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Revue des études byzantines

Christof Rudolf Kraus, Kleriker im späten Byzanz. Anagnosten,


Hypodiakone, Diakone und Priester 1261-1453
Marie-Hélène Blanchet

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Blanchet Marie-Hélène. Christof Rudolf Kraus, Kleriker im späten Byzanz. Anagnosten, Hypodiakone, Diakone und
Priester 1261-1453. In: Revue des études byzantines, tome 68, 2010. pp. 256-259;

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par le Bodleianus Baroccianus 20, le Venetus 5 de San Giorgio dei Greci et le


Parisinus Suppl. gr. 113, la recension γ est de datation incertaine. Entre les 8e-9e
siècles, date de ε, jusqu’au 14e siècle, date des manuscrits les plus anciens, il est diffi-
cile de trancher, même si le grec présente des caractéristiques plutôt tardives. Corinne
Jouanno ne voit toutefois plus dans le fait que le Venetus 5, richement enluminé, a été
réalisé pour Alexis III Comnène (1349-1390) une preuve suffisante pour attribuer la
recension γ à la cour de Trébizonde, mais elle relève le fait que, loin de se limiter à un
milieu populaire, l’histoire d’Alexandre servait également de miroir des princes à
l’aristocratie byzantine (p. 26-28).
Le Roman d’Alexandre a été longtemps inaccessible au public français voire
oublié, marqué sans doute par le dédain de l’hellénisme atticisant et par le scepticisme
de l’histoire positiviste. C’est peu dire qu’il a connu depuis un renversement spectacu-
laire de sa fortune critique et littéraire, si l’on en juge par le continent bibliographique
qui l’entoure et par les traductions aujourd’hui disponibles : recension α (traduction
du manuscrit A par Aline Tallet-Bonvalot chez GF-Flammarion en 1994), recension β
(traduction du manuscrit L par Gilles Bounoure et Blandine Serret aux Belles-Lettres
en 1992, rééd. 2004), recension ε (par Christine Sempéré, thèse de l’Université de
Montpellier III, 2005) et version néogrecque de la Phyllada (par Jacques Lacarrière,
Éditions du Félin 2000, Folio 2002). La traduction supplémentaire de Corinne
Jouanno, fondée sur l’édition du texte grec par Lauenstein, Engelmann et Parthe
(1962-1969), n’est pourtant pas de trop. Au contraire, d’une recension-somme la tra-
ductrice livre une traduction-somme respectueuse de la forme originale de γ – autant
qu’on puisse l’approcher – et rendue dans une langue claire, qui résout nombre d’obs-
curités du texte. L’abandon, dûment justifié p. 30, de l’ancienne numérotation des
paragraphes héritée de l’édition princeps de Carl Müller de 1846 donne lieu à une
table de concordance à la fin du volume (p. 329-332). Cette table est précédée d’une
bibliographie aux p. 325-328 qui complète les références des notes de l’introduction.
Surtout, la traductrice a ajouté aux p. 257-324 de nombreuses variantes présentes dans
les recensions α, β, λ et ε, elles aussi traduites en français. De sorte que, la nature de
la recension γ s’ajoutant aux mérites de la traductrice, l’ouvrage suffira désormais au
lecteur curieux pour se faire, en un seul volume, l’idée la plus large sur l’ensemble de
la tradition grecque des fabuleuses aventures d’Alexandre le Grand.

Olivier DELOUIS

Christof Rudolf KRAUS, Kleriker im späten Byzanz. Anagnosten,


Hypodiakone, Diakone und Priester 1261-1453 (Mainzer Veröffent-
lichungen zur Byzantinistik 9). – Harrassowitz, Wiesbaden 2007.
24,5 × 17,5 ; relié. XXII-547 p. Prix : 88 €.
L’ouvrage de C. Kraus constitue une véritable somme de travail sur un sujet
encore mal connu, le bas clergé à l’époque paléologue. Cette publication est issue
d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Vienne en 2002, intitulée Der nie-
dere Klerus in der Palaiologenzeit. Die einfachen Kleriker 1258-1453. Ce titre est
plus explicite que celui du livre quant au projet de l’auteur : sachant qu’une étude sys-
tématique du clergé byzantin à l’époque des Paléologues ne pouvait être entreprise par
une seule personne, C. Kraus a consacré ses recherches aux simples clercs, des lec-
teurs jusqu’aux prêtres, tandis que J. Preiser-Kapeller examinait en parallèle la situa-
tion des métropolites ; ce dernier travail a donc aussi donné lieu à une thèse de
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l’Université de Vienne, publiée en 2008 à Sarrebruck sous le titre Das Episkopat im


späten Byzanz: ein Verzeichnis der Metropoliten und Bischöfe des Patriarchats von
Konstantinopel in der Zeit von 1204 bis 1453.
Le sujet traité par C. Kraus, à savoir la place des simples clercs dans la société
byzantine, a été relativement négligé jusqu’ici, l’accent étant surtout mis sur des cas
de déviance spectaculaires comme les pratiques magiques ou les transgressions
sexuelles. L’auteur tente au contraire de retrouver la norme en examinant le rôle des
clercs dans le fonctionnement quotidien de l’Église. La disparité des situations étu-
diées, depuis celle du haut fonctionnaire patriarcal jusqu’au prêtre de village, oriente
la réflexion de l’auteur autour du problème de l’unité d’un tel groupe social.
Ce travail a été entrepris à partir d’une analyse systématique des notices du PLP
(Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit, dir. E. Trapp et alii, Vienne 1976-
1996, 16 vol.) : il aboutit à une synthèse du matériel prosopographique très riche
répertorié par les auteurs du PLP. Les sources utilisées par ces derniers et reprises par
C. Kraus sont essentiellement constituées d’actes de la pratique, ceux de l’Athos
d’une part et ceux du registre patriarcal d’autre part ; par ailleurs, outre les sources lit-
téraires, l’auteur a aussi consulté les catalogues de manuscrits pour les notices de pos-
session et mentions de copistes qu’ils peuvent contenir, ainsi que des textes litur-
giques, notamment ceux de Syméon de Thessalonique ; il a en revanche exclu de son
étude les textes canoniques tel le Syntagma de Matthieu Blastarès (édité par
G. A. Rhallès et M. Potlès, Σύνταγµα τῶν θείων καὶ ἱερῶν κανόνων, VI, Athènes
1859), qui aurait pu fournir des informations intéressantes concernant la justice ecclé-
siastique.
L’étude est présentée selon un plan géographique dans lequel figurent tour à tour
les régions rurales, les villes et en dernier lieu Constantinople. Ce découpage a le
mérite de fournir des ensembles cohérents, qui sont autant de monographies décrivant
en détail une réalité locale et pouvant à ce titre être exploités indépendamment du
reste de l’ouvrage. Un traitement thématique du sujet aurait au contraire conduit l’au-
teur à des rapprochements parfois artificiels, sans doute peu clairs pour le lecteur. La
synthèse de ce matériel est cependant bien présente, puisqu’elle apparaît dans les
résumés ou conclusions partielles qui parsèment l’ouvrage, tandis que le résumé final
présente les conclusions générales de l’étude de façon transversale, examinant globa-
lement la place des simples clercs à Byzance tout en faisant la part de ce qui relève
des différences géographiques.
Une première conclusion concerne la situation économique des simples clercs :
dans les campagnes, les prêtres sont largement prédominants et sont souvent seuls à
desservir une église, probablement parce que les revenus qu’elle fournit seraient
insuffisants pour un prêtre et un diacre ; ils exercent très souvent un métier complé-
mentaire, généralement paysan, et possèdent parfois des terres. En ville aussi, les
clercs combinent leur fonction liturgique avec un autre métier, souvent copiste,
notaire, ou même médecin ; à Constantinople, on connaît aussi le cas de desservants
d’églises privées qui passent directement contrat avec le fondateur ou le propriétaire
d’une chapelle afin de percevoir un salaire régulier. De façon générale, en dehors de
l’argent collecté chaque année lors de la fête patronale de l’église (la panégyrie) et de
la somme versée au prêtre pour la célébration d’un sacrement (le kaniskion), on
connaît mal les sources de revenus des simples clercs.
En deuxième lieu, le problème de l’adéquation entre fonction ecclésiastique et
grade est examiné systématiquement par l’auteur pour aboutir à une conclusion claire :
dans l’administration de l’Église byzantine, il n’existe aucune coïncidence entre grade
et fonction, ce qui signifie qu’une haute charge au sein d’une chancellerie métropoli-
taine ou du patriarcat peut être occupée soit par un lecteur, soit par un diacre, soit par
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un prêtre (le grade de sous-diacre est très rarement mentionné à cette période). S’il
existe bien un âge requis pour accéder à chaque degré ecclésiastique (20 ans pour être
ordonné lecteur, 25 ans pour diacre et 30 ans pour prêtre, selon une règle qui semble
avoir été respectée), la progression dans cette hiérarchie n’est absolument pas la
norme, en sorte qu’un clerc peut très bien rester lecteur toute sa vie tout en exerçant
différentes fonctions. Sur ce point, les interdits matrimoniaux ont pu jouer un rôle : le
prêtre et le diacre doivent en effet être mariés avant d’être ordonnés et ne peuvent se
remarier en cas de veuvage, tandis que le lecteur peut se marier ou se remarier après
son ordination. En pratique, dans les campagnes et les petites métropoles, les prêtres
dominent, car ils sont indispensables à la célébration de la liturgie ; mais au sein du
clergé des grandes métropoles et du clergé impérial, les diacres sont aussi nombreux
que les prêtres car leur présence rehausse le faste des cérémonies. En ce qui concerne
l’administration ecclésiastique, l’étude de C. Kraus montre que les grandes métro-
poles – et même les moins grandes comme Serrès par exemple – calquent leur fonc-
tionnement sur celui du patriarcat de Constantinople : on retrouve donc partout les
cinq premiers offices (économe, sakellarios, skeuophylax, chartophylax et sakelliou),
mais aussi toute une série d’offices inférieurs (26 identifiés au total pour Serrès, 25
pour Thessalonique, 17 pour Zichna).
Si les déviances et conflits sont aussi bien étudiés, on regrettera en revanche que
certains aspects soient évoqués beaucoup plus brièvement par l’auteur : hormis la
question du mariage, où le rôle du clerc comme garant de la légalité de l’acte est bien
analysé, les activités liturgiques sont très peu explorées ici, sans doute parfois par
manque de sources. L’auteur indique que le système d’organisation des fidèles en
paroisses, tel qu’il existe alors en Occident, ne se retrouve pas à Byzance, mais il
n’étudie pas les conséquences d’un encadrement pastoral aussi lâche, par exemple sur
la fréquentation de la liturgie dominicale, la catéchèse ou encore l’administration des
sacrements. De la même manière, la formation des clercs est examinée fugitivement,
la question délicate de l’existence d’une École patriarcale n’étant même pas évoquée
sauf erreur. Or l’un des points communs à tous les clercs réside certainement dans
leur aptitude à lire et sans doute aussi à écrire, ainsi que dans leur connaissance,
même sommaire, des textes sacrés, de la liturgie et du chant. Une telle recherche reste
à faire, même si les sources précises sur ce point sont certainement difficiles à réunir.
À l’issue de son étude, C. Kraus est en mesure de répondre avec quelques nuances
par l’affirmative à la question qu’il avait posée initialement : les clercs forment bien
un groupe social spécifique à Byzance. Ils sont tout à fait distincts des moines, avec
lesquels ils semblent du reste entretenir peu de liens (ce qui n’est en revanche pas le
cas des métropolites, le plus souvent issus des milieux monastiques). Les simples
clercs n’appartiennent pas non plus à l’aristocratie, pas même ceux de Constantinople,
comme le montrent toutes les analyses prosopographiques effectuées dans l’ouvrage.
Ils se distinguent enfin du peuple par l’ordination qu’ils ont reçue et par les fonctions
liturgiques qu’ils exercent, sans doute aussi par leur degré d’alphabétisation et enfin
par leur régime matrimonial particulier, même si de fait la plupart des simples clercs
semblent être mariés et pères de famille. Il reste que les différences sociales à l’inté-
rieur de ce groupe sont considérables, en sorte que les clercs pouvaient difficilement
se concevoir eux-mêmes comme une catégorie homogène.
Cet ouvrage de synthèse rendra de grands services à tous ceux qui s’intéressent à
la période paléologue, tant il est vrai que chacun est amené à rencontrer de simples
clercs dans les sources sans savoir toujours comment interpréter les données qui les
concernent. Le plan géographique du livre ainsi que les index des noms de personnes
et des actes patriarcaux, qui figurent à la fin, en rendent la consultation aisée : cette
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ultime qualité devrait contribuer à faire de cette étude un ouvrage de référence tant
pour les historiens de l’Église byzantine que pour les spécialistes des 13e-15e siècles.

Marie-Hélène BLANCHET

Clement A. KUEHN et John D. BAGGARLY (éd.), Anastasius of Sinai.


Hexaemeron. With a Foreword by Joseph A. MUNITIZ (Orientalia
Christiana Analecta 278). – Pontificio Istituto Orientale, Rome 2007.
26,5 × 17. LXXXII-495 p.
Le texte ici édité est tout à fait étonnant à la fois par sa destinée et par son
contenu. Un avant-propos de J. Munitiz expose brièvement comment ce texte a été
ignoré, volontairement ou non, durant la période byzantine, puis redécouvert et traduit
en latin à l’époque du concile de Trente dans le cadre de la lutte contre les protestants,
en raison de son insistance sur l’ecclésiologie, mais amputé de sa fin jugée peu ortho-
doxe sur l’eucharistie. Si des passages de la traduction latine se sont retrouvés dans la
Patrologie grecque (PG 89, 851-1052A), le texte grec restait inaccessible. C’est ce qui
a poussé ses éditeurs à donner dès à présent cette édition provisoire, dans l’espoir que
les études suscitées par cette parution permettront d’aboutir dans un second temps à
une édition plus achevée. L’ampleur du travail fourni et l’utilité de cette mise à la dis-
position des chercheurs d’une édition munie des apparats critique et scripturaire doi-
vent inspirer la plus grande compréhension pour les lacunes (assumées) de cette édi-
tion, dont la plus criante est l’absence d’annotation et d’un apparat des sources,
absence qui laisse au lecteur alléché par l’intérêt incontestable du texte une impres-
sion de frustration.
L’un des premiers problèmes posés par ce commentaire de l’Hexaèméron est son
authenticité : s’agit-il bien d’une œuvre d’Anastase le Sinaïte ? Ce problème, qui s’en-
tortille dans la quaestio disputata des divers Anastase, bien connue de tous ceux qui
ont abordé cet auteur, se présente d’emblée, puisque la traduction manuscrite attribue
le texte à « saint Anastase, prêtre et moine au saint mont Sinaï et patriarche
d’Antioche ». Les éditeurs adoptent l’hypothèse qu’il s’agit ici de l’auteur des Érota-
pokriseis et de l’Hodègos (moine au Sinaï mais pas patriarche), mais ils le font de
manière non péremptoire, laissant aux chercheurs futurs, qui disposeront de cette édi-
tion, le soin d’approfondir la question. Ces chercheurs futurs trouveront dans le texte
des éléments de réponse, en particulier l’évocation par l’auteur de ses autres œuvres :
deux essais sur la création de l’homme « publiés indépendamment » (p. 188), un livre
polémique contre les juifs (ibidem), des traités sur l’image (p. 362).
Après une introduction qui présente successivement les problèmes d’authenticité
et de datation, les manuscrits du texte grec, les éditions imprimées de la traduction
latine et la bibliographie, nous nous trouvons donc en présence du texte lui-même. Le
commentaire est précédé d’une sorte de préface (rendue visible au lecteur par le seul
titre courant accompagnant les cinq premières pages impaires : In Hexaemeron
Praefatio), qui occupe les quatre premiers chapitres du premier livre et présente le
propos de l’auteur. Celui-ci répond à la demande d’un de ses disciples désireux de lire
ses commentaires sur les six jours de la création. Bien que plusieurs catalogues de
manuscrits aient identifié ce disciple comme étant un certain Théophile (Anastasii…
ad Theophilum : cf. p. XXV-XXVI, XLIII), ce nom n’apparaît qu’au livre III, dont la pre-
mière phrase est la citation des Actes des Apôtres : « J’ai écrit ce livre, ô Théophile »
(Ac 1, 1). Le traité se présente comme un commentaire de l’Hexaèméron, mais en fait,

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