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Films Newsletter Semaine Du 16 Mai
Films Newsletter Semaine Du 16 Mai
Décembre 1897, Paris. Edmond Rostand n’a pas encore trente ans mais déjà deux
enfants et beaucoup d’angoisses. Il n’a rien écrit depuis deux ans. En désespoir de
cause, il propose au grand Constant Coquelin une pièce nouvelle, une comédie
héroïque, en vers, pour les fêtes. Seul souci : elle n’est pas encore écrite. Faisant fi
des caprices des actrices, des exigences de ses producteurs corses, de la jalousie de
sa femme, des histoires de cœur de son meilleur ami et du manque d’enthousiasme
de l’ensemble de son entourage, Edmond se met à écrire cette pièce à laquelle
personne ne croit. Pour l’instant, il n’a que le titre : « Cyrano de Bergerac ».
Alexis Michalik est un enfant prodige du nouveau théâtre français. Michalik décida
de monter Edmond pour le théâtre. Le succès critique et public d’Edmond, entériné
par cinq Molières, fut à l’origine de la transposition du matériau au grand écran… à
l’initiative de producteurs de cinéma souhaitant désormais récupérer les fruits de la
réussite d’un spectacle vivant. Edmond est un séduisant objet de cinéma, subtil dans
la mise en abyme mettant en avant le parallèle entre l’inspiration de Rostand et celle
de son personnage.
Le principal sujet d’Edmond est la création artistique. Mais il ne s’agit pas, ici, de
simplement décrire le processus, de le rendre scientifique ou mathématique, de le
montrer comme une succession d’éléments influencés par des paramètres définis.
Créer une oeuvre, la penser, la construire, nécessite de faire don de sa personne.
Les péripéties d’Edmond montrent bien qu’une oeuvre, lorsqu’elle naît, évolue au fil
des impondérables, de l’inspiration et des événements, avant d’arriver à maturation.
Edmond traite de la malléabilité et de l’imprévisibilité d’une œuvre, qui, malgré son
aspect fictif, contient toujours une part de réel et de vivant en elle.
Visuellement, le film est beau : la variété des costumes, les décors (des rues aux
théâtres, en passant par les cafés) sonnent juste, de même pour les quelques effets
numériques utilisés lors des plans larges surplombant Paris. Cette générosité se
retrouve également dans la mise en scène, étonnamment virtuose et inspirée.
Ainsi Edmond développe-t-il son histoire avec maîtrise et passion, soucieux de
mettre au centre de l’attention le couple Edmond-Coquelin, ou plutôt Edmond-
Cyrano, puisque ce dernier sonne évidemment comme le reflet poétique du jeune
écrivain : parallèle que le film exploite efficacement, sans tomber dans
l’identification facile et peu subtile, mais en montrant au contraire, par l’alternance
entre le récit de la vie personnelle d’Edmond Rostand et celui de la naissance
progressive de Cyrano, l’infranchissable gouffre qui sépare l’auteur de son
personnage, malgré leur connivence.
Le film disserte sur cette aliénation du créateur dans sa créature, à quel point celle-
ci le tient éloigné de sa réalité et de ceux qui l’aiment, le positionnant, sa troupe et
lui, seuls face à tous ; pour finalement, lors d’un final à l’émotion incontestable, le
ramener à lui-même et faire de cette longue dépossession une épreuve salutaire
dont il sort transfiguré.
Edmond est un film qui force l’enthousiasme, parce qu’il est écrit et réalisé par un
Alexis Michalik passionné qui domine son sujet, interprété par des acteurs investis,
et qu’il permet à cette pièce de théâtre d’atteindre sa forme la plus noble et de
franchir avec brio le cap (…) périlleux de l’adaptation.
Se met en place, entre Ada, Alisdair et George, une dynamique ne relevant pas tant
du triangle amoureux que de la lutte de pouvoir : Alisdair considère Ada comme
son bien et entend la forcer à l’aimer, George ramène le piano chez lui afin de
négocier l’affection d’Ada. Quant à la principale intéressée, elle désire récupérer ce
qui est plus qu’une possession, mais une part d’elle-même.
Initialement, Ada rejette les deux hommes. Puis, elle en vient à s’éprendre de
George, faux rustre cachant une vraie sensibilité, par opposition à Alisdair, faux
gentleman dissimulant une vraie brutalité.
Jane Campion s’amuse des passions, des désirs et des pulsions de ses personnages
dans le but de les confronter avec leurs sentiments et leurs émotions les plus
profondes. Et pour cela, elle met en place un univers basé sur les opposions les
plus vives et les plus intenses : la liberté et le naturel des autochtones dont les
visages sont peints par des signes tribaux et les corps laissés libres face au
puritanisme, à la rigueur et au conservatisme des « colons » dont les corps sont
dissimulés et prisonniers des corsets et des gaines. Même Baines est assimilé aux
indigènes et à leur vie sauvage, face à Alistair, représentant des bonnes mœurs de la
civilisation. Le silence d’Ada fait face aux commérages sans fin du club des bigotes.
La passion de la musique d’Ada s’oppose à l’académisme des autres musiciennes.
Ces dualités, pesantes et contraires, obligent les personnages à choisir. Ils ne
peuvent pas appartenir aux deux univers mis en scène. Leurs décisions, leurs désirs,
leurs fantasmes et leurs émotions ont des conséquences funestes sur leur sort et sur
celui des autres.
Oppositions mais aussi paradoxes, tout le paradoxe de ce film se voit
particulièrement dans la scène culte : la vengeance atroce du mari d’Ada est d’une
violence sans nom, sa rage contraste avec la grande beauté et la grande mélancolie
qui se dégage de la musique qui accompagne la scène. L’acte barbare de couper un
doigt à sa femme pianiste fait froid dans le dos tant l’acteur est habité par la colère
et Ada, elle, par le désespoir d’avoir perdu ce qui la reliait à son piano. C’est sans
doute l’une des plus belles chutes du cinéma, et la plus dramatique aussi, qui suit
cette scène avec Ada marchant de dos et tombant peu à peu dans un désespoir et
une tristesse sans nom. Cette tristesse, on la retrouve tout au long du film
Il faut encore ajouter un atout de grande importance : la musique. Elle est le
langage d’Ada. Elle exprime ses doutes et ses certitudes, sa force et sa faiblesse, sa
délicatesse et sa brutalité. Les airs au piano accompagnent et épousent parfaitement
l’humeur et les sentiments d’Ada. Mélodies entêtantes, mélodies grandiloquentes,
mélodies lancinantes, toutes trouvent une résonance particulière et universelle chez
le spectateur qui s’abreuve des notes. Une fascination s’opère et nous accroche
pour nous guider dans le labyrinthe des émotions des personnages.
Si Jane Campion se veut féministe et a pour habitude de prendre des femmes
comme personnages principaux afin d’en montrer la force dans leur quête de liberté
dans un monde d’hommes, La Leçon de piano pose quelques questions quant au
traitement des agressions sexuelles jusqu’à interroger nos propres perceptions.
Pourquoi le cinéma rend-il sublime et poétique une scène d’abus sexuel ? Comment
nous, spectateurs, pouvons-nous trouver cela beau alors que l’acte est ignoble ?
Quel est le rôle de l’artiste ici ? La Leçon de piano fait autant se révolter qu’aimer.
L’érotisme discret est aussi beau qu’infâme et pourtant, l’intensité de l’œuvre fait
apprécier l’ensemble
La leçon de piano aurait pu être un énième film sur un trio amoureux. Mais par sa
mise en scène, par son regard sur la passion et sur le désir, par son image
impeccable et sa musique enivrante, Jane Campion réalise l’un de ses chefs
d’œuvres. Imprégné de sentiments et de ressenti, de mystères et de certitudes, le
film gagne en intensité et en force grâce aux qualités techniques de la réalisatrice.
Une réussite.La leçon de piano sorti sur les écrans en 1993, a été un succès public et
critique. Le film a remporté 3 Oscars ainsi que la Palme d’Or, permettant à Jane
Campion d’être la première femme à avoir obtenu cette distinction.
L'histoire se situe dans la Sicile du XIXe siècle, durant les années 1861-1863, lors
du débarquement de l'armée de Garibaldi. Don Fabrizio, prince de Salina, habite
une luxueuse demeure aux environs de Palerme. C'est là qu'il apprend que les
troupes garibaldiennes s'apprêtent à envahir l'île. Le prince ne s'émeut pas outre
mesure des événements qui agitent un monde en pleine mutation, car il a appris à
les considérer avec un certain recul. Ne voulant en aucun cas changer ses habitudes,
décide-t-il de partir en villégiature avec sa femme et ses sept enfants dans sa
résidence de campagne, où la population l'accueille avec respect et affection. Lors
du banquet qu'il offre pour fêter son retour au village, le maire don Calogero
présente sa fille, la splendide Angelica, dont la beauté et la joie de vivre séduisent
immédiatement le jeune et fougueux Tancrède. Deux ans plus tard, quand
Tancrède, le neveu du prince Salina, qui s'était enrôlé dans l'armée régulière
piémontaise, afin de soutenir le retour de la monarchie constitutionnelle en la
personne de Victor-Emmanuel, revient dans sa famille, impatient de revoir
Angelica, les pères se sont déjà entendus pour faciliter l'union qui réunira la
nouvelle bourgeoisie, ardente et ambitieuse, à la vieille aristocratie, digne et
résignée. C'est à l'occasion d'un bal fastueux qu'Angelica fait son entrée officielle
dans le monde, accueillie par les officiers du royaume et les bourgeois parvenus, et
par le prince Salina lui-même, avec lequel elle danse une valse que l'assemblée,
subjuguée par la beauté du couple, contemple avec ravissement.
Cette scène du fastueux bal qui occupe un tiers du film est aussi la plus célèbre, la
plus significative, la plus fascinante. Elle marque d'abord par sa magnificence et sa
somptuosité : somptuosité des décors, soin du détail du Maestro Visconti qui
tourna cette scène en huit nuits parmi 300 figurants. Magnificence du couple formé
par Tancrède et Angelica, impériale et rayonnante dans sa robe blanche.
Rayonnement du couple qu’elle forme en dansant avec Salina, aussi. La fin du
monde de Salina est proche mais le temps de cette valse, dans ce décor somptueux,
le temps se fige. Ils nous font penser à cette réplique de Salina à propos de la Sicile :
"cette ombre venait de cette lumière". Tancrède regarde avec admiration, jalousie
presque, ce couple qui représente pourtant la déchéance de l’aristocratie et
l’avènement de la bourgeoisie. Un suicide de l'aristocratie même puisque c’est Salina
qui scelle l’union de Tancrède et Angelica, la fille du maire libéral, un mariage
d’amour mais aussi et avant tout de raison entre deux univers, entre l'aristocratie et
la bourgeoisie. Ces deux mondes se rencontrent et s’épousent donc aussi le temps
de la valse d’Angelica et Salina. Là, dans le tumulte des passions, un monde
disparaît et un autre naît. Ce bal est donc aussi remarquable par ce qu’il symbolise :
Tancrède, autrefois révolutionnaire, se rallie à la prudence des nouveaux bourgeois
tandis que Salina, est dans une pièce à côté, face à sa solitude, songeur, devant un
tableau de Greuze, la Mort du juste, faisant « la cour à la mort » comme lui dira
ensuite magnifiquement Tancrède.
Angelica, Tancrède et Salina se retrouvent ensuite dans cette même pièce face à ce
tableau morbide alors qu’à côté se fait entendre la musique joyeuse et presque
insultante du bal. L’aristocratie vit ses derniers feux mais déjà la fête bat son plein.
Devant les regards attristés et admiratifs de Tancrède et Angelica, Salina s’interroge
sur sa propre mort.