Vous êtes sur la page 1sur 4

Sujet : L’inflation législative

Comme disait Montaigne “ Nous avons en France plus de lois que tout le reste du
monde ensemble, et plus qu’il faudrait pour régler le monde”. Effectivement il y aurait
aujourd'hui près de 400 000 normes, 11 500 lois avec 320 000 articles et 130 000 décrets,
mais selon un adage “nul n’est censé ignorer la loi”, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas
justifier une action ou un comportement en disant que vous ignoriez que c’était interdit ou
encadré par des règles. Mais aujourd’hui pouvons-nous réellement connaître l'ensemble des
lois ? En effet, il est nécessaire de voir que nous connaissons une inflation législative.
Tout d’abord le mot inflation désigne une augmentation excessive d’un objet, d’un
instrument; la législation, elle, est l’ensemble des lois d’un État, d’un pays ou l’ensemble des
lois applicables à un domaine particulier, c’est ce qu’on appel le pouvoir législatif qui est un
des organes de l’Etat qui participe à l’élaboration et à l’adoption des lois. De ce fait,
l’expression d’inflation législative désigne une tendance excessive à la croissance du nombre
de lois et plus particulièrement une tendance à l’augmentation de la longueur des textes
législatifs puisqu’effectivement, certains textes de lois peuvent disposer d’une centaine de
pages. En lien avec ce sujet il serait possible d’évoquer l’inflation normative qui est la
croissance du nombre des normes de droit, c’est-à-dire les textes législatifs, réglementaires et
les décrets. Mais ce phénomène d’inflation n’est pas nouveau, en 1758 Montesquieu disait
“les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires", par cette citation Montesquieu exprimait
les problèmes de l’inflation législatif de son époque, cependant, aujourd’hui notamment avec
la codification des lois, celles-ci sont devenues peu à peu sectorisées et s'adresse à des
professions, des domaines particuliers. En 1804, le code Napoléon, le code civil a été mis en
place mais à cette époque plusieurs domaines de notre société actuelle n’existaient pas
comme l’informatique, de ce fait, il a fallu mettre le code civil à jour pour encadrer ces
nouveaux domaines à travers de nouvelles lois, de nouveaux décrets. Par conséquent,
aujourd'hui il existe soixante treize codes en vigueur.
Il sera donc intéressant de traiter ce sujet qu’est l’inflation législative pour mieux
comprendre cette tendance d’augmentation des lois mais aussi ses effets néfastes. De ce fait,
il conviendra de se demander quelles sont les sources de ce phénomène ainsi que ces
conséquences.
Dans un premier temps, il est question de voir quels sont les facteurs à l’origine de
cette inflation puis dans un second temps il sera sujet des conséquences de cette inflation
législative.

I. Les facteurs à l’origine de cette inflation

Il existe plusieurs facteurs à l’origine de l’inflation législative, la multiplication des


sources du droit en fait partie. Cette multiplication suppose une hiérarchie de ses différentes
normes internes et extérieures, cette théorie a été développée par un juriste autrichien, Hans
Kelsen.

a) La multiplication des sources de droit


Les sources du droit correspondent à un organe, une autorité qui possède le pouvoir
créer des règles de droit qui seront donc obligatoires pour tous et dont le respect de celles-ci
sera assuré par la contrainte ou non. Certaines sources du droit participent à la formation du
droit comme par exemple la jurisprudence. Avec le temps, les sources du droit sont de plus en
plus nombreuses, que ce soit au niveau interne qu’au niveau externe, une hiérarchie des
normes est donc nécessaire pour garantir la cohérence et la rigueur du système juridique d’un
Etat de droit, celle-ci est fondée sur le principe qu’une norme doit respecter celle du niveau
supérieur et la mettre en oeuvre. Cette hiérarchie des normes a été mise au point par Hans
Kelsen. Au plus haut de cette hiérarchie on retrouve le bloc de constitutionnalité qui
regroupent la Constitution de 1958, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de
1789, le préambule de la Constitution de 1946 ou encore la charte de l’environnement.
Ensuite, ce sont les textes internationaux, c’est-à-dire le Droit de l'Union européenne qui
aurait adopté cinq cent dix directives entre 2000 et 2004 inclus et les traités internationaux
comme le Traité de Versaille signé en 1919. Le Conseil de l’Europe fait aussi partie des
sources de droit extérieures. De ce fait, ce sont les sources de droit externes qui priment sur
celles internes. Dans la pyramide de Kelsen on retrouve donc ensuite les sources internes, les
lois nationales c’est-à-dire les lois organiques, ordinaires, les lois référendaires, et tout en bas
de cette hiérarchie, il y a les règlements et les décrets. De ce fait, au niveau interne, ce sont
les autorités administratives indépendantes et les collectivités territoriales qui sont des
sources de droit. Une partie du travail législatif provient de la nécessité de transposer en droit
interne les directives de l’Union européenne mais comme il est possible de voir jusqu’à
présent ces sources de droit sont très nombreuses et donc l’application de leur directives
devient complexes à mettre en place, en effet, en conséquence de cela plusieurs lois se
contredisent ce qui engendre le caractère flou de la loi. De surcroît les sociétés changent,
évoluent au fil du temps, le droit doit donc encadrer l'émergence des nouvelles modifications
de celles-ci.

b) Le droit en constante évolution : l’adaptation à la société en progression

En effet le droit doit s’adapter continuellement à l’émergence de nouveaux domaines


et à l’apparition de nouvelles contraintes. La libéralisation de nouveaux secteurs d’activités
doit être encadrée par des normes juridiques comme les transports ou la télécommunication.
Notamment la croissance des technologies a nécessité la mise en place d’un cadre juridique
adapté au développement de l’économie numérique et par conséquent une nouvelle approche
de la propriété intellectuelle, car face à ces nouveaux secteurs, ces nouveaux domaines, la loi
peut être obsolète, il peut donc être question de combler un vide juridique ce qui entraîne
donc la création d’une ou plusieurs lois ce qui accroît leur nombre déjà conséquent. De plus,
la nécessité de sauvegarder l’environnement et du développement durable engendre de ce fait
l’intervention fréquente du législateur. En plus de cela, l’un des facteurs à l’origine de cette
inflation est la mondialisation. En effet, il est nécessaire aujourd’hui d’adapter le droit des
affaires à la mondialisation. Cette mondialisation affecte le droit interne d’un Etat et le droit
national étant donné que les Etats se sont mis en concurrence dans de nombreux domaines
comme pour les politiques économiques et fiscales, les systèmes éducatifs ou bien
l’innovation. Les systèmes juridiques se retrouvent également en compétition du fait que la
demande de justice a augmenté affectant l’office du juge. Avec cette mondialisation les
échanges entre les systèmes juridiques se sont multipliés ce qui fait que les juges nationaux
ne sont plus isolés, ils peuvent désormais interagir. Mais la mondialisation n’oblige pas les
juges à prendre en compte les exemples étrangers néanmoins ils ne peuvent plus feindre de ne
pas connaître les solutions proposées par les juges étrangers. C’est le statut même de
l’information juridique qui a été modifiée par son accessibilité.
De ce fait, les juges sont davantage poussés vers les influences externes, ils
participent donc à la migration des solutions juridiques d’un système juridique à l’autre. Une
des manifestations de la problématique de la mondialisation est la mise en place d’institutions
dédiées. Ces institutions sont constituées d’un ensemble de dispositions contraignantes et
d’une juridiction chargée d’assurer la cohérence et l'efficacité du mécanisme. Tout ceci a des
conséquences néfastes sur le système juridique mais aussi sur la population qui n’est pas
obligatoirement éduquée sur le droit de leur État et sur le droit dans le monde.

II. Les conséquences néfaste de l’inflation législative sur la population et sur le


système juridique

Ainsi, l’inflation législative provoque un déclin de la loi du fait de son caractère flou
et par conséquent, les lois deviennent moins accessibles à tous et donc complexes.

a) L’inflation législative à l’origine du déclin de la loi

La multiplication croissante des domaines d’exercice du droit au cours du siècle


actuel a marqué un phénomène d’inflation législative, ce qui conduit au déclin du droit. En
effet la grande quantité de texte amène à ce que la loi perd de sa valeur et donc de son
autorité. On dit que “la loi devient obèse” et de ce fait les sujets de droit, la population porte
beaucoup moins d’attention à celle-ci. Comme dit précédemment, la croissance du nombre
des textes de loi est due en générale à la mise en place de nouvelles lois ou bien à leur
modification, des modifications qui peuvent être complétés par des compléments en plus car
la loi ne peut pas tout anticiper, la loi est sans cesse confrontée à de nouveaux défis. Et de ce
fait, on peut en déduire que le législateur abroge moins qu’il légifère. De même, on assiste
également à la diminution de la généralité de la règle de droit, on constate que la loi est de
plus en plus chargée de détails. Portalis, avocat, jurisconsulte et l’un des rédacteurs du Code
civil, disait dans le discours préliminaire au projet de Code civil qu’il était nécessaire que la
loi possède une portée normative, elle ne devait pas aller dans les détails des questions qui
peuvent apparaître sur chaque matière mais toutes les lois ne pas normative, en effet certaines
lois ne comportent aucune force obligatoire et non aucunes sanctions, ces lois ce qu’on appel
du droit souple. Le droit souple regroupe des chartes de bonne conduite, des
recommandations, des avis…
Montesquieu dans “ l'esprit des lois” considérait que : “ les lois inutiles affaiblissent
le nécessaire”. Et par conséquent, ce phénomène d’inflation législative ne permet pas au
gouvernement de s’assurer que toutes les lois sont respectées.

b) Des lois complexes et moins accessibles


On remarque que les lois sont de plus en plus techniques et précises, le législateur a
perdu de vue que la règle de droit est censée être générale afin que chaque individu puisse la
comprendre, l’appliquer et particulièrement la connaître étant donné que “nul n’est censé
ignorer la loi”. Cet adage signifierait que tous les citoyens d’un territoire donné devraient
connaître l’ensemble des textes de lois existant dans l’ordre juridique. Or, avec plus de 400
000 normes, plus de 11 500 lois avec 320 000 articles et 130 000 décrets cela est impossible.
Mais dans le même temps, la loi est nécessaire au bon fonctionnement de l’ordre juridique, si
elle n’existait pas, chacun agirait selon son désir naturel. Mais aujourd’hui, le législateur
oublie que la loi exprime la souveraineté nationale et donc la liberté, par conséquent ce
phénomène d’inflation entraîne un sentiment d’oppression face aux grands nombres de lois.
De plus, les règles posées par la jurisprudence sont d’un accès difficile, en effet leur lecture
n’est pas évidente et de ce fait, n’est pas accessible à l’ensemble de la population, s’ajoute
encore avec cela la multiplication des normes nationales ou issues de l’Union européenne.
Ainsi, aujourd’hui il est nécessaire de faire appel à des spécialistes, des experts du droit pour
décrypter la loi et pour défendre ses intérêts devant la justice ce qui conduit à des dépenses.
Le conseil constitutionnel a essayé de remédier à ce problème, dans sa décision du 16
décembre 1999, il créait un nouvel objectif de valeur constitutionnelle, c’est-à-dire
l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi. Ainsi l’information publique a été développée
notamment avec la création en décembre 2000 du portail de l’administration française
service-public.fr ou encore celle de Legifrance, créé en 1998 et rénové fin 2019 mais aussi la
mise en place d’une édition électronique du Journal officiel qui est effective depuis le 2 juin
2004.

Vous aimerez peut-être aussi