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RÉFÉRENTS RELIGIEUX ET MANAGEMENT : UN ANTAGONISME DE

SENS

Mohammed Amine Balambo, Abderrahman Hassi

Éditions EMI | « Revue Management & Innovation »

2020/1 N° 1 | pages 57 à 76

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Référents religieux et Management :
un antagonisme de sens 1

Mohammed Amine Balambo


Université Ibn Tofaîl / Aix-Marseille Université
balambo@gmail.com
Abderrahman Hassi
Al Akhwayan University
A.Hassi@aui.ma

Résumé
Vingt ans après les travaux de Philippe D’Iribarne sur le poids de l’islam dans les pratiques
de management au Maroc, ce papier s’intéresse à l’impact du réfèrent religieux sur la per-
formance du collaborateur. Pour ce faire, il se fonde sur un raisonnement hypothético-dé-
ductif permettant d’expliquer la performance par les degrés de religiosité, de spiritualité, et
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d’éthique islamique au travail de collaborateurs musulmans marocains. Une enquête quan-
titative par questionnaire a ainsi été menée auprès de 227 collaborateurs marocains de dif-
férents secteurs. L’analyse sous équations structurelles réalisée a révélé que seule l’éthique
islamique au travail explique la performance des collaborateurs avec une absence d’influ-
ence des variables de contrôle du genre, du niveau d’éducation, de la position et de l’âge.

Mots clés : Religiosité, Spiritualité, Ethique islamique au travail, Afrique, Maroc.

Abstract
This paper investigates the influences of religious references on employee performance a
reportedly highly religious country - Morocco. To test the research hypotheses, the structural
equations modelling technique via AMOS was used. Results show that Islamic Work Ethics
explain the job perform of the respondents while controlling for their age, gender, level of
education and position.

Keywords : religiosity, spirituality, Islamic ethic at work, Africa, Morocco.


1
Titre inspiré de l’article de référence de Philippe D’iribarne : »Islam et Management : un univers sens »

©Éditions EMI 57 Revue M&I / N° 1 / Mars 2020


Introduction
Compte tenu de son histoire et de sa situation géographique, le Maroc est le reflet d’une
réelle mosaïque ethnique et culturelle. Il a toujours suscité l’intérêt de plusieurs nations en
quête de richesses. Il a connu ainsi la présence romaine, byzantine, carthaginoise, phénici-
enne, vandale, arabe, espagnole, portugaise et française.

Cette diversité s’est ajoutée à celle de la population autochtone, et a donné lieu à un vérita-
ble brassage ethnique et culturel. En ce sens, Allali (2008) affirme que la culture marocaine
est à la fois un melting-pot ayant réussi à fondre en son sein toutes les cultures des peuples
qui ont habité le pays, mais aussi une tour de Babel dans la mesure où lesdites cultures ont
largement gardé leurs spécificités et leurs caractéristiques. Toutefois, malgré la présence de
nombreuses sous-cultures présentant chacune des particularités, la culture marocaine fait
état d’un certain nombre de traits saillants qui la différencient des autres cultures. En effet,
au sein de cette diversité ethnique, linguistique, et culturelle est née la culture marocaine,
développée au fil du temps sous l’emprise de l’Islam jouant le rôle de ciment de cette société.
Plusieurs études en Sciences de gestion (Balambo, 2013) soulignent l’existence d’une forte
religiosité au travail ainsi que la prédominance d’une tendance spirituelle dans l’islam ma-
rocain (Iribarne, 1994). Si ces études mettent en exergue l’importance de la religiosité, de
la spiritualité, et de l’éthique islamique au travail, aucune étude, à notre connaissance, n’a
testé les effets de ces variables simultanées sur la performance des collaborateurs dans un
contexte de travail. L’objet de ce papier est donc de construire un modèle hypothéticodéduc-
tif permettant d’expliquer la performance au travail sous la perspective religieuse et de le
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tester dans le contexte marocain.

1. Revue de littérature et cadre conceptuel


Cette revue de littérature aura pour objectif de mettre en lumière les fondements religieux et
spirituels de la société marocaine, pour ensuite construire un modèle explicatif de la perfor-
mance des collaborateurs sous un regard religieux.

1.1. Les fondements religieux et spirituels de la société marocaine


L’introduction de l’islam a contribué à unifier le pays, composé jadis de petites tribus
éparpillées d’une région à une autre. Cela amène à qualifier le Maroc millénaire de fils de l’Is-
lam (Lugan, 2000). Cependant, cette situation ne dura pas longtemps puisque les Amazighs
se soulevèrent, non contre l’islam, mais contre la présence arabe au nom de l’islam, sans
pour autant remettre en question la nouvelle religion. Cette situation s’aggrava avec la sépa-
ration en 740 avec l’Empire Omeyyade à cause de l’adoption du rite Kharijite, considéré alors,
comme une hérésie.

En ce sens, beaucoup d’historiens dont Lugan (2000), auteur du célèbre «Histoire du Maroc
des origines à nos jours», affirment que la cause profonde de la révolte fut un sentiment de
perte d’indépendance face au pouvoir des califes et de leurs représentants arabes installés

©Éditions EMI 58 Revue M&I / N° 1 / Mars 2020


Référents religieux et Management : un antagonisme de sens

au Maroc. Les Amazighs ont cherché dans le Kharijisme,- doctrine prônant dans son volet
politique une certaine égalité entre les hommes notamment entre les arabes et les nou-
veaux convertis dans l’accès aux fonctions,- une manière de se révolter contre le Khalifat de
l’Orient. Des origines économiques peuvent également être relevées, puisqu’en embrassant
cette nouvelle doctrine les nouveaux convertis étaient égaux avec les arabes conquérants, et
d’un point de vue fiscal, ils n’avaient plus à payer le kharaj et la Jiziya qui étaient respective-
ment des impôts fonciers pour les nouveaux musulmans et des impôts personnels pour les
non musulmans, exigés par les khalifes de Damas. Cette injustice a exacerbé le sentiment
d’appartenance au Kharijisme. Des Etats Kharijites ont ainsi vu le jour, débouchant hélas sur
des guerres intestines jusqu’à effritement total de l’union.

Le Khalifa à Bagdad a essayé à plusieurs reprises de reconquérir l’Afrique du nord, et a réussi


à s’accaparer Bilad Ifrîkiya, l’actuelle Tunisie, sans pouvoir s’emparer du Maroc où les Etats
Kharijites n’ont cessé de pousser (Lugan, 2000). Le Maroc a réussi à résister aux conquérants
arabes même après la conquête ottomane du XVIe siècle, et est resté indépendant de toute
allégeance envers l’Orient. Néanmoins, cette situation d’indépendance politique a donné
lieu à un islam Amazigh jugé comme hérétique s’écartant des principes de la Sunna et de la
loi coranique. Pour y remédier, les Amazighs ont cherché à revenir à l’orthodoxie des arabes
orientaux, en accueillant des arabes descendants de la lignée du prophète Mohammed à
l’instar d’Idriss 1er. Ce dernier, ayant contesté le pouvoir des Abbassides, et combattu con-
tre eux, il fut accueilli par la tribu Amazigh Aouraba, suite à sa défaite à la bataille de Fakh.
Il sera considéré par la suite comme le fondateur du royaume du Maroc. Ainsi, c’est sous
le règne des Idrissides et des Alaouites nommés chérifs, nom donné aux descendants du
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Prophète, que l’orthodoxie reviendra peu à peu au Maroc (Lugan, 2000).
La grande originalité de l’islam marocain réside dans le fait qu’il est le produit d’une longue
histoire et d’un brassage de rites, qui ne s’est pas déroulé à l’abri de la chose politique.
Au Maroc, le souverain représente à la fois le chef temporel et spirituel. Il est Commandeur
des croyants. Le peuple lui est lié par un lien d’allégeance politico-religieux. L’islam est le
pilier de l’État et de la société (Brown Kenneth L., 1976 ; Geertz, 1977 ; Lugan, 2000). Cette
réalité est encore renforcée par le « chérifisme » du souverain quand il appartient à une dy-
nastie se rattachant au Prophète Mohammed. Ce fut le cas avec les Idrissides aux VIIIe-Xe
siècles et, depuis 1664, avec les Alaouites (Lugan, 2000).
L’islam constitue la religion officielle de l’Etat marocain (selon la constitution votée en 2011),
l’islam provient de deux grandes sources. Les prescriptions du Coran révélées au prophète et
la Sunna qui correspond à la tradition prophétique transcrivant ses paroles et ses faits sous
forme de Hadiths.
Néanmoins, l’islam marocain connaît des spécificités en comparaison avec l’islam du Moy-
en-Orient, en raison de son contexte social et culturel.
En effet, parmi les éléments qui retiennent l’attention des anthropologues qui se sont in-
téressés aux formes d’expression cultuelle chez les Marocains, notamment avec l’étude de
la région de Sefrou pour Clifford Geertz et al., (1979) , dela Tariqa des Hamadcha par Vincent
Crapanzano en 2017 ou encore de la société Salétine par Keneth Brown (1976), on trouve

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la question du Maraboutisme. Le Maraboutisme est perçu par certains fondamentalistes
comme une hérésie voire une pratique remontant au Maroc païen. Ainsi Geertz et al., af-
firment que (1979 ; p.250) : « la forme de la zaouïa animée par un marabout n’a été en fait
que reprise par l’islam et trouve son origine dans un passé marocain plus ancien. Elle est
marocaine plus qu’islamique ». (Geertz et al., 1979) a fait cette distinction en niant la relation
entre les zaouïas au Maroc et les préceptes islamiques. Nous nous demandons d’ailleurs si
le passage effectué par Geertz en Indonésie où règne un islam orthodoxe proche du Wa-
habisme fondamentalement opposé à la prolifération des zaouïas, n’a pas poussé Geertz à
commettre l’erreur de confondre zaouïa et mausolée.
La zaouïa consiste en une institution vouée à un triple rôle : prédication, pérennisation de
la Tariqa du Cheikh de la confrérie, mais aussi école comme le souligne l’historien marocain
Abdallah Laroui (1993). A cet égard, la Tariqa constitue une forme d’institutionnalisation du
cheminement transcendantal d’une personne sur une voie spirituelle en suivant un maître.
Pour D’Iribarne, n.d., « L’école…(zaouîa) trouve d’autant mieux sa place dans cet ensemble
qu’elle constitue un lieu de prédication animée par une autorité simultanément spirituelle
et temporelle». C’est en ce sens que la « Zaouîa » a toujours occupé, dans l’esprit des maro-
cains, la représentation de l’apprentissage et de l’école tant vénérés par le message moral.
En revanche, la fréquentation des Marabouts en qualité d’intermédiaires avec Dieu ou en-
core la recherche de bénédiction ou de Baraka, dans le cadre des lieux de culte des saints,
sont considérés comme Chirk c’est-à-dire une forme d’hérésie.
Ainsi, D’Iribarne, dans son « analyse fouillée » du contexte marocain, considère le Marabout
comme incarnant la figure du dirigeant jouissant d’une légitimité charismatique et d’une
large influence parmi les siens. Dans le même sens, Hammoudi (2001) dans son célèbre
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livre « Maîtres et Disciples » se sert de l’image de la nature des relations ayant lieu dans le
cadre des zaouïas pour représenter les formes de pouvoir autoritaire et d’acceptation de la
domination. Il explique que les relations sociales, dans le contexte marocain, sont marquées
par des relations de domination/soumission reproduites dans toutes les sphères sociales à
l’image de la soumission des disciples et de la domination du maître. Pour lui, les images du
père-chef de famille et des enfants, du commandeur des croyants et des sujets via la logique
d’allégeance, du chef patriarcal et des membres de la tribu traduisent toutes l’acceptation
d’une répartition inégale du pouvoir, une acceptation enveloppée et légitimée par un dis-
cours d’appartenance religieuse.
Dans cette perspective, le concept de Makhzen est associé dans l’esprit du Marocain à
l’oppression, à l’excès de zèle et à l’injustice (Allali, 2008). Dans ce cadre, D’Iribarne fait
référence à une variable importante : la notion d’autorité. Selon lui, les Marocains sont très
respectueux de l’autorité tant qu’elle ne tourne pas à l’injustice. L’image du directeur re-
specté doit être accompagnée par une modestie de sa part et une répulsion pour l’oppres-
sion. C’est ce qui explique, dans l’histoire du Maroc, le recours aux zaouïas contre l’oppres-
sion du Makhzen. L’histoire du Maroc a démontré que la révolte peut même toucher les
zaouïas quand leurs mécanismes de redistribution des dons tombent en panne.

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Référents religieux et Management : un antagonisme de sens

Ces formes d’institutions religieuses ont eu une large part d’influence quant à l’acceptation
de l’autorité, cette dernière étant respectée qu’à la condition de préservation de la dignité.
D’Iribarne (1998, p.283) note ainsi que « dans les pays du Maghreb, un grand respect pour
l’autorité va couramment de pair avec une vive affirmation de l’égalité des humains… On
peut dire que, dans le contexte marocain, quelques signes d’égalité symbolique suffisent
pour donner naissance à une affirmation d’égalité, et que celle-ci ne débouche pas néces-
sairement sur des revendications de pouvoir ». D’Iribarne, (1998, 2000) trouve que c’est la
clé de voûte qui a permis une bonne mise en place des démarches de qualité totale de l’usine
de SGS Thomson à Casablanca.

1.2. Conceptualisation de la religiosité, de la spiritualité, et des


valeurs islamiques au travail
Etant donné l’importance de la religiosité et de la spiritualité dans le contexte marocain,
nous avons choisi de les conceptualiser dans le contexte spécifique des Sciences de ges-
tion. Pour cela, nous avons mis en lumière trois concepts découlant du phénomène religieux
comme le montre la figure 1 :
• la religiosité prise comme dimension culturelle de compréhension, d’intériorisation et
de mise en pratique du contexte canonique de référence ;
• la spiritualité envisagée dans le contexte islamique comme la dimension intérieure
(voire ésotérique) à travers laquelle le croyant souhaite se transcender vers la connais-
sance divine en combattant l’âme charnelle ;
et enfin la dimension des valeurs islamiques au travail permettant de voir l’opérationnalisa-
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tion des principes religieux de l’islam dans un contexte de travail.

Religiosité
La religiosité a fait l’objet d’un intérêt croissant en Sciences de gestion à travers plusieurs
travaux (El Akremi et al, (2007) ; Balambo, (2012) ; Balambo et Houssaini, (2013) ; Schwartz
and Huismans, (1995) ; Saroglou et al. (2004). Cette dimension a souvent été intégrée dans
des modèles explicatifs pour comprendre certaines sociétés à sensibilité religieuse, puis-
qu’elle est considérée comme une spécificité culturelle déterminant les comportements, les
attitudes et les perceptions des individus dans leurs relations aux autres.
L’inscrire comme dimension culturelle renvoie à une conception où les dimensions cultuelles
et rituelles, les expériences, les interactions avec la communauté, la compréhension, l’intéri-
orisation des textes canoniques donnent lieu à un comportement spécifique.
Comme nous l’avons montré plus haut, la société marocaine est largement marquée par la
religion. Elle donne ainsi lieu à des signes de religiosité correspondant à une sensibilité reli-
gieuse, à une compréhension vague de la religion se manifestant dans le comportement sans
qu’elle ne soit forcément en cohérence avec les préceptes originels de la religion.
Beaucoup de travaux attestent d’une forte religiosité dans le contexte marocain (Balambo,
2012, 2013 ; Bourquia et al. 2007 ; Geertz 1973 ; D’Iribarne 1997 ; Al Maache, 2002 ; Rachik
et Tozy, 2007).

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Une étude menée par le ministère de la Jeunesse et du sport marocain en 2011 souligne
qu’en réponse à une question sur la religion, 89% des jeunes affirment pratiquer et appliquer
les principes de l’Islam. L’étude recommande d’ailleurs aux parents de s’intéresser à l’éd-
ucation religieuse de leurs enfants. Sur le plan identitaire, 91% des jeunes questionnés se
considèrent d’abord comme musulmans, ensuite marocains (37%), puis amazighs (4%) et
enfin arabes (3%).

Spiritualité
La spiritualité jouit d’une importance grandissante dans la littérature managériale et dans
celle relative au comportement de consommation Tischler, 1999). Il convient alors de dis-
tinguer la religiosité de la spiritualité.
Si la religiosité renvoie à une compréhension, intériorisation et pratique d’un ensemble de
préceptes canoniques mis en place par une religion ; la spiritualité renvoie quant à elle, à un
cheminement personnel (quête de sens, accomplissement personnel) et son impact sur la
société. Dans le contexte organisationnel, cela s’assimile à la recherche d’un état personnel
hautement évolué ou de son potentiel le plus élevé, pouvant engendrer ainsi une plus grande
créativité, motivation et engagement organisationnel (Neck and Milliman, 1994).
Cela laisse à penser que la spiritualité pourrait être pensée à l’extérieur de toute apparte-
nance doctrinale ou religieuse.
Dans le contexte islamique et marocain plus particulièrement, cette quête spirituelle est
fortement associée au soufisme (Balambo et Houssaini 2014).
Le soufisme est, dans la tradition islamique, la voie ésotérique et mystique de l’islam. Il
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permet de cheminer vers Dieu à travers une expérience individuelle et un travail sur soi pour
s’élever spirituellement.
Il propose d’aller au-delà de la connaissance religieuse fondée sur des lois divines et des
prescriptions (la Charia) et se traduit par des connaissances exotériques pour atteindre
les vraies finalités de la religion. Le sens caché des révélations du Coran et de la tradition
prophétique sont alors recherchés au moyen de l’expérience individuelle (connaissances
ésotériques). Cette spiritualité doit conduire le disciple aux dévoilements divins à travers des
états intérieurs transcendants.
La spiritualité islamique a des implications doctrinales importantes : le soufisme préconise
de voir Dieu en toute chose, à travers une conception théologique de l’unicité de l’être et
de l’existant : seul Dieu existe, le reste n’est que son émanation (Wihdat al Woujoud). Cette
conception du divin très différente des écoles du Kalam en théologie musulmane implique
une relation spirituelle intime entre l’Homme et Dieu, et des répercussions sur sa vie.
Balambo et Houssaini (2014) synthétisent les implications du soufisme d’un point de vue
relatif aux consommations alimentaire et vestimentaire. Ces implications ont du sens chez
les soufis étant donné qu’il leur permet de combattre l’âme charnelle, responsable de tous
les maux.

Ce combat de l’âme charnelle pousse alors le soufi à se conformer à un code de conduite (Al
Adab), avec des conséquences sur tous les aspects de la vie sociale et les comportements

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comme l’ascèse (Zohd), la retraite (Khalwa), l’évocation continuelle de Dieu (Zikr), l’abondant
à Dieu (Tawakoul), la danse extatique, la purification du corps par la faim ou le jeûne pour
élever son âme charnelle considérée comme lieu des passions et des désirs (Balambo and
Houssaini, 2014).
Ce code de conduite (Adab) une fois appliqué dans toutes les sphères de la vie sociale devrait
permettre au soufi l’atteinte du sens et de la connaissance divine.

Éthique islamique au travail


L’éthique islamique au travail tire son origine des préceptes de l’islam. L’islam est fondé sur
cinq piliers : la profession de foi (Chahada) attestant « qu’il n’est de divinité que Dieu » et
que « Mohammed est le messager de Dieu ». La prononciation de cet énoncé engage défin-
itivement à devenir musulman. Le deuxième pilier (Salat) qui signifie « le lien (avec Dieu) »
est la prière obligatoire cinq fois par jour. Le troisième : le jeûne au mois de Ramadan oblige
tous les musulmans ayant atteint la puberté (avec des exceptions) à s’abstenir de manger,
boire et s’adonner aux rapports sexuels de l’aube au coucher du soleil. L’aumône religieuse
(Zakat) constitue le quatrième pilier : il s’agit d’un impôt de 2,5% sur la fortune thésaurisée
et destinée à financer des œuvres de bienfaisance. Le dernier pilier correspond au pèlerinage
(Hajj) à la Mecque au moins une fois dans la vie pour les personnes disposant des moyens
pour effectuer le voyage.
Dans ce contexte, l’éthique islamique au travail est conceptualisée comme étant une ori-
entation vers le travail abordé comme une vertu (Beekun 1997). Elle met l’accent sur le
travail acharné, l’engagement et le dévouement au travail, la créativité du travail, l’évitement
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de la méthode non éthique d’accumulation de richesse, de coopération et de compétitivité
sur le lieu de travail (Yousef, 2001). L’éthique musulmane intègre alors le travail en tant
que composante cruciale de la vie humaine. Dans un travail mené en 2000 sur la base de
l’analyse deux échantillons de managers en Grande Bretagne, les uns britanniques et les
seconds turcs, Arslan a relevé que ces derniers affichaient des indicateurs plus élevés de
performance. Il explique cela, par l’éthique islamique développée par l’échantillon turc, dont
les valeurs ressemblent aux valeurs calvinistes étudiées par Weber. Il constate alors que
l’éthique et le patrimoine islamique jouent un rôle central pour expliquer cette différence.

1.3. Hypothèses de recherche


Religiosité et performance
Plusieurs recherches attestent de la contribution positive de la religiosité dans un contexte
de travail (Kutcher et al., (2010); Liu, (2010) ; Natlianis et Raja (2002)). Dans le cas du Maroc,
D’Iribarne (1997) défend l’idée selon laquelle l’islam n’a pas d’effet magique sur le fonction-
nement des entreprises, mais contribue à façonner l’univers mental dans lequel le manage-
ment prend sens, en s’appuyant sur l’expérience réussie de la mise en place du Total Quality
Management dans une entreprise au Maroc puisant dans le vivier moral de la religion.
L’importance de la religiosité s’est traduite par la tolérance des symboles et des pratiques re-
ligieuses dans toutes leurs formes telles que les prières, vacances pour obligations religieus-

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es, et utilisation de langues religieuses (Garcia-Zamor, 2003). Nous constatons ainsi que la
religiosité ne se limite pas à une croyance mais se traduit en pratiques et comportements,
en l’occurrence, positifs pour les organisations. En ce sens, (Vasconcelos 2009) indique que
la religion est un sujet omniprésent dans toute société qui, à travers ses principes, tend à
influencer les comportements, les perceptions et les décisions individuelles des employés.

Un constat à nuancer car certains auteurs comme Saat et al. (2009) défendent l’idée selon
laquelle la religiosité ne se traduit pas forcément par un comportement et dépend de varia-
bles plutôt situationnelles.
Néanmoins, une grande partie de la littérature défend le fait que pour les personnes ayant un
degré de religiosité fort cela se traduit dans leur vie personnelle ou sociale et devrait avoir
également des répercussions sur leur comportement organisationnel. La religiosité constitue
ainsi le moyen de réaliser une forme d’identification et de cohérence entre la croyance, l’in-
tention et l’action. A titre d’ exemple, la recherche d’Adams, (2008) établit une corrélation
positive entre le respect de certains éléments cultuels notamment la prière et la motivation
dans un contexte de travail. De même, Jayarminghe et Soobaroyen (2007) mettent en ex-
ergue l’influence significative de la religiosité sur la forme que prend la responsabilité au
sein d’une organisation. La religiosité permet également de renforcer, sur le plan attitudinal
et comportemental, la moralité des décisions prises par les décideurs (Delener, 1994) et le
renforcement des attitudes positives au travail (Srednicki et Masco, 2010).
D’autres études démontrent que la religiosité peut constituer un facteur favorisant le lien de
confiance entre les supérieurs ayant un degré de religiosité fort et leurs subordonnées. Ainsi,
plus ils fréquentent les lieux de culte en groupe, plus cette confiance se renforce du fait
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que les uns et les autres se sentent dans une situation où ils ont l’obligation de démontrer
la cohérence de leurs actions par rapport à leurs croyances et leurs implications cultuelles
(Oler, 2004). Ceci a également été étayé par Bloodgood, Turnley, and Mudrack (2008) dans
leur étude sur les étudiants fréquentant très régulièrement les lieux de cultes. Leur étude
révèle que ceux-ci sont moins enclins à tricher bien qu’ils n’aient pas bénéficié d’un cours
d’éthique des affaires.
Au Maroc, Balambo (2013) prouve dans une recherche quantitative, que la religiosité con-
stitue le premier facteur explicatif de la mise en place d’une confiance affective entre les
membres d’une supply chain et favorise le développement de l’intégration relationnelle entre
les acteurs.
La religiosité peut avoir également un effet direct sur l’amélioration de la production. Mc-
Carty (2007) a ainsi mis en lumière l’amélioration du climat social et l’impact positif sur la
productivité des collaborateurs des prières collectives en entreprise.
Ce cadre conceptuel nous a permis d’émettre l’hypothèse suivante :
H1 : la religiosité a un impact positif sur la performance des collaborateurs dans un contexte
de travail.

Spiritualité et performance
La spiritualité telle que nous l’avons conceptualisée est différente de la religiosité, bien

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Référents religieux et Management : un antagonisme de sens

qu’il existe, comme c’est le cas dans la spiritualité musulmane, une imbrication entre les
deux. Cette spiritualité peut revêtir un sens très diffus, dans le sens où elle peut concerner
plusieurs aspects de la vie sociale.
Le contexte organisationnel en est un, dans la mesure où, comme le souligne Marques
(2006 p.885), celle-ci est : « la conscience que l’interdépendance, le respect et la recon-
naissance ne sont pas limités à nous-mêmes et à notre environnement privé, mais sont
également très applicables à tous ceux avec lesquels nous travaillons sur une base régulière
ou occasionnelle ». Ce rôle pourrait prendre davantage d’importance dans les sociétés mod-
ernes marquées par l’exacerbation de l’individualisme, où l’entreprise paraît comme un des
rares lieux d’interactions sociales, où des questions existentielles et/ou spirituelles pren-
nent toute leur légitimité. Il devrait donc y avoir une continuité entre l’engagement spirituel
et la conduite professionnelle dans le contexte du travail. Par exemple, Wang (2010)
démontre comment dans le contexte du confucianisme chinois, les acteurs impliqués
dans des supply chains arrivent à développer la coopération et une répulsion pour l’op-
portunisme, en s’appuyant sur les valeurs spirituelles du confucianisme chinois. Dans le
même contexte asiatique, certains auteurs (Mohamed et al. 2004) mettent en lumière l’in-
térêt des entreprises pour les philosophies spirituelles orientales qui expliquent certaines
réussites professionnelles.
Dans la même lignée, Balambo (2013), dans le contexte marocain, démontre que les vertus
traditionnelles de Niya (cohérence entre l’intention et l’action) et Lkelma (le sens de la parole
donnée) ancrées dans la spiritualité musulmane influencent très significativement l’attribu-
tion de la confiance dans un contexte de supply chain.
La spiritualité permettrait d’améliorer le rapport du collaborateur au travail en lui donnant
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du sens, ainsi que sa loyauté envers l’entreprise, son adéquation avec son environnement
(Eck, 2001) et son engagement professionnel (Khanifar, Jandaghi, and Shojaie, 2010).
La spiritualité offrirait également aux collaborateurs la possibilité de répondre à des ques-
tionnements ontologiques liés au sens donné à la vie et au travail lui-même. Ainsi, les entre-
prises intégrant cette conception, ne considèrent plus les collaborateurs simplement comme
des détenteurs de compétences et de connaissances professionnelles mais tiennent égale-
ment compte des préoccupations de sens qui nourrissent et légitiment leur travail au sein
d’une entreprise (Ashmos et Duchon 2000). Dans une étude portant sur le contexte des
organisations sanitaires, Dawn et Douglas, (2010) ont mis en exergue les liens significatifs
existants entre la spiritualité et l’éthique au travail, la satisfaction, l’engagement, et les com-
portements de citoyenneté.

Dans le contexte de la spiritualité islamique, une étude en Malaisie a révélé que les entre-
preneures musulmanes expliquent en grande partie leur succès par la spiritualité. Pour elles,
la spiritualité leur a permis de mieux gérer les aléas liés aux projets, de mieux contenir
le stress, et d’améliorer leur motivation (Grine et al., 2015).
Pour Karakas, (2009) la spiritualité est bénéfique pour les collaborateurs et participe
à la performance organisationnelle à travers le bien-être et la qualité de vie des employés.
Elle contribue à donner du sens au travail, et au développement d’un sentiment d’intercon-

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nexion avec les membres de l’organisation.
Selon McGee et Delbecq (2003), la méditation spirituelle peut améliorer la prise de décision
au sein d’une entreprise. Ils ont affirmé que les dirigeants considèrent que la prière leur
est bénéfique car cela les aide à maintenir leurs capacités mentales et émotionnelles à un
niveau optimal et ils se sentent inspirés pour prendre des décisions satisfaisantes.
L’un des aspects intéressants de la spiritualité consiste en sa capacité à créer le lien et l’in-
terconnexion avec les membres de la communauté, en se donnant pour mission de les servir
et de veiller à leur bien-être. Cette dimension interpersonnelle pousse les collaborateurs à
créer un climat social adéquat, à améliorer leur engagement et implique de la performance
au travail (Neal, 1997).
En ce sens, Thompson (2000) constate que les entreprises où règne de la spiritualité réalis-
ent des taux de croissance, des bénéfices nets, des retours sur investissement et des cours
d’action plus élevés que les autres.
Ce développement nous permet d’émettre l’hypothèse suivante :
H2 : la spiritualité a un impact positif sur la performance des collaborateurs dans un contexte
de travail.

Ethique islamique au travail et performance


L’éthique islamique au travail a été étudiée par un bon nombre de chercheurs. En ce sens,
Wahbir (2010) a souligné l’existence d’une relation significative entre l’éthique islamique
au travail et l’implication organisationnelle. Ali et Al Owaihan (2008) ont démontré qu’elle
contribue à l’atteinte de la performance dans les entreprises.
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Les organisations qui s’engagent dans une démarche d’éthique islamique contribuent à la
réussite et au bien-être de l’organisation, garantissent la prospérité des parties prenantes et
participent au bien-être de la société (Jalil et al., 2010). Elles arrivent également à créer une
satisfaction professionnelle, un engagement et un bon climat social (Ali and Al Owaihan,
2008). Ali (1992) a déclaré que l’éthique du travail islamique valorise le travail acharné, l’ef-
fort, la concurrence, la loyauté, la transparence et le comportement moralement responsa-
ble. Le collaborateur estime qu’il est important que les principes fondés sur la Charia doivent
s’incarner dans les faits, les actions, et les décisions.
L’éthique islamique au travail permet également, selon Jalil et al. (2010), l’amélioration du
fonctionnement de l’entreprise, de la satisfaction de la clientèle, et de l’image de l’entreprise
auprès des parties prenantes. Elle devrait permettre également une amélioration de la qual-
ité et de la performance individuelle des collaborateurs (Ahmad 2011).
Ali (1992) a observé un lien entre l’éthique islamique au travail et l’innovation individuelle.
Les employés ayant adopté l’éthique islamique au travail, trouvent moins d’ambiguïté dans
le rôle qu’ils ont à exercer au sein de leur entreprise ce qui réduit le stress au travail et a des
conséquences favorables sur eux-mêmes et leur performance.
Yousef (2001) souligne l’existence d’un lien entre éthique islamique au travail et fidélité or-
ganisationnelle conduisant à la performance des organisations. Les collaborateurs affichent
en effet, une plus grande fidélité à l’entreprise ce qui améliore leur apprentissage et leur

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Référents religieux et Management : un antagonisme de sens

créativité. Kumar et Rose (2010) abondent également en ce sens en mettant en exergue le


lien entre performance organisationnelle et éthique islamique au travail. Ce cadre conceptu-
el nous permet d’émettre l’hypothèse suivante :
H3 : l’éthique islamique au travail a un impact positif sur la performance des collaborateurs
dans un contexte de travail.

Figure 1 : le modèle conceptuel de la recherche


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2. Méthodologie : test du modèle théorique dans le contexte marocain


Cette partie aura pour objectif de décrire les procédures d’opérationnalisation des variables,
de recueil des données, les caractéristiques de l’échantillon, l’analyse des données, des
résultats et leur discussion.

2.1. Opérationnalisation des variables, recueil des données et


description de l’échantillon
L’opérationnalisation des variables s’est fondée sur des échelles de mesure existantes. Pour
la religiosité, nous avons opté pour l’échelle de Choi et al. (2010) adaptée et contextualisée
par Balambo (2012) dans le contexte marocain. Cette échelle se fonde sur plusieurs échelles
préexistantes et a démontré sa validité et fiabilité dans plusieurs contextes culturels. Cette
échelle s’appuie sur trois items adaptés et modifiés de l’échelle originelle de la «Duke Uni-
versity Religion Index» développée et testée par Hill et Hood (1999) à partir d’un item de

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l’échelle de McDaniel et Burnett (1990), et deux items de l’échelle d’ Hoge (1972).
La spiritualité a été opérationnalisée à travers l’échelle d’Hodge (2008). Cette échelle com-
posée de six items semble adaptée à une utilisation dans un contexte islamique.
L’éthique islamique au travail a quant à elle, été mesurée sur la base de l’échelle d’Abbas,
2001), soit l’échelle la plus utilisée pour mesurer cette variable dans la littérature.
Enfin, la performance au travail a été mesurée sur la base de l’échelle de Goodman et Svy-
antek, (1999).
Les trois dernières échelles ont fait l’objet d’une traduction en double aveugle.
Les données de la recherche ont été collectées par l’entremise d’un questionnaire administré
auprès de travailleurs au Maroc via un questionnaire en ligne et un échantillon de conv-
enance. De l’ensemble des répondants, nous avons retenu 227 questionnaires exploitables.
Les caractéristiques de l’échantillon sont présentées en Annexe n°1. Dans l’ensemble, notre
échantillon est composé de 61% d’hommes et de 39% de femmes. Les répondants ayant 18
à 24 ans représentent 17% des personnes interrogées, les 25 à 34 ans représentent 48%, les
35 à 44 ans 24%, les 45 à 54 ans 7,9%, les 55 à 65 ans 2,9%, les plus de 65 ans moins de 1%.
Le niveau de scolarité traduit un niveau relativement élevé. En effet, les détenteurs du bac-
calauréat et moins représentent 4%, la licence 10,6%, le Bachelor 18,1%, le master 35,2%,
et le doctorat 30%.
Le niveau hiérarchique des répondants correspondait pour 27,8% au statut d’employés,
21,1% à celui de responsables-gérants, et 51,1% de cadres supérieurs.

2.2. Procédure d’analyse des données sous équations structurelles


L’analyse des données recueilles aura pour objectif de tester les relations causales sup-
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posées de notre modèle. Pour atteindre cet objectif, nous procéderons à des modélisations
d’équations structurelles au moyen du logiciel AMOS 24 pour vérifier les liens entre toutes
les variables indépendantes, dépendantes et de contrôle. Ce type de modélisation, outre le
fait qu’il renvoie, entre autres, à un ensemble de méthodes statistiques pertinentes pour ex-
aminer la viabilité du modèle théorique, présente plusieurs avantages par rapport à d’autres
techniques telles que la régression multiple. D’un côté, il tient compte des erreurs de mesure
dans les estimations des coefficients structurels. De l’autre côté, il permet de tester, de façon
simultanée, les relations justifiées théoriquement entre plusieurs variables.
La technique que nous avons retenue pour effectuer des équations structurelles est l’ap-
proche basée sur la variance et la technique du maximum de vraisemblance en tant que
méthode d’estimation en raison de sa robustesse avec les diverses tailles des échantillons et
types de variables (Kline, 2005).
Pour vérifier si le modèle de mesure reproduit convenablement les données empiriques, nous
rapporterons les trois indicateurs suivants (tableau 1) : le CFI « Comparative Fit Index », le
RMSEA « Root Mean Square Error of Approximation » et le CMIN « Minimum Discrepancy
and Degree of Freedom ». Le choix de ces trois indices est motivé par plusieurs raisons. En
général, il n’est ni pratique, ni nécessaire de rapporter tous les indices issus du programme
des équations structurelles compte tenu de leur multitude (Hooper et al., 2008). Ces trois in-
dices retenus ont été recommandés par plusieurs auteurs tels que Boomsma, (2017), Hooper

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Référents religieux et Management : un antagonisme de sens

et al., (2008), et Kline (2011).


Le CFI compare le modèle étudié au modèle correspondant au cas de l’indépendance entre
les variables manifestes. Il compte parmi les indices les moins influencés par la taille de
l’échantillon (Fan, Thompson et Wang, 1999) et il est, en conséquence, utile même lorsque
celle-ci est petite (Tabachnick et Fidell, 2007). Cet indice postule que les variables latentes
ne sont pas corrélées (modèle nul) et compare la matrice de covariance de l’échantillon à ce
modèle nul. Les valeurs de cet indice varient entre 0,0 et 1,0. Quand sa valeur tend vers 1,0,
cela indique un bon fit. Un point de césure est fixé à une valeur de CFI ≥ 0,90 pour éviter
d’accepter des modèles mal spécifiés (Hu and Bentler, 1999).
Le RMSEA constitue un indicateur de la qualité du fit du modèle eu égard à la matrice de
covariance des populations (Byrne, 2010). Cet indicateur est considéré comme l’un des meil-
leurs indices de fit (Diamantopoulos et Siguaw, 2000). Il tient compte de la complexité du
modèle (Mueller et Hancok, 2008). La valeur de césure de cet indice ne fait pas l’unanimité
chez les chercheurs. En effet, Hu et Bentler (1999) recommandent une valeur ≤ 0,06 ; tandis
que Steiger (2007) avance une valeur ≤ 0,07. Dans le cadre de la présente recherche, nous
considérons la valeur la plus conservatrice des deux, soit ≤ 0,06.
De plus, ces deux indices, soit le RMSEA et le CFI, ne sont pas sensibles aux mauvaises
spécifications du modèle, ni à l’estimation des paramètres (Hooper et al., 2008).
Le test d’indépendance du khi-deux mesure l’écart entre la matrice des variances, covari-
ances observées et la matrice de même nature prédite par le modèle. Celui-ci est accepté
si X est le plus grand possible et la probabilité associée p≥ 0,05. Étant donné que le X2 est
sensible à la taille de l’échantillon, nous recourrons plutôt à son rapport sur la valeur des
degrés de liberté : X2 /dl ou CMIN. Le CMIN, qui est donc un chi-deux relatif, fait partie des
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indices de fit qui a été élaboré pour contrer les limites du chi-deux (Byrne, 2010). Cet indice
est statistiquement significatif lorsque sa valeur est ≤ 2.00 (Ullman, 2001).
En résumé, l’évaluation de la qualité de l’ajustement du modèle théorique aux données em-
piriques se basera sur les indices figurant dans le tableau 1.

©Éditions EMI 69 Revue M&I / N° 1 / Mars 2020


Pour attester des retombées scientifiques et pratiques d’une étude, il est crucial d’obtenir
une amplitude modérée de l’effet de taille (size effect) lors du recours aux équations struc-
turelles. A cet égard, les critères requis sont doubles : d’une part, avoir des coefficients
structurels égaux ou supérieurs à 0,30. D’autre part, le ratio lié au nombre de sujets par
paramètre est nécessaire afin d’obtenir une puissance statistique suffisante pour détecter
une amplitude modérée de l’effet de taille. Ce ratio doit être supérieur à 5 pour s’assurer
d’atteindre cette puissance statistique. Dans le cas de la présente étude, l’échantillon étant
de 227 sujets avec 33 paramètres à estimer, le ratio est de presque 7. Il s’ensuit que la puis-
sance statistique s’avère suffisante pour mener convenablement les équations structurelles.

2.3. Résultats
Les analyses descriptives (Annexe 2) révèlent que tous les indicateurs possèdent une distri-
bution normale à en juger par les valeurs des tests d’asymétrie (Skewness) et d’aplatisse-
ment (Kurtosis). En effet, les énoncés des échelles ne posent pas de problème de normalité
étant donné que la valeur absolue de l’asymétrie se situe entre -2 et +2 (Tabachnik et Fidell,
2007) et que celle de l’aplatissement ne dépasse pas 8 en valeur absolue (Roussel et Wa-
cheux, 2005).
Des analyses au moyen d’équations structurelles ont été menées dans le dessein de tester
les hypothèses d’influences de la spiritualité, de la religiosité et de l’éthique islamique du
travail sur la performance des travailleurs. Pour ce faire, le logiciel AMOS 24 a été mobilisé
pour estimer les coefficients et les indices.
L’analyse du modèle structurel traite de l’appréciation de l’ajustement de ce modèle aux
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données empiriques. Par conséquent, il est question d’analyser et d’évaluer les indices
d’ajustement, d’analyser le degré de signification et le sens des relations en interpelant les
coefficients de régression.
Les résultats démontrent que le modèle de mesure reproduit rigoureusement les données
empiriques : CFI = 0,849 ; CMN/DF =3,357; RMSEA = 0,001. De plus, les corrélations (une
fois l’erreur de mesure contrôlée) entre les diverses dimensions liées à la spiritualité, la relig-
iosité et l’éthique islamique du travail sont particulièrement élevées.
L’ajustement du modèle est mesuré par le ratio CMIN sur DF (khi carré/degrés de liberté).
Le khi-deux rapporté au degré de liberté est un indice de bon ajustement. Il est acceptable
lorsqu’il se situe près de 1 et inférieur à 5 (Kline, 2011). Comme le khi-deux de notre modèle
est de 3,357 avec un degré de liberté de 21, le ratio khi-carré/degrés de liberté équivaut à
3,357, ce qui est acceptable selon les standards prescrits. Plus le khi-deux est petit, moins
les covariances faisant objet de l’estimation varient au regard des covariances de l’échantil-
lon. Il convient de mentionner qu’un khi-deux nul implique que les covariances faisant objet
de l’estimation et celles de l’échantillon sont identiques. La probabilité que cette observation
de 3,357 se vérifie est de 0,00.
Les influences des variables indépendantes : spiritualité, religiosité et éthique islamique du
travail sur le rendement des travailleurs ont été empiriquement testées, tout en ayant re-
cours aux variables de contrôle pour le genre, l’âge, le niveau de formation et le poste du

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Référents religieux et Management : un antagonisme de sens

répondant. Les analyses révèlent que seule l’influence de l’éthique islamique du travail sur
la performance des travailleurs est statiquement significative (tableau 2).
Ainsi, selon ces résultats, l’hypothèse nulle, selon laquelle les paramètres requis pour avoir
des estimations égales, est vérifiée. Comme le tableau ci-dessous le montre, la plupart des
liens proposés par le modèle, y compris concernant les variables de contrôle, ne sont pas
vérifiés.

Tableau 2 : Vérification des liens proposés par le modèle


Seule l’éthique islamique au travail a une influence positive et statistiquement significative


sur la performance (0,453***).
En d’autres mots, les aspects économiques, moraux et sociaux de l’éthique du travail de la
tradition musulmane semblent influencer la performance des répondants au travail et leur
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rendement.
En général, les variables de contrôle, à savoir le sexe, l’âge, le niveau de formation et le
poste du répondant ne semblent pas influencer de manière statistiquement significative la
performance des répondants.

2.4. Discussion des résultats


Les résultats présentés par cette étude rompent avec une conception très répandue dans
la littérature prônant l’existence d’un lien significatif entre religiosité, spiritualité, et perfor-
mance au travail.
Bien que l’on soit dans un pays ayant à chaque fois un score très élevé de religiosité (Bal-
ambo, 2012, 2013) et une orientation spirituelle importante (D’Iribarne, 1994 ; 1997), cela ne
semble pas avoir un effet sur la performance au travail.
Ce constat peut s’expliquer par plusieurs éléments. Tout d’abord, la société marocaine est
considérée par les anthropologues comme étant une société segmentaire (Geertz, 1973). La
segmentarité formalisée par Durkheim (1893) sur la base des prolégomènes d’Ibn Khaldoun,
consiste à segmenter les sphères sociales dans le cadre d’un emboitement hiérarchique
dans des structures traditionnelles. L’individu se trouve alors dans des situations où il dis-
pose de points d’ancrage en fonction du niveau de segmentation ou de la sphère sociale.

©Éditions EMI 71 Revue M&I / N° 1 / Mars 2020


En ce sens, nous pouvons dire que l’individu bien qu’affichant un fort degré d’appartenance
religieuse ou spirituelle, celle-ci se limite à la sphère personnelle et privée et ne débouche
pas sur une continuité de l’action au niveau de l’entreprise, où des logiques calculatoires
ou transactionnelles vont prendre le relais. Il existe donc une forme d’autonomie des sphères:
chaque sphère induit une logique d’acteur et obéît à une hiérarchisation des espaces en
fonction des enjeux de la sphère.
La deuxième explication à cette réfutation de l’influence de la religiosité et de la spiritual-
ité sur la performance vient des caractéristiques de la société marocaine comme société
post-traditionnelle (Balambo, 2012). En effet, la caractéristique des sociétés post-tradition-
nelles est qu’elles vivent dans des structures appartenant à la modernité mais qui puisent
dans leurs référentiels traditionnels pour agir. A cet égard, la culture marocaine est indubi-
tablement marquée par un ancrage dans la tradition mais sans reniement de l’appartenance
à la modernité, c’est-à-dire que les représentations et les rapports donnent une importance
aux symboles identitaires (le port de la Djellaba, le Tchamir, le salon beldi (traditionnel),
la fête du Miloud…) avec la coexistence de symboles modernes (le port du Jean, le salon
Roumi (moderne), la fête du réveillon…). Cette complexité vient de la juxtaposition entre le
passé et le présent, entre le Beldi (traditionnel) et le Roumi (Moderne), entre la religiosité
et l’indifférence religieuse, entre une laïcité réelle et un discours d’appartenance religieuse.
Tout ceci témoigne de la complexité culturelle des sociétés post-traditionnelles (Balambo,
2012).
C’est ce discours d’appartenance religieuse qui explique la confirmation de l’impact de
l’éthique islamique au travail sur la performance. En effet, les travaux de Weber, bien que
portant sur la branche ultra moderne du calvinisme, a permis de démontrer que l’éthique
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qui en résulte a permis de produire un type d’Homme capable de raisonner en termes de
légitimité d’action par rapport à son référentiel religieux.
Dans son article sur une entreprise « excellente » à Casablanca, D’Iribarne (1997) défend
l’idée selon laquelle l’islam n’a pas d’effet magique sur le fonctionnement des entreprises,
mais contribue au façonnement d’un univers mental dans lequel le management prend sens.
En l’occurrence, l’action de l’individu en entreprise se trouve légitimée par un discours d’ap-
partenance religieuse jouant le rôle de vivier de valeurs pour orienter l’action, où une éthique
islamique est développée dans un contexte de travail.
Au Maroc, cette éthique islamique se trouve davantage mobilisée par le management dans
de nombreuses entreprises. Elle s’est trouvée renforcée par l’idée de développer un éthos
économique islamique où la figure du manager mobilisateur s’approche de celle du prédi-
cateur.

Conclusion
Ce travail avait pour objectif de vérifier, dans un pays à forte religiosité, le lien potentiel entre
la religiosité, la spiritualité, et l’éthique islamique au travail avec la performance des collabo-
rateurs. Les résultats générés permettent de confirmer l’existence d’un lien significatif entre
l’éthique islamique au travail et la performance. Cependant, la religiosité et la spiritualité
n’ont pas d’effet direct sur la performance au travail.

©Éditions EMI 72 Revue M&I / N° 1 / Mars 2020


Référents religieux et Management : un antagonisme de sens

Les résultats de ce travail possèdent des implications théoriques importantes. En effet, la


littérature s’intéressant au contexte marocain suppose souvent, sans vérification empirique,
l’influence positive de la religiosité et de la spiritualité au travail. Ce travail permet de réfuter
ce postulat en démontrant que le collaborateur marocain agit de façon segmentaire dans
ses différentes sphères sociales en matière de religion. De surcroît, l’appartenance à une
société en transition revêtant les caractéristiques d’une société post-traditionnelle permet
d’exacerber ce trait.
Ces résultats ont également des implications managériales. En effet, les organisations ma-
rocaines et celles étrangères œuvrant au Maroc sont désormais en mesure de prendre en
compte l’éthique islamique au travail étant donné son importance vis-à-vis de la perfor-
mance des employés au travail.
Une limite à notre travail, inhérente à sa base d’échantillonnage peut toutefois être soulevée.
Nous nous sommes en effet, fondés sur un échantillon de convenance en l’absence de base
de données permettant des méthodes probabilistes. Ainsi, les répondants appartiennent en
grande majorité à des niveaux d’encadrement (72%), et de formation (96% ont plus que le
Bac) élevés. Les résultats pourraient être différents s’ils portaient sur des niveaux d’encad-
rement inférieurs.
Dans nos travaux futurs, il serait judicieux d’élargir la base de sondage pour inclure des
niveaux d’encadrement inférieurs, mais aussi des environnements de travail moins corporate
comme les corporations artisanales ou les très petites entreprises qui pourraient donner lieu
à des résultats plus nuancés.

Bibliographie
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