des besoins et de ses qualités trophiques. Elle
du lambeau et la fermeture abdominale. sera remplacée par celle du lambeau (fig. 10.8).
274
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

A B
Figure 10.5
Zones vasculaires du lambeau.
A. Répartition des zones vasculaires du lambeau selon Hartrampf. B. Répartition modifiée de la qualité de la vascularisation, selon les études
récentes et notre expérience.
Dessins : Cyrille Martinet.

Futur sillon Figure 10.7


sous-
Résection de la cicatrice de mastectomie ; l'incision inférieure
mammaire
est positionnée 2 cm au-dessus du futur sillon.

Figure 10.6
Incision inférieure au moins 2 cm au-dessus du futur sillon sous-
mammaire ; le réglage de la hauteur se fera en fin d'intervention.
Dessin : Cyrille Martinet.

L'intervention peut être réalisée à deux équipes. Dans le


cas d'une reconstruction mammaire immédiate, on réalise
une mastectomie de type Patey ou, si possible, une mastec-
tomie avec conservation de l'étui cutané. Dans ce cas, l'inci-
sion est dessinée autour de l'aréole puis est radiaire externe
Figure 10.8
avec un prolongement externe suivant le sillon sous-mam- Décollement complet de l'ancienne loge de mastectomie.
maire et se dirigeant vers le creux axillaire, permettant un
prélèvement axillaire s'il est nécessaire (fig. 10.9a). externe en réséquant une partie de l'excédent cutané à
En cas de ptose ou de sein trop volumineux, de multiples l'union des quadrants externes (fig. 10.9b), en repositionnant
solutions sont envisageables afin de réduire la taille de l'étui la future aréole plus haute et en dedans, soit par technique en
cutané : soit comme dans les oncoplasties par technique «T» inversé, afin de réduire la base du sein reconstruit si cela
275
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 10.9
Temps thoracique.
A. Incision péri-aréolaire et radiaire externe en cas de petit sein. B. Incision comme pour une oncoplastie externe en cas de sein moyen-gros
à réduire. C. Incision en «T» inversé en cas de gros volume mammaire à réduire de façon importante. D. Incision standard de mastectomie
en cas de trouble trophique de la peau ou de récidive proche de la peau.
Dessins : Cyrille Martinet.

est nécessaire (fig. 10.9c). Sinon, on pourra utiliser une inci- muscle droit de l'abdomen controlatéral est le plus sou-
sion biconcave de mammectomie traditionnelle (fig. 10.9d), vent préféré.
surtout en cas de séquelles radiques ou de tabagisme impor-
tant en raison du risque de souffrance de l'étui cutané. Incision de la berge supérieure et décollement
du tablier sus-ombilical
Au niveau abdominal Ce décollement se fera au plus près de l'aponévrose, sauf
L'opérateur se place à droite de la patiente pour le au niveau sus-ombilical sur 3 à 4 cm de hauteur, car les
temps de décollement abdominal. Le prélèvement du éventuelles perforantes sus-ombilicales peuvent être
276
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

­emmenées (fig. 10.10a). Le décollement est large pour


permettre d'abaisser facilement la cicatrice au pubis. En Attention à ne pas remonter trop haut du côté du sein à
hauteur, on remonte jusqu'à dépasser la xiphoïde au reconstruire : il faut rester en dessous du tracé du futur sil-
milieu, et au-dessus des deux ou trois dernières côtes lon sous-mammaire afin de ne pas le décrocher (fig. 10.11).
latéralement (fig. 10.10b). Au total le décollement cutané est représenté en gris
(fig. 10.12).

A B
Figure 10.10
Incision supérieure et décollements de la zone sus-ombilicale laissant la graisse sus-ombilicale avec les perforantes qui la traversent (A),
et décollement en haut qui dépasse la xiphoïde, plus limité du côté du sein à reconstruire (B).

Futur
sillon
sous-
Aponévrose mammaire Zone
pré- de décollement
musculaire
Graisse
prélevée

Figure 10.12
Figure 10.11 La zone de décollement abdominal remonte plus haut du côté opposé
Décollement sur l'aponévrose de toute la zone sus-ombilicale, au sein reconstruit, passe sous le quadrant inféro-interne opposé en
sauf sur quelques centimètres au niveau de la ligne médiane. évitant la zone du sillon sous-mammaire du sein reconstruit.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.
277
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Incision de la berge inférieure On décollera très peu en dessous de cette incision, uni-
quement afin de préparer et de faciliter la fermeture
L'incision de la berge inférieure ne sera réalisée qu'après
cutanée. Les deux extrémités seront bien dégraissées afin
avoir vérifié que la laxité de la paroi cutanée permet
d'éviter la création d'« oreilles » externes disgracieuses.
une fermeture aisée en position demi-assise (fig. 10.13).

Création du tunnel présternal


dans lequel passera le lambeau
Ce tunnel est effectué en bas au niveau du quadrant inféro-
interne du sein opposé ; il remonte le long du sein puis tra-
verse la ligne médiane afin de rejoindre le décollement de la
mastectomie, en évitant de trop détruire le sillon sous-mam-
maire du sein traité. Seule la partie la plus interne du sillon
sous-mammaire sera soulevée (fig. 10.14). Ce passage doit
être suffisamment large afin de laisser passer le lambeau sans
traction majeure ou distorsion, qui pourrait léser les perfo-
rantes et donc la vascularisation du lambeau (fig. 10.15).

Tunnel
présternal

Figure 10.13
En position assise, on vérifiera la bonne fermeture cutanée,
sans trop de traction avant l'incision cutanée inférieure.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 10.15
Le décollement rejoignant la future loge mammaire passe sous
le quadrant inféro-interne du sein opposé sur la ligne médiane
Figure 10.14 et quelques centimètres en dehors, afin d'éviter de détruire le
Création du tunnel de passage au niveau du quadrant inféro- futur sillon sous-mammaire.
interne controlatéral et sur la ligne médiane. Dessin : Cyrille Martinet.

278
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

Décollement latéral du lambeau sa mobilisation (fig. 10.19), les perforantes internes doivent
être respectées.
Les deux hémi-palettes du lambeau réunies sur la ligne
médiane vont être décollées latéralement jusqu'aux pre-
Définition des limites de la résection
mières perforantes, côté du muscle prélevé, et jusqu'à la
aponévrotique
médiane de l'autre côté (fig. 10.16). On retrouve souvent
plusieurs perforantes sur la même ligne verticale qui seront On trace les limites du muscle droit de l'abdomen, qui
préservées au maximum. Il sera préférable, afin de préserver seront facilement identifiables en faisant contracter le
ces perforantes, de s'arrêter quelques millimètres avant afin muscle par une stimulation électrique (fig. 10.20). Puis on
de ne pas les léser (fig. 10.17). positionne la ligne médiane, la xiphoïde, le bord inférieur de
la dernière côte (fig. 10.21 et 10.22).
Libération de l'ombilic
L'ombilic sera libéré au ciseau ou au bistouri en le conser-
vant assez grand pour éviter sa rétraction lors de la suture
(fig. 10.18a). Sa libération se fera jusqu'à l'aponévrose, en évi-
tant de le dévasculariser en passant trop près (fig. 10.18b).
L'ombilic est mis sur un fil long en traction afin de faciliter

Figure 10.17
Décollement latéral externe du lambeau jusqu'aux premières
perforantes, en évitant de les traumatiser ou de les coaguler. En
Figure 10.16 interne, les perforantes controlatérales pourront être facilement
repérées.
Visualisation des premières perforantes externes qui limite
Dessins : Cyrille Martinet.
le décollement.

A B
Figure 10.18
Libération de l'ombilic jusqu'à l'aponévrose.

279
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Entrée
des vaisseaux
épigastriques
supérieurs
Figure 10.19
Libération de l'ombilic en respectant sa vascularisation Sections
et les perforantes internes. de l’aponévrose
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 10.22
Vascularisation du muscle sous l'aponévrose. Repérage
de la xiphoïde et de la ligne médiane. Tracé de la future
incision aponévrotique qui remonte en latéroxiphoïdien en
dedans et préserve quelques centimètres de l'aponévrose
interne et externe. L'incision en externe remonte sur les côtes
vers la ligne médiane afin de faciliter la rotation du lambeau.
Figure 10.20 Dessin : Cyrille Martinet.
Définition de la zone aponévrotique qui sera libérée et entraînée
avec le lambeau.
Incision de l'aponévrose le long du bord externe
du muscle
Cette incision reste très superficielle et à distance de la ligne
des perforantes (fig. 10.23). Elle démarre quelques centi-
mètres au-dessus de la cicatrice cutanée inférieure ; elle se
prolonge tout le long des perforantes en sous-ombilical
et le long du bord externe du muscle droit de l'abdomen.
Elle se termine au niveau de la dernière côte et remonte
­au-dessus vers l'extérieur (fig. 10.24). Elle pourra être prati-
quée soit au bistouri électrique faible, soit au bistouri froid,
soit aux ciseaux fins.

Incision de l'aponévrose le long du bord interne


du muscle
Figure 10.21
Dessin de la ligne médiane, la xiphoïde et la dernière côte On commence par poursuivre le décollement cutané en
afin de tracer la zone aponévrotique à réséquer. dedans en dépassant l'ombilic ; on poursuit sur 2 ou 3 cm
280
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

jusqu'aux premières perforantes internes (fig. 10.25). dedans du muscle afin de limiter la largeur de la bande apo-
L'incision aponévrotique interne partira du bord externe de névrotique qui sera réséquée avec le muscle et de faciliter la
la xiphoïde, le long du bord externe du muscle, 1 cm en fermeture (fig. 10.26).

Figure 10.23 Figure 10.25


Incision de l'aponévrose au plus proche des perforantes Incision du bord interne de l'aponévrose au contact
afin d'économiser l'aponévrose et de préserver la vascularisation des perforantes internes.
du lambeau.

Figure 10.24 Figure 10.26


Incision aponévrotique le long du muscle droit de l'abdomen Vue de l'autre côté avec l'ombilic et les perforantes internes.
quelques millimètres en dedans du bord externe. Incision qui Dessin : Cyrille Martinet.
descend en sous-ombilical en respectant les perforantes externes.
Dessin : Cyrille Martinet.
281
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Dissection du pédicule épigastrique inférieur


La curarisation doit être de bonne qualité pour faciliter le
À la partie inférieure de l'incision aponévrotique externe, on sou-
geste opératoire pendant toute la durée du prélèvement
musculaire et éviter des contractions abusives qui pour-
lève l'aponévrose et on individualise le pédicule qu'on isole sur
raient léser les perforantes. un lac. Le pédicule est libéré le plus bas possible pour préserver
une grande longueur, puis sectionné (fig. 10.30). Toutes les colla-
térales sont clippées. En cas de souffrance du lambeau, certains
peuvent réaliser une anastomose vasculaire pour améliorer la
Décollement de l'aponévrose en externe perfusion (fig. 10.31), ou en cas de souffrance, afin de tenter de
et en interne pour libérer le muscle sauver le lambeau en réalisant une double anastomose.
Il faut éviter de léser les perforantes (fig. 10.27). Ce geste
est rendu difficile au niveau des bandelettes aponévro-
tiques («inscriptions»), qui sont très adhérentes. Cette
aponévrose doit être respectée pour faciliter la fermeture
(fig. 10.28 et 10.29).

Figure 10.27
L'aponévrose est sectionnée en évitant de léser les perforantes ;
les pédicules intercostaux sont sectionnés.

Figure 10.29
Vue avec l'aponévrose soulevée sur les inscriptions. L'aponévrose
Figure 10.28 est décollée en externe et en interne en respectant son épaisseur
L'aponévrose est respectée et économisée afin de faciliter au niveau des inscriptions en blanc.
la fermeture aponévrotique. Dessin : Cyrille Martinet.

282
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

Figure 10.30 Figure 10.32


Section du pédicule épigastrique inférieur le plus loin possible, Section du muscle droit de l'abdomen en dessous de la sortie
afin de pratiquer une éventuelle anastomose en cas de souffrance du pédicule épigastrique inférieur.
du lambeau.

Perforantes

Pédicule
épigastrique
inférieur
Figure 10.33
L'aponévrose et le muscle sont solidarisés par des points
de suture afin de limiter les souffrances du lambeau
par distorsion des vaisseaux perforants lors de sa montée.
Figure 10.31
Dissection du pédicule épigastrique inférieur le plus loin possible
et section-suture. Résection des zones mal vascularisées du lambeau
En cas de problème vasculaire majeur, une anastomose
microchirurgicale est toujours réalisable, transformant le lambeau Dès que le pédicule épigastrique inférieur est sectionné, la
pédiculé en lambeau libre. perfusion du lambeau n'est plus effectuée que par l'épigas-
Dessin : Cyrille Martinet.
trique supérieur, dont le débit est inférieur. C'est pourquoi il
Section du muscle très bas, en dessous de l'entrée faut rapidement se débarrasser des zones à faible perfusion
du pédicule épigastrique inférieur dans le muscle IV et IVbis et, parfois, tout ou partie de la zone III si cela est
nécessaire (fig. 10.35). On apprécie au cours de l'interven-
Le muscle est isolé très bas, en évitant de prendre le pédi- tion la qualité de la perfusion à la couleur du sang artériel et
cule (fig. 10.32), puis il est sectionné au bistouri électrique. au retour veineux sur le lambeau. On adaptera la taille du lam-
On solidarise ensuite le muscle et l'aponévrose par des points beau à la qualité de sa vascularisation (fig. 10.36 et fig. 10.37).
séparés résorbables, afin d'éviter les effets de distorsion sur
les perforantes lors de la mobilisation du lambeau (fig. 10.33).
Levée du lambeau
Lorsque tous les éléments sont protégés, on pourra alors réa-
liser la section très basse microchirurgicale (artère et veines) Après la section du muscle à sa partie inférieure, on lève
du muscle grand droit, au-dessous du pédicule et sous la progressivement le lambeau en décollant le muscle après
protection d'un doigt glissé de part et d'autre (fig. 10.34). l'avoir séparé de l'aponévrose postérieure. On sectionne au
283
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Perforantes

Pédicule
épigastrique
sectionné

Section
du muscle

Figure 10.36
Vérification de la vascularisation la plus distale du lambeau ;
la taille est adaptée aux besoins.
Figure 10.34
Section du muscle sous la naissance du pédicule épigastrique
inférieur. Doigt mis en crochet de protection. Section de la totalité
du muscle droit très bas, en dessous de l'entrée du pédicule
épigastrique inférieur en le protégeant du doigt mis en crochet.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 10.37
Les zones IV, IVbis et une partie de la zone III voire de
la II opposée sont réséquées. On vérifie la bonne qualité
de la perfusion du lambeau sur toute sa périphérie.
Dessin : Cyrille Martinet.
Figure 10.35
Réduction du lambeau en éliminant les parties les moins bien
vascularisées, zones IV et III distales.

fur et à mesure les pédicules intercostaux à la partie externe


du muscle (fig. 10.38). Ce décollement se fait très progressi-
vement, en respectant la vascularisation, et remonte jusqu'à
la dernière côte ; le plus souvent, on visualisera l'entrée du
pédicule épigastrique supérieur dans le muscle environ
2 cm en dedans de la ligne médiane (fig. 10.39 et 10.40).
On sectionnera le pédicule du huitième espace intercostal,
ce qui facilitera la rotation du lambeau (fig. 10.41 et 10.42).
En général, nous prélevons le muscle dans sa totalité sans
conservation de fibres musculaires internes ou externes –
cette conservation ne présente à nos yeux qu'une difficulté Figure 10.38
supplémentaire de prélèvement, un risque vasculaire sup- Section de tous les pédicules intercostaux le long du bord externe
plémentaire, sans aucun avantage en termes de fonction du muscle.

284
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

Figure 10.39 Figure 10.41


On visualise le pédicule épigastrique supérieur 2 cm en dehors Section du nerf du huitième espace intercostal, ce qui permet
de la ligne médiane. de dénerver le muscle.

Pédicule
épigastrique
inférieur
sectionné

Pédicule
Section
intercostale
Pédicule du nerf
sectionné e
ombilical du 8 espace
sectionné intercostal
Pédicule
épigastrique Pédicule
supérieur épigastrique
supérieur

Figure 10.42
Pour faciliter la mobilité du lambeau, le nerf du huitième espace
intercostal est sectionné et la quasi-totalité du muscle est coupée
sur la dernière ou l'avant-dernière côte, afin d'éviter tout risque
vasculaire.
Dessin : Cyrille Martinet.
Figure 10.40
Levée progressive du muscle déjà libéré latéralement puis section
de toutes ses attaches vasculaires (le pédicule épigastrique Section quasi complète
inférieur en bas, le pédicule ombilical en dedans, tous les de la partie supérieure du muscle
pédicules intercostaux en dehors et les attaches profondes).
Dessin : Cyrille Martinet. Cette section n'est pas systématique, mais elle facilite la
rotation du lambeau et diminue la traction sur le muscle en
musculaire résiduelle. L'aponévrose et le muscle droit de réduisant la distance jusqu'au sein reconstruit. La perfusion
l'abdomen sont sectionnés sur une côte de l'extérieur vers du lambeau est donc améliorée (fig. 10.43 et 10.44).
l'intérieur (fig. 10.43), jusqu'à 1 ou 2 cm de la ligne médiane
Passage du lambeau par le tunnel
en haut, ce qui facilite sa rotation et va entraîner une atro-
en position thoracique
phie du muscle, évitant ainsi le bombement intermam-
maire fréquent ; on l'associe à la section du nerf du huitième Le lambeau est saisi par la pointe opposée au sein reconstruit ;
espace intercostal qui innerve ce muscle. après une rotation de 180° (fig. 10.45), il sera p
­ ositionné sur le
285
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Rotation
de 180°
du lambeau

Figure 10.43 Muscle


Section quasi complète du muscle sur une côte afin de faciliter grand
sa rotation et de diminuer la traction. droit

Figure 10.45
Rotation de 180° de la pointe du lambeau, qui se retrouve
à l'extérieur, en dehors et l'ombilic vers l'intérieur.
Dessin : Cyrille Martinet.
Section
du muscle

Pédicule
épigastrique
supérieur

Figure 10.44
Section de l'aponévrose et du muscle quasiment jusqu'à
la xiphoïde, en restant sur une côte afin de protéger le pédicule,
pour faciliter la rotation et diminuer cette distance.

thorax avec l'ombilic en dedans (fig. 10.46). On vérifiera que


le muscle se positionne sans traction ni torsion (fig. 10.47). Figure 10.46
Le lambeau est saisi à la partie externe du côté du muscle ; il subit
une rotation de 180° après passage dans le tunnel.
Modelage du lambeau
Une fois le lambeau positionné sur le thorax, on assoit la au sein reconstruit (fig. 10.48). On en profitera pour contrô-
patiente et on modèle le lambeau pour lui donner la forme ler la bonne vascularisation de la zone désépidermisée. Le
du sein controlatéral, si possible légèrement plus gros afin sein est ensuite suturé sur un drain (fig. 10.49).
de pouvoir effectuer un remodelage dans un deuxième
Fermeture de l'aponévrose
temps. Si le lambeau est trop volumineux, on en profitera
pour le réduire afin d'améliorer sa perfusion avant la suture Ce temps opératoire doit être effectué sur une patiente
définitive. La partie la plus interne est la mieux vascularisée. bien curarisée pour faciliter la suture aponévrotique.
Le plus souvent, la partie supérieure du lambeau est désépi- Lorsque les patientes sont minces, on fermera directe-
dermisée et enfouie sous la peau afin de créer un segment II ment ­l'aponévrose. Mais, le plus souvent, nous utilisons
286
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

Enfouissement
et suture
du lambeau

Figure 10.47
Aspect du tunnel après passage du lambeau ; le muscle
ne présente aucun signe de traction.

Figure 10.49
Enfouissement d'une partie du lambeau désépidermisée
afin de reconstruire le galbe du sein.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 10.48
Le lambeau en place après son passage et positionnement
avec l'ombilic en dedans.

une plaque positionnée entre les deux feuillets de l'apo-


névrose. Cette plaque non résorbable est étalée par des
points séparés de Vicryl® 2/0 afin de combler tout le défect Dernière
aponévrotique ; puis l'aponévrose est refermée par deux côte
hémi-surjets de fil non résorbable (Ethicrin®). La plaque est
donc totalement enfouie afin de diminuer le risque infec-
Plaque
tieux en cas de souffrance ou de nécrose cutanée abdo-
minale (voire de lymphocèle). La partie haute de la gaine
des droits est fermée le plus haut possible afin de limiter le
risque d'éventration haute, tout en évitant une compres-
sion du pédicule épigastrique supérieur (fig. 10.50).

Médialisation de l'ombilic
L'ombilic est attiré en dehors par la traction exercée
lors de la fermeture de l'aponévrose. Afin de corriger Figure 10.50
ce déplacement, on peut soit pratiquer une plicature Fixation de la plaque par points séparés résorbables.
Fermeture de l'aponévrose par un surjet n° 1 non résorbable
en miroir et équivalente en traction à celle due au ­par-dessus la plaque, qui est enfouie.
prélèvement musculaire, par un surjet de haut en bas, Dessin : Cyrille Martinet.

287
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Recentrage
de l’ombilic

Figure 10.51
L'ombilic est recentré vers la ligne médiane par points séparés pour
diminuer l'attraction vers la zone de prélèvement aponévrotique.
Dessin : Cyrille Martinet.

soit transposer simplement l'ombilic par deux ou trois Figure 10.52


points positionnés à la base de l'ombilic qui le ramène Suture abdominale et du sein sur drain de Redon.
en dedans (fig. 10.51). Dessin : Cyrille Martinet.

Fermeture cutanée
par vingt-quatre heures. La reprise alimentaire progressive
Cette suture se fait en deux plans en évitant les «oreilles» légère commence à J2.
externes, sur deux drains de Redon. L'ombilic est reposi- La sortie a lieu entre J5 et J10, en fonction des drains de
tionné sur la ligne médiane à la hauteur correspondante à Redon et des douleurs abdominales.
sa position après avoir effectué une incision horizontale de
la taille correspondante à l'ombilic. La peau sera fermée en
deux plans (fig. 10.52).
Avantages et inconvénients du lambeau TRAM

Suites opératoires Avantages



La technique de reconstruction mammaire par lam-
Le rythme de surveillance du lambeau est de toutes les beau abdominal permet de ne pas utiliser d'implant
le plus souvent, ce que souhaitent bon nombre de
trois heures, puis toutes les six heures pendant deux jours :
patientes.
coloration, chaleur, saignement anormal… Ensuite, la sur- ■
Des volumes importants (supérieur à 500 cm3)
veillance est espacée progressivement. peuvent être reconstruits avec des bases d'implan-
Le premier lever est effectué à J1 si possible, mais le plus tation très larges et un aspect très naturel du sein
souvent à J2 et de façon très progressive. L'ablation des reconstruit.
drains se fera dès que le débit devient inférieur à 50 mL
288
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé


Cet aspect naturel permet de diminuer le nombre
Complications
de symétrisations (et donc de cicatrices) sur le sein
C'est, bien sûr, l'écueil majeur de ce type de reconstruction.
opposé.

Il est particulièrement utile en cas d'échec d'autres Il faudra apprendre avec l'expérience à bien sélectionner les
techniques ou de contre-indications en raison de pro- patientes, limiter le nombre et l'importance de ces compli-
blèmes locaux (en particulier par prothèse). cations, gérer au mieux ces complications afin de les réduire

La souplesse du lambeau est souvent très proche du au minimum.
sein d'origine. Une information complète des avantages et inconvénients

La chaleur est semblable au reste du corps. de la technique doit être fournie à la patiente avec, éventuel-

Le vieillissement du sein est très proche du sein lement, des photographies afin qu'elle puisse avoir une idée
opposé. réelle des résultats et des cicatrices de cette chirurgie.

L'apport cutané important permet des reconstruc-
tions sur des zones thoraciques fines, rétractiles ou
irradiées. Complications en rapport

Il peut également être utilisé en couverture pour des avec une souffrance
pertes de substance très larges.

La couleur et la texture du lambeau sont souvent très cutanéograisseuse
proches de celles du sein à reconstruire.
La souffrance cutanéograisseuse est la première complica-

Il existe un avantage esthétique non négligeable pour
tion à redouter dans les suites opératoires immédiates.
certaines patientes en termes de réduction du pani-
cule abdominal.
Au niveau du sein reconstruit
Limites, inconvénients, contre-indications

Intervention longue avec nécessité de faire un bilan Elle est le plus souvent partielle et peu étendue, débutant le
complet préopératoire, non indiquée pour des plus souvent par une zone qui devient bleue, puis se limite
patientes «fragiles». à une zone bien limitée sous laquelle la graisse souffre sou-

Difficultés techniques non négligeables, avec une vent de façon plus étendue. Le plus souvent, elle se limite
courbe d'apprentissage longue. à moins de 10 % du volume total, ce qui souvent pose peu

Cicatrices abdominales étendues et parfois
de problème car le volume de la reconstruction est souvent
disgracieuses.

Contre-indications relatives : grandes obèses, taba- laissé plus volumineux que le sein opposé afin de pouvoir
gisme majeur, cicatrices abdominales multiples, l'ajuster secondairement. Le plus souvent, une simple cica-
diabète, asthme invalidant, liposuccion abdominale, trisation dirigée est suffisante pendant quelques semaines,
risque thromboembolique… laissant parfois un nodule de cytostéatonécrose en place de

Contre-indications absolues : trouble de la coagula- la zone de souffrance (fig. 10.53).
tion, patiente sous anticoagulants, antécédent d'em-
bolie pulmonaire ou de phlébite profonde étendue,
cicatrices abdominales transversales sus-ombilicales,
plastie abdominale, hernie ou éventration étendue
même traitée…

Gestion des complications parfois au long cours, avec
possibilité de réintervention si nécessaire.

Taux de complications non négligeable.

Fiabilité du lambeau inférieure à celle du lambeau
de grand dorsal (mais volumes reconstruits plus
importants).

Désir de grossesse à court terme.

Sportives de haut niveaux ou très orientées sur la
ceinture abdominale.

Les activités sportives ne sont pas reprises avant deux Figure 10.53
mois, très progressivement, en évitant la mise en tension Souffrance du lambeau de moins de 10 % : le plus souvent,
majeure des muscles abdominaux. cicatrisation dirigée.

289
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Parfois, plus importante, comprise entre 10 et 30 % du


volume du lambeau, elle pose alors beaucoup plus de
problèmes de volume global et de remodelage du lam-
beau, mais aussi en raison de l'exposition de certaines
zones ­difficiles à combler secondairement – en particu-
lier la partie interne du sein reconstruit. Si la reprise est
très précoce, avant que le lambeau ne se « fige » dans
les vingt-quatre à quarante-huit premières heures, on
tentera de redistribuer le lambeau après résection de la
zone nécrosée. Ce geste très précoce peut permettre de
redistribuer le volume du lambeau et éviter l'extension
des lésions de thromboses. Un geste de symétrisation
sera pratiqué ultérieurement. Si la reprise n'est pas pos- Figure 10.55
sible immédiatement, il faudra attendre que le lambeau Nécrose majeure du lambeau : complication très rare.
s'autonomise et qu'il redevienne souple pour essayer de
le redistribuer, dans le même temps qu'une symétrisa-
tion (fig. 10.54).
Très rarement, la souffrance peut être plus éten-
due encore et dépasser 30 % du volume du lambeau,
voire générer une nécrose totale. Une reprise de la
reconstruction par une autre technique sera alors le
plus souvent nécessaire après mise à plat du lambeau
(fig. 10.55).

Au niveau abdominal
Une souffrance cutanéograisseuse très localisée à la partie
médiane du tablier abdominal sous tension, voire au niveau
ombilical, n'est pas rare. Son traitement est souvent facile
avec une cicatrisation dirigée (fig. 10.56).
De façon exceptionnelle, on peut voir des nécroses éten-
dues abdominales, dont le traitement est similaire à celui Figure 10.56
des cellulites (fig. 10.57). Souffrance de la peau abdominale : cicatrisation dirigée.

Figure 10.54
Souffrance de 10 à 30 % : reprise chirurgicale avec réétalement Figure 10.57
du lambeau si nécessaire. Rarissime nécrose étendue de la paroi abdominale.

290
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

Complications en rapport Complications en rapport


avec une lymphocèle avec une infection de la plaque
Le plus souvent au niveau abdominal, plus rarement au rétroaponévrotique
niveau du sein reconstruit, les ponctions itératives en Cette complication rare (environ 1 % des cas) s'exprime le plus
viennent généralement à bout. La reprise d'un drainage est souvent par des fistules cutanées qui prennent naissance en
exceptionnelle. rétroaponévrotique, avec pour point de départ la prothèse.
Tous les traitements locaux ou limités sont généralement inef-
Complications en rapport ficaces. Il faudra effectuer une ablation complète de la plaque
pour éviter la récidive et tout risque d'extension (fig. 10.60).
avec une faiblesse pariétale
En général, il s'agit de simples douleurs au niveau de la zone
de prélèvement musculaire, qui peuvent évoluer de façon
plus ou moins chronique. La faiblesse pariétale peut être
associée à une voussure de la paroi abdominale (fig. 10.58),
en particulier à la partie inférieure du prélèvement muscu-
laire. Il s'agit d'une faiblesse pariétale sans véritable éventra-
tion : la paroi devient fine et se distend progressivement. En
cas de lésion gênante ou évolutive, une reprise chirurgicale
sera nécessaire avec, le plus souvent, mise en place d'une
plaque rétro- ou préaponévrotique plus solide.
En cas d'éventration évidente, le traitement chirurgical
est bien sûr obligatoire, si possible associé au deuxième
temps de reconstruction, afin de limiter le nombre d'inter-
ventions et d'anesthésies (fig. 10.59).

Complications thromboemboliques Figure 10.59


Éventration importante après TRAM monopédiculé :
Les complications thromboemboliques sont en général limi- réintervention urgente nécessaire.
tées à une phlébite, qui sera traitée par anticoagulants afin
d'éviter une migration des emboles, avec un risque d'embo-
lie pulmonaire faible (environ 1 %), mais non négligeable.

Figure 10.58 Figure 10.60


Simple voussure abdominale sur la zone de prélèvement Infection de la plaque rétroaponévrotique, qui entraîne
du muscle droit. une fistule se drainant à la peau.
291
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Complications en rapport
abdominales… Une évaluation complète des risques et
avec une hyperthermie éventuellement leur traitement ou leur amélioration
préopératoire sont bien sûr souhaitables.
Elles sont fréquentes. L'hyperthermie ne sera considérée Les taux de complications restent proches de ceux des autres
comme pathologique que supérieure à 38,5 °C, les suites techniques de reconstruction par lambeau autologue.
opératoires, la résorption des hématomes et les processus
cicatriciels donnant souvent une fièvre modérée inférieure à
38,5 °C.
Une exploration de la fièvre sera bien sûr nécessaire, asso- Résultats
ciant la recherche du germe par différents p ­ rélèvements si
Les résultats en reconstruction secondaire sont présentés
la température persiste au-dessus de 38,5 °C.
en figures 10.61 à 10.64, en reconstruction immédiate en
figures 10.65 à 10.67.
Complications en rapport
avec une diminution de la force Conclusion
abdominale Les avantages de la reconstruction par lambeau abdominal
Cette fonction est souvent diminuée d'un à deux sont naturellement évidents : aspect très naturel, souplesse,
points en raison du prélèvement musculaire ; c'est la mobilité, variation de volume lors des modifications de
raison pour laquelle certains auteurs préfèrent le lam- poids, stabilité du résultat esthétique dans le temps…
beau de DIEP avec anastomose microchirurgicale et Les inconvénients sont surtout dus au prélèvement
sans prélèvement musculaire – néanmoins, le risque musculaire, qui entraîne des douleurs de la paroi abdomi-
abdominal n'est pas réduit à zéro dans cette dernière nale avec parfois des séquelles, minimisées par les interven-
technique. tions en microchirurgie.
Néanmoins, la technique reste beaucoup plus rapide,
simple et facilement reproductible dans tous les services
et par toutes les équipes ; c'est pourquoi elle demeure une
Ces complications sont bien sûr majorées en cas de technique de choix et de base en reconstruction mammaire.
facteurs favorisants : obésité, diabète, hypertension Une stricte sélection des patientes en évitant les facteurs de
artérielle, tabagisme, irradiation de paroi, cicatrices
risque et une technique précise et efficace permettent de limiter
le nombre des complications et la morbidité de cette chirurgie.

A B
Figure 10.61
Reconstruction secondaire : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

292
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

A B
Figure 10.62
Reconstruction secondaire : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

A B
Figure 10.63
Reconstruction secondaire : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

A B
Figure 10.64
Reconstruction secondaire : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

293
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 10.65
Reconstruction immédiate : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

A B
Figure 10.66
Reconstruction immédiate : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

A B
Figure 10.67
Reconstruction immédiate : résultat.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

294
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

10.2. Reconstruction par lambeau musculocutané


bipédiculé de muscle droit de l'abdomen
C. Bouteille

Dans certaines situations, de par la meilleure fiabilité vas- En reconstruction mammaire immédiate
culaire, il apparaît possible de prélever les deux muscles
Compte tenu de la possibilité de conservation de l'étui
grands droits de l'abdomen, réalisant ainsi une reconstruc-
cutané dans ces situations, la technique le plus souvent
tion mammaire par lambeau bipédiculé.
utilisée consiste en la mise en place de prothèses bila-
Les points particuliers concernant ce mode de recons-
térales. Toutefois, en cas de refus d'implants, en cas de
truction sont abordés de la façon suivante : indications,
radiothérapie effectuée sur le ou les seins nécessitant une
spécificités techniques, avantages, inconvénients et com-
mastectomie pour récidive intramammaire ou décou-
plications, discussion.
verte d'une mutation génétique, cette technique peut
être proposée.
Indications
Reconstruction mammaire Technique
unilatérale Les étapes précédemment décrites, le dessin du lambeau
et le décollement sous-cutané de la berge supérieure de
Volume à reconstruire volumineux la palette jusqu'à la xiphoïde, sont identiques. Il existe en
Dans les cas où le volume mammaire désiré par la patiente revanche quelques spécificités liées au mode double de
est assez volumineux et où il n'y a pas de désir de symétri- prélèvement.
sation du sein controlatéral, le lambeau bipédiculé répond
à la demande.
Spécificité 1 : tunnel
Surface cutanée à remplacer importante Il est effectué à partir de l'incision de mastectomie en direc-
De même, si la surface cutanée à reconstruire est impor- tion du sillon sous-mammaire et doit être suffisamment
tante, en particulier en cas de séquelles cutanées après large pour le passage du lambeau plus volumineux s'il est
radiothérapie nécessitant une large exérèse de peau, il est bipédiculé. Ceci est possible en réalisant le décollement
possible de conserver presque toute la surface cutanée largement, en dépassant la ligne médiane en situation
abdominale si les deux muscles sont prélevés. Il en est de présternale en direction du sein controlatéral plutôt qu'en
même en cas de récidive locale où l'exérèse cutanée est élargissant le passage au niveau du sillon sous-mammaire –
parfois très étendue. car cela entraînerait un abaissement de celui-ci une fois le
lambeau mis en place.
Reconstruction mammaire bilatérale
En reconstruction mammaire secondaire
Spécificité 2 : isolement musculaire
double
Si la reconstruction par implant bilatéral n'est pas envisa-
geable compte tenu des conditions locales, en particulier La gaine aponévrotique est incisée soit en son milieu
en cas de radiothérapie de paroi thoracique antérieure, ou (fig. 10.68), réalisant deux feuillets et conservant l'intégralité
si la patiente ne souhaite pas de prothèses internes et si, de l'aponévrose pour la fermeture mais rendant la dissec-
par ailleurs, l'excédent abdominal est suffisant, le TRAM tion plus délicate au niveau des bandelettes transversales
bipédiculé bilatéral est une alternative à la reconstruction (fig. 10.69), soit en laissant la partie médiane de la gaine,
par lambeau de grand dorsal bilatéral, nécessitant le plus ce qui nécessite deux incisions mais facilite la dissection
souvent deux interventions successives. au niveau des bandelettes. Dans la région sous-ombilicale,
295
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 10.70
Reconstruction mammaire bilatérale : section musculaire
bilatérale.
Figure 10.68
Reconstruction mammaire bilatérale : incision aponévrotique.

Figure 10.71
Reconstruction mammaire bilatérale : levée du lambeau bipédiculé.

Figure 10.69
permettre l'amarrage de la plaque de treillis non résorbable
Reconstruction mammaire bilatérale : dissection lors de la fermeture.
musculo-aponévrotique. L'ombilic aura été au préalable soigneusement disséqué
jusqu'à l'aponévrose, afin de pouvoir l'isoler aisément lors
l'aponévrose sera sectionnée au ras des perforantes, conser- de l'élévation du lambeau (fig. 10.71). Au-dessus de l'ombi-
vées pour leur diamètre suffisant, de manière à faciliter la lic, les deux bords internes des muscles droits sont alors
fermeture pariétale inférieure. repérés.

Spécificité 3 : dissection et libération Spécificité 4 : fermeture


du lambeau du site donneur
Le corps musculaire des deux muscles droits de l'abdo- La fermeture de la partie sus-ombilicale s'effectue par des
men est sectionné à leur extrémité inférieure (fig. 10.70). Le points séparés sans tension, en affrontant les deux bords de
lambeau est libéré de bas en haut en respectant le péri- l'aponévrose incisée. La fermeture s'arrêtera à distance du
toine viscéral jusqu'à l'arcade de Douglas puis, plus haut, pédicule supérieur afin de ne pas le comprimer.
au contact de l'aponévrose profonde. La ligne blanche Il apparaît indispensable d'effectuer la fermeture de la
médiane sous-ombilicale peut souvent être conservée et région sous-ombilicale à l'aide d'une plaque de matériel
296
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

non résorbable (fig. 10.72) pour renforcer la paroi, comme Avantages


pour les cures d'éventration. Ce treillis non résorbable
pourra être suturé plus haut en sus-ombilical et fixé laté- ● Volume reconstruit en reconstruction unilatérale : le
ralement à la face postérieure de l'aponévrose conservée, volume peut être important (fig. 10.73) et cela représente
puis être complètement recouvert par celle-ci par quelques d'ailleurs la meilleure indication de ce lambeau, en particu-
points supplémentaires. Le fait de fixer la plaque sur toute lier pour des femmes présentant un excès pondéral associé
la hauteur de dissection musculaire à pour but de limiter les à un excédent sous-ombilical suffisant pour poser une indi-
bombements sus-ombilicaux de la paroi en postopératoire. cation d'abdominoplastie.
Sous l'ombilic, cette plaque est suturée sous le bord ● Volume reconstruit en reconstruction bilatérale :
externe du reliquat aponévrotique à la limite de la réflexion la reconstruction bilatérale représente toujours un
de la gaine sous le bord interne du muscle oblique interne. geste lourd, surtout si une indication de lambeau est
La plaque est positionnée de façon symétrique sous le bord du posée. Le TRAM bilatéral trouve là une de ses meil-
muscle oblique interne controlatéral. L'aponévrose sus-jacente leures indications (fig. 10.74 et 10.75), limitant les
peut ensuite recouvrir la plaque de façon à l'isoler au maximum reprises chirurgicales ou les interventions itératives
des plans superficiels en cas de complications septiques. liées aux reconstructions par lambeau de grand dorsal
autologue.
● Couverture cutanée dans le cadre d'une récidive mam-
maire : dans le cas de récidive locale intramammaire et/ou
cutanée (fig. 10.76), le sacrifice cutané est tel qu'un lambeau
de recouvrement s'avère le plus souvent indispensable,
d'autant plus qu'une irradiation antérieure a été réalisée,
compliquant la cicatrisation.
● Moins de cytostéatonécrose : ce lambeau bipédiculé
représente une technique satisfaisante de par la sou-
plesse du sein reconstruit ; l'apport des deux pédicules
en améliore encore la plastie et la texture car il limite
le risque de cytostéatonécrose. Sur une série compa-
rative de quarante-neuf TRAM bipédiculés, Lejour a
montré 10 % de nécrose partielle, alors que ce taux
Figure 10.72
atteint 20 % sur les TRAM unipédiculés [2]. La fré-
Reconstruction mammaire bilatérale : fermeture sur treillis non
quence de même que l'étendue de cette complication
résorbable. sont moindres.

A B
Figure 10.73
Le volume reconstruit en reconstruction unilatérale peut être important.
A. Patiente en surpoids avec séquelles radiques sous-claviculaires, ayant déjà eu une réduction mammaire avant le diagnostic de cancer
du sein. Large résection cutanée lors de la reconstruction. B. Sérome abdominal persistant trois mois après chirurgie ; retard de cicatrisation
abdominale ; cicatrisation dirigée.

297
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 10.74
Reconstruction bilatérale et TRAM bipédiculé.
A. Premier temps : reconstruction mammaire différée bilatérale par lambeau de droit de l'abdomen bipédiculé. B. Second et dernier temps
de reconstruction.

A B
Figure 10.75
Reconstruction bilatérale et TRAM bipédiculé.
A. Dégonflement depuis deux ans de la prothèse droite chez une femme ayant eu une prothèse controlatérale de symétrisation. B. TRAM
bipédiculé bilatéral avec ablation de prothèse gauche à la demande de la patiente.

● Moins de symétrisation du sein controlatéral : cette


technique permet assez fréquemment l'économie d'une
symétrisation du sein controlatéral et prend toute son
importance quand les patientes sont demandeuses de
conserver le sein opposé sans cicatrice supplémentaire et
sans risque de modification de la sensibilité de la plaque
aréolo-mamelonnaire.
● Satisfaction des femmes : la majorité des patientes
interrogées sont satisfaites du mode de reconstruction
qu'elles ont choisi et qui leur a été proposé [3, 4] et le
recommandent. La gêne occasionnée par le prélèvement
abdominal n'entrave pas pour la plupart l'activité quoti-
dienne et les femmes restent satisfaites de l'«équivalent»
Figure 10.76 d'abdominoplastie.
Récidive locale étendue nécessitant une large exérèse cutanée.

298
10. Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé

Inconvénients
Retentissement sur la fonction
musculaire
Les muscles droits de l'abdomen étant des muscles expi-
ratoires et intervenant dans le maintien de la sangle abdo-
minal, leur prélèvement simultané en reconstruction a GD
conduit à évaluer les séquelles secondaires éventuelles.
Le muscle oblique externe, par son action dans le méca- GO
nisme de la toux et du hoquet et en inclinant le thorax en
avant, de même que le muscle oblique interne en inclinant
également le thorax en avant permettent de compenser T
une grande partie de la fonction des muscles droits de l'ab- PO

domen (fig. 10.77). Les muscles obliques interne et externe


de même que le muscle transverse interviennent également
dans le soutien et la contention des viscères abdominaux
pour subvenir à l'absence des muscles droits de l'abdomen.
Ainsi A. Fitoussi a montré une diminution de la force
musculaire (moyenne ou importante) dans 36 % des cas
pour les lambeaux abdominaux unipédiculés et dans 75 %
des cas pour les bipédiculés [5]. Par ailleurs, dans sa série, le
peak flow (débit expiratoire maximum) était similaire dans
les deux groupes (uni- et bipédiculés). Simon, en 2004, sur Figure 10.77
une série de lambeaux bipédiculés un peu plus importante, Direction des fibres des principaux muscles de la paroi
antérolatérale de l'abdomen.
évalue la force abdominale de soixante-deux TRAM bipé- Dessin : Cyrille Martinet.
diculés comparés à soixante-deux TRAM unipédiculés et
ne trouve pas de différence significative en termes de tra-
vail quotidien, performance physique, aspect de la paroi
abdominale et maintien de la station debout [3] ; il note A. Fitoussi ne montre pas de différence significative en
une diminution subjective de la force musculaire de 42 % termes d'éventration entre le lambeau bipédiculé et l'uni-
pour les unipédiculés contre 64 % pour les bipédiculés, sans pédiculé dans la mesure où une plaque a été mise en place
retentissement sur l'activité quotidienne. lors de la fermeture de la paroi [5]. Il semble donc que ce
soit plus la technique de fermeture elle-même qui inter-
vienne sur le taux d'éventration et non le fait de prélever
Retentissement sur la paroi un muscle ou deux.
La perte de substance est doublée à l'étage sus- et sous-
ombilical et il est difficile de suturer bord à bord les deux
berges aponévrotiques sans tension. Discussion
La voussure épigastrique liée à la présence des deux pédi-
cules musculaires est plus importante, mais elle peut être La vascularisation est, en proportion, plus importante,
atténuée en réalisant un large tunnel s'étendant jusqu'au sil- ce qui permet de conserver pratiquement la totalité du
lon controlatéral pour permettre un étalement maximum volume prélevé. Il est donc rare d'avoir à réséquer du fait de
du lambeau, ce qui par ailleurs présente l'intérêt de limiter l'aspect coloré bleuté les extrémités du lambeau (zone IV
le risque de compression. de Hartrampf [1]), comme cela est le plus souvent le cas si
Paige et Bostwick, sur deux cent cinquante-sept un seul muscle est prélevé.
patientes, ne montrent pas de différence significative, avec La réparation de paroi doit être très minutieuse, en utili-
5,4 % de hernie pour les bipédiculés contre 3,9 % de hernie sant une plaque de matériel non résorbable et en répartis-
pour les unipédiculés [6]. sant les tensions comme cela a été décrit par N. Bricout [7].
299
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

La plaque est toujours suturée à l'intérieur de la gaine sous Références


ses bords latéraux et en rabattant par-dessus ce qui reste
des feuillets antérieurs. [1] Hartrampf CR, Scheflan M, Black PW. Breast reconstruction with
Moyennant ces précautions et selon les publications pré- transverse abdominal island flap. Plast Reconstr Surg 1982 ; 69(2) :
216–25.
citées de A. Fitoussi [5] et de R. Israeli [8], le risque d'éven-
[2] Lejour M, Dome M. Abdominal wall function after rectus abdomi-
tration apparaît suffisamment faible pour que la technique nis transfer. Plast Reconstr Surg 1991 ; 87(6) : 1054.
puisse être proposée dans des indications ciblées où les [3] Simon AM, Bouwense CL, McMillan S, et al. Comparaison of
avantages l'emportent dans la balance bénéfice/risque. unipedicled and bipedicled TRAM flap breast reconstructions :
De même, Ducic, sur deux cent vingt-quatre cas, n'a Assesment of physical function and patient satisfaction. Plast
Reconstr Surg 2004 ; 113(1) : 136–40.
pas mis en évidence de morbidité supplémentaire liée au [4] Chang DW, Youssef A, Cha S, et al. Autologous breast reconstruc-
prélèvement des deux muscles abdominaux mais retrouve tion with the extended latissimus dorsi flap. Plast Reconstr Surg
comme facteurs associés de comorbidité le tabagisme et 2002 ; 110(3) : 751–9.
l'obésité [9]. [5] Fitoussi A, Le Taillandier M, Biffaud JC, et al. Évaluation fonction-
nelle de la paroi abdominale après prélèvement d'un lambeau mus-
On peut à ce propos souligner les risques globalement
culocutané de grands droits de l'abdomen. Ann Chir Plast Esthet
plus élevés chez les patientes obèses dans la prise en charge 1997 ; 42(2) : 138–46.
chirurgicale. Ces patientes représentent de par leur mor- [6] Paige KT, Bostwick 3rd. J, Bried JT, et al. A comparaison of morbidity
phologie même les meilleures indications de lambeau from bilateral, unipedicled and unilateral TRAM flap breast recons-
abdominal, en particulier de bipédiculé. En effet, Chang, en tructions. Plast Reconstr Surg 1998 ; 101(7) : 1819–27.
[7] Bricout N. La reconstruction mammaire. In : Chirurgie du sein.
2002 [4], chez soixante-quinze femmes d'indice de masse Paris : Springer-Verlag ; 1992. p. 326–44.
corporelle élevé à 31 et taille de bonnet de soutien-gorge [8] Israeli R, Hazani R, Feingold RS, et al. Extended mesh repair with
supérieure à «C», a décrit sur des reconstructions par lam- external oblique muscle reinforcement for abdominal wall contour
beau de grand dorsal autologue 28 % de complications au abnormalities following TRAM flap. Ann Plast Surg 2009 ; 63(6) :
654–8.
niveau du lambeau même et 38 % au niveau du site dorsal.
[9] Ducic I, Spear SL, Cuoco F, et al. Safety and risk factors for breast
Cette autre alternative n'apparaît pas non plus exempte de reconstruction with pedicled transverse rectus abdominis muscu-
complications. locutaneous flaps : a 10 year analysis. Ann Plast Surg 2005 ; 55(6) :
Alors que certains auteurs ont publié les complications 559–64.
du site donneur des reconstructions par lambeau de droit [10] Ascherman JA, Seruya M, Bartsich SA. Abdominal wall morbi-
dity following unilateral and bilateral breast reconstruction with
de l'abdomen, il ne semble pas y avoir de différence signifi- pedicled TRAM flaps : an outcomes analysis of 117 consecutive
cative entre le prélèvement d'un ou de deux muscles [10]. patients. Plast Reconstr Surg 2008 ; 121(1) : 1–8.

300
Chapitre 11
Les lambeaux microchirurgicaux
M. Atlan, K. Haddad, J.-F. Honart, L. Lantieri, N. Leymarie,
A. Mojallal, B. Sarfati, A. Zeltzer

P L AN D U CHA PI T RE
11.1. Microchirurgie et reconstruction 11.4. Le lambeau perforant lombaire 323
mammaire 302
Anatomie chirurgicale 323
Évolution de la reconstruction
Planning préopératoire 323
mammaire par lambeaux libres 302
Technique chirurgicale 323
Reconstruction par lambeaux libres :
principes généraux 304 Conclusion 325
11.2. Le lambeau de DIEAP 309 11.5. Le lambeau perforant de fascia lata 326
Techniques chirurgicales 310 Anatomie chirurgicale 326
Deuxième temps opératoire du DIEAP-LATA 312 Planning préopératoire 326
Troisième temps opératoire 314 Technique chirurgicale 326
Mise en perspectives 315 Conclusion 328
Conclusion 316 11.6. La chirurgie du lymphœdème 331
11.3. Les lambeaux libres issus Présentation clinique 331
de la cuisse : PAP et TUG (gracilis) 317
Évaluation clinique 331
Anatomie 317
Traitement conservateur :
Technique chirurgicale 318 drainage lymphatique et compression
à visée décongestive 332
Suites opératoires 320
Imagerie du lymphœdème 332
Discussion 320
Traitement chirurgical 334
Conclusion 320
Conclusion 339

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

11.1. Microchirurgie et reconstruction mammaire


J.-F. Honart, B. Sarfati, N. Leymarie

Depuis les prémices de la reconstruction mammaire auto- et permettant d'apporter un volume de tissus satisfaisant.
logue, les techniques n'ont cessé d'évoluer, offrant aujourd'hui Cependant, le prélèvement de ce lambeau peut être source
des possibilités variées au chirurgien reconstructeur. de plusieurs désagréments : longueur et visibilité de la
Dès 1895, Vincent Czerny à Heidelberg publiait un pre- cicatrice, séquelle fonctionnelle avec mobilité limitée du
mier cas de reconstruction mammaire autologue en uti- membre supérieur, séromes chroniques liés aux décolle-
lisant un lipome situé sur le flanc de la patiente. Diverses ments importants ou encore persistance des contractions
méthodes ont ensuite été décrites : lambeaux locaux «au musculaires du grand dorsal au niveau thoracique.
hasard», utilisation du sein restant… Du fait de ces morbidités, le lambeau de grand dorsal
L'avancée des recherches en anatomie a ensuite permis n'est aujourd'hui plus utilisé en première intention par cer-
de prélever des lambeaux locaux régionaux, c'est ainsi que taines équipes.
durant la très grande majorité du XXe siècle, ce sont les lam- À cette même époque, d'autres lambeaux musculo-
beaux pédiculés qui faisaient figure de référence. Plus tard, cutanés sont décrits en reconstruction mammaire : c'est
avec le développement de la microchirurgie, sont nés les le cas des lambeaux abdominaux (TRAM), présenté par
lambeaux libres. Le transfert de tissus autologues a permis Hartrampf en 1983, utilisant l'excédent cutanéograisseux
d'élargir l'éventail des possibilités de reconstruction et de sous-ombilical et permettant de transférer des volumes
choisir le site donneur le plus adapté à la morphologie de plus importants. Pendant longtemps, ce lambeau a été
la patiente. aussi largement employé, et considéré comme le moyen de
reconstruction le plus efficace. Aujourd'hui, les lambeaux
abdominaux ne sont que très rarement utilisés, en raison
Évolution de la reconstruction des complications plus fréquentes.
Le prélèvement du muscle grand droit dans son inté-
mammaire par lambeaux libres gralité et d'une partie de son aponévrose engendre inéluc-
tablement une zone de fragilité pariétale à l'origine d'une
Du lambeau pédiculé diminution de la force musculaire, de douleurs et d'éven-
au lambeau libre trations postopératoires.
Avec l'apparition et le développement de la microchi-
Au début du XXe siècle, le chirurgien français Louis rurgie et dans le but de limiter au maximum les compli-
Ombredanne utilisait le muscle grand pectoral pour rem- cations postopératoires, les lambeaux libres ont été utilisés
placer le volume mammaire tandis que Sir Harold Gillies lui en reconstruction mammaire. Afin de réduire la zone de
préférait un lambeau abdominal tubulisé pour sa première prélèvement musculo-aponévrotique, le TRAM a été utilisé
reconstruction mammaire en 1942. en tant que lambeau libre. L'inclusion du segment muscu-
En 1971, Ger propose l'utilisation de lambeaux «muscu- laire est réalisée après repérage du point de pénétration des
locutanés» non seulement comme un apport vascularisé perforantes musculaires à la face profonde du muscle et de
de tissus mous mais surtout comme lambeaux porte-­ leur point d'émergence au travers du fascia profond. Cette
vaisseau pour la palette cutanée en regard. technique épargne le temps de dissection intramusculaire
À partir de ces observations, dès la fin des années 1970, et limite les risques de lésions traumatiques des perforantes,
ces lambeaux musculocutanés ont été progressivement mais elle entraîne des lésions musculaires et nerveuses
employés, en reconstruction mammaire. On observait alors importantes.
les premiers cas de reconstruction par lambeau pédiculé de D'autres sites donneurs à distance ont pu également être
grand dorsal, popularisé par Olivari en 1976 et initialement prélevés, c'est le cas par exemple du lambeau musculocu-
décrit par Tansini en 1896 pour la fermeture d'une perte de tané de gracilis, alternative aux lambeaux abdominaux.
substance thoracique étendue. Le lambeau de grand dorsal Par la suite, par leur capacité à réduire au minimum la
est encore aujourd'hui très largement utilisé en reconstruc- morbidité du site donneur, les lambeaux perforants ont
tion mammaire. Il s'agit d'un lambeau fiable, facile à prélever connu un succès croissant.

302
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Lambeaux perforants La fermeture directe du site donneur est possible. Sur le


plan général, les suites opératoires simplifiées sont associées
En 1986, Nakajima et al. développent une nouvelle classi- à une consommation moindre d'antalgiques et des durées
fication concernant la vascularisation cutanée, basée sur d'hospitalisation réduites.
quatre réseaux vasculaires principaux et six types de vais- En contrepartie, les limites des lambeaux perforants
seaux dont trois dits «perforants». C'est de cette nouvelle sont principalement liées à leur technique de prélève-
classification, associée au concept d'angiosome, dévelop- ment. La dissection des perforantes musculocutanées est
pée par Taylor et Palmer (1987), que sont nés les lambeaux difficile : elle repose sur une technique chirurgicale rigou-
perforants (fig. 11.1). reuse qui implique des temps opératoires prolongés. Si les
Le développement des lambeaux perforants a vaisseaux perforants sont constants, ils peuvent présenter
constitué une des dernières avancées majeures de la des variations de calibre et de position, des vasospasmes
microchirurgie. Ils sont constitués d'une palette cuta- qui compliquent leur dissection. Tout étirement, torsion
née et d'une quantité variable de graisse sous-cutanée. ou plicature de la perforante peut compromettre la vitalité
La vascularisation des lambeaux perforants repose sur du lambeau. Les veines concomitantes sont fragiles et la
un ou plusieurs vaisseaux à destinée cutanée, dits per- palette cutanée doit être maniée avec précaution.
forants. Leur prélèvement suit la perforante jusqu'à son La première description de «lambeau perforant» est
vaisseau d'origine tout en préservant les tissus sous- faite par Koshima et Soeda en 1989. Ils réalisent deux
jacents : fascia profond, muscle et nerfs. Le respect du reconstructions (de langue et du creux inguinal) par un
site donneur ainsi que la versatilité de la palette cuta- lambeau cutané, prélevé en région péri-ombilicale et vas-
née ont permis la diffusion des lambeaux perforants cularisé par une branche perforante musculaire.
dans tous les domaines de la chirurgie et en particulier Ainsi, le lambeau de TRAM (Transverse Rectus Abdominis
en reconstruction mammaire. Cette technique a per- Muscle) a pu être remplacé par le lambeau de perforant de
mis d'accroître les possibilités de lambeaux libres pour DIEP (Deep Inferior Epigastric Artery Perforator), actuelle-
une région donnée et d'étendre ainsi notre arsenal ment le lambeau libre le plus fréquemment employé en
thérapeutique. reconstruction mammaire.
Le respect des tissus du site donneur lors de la dissec- De nouveaux lambeaux ont été décrits, permettant
tion assure une diminution de la morbidité. La préserva- d'améliorer encore les résultats des reconstructions et de
tion du muscle sous-jacent et de son innervation limite les choisir le site donneur le plus adapté à la morphologie de
séquelles fonctionnelles et diminue les déformations. la patiente.
Aujourd'hui, les lambeaux libres les plus couramment
utilisés en reconstruction mammaire sont (fig. 11.2) :
● les lambeaux abdominaux : prélevés sur les vaisseaux
épigastriques inférieurs profonds (Deep Inferior Epigastric
Perforator) ou superficiels (Superficial Inferior Epigastric
Aertery) ;
● les lambeaux de face interne de cuisse : lambeau mus-
culocutané de gracilis, lambeau perforant issu de l'artère
fémorale profonde (Prunfunda Artery Perforator) ;
● les lambeaux de face externe de cuisse : lambeau perfo-
rant de tenseur du fascia lata (sc-TFL) ;
● les lambeaux fessiers : lambeaux perforants basés
sur les artères glutéales supérieure (Superior Gluteal
Artery Perforator), ou inférieure (Inferior Gluteal Artery
Figure 11.1 Perforator) ;
Classification des vaisseaux perforants le fascia profond.
(X) fascia profond ; (S) vaisseau source ; (A) artère cutanée
● le lambeau perforant lombaire (LAP).
directe ; (B) artère septocutanée directe ; (C) branche cutanée La variété de sites donneurs potentiels permet donc au
directe d'un vaisseau musculaire ; (D) branche perforante d'un chirurgien reconstructeur de choisir le plus adapté à la mor-
vaisseau musculaire ; (E) perforante septocutanée ; (F) perforante
musculocutanée.
phologie de la patiente et de diminuer le risque de séquelle
Dessin : Cyrille Martinet. cosmétique et fonctionnelle.

303
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 11.2
Cartographie des sites donneurs de lambeaux libres utilisés en reconstruction mammaire.
DIEP : Deep Inferior Epigastric flap ; SIEA : Superificial Inferior Epigastric Artery perforator flap ; sc-TFL : lambeau perforant du muscle tenseur du
fascia lata ; LAP : Lumbar Artery Perforator flap ; SGAP : Superior Gluteal Artery Perforator flap ; IGAP : Inferior Gluteal Epigastric Artery Perforator
flap ; PAP : Profunda Artery Perforator flap.
Dessin : Cyrille Martinet.

Cependant, la reconstruction mammaire par lambeaux pourra être fermée et suturée sans ou avec une tension
libres n'est pas dénuée de risque d'échec et de complica- modérée. Cette absence de tension diminuera les douleurs
tions au niveau du site donneur. postopératoires et le risque de désunion cicatricielle.
Pour limiter ces risques, certaines dispositions, quel que
soit le lambeau choisi, doivent être prises pour que l'inter-
vention soit faite dans les meilleures conditions. Limiter les risques
d'échec et de complications
Reconstruction par lambeaux Un des inconvénients de la reconstruction mammaire par
lambeaux libres est le risque de nécrose partielle ou totale
libres : principes généraux du lambeau.
Des facteurs de risque indépendants de complications
Choix du lambeau ont été clairement identifiés.
Ces complications peuvent concerner le lambeau mais
Un examen clinique attentif et minutieux doit être fait pour aussi le site donneur et être source de séquelles esthétiques
évaluer les sites donneurs potentiels. Le choix de celui-ci ou fonctionnelles.
est fait en fonction des excédents tissulaires cutanéograis-
seux disponibles, qui en font des sites donneurs potentiels.
L'abdomen est la région la plus communément utilisée et Avant l'intervention
le DIEP considéré comme un des «gold standard» de la
La maîtrise et la gestion des facteurs de risque d'échec et de
reconstruction mammaire par lambeau libre.
complications sont les objectifs majeurs de la préparation
La zone donneuse choisie doit être vierge de toute cica-
de l'intervention.
trice et indemne de toute chirurgie ouverte antérieure.
Un angioscanner est réalisé de façon systématique. Il
explore non seulement la région abdominale mais aussi les Le tabac
autres zones donneuses possibles (cuisses, fesses…). Cet exa- Il a été démontré que le tabagisme actif a un effet néfaste sur
men permet d'évaluer la qualité et le calibre des perforantes et la microcirculation. Il augmente ainsi le risque de mauvaise
de choisir le côté de prélèvement du lambeau le cas échéant. cicatrisation et le risque de complication microchirurgicale.
Pour limiter le risque de complications potentielles au Pour certaines équipes, le tabac est une contre-indication
niveau du site donneur, la zone présentant le plus de laxité absolue à une reconstruction microchirurgicale. Une absti-
cutanée sera choisie de façon préférentielle. De fait, elle nence minimale de 15 jours avant l'intervention est impéra-
304
11. Les lambeaux microchirurgicaux

tive. Des tests de dépistage de nicotine peuvent être réalisés


pour s'en assurer. On peut, par exemple, doser la nicotinurie
la veille de l'intervention.

Le surpoids – L'obésité
Il est admis que le surpoids ou l'obésité favorisent la surve-
nue de complications postopératoires. Il peut s'agir de com- A B
plications chirurgicales telles que retard à la cicatrisation ou Figure 11.3
augmentation des infections postopératoires, mais aussi de Préparation des vaisseaux receveurs.
complications générales : thromboemboliques, respiratoires… A. Les vaisseaux mammaires internes sont disséqués et préparés
sur toute la hauteur de l'espace intercostal. B. Anastomoses
Il ne s'agit pas là d'une contre-indication absolue, mais une microchirurgicales termino-terminales entre les vaisseaux
diminution de la charge pondérale avec une reprise d'une mammaires internes et le pédicule du lambeau.
activité physique régulière et un objectif d'IMC inférieur à 30
réduiront de façon significative le taux de complications. Vaisseaux mammaires internes (fig. 11.3a et b)
Après avoir réséqué un cartilage costal, les vaisseaux sont dis-
Autres comorbidités séqués sur toute la hauteur de l'espace intercostal et le flux
de l'artère est vérifié avant le sevrage du lambeau. En cas de
L'ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire doit être
nécessité d'anastomoser une deuxième veine, les vaisseaux
contrôlé et équilibré. En particulier, le diabète et l'hyper-
mammaires internes autorisent un branchement dans un sens
tension artérielle. Ils ne remettent pas en cause l'indication
rétrograde. La voie d'abord est aisée et ne nécessite pas de cica-
d'une reconstruction par lambeau libre, mais ces comorbi-
trice supplémentaire, la mise en place du lambeau est aisée.
dités doivent être prises en charge.
Une éventuelle radiothérapie de paroi ou des chaînes
ganglionnaires mammaires internes peut avoir endom-
Traitement médicamenteux magé la qualité des vaisseaux mammaires internes, en par-
En reconstruction mammaire, nombre de patientes bénéfi- ticulier la veine qui peut être grêle avec une paroi fragile.
cient d'un traitement au long cours par hormonothérapie, Devant une qualité de vaisseaux médiocre, une différence
notamment le tamoxifène. Cette molécule augmente le de calibre trop importante ou un flux insuffisant, on se por-
risque de thrombose veineuse profonde. Selon les recom- tera au niveau axillaire.
mandations de la Société française d'anesthésie et de Vaisseaux circonflexes scapulaires
réanimation, le traitement doit être arrêté 15 jours avant Une contre-incision axillaire permet d'avoir un accès
l'intervention, en particulier en cas de reconstruction par optimal au pédicule sous-scapulaire. Le pédicule thoraco-
lambeau abdominal. dorsal doit être impérativement préservé. Il pourrait être
utile à la réalisation d'un lambeau de grand dorsal en cas
Pendant l'intervention d'échec du lambeau libre. On utilise donc les vaisseaux
Travail en double équipe circonflexes scapulaires, issus du pédicule sous-scapulaire,
en amont de la naissance des vaisseaux thoracodorsaux.
La durée opératoire est un facteur prédictif de complica- La dissection des vaisseaux circonflexes doit être faite le
tions. Plus la durée de l'intervention est longue, plus le risque plus loin possible pour permettre de réaliser les anasto-
de complication est augmenté. Le travail en double équipe moses dans les meilleures conditions possibles.
permet de diminuer de façon significative cette durée. La pré- ● En cas de reconstruction immédiate associée à un geste
paration des vaisseaux et le prélèvement du lambeau seront ganglionnaire, l'abord des vaisseaux est particulièrement aisé.
réalisés de façon concomitante puis la revascularisation et le Au contraire, en reconstruction secondaire, la fibrose cicatri-
remodelage seront faits pendant la fermeture du site donneur. cielle et les séquelles radiques peuvent rendre la dissection
difficile.
Vaisseaux receveurs ● En cas de spasme vasculaire lié à des traumatismes
Selon les pratiques et habitudes de chaque équipe, les vais- répétés pendant la dissection, des vasodilatateurs locaux
seaux mammaires internes ou les vaisseaux du système sous- peuvent être appliqués au contact des vaisseaux : lidocaïne
scapulaire peuvent être utilisés en tant que vaisseaux receveurs. non adrénalinée ou encore papavérine.
305
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Anastomoses microchirurgicales ● après revascularisation du lambeau : d'attester de la per-


méabilité des anastomoses et de la bonne revascularisation ;
Elles sont en général faites en termino-terminal sur les vaisseaux ● en surveillance : en cas de doute sur la viabilité sur lam-
receveurs choisis. Certaines équipes utilisent des systèmes
beau, une injection de vert d'indocyanine permet d'attester
d'anastomoses mécaniques pour la veine, avec pour avantage
de la vascularisation.
un gain de temps microchirurgical et un maintien constant du
calibre de l'anastomose grâce à la rigidité du matériel en place. Après l'intervention : surveillance
On débute au choix par l'anastomose artérielle ou veineuse. postopératoire
S'il existe deux veines concomitantes, débuter par l'anastomose
artérielle permet de choisir la veine ayant le retour dominant. La période postopératoire immédiate est primordiale, la
Dans les autres cas, débuter par l'anastomose veineuse évite patiente et la vascularisation du lambeau doivent être sur-
l'engorgement du lambeau pendant l'anastomose artérielle. veillées de façon rapprochée.
La bonne vascularisation du lambeau est appréciée en
Anticoagulation peropératoire évaluant :
● sa couleur : Le lambeau doit être rosé. Ni trop pâle, signe
Quelques minutes avant le clampage du pédicule princi- d'hypoperfusion artérielle, ni trop violet, témoin d'un début
pal, on réalise une injection intraveineuse d'héparine de bas d'engorgement veineux (fig. 11.5) ;
poids moléculaire (HBPM) à la dose de 0,3 UI/kg. ● la chaleur : un lambeau froid est un lambeau en ischémie ;
Après le sevrage du lambeau, celui-ci peut être rincé par du ● le temps de recoloration cutanée après pression prolon-
sérum physiologique hépariné, dilué à la dose de 24 000 UI/L. gée. Il doit être d'environ 3 secondes. Si le pouls capillaire est
trop rapide, il y a manifestement un engorgement veineux.
Angiographie au vert d'indocyanine Au contraire une absence de recoloration est le témoin
(fig. 11.4a et b) d'une ischémie artérielle ;
Il s'agit d'un outil non invasif, récent, dont l'utilité en micro- ● si la position de la perforante a été repérée à la peau, l'uti-
chirurgie de reconstruction va croissante. L'injection pero- lisation d'un Doppler sonore peut s'avérer utile en cas de
pératoire de vert d'indocyanine permet : doute. Le battement pulsatile de l'artère perforante confir-
● avant le sevrage du lambeau : d'évaluer les zones de per- mera la bonne vascularisation du lambeau.
fusion optimale du lambeau et de centrer le prélèvement Au moindre doute sur une ischémie artérielle ou une
de la palette cutanéograisseuse sur les zones de meilleure thrombose veineuse, une reprise chirurgicale urgente
vascularisation en excisant les zones à risque de nécrose ; s'impose. Elle est nécessaire pour explorer les anastomoses
microchirurgicales et vérifier leur perméabilité.

B
Figure 11.4
Utilisation du vert d'indocyanine avant le sevrage du lambeau (A). Figure 11.5
Le lambeau est délimité (ligne blanche), la caméra infrarouge Lambeau DIEP 6 heures après la réalisation des anastomoses.
permet de visualiser les zones les mieux perfusées. La limite La palette cutanée de surveillance est typique d'un lambeau en
est nette (ligne pointillée). Cet outil permet aussi de contrôler ischémie veineuse. Une reprise chirurgicale en urgence s'impose
la perméabilité des anastomoses microchirurgicales (B). pour exploration et réfection des anastomoses si besoin.
306
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Il a été démontré que le taux de revascularisation des général, fermer la perte de substance et envisager un geste
lambeaux repris pour révision des anastomoses est direc- secondaire à distance.
tement corrélé à la rapidité de la réintervention. C'est pour- Le taux de nécrose totale du lambeau varie de 0,5 à 10 %
quoi il est essentiel d'assurer une surveillance rapprochée selon les équipes. Elle survient en général, dans les 2 ou
de la reconstruction, qui se fait idéalement en unité de 3 premiers jours suivant l'intervention.
soins continus/intensifs pendant 24 heures au minimum.
Cependant, au-delà de la première reprise chirurgicale Nécrose partielle
pour complications microchirurgicales, le taux de sauve-
Les cas de nécrose partielle de lambeau sont plus fréquents. Ils
tage du lambeau est très faible. On se limite donc en général
surviennent quelques jours après l'intervention. Il ne s'agit pas
à une seule réintervention pour révision des anastomoses.
d'une complication grave puisqu'elle ne remet pas en cause la
On veillera aussi à l'absence d'hématome au niveau de la
reconstruction, si cette nécrose reste localisée. Le résultat esthé-
reconstruction (paroi thoracique ou creux axillaire). La sur-
tique peut cependant être compromis. Le risque est la surinfec-
venue d'une telle complication peut être à l'origine d'une
tion des tissus nécrosés. On observe également des écoulements
compression du pédicule ou des anastomoses et mettre en
louches et huileux correspondant à la nécrose de la graisse.
jeu la viabilité du lambeau.
Il est préférable d'attendre quelques jours que la plaque
Le maintien d'une bonne pression de perfusion est
nécrotique se délimite (fig. 11.7). À partir de ce moment un
également un élément fondamental dans la gestion de la
période postopératoire.
Pour cela, il est préférable de maintenir une pression artérielle
systolique supérieure à 100 mmHg. Celle-ci sera fonction du
maintien de la volémie en peropératoire par les équipes anes-
thésistes. Une réhabilitation précoce avec lever et marche dès
que possible permet de maintenir un débit cardiaque correct.
D'autre part, le taux de d'hémoglobine doit être main-
tenu à un niveau satisfaisant. Si l'hémoglobine est inférieure
à 8 g/dL une transfusion de culots globulaires est impéra-
tive, entre 8 et 10 g/dL, elle sera discutée en fonction de la
tolérance et de l'aspect du lambeau.
Un traitement par héparine de bas poids moléculaire
par voie sous-cutanée sera instauré, à dose isocoagulante,
pendant une durée de minimale de 15 jours.

Gérer les complications Figure 11.6


Nécrose partielle externe d'un lambeau DIEP à 15 jours
Nécrose totale de l'intervention.
La nécrose cutanée est bien délimitée. Un parage des tissus
La complication la plus redoutée est la nécrose totale de la nécrotiques sera réalisé avec remodelage du lambeau pour
combler la perte de substance.
peau et de la graisse du lambeau, conséquence d'un défaut
de perfusion au travers des anastomoses. Elle est caracté-
risée par un lambeau froid, sans pouls capillaire, avec un
aspect violacé ou marbré en cas d'ischémie veineuse ou
blanc en cas d'ischémie artérielle (fig. 11.6). La présence de
phlyctènes témoigne d'une souffrance cutanée avancée.
Une reprise chirurgicale en urgence s'impose si l'ischémie
est récente, afin de vérifier la perméabilité des anastomoses.
En cas d'échec de revascularisation, le seul traitement est Figure 11.7
la dépose du lambeau avec parage de l'ensemble des tissus Lambeau de DIEP 48 heures après l'intervention.
nécrotiques pour éviter la surinfection. L'aspect violacé et marbré de la palette cutanée témoigne d'une
thrombose veineuse : lambeau ischémique avec nécrose cutanée
Une autre reconstruction peut être éventuellement pro- étendue à la partie inférieure. Le lambeau sera déposé et la perte
posée dans le même temps opératoire. Mais on préfère, en de substance suturée directement ou laissée en cicatrisation dirigée.

307
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

parage est indiqué. Celui-ci se fait au cours d'une nouvelle


intervention, sous anesthésie générale, avec remodelage du
lambeau.

Cytostéatonécrose
Plus à distance dans le temps des zones ou nodules de
cytostéatonécrose peuvent apparaître. Ils correspondent à
des tissus adipeux hypovascularisés initialement.
Ils se présentent sous la forme de nodules bien limi-
tés, fermes, bien mobiles et de taille variable. Ces nodules
ne sont pas inquiétants si typiques, mais peuvent être
gênants sur le plan esthétique ou fonctionnel (douleurs)
(fig. 11.8).
En cas de doute, un bilan sénologique est nécessaire pour
confirmer le diagnostic. Les images mammographiques et écho- Figure 11.8
graphiques sont typiques pour un radiologue expérimenté. Mammographie de contrôle après correction de séquelle
Si non symptomatologique, ils peuvent être négligés. esthétique par lipotransfert.
On retrouve des images typiques et considérées comme bénignes
Sinon, une exérèse de ces nodules de cytostéatonécrose par des radiologues expérimentés. Au moindre doute une IRM
peut être réalisée. ou une biopsie seront pratiquées.

308
11. Les lambeaux microchirurgicaux

11.2. Le lambeau de DIEAP (vidéo e11.1)


A. Mojallal, F. Boucher, J. Château, H. Schipkov

La reconstruction autologue microchirurgicale du sein sein de la peau thoracique et d'autre part la nécessité de
par lambeau libre a permis ces dernières années d'amé- sacrifier de la peau saine thoracique afin de positionner
liorer les résultats esthétiques et la satisfaction générale cette palette cutanée. Il existe de plus, en cas d'échec
des patientes ayant bénéficié d'une mastectomie [1, 2]. du lambeau de DIEAP un grand défect cutané iatrogène
Le lambeau de DIEAP est la technique microchirur- qu'il faut réparer. Dans certains cas, l'étui cutané peut
gicale la plus usuelle. Il fait actuellement partie des être recréé par expansion cutanée. Cette technique
options thérapeutiques principales après mastecto- nécessite un temps opératoire supplémentaire plusieurs
mie, ses avantages ont été bien décrits dans la littéra- mois après le début de l'expansion. Dans ces cas, le lam-
ture [3]. Le lambeau de DIEAP est ainsi une technique beau sera désépidermisé et inséré dans la nouvelle loge
fiable, avec une morbidité limitée du site donneur [3, 4]. mammaire.
Cette technique permet également de transférer des Pour pallier l'ensemble des inconvénients suscités,
ganglions en région axillaire afin d'améliorer le lymphœ- nous avons proposé une reconstruction indépendante
dème du membre supérieur. de l'étui cutané et du volume du sein reconstruit.
La technique classiquement décrite est une reconstruc- L'étui cutané peut être reconstruit par un lambeau
tion du volume par le lambeau de DIEAP et une recons- d'avancement thoraco-abdominal (LATA) permettant
truction de l'étui cutané par la propre palette cutanée du également de redéfinir un sillon sous-mammaire et un
lambeau de DIEAP [5]. sillon latéral. Le volume quant à lui peut être recons-
Celle-ci a comme principaux inconvénients d'une truit par un lambeau microanastomosé de DIEAP
part l'effet patch de la palette cutanée abdominale au (fig. 11.9 a et b) [6].

Figure 11.9
Dessins préopératoires d'un DIEP.
A et B. Dessins préopératoires d'un lambeau de DIEAP controlatéral au LATA.

309
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Techniques chirurgicales lambeau est alors avancé vers le haut et de manière concen-
trique afin de recréer un étui cutané conique qui possède la
projection maximale en zone centrale. Une première lignée
DIEAP et lambeau d'avancement de sutures est réalisée. Le lambeau est fixé par des points
thoraco-abdominal séparés de Vicryl® 1 entre le fascia superficialis et le périoste
costal. Le fascia superficialis est ouvert parallèlement au sil-
Lambeau d'avancement thoraco-abdominal lon sous-mammaire. Une seconde rangée de points entre la
Le dessin préopératoire est réalisé en position debout. L'axe berge supérieure du fascia de Scarpa et le fascia thoracique
médian du thorax est marqué, le sillon sous-mammaire, le est réalisée par des points séparés de Vycril® 0 afin de définir
sillon latéral et le sillon supérieur du sein controlatéral sont le sillon sous-mammaire. Des incisions radiaires du fascia de
marqués et reportés sur la paroi thoracique controlatérale Scarpa sont réalisées sur le lambeau d'avancement afin de
[7–10]. Un pinch test cutané est réalisé au niveau de la donner de l'expansion à l'étui cutané (fig. 11.11) [13–16].
peau thoraco-abdominale afin de mimer l'avancement du
­lambeau thoraco-abdominal. Un demi-cercle est marqué
Lambeau microchirurgical de DIEAP
sous le sillon sous-mammaire déjà marqué (ce demi-cercle
se situe 6 à 8 cm en dessous) (fig. 11.9 et 11.10) [11]. Afin de préserver la laxité thoraco-abdominale du lambeau
La cicatrice de mastectomie est reprise. La dissection de la d'avancement et de ne pas compromettre sa vascularisation
berge supérieure débute par une dissection sous-­dermique issue principalement des pédicules intercostaux et du pédi-
stricte sur environ 2 cm de hauteur afin de rendre la transition cule circonflexe iliaque profond homolatéral, le lambeau
lambeau-site receveur plus harmonieuse, puis se poursuit au- de DIEAP est prélevé aux dépens de la partie de l'abdomen
dessus de l'aponévrose du muscle grand pectoral jusqu'au sil- controlatérale au sein reconstruit. Le dessin est centré sur la
lon supérieur repéré [12]. Au niveau de la berge inférieure, la perforante repérée par l'angiotomodensitométrie préopé-
dissection se fait au-dessus du fascia thoraco-abdominal. Le ratoire. La présence de cette perforante est confirmée par
l'utilisation d'un Doppler portatif. La zone abdominale latérale
controlatérale à la perforante n'est pas incluse et n'est pas pré-
levée dans le lambeau de DIEAP [17]. En d'autres termes, la
zone IV régulièrement levée et supprimée est laissée en place.
Le lambeau de DIEAP est levé sur majoritairement une
perforante du pédicule épigastrique inférieur profond
jusqu'aux vaisseaux sources, sous l'arcade crurale. Les per-
forantes médiales sont privilégiées. Le lambeau ­perforant
abdominal emporte l'hémi-abdomen ipsilatéral et la partie
médiale de l'hémi-abdomen controlatéral au pédicule per-
forant. La fermeture du site donneur se fait après un décol-
lement uniquement médian sus-ombilical sans décollement
homolatéral à la reconstruction mammaire. L'aponévrose
musculaire est fermée par des points en X de PDS® 2.0 ren-
forcés par un surjet de PDS® boucle 0. La cicatrice du site
donneur est fermée de manière oblique asymétrique avec un
excédent cutanéograisseux du côté du sein reconstruit. La
patiente est prévenue de l'aspect asymétrique de l'abdomen
qui sera entièrement corrigé lors de la deuxième intervention.
Les vaisseaux mammaires internes du côté du sein reconstruit
sont abordés. Le 3e ou 4e cartilage costal est exposé avec écarte-
ment des fibres musculaires du grand pectoral. Le périchondre
antérieur est retiré, une dissection circulaire du cartilage costal est
réalisée au-dessus du périchondre postérieur. Le cartilage est ôté
et mis dans du sérum physiologique. Le périchondre postérieur
Figure 11.10 est retiré, les vaisseaux mammaires internes sont alors exposés,
Dessin préopératoire d'un LATA. les perforantes sont contrôlées et clipées [18].
310
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Figure 11.11
Création d'un néo-sillon sous mammaire par fixation du fascia.
A et B. Résultat peropératoire d'un LATA.

Le lambeau de DIEAP est alors microanastomosé aux vais- lant l'abdominoplastie et anticipant le déplacement vers le
seaux mammaires internes sous microscope. L'anastomose vei- bas du sillon sous-mammaire.
neuse termino-terminale est réalisée de manière mécanique à Après excision de la cicatrice de mastectomie, une désé-
l'aide du système coupleur [19]. L'anastomose artérielle termino- pidermisation de la peau entre cette dernière et le néosillon
terminale est réalisée par des points séparés d'Ethylon® 9.0. sous-mammaire est réalisée. Un décollement sous-cutané
Enfin le lambeau est modelé à l'intérieur de l'étui cutané au-dessus de la cicatrice de mastectomie est réalisé jusqu'au
reconstruit par le lambeau d'avancement thoraco-abdo- sillon sus-mammaire. La dissection de la berge supérieure
minal (LATA). Une petite palette cutanée de surveillance débute par une dissection sous-cutanée stricte sur envi-
est intercalée au sein de la cicatrice de mastectomie, le ron 2 cm de hauteur afin d'affiner cette zone. Dans notre
reste de la peau du lambeau de DIEAP est désépidermisé. équipe, nous n'utilisons jamais le lambeau de DIEAP selon
Le ­lambeau de DIEAP est fixé par des points séparés de cette technique pour des raisons esthétiques de dyschro-
Vicryl® 1 au niveau de la région du décolleté, du prolon- mies et le risque de perte de substance thoracique en cas
gement axillaire. La forme globale du sein reconstruit est d'échec (fig. 11.12).
déterminée par le LATA avec comme élément primordial,
le néo sillon sous-mammaire et le sillon latéromammaire. Lambeau de DIEAP
Le cartilage costal est mis en nourrice dans une logette
La technique est la même que décrite dans l'association
sous-cutanée réalisée au-dessus du pli crural. Ce cartilage
LATA-DIEAP. Le modelage est légèrement différent. Le
sera extrait lors du 3e temps opératoire pour la reconstruc-
lambeau est solidarisé à la paroi thoracique par seulement
tion de la plaque aréolo-mammelonnaire.
trois points afin de laisser ptoser secondairement le lam-
beau. Le premier point fixe la pointe du lambeau au fascia
DIEAP avec palette cutanée du muscle grand pectoral supéro-latéral du sein. Le deu-
xième point solidarise la partie inférieure du lambeau au
Préparation du site receveur sillon sous-mammaire, à environ 5 cm latéralement de l'axe
Afin de reconstruire un sein esthétiquement satisfaisant avec médio-claviculaire, c'est le point inféro-latéral. Il a pour rôle
des cicatrices les plus dissimulées, il convient de reconstruire de prévenir le déroulement latéral du sein reconstruit. Un
l'ensemble du sein par le lambeau en ne conservant aucune dernier point médial au niveau du sillon sous-mammaire
peau thoracique sous la cicatrice de mastectomie. Les cica- contrôle le comblement inféromédial [12].
trices respectent alors les sous-unités esthétiques du sein [7]. La forme conique est obtenue par trois artifices [12].
L'empreinte du sein controlatéral est transposée sur la ● Le premier consiste à réaliser une résection triangulaire de
paroi thoracique dans les cas de reconstruction mammaire pleine épaisseur à l'endroit du lambeau qui remplacera le pôle
unilatérale Le sillon sous-mammaire est marqué en appli- inférieur du sein. Ce triangle possède sa base dans le sillon
quant une traction vers le bas sur la peau thoracique simu- sous-mammaire et sa pointe regardant vers le dôme du sein.
311
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 11.12
Résultat d'un lambeau de DIEAP avec palette cutanée.

Figure 11.13
Résultat après le premier temps opératoire d'un DIEAP+LATA, et résultat final.

Cette résection-suture triangulaire doit être placée avec préci- est alors refoulée dans le sein participant à la projection et
sion car à son bout se trouve le futur dôme du sein. Ce dôme à la forme de cône ptotique attendue.
sera positionné latéralement par rapport à l'axe du sein.
Le deuxième artifice est une suture du bord inférieur du
Deuxième temps

lambeau au futur sillon sous-mammaire en résorbant plus


de longueur de peau sur la berge du lambeau par rapport à opératoire du DIEAP-LATA
la berge du sillon sous-mammaire.
● Le troisième artifice réside dans le prélèvement du lam- Après avoir apporté le volume lors du premier temps
beau de DIEAP. Lors de l'incision des berges cutanées de opératoire, un travail chirurgical de remodelage et de per-
celui-ci, la dissection sous-cutanée se poursuit obliquement fectionnement esthétique va démarrer pour acquérir un
afin de recruter de la graisse. Lors de la mise en place du résultat de qualité qui facilite l'intégration du sein recons-
lambeau, la suture est uniquement cutanée et cette graisse truit dans le schéma corporel (fig 11.13).
312
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Le deuxième temps opératoire comporte trois éléments. Reprise de la cicatrice abdominale


Le dessin préopératoire permet de marquer la reprise de
la cicatrice abdominale avec une cicatrice symétrique et L'incision débute par la berge inférieure du dessin et le décol-
placée plus bas dans le slip. Les marques de symétrisation lement abdominal est poursuivi jusqu'à l'ombilic a­ u-dessus
(mastopexie simple ou mastoplastie de réduction) du sein de l'aponévrose musculaire. L'excédent cutanéograisseux
controlatéral à la reconstruction sont réalisées. Les zones est conservé dans du sérum physiologique. Un capitonnage
de transfert de tissus adipeux au niveau du sein reconstruit profond est réalisé par des points séparés de Vycril® 1. La
sont notées (fig 11.14 et 11.15). fermeture cutanée est réalisée en deux plans, par des points
inversants de Monocryl® 2.0 et un surjet de Monocryl® 3.0.

Figure 11.14
Dessin préopératoire d'un deuxième temps du DIEAP avec LATA.
Cas clinique illustrant le préopératoire (A), le dessin du premier temps opératoire (B), le dessin du deuxième temps opératoire (C)
et le résultat final (D).

313
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

trisation est réalisée dans la majorité des cas par trois


cicatrices (péri-aréolaire, verticale et horizontale) afin de
mieux contrôler le déroulement secondaire du segment
inférieur. Fig 11.14 et 11.15

Troisième temps opératoire


Lors de ce dernier temps opératoire, nous réalisons la recons-
truction de la plaque aréolo-mamelonnaire et complétons
la finition du sein par réalisation de retouches (lipoaspira-
tion, réinjection de graisse, reprise de cicatrice, refixation du
sillon sous-mammaire,…). L'aréole est réalisée par dermo-
pigmentation. Le mamelon est en majorité reconstruit par
un C-V-flap armé avec un greffon cartilagineux (fig. 11.16)
[20, 21]. Ou par greffe mamelonnaire controlatérale si ce
dernier est de grande taille.
En effet, le cartilage costal mis en nourrice au niveau
Figure 11.15 abdominal lors du premier temps chirurgical est prélevé et
Résultat après le deuxième temps opératoire du DIEAP-LATA, un greffon est taillé dedans. Dans le reste des cas, le mamelon
préparation du troisième temps opératoire.
est reconstruit par greffe mamelonnaire prise sur le mamelon
controlatéral. Cette technique est proposée aux patientes
Modelage du lambeau de DIEAP ayant un mamelon de volume important et acceptant un geste
sur leur mamelon sain. Lorsque le geste se limite à la recons-
Une désépidermisation de la palette cutanée de surveillance
truction de la PAM celui est réalisé sous anesthésie locale.
du lambeau de DIEAP est réalisée dans le cas d'une asso-
En cas de nécessité de retouches du sein reconstruit
ciation LATA-DIEAP. Les extrémités latérale et médiale de la
(nouvelle séance de greffe adipocytaire et/ou lipoaspira-
palette cutanée désépidermisée sont décollées, rabattues
tion afin de redéfinir un sillon latéral ou médial) en plus
vers le centre et suturées entre elles afin d'apporter de la pro-
de la reconstruction de la PAM nous réalisons ce dernier
jection en regard de la future plaque aréolo-­mamelonnaire.
temps sous anesthésie générale. En cas de remodelage plus
Un décollement sous-cutané supérieur et inférieur est réa-
invasif, la PAM est réalisée lors d'un quatrième temps afin
lisé afin de limiter la tension cutanée sur la cicatrice.
de ne pas la positionner en mauvaise position (fig 11.17).
En cas de projection insuffisante au niveau de la future
plaque aérolo-mamelonnaire (PAM) ou dans le segment infé-
rieur, nous réalisons parfois une greffe dermograisseuse. Celle-ci
est préparée à partir de l'excédent cutanéograisseux de la
reprise de cicatrice abdominale. Cette greffe dermograisseuse
est prélevée avec une épaisseur de 0,5 à 1 cm. Elle est position-
née derme vers le haut et fixée par des points de Monocryl®
2.0 contre le décollement de l'étui cutané du sein reconstruit.
Enfin une greffe de tissus adipeux est généralement
réalisée dans les régions manquant de volume (décolleté,
segments latéraux). Les sites donneurs préférentiels lors de ce
temps opératoire sont l'abdomen et les flancs (fig 11.14 et 11.15).

Symétrisation du sein controlatéral


Le sein controlatéral est symétrisé dans ce deuxième
temps opératoire. Le geste est celui d'une mastopexie ou
d'une mastoplastie de réduction. Une technique à pédi- Figure 11.16
cule glandulaire postérosupérieur est utilisée. La symé- Dessin préopératoire C-V-flap, et greffe cartilagineuse.
314
11. Les lambeaux microchirurgicaux

D C
Figure 11.17
Résultats final postopératoire de l'association DIEAP-LATA.

Mise en perspectives plus une nouvelle cicatrice est réalisée dans le néosillon
sous-mammaire en plus de celle de la mastectomie. Lorsque
Le lambeau de DIEAP est devenu une des techniques com- la palette cutanée du lambeau est conservée, l'exérèse d'une
munes en reconstruction mammaire autologue. Il permet partie de la peau thoracique (entre la cicatrice de mastecto-
également de faire dans le même temps opératoire un mie et le néosillon sous-mammaire) est nécessaire. Le prin-
transfert de ganglions pour améliorer le lymphœdème du cipal inconvénient de cette technique est, en cas d'échec du
membre supérieur. lambeau de DIEAP, de se retrouver dans une situation plus
Le lambeau d'avancement thoraco-abdominal est quant complexe qu'en préopératoire. Certains auteurs ont alors
à lui une technique classique de reconstruction de l'étui décrit, afin d'éviter cette exérèse, la réalisation d'un lambeau
cutané du sein. La description de cette association avait été thoracique à revers afin de conserver l'excédent cutané sous
bien montrée par Mojallal et al. en 2010 [17]. le sillon sous-mammaire. Cet excédent pouvant alors être
La technique de DIEAP avec palette cutanée a été aban- remobilisé en cas d'échec du lambeau [22].
donnée dans notre équipe du fait de l'effet patch apporté L'utilisation d'un lambeau d'avancement thoraco-abdo-
par cette dernière et également du sacrifice de la peau minal afin de créer l'étui cutané du sein de manière indé-
thoracique. L'association DIEAP-LATA a pour principal
­ pendante du volume créé par le lambeau de DIEAP nous
avantage d'éviter ces inconvénients. apparaît être une solution intéressante. En effet, le LATA est
Il existe une différence de couleur, d'épaisseur et de tex- une technique fiable, un lambeau bien vascularisé pouvant
ture cutanée [7, 8, 10] entre thorax et palette cutanée. De même être utilisé en cas d'antécédent de radiothérapie [11].
315
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Le LATA permet à la fois de recréer l'étui cutané du sein [3] Nahabedian MY, Tsangaris T, Momen B. Breast reconstruction with
reconstruit, mais aussi le sillon sous-mammaire et le sillon the DIEP flap or the muscle-sparing (MS-2) free TRAM flap : Is
there a difference ? Plast Reconstr Surg 2005 ; 115 : 436.
mammaire latéral. Ce lambeau d'avancement concentrique [4] Hamdi M, Van Landuyt K, Van Hedent E, et al. Advances in auto-
permet le recrutement de l'excédent cutanéograisseux tho- genous breast reconstruction : The role of preoperative perforator
racique latéral et thoraco-abdominal. Dans notre technique, mapping. Ann Plast Surg 2007 ; 58 : 18.
le LATA est réalisé par une voie d'abord interne sans ajout de [5] Blondeel P. One hundred free DIEAP flap breast reconstructions : a
personal experience. Br J Plast Surg 1999 ; 52(2) : 104–11.
cicatrice supplémentaire. Une double rangée de points séparés
[6] Allen R, Treece P. Deep inferior epigastric perforator flap for breast
avec incision du fascia de Scarpa est réalisée afin de fixer le sillon reconstruction. Ann Plast Surg 1994 ; 32(1) : 32–8.
sous-mammaire à la paroi thoracique. Cette technique permet [7] Spear SL, Davison SP. Aesthetic subunits of the breast. Plast Reconstr
de créer un sillon stable, en préservant le réseau vasculaire sous- Surg 2003 ; 112 : 440.
dermique. Les irrégularités et l'aspect creusé des points dispa- [8] Spear SL, Davison SP. Aesthetic subunits of the breast. In : Spear SL,
Robb GL, Willey SC, editors. Surgery of the Breast : Principles and
raissent en général au bout de 3 mois. En cas d'insuffisance de Art. 1st Ed Philadelphia : Lippincott ; 2005. p. 656–65.
définition de certains points du sillon sous-mammaire, une [9] Chun YS, Pribaz JJ. A simple guide for inframammary-fold recons-
lipoaspiration très superficielle, une nouvelle fixation du sillon truction. Ann Plast Surg 2005 ; 55 : 8.
par voie interne et/ou la mise en place de points transcutanés [10] Pulzl P, Schoeller T, Wechselberger G. Respecting the aesthetic unit
in autologous breast reconstruction improves the outcome. Plast
sont réalisés lors du deuxième temps opératoire.
Reconstr Surg 2006 ; 117 : 1685.
De plus, en cas d'échec du lambeau de DIEAP, l'étui cutané [11] Delay E, Jorquera F, Pasi P, et al. Autologous latissimus breast
du sein reconstruit est présent et est conservé. Une recons- reconstruction in association with the abdominal advancement
truction par un autre lambeau autologue (ex. : MSLD [Muscle flap : A new refinement in breast reconstruction. Ann Plast Surg
Sparing Latissimus Dorsi], TMG [Transverse Musculocutaneous 1999 ; 42 : 67.
[12] Blondeel P, Hijjawi J, Depypere H, et al. Shaping the breast in aesthe-
Gracilis]) ou par prothèse peut être réalisée facilement. tic and reconstructive breast surgery : an easy three-step principle.
Un des inconvénients du LATA mis en évidence par certains Plast Reconstruct Surg 2009 ; 123(2) : 455–62.
est un manque de projection du sein reconstruit notamment [13] Gui GP, Behranwala KA, Abdullah N, et al. The inframammary
dans la région rétro-aréolaire. Pour pallier cet inconvénient fold : Contents, clinical significance and implications for immediate
breast reconstruction. Br J Plast Surg 2004 ; 57 : 146.
nous utilisons plusieurs techniques. Des incisions radiaires
[14] Spear S, Mesbahi A, Beckenstein M. Re-creating the inframammary
du fascia de Scarpa du LATA sont réalisées afin de donner fold : The internal approach. In : Spear SL, Robb GL, Willey SC, edi-
de l'expansion conique au lambeau. Lors du deuxième temps tors. Surgery of the Breast : Principles and Art. 1st ed Philadelphia :
opératoire, la plastie locale de la palette cutanée désépider- Lippincott ; 2005. p. 566–80.
misée permet également d'apporter de la projection. D'autre [15] Nava M, Quattrone P, Riggio E. Focus on the breast fascial system :
A new approach for inframammary fold reconstruction. Plast
part, l'utilisation d'une greffe dermograisseuse a également ce Reconstr Surg 1998 ; 102 : 1034.
but. Enfin lors des transferts de tissus adipeux nous concen- [16] Nava M, Ottolenghi J, Riggio E. Re-creating the inframammary
trons entre autres la réinjection en arrière de la future PAM. fold with the superficial fascial system. In : Spear SL, Robb GL,
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beau d'avancement thoraco-abdominal en reconstruction vein as a recipient site for free-flap breast reconstruction : a report
of 110 consecutive cases. Plast Reconstruct Surg 1996 ; 98(4) :
est une proposition thérapeutique donnant d'excellents
685–9.
résultats. Elle permet une reconstruction naturelle en préser- [19] Spector J, Draper L, Levine J, et al. Routine use of microvascular cou-
vant la peau thoracique en cas d'échec du lambeau de DIEAP. pling device for arterial anastomosis in breast reconstruction. Ann
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316
11. Les lambeaux microchirurgicaux

11.3. Les lambeaux libres issus de la cuisse :


PAP et TUG (gracilis)
M. Atlan, K. Haddad, L. Lantieri

Le lambeau Deep Inferior Epigastric Perforator (DIEP) est


devenu au fil des années, le lambeau de référence en recons-
truction mammaire autologue par lambeau libre [1, 2].
Cependant, lorsque les patientes ont une laxité abdomi-
nale insuffisante, un site donneur sans rapport avec le sein
à reconstruire, ou présentent des antécédents de chirur-
gie abdominale, il est possible de leur proposer d'autres
zones donneuses pour leur reconstruction. Le choix du site
­donneur dépend de la ­disponibilité en tissus, du volume
du sein à reconstruire, et des préférences des patientes. Les
autres zones de prélèvement envisageables sont la fesse
pour le lambeau glutéal (supérieur ou inférieur), ou la cuisse
pour le lambeau de gracilis à palette cutanée transversale
haute (TUG flap) [3] ou le PAP flap pris sur la partie posté-
rieure de cuisse.
Nous ne discuterons que des deux lambeaux de cuisse :
TUG et PAP.

Anatomie
La peau de la face postérieure de la cuisse est vascularisée
principalement par des perforantes de l'artère fémorale
profonde [4–7]. Le lambeau Profunda Artery Perforator
(PAP) décrit par Allen et al. en 2012 [8], est basé sur ces per-
forantes. Le lambeau PAP est maintenant reconnu comme Figure 11.18
une option de choix pour les reconstructions mammaires Angiographie circonférentielle de la cuisse gauche montrant
les différents territoires vasculaires.
autologues de volume faible à modéré. La zone entourée en pointillé rouge correspond à la face postérieure
La zone cutanée vascularisée par le TUG, est plus anté- de cuisse. GT : grand trochanter ; L : condyle fémoral latéral ;
rieure et classiquement la pointe postérieure de la palette ne M : condyle fémoral médial ; P : patella. IGA : artère glutéale
inférieure ; MCFA : artère circonflexe fémorale médiale ; LCFA :
peut pas dépasser une ligne verticale passant par le milieu artère circonflexe fémorale latérale ; PFA : artère fémorale profonde ;
du sillon fessier au risque de nécrose cutanée. Le pédicule FA : artère fémorale ; LGSA : artère génicullaire supérieure latérale ;
du lambeau est celui du muscle gracilis qui chemine entre MSGA : artère génicullaire supérieure médiale ; PA : artère poplitée.
Dessin : Cyrille Martinet.
le long et le grand abducteur.

Anatomie du lambeau PAP nées ou septocutanées (fig. 11.18). Traversant soit l'adduc-
(Profonda Artery Perforator flap) tor magnus, le semi-tendineux ou semi-membraneux, soit
dans le fascia situé entre les deux.
L'artère fémorale commune se divise après son passage Une étude scanographique de DeLong et al. [9] sur
dans le triangle de Scarpa en artère fémorale superficielle 100 cuisses a montré qu'au moins deux perforantes issues
et artère fémorale profonde. L'artère fémorale profonde de l'artère fémorale profonde et de calibre suffisant pour
vascularise la plus grande partie de la face postérieure de la un transfert microchirurgical étaient systématiquement
cuisse par l'intermédiaire de 3 à 4 perforantes musculocuta- présentes.
317
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Anatomie du lambeau TUG circonflexe médiale, issue de l'artère fémorale profonde. Il


vascularise la partie médiale et antérieure de la cuisse et
(Transverse Upper Gracilis flap) chemine entre les muscles long et grand adducteurs. Il
(fig. 11.19 et 11.20) existe un pédicule principal et deux pédicules accessoires.
D'autre part, il existe une branche nerveuse utile dans les
La palette cutanée est transversale au niveau du tiers proxi-
indications de réanimation de paralysie faciale.
mal du gracilis qui lui aussi est emporté. Le lambeau TUG
La vitalité de la pointe postérieure de la palette cutanée
est donc un lambeau musculocutané et non perforant.
est plus incertaine, lorsque celle-ci dépasse la limite de la
Le déficit musculaire engendré par le prélèvement de ce
jonction du tiers externe et du tiers moyen de la cuisse.
muscle adducteur est faible.
Bodin et al. préconisent soit de limiter la palette en dedans
À ce niveau, la dissection qui emporte le muscle gracilis
de cette limite, soit d'utiliser la technique d'angiographie en
peut aussi emporter la veine saphène interne avec le risque
temps réel au vert d'indocyanine pour vérifier la perfusion
d'œdème persistant.
de la palette en postérieur.
Le muscle gracilis prend son origine sur la symphyse
Le prélèvement du lambeau sur les perforantes cuta-
pubienne sur sa branche inférieure et s'insère sur le condyle
nées du TUG n'est pas conseillé car elles sont plus grêles
médial du genou. Le pédicule du muscle gracilis est l'artère
que celles du PAP. Le TUG dans sa version perforante, sans
muscle, n'a pas la même fiabilité.

Technique chirurgicale
PAP
Dessins
Ils sont réalisés avant l'intervention, sur une patiente debout,
puis allongée sur le dos. Ils sont de deux types selon le volume
du sein à reconstruire et la quantité de peau nécessaire.
● Soit une palette cutanée classique : le bord supérieur de
Figure 11.19 la palette cutanée est situé 1 cm sous le sillon génitocrural,
Coupe du tiers supérieur de cuisse. En bleu, le prélèvement
du lambeau.
et se prolonge en arrière dans le sillon sous-fessier. La limite
Dessin : Cyrille Martinet. interne de la palette se situe trois travers de doigt en avant du
bord antérieur du muscle gracilis. La limite externe se situe à
l'extrémité latérale du sillon sous-fessier. Le bord inférieur est
situé à 7 cm du bord supérieur, adapté selon la laxité cuta-
née et le volume nécessaire à la reconstruction. On obtient
ainsi une palette cutanée en forme d'ellipse (fig. 11.21a).
● Soit avec une extension verticale, chez les patientes
nécessitant une reconstruction de plus grand volume
(fig. 11.21b).

Figure 11.20
Figure 11.21
Origine vasculaire des lambeaux TUG et PAP.
Dessin : Cyrille Martinet. Palette cutanée classique en ellipse (A), et avec extension verticale (B).

318
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Installation Les anastomoses artérielle et veineuse sont ensuite réa-


lisées sur les vaisseaux receveurs mammaires internes ou
La patiente est installée en décubitus dorsal, une ou deux
circonflexes scapulaires.
jambes en position gynécologique (fig. 11.22). Il est impé-
ratif de réaliser un examen Doppler préopératoire afin
de localiser et quantifier les perforantes. Par ailleurs, nous TUG
réalisons systématiquement un angioscanner de la racine
des deux cuisses avec reconstructions volumétriques pour La patiente est en position du lotus ou en position gyné-
repérer les perforantes dominantes et faciliter la dissection cologique afin d'obtenir une abduction soulignant le relief
(fig. 11.23). du muscle long adducteur. Le bord antérieur du muscle
Après incision de la moitié antérieure de la palette cuta- gracilis est repéré postérieurement au relief du long adduc-
née, la dissection est réalisée d'avant en arrière, avec repérage teur. Une palette cutanée elliptique est dessinée, son bord
des différentes perforantes. Les perforantes septocutanées supérieur suit le sillon génitocrural et rejoint le pli sous-
(dans le septum entre les muscles gracilis et long adducteur, fessier jusqu'en moitié de cuisse. Un «pinch test» permet
long adducteur et semi-membraneux, semi-membraneux d'évaluer la quantité de tissu prélevé.
et semi-tendineux), ou musculocutanées sont localisées. L'incision se fait antérieurement à la limite du lambeau
Le lambeau est levé sur une seule artère perforante. Après de gracilis jusqu'à l'aponévrose musculaire du long adduc-
repérage de ­l'artère perforante principale, sa dissection est teur, et le pédicule vasculaire est rapidement visualisé sous
poursuivie jusqu'à son origine sur les vaisseaux fémoraux ce muscle ; il repose sur le muscle grand adducteur. Il ne
profonds. faut pas décoller la palette cutanée en regard du muscle
gracilis.
La palette cutanée du lambeau est incisée plus pos-
térieurement et le muscle gracilis est prélevé, selon la
technique de Schoeller le plus distalement possible au
ras de son tendon. Cet apport supplémentaire de muscle
contribue à augmenter le volume du lambeau. Les pédi-
cules accessoires distaux et proximaux du gracilis sont
repérés et ligaturés. L'insertion proximale, pubienne, est
sectionnée.
Le pédicule circonflexe médial est disséqué jusqu'à sa
naissance au niveau de l'artère fémorale profonde, parfois
en abordant le muscle long adducteur antérieurement
pour augmenter la longueur du pédicule qui mesure
6–8 cm avec un diamètre artériel de 1,2 mm et veineux
Figure 11.22 de 2,8 mm.
Installation de la patiente. Enfin il faut si possible préserver la veine saphène interne
pour éviter un œdème postopératoire.

Modelage du sein
Le modelage est réalisé en position allongée. Nous n'uti-
lisons la position demi-assise que pour apprécier le résul-
tat. Le type de modelage est déterminé par le type de
reconstruction, immédiate ou différée. La position du
lambeau est déterminée par la longueur du pédicule.
Certains ont décrit des conformations coniques de ces
deux lambeaux pour projeter le volume parfois insuffi-
sant, et aussi utiliser l'aspect plus teinté de la peau du
Figure 11.23 sillon génitocrural pour recréer la plaque aréolo-mame-
Repérage préopératoire des perforantes à l'aide d'une angio-IRM. lonnaire dans le même temps.
319
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Surveillance des 24 premières antérieure moins étendue, donc avec un meilleur résultat
esthétique.
heures L'une des limites de la reconstruction mammaire par lam-
La surveillance du lambeau consiste en une surveillance beau PAP est le volume et la quantité de peau ­disponibles,
horaire de la couleur, de la chaleur, du temps de recolora- notamment par rapport à un lambeau DIEP. Pour les seins
tion cutanée après pression prolongée. de petit volume à modéré, l'utilisation de la palette cutanée
classique est le plus souvent suffisante. Une greffe adipocy-
taire pourra être réalisée si besoin dans un second temps.
Suites opératoires Pour les seins de volume plus important, il est possible de
réaliser une extension verticale afin d'augmenter le volume
Les suites postopératoires immédiates sont le plus souvent du lambeau et la quantité de peau prélevée. Enfin, le pédi-
simples. La déambulation prudente est autorisée dès J + 1. cule du lambeau PAP au contraire du lambeau TUG, a une
Les drains de Redon sont retirés progressivement à partir longueur suffisante pour un branchement au niveau des
du troisième jour et jusqu'au cinquième jour, où la sortie de vaisseaux mammaires internes ou circonflexes scapulaires.
la patiente est généralement possible sans drain. Cela peut être utile notamment en cas d'échec d'un précé-
dent lambeau DIEP, ou le branchement mammaire interne
n'est plus toujours utilisable.
Discussion Les complications cicatricielles sont représentées essen-
tiellement par les désunions, et les séromes. Le faible taux
Le prélèvement musculaire du lambeau TUG peut entraî- de complications, et l'absence de complication majeure,
ner des séquelles douloureuses ou fonctionnelles, même si témoignent de la faible morbidité liée au prélèvement du
la morbidité est faible (mais non nulle) [10–13]. L'atrophie lambeau PAP (fig. 11.24). En cas de complications d'échec
du muscle gracilis est inévitable dans les mois suivant de DIEP, on pourra brancher le lambeau de PAP en contro-
l'intervention, impliquant un faible volume du sein recons- latéral (fig. 11.25).
truit. Certains comme Park ont proposé des dessins plus
verticaux, comme dans un lifting de cuisse afin de recru-
ter plus de graisse ou encore la réalisation systématique de Conclusion
lambeaux bilatéraux. Mais une augmentation secondaire
du volume par greffes adipocytaires itératives est alors sou- Les lambeaux de face interne de cuisse, TUG ou PAP, sont
vent nécessaire. une excellente alternative au DIEP chez les patientes chez
Cependant, son prélèvement est plus rapide que celui qui le prélèvement abdominal est contre-indiqué ou non
du lambeau PAP car il s'effectue sans dissection intramus- souhaité avec une faible morbidité sur la zone donneuse et
culaire de perforantes. Le lambeau PAP, lui, est un lambeau une cicatrice discrète.
perforant, donc sans prélèvement musculaire. Cela permet Les deux lambeaux ont leurs avantages et leurs incon-
de réduire la morbidité liée au prélèvement musculaire, et il vénients, avec notamment pour le lambeau TUG une cer-
n'y a pas de perte de volume postopératoire, contrairement taine facilité de dissection sans dissection de perforantes
au lambeau TUG où l'atrophie musculaire est inévitable intramusculaires, mais avec un pédicule court et une
dans les mois suivant l'intervention. palette cutanéograisseuse plus réduite que le lambeau PAP.
En réalisant un prélèvement de lambeau perforant sur Les principaux avantages de ce dernier, sont la constance
cette zone, les inconvénients potentiels du prélèvement du pédicule, sa ­longueur et son calibre supérieurs au lam-
musculaire sont abolis. Les perforantes du lambeau PAP, beau TUG et une palette cutanéograisseuse fiable. On
plus postérieures [9, 14], permettent un prélèvement pro- pourra même reconstruire le mammelon dans le premier
longé à l'extrémité du sillon sous-fessier et une cicatrice temps opératoire (fig. 11.26).

320
11. Les lambeaux microchirurgicaux

B
Figure 11.24
Résultats de face (A) et de dos (B) à 8 mois postopératoires, après symétrisation du sein controlatéral.

C B D
Figure 11.25
Lambeau PAP branché en controlatéral dans les suites d'un échec de DIEP.
A. Lambeau de PAP et son pédicule B. Face post-opératoire à 6 mois. C. Séquelles du prélèvement. D. Profil post-opératoire à 6 mois.

321
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

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322
11. Les lambeaux microchirurgicaux

11.4. Le lambeau perforant lombaire


J.-F. Honart, B. Sarfati, N. Leymarie

Initialement utilisé en tant que lambeau pédiculé pour la


couverture des pertes de substance dorsolombaires ou
lombosacrées, le lambeau perforant lombaire a été décrit
en 2003 par de Weerd et al. en reconstruction mammaire.
Il s'agit d'un lambeau fiable, à anatomie constante, utilisant
l'excédent cutanéograisseux des «poignées d'amour» avec
une morbidité faible sur les plans cosmétique et fonctionnel.
Le lambeau perforant lombaire est une alternative séduisante
en cas d'impossibilité d'utiliser un lambeau abdominal.

Anatomie chirurgicale
Figure 11.27
Le lambeau lombaire est un lambeau perforant cutanéo-­
Angioscanner préopératoire.
graisseux vascularisé par des perforantes provenant des Au niveau de la vertèbre L3, deux perforantes bilatérales marquées
pédicules lombaires. Ces vaisseaux lombaires, au nombre de par les flèches. Elles naissent à la face postérieure du muscle psoas
quatre de chaque côté, proviennent directement de la face (MP) puis cheminent entre les muscles carré des lombes (MCL)
et érecteurs du rachis (MER).
postérieure de l'aorte en regard des vertèbres L1, L2, L3 et L4.
Un cinquième naît de l'artère sacrée moyenne. Ces artères che- Cet examen permet également d'obtenir des repères à la
minent en arrière du muscle psoas puis entre les muscles carré peau du point d'entrée de la perforante au travers du fascia
des lombes et érecteurs du rachis pour les trois premières. dorsolombaire. On choisit comme repère vertical la vertèbre
La quatrième chemine en avant du muscle carré des lombes. correspondant au pédicule lombaire ou la hauteur de la
Elles donnent deux branches terminales : l'une dor- perforante par rapport à une ligne joignant les deux épines
sospinale qui se divise en rameau dorsal et spinal ; l'autre iliaques postérosupérieures ; dans le sens horizontal, on pren-
abdominale ou antérieure (artère intercostale lombaire) est dra la distance par rapport la ligne médiane rachidienne.
à destinée musculaire et pariétale.
Des études anatomiques montrent qu'il est retrouvé en
moyenne 5 ou 6 perforantes lombaires. La distribution est Technique chirurgicale
équivalente de chaque côté. Les perforantes dominantes et de
plus gros calibre sont localisées majoritairement au niveau de La patiente est placée en décubitus latéral. Si la perforante
L3 ou de L4. Le point d'entrée de la perforante à travers le fascia choisie est du même côté que la reconstruction, le prélève-
dorsolombaire est situé à environ 7 cm de la ligne médiane : ment du lambeau peut se faire de façon concomitante à la
69,5 mm pour Hamdi et al., et 72,2 mm pour Kato et al. mastectomie et/ou la préparation des vaisseaux receveurs.
Le drainage veineux du lambeau est réalisé par les veines La perforante est localisée à la peau en utilisant les coordon-
concomitantes des artères lombaires. nées scanographiques, puis de façon plus précise en position
chirurgicale par échographie Doppler couleur ou Doppler
sonore. La palette cutanée est alors centrée sur la perforante
Planning préopératoire choisie, et tracée horizontalement par rapport à la crête iliaque.
La taille maximale de la palette est évaluée par un pinch test
Un angioscanner abdominal préopératoire permet de réali- pour permettre une fermeture directe du site donneur.
ser une cartographie des perforantes, d'évaluer leur calibre La peau est alors incisée jusqu'à l'aponévrose lombaire
et de choisir, en fonction, la perforante dominante et le côté sous-jacente, qui est respectée. Un débord graisseux oblique
le plus favorable au prélèvement du lambeau (fig. 11.27). peut être prélevé en supérieur et inférieur afin d'augmenter
Si possible, on choisit la perforante homolatérale au côté à le volume du lambeau. Cependant, ce débord graisseux
reconstruire pour permettre une intervention en double équipe. doit être limité pour réduire les risques de lymphocèle
323
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

­ ostopératoire. Le lambeau est levé en partant de la région


p Pendant le temps du prélèvement, le site receveur est
antérolatérale vers la zone postéromédiale en disséquant préparé. Les vaisseaux receveurs mammaires internes sont
au ras de l'aponévrose jusqu'à la perforante qui est isolée choisis de façon préférentielle.
(fig. 11.28). L'aponévrose est alors incisée et la dissection du Le lambeau est ensuite sevré et transposé au niveau de
pédicule est poursuivie entre les muscles érecteurs du rachis la région thoracique. La revascularisation du lambeau était
et carré des lombes. En profondeur, les vaisseaux perforants faite dans la même position par des anastomoses microchi-
sont disséqués le long du muscle psoas, à proximité des rurgicales termino-terminales entre le pédicule du lambeau
apophyses transverses et du corps vertébral. La dissection et les vaisseaux mammaires internes (fig. 11.29 et 11.31).
doit être soigneuse pour éviter toute lésion nerveuse. Pour La zone donneuse est fermée en suture directe, après
des raisons d'exposition, la dissection n'est jamais poursuivie drainage (fig. 11.30 et 11.32).
jusqu'à l'origine du pédicule. Le calibre et la longueur (environ
7 cm) du pédicule sont, à ce stade, suffisants pour réaliser les
anastomoses microchirurgicales dans de bonnes conditions.

Figure 11.29
Figure 11.28
Reconstruction mammaire secondaire gauche par lambeau
Lambeau cutanéograisseux perforant lombaire. perforant lombaire. Résultat à 1 an.

Figure 11.30
Aspect du site donneur de LAP à 1 an.
324
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Figure 11.31
Reconstruction mammaire immédiate par LPL après mastectomie avec conservation de l'étui cutané. Résultat postopératoire à 2 mois.

Conclusion
La région lombaire, par l'intermédiaire du lambeau perforant
lombaire, est une zone donneuse intéressante en recons-
truction mammaire, aux côtés des lambeaux plus classiques.
Il s'agit d'un lambeau fiable avec un pédicule constant et
de bon calibre.
Certaines publications font état de l'utilisation d'un gref-
fon vasculaire, dans plus de la moitié des cas, pour allonger
la longueur du pédicule. En cas de besoin, les vaisseaux épi-
gastriques inférieurs profonds peuvent être utilisés et pré-
levés dans une position identique à celle du prélèvement.
Dans notre expérience, aucune greffe vasculaire ou pontage
n'a été nécessaire. Pour cela, il est impératif de pousser la
dissection du pédicule au maximum, au-delà des apo-
physes transverses des vertèbres lombaires et de réaliser les
anastomoses sur le pédicule mammaire interne.
En dehors d'une cicatrice qui peut être haut située et
Figure 11.32 non dissimulée par les sous-vêtements, les séquelles esthé-
Site donneur du lambeau LAP à 1 mois. tiques et fonctionnelles sont limitées.

325
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

11.5. Le lambeau perforant de fascia lata


J.-F. Honart, N. Leymarie, B. Sarfati

Le lambeau perforant du muscle de fascia lata (sc-TFL) a


été décrit en 2011 pour la reconstruction mammaire, mais
la partie latérale de la cuisse et en particulier le lambeau
musculocutané de fascia lata est utilisé dans cette indica-
tion dès 1990. Le sc-TFL est un lambeau fasciocutané fiable,
à l'anatomie vasculaire constante et dont le prélèvement est
relativement simple et rapide. La morbidité du site donneur
est faible avec des séquelles fonctionnelles très limitées et
une cicatrice acceptable.
Figure 11.33
Repérage préopératoire des perforantes par angioscanner :
Anatomie chirurgicale pubis (croix jaune), épine iliaque antérosupérieure (croix verte),
projection du point d'émergence de la perforante septocutanée
à la peau (croix rouge), distance de la perforante par rapport au
La vascularisation du sc-TFL est basée sur une perforante pubis (ligne blanche).
septocutanée constante, issue de la branche ascendante du
pédicule circonflexe fémoral latéral. Cette perforante sep-
tocutanée est située en moyenne à 9 cm sous l'épine iliaque
antérosupérieure. Elle émerge le plus ­souvent du septum
postérieur situé entre le muscle du fascia lata et le muscle
moyen fessier, et plus rarement du septum antérieur situé
entre le muscle du fascia lata et le muscle vaste latéral. Le
pédicule du lambeau est relativement long (> 8 cm) et le
calibre de son artère mesure en moyenne de 1,5 à 2,8 mm.

Planning préopératoire
Un angioscanner préopératoire permet d'identifier et
localiser la ou les perforantes dominantes. On privilégiera
le prélèvement des perforantes émergeant du septum A B
postérieur, dont le calibre est le plus important et qui sont Figure 11.34
les plus haut situées. Le point d'entrée de la perforante à Dessins de la palette cutanée du lambeau sc-TFL : palettes
travers l'aponévrose est calculé à partir du scanner selon horizontale, oblique vers le haut ou oblique vers le bas, pubis
les repères anatomiques de l'épine iliaque antérosupérieure (croix jaune), épine iliaque antérosupérieure (croix verte),
projection du point d'émergence de la perforante septocutanée à
et de la symphyse pubienne (fig. 11.33). Les perforantes du la peau (croix rouge).
sc-TFL sont habituellement localisées à hauteur du bord Dessins : Cyrille Martinet.

supérieur de la symphyse pubienne (fig. 11.34a). La position


de la perforante est contrôlée au Doppler sonore ou en
réalisant une échographie Doppler. La palette cutanée est Technique chirurgicale
centrée sur cette perforante et tracée selon la morpholo-
gie de la patiente en fuseau horizontal, oblique vers le haut Le prélèvement du sc-TFL s'effectue en décubitus dorsal, si
ou oblique vers le bas (fig. 11.34b). La largeur maximale de besoin en double équipe. Un billot est placé sous le sacrum
cette palette respecte le pinch test pour permettre une fer- afin de surélever le bassin et dégager la partie postérieure du
meture directe sans tension (fig. 11.42). fuseau. L'incision cutanée débute à la partie antéromédiale
326
11. Les lambeaux microchirurgicaux

de la palette cutanée jusqu'à l'aponévrose sous-jacente, en abordé au bord médial du muscle tenseur du fascia lata en
prenant soin de préserver la branche cutanée latérale du nerf ouvrant son septum avec le muscle vaste latéral (fig. 11.36). La
fémoral. Puis le lambeau est levé d'avant en arrière au-dessus berge postérieure de la palette est ensuite libérée. Les décol-
du plan aponévrotique jusqu'à la perforante septocutanée lements sous-cutanés supérieur et inférieur sont à limiter car
dominante, émergeant le plus souvent entre les muscles ils peuvent être associés à un risque accru de lymphocèles
moyen fessier et le muscle tenseur du fascia lata (fig. 11.35). La postopératoires et à distance à des irrégularités de contour
perforante est alors disséquée jusqu'à la branche ascendante de la face externe de la cuisse. La graisse sous-cutanée est
du pédicule circonflexe fémoral latéral. Les collatérales sont donc prélevée à l'aplomb de la palette cutanée sans chercher
ligaturées pas à pas. La dissection se poursuit jusqu'à l'origine à prélever un débord graisseux en périphérie. Le lambeau est
de la circonflexe fémorale latérale. Pour faciliter la dissection ensuite sevré et transféré sur la zone receveuse (fig. 11.37) et les
proximale et gagner quelques centimètres supplémentaires microanastomoses sont réalisées sur les vaisseaux mammaires
sur la longueur du pédicule, le pédicule proximal peut être internes. La zone donneuse est fermée en suture directe.

A B
Figure 11.35
Dissection de la perforante septocutanée émergeant du septum postérieur entre le muscle tenseur du fascia lata (TFL) en avant, le muscle
grand fessier (GM) en haut et en arrière et l'aponévrose du fascia lata (FL) en bas et en arrière.
Dessins : Cyrille Martinet.

Figure 11.36
Après incision de la partie antérieure du lambeau, la
perforante est repérée à son point d'émergence du
septum postérieur puis disséquée jusqu'à l'origine du
pédicule en réclinant le muscle tenseur du fascia lata
en interne (A). La dissection proximale du pédicule est
ensuite complétée en réclinant le muscle vaste latéral en
interne et le muscle tenseur du fascia lata en externe (B).

327
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 11.37
Lambeau perforant fasciocutané (a et b) du muscle tenseur du fascia lata avec sa perforante.

Figure 11.38
Reconstruction mammaire secondaire gauche par lambeau perforant de fascia lata. Aspect à 1 an.

Conclusion microchirurgie. La dissection du lambeau est relativement


aisée et peut être réalisée des deux côtés en simultané. Les
La face externe de la cuisse et en particulier le lambeau résultats cosmétiques des reconstructions par le sc-TFL
perforant du muscle tenseur du fascia lata (­sc-TFL) pré- sont comparables aux autres techniques de reconstruc-
sente une alternative intéressante aux sites donneurs clas- tions autologues (fig. 11.38 à 11.40) et la morbidité au
siques de l'abdomen et de la face interne de la cuisse. Les niveau du site donneur est faible (fig. 11.41). La principale
perforantes septocutanées du muscle tenseur du fascia limite du lambeau de sc-TFL est, en cas de perforante bas
lata sont constantes. La longueur et le calibre du sc-TFL située, une cicatrice bas située et donc non dissimulée par
sont satisfaisants pour une reconstruction mammaire par les sous-vêtements.

328
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Figure 11.39
Reconstruction mammaire immédiate bilatérale par lambeau de fascia lata après mastectomie avec conservation de l'aréole, par voie
sous-mammaire. Photo préopératoire et résultat postopératoire à 1 mois.

Figure 11.40
Photos postopératoires à 1 mois.

329
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 11.41
Aspect du site donneur après prélèvement bilatéral, à 1 mois.

Figure 11.42
Dessin préopératoire. La surface de la palette cutanée est évaluée par un pinch test. Les perforantes sont localisées grâce aux données
scanographiques et contrôlées au Doppler.

330
11. Les lambeaux microchirurgicaux

11.6. La chirurgie du lymphœdème


A. Zeltzer, M. Atlan

Le lymphœdème est une maladie chronique invalidante Tableau 11.1. Classification clinique de la Société
et progressive qui est due à une accumulation d'un internationale de lymphologie (ISL).
liquide riche en protéines dans l'espace interstitiel. Non Stade 0 Stade préclinique avec œdème imperceptible
traité, il conduit à une inflammation chronique intersti- malgré une dysfonction lymphatique
tielle, une prolifération des adipocytes et à une fibrose Stade 1 Œdème avec signe du godet présent. L'élévation
des tissus. du membre diminue l'œdème
Les lymphœdèmes peuvent être primaires ou
Stade 2 Œdème irréversible, pas de signe du godet
secondaires.
Le lymphœdème primaire peut être congénital (moins Stade 3 Stade avancé avec éléphantiasis, pas de signe
du godet, et changements trophiques de la peau
de 10 % des cas), de révélation précoce (avant 35 ans, 65 à
80 % des cas) ou tardive (après 35 ans, 10 % des cas). La pré-
valence du lymphœdème primaire est estimée à 1/10 000
avant l'âge de 20 ans. Il existe une nette une prédominance trophiques (pachydermie, acanthosis et changements
féminine. Le lymphœdème primaire touche le plus souvent verruqueux). Les problèmes secondaires sont une
les membres inférieurs (80 % des cas), de façon uni- ou bila- diminution de la fonction et de la mobilité, des modi-
térale, et plus rarement un membre supérieur, le visage, ou fications de l'image corporelle et l'apparition de lésions
les organes génitaux externes. cutanées. L'évolution d'un œdème prenant le godet vers
La forme principale du lymphœdème dans les pays un œdème ne le prenant pas, est le reflet de l'évolution
développés est la forme secondaire qui est principalement de la graisse normale vers l'hypertrophie graisseuse du
liée aux traitements des cancers et en particulier les curages tissu interstitiel, pouvant évoluer vers le stade « termi-
ganglionnaires, et le plus souvent dans le cadre du traite- nal » avec fibrose et éléphantiasis.
ment du cancer du sein. La classification clinique de la Société internationale de
lymphologie (tableau 11.1) permet de définir les indica-
tions suivantes :
De multiples facteurs de risque et les causes sont
● les stades 0 et 1 : lymphœdèmes avec un œdème pre-
connus pour le lymphœdème secondaire notamment : nant le godet, sont accessibles à la microchirurgie ;
l'obésité, les curages axillaires avec multiples ganglions ● les stades 2 et 3, avec hypertrophie graisseuse et/ou
positifs (> 4), la radiothérapie, et certains produits de la fibrose du tissu sous-cutané sont les meilleurs candidats
chimiothérapie. à la chirurgie de diminution volumique avec principa-
lement la liposuccion et dans le stade «terminal» les
dermolipectomies.
Les traitements ont évolué et la France a pris du retard Le passage entre les stades est progressif est ne s'exprime
notamment dans le cadre du traitement chirurgical. pas sur le membre supérieur dans sa totalité. Les indications
de la chirurgie sont à évaluer sur mesure.

Présentation clinique
Évaluation clinique
Le lymphœdème se développe progressivement avec
une patiente se plaignant au départ d'une lourdeur du Dans le cadre d'un lymphœdème secondaire, l'anamnèse
membre supérieur et un inconfort. Ensuite le gonflement nous dirige quasiment tout de suite vers le diagnostic,
survient, devenant invalidant avec un œdème prenant mais celui-ci doit malgré tout être confirmé par imagerie
le godet et parfois des infections cutanées à répétition. (cf. infra).
Avec le temps, l'œdème ne prend plus le godet et évo- Dans le cadre d'un œdème d'origine indétermi-
lue vers l'éléphantiasis, avec des ­modifications cutanées née d'autres pathologies pouvant causer un œdème

331
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

­ ériphérique doivent être exclues (cardiopathies, néphro-


p déré comme le traitement de première ligne et de réfé-
pathies, hépatopathies, hypoprotéinémies, etc.). Ces rence pour le lymphœdème. Nous recommandons aux
œdèmes sont principalement bilatéraux et, le plus souvent, patients atteints de lymphœdèmes de stades 0, 1 ou 2 de
situés au niveau des membres inférieurs. bénéficier de ce type de traitement pendant 3–6 mois
Le poids et la taille de la patiente doivent être notés et avant tout traitement chirurgical.
dans le cas d'une obésité celle-ci traitée car tout traitement
(conservateur ou chirurgical) est voué à l'échec dans le cas
d'une surcharge pondérale [1] trop importante.
Imagerie du lymphœdème
Un examen d'imagerie idéal nous donne une confirmation
Traitement conservateur : de la pathologie (informations sur la fonction du système
lymphatique), et des informations anatomiques concer-
drainage lymphatique et nant les canaux lymphatiques et ganglions, mais également
compression à visée décongestive sur l'endroit impacté et la quantité de liquide accumulée.
Trois moyens d'imagerie du système lymphatique sont
C'est le traitement de base mais il est suspensif et palliatif. Il disponibles :
combine les drainages lymphatiques manuels, des sessions ● la lymphoscintigraphie ;
régulières de bandage et, après éducation thérapeutique ● la lymphographie au vert d'indocyanine ;
du patient, une auto-compression journalière accompa- ● l'imagerie par résonance magnétique, ou lympho-IRM.
gnée de règles hygiéno-diététiques, d'exercices physiques,
et de soins cutanés spécifiques visant à la prévention des Lymphoscintigraphie (LSG)
infections.
Ce traitement comprend une phase initiale de réduction La lymphoscintigraphie est le «gold standard» des tech-
(phase 1) suivi d'une phase de stabilisation et de maintien niques d'imagerie pour confirmer le diagnostic de lymphœ-
de la réduction (phase 2). dème en utilisant une injection de nanocolloïdes (sérum
● La première phase nécessite des drainages lympha- d'albumine humaine marquée au technétium 99 méta­
tiques manuels fréquents (souvent 5 ×/semaine) et stable) pour retracer et imager le système lymphatique
vise une réduction volumique « rapide » de l'œdème. (selon le protocole de l'Union internationale de phlébo-
Le traite­ment se fait manuellement de manière générale logie). Le radio-isotope est injecté en sous-cutané entre le
mais des compressions pneumatiques peuvent égale- 1er et le 2e espace interdigital de la main [3] puis les patients
ment être utilisées. réalisent des exercices physiques standardisés pour favori-
Le maintien de la réduction se fait dans cette phase sans ser le transport du colloïde dans le système lymphatique.
bandage multicouche non élastique. Cette phase dure clas- Une série d'images est débutée 60 minutes après l'injection
siquement 4–8 semaines. et continuée jusqu'à 6 heures avec un minimum de trois
● La deuxième phase est la phase stabilisation et le images :
drainage manuel est pratiqué à une fréquence de 1 à ● une à 30 minutes après l'injection ;
3 ×/semaine en fonction des besoins. Classiquement ● une 15 minutes après des mouvements répétés des
dans cette phase les patientes portent un manchon de doigts ;
compression qu'elles peuvent mettre et enlever de façon ● et enfin, une 1 heure après la reprise d'une activité
autonome. normale.
Il s'agit d'un « engagement » à vie et malheureusement De cet examen on peut avoir les renseignements
suspensif. L'objectif est de réduire la progression de la suivants :
maladie et les complications secondaires. Le traitement ● la vitesse d'assimilation et l'index cinétique de transport
conservateur est coûteux en compétence humaine et avec le temps de transit jusqu'à l'aisselle ;
en temps, difficile à exécuter, et s'agit seulement d'un ● le mouvement du radio-isotope ;
traitement palliatif reconnu, limitant les complications, ● le nombre et la taille des vaisseaux et ganglions ;
sans pour autant améliorer la fonction lymphatique. ● la présence de vaisseaux lymphatiques collatéraux ;
Des études récentes ont mis en doute la valeur de ce ● la présence ou l'absence de nœuds lymphatiques ;
traitement conservateur [2] mais il est toujours consi- ● le reflux dermique.
332
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Tableau 11.2. Évaluation du lymphœdème par lymphoscintigraphie.


Caractéristique Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4
Degré d'absorption du ganglion Diminution Aucun Aucun Aucun
lymphatique
Presence d'un reflux cutané Diminution Présent dans : Présent Faible ou pas
à aucun (a) < moitié de chaque de visualisation
membre
(b) > moitié de chaque
membre
Visualisation des vaisseaux lymphatiques Bonne Diminution Faible Pas de visualisation
collatéraux
Visualisation des vaisseaux lymphatiques Diminution Faible ou pas Pas de visualisation Pas de visualisation
principaux de visualisation
Élimination du produit de contraste du site Diminution Diminution plus Pas d'élimination Pas d'élimination
d'injection importante
NB : Deux caractéristiques minimum sont nécessaires pour l'évaluation.

Le reflux du marqueur est le reflet des dommages des tionnant correctement. Si le système lymphatique est
vaisseaux lymphatiques. Le tableau 11.2 montre la stadifi- endommagé, le clinicien observe un blocage du transport
cation du lymphœdème grâce aux données de la lymphos- et une extravasation de ce produit de contraste.
cintigraphie [4, 5]. Les avantages de cet examen réalisé en Le clinicien est ainsi en mesure d'identifier la localisa-
pré- et postopératoire (évaluation possible de l'efficacité tion et la fonction des vaisseaux lymphatiques superficiels.
de la chirurgie) sont sa capacité à évaluer la fonction des Yamamoto a développé un système de classification [6]
lymphatiques et des ganglions mais sans discrimination basé sur les résultats de l'imagerie ICG.
spatiale, ni repérage veineux, avec une mauvaise résolution Schématiquement, les vaisseaux lymphatiques fonc-
anatomique ou d'information sur les tissus mous. tionnels apparaîtront sous la forme d'un réseau, d'un par-
cours linéaire, et les vaisseaux endommagés ne seront pas
visualisés avec un reflux dermique et sous-cutané. Selon la
Lymphographie au vert sévérité croissante de la maladie, les images obtenues par ce
d'indocyanine (ICG) type d'imagerie sont classées en trois «patterns» de gravité
croissante : Splash > Stardust > Diffuse (fig. 11.43).
La lymphographie par fluorescence est la technique d'ima-
Cet examen peut être réalisé en consultation pour déter-
gerie la plus récente pour cartographier les atteintes lym-
miner le statut fonctionnel des lymphatiques, car la caméra
phatiques liées au lymphœdème. Ce moyen d'imagerie
est facilement transportable. Ainsi, des patients avec une
permet à la fois le repérage des vaisseaux lymphatiques
imagerie ICG montrant des vaisseaux fonctionnels et une
superficiels, mais aussi l'étude de leur fonction en temps
bonne mobilité du traceur seront de bons candidats à une
réel (transport et diffusion du produit, vitesse de trans-
anastomose lymphatico-veineuse. La principale limite de
port). Injecté par voie sous-cutanée au premier et troisième
cet examen est la faible résolution au-delà de 1,5–2 cm
espace interdigital de la main, l'ICG au contact du plasma
sous la peau.
renvoie un rayonnement infrarouge dont le signal est
recueilli par une caméra dédiée (captant les rayonnements
avec une longueur d'onde proche infrarouge), afin de visua- Lympho-IRM
liser les vaisseaux lymphatiques superficiels.
Le clinicien peut visualiser et évaluer les canaux lympha- La lympho-IRM associe la technologie IRM aux produits
tiques en temps réel. Dans le cas d'une fonction lympha- de contraste lymphatiques pour permettre une imagerie
tique normale, le produit de contraste migre relativement anatomique profonde avec plus de détails. Le gadolinium
rapidement dans les lymphatiques leur donnant un aspect est injecté dans le plan sous-cutané afin de visualiser le sys-
linéaire. Dans ce cas, il s'agit de canaux lymphatiques fonc- tème lymphatique. L'imagerie tardive avec du f­erumoxytol
333
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

STADE 0 Aspect linéaire : La lympho-IRM fournit donc à la fois des informations


canaux sur les lymphatiques, leur anatomie, leur fonction mais aussi
lymphatiques sur les veines, et la qualité du tissu sous-cutané. Le seul frein
fonctionnels
à son utilisation est la faible disponibilité de cette technique
qui est longue et nécessite des radiologues entraînés.

STADE 1 Splash
Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical dépend du stade du lymphœ-
dème. Dans les stades précoces (stade 0–1) où l'œdème
«liquide» est le plus important, le traitement microchi-
rurgical est à préférer (ALV ou greffes de ganglions). Dans
STADE 2 Stardust les stades tardifs (stade 3), le traitement «palliatif» est le
premier choix (lipoaspiration ou excision dans les cas
extrêmes). Le stade intermédiaire (stade 2) est laissé à l'ap-
STADE III Aspect diffus préciation du clinicien, et de son patient, afin de voir quel
symptôme est le plus dérangeant. Souvent une association
de microchirurgie et lipoaspiration limitée est choisie. Il
est important de rappeler que le traitement chirurgical est
pratiqué uniquement après l'échec relatif du traitement
Figure 11.43 conservateur.
Stadification par lymphographie par vert d'indocyanine.

Techniques de résection
intraveineux est possible et permet la localisation des vei- (non microchirurgicales)
nules et l'évaluation de leur taille [7]. En lympho-IRM, les
vaisseaux lymphatiques sont bien visualisés, ce qui rend
(fig. 11.44a et b)
possible l'étude de leur taille, qualité et localisation spatiale. Les techniques de résection impliquent l'excision directe
Cette technique permet également la visualisation des gan- des tissus interstitiels malades avec ou sans résection de la
glions lymphatiques, du système veineux et de la qualité peau. La procédure de Charles implique l'excision du tissu
des tissus interstitiels. Enfin, il est possible de visualiser la sous-cutané et la peau.
présence d'un reflux dermique. La qualité des tissus mous Les plaies résultantes sont fermées en utilisant des greffes
déterminera si un patient est un candidat à la chirurgie de peau appliquées sur le fascia musculaire avec de mauvais
reconstructrice ou palliative. résultats esthétiques liés à la greffe de peau mince [8, 9].
En combinant les informations de la fluorescence par Une variante, basée sur des excisions sous-cutanées éche-
ICG avec l'étude anatomique et fonctionnelle par lympho- lonnées quasi circulaires, implique l'élimination des tissus
IRM une décision opératoire peut être prise. sous-cutanés et de quantités modérées de peau. Ceci per-
● Dans le cas où les lymphatiques sont fonctionnelles met la fermeture primaire de la peau et évite les inconvé-
une anastomose lymphatico-veineuse (ALV) peut être nients des greffes de peau [10, 11].
effectuée. La chirurgie de résection est indiquée pour les patients
● Dans le cas où beaucoup d'œdèmes interstitiels est avec des maladies évoluées au stade de fibrose avec des
visible sur la lympho-IRM et où les lymphatiques ne fonc- symptômes significatifs. Ces symptômes peuvent inclure
tionnent pas (ou de façon non optimale) la greffe de gan- une mobilité réduite, des infections récurrentes sévères,
glions est à choisir. des ulcérations ou des tumeurs cutanées. Ces chirur-
● Au fur et à mesure que lymphœdème progresse c­ elui-ci gies fournissent des résultats intéressants au niveau du
évolue vers une hypertrophie des tissus graisseux sous- confort et de la réduction volumétrique. Pour les patients
cutanés jusqu'au stade ultime de fibrose. Dans le cas où souffrant d'éléphantiasis, la chirurgie peut apporter une
une hypertrophie graisseuse importante est déjà visible amélioration significative de l'hygiène cutanée, ainsi
(cliniquement et sur l'IRM) la lipoaspiration est à préférer. que du taux d'infections cutanées, cellulite et sepsis [9].
334
11. Les lambeaux microchirurgicaux

A B
Figure 11.44
Traitement d'un lymphoedème par excision tissulaire directe.
A. Excision direct des tissus interstitiels : malade et greffe de peau. B. Au niveau du bras : excision des tissus interstitiels :
malade et fermeture.
Dessin : Cyrille Martinet.

Cependant, la chirurgie de résection est très délabrante Techniques de microchirurgie


et entraîne des séquelles significatives du membre.
Les patients opérés ont un lymphœdème majoré au-­ (physiologiques)
dessous de la région excisée, et les autres complications Deux techniques potentiellement curatives ont été
sont l'échec de la greffe, la nécrose de lambeau, la perte développées :
sensorielle, et les contractures de cicatrice. Les patients ● les anastomoses lymphatico-veineuses (ALV) ;
devront continuer à porterdes vêtements de compres- ● les transferts microvascularisés de ganglions (TMG).
sion après l'opération.

Anastomoses lymphatico-veineuses (ALV)


Lipoaspiration
Normalement, le liquide lymphatique s'écoule des vais-
L'utilisation de la lipoaspiration pour éliminer l'hypertro- seaux lymphatiques périphériques, vers le ganglion princi-
phie adipeuse anormale a été largement décrite par Brorson pal puis, vers le canal thoracique, et enfin dans le système
[12]. Il utilise la liposuccion assistée (avec la spécificité de veineux au niveau supraclaviculaire.
la pose d'un garrot à la racine du membre et la technique Les anastomoses lymphatico-veineuses consistent en
tumescente) pour traiter le lymphœdème. La lipoaspira- une suture de lymphatiques superficiels aux veinules sous-
tion est effectuée circonférentiellement du poignet jusqu'à dermiques pour créer des shunts périphériques au sein du
l'épaule. La graisse hypertrophiée est aspirée autant qu'il membre lymphœdémateux.
est possible dans cette graisse épaissie et fibreuse. Dans les Ceci permet au système lymphatique à haute pression
suites immédiates, les patients bénéficient de vêtements de (congestionné) de s'écouler en périphérie dans le système vei-
compression personnalisés. Les patients atteints d'hyper- neux à basse pression (au niveau des membres supérieurs). Pour
trophie adipeuse sans effet ou avec un effet limité du trai- effectuer la chirurgie du système lymphatico-veineux (LVS), les
tement conservateur ne sont pas candidats à la chirurgie patients doivent avoir des vaisseaux lymphatiques fonction-
reconstructive. La lipoaspiration entraîne une diminution nels. En préopératoire, une lymphographie au au vert d'indo-
de la circonférence des membres en supprimant l'hyper- cyanine (ICG) pour confirmer la présence, la localisation et la
trophie adipeuse anormale. Cependant, les patients sont fonctionnalité des vaisseaux lymphatiques est effectuée. La
obligés de continuer à porter toute leur vie des vêtements lympho-IRM préopératoire peut aider à identifier les régions
de compression. où les vaisseaux lymphatiques fonctionnels et le réseau veineux
335
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

sont à proximité immédiate. Ce sont les localisations idéales niques d'anastomose (Pi/Lambda…) ont été décrites sans
pour effectuer un ALV. Au moment de la chirurgie, l'ICG et du montrer de supériorité d'une technique par apport à une
bleu patenté sont utilisés pour visualiser les vaisseaux lympha- autre [13–15]. Le colorant bleu permet aussi de visualiser le
tiques sains pour l'anastomose. flux de la lymphe dans la veine. Il est recommandé d'effec-
La chirurgie peut être pratiquée sous anesthésie générale tuer le plus grand nombre possible d'ALV, mais le nombre
ou locale. Des incisions cutanées de deux centimètres sont minimal et idéal d'anastomoses reste inconnu à ce jour. Les
effectuées sur le site de jonction de veines et des canaux candidats aux ALV doivent avoir des vaisseaux lymphatiques
lymphatiques sains (fig. 11.45). La dissection est réalisée en superficiels fonctionnels c'est-à-dire des stades 0 ou 1.
utilisant des instruments supermicrochirurgie et sous micros- Les risques de l'ALV sont minimes et la chirurgie peut être
cope pour des vaisseaux de moins de 0,5 mm. Une fois qu'un effectuée en ambulatoire sous anesthésie locale. L'intérêt de
vaisseau lymphatique et une veine voisine sont localisés, les l'ALV est faible pour les derniers stades du lymphœdème
anastomoses lymphatico-veineuses sont réalisées par des ou chez les patients sans vaisseaux lymphatiques superfi-
sutures en nylon 11-0 ou 12-0 (fig. 11.46). Différentes tech- ciels sains (lymphographie-ICG).

Transfert microvascularisé de ganglions


(TMG)
Le transfert microvascularisé de ganglions permet la for-
mation d'un néoréseau lymphatique (lymphangiogenèse)
fonctionnel issu des ganglions transférés à long terme
et qui fonctionne comme une pompe à lymphe sur le
court terme [16–18]. Le site donneur le plus fréquent
est l'aire inguinale. Les ganglions lymphatiques inguinaux
superficiels sont récoltés sur la base de l'artère iliaque cir-
conflexe superficielle [17, 19] ou de l'artère épigastrique
inférieure superficielle. Les sites de donneurs alternatifs
Figure 11.45 comprennent les ganglions latérothoraciques (vaisseaux
Incision de 2 cm sur les sites de ponction L-V. mammaires externes), les nœuds sous-mentaux et les
Dessin : Cyrille Martinet.
ganglions supraclaviculaires. Des nouveaux sites donneurs
intra-­abdominaux sont utilisés comme l'épiploon, sur les
vaisseaux gastroépiploïques.
Les sites destinataires incluent l'aisselle, le coude ou le
poignet. Les sites receveurs distaux peuvent être plus effi-
caces [18] mais moins esthétiques.
Certaines patientes peuvent bénéficier à la fois d'une
reconstruction du sein et d'un TMG pour le lymphœdème ;
c'est le lympho-DIEP [20]. C'est un lambeau chimérique
associant un lambeau de type DIEP branché sur les vaisseaux
mammaires internes, pour le traitement du lymphœdème.
La greffe ganglionnaire est anastomosée sur des vaisseaux
de l'aisselle [20, 21] (fig. 11.47a et b). On suppose que les
nœuds transférés peuvent agir comme une pompe, «absor-
bant» le liquide interstitiel riche en protéines et le pompant
dans la circulation veineuse par un shunt lymphoveineux
intrinsèque. La lympho-scintigraphie avec radionucléotides
effectuée après TMG soutient l'hypothèse selon laquelle la
lymphe provenant du tissu sous-cutané est pompée par les
Figure 11.46
ganglions dans la veine receveuse [22]. Les TMG peuvent
Anastomose lymphatico-veineuse avant-après.
être effectués chez des patients atteints d'un lymphœ-
Dessin : Cyrille Martinet. dème de stades 0 à 2, indépendamment de la présence
336
11. Les lambeaux microchirurgicaux

Figure 11.47
Reconstruction d'un lambeau de DIEP avec prélèvement
ganglionnaire vascularisé concomitant.
A. Dessin du lambeau de DIEP avec prélèvement des ganglions
en monobloc. B. Anastomose du DIEP en mammaire interne
et des ganglions en axillaire.
Dessin : Cyrille Martinet. B

de vaisseaux lymphatiques superficiels fonctionnels. Les et le ligament inguinal (fig. 11.48a à e). D'autres marquent
greffes ganglionnaires peuvent être utilisées pour traiter des les lymphatiques du membre inférieur au radiocolloïde et
patients aux vaisseaux lymphatiques endommagés ainsi que au bleu la veille, et si les ganglions repérés au niveau inguinal
ceux ayant une fonction ganglionnaire diminuée après bilan ont un signal isotopique, ils sont laissés en place [27].
d'imagerie. Il peut être combiné avec les ALV, lipoaspiration
ou chirurgie de reconstruction mammaire.
Cependant, les TMG ne sont pas sans risque : des lym- Résultats et évaluation
phœdèmes secondaires subcliniques et cliniquement des traitements microchirurgicaux
significatifs ont été signalés à l'extrémité inférieure après
le prélèvement de ganglions inguinaux notamment par L'étude de la littérature, et notamment une revue sys-
l'équipe française du centre cognacq-jay [23–25]. Ceci tématique et une méta-analyse de la reconstruction
met en avant l'importance d'une technique chirurgicale microchirurgicale pour le lymphœdème, comprenaient
rigoureuse et maîtrisée ainsi qu'une bonne connaissance 27 articles distincts [28] dont 24 étaient des séries de cas
anatomique. rétrospectifs (niveau IV de preuve), 2 étaient des études
Les études anatomiques [21, 25, 26, 29] et in vivo de cohortes (niveau III) et un était un cas contrôle.
montrent que pour éviter les lymphatiques du membre Vingt-deux articles comprenaient des shunts lympho-
inférieur lors du prélèvement des ganglions lymphatiques veineux et cinq incluaient des transferts de ganglions
superficiels et profonds de l'aine, il faut rester au-dessus du lymphatiques.
pli de l'aine et latéralement à l'artère fémorale, pour réduire Les résultats de la méta-analyse étaient prometteurs.
le risque d'œdème lymphatique secondaire. Cette zone L'analyse de 131 patients dans 11 études a montré une réduc-
idéale, se situe dans le triangle circonscrit par l'artère épigas- tion de 49 % dans la circonférence de membre excédentaire
trique superficielle, l'artère circonflexe iliaque superficielle et une réduction de 8,5 % dans la circonférence absolue de
337
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

Figure 11.48
Prélèvement ganglionnaire inguinale en lambeau libre
et anastomose axillaire.
A. Répartition des ganglions en inguinale. B. Zone à éviter
pour limiter les complications. C. Dessin du lambeau.
D. Dissection du lambeau. E. Lambeau anastomosé en
E axillaire.
Dessins : Cyrille Martinet.

338
11. Les lambeaux microchirurgicaux

membre. Les volumes excédentaires en valeur absolue des la chirurgie reconstructive. La lymphographie ICG est
membres ont été réduits respectivement de 57 % et 23 %. réalisée pour identifier la présence de vaisseaux lym-
Treize études ont recueilli des données auto-déclarées phatiques fonctionnels. Si des vaisseaux lymphatiques
des patients. Quatre-vingt-treize pour cent des patients ont sont présents, l'ALV est recommandée. Une cicatrice
signalé des améliorations de leurs symptômes de lymphœ- dans le creux axillaire, nécessite un parage de la fibrose
dème. Soixante-cinq pour cent des patients ont même pu et/ou un branchement à distance au coude par exemple.
arrêter l'utilisation de vêtements de compression.
En raison du nombre limité d'études, il est difficile comparer Conclusion
minimale ALV et le TMG. Les auteurs ont noté que les patients
traités par TMG étaient plus susceptibles d'arrêter les vêtements Bien que moins fréquent depuis la procédure du ganglion
de compression en postopératoire (56 % versus 7 8 %) et rap- sentinelle, le lymphœdème secondaire, séquelle du traite-
portaient des niveaux de satisfaction subjectifs plus élevés. ment du cancer du sein est la forme la plus commune de
lymphœdème dans les pays développés. Celui-ci est chro-
Algorithme de traitement nique et évolue progressivement. La détection précoce
permet un contrôle, voire une diminution des symptômes.
Nous suivons actuellement le protocole mis en place à Pour les patients ne répondant pas ou plus au traitement
l'Hôpital universitaire de Bruxelles (VUB) par le doc- conservateur (drainage lymphatique et compression) la
teur A. Zelter, chirurgien responsable du European chirurgie peut être proposée. Le bilan préopératoire inclut
Center for Lymphatic Surgery (Bruxelles) (fig. 11.49). la lympho­scintigraphie, la lympho-IRM, la lymphographie
Les patients atteints de lymphœdèmes résistants aux au vert d'indocyanine. Chez des patients correctement
mesures conservatrices, stades 2 et 3, patients avec œdème sélectionnés les ALV et TMG peuvent réduire, voire inver-
ne prenant pas le godet sont candidats pour les techniques ser les symptômes, en même temps que la progression
de lipoaspiration ou de résection. de la maladie. Les stades plus avancés pourront bénéficier
Les patients des stades 0, 1 et 2 atteints d'œdème des techniques de réduction volumique par lipoaspira-
prenant le godet sont des candidats potentiels pour tion et ou résection.

Lymphoedème du membre

Imagerie par fluorescence


Lympho-RMN

Lymphatiques Lymphatiques
fonctionnels non-fonctionnels

Creux axillaire Creux axillaire Creux axillaire Creux axillaire


souple cicatriciel souple cicatriciel

TMG choix TMG au niveau


ALV TMG au niveau indifférencié de l’aisselle
de l’aisselle + du site de
ALV branchement

Figure 11.49
Algorithme de traitement du lymphœdème.

339
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Nous espérons que ces techniques largement dévelop- [15] Visconti G, Hayashi A, Salgarello M, et al. Supermicrosurgical
pées en Europe (Belgique, Espagne, Italie…), en Asie et T-shaped lymphaticovenular anastomosis for the treatment of
peripheral lymphedema : Bypassing lymph fluid maximizing lym-
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340
Chapitre 12
Lambeau omental
extra-abdominal et chirurgie
réparatrice du cancer du sein
G. Ferron, H. Charitansky

PLAN DU C HAPITRE
Anatomie chirurgicale 342
Technique de prélèvement 342
Indications 345
Complications de la reconstruction
par lambeau omental 349
Évolution à distance 350
Conclusion 350

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Le grand omentum9 est connu en tant qu'«ange gardien» Artère


de la cavité abdominale de par ses diverses fonctions Artère gastro-épiploïque
splénique gauche
physiologiques. L'utilisation d'un lambeau omental a été
initialement décrite en situation intra-abdominale puis Artère
extra-abdominale et, maintenant, en qualité de lambeau gastro-épiploïque
libre. Comme tout lambeau, le prélèvement dérive de droite
l'étude anatomique et de la prise en compte de la variabilité
de sa vascularisation. Décrite par Kiricuta dès 1963 [1], l'uti-
lisation d'un lambeau omental pédiculé ou libre en oncolo-
gie mammaire peut se présenter dans deux situations :
● en reconstruction volumétrique mammaire après traite-
ment d'un cancer du sein : en cas de mastectomie (qu'elle
soit immédiate ou différée) ou en traitement des séquelles
esthétiques d'un traitement conservateur ;
● en couverture de défects pariétaux thoraciques, réalisant
un resurfaçage de qualité, en particulier en cas de radioné-
crose et/ou de surinfection.

Anatomie chirurgicale
Le grand omentum est constitué de quatre feuillets périto-
néaux, dont les deux antérieurs prolongent vers le bas les Figure 12.1
deux feuillets péritonéaux de l'estomac. Il adhère au bord Vascularisation du grand omentum.
antérieur du côlon transverse. Sa partie supérieure, située
entre la grande courbure gastrique et le côlon transverse, avec l'artère gastro-épiploïque gauche. Elle donne le long
portant le nom de ligament gastrocolique, représente la de son trajet des collatérales : rameau pylorique inférieur,
limite antérieure de la bourse omentale. Sa partie inférieure, un grand rameau épiploïque droit qui, uni avec son homo-
dénommée portion mobile ou tablier omental, recouvre logue gauche, constitue le grand arc épiploïque.
en avant les anses grêles ; elle représente la partie utile d'un Les variations anatomiques de cet arc épiploïque sont
lambeau omental utilisé en reconstruction. Son épaisseur fréquentes, en particulier par l'existence d'un rameau
est variable en fonction de l'infiltration graisseuse. médian ou l'absence d'un rameau latéral, amenant certains
La vascularisation de l'omentum provient des pédicules auteurs à décrire cinq types différents de vascularisation [2].
gastro-épiploïques droit et gauche (fig. 12.1).
L'artère gastro-épiploïque gauche naît de la branche
inférieure de division de l'artère splénique dans le hile de
la rate. Elle chemine dans le ligament gastrosplénique puis
Technique de prélèvement
dans le ligament gastrocolique à 2 cm de la grande cour-
Le prélèvement d'un lambeau omental libre ou pédiculé
bure, donnant à ce niveau ses collatérales gastriques ascen-
peut se faire indifféremment par deux voies d'abord : en
dantes (réalisant le cercle artériel de la grande courbure) et
laparoscopie ou en laparotomie. La première est bien sûr à
un grand rameau gastro-épiploïque gauche. Elle se termine
privilégier en reconstruction mammaire, permettant ainsi
par anastomose avec l'artère gastro-épiploïque droite.
de vérifier la surface (en cas de resurfaçage thoracique)
L'artère gastro-épiploïque droite est la branche inférieure
ou le volume de l'omentum (en cas de reconstruction
de bifurcation de l'artère gastroduodénale. Elle comporte
mammaire). La seconde garde sa place en cas d'abdomen
deux segments, un infraduodénal court et fixe, et un seg-
multi-opéré ou si la levée d'un lambeau abdominal est
ment infragastrique long et mobile qui chemine dans le
nécessaire afin de couvrir un large défect pariétothoracique
ligament gastrocolique où elle se termine par anastomose
(TRAM ou lambeau musculocutané d'oblique externe, par
exemple) ; elle est le plus souvent conduite par incision
9. Anciennement «grand épiploon». médiane (fig. 12.2).
342
12. Lambeau omental extra-abdominal et chirurgie réparatrice du cancer du sein

Figure 12.2 Figure 12.3


Prélèvement d'un lambeau omental pédiculisé par laparotomie. Grand omentum pédiculisé sur le pédicule gastro-épiploïque.

Le principe de prélèvement est identique quelle que


soit la voie d'abord. L'utilisation de nouveaux procédés
d'hémostase a largement facilité le geste laparoscopique, en
particulier par l'usage du scalpel harmonique minimisant
les changements d'instrument.

Tenant compte de la vascularisation et du site de trans-


fert du lambeau, la levée du lambeau sur le pédicule gas-
tro-épiploïque droit est à privilégier (fig. 12.3).
Afin d'assurer au mieux sa viabilité, le cercle artériel de la grande
courbure doit être prélevé ainsi que les rameaux latéraux.
L'omentum gastrosplénique ne doit pas être inclus dans le
prélèvement compte tenu de sa faible viabilité vasculaire.

Figure 12.4
Installation pour prélèvement par laparoscopie.
En laparoscopie, la patiente est installée sous anesthésie
générale en décubitus dorsal, les membres inférieurs écartés
en léger proclive. L'opérateur se tient entre les jambes de
la patiente, l'aide à sa gauche (fig. 12.4). La colonne vidéo
est installée à la tête. Trois trocarts sont mis en place : un
10 mm en ombilical pour le placement de l'optique, deux
5 mm dans chaque flanc en tant que port opérateur. En
cas de difficulté d'exposition, un quatrième trocart placé en
sous-costal droit peut être utile pour l'assistant.
Le prélèvement débute par la séparation complète du
côlon transverse à la faveur de la section du feuillet posté-
rieur qui unit le tablier omental au côlon (fig. 12.5 et 12.6). Ce
geste permet d'accéder à la bourse omentale (fig. 12.7). En
laparoscopie, il est utile de rechercher ce plan de ­dissection
sur la partie gauche et non sur la ligne médiane, compte tenu
de la fréquence des accolements entre le feuillet postérieur Figure 12.5
et le mésocôlon transverse sur cette dernière. On complète Libération progressive du grand omentum du côlon transverse.

343
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 12.6 Figure 12.8


Libération complète du grand omentum du côlon transverse. Section progressive des collatérales gastriques ascendantes.

Figure 12.7
Figure 12.9
Bourse omentale.
Pédicule gastro-épiploïque droit.

la libération du ligament gastrocolique par la section de ces droit (fig. 12.9). En cas de difficulté de repérage de celui-ci, il
accolements ; puis la dissection est poursuivie du côté droit. faut s'aider de la situation du pylore : le pédicule est à l'aplomb
On procède ensuite à l'hémostase et la section des collaté- de celui-ci. En cas de prélèvement dans le cadre d'un lambeau
rales gastriques ascendantes (fig. 12.8). En laparoscopie, il est libre, la dissection des deux derniers centimètres du pédicule
utile, afin d'améliorer l'ergonomie de ce temps, de basculer est utile avant son clampage, afin de réduire la durée de pré-
la totalité du tablier et du ligament gastrocolique sur la face paration du lambeau et donc la durée de l'ischémie.
antérieure de l'estomac, exposant alors parfaitement les col- Dans le cadre d'un lambeau pédiculé, la translation
latérales. Le cercle artériel ne doit pas être traumatisé par une extra-abdominale sur la paroi thoracique nécessite de
prise intempestive des instruments, pouvant compromettre ménager un tunnel à la partie haute de la cicatrice médiane
sa vascularisation. L'utilisation d'un scalpel harmonique facilite de laparotomie.
grandement ce temps, en prenant soin de réaliser les hémos- En laparoscopie, un tunnel sous-cutané thoracique est
tases à mi-distance entre la paroi gastrique (évitant le risque pratiqué puis une section transfixiante de la paroi abdomi-
de perforation) et le cercle artériel. On termine la libération nale – le plus souvent par une section du corps musculaire
du côté gauche en séparant l'omentum gastrosplénique. Sur du droit de l'abdomen homolatéral ou par section de la
la ligne médiane, la section des collatérales est poursuivie ligne blanche [3, 4]. La translation du lambeau doit se faire
jusqu'à la mise en évidence du pédicule gastro-épiploïque au travers d'un orifice aponévrotique suffisamment large afin
344
12. Lambeau omental extra-abdominal et chirurgie réparatrice du cancer du sein

de ne pas léser l'omentum lors de cette manœuvre. Cet ori- biennes [5–7] font du lambeau omental un choix particu-
fice devra être suturé partiellement afin d'éviter toute hernie lièrement approprié dans ces indications. Il est également
incisionnelle, tout s'assurant de l'absence de compression du possible d'associer au lambeau omental un autre lambeau
pédicule. En cas de prélèvement laparoscopique, la transla- en cas de large défect, en particulier un lambeau abdominal
tion sur le thorax du lambeau doit être réalisée sous contrôle (TRAM ou lambeau musculocutané d'oblique externe).
visuel permanent afin d'éviter une torsion du pédicule. Dans cette situation de resurfaçage thoracique, une fois
un large débridement des tissus tumoraux ou nécrotiques
réalisé, le lambeau est fixé aux berges de la plaie. Une greffe
de peau mince en filet peut être mise en place immédiate-
Indications ment avec l'utilisation d'une thérapie à pression négative.
Cette dernière réduit fortement la durée d'hospitalisation
Lambeau de couverture par un drainage permanent des exsudats (de 200 à 800 mL
les trois premiers jours), un parfait maintien de la greffe et
d'un défect pariétothoracique un aplanissement du lambeau, donnant un aspect cos-
De tels défects en pathologie mammaire sont la consé- métique satisfaisant à long terme. La thérapie à pression
quence de résections larges d'une tumeur étendue ou bien négative est laissée en place en moyenne neuf jours. Si la
de tissus nécrotiques, séquelles des traitements antérieurs thérapie à pression négative n'est pas disponible, il convient
(radionécrose). Quelle que soit la situation, nous sommes de différer la greffe une fois obtenus un tissu de granulation
alors le plus souvent confrontés à une plaie chronique sur le lambeau et un tarissement des exsudats [1].
infectée ou au moins colonisée. Sa riche vascularisation, Trois cas cliniques illustrent cette indication (fig. 12.10 à
ses capacités angiogéniques et ses propriétés antimicro- 12.12).

A B

C D
Figure 12.10
Lambeau de couverture d'un défect pariétothoracique.
A. Radionécrose du sein droit. B. Exérèse au large de la zone nécrosée. C. Mise en place d'un lambeau omental dans le défect, couvert
par une greffe en filet. D. Mise en place d'une mousse pour thérapie à pression négative.

345
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 12.11
Lambeau de couverture d'un défect pariétothoracique.
A. Radionécrose du sein gauche. B. Mise en place de la thérapie à pression négative après lambeau omental et greffe en filet.

Reconstruction mammaire après Reconstruction différée


mastectomie De façon identique, le lambeau omental peut être utilisé
en reconstruction mammaire différée, s'il existe une laxité
Reconstruction immédiate cutanée suffisante, associé à un lambeau d'avancement
Le temps de mastectomie avec conservation de l'étui abdominal (LAA). Là encore, la reconstruction peut être
cutané, aux ciseaux ou au bistouri électrique, est réalisé exclusivement autologue ou associée à un implant pro-
conventionnellement selon l'habitude de chacun. thétique en fonction du volume nécessaire. En revanche,
En cas de lambeau pédiculé, la tunnellisation laissant ce lambeau ne permet pas d'obtenir un apport de peau
passer le lambeau omental est pratiquée au niveau tho- nécessaire dans certains cas.
racique de façon semblable à celle du TRAM, c'est-à-dire
empiétant sur le sillon du sein controlatéral et celui du sein Rattrapage de reconstruction mammaire
à reconstruire, pour minimiser la voussure du quadrant Pour des patientes ayant bénéficié d'une reconstruction
inféro-interne du sein reconstruit (fig. 12.13). mammaire par prothèse, une coque périprothétique
Quelques rares équipes ont proposé dans cette indica- peut se former, ce risque étant majoré par un antécédent
tion la réalisation d'un lambeau libre d'omentum. d'irradiation pariétale. On peut alors proposer une amélio-
Le lambeau omental est ensuite fixé au muscle pectoral ration cosmétique par la pratique d'un lambeau omental
au bord supérieur de la loge chirurgicale. L'adjonction d'une permettant d'obtenir une meilleure trophicité des tissus
prothèse placée entre le lambeau omental en avant et le (grâce aux propriétés vasculaires du grand omentum) et
muscle pectoral en arrière peut être nécessaire en cas de plus de souplesse pour le sein reconstruit. Il n'est pas rare
volume insuffisant (fig. 12.14 à 12.17). alors de constater une amélioration de la symptomatologie
La fermeture cutanée de la mastectomie est faite par douloureuse.
une cicatrice transversale ou en bourse – cette dernière
apporte une meilleure projection au sein reconstruit mais
expose à plus de risque de retard de cicatrisation. Il est Traitement des séquelles
également possible d'envisager la réfection de la plaque esthétiques du traitement
aréolo-­mamelonnaire par une greffe de peau totale (pli conservateur
génitocrural) dans le même temps opératoire. En cas de
conservation du complexe aréolo-mamelonnaire, une Il s'agit là d'une reconstruction partielle du sein à l'aide
suture simple est réalisée. de ce lambeau purement graisseux. Certains auteurs ont
La mise en place d'un drainage aspiratif est conseillée du proposé l'utilisation d'un lambeau omental pédiculé en
fait des exsudats fréquents dans ce type de chirurgie. reconstruction immédiate et partielle lors d'une chirurgie

346
12. Lambeau omental extra-abdominal et chirurgie réparatrice du cancer du sein

A B

C D

E F
Figure 12.12
Lambeau de couverture d'un défect pariétothoracique.
A. Débridement thoracique pour extravasation. B. Prélèvement cœlioscopique d'un lambeau omental pour couverture du défect. C. Mise en
place du lambeau par défect thoracique. D. Couverture du lambeau par une greffe en filet dans le même temps opératoire. E. Mise en place
de la thérapie à pression négative. F. Aspect à trois semaines.

347
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 12.15
Reconstruction mammaire immédiate par lambeau omental
et prothèse.

Figure 12.13
Tunnellisation du lambeau omental pour positionnement
dans la loge de mastectomie lors d'une reconstruction mammaire
immédiate avec conservation de l'étui cutané. Dans ces différentes indications de reconstruction mam-
maire, le choix d'un lambeau omental, s'il est adapté, pré-
sente l'avantage (par rapport à un lambeau autologue de
type grand dorsal ou droit de l'abdomen) d'une rançon
cicatricielle du site donneur moindre, surtout si le prélè-
vement est pratiqué par voie laparoscopique.

Sélection des patientes


La sélection des patientes repose sur des critères morpho-
logiques : le volume de lambeau omental étant constitué
de graisse, une patiente «ronde», avec un morphotype
androïde (graisse intra-abdominale), est rassurante en pré-
opératoire. Si l'indication envisagée est une reconstruction
mammaire après mastectomie, il faudra bien évidemment
Figure 12.14
tenir compte du volume du sein restant pour choisir cette
Mastectomie sous-cutanée et reconstruction immédiate
par lambeau omental et prothèse. Celle-ci est placée entre technique. En bref, une femme en surcharge pondérale
le lambeau et le grand pectoral en arrière. modérée, avec des seins de volume moyen (bonnet B) est
une bonne indication pour cette technique.
L'évaluation du volume du lambeau omental a fait l'ob-
c­ onservatrice emportant plus d'un tiers du volume mam- jet de multiples études anatomiques [9]. Il est corrélé à la
maire [8]. L'avènement des techniques d'oncoplastie a fait taille et au poids du patient, légèrement supérieur pour un
disparaître les indications de lambeau omental dans cette homme par rapport à une femme. L'évaluation par imagerie
situation. n'est pas adaptée. L'abord laparoscopique présente l'avan-
Dans la prise en charge des séquelles esthétiques du trai- tage de permettre l'estimation de la taille ou du volume
tement conservateur (SETC, cf. chapitre 17), le lambeau est omental. En cas d'insuffisance de celui-ci, un autre type de
mis en place au sein du défect à combler en le faisant che- lambeau pourra être choisi, sans les complications d'une
miner contre le pectoral, en masquant ainsi complètement laparotomie, ou une prothèse sera placée entre le lambeau
la voussure due au passage du pédicule. omental et le pectoral, donnant d'excellents résultats.
348
12. Lambeau omental extra-abdominal et chirurgie réparatrice du cancer du sein

A B
Figure 12.16
Reconstruction mammaire immédiate par lambeau omental et prothèse, à six mois.

les antécédents de résection gastrique (compte tenu


du risque vasculaire déjà exposé ci-dessus). L'ancienne
notion d'antécédent de laparotomie (haute ou basse)
ne doit pas représenter à elle seule une contre-­indication
au prélèvement de l'omentum ni à l'utilisation de la
laparoscopie.

Complications
de la reconstruction
par lambeau omental
Peu d'expériences publiées font état des complications
Figure 12.17 de cette technique [10]. Les complications sont de trois
Reconstruction mammaire immédiate par lambeau omental ordres : générales, au site donneur, au lambeau.
autologue.

Complications générales
L'obésité ne doit pas être considérée comme une Les complications générales peuvent être dues à la
contre-indication formelle au prélèvement d'un lambeau chirurgie d'exérèse tumorale, en particulier dans les prises
omental. Comme souvent dans cette situation, en parti- en charge de radionécrose surinfectée. Elles surviennent
culier en cas d'indice de masse corporelle supérieur à 35, chez 15 à 20 % des patientes dans les séries historiques,
le risque de nécrose du lambeau est majoré, de même essentiellement sous forme de complications pleuropul-
que la difficulté de prélèvement, en particulier par voie monaires et de décompensation d'une tare sous-jacente.
laparoscopique. Les complications thromboemboliques sont observées
Il faut également tenir compte des antécédents chirur- dans 4 à 5 % des cas, comme dans toute chirurgie abdo-
gicaux abdominaux. Certains sont des contre-indications minale. Dans les expériences récentes, en particulier
absolues : les antécédents de cancers abdominopelviens, avec un abord laparoscopique, ces complications sont
pouvant être à l'origine d'une carcinose péritonéale ; exceptionnelles.
349
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Complications du site donneur En cas de resurfaçage thoracique, l'utilisation d'une thé-


rapie à pression négative permet certainement de réduire
Elles surviennent chez 18 à 20 % des prélèvements réalisés le risque d'ischémie veineuse de façon similaire à son action
en laparotomie. Il s'agit essentiellement d'infections de site en sauvetage de lambeau.
opératoire et de hernies incisionnelles. Leur fréquence aug-
mente avec l'âge des patients et la notion de transfusion
péri-opératoire. La fermeture du tunnel ayant servi à la trans-
lation du lambeau doit être attentive pour ne pas écraser le
Évolution à distance
pédicule. En cas de hernie incisionnelle, la réparation peut La fonte volumétrique n'est que peu évoquée dans la littéra-
imposer la ligature du pédicule. Elle doit être alors réalisée ture. Il est utile de prévenir la patiente que la sensation du sein
après un délai d'un an afin d'autonomiser le lambeau sans (ou de la paroi thoracique) se modifie dans le temps, avec une
risque. Quelques rares cas de perforation digestive (colique sensation de durcissement pendant les premières semaines
ou gastrique) ou de plaies spléniques ont été décrits. En cas puis un assouplissement, donnant au toucher à moyen terme
de prélèvement laparoscopique, ce taux de complications une impression de sein «normal». Cette période de dur-
est plus faible, avec peu de hernies [3, 8]. Ces complications cissement est plus longue en cas de nécrose partielle ou en
sont exceptionnelles en cas de réalisation d'un lambeau cas d'irradiation de la reconstruction, cette dernière n'étant
libre [10]. Les gastroparésies sont rares, autorisant l'alimen- pas contre-indiquée [8]. En cas d'asymétrie de volume, il est
tation du patient le jour même de l'intervention. toujours possible de mettre en place secondairement une pro-
thèse, en évitant d'aborder la zone de translation du pédicule.
L'utilisation d'une technique de lipomodelage semble possible,
Une attention particulière doit être portée en cas d'anté- bien qu'aucune expérience ne soit rapportée dans la littérature.
cédent de chirurgie gastrique. En effet, en fonction du
type de résection réalisé, le cercle artériel de la grande
courbure peut alors être la seule suppléance vasculaire
de l'estomac : toute lésion de celui-ci pourrait aboutir à Conclusion
une nécrose gastrique.
À l'ère du lambeau autologue, le lambeau omental trouve
parfaitement sa place comme ressource thérapeutique
pour la reconstruction mammaire (rançon cicatricielle
moindre que les autres lambeaux musculocutanés)
Complications du lambeau chez des patientes sélectionnées avec un prélèvement
Les nécroses complètes du lambeau sont exceptionnelles, laparoscopique.
correspondant dans la majorité des cas à une faute tech- De même, l'essor de la laparoscopie associée à la thérapie
nique (lésion vasculaire ou plicature du lambeau) ou à une par pression négative permet d'utiliser le lambeau omental
thrombose vasculaire en cas de lambeau libre. pour la couverture de défects pariétothoraciques avec une
Les nécroses partielles surviennent dans 2 à 10 % des morbidité moindre (par rapport à la laparotomie) et des suites
cas [8, 11]. opératoires simplifiées. Son utilisation, du fait de ses propriétés
angiogéniques et antimicrobiennes, est particulièrement indi-
quée dans les situations de plaies infectées et de radionécrose.

La prévention des nécroses partielles impose :



un prélèvement atraumatique (en particulier en Références
laparoscopie) sans pincement ni traction sur les axes
vasculaires ; [1] Kiricuta I. L'emploi du grand épiploon dans la chirurgie du sein can-

le sacrifice de l'extrémité splénique de l'omentum ; céreux. Press Med 1963 ; 71 : 15–7.
[2] Alday ES, Goldsmith HS. Surgical technique for omental leng-

une translation par un orifice pariétal large (évitant
thening on arterial anatomy. Surg Gynecol Obstet 1972 ; 135(1) :
tout «essorage» du lambeau lors de la translation), 103–7.
sous contrôle visuel (en particulier en laparoscopie), [3] Ferron G, Garrido I, Martel P, et al. Combined laparoscopically har-
prévenant toute torsion ; vested omental flap with meshed skin grafts and Vacuum-Assisted

une fermeture adaptée de l'orifice aponévrotique. Closure for reconstruction of complex chest wall defects. Ann Plast
Surg 2007 ; 58(2) : 150–5.

350
12. Lambeau omental extra-abdominal et chirurgie réparatrice du cancer du sein

[4] Cothier-Savey I, Tamtawi B, Dohnt F, et al. Immediate breast recons- [8] Zaha H, Inamine S. Laparoscopically harvested omental flap : results
truction using a laparoscopically harvested omental flap. Plast for 96 patients. Surg Endosc 2010 ; 24(1) : 103–7.
Reconstr Surg 2001 ; 107(5) : 1156–63. discussion 1164-5. [9] Das SK. The size of the human omentum and methods of
[5] Goldsmith HS. The omentum : research and clinical applications. lengthening it for transplantation. Br J Plast Surg 1976 ;
New York : Springer ; 1990. 29(2) : 170. 44.
[6] Cartier R, Brunette I, Hashimoto K, et al. Angiogenic factor : a [10] Hultman CS, Carlson GW, Losken A, et al. Utility of the omentum
possible mechanism for neovascularization produced by omental in the reconstruction of complex extraperitoneal wounds and
pedicles. J Thorac Cardiovasc Surg 1990 ; 99(2) : 264–8. defects. Ann Surg 2002 ; 235(6) : 782–95.
[7] Beelen RH. The greater omentum : physiology and immunological [11] van Garderen JA, Wiggers TH, van Geel AN. Complications of the
concepts. Neth J Surg 1991 ; 43(5) : 145–9. pedicled omentoplasty. Neth J Surg 1991 ; 43(5) : 171–4.

351
Chapitre 13
Lambeaux locaux
Lambeaux régionaux
A. Fitoussi

PLAN DU C HAPITRE
Plasties cutanées 354
Lambeaux fasciocutanés 356

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Les lambeaux locaux ou régionaux cutanés ou fasciocuta- moitié de la hauteur de la pointe, afin de conserver une bonne
nés sont très mal connus et peu utilisés en chirurgie séno- vascularisation du lambeau dermique (fig. 13.1b).
logique et en reconstruction mammaire. Ils sont pourtant Le décollement se fait dans le plan sous-cutané et les
d'une grande simplicité et très utiles dans certains cas, lors deux lambeaux triangulaires latéraux peuvent être transpo-
des reprises chirurgicales et, surtout, chez les patientes sés l'un par rapport à l'autre, avec allongement de la dis-
âgées. Le premier a avoir utilisé et décrit un tel lambeau fut tance de la ligne médiane et donc suppression de la bride
Holmström en 1986 [1]. Il sera ensuite repris par de nom- rétractile (fig. 13.1c).
breux auteurs avec quelques modifications pour donner les
«lambeaux latéraux thoracodorsaux».
C'est surtout Blomqvist qui a amélioré et modifié la Plasties en « Z » multiples
technique en utilisant un pédicule externe, afin de prati-
quer des reconstructions mammaires avec le minimum de Il s'agit de la même technique que pour les plasties en
rançon cicatricielle [2]. «Z» mais appliquée à des brides cicatricielles plus lon-
gues (fig. 13.2a). L'incision se fait le long de la bride, puis
les incisions latérales sont faites en échelle tout le long de
la cicatrice selon un angle d'environ 60° par rapport à l'axe
Plasties cutanées médian (fig. 13.2b).
Après un décollement dans le plan sous-cutané, on
Plasties en « Z » transpose progressivement tous les lambeaux triangulaires
en fermant d'une extrémité à l'autre et en réséquant au fur
Les plasties en «Z» sont le plus souvent utiles pour traiter les
et à mesure les excédents éventuels au niveau des angles
cicatrices courtes vicieuses ou rétractiles sur le sein ou dans le
(fig. 13.2c).
creux axillaire. Le dessin préopératoire est simple ; la première
incision se fait généralement le long de la bride et les deux
autres incisions latérales d'égale longueur aux deux extrémités
selon un angle de 60° par rapport à l'incision centrale (fig. 13.1a).
La base du triangle doit toujours rester égale au minimum à la

A B

C A B C
Figure 13.1 Figure 13.2
Plastie en «Z», qui permet de débrider une cicatrice. Plasties en «Z» multiples pour des cicatrices plus longues.
Dessins : Cyrille Martinet. Dessins : Cyrille Martinet.

354
13. Lambeaux locaux – Lambeaux régionaux

Plasties en « V-Y » et « Y-V »


Ces plasties sont très utiles pour des brides courtes. Le des-
sin initial en «V» est tracé en peau saine, puis le lambeau
est avancé dans une incision perpendiculaire à la bride, réa-
lisant un «Y» avec effet d'allongement (fig. 13.3).

Plasties en « trident »
L'indication est la correction d'une bride axillaire com-
portant un versant sain et un versant fibreux cicatriciel.
La technique associe deux plasties en «Z» asymétriques
opposées, séparées par une plastie d'avancement médiane
en «V-Y» (fig. 13.4).

Figure 13.4
Plasties en « L-L-L » Plastie en «trident», qui associe plasties en «Z» et en «V-Y».
Dessins : Cyrille Martinet.
Elles sont peu utilisées en chirurgie mammaire, mis à part
pour l'ablation de volumineux nævi du sein.
Le tracé d'excision a une forme de losange allongé à
grand axe parallèle aux lignes de moindre tension cutanée.
Un lambeau latéral en «L» est tracé, son premier segment
doit être dans l'axe de la bissectrice du petit axe horizontal
et du côté adjacent supérieur ou inférieur. Le lambeau latéral
en «L» est échangé avec le lambeau triangulaire adjacent,
permettant la couverture sans tension excessive (fig. 13.5).

Figure 13.5
Plastie «LLL».
Dessins : Cyrille Martinet.

Plasties d'enfouissement-avancement
L'indication est la correction et la libération d'une cicatrice
adhérente, souvent douloureuse.
La technique est simple : elle consiste à inciser en fuseau
de part et d'autre de l'axe cicatriciel (fig. 13.6a), puis à désé-
pidermiser le socle cicatriciel qui est conservé. Les berges
Figure 13.3 latérales sont ensuite décollées et libérées du tractus fibreux
Plasties en «V-Y» et «Y-V». (fig. 13.6b) et simplement rapprochées en recouvrant l'an-
Dessins : Cyrille Martinet. cienne cicatrice par simple glissement (fig. 13.6c).
355
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B C
Figure 13.6
Plastie d'enfouissement-avancement.
Dessins : Cyrille Martinet.

Lambeaux fasciocutanés L'intervention débute par les dessins : on trace dans le


sillon sous-mammaire, au niveau du segment IV, un grand
Ces lambeaux fasciocutanés sont des lambeaux péninsu- «V» avec une branche supéro-externe dans le sillon, une
laires cutanés qui emportent le plan aponévrotique sous- branche inféro-externe et une branche verticale à l'union
jacent : l'inclusion du fascia aponévrotique permet de des quadrants inférieurs du sein. Ces deux branches ont,
respecter les réseaux vasculaires anastomotiques longitudi- selon les cas, une longueur de 10 à 15 cm (fig. 13.7b). Le
naux situés de part et d'autre de l'aponévrose, mais essentiel- second tracé emmène la tumeur à l'union des quadrants
lement à sa face superficielle. Le rapport longueur sur largeur inférieurs sous la forme d'un triangle à base inférieure
des lambeaux à pédicule proximal peut atteindre 2,5 de lon- (fig. 13.7c).
gueur pour 1 de largeur sans risque de nécrose. Les branches verticales qui remontent jusqu'à
Il est surtout utilisé pour combler le défect créé à l'union l'aréole de 5 à 8 cm vont permettre de pratiquer l'abla-
des quadrants inférieurs lors de l'exérèse de tumeur des tion de la tumeur à l'union des quadrants inférieurs
quadrants inférieurs, surtout sur des seins ptosés, en par- et la peau en regard ; la pièce opératoire est orientée
ticulier chez les patientes âgées, afin de limiter le nombre (fig. 13.7d).
de symétrisation et donc les cicatrices du sein controlatéral. Ensuite, on lève la branche externe du «V» avec toute
son épaisseur, en emmenant la graisse profonde jusqu'au
Lambeau fasciocutané plan aponévrotique. Ce lambeau fasciocutané reste attaché
et vascularisé par sa base qui doit faire au moins 8 cm de
sous-mammaire à pédicule inférieur large. On vérifiera sa vascularisation en coupant légèrement
Cette technique présente un grand intérêt dans les tumeurs la pointe de ce lambeau.
des quadrants inférieurs sur sein très ptosé (fig. 13.7a). Elle On fait ensuite tourner ce lambeau de 90° pour le posi-
permet de combler le défect sans déformer le sein et ainsi tionner verticalement dans le défect créé par la tumorecto-
d'éviter un geste controlatéral. mie (fig. 13.7e).
356
13. Lambeaux locaux – Lambeaux régionaux

A B C

D E F
Figure 13.7
Lambeau de Holmström.
A et B. Prélèvement du lambeau et tracé de la tumorectomie. C. Exérèse de la lésion des quadrants inférieurs avec la peau en regard.
D. Le lambeau subit une rotation de 90° et vient combler le défect. E. Suture directe de la perte de substance et positionnement du lambeau.
F. Pas de symétrisation nécessaire : le plus souvent, la forme du sein est quasi inchangée.
Dessins : Cyrille Martinet.

Une suture directe est ensuite réalisée afin de fermer la zontale dans le sillon sous-mammaire (segment VI) et une
zone de prélèvement après ascension de la peau inférieure branche verticale plus ou moins oblique qui suit le rayon
et suture du lambeau fasciocutané (fig. 13.7f). de la tumeur (fig. 13.8a). La pointe inféro-interne ira alors
En général, on n'effectuera pas de geste de symétrisa- combler le défect externe en restant vascularisée sur sa
tion sur le sein controlatéral, car la ptose récupérée après base inféro-externe (fig. 13.8b).
quelques semaines n'entraîne que peu de modification du Cette intervention est simple, peu invalidante et les
segment III du sein traité (fig. 13.7f). complications sont rares lorsque les dessins sont bien effec-
Cette technique peut également être utilisée pour les tués. Les complications se limitent le plus souvent à des
tumeurs du quadrant inféro-externe, entre 7 h et 8 h ; on difficultés de cicatrisation et, parfois, à une nécrose partielle
inverse alors le sens du «V» avec une branche interne hori- de la pointe qui se gère facilement en cicatrisation dirigée.
357
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 13.8
Variante de lambeau de Holmström.
A. Lambeau à pointe interne, utile pour combler les défects inféro-externes. B. Suture directe de la perte de substance et positionnement
du lambeau.
Dessins : Cyrille Martinet.

A B
Figure 13.9
Lambeau thoracodorsal.
A. Tracé du lambeau thoracodorsal dans les traitements conservateurs. B. Tracé du lambeau thoracodorsal en reconstruction mammaire.
Dessins : Cyrille Martinet.

Lambeau latéral thoracodorsal Nous décrivons un lambeau fasciocutané qui dérive


largement du lambeau de Holmström ; il est souvent plus
Largement décrit par Holmström [1], le lambeau latéral tho- grand et beaucoup plus latéral, avec un pédicule très
racodorsal est probablement sous-exploité en reconstruc- externe, sous-axillaire. Il a une base inféro-externe, sous-
tion mammaire, mais aussi dans le traitement conservateur. axillaire, et se dirige vers l'arrière. Après l'avoir levé sur
Il peut servir d'alternative aux lambeaux musculocuta- toute son épaisseur, il subit une rotation de 90° et va venir
nés, surtout chez les patientes âgées, avec une bonne laxité reconstruire la partie inféro-externe du sein (fig. 13.9a). La
cutanée et pas trop mince, en évitant les cicatrices supplé- fermeture du prélèvement se fait de façon directe.
mentaires à distance.
358
13. Lambeaux locaux – Lambeaux régionaux

L'utilisation d'un implant est le plus souvent nécessaire à pectoral retourné pour traiter les séquelles de la radiothé-
la reconstruction. rapie, en particulier au niveau du sternum (cf. chapitre 17).
En reconstruction, il est repositionné dans le néosillon Il est utilisé chez des patientes très âgées, aux seins ptosés
sous-mammaire externe (fig. 13.9b), alors que, pour les et qui ne peuvent supporter d'autres types de chirur-
traitements conservateurs, il peut être partiellement désé- gie plus invasive. Les résultats esthétiques sont souvent
pidermisé et enfoui afin d'obtenir un effet volumateur. médiocres, mais là n'est pas le problème dans ces cas très
particuliers.
Le déplacement de l'ensemble du sein vers le sein à
Lambeau de San Venero traiter entraîne un déplacement de la glande mammaire,
Il s'agit plutôt d'un artifice technique que d'un véritable mais également de la plaque aréolo-mamelonnaire qui
lambeau fasciocutané. Il s'agit d'une technique de dédou- donne un aspect centralisé en forme de « cyclope »
blement du sein – également utilisée avec un lambeau de (fig. 13.10).

A B

Figure 13.10
«Lambeau» de San Venero.
Transposition du sein controlatéral en dedans après résection
de la récidive local interne.
Dessins : Cyrille Martinet.

359
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

À retenir
Références
Les indications de ces lambeaux fasciocutanés locaux [1] Holmström H, Lossing C. The lateral thoracodorsal flap in breast
restent limitées à des cas très particuliers qui ne peuvent reconstruction. Plast Reconstr Surg 1986 ; 77(6) : 933–43.
[2] Blomqvist L, Malm M. Clinical experience with lateral thoraco-
avoir accès à une chirurgie standard. Ces techniques
dorsal flap in breast reconstruction. Ann Plast Surg 1999 ; 43(1) :
peuvent également être utiles dans les cas de radio­ 7–13.
nécrose du sternum, en couverture, associées à un lam-
beau musculaire retourné de pectoral (cf. chapitre 17).

360
Chapitre 14
Plasties de symétrisation
controlatérale après
reconstruction pour cancer du sein
F. Rimareix, I. Cothier-Savey

PLAN DU C HAPITRE
À quel moment faut-il faire
la symétrisation ? 362
Bilan préopératoire 362
Plasties de réduction 363
Augmentation controlatérale
par prothèse 367
Spécificités des suites opératoires
des plasties controlatérales 369
Complications particulières
à expliquer à la patiente
en préopératoire 370
Résultats et évolution
des plasties controlatérales 370
Surveillance 370
Conclusion 372

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

La plastie du sein controlatéral dans le cadre d'un cancer En cas de nécessité d'une augmentation mammaire
du sein traité par mastectomie puis reconstruction mam- controlatérale, elle se fera le plus souvent lors de la recons-
maire comporte des spécificités par rapport aux plas- truction mammaire par prothèse, car il est plus facile d'ajuster
ties esthétiques, du fait du terrain de la patiente et de la le volume du sein reconstruit pendant le temps initial plutôt
nécessité d'une surveillance clinique et par imagerie très que lors d'une deuxième procédure. Les résultats esthétiques
rigoureuse. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une chirur- sont supérieurs avec cette approche, car il faut une corréla-
gie esthétique et que l'information donnée à la patiente, tion entre les deux volumes d'implants mammaires.
notamment sur le rapport bénéfice/risque, est fonda- Un cas particulier est la reconstruction par expandeur :
mentale. La technique de mastectomie, en particulier la le volume définitif n'étant obtenu que lors de la fin de
mastectomie à peau conservée, a réduit l'incidence des l'expansion, c'est lors de la deuxième intervention avec la
plasties de réduction controlatérales grâce à la conserva- mise en place d'un implant définitif, que sera réalisée la
tion de la forme et de la ptose du sein. L'augmentation de symétrisation du sein controlatéral, soit par prothèse soit
la reconstruction immédiate surtout pour les carcinomes par réduction.
intracanalaires, notamment par lambeau autologue, dimi- De même, pour la reconstruction de la plaque aréolo-
nue aussi l'incidence du geste de symétrisation sur le sein mamelonnaire (PAM), il est préférable d'attendre quelques
controlatéral. mois après le geste de symétrisation. En effet, quelques mois
Sont détaillées dans ce chapitre les spécificités et les dif- sont nécessaires pour que la hauteur de la plastie soit défini-
férentes techniques des plasties de symétrisation : réduc- tive. Le segment III du sein symétrisé va se dérouler un peu
tion mammaire, cure de ptose avec ou sans augmentation avec le temps. La hauteur de la plaque aréolo-mamelonnaire
mammaire et augmentation mammaire seule. Le traite- du sein symétrisé ne varie en revanche pas en postopératoire.
ment du sein controlatéral dans le cadre de la découverte
d'une mutation génétique, qui fait l'objet du chapitre 18,
n'est pas abordé ici.
Bilan préopératoire

À quel moment faut-il faire Interrogatoire


la symétrisation ? Le mode de vie est à évaluer (tabagisme, notamment), ainsi
que les antécédents médico-chirurgicaux, en particulier
On évalue dès la première consultation, avant recons- ceux qui peuvent augmenter le risque infectieux postopé-
truction, la nécessité ou non de pratiquer un geste de ratoire ou des problèmes de cicatrisation (diabète, traite-
symétrisation sur le sein controlatéral : soit réduction, soit ments au long cours).
augmentation, en fonction de la morphologie, du type de Il faut connaître le risque génétique, qui peut éventuel-
reconstruction choisie et du souhait de la patiente. lement faire pencher pour une mastectomie prophylac-
Cette plastie controlatérale peut se faire dans le même tique controlatérale plutôt qu'une plastie conservatrice
temps que la reconstruction mammaire ou dans un second (cf. chapitre 18).
temps [1, 2].
En cas de nécessité d'une réduction mammaire impor- Examen clinique
tante, il est préférable d'effectuer cette chirurgie trois à six
mois après la reconstruction mammaire – une fois que le L'examen clinique consiste en :
résultat définitif de la reconstruction est acquis. En effet, il ● l'examen du sein restant, de la paroi thoracique contro-
faut plusieurs mois pour que le résultat de la reconstruction latérale reconstruite, des aires ganglionnaires axillaires et
mammaire soit stable sans œdème avec une ptose défini- sus-claviculaires ;
tive. Si on pratique la plastie de l'autre sein lors de la même ● la mesure du poids et de la taille, pour estimer le risque
intervention, on risque plus facilement d'obtenir une plas- que comporte un surpoids notamment sur les complica-
tie asymétrique. tions thromboemboliques postopératoires ;
En cas de cure de légère ptose ou d'augmentation mam- ● l'évaluation du risque de chéloïdes, très importante sur-
maire seule, on peut effectuer la plastie de symétrisation tout sur une plastie avec des cicatrices péri-aréolaire et en
dans le même temps que la reconstruction mammaire, le «T» inversé ; même si ce risque est plus fréquent sur une
résultat variant peu dans le temps. peau noire, toute patiente doit en être clairement informée.
362
14. Plasties de symétrisation controlatérale après reconstruction pour cancer du sein

Imagerie Les différentes techniques [4] et leurs cicatrices doivent


être évaluées en préopératoire pour prévoir le résultat, la
Mammographie et échographie du sein restant doivent symétrie, la surveillance ultérieure de ce sein restant et la
dater de moins de six mois : satisfaction de la patiente.
● toute anomalie ACR3 doit être explorée au moins par
IRM ;
● toute anomalie ACR4 ou ACR5 doit faire l'objet d'une Technique de réduction à pédicule
biopsie en préopératoire. porte-mamelon supérieur
S'il existe une lésion telle qu'une hyperplasie épithéliale
atypique ou un papillome ou un carcinome lobulaire in (cf. vidéo e5.1)
situ, elle doit faire l'objet d'un repérage en peropératoire lors Il existe de nombreuses techniques de plastie de réduction
de la plastie, avec examen histologique et mise en place de esthétique qu'on peut adapter aux plasties de symétrisa-
clips de repérage du lit tumoral. tion – nous ne les citerons pas toutes –, notamment la
Si une lésion détectée ACR3 ou ACR4 est négative à la technique de Pitanguy [5], la technique de Saint-Louis [6]
biopsie, il faut tout de même essayer de faire l'exérèse de (technique de résection glandulaire en «quille de bateau»)
cette lésion lors du temps de symétrisation, surtout si une et la technique de la voûte dermique [7] avec résection par
réduction est nécessaire et si la lésion se trouve dans les clamp.
quadrants inférieurs. Cette technique laissera des cicatrices péri-aréolaires et
en «T» inversé dont la patiente doit être informée.
Elle est utilisée lorsque le sein restant présente une ptose
Il est nécessaire d'avoir la connaissance précise du type
importante, nécessitant à la fois une résection cutanée
histologique du cancer controlatéral pour lequel la
patiente a eu une mastectomie. En cas de carcinome
(notamment sur une peau peu élastique) et glandulaire
lobulaire infiltrant, il faut vérifier que ce cancer n'est importante (fig. 14.1).
pas bilatéral avant de faire la plastie, notamment par
IRM [3]. Dessins préopératoires
Le dessin utilise le patron de Wise («trou de serrure» ouvert
vers le bas décrit par Wise en 1956) [8].
Des photographies préopératoires sont prises, comme Le dessin de la plastie se fait en préopératoire sur la
pour toute chirurgie plastique. patiente debout en évaluant la hauteur de la future plaque
aréolo-mamelonnaire du sein reconstruit et le degré de
ptose.
L'aréole est remontée en fonction de la hauteur de
À retenir
la future plaque aréolo-mamelonnaire du sein controla-

Évaluation du risque génétique avant toute plastie téral reconstruit à un niveau variant de 14 à 21 cm de la
controlatérale ; si ce risque existe : discuter une mas- clavicule (sur une ligne joignant un point tracé à 5 cm de
tectomie prophylactique. la ligne médiane sur la clavicule et le milieu de la plaque

En préopératoire, imagerie de type mammographie et
aréolo-mamelonnaire).
échographie obligatoire datant de moins de six mois :
La future verticale sera tracée sur une hauteur entre 5 et
– si ACR3 : IRM ;
– si ACR4 ou ACR5 : biopsie préopératoire ou repé- 7 cm, puis l'horizontale selon la manœuvre de Biesenberger
rage peropératoire. avec mobilisation du sein en dehors et en dedans (décrite
en 1931 [9]).

Déroulement de l'intervention
Plasties de réduction L'intervention se fait sous anesthésie générale, patiente en
décubitus dorsal ou en position demi-assise, avec le sein
Lorsque le sein controlatéral est ptosé et volumineux reconstruit dans le champ opératoire.
par rapport au sein reconstruit, il y a une indication, si la On commence par l'incision péri-aréolaire avec un
patiente le souhaite, à faire une plastie de réduction. «rond à aréole».
363
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 14.1
Plastie de symétrisation en «T» inversé du sein droit sur
C reconstruction par prothèse gauche ; deux temps opératoires.

On poursuit par la désépidermisation de la «clé» péri- Vient le temps de la résection glandulaire, à apprécier
aréolaire (décrite par Schwartzman, en 1930). en fonction du volume de l'autre sein reconstruit : elle doit
On pratique ensuite l'incision cutanée dans le sillon être orientée sur liège et adressée en anatomopathologie
sous-mammaire. (fig. 14.2). En effet, on peut découvrir fortuitement un can-
Le décollement rétroglandulaire prépectoral est alors cer occulte dans 2,5 à 3 % des plasties de symétrisation [11].
pratiqué jusqu'au niveau où l'on souhaite remonter la On suture sur drain aspiratif.
plaque aréolo-mamelonnaire. En peropératoire, à la fin de la chirurgie, le sein doit être
On dissèque le pédicule porte-mamelon supérieur au un peu plus haut situé que le sein reconstruit – prévoir la
bistouri froid, suffisamment épais pour garder la vascularisa- régression de l'œdème – ; la verticale doit être «tendue
tion et suffisamment fin pour éviter une compression et des en toile de tente» car elle se déroulera ultérieurement
problèmes de retour veineux lors de l'ascension de l'aréole. (fig. 14.3).
Skoog fut le premier à décrire le prélèvement du lambeau Dans les seins à base d'implantation large, il faut pré-
porte-PAM, de type lambeau dermique avec faible épaisseur venir la patiente en préopératoire que le sein gardera
de tissu glandulaire sous-jacent [10]. Il s'agissait d'un pédicule une largeur plus importante que celui qui est reconstruit
supéro-externe se prolongeant 3 cm au-delà de l'aréole pour et que, souvent, les quadrants supérieurs sont moins
conserver le cercle veineux péri-aréolaire de Haller. bombés.

364
14. Plasties de symétrisation controlatérale après reconstruction pour cancer du sein

Technique de réduction mammaire


selon Thorek : greffe libre d'aréole
Lorsque l'asymétrie est majeure, avec un sein restant très
volumineux, voire une gigantomastie, il faut prévoir que,
pour remonter le niveau de la plaque aréolo-mamelonnaire
de plus de 10 cm, il risque d'y avoir une souffrance aréolaire.
Dans ce cas, on peut d'emblée proposer une technique
d'amputation des quadrants inférieurs avec greffe d'aréole
(Thorek, 1946 [12]), en prévenant bien la patiente que ceci
entraîne une insensibilité définitive, une décoloration et
une perte de relief de la plaque aréolo-mamelonnaire.
Elle laisse les mêmes cicatrices que la réduction à pédi-
cule supérieur.
Figure 14.2
Orientation de la pièce opératoire sur liège.

A B

Figure 14.3
Plastie de symétrisation du sein droit : technique à pédicule porte-
mamelon supérieur, après reconstruction mammaire gauche par
C implant ; deux temps opératoires.

365
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Dessins préopératoires Cette technique est indiquée lorsque la flèche totale du


sein, c'est-à-dire la distance du creux sus-sternal au sillon
Le dessin peut être le même que celui de la plastie à pédi-
sous-mammaire en passant par le mamelon, est inférieure
cule supérieur.
à 35 cm. Au-delà et à moins de 39 cm, il faut que la peau
soit élastique et la patiente jeune pour proposer cette
Déroulement de l'intervention technique.
On commence par prélever la plaque aréolo-mamelonnaire Le dessin se fait sur une patiente debout ; la différence
en début d'intervention. avec le dessin d'une plastie à trois cicatrices est la largeur du
On réséquera les quadrants inférieurs en bloc, après le fuseau de résection qui est hypercorrigée.
décollement rétroglandulaire. La résection glandulaire se fait aux dépens des qua-
On pratique la même orientation anatomopathologique. drants centraux et inférieurs, la glande étant totalement
En fin d'intervention, après sutures, la plaque aréolo- libérée de la peau au ras du derme profond ; il s'agit d'une
mamelonnaire prélevée est greffée en greffe de peau totale résection en « quille de bateau » renversée qui va conser-
après dégraissage puis placée sous un bourdonnet de tulle ver deux piliers latéroglandulaires qui sont adossés l'un à
gras. l'autre.
Cette technique un peu rustique est souvent très simple La cicatrice verticale est suturée à la fin en ramenant
et rapide, permettant de symétriser de gros seins chez des la berge cutanée vers le haut pour tricher. L'excès cutané
patientes en surpoids, voire avec des facteurs de risque tels inférieur est résorbé par une bourse intradermique, puis
que le diabète. on met en place une contention élastique de main-
tien à la partie inférieure du sein et au niveau du sillon
sous-mammaire.
Technique de Mac Kissock à pédicule L'avantage de cette technique est qu'elle ne laisse pas
dermoglandulaire vertical de cicatrice dans le sillon. Idéalement, elle sera utilisée chez
une femme jeune avec une peau élastique qui a les capaci-
Cette technique [13] utilise aussi le patron de Wise. Elle tés de se rétracter en postopératoire et d'éviter à nouveau
peut s'appliquer pour des ptoses importantes, car elle est la ptose du segment III.
plus fiable sur le plan de la vascularisation aréolaire.
On commence par désépidermiser la région péri-
aréolaire verticalement, puis on fait la résection glandu-
laire monobloc de part et d'autre du pédicule, 4 à 6 cm
Cure de ptose par « round block »
sous les lambeaux cutanés latéraux jusqu'au muscle Cette technique consiste à minimiser au maximum la ran-
pectoral – la résection étant plus importante en externe çon cicatricielle, en réalisant un redrapage cutané unique-
qu'en interne. ment péri-aréolaire [17]. Le dessin délimite le diamètre de
On poursuit la résection glandulaire sous le lam- la future aréole (maximum 5 cm), puis trace un ovale dont
beau vertical (pas plus haut que la future plaque aréolo-­ le sommet correspond à la hauteur souhaitée pour l'ascen-
mamelonnaire) ; on garde le pédicule inférieur attaché à la sion de l'aréole, la limite interne devant se situer au mini-
paroi. On plicature ensuite sur lui-même le lambeau aréo- mum à 9 cm de la ligne médiane. Après désépidermisation
laire et on fait la suture de l'aréole. On rabat ensuite la peau de cette zone, on incise le bord externe de ce tracé puis on
sur le pédicule après ajustement des berges cutanées et on réalise un décollement cutanéoglandulaire plus ou moins
pratique une suture en «T» inversé. extensif. En cas d'exérèse glandulaire, on prévoit des résec-
tions plutôt dans les quadrants inférieurs, avec suture des
Méthode verticale piliers. Il convient par la suite de redistribuer l'excès cutané
de façon homogène pour que les plis cutanés se résorbent
Elle associe les gestes suivants [14–16] : dans les trois mois qui suivent. Certains utilisent un fil non
● résection glandulaire inférieure ; résorbable passé en bourse pour limiter l'élargissement de
● création de deux piliers latéroglandulaires après résec- la cicatrice péri-aréolaire.
tion en «quille de bateau» inversée ; Cette technique reste très utile pour symétriser un sein
● adossement de ces piliers ; après reconstruction sans faire varier le volume ; elle est
● création d'une bourse pour résorber l'excès cutané rési- moins adaptée si l'on désire une importante réduction
duel inférieur. mammaire (fig. 14.4).
366
14. Plasties de symétrisation controlatérale après reconstruction pour cancer du sein

A B

C D
Figure 14.4
Plastie de symétrisation gauche par «round block» et prothèse, lors du même temps opératoire que la reconstruction secondaire du sein
droit par prothèse.

Autres techniques Augmentation controlatérale


Il est important d'avoir à sa disposition quelques tech- par prothèse
niques avec cicatrices en «T» et verticales pures, associant
un pédicule supérieur ou inférieur ou vertical. Indications
Les symétrisations du sein controlatéral par prothèse sont
souvent pratiquées lorsque la reconstruction mammaire
À retenir
est faite par prothèse, plus rarement après une technique

Découverte fortuite de 2,5 à 3 % de cancers occultes de reconstruction par lambeau autologue ou lambeau de
sur une plastie controlatérale. grand dorsal associé à une prothèse. En effet, un lambeau

Pour une réduction, toute la glande mammaire résé- permet d'obtenir un sein voisin en forme et en galbe du
quée doit être adressée en anatomopathologie.
sein controlatéral et un geste de retouche après ce mode de

Prévoir le pédicule porte-mamelon en fonction du
type de réduction prévue.
reconstruction est simple (remodelage, lipoaspiration d'un

Connaître une technique à cicatrices en «T» et lambeau de muscle droit de l'abdomen ou DIEP). Utiliser
péri-aréolaires, une technique verticale et le «round une prothèse pour symétriser un sein reconstruit par
block». implant est, à l'inverse, plus favorable et le résultat esthé-
tique plus satisfaisant pour la patiente, car la consistance
367
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

du sein symétrisé, le volume, le contour sera plus proche de Si le volume mammaire est supérieur à un bonnet A,
celui du sein reconstruit. le rôle principal de l'implant est d'augmenter le volume
L'indication privilégiée se fait lorsque le sein controla- mammaire et de redonner du galbe au niveau des qua-
téral est de petit volume, sans ptose ; ce qui permet une drants supérieurs. Pour obtenir cet effet, la plupart du
augmentation bilatérale pour les patientes qui désiraient temps, il sera utilisé une prothèse ronde de volume faible
cette augmentation de volume avant la mastectomie. Ceci ou modéré (100 à 150 mL), ce qui correspond au volume
est parfois perçu par la patiente comme une «compensa- moyen de ces augmentations controlatérales après recons-
tion» après le traumatisme que constitue une amputation truction mammaire.
du sein.
Lorsque le sein présente une légère ptose inférieure à Voie d'abord pour un implant
3 cm, la mise en place d'un implant permet la correction
de la ptose et l'obtention d'une forme qui correspond plus d'augmentation controlatérale
à un «sein de prothèse». La symétrie est plus facilement
Voie d'abord aréolaire
obtenue.
Lorsque la ptose est supérieure à 3 cm ou lorsque le sein La voie hémi-aréolaire inférieure sera privilégiée si on asso-
est totalement vidé au niveau des quadrants supérieurs, cie un geste de plastie mammaire à la mise en place de la
il peut être nécessaire d'associer une technique de mas- prothèse. Elle est limitée à l'introduction d'implant de petit
topexie. Une simple technique de redrapage pour corriger volume si le diamètre aréolaire est de petite taille, sous peine
la ptose ne permet pas de récupérer le galbe des quadrants de traumatiser la prothèse en forçant pour la faire rentrer
supérieurs du sein, notamment lorsque la peau est vergetu- dans la loge ; le risque étant alors une rupture secondaire.
rée et peu élastique (fig. 14.5). L'incision est transglandulaire perpendiculaire au plan
thoracique jusqu'au périmysium du muscle pectoral,
en chargeant la glande entre deux pinces de Kocher. On
Choix de la prothèse aborde ensuite le muscle pectoral plutôt en allant l'inciser
sur son bord inférieur qu'en passant en transmusculaire. On
Le choix de l'implant en reconstruction est abordé dans le
pratique alors la loge rétropectorale.
chapitre 8.
Dans le cadre d'une symétrisation, le choix de l'implant
se fait en corrélation avec la morphologie du sein et le
Voie sous-mammaire
volume de l'implant du sein controlatéral. Cette voie permet un abord facile du plan de décollement,
Si le sein présente une hypotrophie majeure, on utilise qu'il soit rétroglandulaire ou rétropectoral, car elle respecte
souvent un implant de volume identique qui définira la l'intégrité de la glande. Ceci évite des cicatrices glandulaires
base mammaire des deux seins. modifiant la mammographie postopératoire.

A B
Figure 14.5
Augmentation controlatérale du sein gauche sur mastectomie, reconstruction immédiate du sein droit par implant ; un seul temps opératoire.

368
14. Plasties de symétrisation controlatérale après reconstruction pour cancer du sein

L'incision se fait au niveau du sillon sous-mammaire ou Quelle que soit la voie d'abord cutanée, nous préférons
légèrement plus bas si on souhaite abaisser le sillon. g­ arder le muscle intact et passer au bord inférieur de celui-
Elle se fait sur environ 3 cm puis le décollement se porte ci. Dans ce type de décollement, l'hémostase des perfo-
vers le haut en rétroglandulaire ou alors sur le bord inférieur rantes internes doit être pratiquée avec rigueur pour ne pas
du grand pectoral pour un placement rétromusculaire. créer d'hématome postopératoire quelques heures après la
chirurgie.
Voie axillaire
On évitera plutôt la voie axillaire pour une symétrisation Cure de ptose associée
dans un cancer du sein car, en cas de découverte ultérieure à une augmentation mammaire
d'un cancer controlatéral, il sera alors impossible de réali-
ser une technique de prélèvement du ganglion sentinelle. Une mastopexie peut être nécessaire pour ascensionner
Il est d'ailleurs difficile à l'heure actuelle de savoir si les autres l'aréole et diminuer la ptose.
voies d'abord permettent cette technique qui n'est validée Il peut s'agir d'une technique de reconcentration
qu'en l'absence de chirurgie antérieure. simple de la peau autour de l'aréole, type « round
Cette voie peut être verticale en arrière du pilier de l'ais- block », ou plastie mammaire verticale, plus rarement
selle ou horizontale. plastie en « T ».
Le bord libre du grand pectoral est repéré ; il convient de Lorsqu'on associe une augmentation à une plastie, il est
créer un «couloir» étroit de dissection jusqu'à la loge de souhaitable de débuter par la mise en place de l'implant
l'implant pour éviter les migrations secondaires de la pro- qu'on placera plutôt en position rétropectorale. On privi-
thèse dans un «couloir» trop large. légie l'abord hémi-péri-aréolaire ou sous-mammaire dans le
cas d'une plastie en «T».
Les techniques de plastie sont celles décrites précédem-
Position de l'implant : ment, en sachant qu'on sera souvent amené à modifier son
en rétroglandulaire ou en rétropectoral ? dessin préopératoire.
À noter que la technique du clamp peut s'avérer utile en
La question essentielle est de savoir si un implant placé en
cas de plastie verticale pour adapter l'étui cutané à l'implant
rétroglandulaire comprime la glande et rend la surveillance
et parfaire la symétrisation.
ultérieure plus difficile et délicate, notamment les mammo-
graphies [18]. Quelle que soit la localisation d'un implant
de symétrisation, il faudra que la patiente ait une surveil-
lance spécialisée. À retenir
La prothèse peut être positionnée en rétropectoral ou ■
Voie d'abord cutanée en fonction de la taille de la
en prépectoral ; la dissection de la loge de l'implant doit
plaque aréolo-mamelonnaire.
être adaptée à la taille choisie pour éviter les migrations ■
Ne pas privilégier la voie axillaire.
ultérieures si la loge s'avère plus large que l'implant. ■
La position rétropectorale facilite la surveillance par
La particularité des symétrisations par implant réside dans mammographie de la glande mammaire.
le fait qu'on recherche souvent un bombement des qua- ■
La surveillance après augmentation doit s'effectuer en
drants supérieurs. Pour calquer la forme du sein controlaté- centre spécialisé pour détecter une anomalie.
ral reconstruit par prothèse, le positionnement de l'implant
se fait dans ce cas-là au niveau de la partie haute du sein.

Position rétroglandulaire Spécificités des suites


Le décollement prépectoral se fait dans le plan du périmy- opératoires des plasties
sium du muscle. L'hémostase est faite au mieux avec une
valve éclairante. controlatérales
Les suites des plasties controlatérales sont les mêmes que
Position rétropectorale celles des plasties esthétiques. La patiente attend en général
L'abord du plan musculaire peut être différent selon l'abord beaucoup de cette plastie, qui est un temps essentiel pour
cutané. qu'elle se reconstruise.
369
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Il faut informer la patiente de la douleur postopératoire Pour l'augmentation par implant


plus importante en cas d'augmentation controlatérale par
implant qu'en cas de plastie de réduction. Les complications sont :
Des antalgiques puissants de type morphiniques ● déplacement possible de l'implant vers le haut, si on a
peuvent être nécessaires dans les quarante-huit heures pratiqué un décollement trop extensif ;
postopératoires. ● coque, pouvant se voir comme sur toute pose d'implant ;
● rupture d'implant, nécessitant une surveillance spéci-
fique clinique et par mammographie numérisée ;
● survenue de siliconome, notamment par rupture d'im-
Complications particulières plant passée inaperçue : ils peuvent être intraglandulaires
à expliquer à la patiente mais parfois révélés par une adénopathie, isolée ou non ;
une biopsie est alors nécessaire.
en préopératoire Parfois, la symétrisation n'est pas nécessaire (fig. 14.6).
Il n'y a pas plus de complications sur les plasties de symétri-
sation que sur les plasties esthétiques.
Les complications postopératoires immédiates possibles Résultats et évolution
pour lesquelles il faut spécifiquement prévenir la patiente des plasties controlatérales [1, 19]
sont les suivantes.
Symétrisation par plastie mammaire
Pour la plastie de réduction Pour les symétrisations par plastie mammaire, les variations
Souffrance aréolaire de poids peuvent entraîner des déséquilibres dans le temps,
avec récidive de la ptose et un sein à nouveau de plus gros
Il faut spécifiquement expliquer cette complication à la volume nécessitant une reprise chirurgicale. Il est donc
patiente tout simplement parce qu'en cas de nécrose, elle nécessaire que la plastie se fasse lorsque la patiente a un
n'aura plus de plaque aréolo-mamelonnaire y compris sur poids stable, ce qui n'est pas toujours simple sous traite-
le sein non traité pour cancer, ceci peut être difficilement ment antihormonal, notamment le tamoxifène.
vécu en l'absence d'information. Il est aussi indispensable de bien évaluer l'évolution du
Cette souffrance apparaît dès le postopératoire, avec sein symétrisé qui va se re-ptoser avec le temps, surtout si la
turgescence de la plaque aréolo-mamelonnaire qui devient patiente a eu une reconstruction mammaire par prothèse
violette ; ceci nécessite qu'on la pique avec une aiguille seule qui donne un sein d'aspect un peu plus figé.
sous-cutanée toutes les quatre heures et qu'on applique
des compresses d'héparine pour la faire saigner et favoriser
le retour veineux. En cas d'échec et de persistance de cette Symétrisation par prothèse
souffrance, on peut greffer la plaque aréolo-mamelonnaire Les symétrisations par prothèse donnent d'excellents
sous anesthésie locale à J2 postopératoire. On pratiquera résultats.
un tatouage secondairement pour permettre une bonne Le sein symétrisé est plus ferme, avec un bombement
coloration. des quadrants supérieurs.
En général, l'évolution dans le temps est favorable,
Cicatrices chéloïdes ou hypertrophiques puisque le vieillissement des deux seins est comparable.
Les cicatrices chéloïdes ou hypertrophiques sont difficile-
ment prévisibles. Il faut prévenir la patiente de ce type de
soucis, car il s'agit de son sein non traité pour cancer et, Surveillance
pourtant, on va pratiquer des cicatrices. Sur le plan psycho-
logique, ce type de cicatrices, en l'absence d'information, La surveillance du sein controlatéral après symétrisation
est souvent très mal vécu. est fondamentale, car le risque de cancer controlatéral est
Si elles apparaissent, les traitements seront clas- réel ; il doit être évalué suivant certains critères : l'âge de la
siques : application locale de corticoïdes en pommade, patiente, le type histologique, notamment le type lobulaire
infiltration… infiltrant, la présence d'une mutation génétique délétère.
370
14. Plasties de symétrisation controlatérale après reconstruction pour cancer du sein

A B

C D
Figure 14.6
Mastectomie à peau conservée avec reconstruction mammaire immédiate par grand dorsal autologue du sein gauche après
tumorectomie pour carcinome intracanalaire étendu ; pas de symétrisation droite nécessaire. Reconstruction de plaque aréolo-
mamelonnaire gauche dans un deuxième temps par greffe de peau inguinocrurale et lambeau de Little.

La surveillance après réduction mammaire, implant ou Après six mois, l'œdème régresse et les tissus mammaires
mastopexie est recommandée six mois après la chirurgie de sont généralement revenus à la normale.
symétrisation. Cet examen clinique sera associé à des examens complé-
Cette surveillance commence avant tout par un exa- mentaires : mammographie, échographie et IRM orientée
men clinique, à la recherche de nodules mammaires, asso- en cas de lésion classée ACR3. Une lésion ACR4 ou ACR5
cié à une palpation des aires ganglionnaires et des zones nécessite une biopsie.
cicatricielles. L'examen clinique détectera une masse de L'échographie est très utile pour différencier une zone
tissu plus dense, qui peut correspondre à une nécrose kystique et une tumeur solide. La mammographie mettra
graisseuse ou à une zone enkystée. en évidence des zones de microcalcifications anormales du
Après chirurgie de symétrisation, il peut exister des zones parenchyme mammaire.
de cytostéatonécrose ou des zones post-chirurgicales Après augmentation mammaire par implant, des clichés
remaniées. spéciaux de mammographie sont nécessaires pour optimiser
371
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

la visualisation de la glande mammaire (manœuvre d'Eklung Références


refoulant la prothèse).
L'IRM précisera l'architecture de la glande et permettra [1] Losken A, Carlson GW, Bostwick 3rd. J, et al. Trends in unilateral
d'identifier les lésions à biopsier sous échographie ciblée. breast reconstruction and management of the controlateral breast :
the Emory experience. Plast Reconstr Surg 2002 ; 110(1) : 89–97.
Elle est indispensable dans le suivi des cancers de type lobu-
[2] Nahabedian MY. Symmetrical breast reconstruction : analysis of
laire infiltrant et pour les patientes présentant une muta- secondary procedures after reconstruction with implants and
tion génétique BRCA1 ou BRCA2. autologous tissue. Plast Reconstr Surg 2005 ; 115(1) : 257–60.
Si, malgré ces différents examens, un doute persiste [3] Rebner M, Grills I, Vicini F. Should screening MRI be included in
sur la nature de certaines anomalies, il est indispen- surveillance for patients treated with breast-conserving therapy ?
Nat Clin Pract Oncol 2009 ; 6(1) : 8–9.
sable de réaliser des examens plus invasifs : micro- ou [4] Revol M, Binder JP, Danino A, et al. Plasties mammaires. In : Manuel
macrobiopsies. de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique. 2e édition.
Sauramps Médical2009.
[5] Pitanguy I. Une nouvelle technique de plastie mammaire. Étude de
245 cas consécutifs et présentation d'une technique personnelle.
Ann Chir Plast 1962 ; 7 : 199–208.
À retenir [6] Bricout N, Groslières D, Servant JM, et al. Plastie mammaire. La tech-
nique utilisée à Saint-Louis. Ann Chir Plast Esthet 1988 ; 33(1) : 7–15.

Examen clinique et imagerie de référence à six mois
[7] Lalardrie JP, Mitz V. Plastie mammaire de réduction par la technique
de la chirurgie de symétrisation : nouvelle mammo- de la voûte dermique. J Chir (Paris) 1974 ; 108(1) : 57–68.
graphie de référence post-chirurgie de réduction [8] Wise RJ. A preliminary report on a method of planning the mam-
controlatérale. maplasty. Plast Reconstr Surg 1956 ; 17(5) : 367–75.

Une patiente ayant eu un carcinome lobulaire infil- [9] Biesenberger H. Eine neue Methode der Mammaplastik. Zentralbl
trant sur le sein traité doit avoir en pré- et postopéra- Chir 1930 ; 48 : 2971–5.
toire une IRM à la recherche d'un cancer controlatéral, [10] Skoog T. A technique of breast reduction. Transposition of the nipple
avant plastie de symétrisation. based on an inferior dermal pedicle. Acta Chir Scand 1963 ; 26 : 452–65.
[11] Staub G. Plasties pour cancer. Résultats de la série de L'Institut
Curie. À propos de 298 cas. Thèse de médecine. 2006.
[12] Thorek M. Plastic reconstruction of the breast and free transplanta-
tion of the nipple. J Int Coll Surg 1946 ; 9 : 194.
[13] Mac Kissock PK. Reduction mammaplasty with a vertical dermal
Conclusion flap. Plast Reconstr Surg 1972 ; 49(3) : 245–52.
[14] Lassus C. Breast reduction. Evolution of a technique. A single verti-
La plastie de symétrisation du sein controlatéral présente cal scar. Aesthetic Plast Surg 1987 ; 11(2) : 107–12.
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Plast Reconstr Surg 1994 ; 94(1) : 100–14.
que la patiente a un antécédent de cancer et qu'il faut tou- [16] Flageul G, Karcenty B. À propos des plasties mammaires verticales :
jours avoir à l'esprit qu'elle peut avoir une autre tumeur sur la méthode verticale triangulaire ou «verticale triangulaire tech-
le sein controlatéral. nique». Description, indications, étude rétrospective sur 6 ans. Ann
Le bilan clinique et par imagerie doit être rigoureuse- Chir Plast Esthet 2000 ; 45(5) : 531–47.
[17] Chavoin JP, Grolleau JL, Jougla E, et al. Technique du sein restant.
ment respecté avant et après plastie.
Analyse d'un choix. Chirurgie plastique du sein. In : Encycl Med
La spécificité réside aussi dans le fait qu'il s'agit d'une Chir. Techniques chirurgicales – Chirurgie plastique reconstructrice
patiente qui a été mutilée, quelle que soit la qualité de et esthétiqueParis : Elsevier ; 2001. p. 37–55 [45-661-C].
la reconstruction immédiate ou secondaire : elle attend [18] Petoin S. Prothèses mammaires d'augmentation. In : Encycl Med
beaucoup de cette deuxième chirurgie, d'autant plus Chir. Techniques chirurgicales – Chirurgie plastique reconstructrice
et esthétiqueParis : Elsevier ; 2004. p. 73–97 [45-663].
que cette dernière sera pratiquée sur son sein originel [19] Nahabedian MY. Managing the opposite breast : controlateral sym-
unique. metry procedures. Cancer J 2008 ; 14(4) : 258–63.

372
Chapitre 15
Reconstruction de la plaque
aréolo-mamelonnaire
A. Fitoussi10

PLAN DU C HAPITRE
Positionnement et forme de la plaque ­
aréolo-mamelonnaire 374
Reconstruction de l'aréole 375
Reconstruction du mamelon 377
10. Avec la collaboration pour l'édition précédente de F. Reyal. Conclusion 386

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

La reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire reste Ensuite, on vérifie la symétrie par rapport aux différentes
un des éléments essentiels de la qualité d'une reconstruc- mesures à partir des différents points fixes que nous uti-
tion mammaire. Les patientes sont très attentives à la forme, lisons. Ces points fixes sont le bord inférieur de la clavi-
à la couleur, à la taille de l'aréole, mais également à l'aspect cule à 5 cm de la ligne médiane (a-PAM) ou la distance
et à la projection du mamelon. manubrium-PAM (b'-PAM), la ligne médiane (c'-PAM), la
Cette reconstruction doit pouvoir se faire sous anes- ligne médio-axillaire (e-PAM) et le sillon sous-mammaire
thésie locale pour limiter le nombre de temps opératoires (d-PAM) (fig. 15.1).
sous anesthésie générale. Les patientes sont très sensibles à Mais nous utilisons souvent un autre artifice pour que
cette possibilité. Toutefois, dans bon nombre de cas, cette la forme de l'aréole soit adaptée à celle du sein opposé. La
reconstruction sera effectuée sous anesthésie générale, lors périphérie de l'aréole existante est soulignée au feutre, puis
de l'ultime temps de reconstruction. Ceci n'est possible que calquée. Le calque est découpé, retourné et positionné au
si les modifications sont peu importantes lors de ce temps mieux (grâce à un petit collant) sur le sein reconstruit dans
opératoire. En effet, en cas de modifications de position- sa position idéale (fig. 15.2). Ceci est d'autant plus impor-
nement du sillon sous-mammaire ou de réduction impor- tant que l'aréole n'est pas totalement circulaire.
tante de volume du sein opposé, la position de l'aréole se Ce positionnement doit se faire sur un sein «stable»,
modifie en quelques mois. Il sera donc souhaitable de la c'est-à-dire à distance (deux mois minimum) d'une modi-
faire dans un autre temps opératoire. fication opératoire importante de la forme de celui-ci.
Les techniques de reconstruction de la plaque aréolo- L'association de ces trois techniques permet de fixer au
mamelonnaire sont utilisables en cas de mastectomie, mais mieux l'emplacement de la future aréole et de compenser
également en cas de tumorectomie centrale (ou «pamec- les anomalies de positionnement fréquentes si on n'utilise
tomie»), emmenant la plaque aréolo-mamelonnaire. qu'une seule technique.
De nombreuses techniques ont été décrites dans la lit-
térature [1–7] ; elles présentent toutes des avantages et des
inconvénients que nous n'évaluerons pas dans cet ouvrage.
Nous allons essayer de décrire les principales que nous utili-
sons très régulièrement et d'autres plus anecdotiques.
Avant toute chose, il faut positionner au mieux la future
plaque aréolo-mamelonnaire. Pour cela plusieurs artifices
peuvent aider l'opérateur.

La bonne situation de l'aréole demeure essentielle : même


dans les cas de bon résultat morphologique, la mauvaise
position peut dégrader le résultat de façon majeure.

Positionnement et
forme de la plaque
aréolo-mamelonnaire
La position de la plaque aréolo-mamelonnaire (PAM) est essen-
tielle. Elle est appréciée debout de face et de profil et, même si
les volumes mammaires sont différents, un compromis doit
être trouvé afin que la position soit le plus symétrique possible.
On demandera avant tout à la patiente de position- Figure 15.1
ner de l'index la place de sa future aréole à deux ou trois On reporte les «abcde» à la plaque aréolo-mamelonnaire sur
le sein opposé «a'b'c'd'e'» en vérifiant que la symétrie est quasi
reprises, les yeux ouverts puis fermés : elle est souvent très idéale.
bonne. Dessin : Cyrille Martinet.

374
15. Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire

douze sont tenues verticalement et doivent pénétrer suffi-


samment pour faire pénétrer le produit, sans trop abîmer la
peau. On vérifiera régulièrement la bonne prise du produit
et l'état de la peau, afin d'éviter des complications dues au
fait que la peau peut être abîmée et brûlée par l'agression
trop intense des aiguilles. Ce qui pourrait entraîner un défaut
de cicatrisation, une dépigmentation, voire une cicatrice
chéloïde. Un juste milieu est nécessaire. Un pansement gras
est effectué pendant quinze à vingt jours sur cette zone.
Le tatouage de l'aréole en cas de greffe de mamelon
opposé est fait avant la greffe. S'il s'agit d'un lambeau local,
le site du futur prélèvement est tatoué avant ; il sera com-
plété après fermeture cutanée.

Greffe de peau
On pourra utiliser n'importe quel type de peau prélevé sur
la patiente dans une zone peu visible, cette peau peut être
tatouée avant son prélèvement. On utilisera le plus sou-
vent la peau du sillon génitocrural car la cicatrice est alors
bien dissimulée et la couleur de cette peau est souvent très
Figure 15.2
proche de celle de l'aréole à reconstruire.
Si l'aréole est ovale ou oblique externe, le calque, positionné
à l'envers, la simule au mieux et la reconstruction de l'aréole
La technique de prélèvement est simple, sous anesthésie
prendra la même forme. locale ou générale en fonction des cas (fig. 15.3).
Dessin : Cyrille Martinet. Le dessin est effectué sur une patiente en décubitus
dorsal, la jambe en abduction externe. Le dessin doit être
effectué sur une peau tendue, dans la zone la plus foncée
Reconstruction de l'aréole et intéresse la peau au-dessous du pli génitocrural. On
évitera la zone au-dessus à forte pilosité. La longueur de la
Tatouage cicatrice est réduite au minimum, en évitant les «oreilles»
latérales. On aura au préalable mesuré le diamètre de la
Nous utilisons dans la plupart des cas un tatouage unilatéral
plaque aréolo-mamelonnaire à reconstruire, ce diamètre
si la teinte est facilement reproductible ou bilatéral dans le cas
contraire (souvent pour les aréoles très claires). Cette tech-
nique est extrêmement simple, reproductible, ne nécessite
pas de cicatrice complémentaire. On pourra facilement adap-
ter la forme de l'aréole reconstruite à celle du sein opposé.
Le choix du tatoueur et des pigments est essentiel pour
obtenir un bon résultat.
Il s'agit en général d'un mélange de deux ou trois couleurs
qui sont tatouées successivement pour mimer au mieux les
irrégularités de l'aréole existante et éviter un aspect mono-
chrome de la reconstruction. Une longue expérience est
nécessaire pour mimer les couleurs existantes, d'autant
que la lumière des scialytiques, le saignement occasionné
par le tatouage et l'utilisation de vasoconstricteur dans la
lidocaïne (Xylocaïne®) modifient fréquemment ces teintes.
Figure 15.3
On étale les différentes teintes et on promène le tatoueur
Prélèvement cutané sur le pli inguinal dans la zone la plus foncée,
avec une minime pression et de façon régulière sur toute la en forme d'œil pour éviter les oreilles latérales.
zone à tatouer. Les aiguilles au nombre de trois, six, neuf voire Dessin : Cyrille Martinet.

375
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

sera reporté sur la peau tendue afin de minimiser le prélè- Une fois fixée sous bonne tension, la greffe est perforée
vement et d'avoir une peau bien sous tension lors de son de quatre à huit orifices effectués à l'aide d'un bistouri fin et
transfert, gage de bonne prise de la greffe.
Ce prélèvement doit intéresser toute l'épaisseur de la
peau sans la graisse plus profonde (greffe de peau total).
La fermeture se fera en deux plans, afin d'assurer une
bonne solidité de la cicatrice soumise rapidement à des
efforts de traction à la marche et de prévenir les lymphocèles
fréquentes dans cette zone proche des ganglions inguinaux.
Avant de positionner la greffe au niveau du sein reconstruit,
il faudra éliminer toutes les zones de graisse profonde en ne
laissant que le derme afin de faciliter la prise. Cette préparation
s'effectue au ciseau fin. On pratique ensuite une désépider-
misation de la future zone aréolaire en retirant la couche très
superficielle de l'épiderme au bistouri froid ou au ciseau fin.
Si on décide de reconstruire le mamelon avec la peau du
sein reconstruit, on tatoue cette peau (fig. 15.4), puis on la
repliera sur elle-même pour former un mamelon (fig. 15.5).
Ensuite, on positionnera la greffe de peau inguinale. On
positionne cette greffe sur cette zone désépidermisée et on
la fixe par huit points cardinaux (fig. 15.6), qui sont laissés
long afin de comprimer cette greffe par un bourdonnet
en fin d'intervention. Puis, la greffe est fixée tout autour de
l'aréole par un surjet de fil très fin après avoir éliminé l'excé- Figure 15.5
dent cutané des deux pointes externes. La peau tatouée est concentrée selon la technique de Little
pour faire le mamelon.
Dessin : Cyrille Martinet.

Figure 15.4
La zone receveuse est désépidermisée de façon très superficielle, Figure 15.6
sauf pour la zone qui sera utilisée pour faire le mamelon. Un La greffe de peau inguinale est positionnée sur la zone
tatouage de cette peau est pratiqué avant sa levée. désépidermisée.
Dessin : Cyrille Martinet. Dessin : Cyrille Martinet.

376
15. Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire

pointu ; un lavage sera effectué à l'aide d'un cathlon et de


sérum physiologique, ce qui permet d'améliorer le contact
du greffon et d'éliminer le sang qui pourrait gêner la prise
du greffon.
Le mamelon sera alors ressorti de sous la greffe en effec-
tuant une petite moucheture centrale (fig. 15.7).
Pour reconstruire le mamelon, il est également possible
d'employer un lambeau de Little, qui va utiliser une partie de
la peau de la zone de la future aréole, pédiculisé sur le centre
de cette zone, ou un lambeau «F», dont les techniques de
confection sont décrites dans le chapitre suivant. La peau qui
permet de confectionner ces mamelons peut éventuellement
être tatouée avant. On pourra également utiliser une greffe
de l'hémi-mamelon opposé, qui sera positionné et fixé par
des fils au centre de l'aréole dans la zone de la moucheture.
Ensuite, on confectionne un gros pansement gras de la
taille de l'aréole qui permettra de comprimer cette greffe à
l'aide des huit fils longs laissés en place (fig. 15.8).
Ce pansement gras est laissé en place trois à cinq jours
selon les auteurs et il est ensuite retiré en sectionnant les fils Figure 15.8
qui permettent de comprimer le greffon. Un gros pansement de type bourdonnet est positionné pour
On vérifiera alors que la greffe a bien pris et qu'elle ne bien plaquer la greffe sur la zone désépidermisée.
Dessin : Cyrille Martinet.
«savonne» pas, c'est-à-dire qu'elle ne glisse pas sur le plan
profond, signe de mauvaise adhérence de la greffe et donc
de complication. Dans ce cas, une cicatrisation dirigée sera
nécessaire.
Il faudra ensuite continuer les pansements gras pendant
quinze à trente jours, jusqu'à disparition des zones cruen-
tées et prise complète du greffon.
La figure 15.9 présente un résumé opératoire et son
résultat.

Reconstruction du mamelon
Le problème du mamelon est bien sûr sa taille et, souvent, sa
projection. De multiples techniques ont été décrites ; nous
allons détailler les principales et en citer quelques autres.
Bien sûr, le choix de la technique est fait en fonction de la
taille du mamelon opposé, du refus de la patiente d'utiliser
éventuellement son mamelon et des possibilités locales.

Reconstruction du mamelon
par greffe
Figure 15.7
Greffe d'une partie du mamelon opposé
On ressort le mamelon reconstruit par des techniques de Little
ou en «F». Le prélèvement de l'hémi-mamelon [8, 9] peut se faire de
On peut également repositionner avec une greffe de l'hémi-
mamelon opposé. plusieurs façons, en fonction de la forme du mamelon du
Dessin : Cyrille Martinet. sein restant.
377
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

E F
Figure 15.9
Reconstruction de l'aréole par greffe de peau : résumé opératoire et résultat.

Les principales possibilités sont décrites sur les schémas Pour fixer la greffe de mamelon sur le sein reconstruit,
de la figure 15.10. La suture est toujours directe ; on évitera on désépidermise une zone de quelques millimètres
de prendre plus de la moitié du mamelon, afin d'éviter de de diamètre qui correspond à l'emplacement du futur
«détruire» le mamelon restant. mamelon. Pas trop large pour que la greffe garde une
On devra prévenir la patiente du risque d'échec de la bonne projection et ne s'écrase pas dans la zone désépi-
greffe et de l'éventualité d'une diminution de la sensibilité dermisée (fig. 15.11).
du mamelon prélevé.
378
15. Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire

Figure 15.11
Zone désépidermisée suffisamment étroite pour garder
une bonne projection au greffon et mamelon en place
après suture périphérique.
Dessins : Cyrille Martinet.

Figure 15.10
Les techniques de prélèvement de mamelon controlatéral sont
multiples et fonction de la forme initiale.
Dessins : Cyrille Martinet.

Le greffon est fixé par six ou huit points, afin d'obtenir


un bon contact, et sera comprimé quelques jours avec un
pansement gras compressif de type bourdonnet.
En cas d'échec, on pratiquera une cicatrisation dirigée.
Dans certains cas de très larges aréoles du sein opposé,
on pourra utiliser une greffe de peau aréolaire pour recons-
truire le mamelon (fig. 15.12).

Greffes de peau tatouée


On pourra utiliser, la peau d'un lambeau musculocutané de
type grand dorsal, une oreille cutanée sous-axillaire voire un
prélèvement de peau sur la cicatrice de mastectomie. Ces Figure 15.12
zones seront tatouées avant prélèvement puis greffées en Prélèvement d'une partie de l'aréole, qui permet de la réduire
lorsqu'elle est trop large et d'avoir un greffon de bonne coloration
essayant de leur donner un semblant de volume (fig. 15.13d). pour le mamelon, lorsqu'il n'est pas trop volumineux.
Leurs prises sont néanmoins plus aléatoires. Dessins : Cyrille Martinet.

379
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Autres greffes
Elles sont plus anecdotiques, qu'il s'agisse de greffe de la greffe de la pulpe d'un orteil (fig. 15.13b) [10, 11] ou d'un
partie postérieur du lobe de l'oreille (fig. 15.13a) ou de la prélèvement des petites lèvres (fig. 15.13c).

D
C
Figure 15.13
Reconstruction du mamelon par greffe.
A. Greffe du lobe de l'oreille. B. Greffe de la pulpe d'un orteil. C. Greffe de petite lèvre. D. Greffe de peau tatouée.
Dessins : Cyrille Martinet.

380
15. Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire

Reconstruction du mamelon
par lambeau local (vidéo e15.1)
Quand le mamelon est trop petit ou que la patiente refuse qu'on
y touche (mais également en cas de cancer du sein controla-
téral traité), on utilise des lambeaux dermiques. Plusieurs types
ont été décrits ; nous allons décrire les principaux.

Lambeau « F »
C'est celui que nous utilisons le plus fréquemment car il
est très simple à réaliser, reproductible en cas d'échec ou
d'insuffisance de résultat. Il est à deux branches, autofer-
mant et peut souvent se positionner dans la cicatrice de
mastectomie, quelle que soit sa direction (fig. 15.14).
La technique consiste à prélever deux lambeaux dermo-
graisseux qui resteront vascularisés par une base commune
centrale et les enrouler l'un sur l'autre.
Selon la taille du mamelon à reconstruire et la taille de
l'aréole, les deux ailes – qui peuvent être très légèrement asymé-
triques – seront prélevées le plus souvent le long de la cicatrice Figure 15.14
de mastectomie et, parfois, en plein centre du sein reconstruit, Quelle que soit la direction de la cicatrice de mastectomie,
on pourra l'utiliser pour le lambeau «F» à deux branches
créant ainsi une cicatrice horizontale qui sera ensuite dissimu- afin d'éviter une cicatrice supplémentaire sur le sein reconstruit.
lée par le tatouage ou la greffe d'aréole complémentaire. Dessins : Cyrille Martinet.
Le dessin et les dimensions des ailettes de ces lambeaux
se feront selon le schéma suivant (fig. 15.15) : selon la taille
du mamelon à reconstruire et celle de l'aréole, ab = 15 à
30 mm, dc = 12 à 25 mm, xy = 10 à 15 mm, ad = 15 à 20 mm.
L'intervention commence par le tatouage de la future
aréole.
Après tatouage de la zone définie, le prélèvement des
deux branches doit intéresser toute l'épaisseur du derme et
la graisse sous-jacente avec, éventuellement, la fibrose cica-
tricielle, ce qui permet d'augmenter le volume du mame-
lon reconstruit. Ce volume est bien sûr supérieur quand le
derme est plus épais (lambeau de grand dorsal), le résultat
est alors plus stable. La reconstruction doit laisser un mame-
lon beaucoup plus gros que celui opposé, en raison d'une
fonte importante (environ 50 % du volume reconstruit).
On prélève les deux branches du lambeau «abcd», qui
reste vascularisé par la zone «ad» qu'on préserve au maxi-
mum (fig. 15.16a). Ensuite, la branche la plus large est le plus
souvent utilisée pour se positionner en dessous ; le point
«b» est suturé au point «d» (fig. 15.16b). Puis on amène la
branche supérieure au-dessus ; elle sera suturée directement
sur le lambeau inférieur (fig. 15.17a). Parfois, on positionne
un point profond qui adossera les dermes inférieurs des Figure 15.15
deux branches du lambeau afin d'augmenter sa projection Prélèvement des deux ailes du lambeau local, avec une zone qui
permet la vascularisation «ad», qui doit être comprise entre
et d'éviter une éventuelle invagination en doigt de gant par 15 et 20 mm selon la taille du lambeau à reconstruire.
pression intense du mamelon reconstruit. Dessins : Cyrille Martinet.

381
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B
Figure 15.16
Le point «b» rejoint le point «d » et forme la base du futur mamelon.
Dessins : Cyrille Martinet.

Figure 15.18
La cicatrice horizontale est refermée directement, entraînant
une déformation de l'aréole ; puis un complément de tatouage
A permettra de refaire l'aréole de la taille souhaitée.
Dessin : Cyrille Martinet.

quinze à vingt jours puis retiré, suivi d'un pansement gras


simple pendant dix jours.
La figure 15.19 présente un résumé opératoire.
En cas d'échec de cette reconstruction (mamelon trop
petit ou trop plat), la même intervention peut alors être
B de nouveau réalisée en utilisant la sclérose induite par la
première intervention. Les résultats sont alors souvent
Figure 15.17 meilleurs.
Le point «c» est positionné au-dessus de «a» ; il est suturé et La nécrose d'une des deux ailes est exceptionnelle si la
forme le couvercle du futur mamelon.
Dessins : Cyrille Martinet. taille du pédicule nourricier est bien respectée.
À long terme il existe, comme pour la plupart des
Finalement, on fermera directement la cicatrice de pré- techniques, une décoloration progressive de l'aréole et
lèvement (fig. 15.17b) et on complétera le tatouage, qui a un affaissement de la projection du mamelon. Mais une
subi une distorsion en raison du prélèvement de ces lam- amélioration du résultat est toujours possible après un
beaux (fig. 15.18). recul de quelques années, tant cette technique, simple et
Un pansement gras fenêtré puis non fenêtré est ensuite ­reproductible, est facilement acceptée par les patientes
positionné sur cette zone, changé tous les jours pendant sous anesthésie locale.
382
15. Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire

A B

C D

E F

G H
Figure 15.19
Reconstruction du mamelon par lambeau «F» : résumé opératoire.

383
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Cette technique permet très souvent, surtout dans les Lambeau starflap
reconstructions par prothèse, d'utiliser la cicatrice de mam-
Ce lambeau est proche du lambeau «F», mais avec une troi-
mectomie, quelle que soit son orientation. Dans le cas du
sième branche qui sert de chapeau aux deux autres [1, 2] ;
lambeau, lorsque le prélèvement est central, la rançon cica-
cela peut amener plus de projection [5], mais la cicatrisa-
tricielle est limitée à une cicatrice linéaire de 30 à 60 mm
tion du prélèvement en «T» est beaucoup plus délicate
qui est tatouée. Cette cicatrice se ferme bien sûr plus facile-
(fig. 15.21a).
ment que les incisions circulaires en «S» ou en «T» inversé
utilisées dans d'autres techniques.
Lambeau fishtail
C'est le même type de prélèvement que le lambeau «F»,
Lambeau de Little, I ou II
avec deux branches, autofermant [7]. La fermeture est sou-
Il est généralement associé à une greffe de peau inguinale vent plus difficile en raison de la largeur des deux branches
pour la reconstruction de l'aréole en raison du défect créé. (fig. 15.21f).
Elle peut être tatouée avant le prélèvement, elle intéresse D'autres lambeaux sont décrits [4, 12–14] et moins sou-
la peau qui va recevoir l'hémi-greffe d'aréole (fig. 15.20). vent utilisés : lambeau en «S», en «H» ou lambeau flèche
L'inconvénient est un prélèvement de peau inguinale (fig. 15.21b, d et e).
obligatoire, donc une cicatrice supplémentaire.

Lambeau « C-V » Augmentation de la projection


Intermédiaire entre lambeau «F», starflap et lambeau de du mamelon
Little (fig. 15.21c), il nécessite le plus souvent une greffe de
peau pour reconstruire l'aréole en raison du défect cutanée Les prothèses de mamelon ne sont plus utilisées depuis le
ainsi créé. marquage CE ; les greffes de cartilages auriculaire [15] ou
costal [16] sont rarement utilisées.
La seule technique qui trouve progressivement des
Lambeau en « Z » indications est le lipomodelage, qui peut permettre d'aug-
C'est le même type de prélèvement que le lambeau «F», menter la projection de la plaque aréolo-mamelonnaire, en
avec deux branches, autofermant, mais souvent avec moins injectant de la graisse purifiée sur toute cette zone.
de projection (fig. 15.21g).

A B C
Figure 15.20
Lambeau de Little en trois phases : tatouage de l'hémi-aréole, plicature et suture cutanée, greffe de peau inguinale.
Dessins : Cyrille Martinet.

384
15. Reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire

A B

C D

E F

G
Figure 15.21
Les possibilités sont multiples pour fabriquer un mamelon. La zone de prélèvement est plus ou moins difficile à fermer.
A. Starflap. B. Lambeau «S». C. Lambeau «C-V». D. Lambeau flèche. E. Lambeau «H». F. Lambeau fishtail. G. Lambeau «Z».
Dessins : Cyrille Martinet.

Association de techniques ● refus de cicatrice supplémentaire : lambeau local («F»)


et tatouage ;
pour la reconstruction ● sinon, possibilité de greffe de peau inguinale pour l'aréole
de la plaque aréolo-mamelonnaire et lambeau de Little pour le mamelon.
Toutes les associations sont cependant possibles ; la
Nous utilisons de façon privilégiée trois situations :
patiente doit pouvoir exprimer son souhait et éventuelle-
● en cas de mamelon volumineux : greffe d'hémi-­mamelon
ment refuser une technique.
et tatouage ;
385
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Conclusion [6] Little JW. Nipple-areolar reconstruction. Adv Plast Reconstr Surg
1987 ; 3 : 43.
[7] McCraw JB. “Fish-Tailed flap” for nipple reconstruction. Aesthetic
Les techniques de reconstruction aréolaire et mamelon- and Reconstructive Surgery of the Breast Symposium sponsored by
naire sont multiples et variées. Une bonne connaissance Manhattan Eye, Ear and Throat Hospital. 1992.
des différentes techniques est nécessaire, afin d'adapter [8] Georgiade GS, Riefkohl R, Georgiade NG. To share or not to share.
Ann Plast Surg 1985 ; 14(2) : 180–6.
au mieux les possibilités locales en fonction du sou-
[9] Millard Jr. DR. Nipple and areola reconstruction by split-skin graft
hait des patientes pour la reconstruction de la plaque from the normal side. Plast Reconstr Surg 1972 ; 50(4) : 350–3.
aréolo-mamelonnaire. [10] Amarante JT, Santa-Comba A, Reis J, et al. Halux pulp composite
graft in nipple reconstruction. Aesthetic Plast Surg 1994 ; 18(3) :
299–300.
[11] Klatsky SA, Manson PN. Toe pulp free grafts in nipple reconstruc-
Références tion. Plast Reconstr Surg 1981 ; 68(2) : 245–8.
[12] Hobson MI, Williams N, Sharpe DT. The “Mushroom” nippleareolar
[1] Anton MA, Hartrampf CR. Nipple reconstruction with the star flap. reconstruction : a patient review. Ann Plast Surg 1996 ; 37(4) : 453.
Plast Surg Forum 1990 ; 13 : . [13] Hallock GG, Altobelli JA. Cylindrical nipple reconstruction using an
[2] Eskenazi L. A one-stage nipple reconstruction with the “modi- H flap. Ann Plast Surg 1993 ; 30(1) : 23–6.
fied star” flap and immediate tattoo : a review of 100 cases. Plast [14] Fitoussi A, Couturaud B, Salmon R. In : Chirurgie oncoplastique
Reconstr Surg 1993 ; 92(4) : 671–80. et reconstruction dans le cancer du sein. Paris : Springer ; 2008.
[3] Weiss J, Herman O, Rosenberg L, et al. The S nipple-areola recons- p. 109–18.
truction. Plast Reconstr Surg 1989 ; 83(5) : 904–6. [15] Brent B, Bostwick J. Nipple-areola reconstruction with auricular tis-
[4] Cronin ED, Humphreys DH, Ruiz-Razura A. Nipple reconstruction sues. Plast Reconstr Surg 1977 ; 60(3) : 353–61.
the S flap. Plast Reconstr Surg 1988 ; 81(5) : 783–7. [16] Heitland A, Markowicz M, Koellensperger E, et al. Long-term nipple
[5] Kroll SS, Reece GP, Miller MJ, et al. Comparison of nipple projec- shrinkage following augmentation by an autologous rib cartilage
tion with the modified double-opposing tab and star flaps. Plast transplant in free DIEP-flaps. J Plast Reconstr Aesthet Surg 2006 ;
Reconstr Surg 1997 ; 99(6) : 1602–5. 59(10) : 1063–7.

386
Chapitre 16
Autres temps de reconstruction
A. Fitoussi

PLAN DU C HAPITRE
Du côté de la reconstruction 388
Du côté de la symétrisation 389

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Du côté de la reconstruction
En cas de prothèse ou de lambeau
de grand dorsal avec prothèse
Le plus souvent, le premier temps de reconstruction avec
mise en place de l'implant ou du lambeau avec l'implant a
permis de créer un volume mammaire adapté. Ce volume
est souvent imparfait : volume inadapté, mauvaise position
du sillon, position de l'implant décalé en dedans ou en
dehors, manque de ptose…
Une amélioration du résultat, au cours du deuxième
temps de reconstruction, est souhaitable.
En cas de très bon résultat, ce deuxième temps
sera limité à de petits gestes et à la reconstruction de
la plaque aréolo-mamelonnaire ; dans d'autre cas, des
modifications très importantes seront nécessaires et la
plaque aréolo-mamelonnaire sera reconstruite dans un
troisième temps.
Figure 16.1
La liposuccion du sillon sous-mammaire permet de mieux
le marquer, afin d'améliorer le résultat et de permettre une
En cas de bon résultat du premier meilleure tenue du soutien-gorge sur le sein reconstruit.
Elle permet également de «re-surfacer» en douceur un étui irrégulier.
temps opératoire Dessin : Cyrille Martinet.

Ce temps opératoire peut être très limité en cas de bon


résultat du premier temps de reconstruction.
On pourra se contenter d'un petit changement de
volume, d'une modification de hauteur du sillon sous-
mammaire, d'un petit recentrage de l'implant…
On pourra y associer une liposuccion du sillon sous-
mammaire (fig. 16.1) pour une meilleure définition de celui-
ci, parfois une microliposuccion sous-cutanée, lorsque le
plan superficiel est irrégulier en raison d'un plan de mas-
tectomie parfois variable. Ce geste pourra alors «lisser» le
plan cutané afin de lui faire épouser au mieux la forme de
l'implant.
On peut également y associer un lipomodelage
(cf. chapitre 7), afin d'améliorer la trophicité et la sou-
plesse locales des tissus, mais également pour adapter
la régularité de la reconstruction et le volume dans cer-
taines zones difficiles à combler (le décolleté, la région
parasternale, la projection de la plaque aréolo-mamelon-
naire, le prolongement axillaire…). Certains le font même
avant la mise en place de l'implant de façon quasi systé-
matique (fig. 16.2). Figure 16.2
Tous ces petits gestes pourront être effectués en même Le lipomodelage permet d'améliorer le résultat par comblement
des zones dépressives, en particulier dans les quadrants
temps que la reconstruction de la plaque aréolo-­mamelonnaire supérieurs et, surtout, le décolleté.
(cf. chapitre 15) en cas de modifications mineures. Dessin : Cyrille Martinet.

388
16. Autres temps de reconstruction

Autres cas faite par prothèse. On pourra alors choisir des implants
ronds de mêmes bases avec des projections différentes en
Dans d'autres cas, ce temps opératoire sera plus important, raison du volume, par exemple une prothèse ronde d'aug-
avec reprise complète de la loge périprothétique et change- mentation de 145 cm3 avec 11 cm de base et une prothèse
ment de l'implant. de reconstruction ronde de 225 cm3 avec une base de
Plusieurs gestes sont envisageables. 11,3 cm. Parfois, on préférera une prothèse anatomique en
raison de la ptose du sein augmenté.
Réfection de la loge périprothétique On peut aussi choisir deux implants de même base et de
En fonction des besoins, on réalise une capsulectomie projections différentes en cas d'augmentation obligatoire
partielle ou totale antérieure – la partie postérieure de la du sein opposé à la mastectomie. De nombreux fabricants
coque périprothétique peut généralement être laissée en produisent aujourd'hui des implants identiques en termes
place. Ce nouvel espace pourra être cloisonné en fonction de base avec deux voire trois projections différentes.
des besoins de positionnement de l'implant ; en dedans ou La consistance de l'implant a moins d'importance sur le
en dehors, après avoir libéré l'espace, le plus souvent par résultat final. Les gels de très haute densité peuvent amélio-
points séparés de Vicryl® 0 ou 2/0. rer l'aspect de la reconstruction (surtout pour les vagues, en
Le sillon sous-mammaire peut également être reposi- particulier supéro-internes) dans les cas où les tissus sont
tionné, avec réfection de la position et du déroulement extrêmement fins.
du segment sous-aréolaire par reprise ou confection d'un La surface de l'implant peut modifier légèrement l'inten-
lambeau d'avancement abdominal. sité de la coque périprothétique. On préférera des implants
La peau thoracique en dessous du sillon sous-mammaire lisses ou microtexturés pour améliorer les coques de grades
est de nouveau décollée ; par traction, on estime la hauteur élevées et les prothèses à surface très texturée pour améliorer
de peau à ascensionner. On peut, par différents artifices les cas de prothèse trop mobile. On pourra aussi utiliser des
(au stylo chirurgical, par des aiguilles transdermiques, par prothèses avec enveloppe en polyuréthane, qui diminuent la
des agrafes cutanées…), estimer sa position. On incisera rotation et sont censées limiter les phénomènes de coque.
ensuite le fascia superficialis tout au long de ce tracé (néo- On pourra bien sûr adjoindre à ce temps opératoire des
sillon). Puis cette zone sera fixée à la paroi par de multiples gestes limites de liposuccion ou de lipomodelage en dehors
techniques. Certains utilisent des points séparés de gros fils des zones de décollement.
(n° 0 ou n° 1) résorbables ou non, d'autres des surjets ou
des hémisurjets toujours sur la berge inférieure du fascia
sectionné dans un premier temps. On peut parfaire le résul- Du côté de la symétrisation
tat par une fixation adaptée de la berge supérieure selon la
même technique. Il existe trois cas de figure :
● le volume est bon ou trop important et une plastie de
réduction ou une cure de ptose sera nécessaire : on utilisera
Attention à l'ascension du sillon sous-mammaire de 1 à une technique en «T» inversé ou verticale pure, en fonc-
3 cm dans les trois mois postopératoires. Sa position tion de l'excédent cutané. Plus rarement, une technique
sera donc située plus bas que le sein opposé, symétrisé péri-aréolaire pourra être suffisante, uniquement en cas de
ou non. ptose très limitée ;
● le volume est insuffisant et le sein est positionné trop
bas : on pratiquera le même type de chirurgie que pré-
Adaptation de l'implant en termes cédemment en fonction du degré de ptose avec mise en
place d'une prothèse d'augmentation ;
de forme, base et projection ● le volume est insuffisant et il n'existe pas de ptose du
L'implant sera choisi sur de multiples critères : sa base, sa sein : une simple plastie d'augmentation et de symétrisation
hauteur et sa projection. Les formes asymétriques ou ana- sera réalisée.
tomiques sont le plus souvent préférées pour simuler au Les techniques de plastie mammaire sont :
mieux le sein controlatéral et la pente du segment II. Ce ● technique en «T» inversé ;
choix est souvent pour des implants larges, anatomiques à ● technique verticale pure ;
faible projection, sauf dans les cas où la symétrisation s'est ● technique péri-aréolaire.

389
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Les augmentations mammaires utilisent : pas la symétrie de volume, en général sous anesthésie de
● prothèse prémusculaire ; courte durée en ambulatoire. Il s'agit alors d'un troisième
● prothèse rétromusculaire. temps de reconstruction.
Le lecteur se reportera au chapitre 14. Des temps supplémentaires sont rarement nécessaires
Le plus souvent, lorsque la modification du sein opposé pour finaliser la reconstruction ; en revanche, des reprises
à la mastectomie est importante, la plaque aréolo-mame- ou des retouches peuvent être souhaitables à distance
lonnaire sera reconstruite dans un temps ultérieur (quatre à (quelques années plus tard) en raison de modifications
huit mois plus tard) après stabilisation des deux seins. de poids, de la ptose du sein opposé, de la décoloration
Cette intervention sera pratiquée seule, en général sous de l'aréole… Ces temps seront effectués sur les mêmes
anesthésie locale lorsque cela est possible (cf. chapitre 15). principes en fonction des besoins et du souhait de la
Sinon, on y associera de petits gestes qui ne modifieront patiente.

390
Chapitre 17
Séquelles esthétiques
du traitement conservateur
et de la radiothérapie locale
A. Fitoussi11

PLAN DU C HAPITRE
Classification des séquelles du traitement
conservateur et traitement adapté 392
Séquelles radiques en dehors du sein 403
Conclusion 406
11. Avec la collaboration pour l'édition précédente de G. Pollet.

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Le traitement conservateur est le traitement de référence Ces séquelles sont le plus souvent très bien acceptées
des cancers du sein lorsqu'il est réalisable. Il représente plus par les patientes. Cependant, certaines femmes le sup-
de 70 % des cas de nouveau cancer. Cette augmentation est portent mal, en particulier lorsque la déformation se situe
due a des facteurs multiples, en particulier : le diagnostic pré- dans les quadrants supérieurs, en particulier dans le qua-
coce, les techniques d'oncoplastie, la chimiothérapie néoad- drant supéro-interne (fig. 17.2).
juvante. Malgré l'amélioration des techniques de chirurgie et Pendant longtemps, nous n'avions pas de réponse adap-
de radiothérapie, il persiste un taux incompressible de défor- tée à ces séquelles modérées. L'apparition de nouvelles
mations du sein. Ces déformations, également dénommées techniques peu invasives a permis d'apporter des solutions
«séquelles esthétiques du traitement conservateur» (SETC), pour ces patientes.
sont d'intensité variable. De petites déformations localisées Ce traitement repose sur la réinjection de graisse après cen-
aux déformations majeures avec rétraction complète du trifugation (ou lipomodelage, cf. chapitre 7). C'est une tech-
sein, la prise en charge de ces SETC est plus ou moins facile. nique simple qui consiste à prélever stérilement de la graisse
Ces séquelles sont présentes dans 10 à 20 % des traitements sur des zones «donneuses» (genou, culotte, abdomen…).
conservateurs dans la littérature, parfois plus, avec au moins Le prélèvement est effectué à l'aide d'une canule de liposuc-
5 % de formes graves, ce qui représente au moins 2 000 à cion traditionnelle (n° 3 ou 4) (fig. 17.3), sans injection préalable
3 000 cas par an en France. Le traitement de ces déforma- de sérum glacé avec vasoconstricteur, à l'aide d'un système de
tions reste souvent complexe en raison des séquelles de la récupération qui permettra ensuite de retraiter la graisse afin
radiothérapie et des difficultés opératoires sur ce terrain. d'en éliminer les fractions liquides : graisse et le sang.
Dans chaque cas, un bilan préopératoire complet doit être
pratiqué à la recherche d'une récidive qui peut être difficile à
diagnostiquer en raison de la «déformation habituelle» du
sein. Afin de faciliter la prise en charge de ces patientes et
pour éviter de sous- ou sur-traiter ces cas difficiles, plusieurs
classifications de ces lésions ont été publiées. Nous utilisons
une classification récente en cinq grades qui nous paraît
aujourd'hui plus adaptée aux différentes thérapeutiques que
nous pouvons proposer en fonction de la déformation.
Nous présentons ici les cinq grades de SETC et la prise en
charge chirurgicale la plus adaptée à chaque grade.

Insistons sur le fait que le meilleur traitement de ces


Figure 17.1
SETC reste préventif. En effet, grâce à des gestes plus sûrs,
des indications bien pesées, des traitements adjuvants Défect glandulaire du quadrant inféro-interne du sein droit.
mieux contrôlés, des techniques chirurgicales plus com-
plexes (oncoplastie) et des radiothérapies mieux répar-
ties, on peut diminuer le taux de ces déformations au
strict minimum.

Classification des séquelles


du traitement conservateur
et traitement adapté
SETC de grade 1 (cf. vidéo e7.1)
Les SETC de grade 1 sont des déformations très localisées, le Figure 17.2
plus souvent créées par un défect ou un défaut de remodelage Défect glandulaire majeur à l'union des quadrants supérieurs
glandulaire, qui est ensuite majoré par la radiothérapie (fig. 17.1). (SETC 1).

392
17. Séquelles esthétiques du traitement conservateur et de la radiothérapie locale

On utilise le plus souvent un «piège à graisse» qui est Cette graisse «purifiée» pourra être réinjectée à l'aide d'une
fabriqué à l'aide d'un flacon à Redon. Un tuyau d'aspiration longue aiguille à bout mousse (fig. 17.7) en effectuant de mul-
va de l'aspirateur à l'entrée du flacon et un autre tuyau en tiples sillons de dépôts de graisse radiés puis croisés (fig. 17.8).
ressort jusqu'à la canule d'aspiration (fig. 17.4). La graisse
aspirée à l'aide de la canule tombe directement au fond
du flacon, elle sera ensuite récupérée, transférée dans des
canules de 10 mL par seringue qui seront introduites dans
une centrifugeuse afin de séparer les différentes fractions
(fig. 17.5). Après 15 à 30 secondes à une vitesse de rotation
de 3 000 tours par minute, on récupère les seringues qui
sont séparées en trois phases : en bas, les liquides et le sang
(rouge) ; au milieu, la graisse purifiée (épaisse jaune claire) ;
la graisse liquide en haut (jaune citrin). En général, on récu-
père 5 à 9 mL de graisse pure après centrifugation en fonc-
tion de la qualité du prélèvement (fig. 17.6). On peut aussi
les séparer par simple décantation ou à l'aide de différents
systèmes de filtration vendus par les laboratoires.
Figure 17.5
Les seringues sont centrifugées 15 à 30 secondes à 3 000 tours
par minute afin de séparer la graisse pure des autres éléments.

Figure 17.3
On pourra utiliser pour récupérer la graisse une seringue
de 60 cm3 avec une canule «tulipe».

Figure 17.6
Les seringues de 10 cm3 laissent environ 5 à 9 cm3 de graisse pure
en fonction de la qualité du prélèvement.

Figure 17.4
Le plus souvent, un «piège à graisse» est confectionné avec un Figure 17.7
flacon de Redon et deux tuyaux d'aspiration, afin de pouvoir faire Les canules de réinjection sont perforées différemment à leurs
des prélèvements de 100 à 500 mL pour les réinjections de graisse extrémités ; elles ont des calibres et des longueurs variables.
de grand volume. Dessin : Cyrille Martinet.

393
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

On peut injecter de grosses quantités de graisse, de mais aussi de la qualité des cicatrices, de la peau en
30 à 300 mL dans certains cas, si on peut la répartir dans regard et même de la sclérose locale.
plusieurs épaisseurs à différents plans de profondeur et Une polémique sur le risque de majoration des récidives
d'axe variables (fig. 17.9). en raison de la réinjection de cellules souches fait actuelle-
Des séances itératives peuvent être pratiquées à quelques ment l'objet d'études complémentaires, afin de confirmer
mois d'intervalle, afin d'améliorer le résultat. le caractère non délétère de cette technique.
Entre chaque temps, une résorption de 20 à 40 % du Des résultats pré- et postopératoires, après une ou plu-
volume injecté est généralement observée. Il faudra en sieurs séances de lipomodelage, sont présentés dans les
tenir compte lors de l'injection. figures 17.12 et 17.13.
Une reprise des cicatrices vicieuses ou rétractiles
pourra être effectuée, avec éventuellement plastie en
SETC de grade 2
« Z » afin d'améliorer ce résultat. Mais ce sont surtout les
fasciotomies faites à l'aide d'aiguilles à IV qui permettront Dans ce cas de figure, le sein traité est généralement plus
de libérer la peau de leurs attaches profondes et ainsi petit et moins ptosé, mais il ne présente pas de déforma-
remodeler le sein et le rendre souple et ptosé (fig. 17.10 tion. Il s'agit uniquement d'une différence de volume global
et 17.11). et de degré de ptose (fig. 17.14).
Les résultats de cette technique simple sont souvent La correction devra donc intéresser le sein controlatéral. En
très convaincants, avec une amélioration du volume général, une simple réduction avec cure de ptose est suffisante.

Figure 17.8 Figure 17.10


Canules de réinjection de graisse de taille et de calibre variables Déformation à l'union des quadrants supérieurs du sein gauche
en fonction des zones à combler. après amélioration du traitement conservateur.

Figure 17.9 Figure 17.11


L'injection se fait en retirant la canule et en déposant des Après une séance de lipomodelage et fasciotomies multiples.
«spaghettis» de graisse radiaires et sur différentes hauteurs.

394
17. Séquelles esthétiques du traitement conservateur et de la radiothérapie locale

A B

C D
Figure 17.12
Traitement d'une SETC de grade 1 du quadrant supéro-externe droit par lipomodelage exclusif (F + P).
A et C. Clichés préopératoires. B et D. Clichés postopératoires.

Figure 17.13
Traitement d'une SETC de grade 1 à l'union des quadrants externes du sein droit par lipomodelage.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

Toutes les techniques de plastie mammaire peuvent être tions ». En effet, on prend comme guide les distances
utilisées en fonction de l'importance de l'asymétrie (cf. cha- clavicule/partie supérieure de l'aréole (segment II),
pitre 14, consacré à la symétrisation). sous-aréolaire/sillon sous-mammaire (segment III), mais
Ces techniques (péri-aréolaire, verticale pure, « T » ­également les distances ligne médiane/partie interne de
inversé, technique externe…) devront être adaptées en l'aréole et ligne axillaire/partie externe de l'aréole. Ces
fonction de la forme du sein traité et de ses « mensura- quatre distances sont reportées sur le sein non traité afin
395
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

de laisser en place la même quantité d'étui cutané. L'aréole du sein symétrisé et que des retouches à distance peuvent
est redessinée de la même taille que celle du sein traité être envisageables.
et le volume mammaire sera réduit, afin de ressembler au Les complications sont peu fréquentes dans ces inter-
sein opposé (fig. 17.15). Le plus souvent, la correction sera ventions de plastie unilatérale sur un sein non irradié.
légèrement majorée afin de prévenir la ptose postopéra- On pourra ainsi associer un lipomodelage sur sein irra-
toire immédiate et à moyen terme. dié dans le même temps opératoire si cela est nécessaire
Il faudra néanmoins prévenir la patiente que le vieillisse- afin de permettre au sein traité de retrouver une sou-
ment du sein traité est très souvent moins rapide que celui plesse qu'il a perdue et éventuellement gagner un peu
de ptose.
Des résultats pré- et postopératoires sont présentés dans
les figures 17.16 et 17.17.

SETC de grade 3
La déformation du sein traité entraîne une asymétrie de
forme et de volume et, en plus, il existe une déformation
du sein qui nécessitera un geste opératoire afin d'améliorer
l'anomalie (fig. 17.18).
Le sein opposé sera traité de la même façon que dans
les SETC de grade 2, avec plastie mammaire par abord péri-
aréolaire, technique verticale pure ou «T» inversé, afin de
Figure 17.14 rapprocher au plus le volume du sein après intervention à
SETC de grade 2 avec asymétrie mammaire simple sans celui du sein traité.
déformation du sein traité.

A B
Figure 17.15
Dessin de symétrisation du sein opposé, qui sera réduit ; on transpose les distances du sein traité afin de retrouver les mêmes distances
à gauche et à droite.
A. Schéma préopératoire. B. Résultat postopératoire.

396
17. Séquelles esthétiques du traitement conservateur et de la radiothérapie locale

Figure 17.16
SETC de grade 2 avec asymétrie de volume traitée par plastie mammaire simple du sein droit.
A. Avant SETC de grade 2. B. Après plastie controlatérale.

Figure 17.17
SETC de grade 2 avec asymétrie de volume traitée par plastie mammaire simple du sein gauche.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

Au niveau du sein traité, la déformation peut être modé-


rée et localisée : le même type de traitement que dans les
SETC de grade 1 pourra alors être proposé (reprise de cica-
trice et/ou lipomodelage).
Toutefois, dans la plupart des cas, la déformation est
plus importante et un geste de plastie a minima devra être
effectué. Il faudra bien évaluer l'état du sein traité afin de
réduire au minimum les risques de complications posto-
pératoires (défaut de cicatrisation, cytostéatonécrose et
nouvelle déformation du sein traité).
La technique choisie en cas de nécessité devra éviter
tout décollement cutanéoglandulaire afin de limiter les
Figure 17.18 risques liés à la dévascularisation des tissus.
SETC de grade 3 avec asymétrie de volume des deux Ces gestes de remodelage sur sein irradié restent très déli-
et déformation du sein traité à gauche. cats et soumis à un risque de complication non négligeable.
397
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

La patiente doit en être prévenue et on s'efforcera de limiter thérapeutique. Une cure de ptose par voie péri-aréolaire,
les gestes opératoires au strict minimum après une bonne voire verticale pure peut également être utile en cas de
évaluation de la vitalité des tissus en périphérie. Ces gestes ptose du sein opposé afin de lui donner une forme adaptée
seront limités à la reprise des cicatrices avec, parfois, enfouisse- à celle du sein irradié.
ment des zones sclérosées, parfois associé à une transposition
de l'aréole après désépidermisation. Les gestes de plastie de
réduction seront limités à de stricte exérèse des zones traitées,
La patiente sera prévenue de l'évolution du sein irradié
sans décollement, avec suture directe des piliers glandulaires. après plastie d'augmentation. En effet, il pourra souvent
Ces interventions ne peuvent être pratiquées que par des se rigidifier, avec formation d'une coque périprothétique
chirurgiens expérimentés à des interventions sur seins irradiés. de grade variable, et évoluer de façon différente du sein
Dans certains cas particuliers de sein de très petit volume, non irradié.
aucun remodelage n'est envisageable. Une augmentation
par prothèses bilatérales peut permettre de retrouver une
symétrie de bonne qualité (fig. 17.19).
Des prothèses de volumes et de formes différents Des résultats pré- et postopératoires sont présentés en
seront parfois nécessaires en raison de l'asymétrie post-­ figures 17.20 et 17.21.

Figure 17.19
SETC de grade 3 sur des seins de très petit volume ; symétrisation par plastie et prothèse d'augmentation de tailles différentes. Indication
rare et peu stable dans le temps : à éviter.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

Figure 17.20
SETC de grade 3 traitée par réduction du sein gauche et recentrage de l'aréole droite avec reprise de la cicatrice externe.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

398
17. Séquelles esthétiques du traitement conservateur et de la radiothérapie locale

Figure 17.21
SETC de grade 3 traitée par réduction du sein gauche en «T» inversé, plastie par verticale pure à droite et lipomodelage du quadrant
supéro-interne à droite.
A. Cliché préopératoire. B. Cliché postopératoire.

SETC de grade 4 (vidéo e17.2)


Il s'agit d'un stade supplémentaire de déformation du sein
traité, qui présente alors une zone de sclérose importante,
dont l'étendue dépasse les possibilités de traitement par
lipomodelage (fig. 17.22). Néanmoins, le reste du sein est
souple et devra être bien évalué en préopératoire. On pro-
posera donc l'exérèse de la zone de sclérose au large et la
mise en place d'un lambeau autologue (de grand dorsal le
plus souvent) mais, parfois, de lambeau abdominal en patch.

Cette intervention est souvent délicate en raison de la


sclérose beaucoup plus étendue qu'il n'y paraît.
Figure 17.22
SETC de grade 4 avec asymétrie de volume des deux seins et de
Il faudra prélever un lambeau beaucoup plus volumineux forme du sein traité, mais avec aucun geste possible sur ce sein
que les besoins, quitte à le réduire par liposuccion dans un car la sclérose du sein est majeure. Le reste du sein est souple et
pourra éventuellement être conservé.
deuxième temps, afin d'éviter un manque de correction,
plus difficile à corriger. La technique de référence pour ces
lambeaux est largement décrite dans les chapitres 9 et 10. SETC de grade 5
Le plus souvent, on s'arrangera pour repositionner la
plaque aréolo-mamelonnaire de façon symétrique au sein Dans ce cas de figure extrême, la sclérose est très étendue à la
controlatéral. On essayera d'éviter un geste opératoire sur quasi-totalité du sein. Aucun traitement conservateur ne pourra
le sein opposé quand cela est possible. être envisagé. La seule solution sur ces seins dits «de marbre»
Un bilan complet du sein traité devra être effectué en est la mastectomie suivie de reconstruction immédiate par
préopératoire, en particulier avec une IRM, afin de ne pas lambeau selon les techniques décrites plus avant (fig. 17.25).
pratiquer un geste lourd et irréversible sur un sein en récidive.
Les résultats à long terme de cette chirurgie sont relati-
vement bons et stables dans le temps. Le taux de récidives
à long terme est faible chez ces patientes opérées le plus Il faudra prendre garde aux limites d'exérèse du sein, qui
souvent très à distance de l'épisode initial. peuvent être en tissu irradié et donc susceptibles de dif-
ficultés de cicatrisation.
Des résultats pré- et postopératoires sont présentés dans
les figures 17.23 et 17.24.
399
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 17.23
SETC de grade 4 à l'union des quadrants inférieurs, traitée par lambeau autologue partiel de grand dorsal avant liposuccion de réduction.
A. Avant chirurgie, SETC de grade 4. B. Après lambeau de grand dorsal partiel et avant réduction du volume par liposuccion.

Figure 17.24
SETC de grade 4 du quadrant supéro-externe, traitée par lambeau autologue partiel de grand dorsal avant liposuccion de réduction.
A. Avant, SETC de grade 4. B. Après lambeau de grand dorsal partiel.

Des lésions plus profondes peuvent être évolutives après


l'intervention, il faudra donc bien évaluer les différents élé-
ments en périphérie, le sternum, les côtes, la clavicule… Un
scanner pourra évaluer ces éléments qui peuvent éven-
tuellement être réséqués dans le même temps opératoire.
Ce geste radical est toujours difficile pour ces patientes qui
se sont longtemps battues pour conserver ce sein déformé.
Les techniques utilisées sont celles décrites précédem-
ment dans les chapitres lambeau de grand dorsal et lam-
beau abdominal (chapitres 8 et 9).
Des résultats pré- et postopératoires sont présentés dans
les figures 17.26 et 17.27.

Conclusion
Il faut insister sur le lipomodelage qui prend de plus en plus
Figure 17.25
de place dans le traitement de ces SETC. Les LMC sont,
SETC de grade 5 avec déformation complète du sein traité qui
s'est «momifié». La seule solution est la mammectomie avec eux, de moins en moins utilisés sauf dans les cas où aucune
reconstruction immédiate par lambeaux. autre solution n'est possible.
400
17. Séquelles esthétiques du traitement conservateur et de la radiothérapie locale

À retenir

On décrit cinq grades de SETC (fig. 17.28). ■
Le traitement des séquelles de grade 5 ne pose pas de

Insistons sur l'apport majeur du lipomodelage pour les problème particulier mis à part celles liés à la technique
séquelles de grade 1, la simplicité du traitement des chirurgicale choisie.
grades 2 par simple symétrisation du sein et les difficul- ■
L'association de techniques dédiées à des grades diffé-
tés thérapeutiques et problèmes de cicatrisation dans les rents est parfois nécessaire pour régler des problèmes
grades 3 et 4 en raison de la chirurgie sur sein irradié. spécifiques (fig. 17.29).
Une très bonne évaluation de ces séquelles radiques est
nécessaire afin de ne pas dévasculariser ces tissus fragiles.

Figure 17.26
SETC de grade 5 à gauche avec rétraction complète du sein traité. Mammectomie et reconstruction immédiate par lambeau abdominal.
A. Avant, SETC de grade 5. B. Après mammectomie et lambeau abdominal unipédiculé.

Figure 17.27
SETC de grade 5 à droite. Mammectomie et reconstruction immédiate par lambeau abdominal à droite et reconstruction immédiate
prophylactique à gauche.
A. Avant. SETC de grade 5 et mammectomie prophylactique. B. Après. Double TRAM unipédiculé.

401
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D

Figure 17.28
Gradation des SETC.
E A. Grade 1. B. Grade 2. C. Grade 3. D. Grade 4. E. Grade 5.

Figure 17.29
Séquelles traitées par transposition du lambeau de grand dorsal, mise en place d'une prothèse et lipomodelage des quadrants supérieurs.

402
17. Séquelles esthétiques du traitement conservateur et de la radiothérapie locale

Séquelles radiques
en dehors du sein
Des séquelles le plus souvent dues à la radiothérapie sont parfois
à prendre en charge en raison de leur évolutivité dans le temps.
Ce qui arrive au niveau du sein dans les SETC de grade 5 peut
être retrouvé dans la région. Les zones le plus souvent intéressées
par cette pathologie sont le creux axillaire et la région présternale.

Dans le cas du creux axillaire


Le traitement le plus fréquemment entrepris est l'utilisation d'un
lambeau de grand dorsal de couverture (cf. chapitre 9), après
résection au plus large des tissus rétractiles et d'une éventuelle
fistule au niveau axillaire (fig. 17.30). Dans ce cas précis, le posi- Figure 17.31
Séquelle radique axillaire gauche avec fistule à la peau d'une
tionnement du lambeau est très facile en raison de la proximité lymphocèle axillaire chronique.
de la zone à traiter. C'est pourquoi, il n'y aura pas de dissection
de la partie tendineuse du muscle sur les cinq à six derniers
centimètres, afin d'éviter les risques liés à la dissection dans cette
région. Un lambeau horizontal, prélevé à distance, de petite taille,
est souvent suffisant (fig. 17.31 et 17.32).

Dans le cas du manubrium sternal


(vidéo e17.1)
La même technique par lambeau de grand dorsal de couverture
peut être utilisée dans ce cas, mais on pourra également utiliser,
surtout chez les patientes âgées et fragiles, une technique plus
simple, le lambeau de pectoral controlatéral retourné sur lui-
même avec couverture cutanée par un lambeau de glissement
du sein opposé, de type San Venero, a minima (fig. 17.33).
Cette technique est simple. Une incision arciforme est Figure 17.32
pratiquée au niveau du défect cutané emmenant la fistule Séquelle radique axillaire gauche avec fistule à la peau d'une
lymphocèle axillaire chronique après traitement par lambeau
de grand dorsal en patch.

Figure 17.30
Séquelle radique axillaire gauche avec fistule à la peau d'une Figure 17.33
lymphocèle axillaire chronique avant traitement. Séquelle radique du sternum avec fistulisation à la peau.

403
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

(fig. 17.34A). Les esquilles osseuses sont réséquées (fig. 17.34B) Les figures 17.33 et 17.34F montrent les résultats de cette
puis le décollement sur le plan pectoral est pratiqué du côté du technique opératoire simple et peu invasive.
sein opposé au traitement. La glande mammaire est décollée du
plan profond, puis le pectoral est sectionné le plus loin possible Autres zones
en dehors de la ligne médiane (fig. 17.34C). Il est ensuite décollé
jusqu'à son insertion à la partie externe du sternum (fig. 17.34D). D'autres zones peuvent également être concernées, en par-
Le muscle est retourné sur lui-même, traverse la ligne médiane ticulier la région claviculaire.
et va recouvrir la zone à traiter, il sera fixé en périphérie par points Les résultats de cette technique de lambeau musculaire avec
séparés (fig. 17.34E). Puis, le sein opposé est transposé du côté à le muscle pectoral controlatéral retourné sur les perforantes
traiter et fixé peau à peau. Un drain est mis en place (fig. 17.34F). internes sont présentés dans les figures 17.34 G, H, I et J à 17.43.

A B

C D

E

Figure 17.34
Traitement de fistule sternale après radiothérapie de la CMI par lambeau de pectoral controlatéral.
A. Résection des orifices de fistulisation et de tous les plans jusqu'au sternum.
B. Résection des esquilles osseuses jusqu'à l'os, qui saigne.
C. Décollement prépectoral du sein opposé.
D. Décollement le plus loin possible du muscle pectoral opposé après section ; le muscle est retourné en dedans et reste vascularisé par le pédicule interne.
E. Fixation du muscle qui recouvre la zone du sternum à traiter. Le muscle, bien vascularisé, recouvre totalement la zone à traiter.

404
17. Séquelles esthétiques du traitement conservateur et de la radiothérapie locale

F1 F2

G1 G2

H1 H2
Figure 17.34 
Suite.
F. 1. Transposition du sein en dedans afin de recouvrir le défect cutané créé par la résection au large de la zone irradiée. 2. Postopératoire à un an
de recul.
G. 1. Avant lambeau musculaire de pectoral, fistule thoracique droite. 2. Résultat après chirurgie à 1 an.
H. 1. Fistule centrale après irradiation bilatérale. 2. Lambeau de pectoral droit et cicatrisation à 6 mois.

405
 Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

I1 I2

J1 J2
Figure 17.34
Suite.
I. 1. Séquelle radiques majeures à gauche avec fistule. 2. Résultat à 1 an après lambeau de pectoral droit.
J. 1. Fistule inflammatoire après radiothérapie à droite. 2 Résultat à 2 ans après lambeau de pectoral gauche.

Conclusion Cette classification en cinq grades nous a permis de


mieux hiérarchiser les déformations des seins traités afin
Insistons sur le traitement préventif de ces déformations de pouvoir proposer un traitement adapté et limiter au
post-thérapeutiques. Il faut savoir que ces anomalies sont maximum les risques de complications, qui sont surtout
évolutives dans le temps après radiothérapie, en particulier importants en cas de chirurgie sur sein irradié, c'est-à-dire
pour les lésions des quadrants inférieurs pour lesquelles il dans les grades 3 et 4. Les grades 1 et 2 ne posent pas
faut avoir recours facilement aux techniques d'oncoplastie, de problème particulier ; le grade 5 est assimilable aux
mais aussi pour les lésions du manubrium sternal. reconstructions secondaires décrites précédemment.
Il faut également prévenir les complications postopéra- Le sein irradié doit faire l'objet d'une exploration com-
toires, parfois très importantes, sur ces terrains irradiés en plète en préopératoire pour ne pas passer à côté d'une
évaluant les possibilités locales et la quantité de tissu sain récidive lorsqu'on se trouve en présence d'une déformation
qu'on pourra conserver. évolutive.

406
Chapitre 18
Prise en charge des patientes
à haut risque de cancer du sein
A. Fitoussi

PLAN DU C HAPITRE
Surveillance dans le groupe
de femmes à risque 408
Prise en charge chirurgicale 408
Interventions lorsque les patientes
souhaitent une reconstruction
mammaire immédiate 408
Résultats 418
Conclusion 420

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

La découverte de mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 de minimiser le stress induit, mais en donnant une infor-
et la connaissance de risques très élevés chez certaines mation suffisamment riche et étayée afin qu'elles puissent
patientes non mutées nous ont contraints à revoir la prise éventuellement choisir en toute conscience la solution la
en charge de ces patientes dans des groupes de femmes plus adaptée pour elles : surveillance intensive ou prise en
dits «femmes à risque» (FAR). charge chirurgicale.
Devant les risques potentiels d'apparition d'un cancer
du sein chaque année à partir de vingt-cinq ans chez les
patientes mutées (de 1 à 3 % à partir de trente-cinq ans), la Prise en charge chirurgicale
surveillance a été intensifiée avec au moins deux examens
par an par une équipe spécialisée avec mammographie/ (vidéo e18.1)
échographie et IRM mammaire annuelle. À la moindre
anomalie, une microbiopsie échoguidée ou sous IRM sera La patiente, si elle le souhaite, va pouvoir approfondir le sujet
pratiquée, voire répétée en cas de doute. de la mammectomie prophylactique. Au cours de plusieurs
Ceci doit permettre un diagnostic très précoce de la consultations dédiées (environ trente à soixante minutes),
maladie ; néanmoins, malgré cette surveillance, le diagnostic elle va pouvoir s'informer sur tous les aspects de cette éven-
est parfois tardif (cancer de l'intervalle, forme lobulaire…). tuelle prise en charge.
Les avantages sont bien sûr exposés – diminution du
risque d'apparition d'un cancer du sein de plus de 95 % –,
mais les inconvénients sont également longuement expo-
Une information quant aux bénéfices d'une chirurgie
sés ; ce sont à peu de choses près les mêmes que pour le
préventive doit être exposée à la patiente, avec ses avan-
tages et ses inconvénients, pour qu'elle puisse choisir la
type de reconstruction choisi, mais bilatéraux :
solution la plus adaptée pour elle, afin de limiter l'an-
● risque opératoire général ;
goisse générée par cette situation à haut risque. ● risque de nécrose cutanée ou aréolaire ;
● infection et/ou exposition de l'implant ;
● insensibilité des zones traitées ;
La patiente est prise en charge par une équipe multidis-
● complications à distance en cas de lambeau
ciplinaire (composée d'un généticien, d'un psychologue, musculocutané ;
d'un chirurgien reconstructeur, d'un gynécologue dédié,
● défaut de qualité du résultat ;
voire d'oncologues spécialisés), afin d'évaluer au mieux le
● troubles psychologiques postopératoires.
risque ou les avantages de telle ou telle option thérapeu- Une prise en charge pré- et postopératoire est bien
tique en fonction de la probabilité du risque, de son âge et sûr nécessaire afin de limiter le choc et ses conséquences.
de l'âge des premiers cas dans sa famille, de ses antécédents Certaines patientes choisissent d'effectuer la mammecto-
personnels… mie bilatérale sans débuter la reconstruction dans le même
En fonction de cela et du souhait de la patiente, deux temps opératoire.
options sont possibles :
● surveillance rapprochée par l'équipe spécialisée «femmes
à risque» : IRM et mammographie annuelles ;
● mammectomie prophylactique bilatérale.
Interventions lorsque
Avec passage possible de la première option à la seconde les patientes souhaitent
si la patiente le souhaite. une reconstruction mammaire
immédiate
Surveillance dans le groupe
Patiente jamais atteinte ni traitée
de femmes à risque
Dans ce cas de figure, qui n'est pas le plus fréquent, on doit
Il s'agit d'une surveillance dédiée faite par des médecins envisager la mammectomie bilatérale, avec ou sans conser-
spécialisés et formés à l'approche de cette pathologie com- vation des plaques aréolo-mamelonnaires en fonction de
plexe et à risque. Ces intervenants devront répondre tous la taille et de la forme du sein. Cette conservation de la
en phase aux différentes interrogations des patientes afin plaque aréolo-mamelonnaire peut augmenter très légère-
408
18. Prise en charge des patientes à haut risque de cancer du sein

ment le risque de récidive locale. Bien que ce risque semble ter une mammectomie totale et complète. Dans ces cas, la
très faible malgré le peu de recul des études, nous le propo- reconstruction se fera le plus souvent par prothèses bilaté-
sons aux patientes quand cela est techniquement possible, rales, la solution la plus simple de reconstruction, évitant
c'est-à-dire dans les cas où l'étui cutané du sein n'est pas ainsi des cicatrices supplémentaires (fig. 18.4).
trop grand (seins de petits volumes, ptose très modérée…) Dans les autres cas de ptose ou de volume important,
(fig. 18.1 à 18.2). Souvent un lipomodelage pourra être on préférera une cicatrice longue, horizontale, emmenant
associé dans un deuxième temps de reconstruction pour la plaque aréolo-mamelonnaire (fig. 18.5) (une greffe de
améliorer le décolleté et le résultat (fig. 18.3). celle-ci dans le même temps opératoire est toujours envisa-
Techniquement, si le sein est de forme harmonieuse, non geable) plutôt qu'une cicatrice en «T» inversé ou verticale
ptosé et de volume petit ou moyen, on pourra soit faire la dont les risques liés au défaut de cicatrisation dans la zone
mammectomie par une incision horizontale courte externe du sillon sous-mammaire majorent le risque d'exposition
ou par une incision péri-aréolaire emmenant la plaque prothétique en cas de souffrance cutanée dans cette zone
aréolo-mamelonnaire, soit utiliser une incision péri-aréo- (fig. 18.6).
laire externe ou inférieure, voire radiaire externe en laissant Le reste de l'intervention est identique à celle décrite
la plaque aréolo-mamelonnaire en place. La mammectomie dans le chapitre 8 consacré à la reconstruction par pro-
passe dans l'espace des crêtes de Duret, en évitant de brûler thèse, mis à part que la création d'un sillon sous-mammaire
la peau et de dévasculariser la plaque aréolo-mamelonnaire, très marqué en cas de symétrisation n'est pas nécessaire
en respectant l'aponévrose prépectorale ; mais elle doit res- dans ce cas.

Figure 18.1
Mastectomie bilatérale prophylactique avec conservation des aréoles et des mamelons.

Figure 18.2
Mastectomie bilatérale prophylactique avec conservation des aréoles et des mamelons et augmentation de volume.

409
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

C D
Figure 18.3
Mastectomie bilatérale prophylactique – RMI par prothèse suivie d'une séance de lipomodelage du décolleté.
A et B. Mastectomie bilatérale prophylactique avec conservation des aréoles et des mamelons et augmentation de volume modéré.
C et D. Complément de lipomodelage du décolleté fin d'améliorer le résultat et le volume.

Patiente jamais traitée et atteinte On se retrouve donc avec une chirurgie bilatérale sans
conservation des mamelons et ganglion sentinelle du côté
d'une lésion ne nécessitant pas atteint. Le reste de la prise en charge est identique (fig. 18.7 et
de radiothérapie 18.8).
Il s'agit de patientes qui connaissent la prédisposition dans
leur famille et chez lesquelles on découvre une lésion intra-
canalaire localisée mais qui ne souhaitent pas de traitement Patiente jamais traitée
conservateur en raison du risque de récidive et de cancer et atteinte d'une lésion nécessitant
controlatéral. Dans le même cas de figure, on trouve des une radiothérapie
lésions intracanalaires étendues et les cancers infiltrants de
petite taille. Dans ce cas de figure, on privilégie une mammectomie
Dans ces cas, la prise en charge est identique lorsque la simple sans reconstruction avec geste axillaire adapté. On
patiente souhaite une prise en charge radicale et préventive peut envisager, si la patiente le souhaite, un geste préven-
bilatérale. Elle doit être bien informée des avantages et des tif controlatéral dans le même temps opératoire mais, le
inconvénients de cette intervention radicale, qui peut être plus souvent, il sera réalisé plus tard : dans le même temps
uni- mais aussi bilatérale si elle le souhaite, permettant opératoire que la reconstruction secondaire du sein traité
d'économiser un temps opératoire. Bien sûr, si la lésion est si celle-ci se fait par prothèse simple, dans un autre temps
bilatérale et ne nécessite pas de radiothérapie, un geste bila- si cette reconstruction secondaire requiert l'utilisation d'un
téral si possible avec reconstruction est envisageable. lambeau musculocutané.
410
18. Prise en charge des patientes à haut risque de cancer du sein

A B

Figure 18.4
Mastectomie bilatérale prophylactique sans conservation des
aréoles et des mamelons. Reconstruction secondaire par tatouage
C et lambeau local.

A B

Figure 18.5
Mastectomie bilatérale prophylactique sans conservation des
C aréoles et des mamelons sur seins ptosés (cicatrices horizontales).
411
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 18.6
Mastectomie prophylactique sur seins volumineux, ptosés et porteurs d'implants.
A et B. Mastectomie bilatérale prophylactique sans conservation des aréoles et des mamelons avec cure de ptose en T inversé et changement
de prothèse mammaire. Reconstruction secondaire de la PAM par tatouage et lambeau local.

A B

Figure 18.7
Mastectomie bilatérale prophylactique sans conservation
des aréoles et des mamelons, avec reconstruction immédiate
C des mamelons et tatouage secondaire.

412
18. Prise en charge des patientes à haut risque de cancer du sein

Figure 18.8
Mastectomie bilatérale prophylactique sans conservation des aréoles et des mamelons, avec reconstruction immédiate des mamelons
et tatouage secondaire.

Figure 18.9
Mastectomie prophylactique droite avec reconstruction immédiate par prothèse et reconstruction secondaire gauche par prothèse.

Dans les cas où les séquelles de radiothérapie sont limi- Patiente déjà traitée par traitement
tées, on optera plutôt pour une reconstruction par pro-
thèse du côté traité et une mammectomie prophylactique conservateur d'un ou des deux côtés
avec reconstruction immédiate, sans conservation de la Lorsque cela est possible, si l'état local le permet, on envi-
plaque aréolo-mamelonnaire et sans geste axillaire du côté sagera une mammectomie bilatérale avec reconstruction
sain (fig. 18.9 et 18.10). immédiate par prothèses. Si les séquelles radiques sont
Un lipomodelage peut être nécessaire avant la recons- trop importantes, on utilisera soit un lambeau abdominal
truction mammaire par prothèse. Dans certains cas, on bilatéral en un temps opératoire, soit un lambeau de grand
pourra faire les deux interventions (RMI bilatérale) et l'irra- dorsal uni- ou bilatéral en un ou deux temps opératoires
diation d'un côté si nécessaire (fig. 18.11). (fig. 18.12).

413
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

A B

Figure 18.10
Mastectomie prophylactique droite avec reconstruction
immédiate par prothèse et reconstruction secondaire gauche
C par prothèse associée à un lipofilling néoadjuvant.

Figure 18.11
Mastectomie bilatérale prophylactique en deux temps par lambeaux de grand dorsal et prothèses.

Patiente déjà traitée par traitement


radical d'un ou des deux côtés bilatérale par prothèse avec mammectomie prophy-
lactique et reconstruction immédiate par prothèse
Lorsque cela est possible, si l'état local le permet, on controlatérale si nécessaire. Si l'état cutané est inadapté,
envisagera une reconstruction secondaire uni- ou un lambeau musculocutané sera nécessaire (fig. 18.13).

414
18. Prise en charge des patientes à haut risque de cancer du sein

C B
Figure 18.12
Mastectomie bilatérale prophylactique avec reconstruction bilatérale par deux lambeaux de TRAM monopédiculés.

Patiente déjà traitée par traitement Patiente déjà traitée de façon


conservateur d'un ou des deux côtés bilatérale par mastectomie
avec récidive locale La reconstruction bilatérale par prothèses est proposée si
La prise en charge (fig. 18.14) correspond à celle, vue plus elle est envisageable, sinon par lambeau musculocutané
haut, d'une patiente atteinte d'une lésion nécessitant une (fig. 18.17).
radiothérapie mais déjà traitée par traitement conservateur
d'un ou des deux côtés.
Arbre décisionnel
Patiente déjà traitée par
Au total, sur plus de cent cinquante mammectomies
mastectomie avec ou sans prophylactiques, 15 % des patientes n'ont pas désiré de
reconstruction mammaire reconstruction et, pour les patientes reconstruites, 90 %
et symétrisation des patientes l'ont été par prothèses, 10 % par lambeau
musculocutané.
La prise en charge (fig. 18.15 et 18.16) est la même que Le tableau 18.1 est un arbre décisionnel qui peut aider à
celle, vue plus haut, d'une patiente atteinte d'une lésion ne prendre en charge les patientes en fonction des différents
nécessitant pas de radiothérapie. cas de figure.

415
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Figure 18.13
Mastectomie bilatérale prophylactique avec reconstruction bilatérale par deux lambeaux de TRAM monopédiculés sans conservation de l'étui.

Figure 18.14
Mastectomie bilatérale
prophylactique
avec reconstruction
bilatérale par deux
lambeaux de TRAM
C B monopédiculés.

416
18. Prise en charge des patientes à haut risque de cancer du sein

Figure 18.15
Reprise de reconstruction par prothèse à droite et mastectomie prophylactique avec reconstruction immédiate par prothèse à gauche.

Figure 18.16
Reconstruction secondaire gauche et immédiate droite par prothèses.

Figure 18.17
Reconstruction secondaire bilatérale par prothèses.

417
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Tableau 18.1. Arbre décisionnel en fonction du type de cancer et des traitements antérieurs.
Sein droit Sein gauche Type de cancer Taille Surveillance Traitement
de la tumeur ­conservateur
Aspect du sein
A Indemne Indemne +
B Indemne Atteint CIC Localisé +
Étendu
C. infiltrant < 2 cm +
> 2 cm
C Indemne Récidive après Seins très souples
traitement conservateur Séquelles d'irradiation ++
D Atteint Traitement conservateur Sein droit + Retour au cas «B»
sans récidive Sein gauche Retour au cas «C»
E Atteint Récidive après traitement Retour au cas
conservateur «B» + «C»

Résultats
Les résultats sont montrés sur les clichés des figures 18.18 à 18.20.

Figure 18.18
Mastectomie bilatérale prophylactique et RMI par prothèse.
A. Avant mastectomie prophylactique bilatérale.
B. Après chirurgie avec conservation des aréoles et des mamelons, et augmentation de volume (plaque de derme de synthèse).

418
18. Prise en charge des patientes à haut risque de cancer du sein

Mammectomie Mammectomie Conservation Mammectomie, Mammectomie, Mammectomie,


unilatérale bilatérale de la PAM r­ econstruction immédiate ­reconstruction ­immédiate ­reconstruction ­immédiate
et prothèse bilatérale et grand dorsal et TRAM bilatéral
± + ++ ±
+ ± – ++ ±
++ ± – ++ ±
– ++ ±
– –
± ± – ++ ± ±
± ± – – ++ ++
Si le sein est très souple Si séquelles du traitement +
++ à distance
+ – + ± À distance +

Figure 18.19
Mastectomie prophylactique sur seins ptosés et RMI par prothèse.
A. Sein ptosé et vide avant mastectomie prophylactique.
B. Après reconstruction par implant rétro-pectoral d'un volume supérieur qui permet de traiter en partie cette ptose.

Figure 18.20
Mastectomie prophylactique + RMI par prothèse avec augmentation de volume.
A. Avant mastectomie prophylactique bilatérale.
B. Conservation des PAM et augmentation de volume.

419
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Conclusion À retenir
Insistons sur le fait que la surveillance doit être effectuée, ■
Prise en charge multidisciplinaire souvent délicate
si c'est le choix de la patiente, de façon rapprochée avec (oncologue, généticien, radiothérapeute, chirurgien,
deux consultations par an et une mammographie cou- psychothérapeute, gynécologue…).
plée à une IRM par an, par une équipe pluridisciplinaire

Indication de plus en plus fréquente en raison de la
pouvant donner une information complète et cohérente recherche de la mutation dans les familles atteintes.

Conservation possible de l'aréole, surtout pour les
sur les avantages et les risques de la surveillance. En cas
petits seins non ptosés.
de choix de mastectomie prophylactique, la patiente ■
Prévenir les patientes des multiples inconvénients liés
doit bien sûr être informée sur les avantages en termes à la reconstruction.
de diminution du risque de cancer du sein (supérieure ■
Reconstruction par prothèses dans plus de 90 % des
à 95 %), mais aussi des inconvénients, des complications cas ; réduction du risque de plus de 90 %.
et de la difficulté de vivre avec une telle chirurgie mam- ■
Gestion plus difficile des cas mastectomisés et/ou
maire bilatérale. La prise en charge multidisciplinaire per- irradiés de façon unilatérale.
met d'arrondir au mieux toutes ces difficultés de prise en ■
Surveillance délicate après reconstruction.
charge.

420
Chapitre 19
Chirurgie du sein chez l'homme
P. Tribondeau, F. Soffray, A. Fitoussi

PLAN DU C HAPITRE
Cancer du sein chez l'homme 422
Gynécomastie 424
Conclusion 430

Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire


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Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Cancer du sein chez l'homme Le décollement cutanéoglandulaire est effectué jusqu'au


plan du grand pectoral, en passant au large de la lésion.
Le cancer du sein chez l'homme représente 1 % des cancers Des clips seront laissés en place dans le lit tumoral au
des hommes et moins de 1 % des cancers du sein, soit envi- contact du muscle grand pectoral. Un remodelage est
ron quatre cent cinquante nouveaux cas par an en France. effectué. La peau est suturée par des points séparés ; un
L'âge moyen de découverte est d'environ soixante-six ans Redon peut être laissé en place.
et 10 % des patients ont moins de cinquante ans. Le risque
de cancer du sein chez l'homme est de 0,1 % au cours de Mastectomie
sa vie, de 5 à 10 % pour les hommes porteurs de la muta-
Le nodule rétroaréolaire représente le plus fréquent symp-
tion BRCA2 et de 1 à 5 % pour les porteurs de la mutation
tôme du cancer du sein chez l'homme et 25 à 30 % des
BRCA1.
tumeurs chez l'homme sont des T4. Dans 6,8 % des cas, il
Pour la prise en charge de la chirurgie du cancer du sein
existe une rétraction aréolaire.
chez l'homme, il y a quelques spécificités :
Pour l'homme, la mastectomie reste donc le traitement
● sur le plan histologique, le tissu mammaire de l'homme
de référence que ce soit pour les carcinomes infiltrants ou
ne forme habituellement pas de lobule, sauf s'il est exposé
pour les carcinomes intracanalaires, qui représentent 11 %
aux œstrogènes endogènes ou exogènes ; les rares car-
des cancers. En revanche, elle n'est pas indiquée en préven-
cinomes lobulaires infiltrants retrouvés chez l'homme
tion du risque de cancer chez les patients BRCA1 ou BRCA2,
concernent essentiellement des patients ayant un syn-
car seulement 10 % d'entre eux développeront la maladie.
drome de Klinefelter ou une cirrhose hépatique, deux situa-
L'incision est fusiforme à grand axe horizontal ou oblique
tions qui augmentent le taux d'œstrogène circulant ;
externe, passant à 5 mm au large de l'aréole (fig. 19.1).
● sur le plan morphologique, le cancer du sein survient
Le décollement cutanéoglandulaire se fait dans le plan
souvent sur une gynécomastie qui devra être prise en
des crêtes de Duret jusqu'au muscle grand pectoral, comme
compte pour le traitement chirurgical ;
chez la femme.
● sur le plan épidémiologique, en raison de rareté de la
maladie, peu d'études prospectives spécifiques à l'homme
guident la thérapeutique ;
● 41 % des patients ont des pathologies associées (prise
d'anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires, cirrhose
hépatique…).

Traitement conservateur
Dans 82,5 % des cas le premier symptôme est une tumeur
mammaire palpable dont la taille moyenne est de 2 cm. Le
taux de rechute locale après un traitement conservateur
est de 5 % dans les études rétrospectives, alors qu'il est de
1,6 % après mastectomie. Dans la littérature, le traitement
conservateur chez l'homme a été effectué pour des tumeurs
de moins de 2 cm et situées à distance de l'aréole [1].
Le traitement conservateur chez l'homme peut être
effectué, si le patient le souhaite, pour une tumeur de
moins de 2 cm à distance de l'aréole et n'infiltrant pas la
peau.
Si un traitement conservateur est décidé, la technique
opératoire ne présente pas de particularité. L'incision péri-
aréolaire est la règle ; cette incision péri-aréolaire est par-
Figure 19.1
tielle, localisée au niveau du quadrant concerné. En cas
Incision de mastectomie chez l'homme emmenant la plaque
d'aréole de petite taille, un prolongement radiaire peut être aréolo-mamelonnaire.
effectué pour faciliter le décollement. Dessins : Cyrille Martinet.

422
19. Chirurgie du sein chez l'homme

La glande est séparée du muscle par traction et l'hémos- On prélève les ganglions situés en dessous de la veine
tase est assurée au bistouri électrique. axillaire, en dehors du dentelé, en ayant repéré le nerf
On terminera la dissection cutanéoglandulaire par le moteur du dentelé antérieur, et en avant du pédicule
prolongement axillaire. Un drain de Redon aspiratif est mis du grand dorsal. Le nerf du deuxième intercostal est, si
en place. possible, conservé pour diminuer les séquelles sensitives.
Si un prélèvement ganglionnaire axillaire est effectué, il
peut être réalisé par la même incision cutanée afin d'éviter
une deuxième incision souvent inutile. Complications
Les complications de la mastectomie sont : à court La lymphocèle est la principale complication précoce. Elle
terme, les hématomes ; à long terme, les cicatrices inesthé- est traitée par ponction, parfois itérative.
tiques et les dépressions cutanées. Les brides axillaires cicatricielles peuvent limiter l'abduc-
tion ; elles doivent être levées manuellement précocement
Prélèvement ganglionnaire pour éviter la fibrose.
Les complications à distance sont dominées par la fati-
Traitement de l'aisselle gabilité du bras opéré. Il existe également des paresthésies
Dans 31 % des cas, les patients ont un ganglion axillaire pal- et une anesthésie de la face interne du bras.
pable lors du diagnostic et l'atteinte axillaire histologique Le lymphœdème est la complication la plus grave ; il doit
concerne 52,8 % des patients et 39 % des tumeurs pT1 être traité par des drainages lymphatiques manuels. La pré-
(34 % chez la femme). vention est également importante chez l'homme : port de
On retrouve 5,3 % de rechute ganglionnaire axillaire gants et désinfection des plaies pour les travailleurs manuels.
après curage complet et 11 % après ganglion sentinelle seul.
Dans la plupart des études – qui sont toutefois essen-
tiellement rétrospectives –, le curage complet est large- Reconstruction mammaire
ment réalisé (92 %), le ganglion sentinelle étant réservé aux
Après mastectomie
petites tumeurs T1N0 (< 2 cm).
La reconstruction chez l'homme consiste la plupart du
Ganglion sentinelle temps en un tatouage aréolaire, parfois en une plastie du
mamelon et, rarement, en un lipomodelage.
Comme chez la femme, on utilisera le double repérage iso-
topique et colorimétrique [2] (cf. chapitre 4). Tatouage aréolaire
Le repérage isotopique est réalisé par une injection péri-
tumorale de l'isotope, la veille de l'intervention, avec une L'utilisation de pigments certifiés CE est obligatoire.
lymphoscintigraphie effectuée 3 heures après l'injection. Le Plusieurs séances sont parfois nécessaires pour obtenir le
repérage colorimétrique consiste en l'injection péritumo- résultat escompté.
rale de 2 mL de bleu patenté V trois à cinq minutes après
l'induction de l'anesthésie générale. Plastie du mamelon
Après le repérage cutané à l'aide de la sonde de détection, Elle peut être effectuée à la demande du patient. Comme
une incision axillaire passant l'aponévrose clavi-pectoro- chez la femme, la greffe de la moitié du mamelon controla-
axillaire est réalisée en regard du repérage et on identifie le téral, si le volume le permet, est possible.
canal lymphatique qui se dirige dans le creux axillaire vers
le ganglion bleu qui est contrôlé avec la sonde et prélevé. Lipomodelage
Si possible, une analyse extemporanée du ganglion est
Il est réalisé à la demande du patient en cas de rétraction
réalisée chez l'homme.
inesthétique par greffe de tissu adipeux. Le tissu adipeux
Une suture est réalisée en deux plans. Le drainage est facultatif.
est prélevé par lipoaspiration et injecté après centrifuga-
tion selon un quadrillage tridimensionnel pour masquer
Curage complet la dépression cicatricielle inesthétique (cf. chapitre 7).
Il est réalisé par une incision axillaire horizontale ou verti- Une réaction inflammatoire est souvent notée dans les
cale sous le muscle grand pectoral. En cas de mastectomie, jours qui suivent l'intervention. Une diminution du volume
il est réalisé par l'incision de mastectomie. du lipomodelage est classique : il faut surtraiter de 20 à 40 %.
423
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Les complications sont essentiellement liées à la lipoas- Gynécomastie


piration : les complications immédiates sont déterminées
par les ecchymoses voire les hématomes et, à distance, des La gynécomastie est une hypertrophie de la glande mam-
dépressions cutanées dans les sites de prélèvement de la maire chez l'homme. Cette hypertrophie peut être simple-
graisse si la lipoaspiration a été trop superficielle. ment adipeuse, mais elle est souvent associée à du tissu
fibroglandulaire. Deux éléments sont à prendre en charge,
Pour le sein controlatéral le volume mammaire et l'excédent cutané [3, 4]. On décrit
La symétrisation peut être nécessaire en cas de sein grais- quatre types de gynécomastie, de volume croissant :
seux ou de gynécomastie, parfois associée. Plusieurs situa-
● type 1 : hypertrophie glandulaire modérée et adipeuse
tions sont envisageables en fonction du volume et de la sans excédent cutané ;
texture du sein controlatéral.
● type 2 : hypertrophie glandulaire modérée mais très
Dans tous les cas, le traitement sera précédé d'une ima- glandulaire sans excès cutané ;
gerie récente (mammographie, échographie ou IRM).
● type 3 : hypertrophie glandulaire moyenne avec excé-
Un exemple de résultats après mastectomie et recons- dent cutané modéré ;
truction secondaire de l'aréole et du mamelon et liposuc-
● type 4 : hypertrophie glandulaire importante avec excé-
cion du sein opposé fait l'objet de la figure 19.2. dent cutané important.

À retenir Type 1 : le sein est peu volumineux


La chirurgie du cancer du sein chez l'homme a quelques et adipeux
particularités en raison :

de l'absence d'étude randomisée prospective liée à la Le sein est adipeux et de petit volume : une simple lipoas-
rareté de la maladie ; piration peut être effectuée et est souvent suffisante. On

du caractère fréquemment central avec atteinte aréo- utilise une canule de lipoaspiration de 4 mm de diamètre.
laire, qui laisse peu de place au traitement conservateur ; La lipoaspiration est souvent suffisante pour les seins de

de la fréquence de l'atteinte ganglionnaire, qui ne volume modéré (fig. 19.3). On insistera dans les zones les
contre-indique pas pour autant la réalisation du gan- plus épaisses et aussi proches de la peau (fig. 19.4).
glion sentinelle.
La reconstruction chez l'homme consiste le plus souvent en
un tatouage aréolaire mais un lipomodelage peut être effec- Type 2 : le sein est fibreux,
tué pour traiter une cicatrice rétractile inesthétique. Une
symétrisation est parfois nécessaire en cas de gynécomastie
de volume modéré
associée et peut consister en une réduction par une simple La lipoaspiration seule est inefficace ; une mastectomie
lipoaspiration ou des techniques plus sophistiquées selon sous-cutanée laissant en place la plaque aréolo-mamelon-
l'importance de la gynécomastie et de la texture du sein. naire peut être effectuée par une incision hémi-aréolaire

A B
Figure 19.2
Aspect du thorax après mastectomie simple chez l'homme.

424
19. Chirurgie du sein chez l'homme

Figure 19.3
Pour les gynécomasties de type 1, la liposuccion exclusive peut suffire.
Dessins : Cyrille Martinet.

A B

C D
Figure 19.4
Gynécomastie de type 1, avant et après liposuccion.
425
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

inférieure. La résection cutanée n'est pas nécessaire dans ce


cas et l'étui se réadaptera facilement au nouveau volume
mammaire.
La graisse sous-cutanée doit être respectée.
Il faudra faire attention à laisser un petit volume rétroa-
réolaire afin d'éviter la rétraction et l'adhérence de la plaque
aréolo-mamelonnaire au plan profond, qui est extrême-
ment disgracieuse (fig. 19.5).
La cicatrice est parfois disgracieuse (fig. 19.6).

Type 3 : le sein est peu volumineux


et adipeux, il présente un excédent
cutané modéré
Pour régler le problème du volume, une liposuccion ou une
résection glandulaire chirurgicale est possible. Souvent, on
utilisera une association des deux techniques qui permet
de limiter la difficulté opératoire, surtout en périphérie du
volume mammaire.
Pour l'excédent cutané, on utilisera une technique
Figure 19.5 péri-aréolaire («round block») avec fermeture en bourse
Pour les gynécomasties de type 2, une résection chirurgicale du (fig. 19.7). En plus de la lipoaspiration, il faudra réduire
cône glandulaire est nécessaire, le plus souvent par abord péri-
aréolaire inférieur. La liposuccion peut être utilisée en association. l'excès cutané par une désépidermisation périphérique du
Dessins : Cyrille Martinet. pourtour de l'aréole. Elle sera suturée peau à peau après réa-

A B

C D
Figure 19.6
Gynécomastie de type 2 droite, avant et après chirurgie.
426
19. Chirurgie du sein chez l'homme

lisation d'une bourse sur le contour externe pour réduire


le diamètre. Au total, on obtiendra une aréole plus petite
qu'initialement (fig. 19.8).

Type 4 : le sein est très volumineux


et l'étui cutané très distendu
Deux solutions sont possibles :
● une mastectomie réalisée par une incision horizontale
courte fusiforme permet de réduire l'excès de peau et le
volume mammaire. Une greffe de la plaque aréolo-mame-
lonnaire est réalisée pour la repositionner à l'endroit
souhaité. Les complications immédiates sont essentiel-
lement les hématomes ; la nécrose de l'aréole partielle,
voire totale, est possible, avec pour conséquence une
dépigmentation à long terme qui pourra nécessiter un
tatouage secondaire ;
● une plastie de réduction à pédicule porte-mamelon
supérieur peut également être effectuée : elle permet
de réduire la glande et de réascensionner l'aréole sans la
Figure 19.7 dévasculariser totalement (comme dans les plasties de
Pour les gynécomasties de type 3, on retrouve un excédent réduction à pédicule supérieur). L'incision est fusiforme
cutané qui sera traité par une technique de «round block»
permettant de réséquer la peau en péri-aréolaire.
à grand axe horizontal. On désépidermise le lambeau
Dessins : Cyrille Martinet. porte-mamelon sus-aréolaire. Une mastectomie est

A B

C D
Figure 19.8
Gynécomastie de type 3, avant et après chirurgie.
427
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

r­ éalisée, ­laissant simplement un lambeau porte-mamelon Ces cas sont rares et les cicatrices souvent très visibles ;
supérieur. La suture se fait avec le minimum de tensions ; les résultats sont plus ou moins bons en fonction de la qua-
un Redon est laissé en place dans la zone de décollement lité de la cicatrice (fig. 19.11).
(fig. 19.9).
Les complications sont essentiellement hémorragiques
à court terme : hématomes, saignements. La nécrose de À retenir
l'aréole est rare en raison de la faible longueur du lambeau
porte-mamelon chez l'homme. À long terme, les cica- La gynécomastie est une pathologie fréquente et sou-
trices peuvent être inesthétiques et hypertrophiques. La vent très invalidante. Une prise en charge chirurgicale
très adaptée à la déformation est nécessaire, afin de
technique peut s'apparenter à une réduction mammaire
minimiser la rançon cicatricielle et les déformations
(fig. 19.10). secondaires difficiles à traiter.

Figure 19.9
Pour les gynécomasties de type 4, une incision horizontale type Patay est nécessaire, avec lambeau porte-mamelon ou greffe de la plaque
aréolo-mamelonnaire.
Dessins : Cyrille Martinet.

428
19. Chirurgie du sein chez l'homme

A B

C D
Figure 19.10
Gynécomastie de type 4 en peropératoire : ablation du sein, lambeau porte-mamelon supérieur et résultat sur table (poids de la pièce
opératoire : 250 g).

A B
Figure 19.11
Gynécomastie de type 4, avant et après chirurgie.

429
Chirurgie du cancer du sein et reconstruction mammaire

Conclusion Références
La prise en charge de la chirurgie mammaire chez l'homme ne doit [1] Cutuli B, Le-Nir CC, Serin D, et al. Male breast cancer. Evolution of
treatment and prognostic factors. Analysis of 489 cases. Crit Rev
pas être sous-estimée au prétexte que le sein n'existe pas chez lui.
Oncol Hematol 2010 ; 73(3) : 246–54.
La reconstruction de la PAM et les différences de volume [2] Goyal A, Horgan K, Kissin M, et al. Sentinel lymph node biopsy in
ou d'épaisseur lors du traitement d'un cancer du sein sont male breast cancer patients. EJSO 2004 ; 30(5) : 480–3.
souvent mal vécues. Or, ces patients attendent vraiment [3] Casanova D, Magalon G. Traitement chirurgical des gynécomasties.
une «reconstruction» de leur sein traité. Ne parlons pas de J Chir 1997 ; 134 : 76–9.
[4] Fabié-Boulard A, Fabre G, Gangloff D, et al. Gynécomasties. Encylc
gynécomastie dont les répercussions sont parfois majeures Med Chir. Techniques chirurgicales – Chirurgie plastique, recons-
surtout chez les patients jeunes. Une réponse doit être tructrice et esthétique. Paris : Elsevier ; 2006. 45-668-D.
apportée à ces anomalies en fonction de leur importance.

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