Vous êtes sur la page 1sur 8

1

Université Saint-Esprit De Kaslik


Faculté pontificale de théologie

Philosophie Contemporaine

Code du cours (202320 – PHI458 - 22552)

Dissertation

Présenté à : Pr. Jean REAIDY

Préparé par : Ghady SAMAHA

(ID : 202202402)

Mars 2023
2

Table des matières

INTRODUCTION 3
I- UN CHEVALIER TRAGIQUE 3
1- Le héros tragique 3
1.1- La tragédie positive du XVIIe siècle 3

1.2- Un esclave de la généralité 4


2- Le chevalier de l’infinie résignation 4
II- UNE FOLIE SALVIFIQUE 5
1- Un décalage radical entre : 5
1.1- Le visible et l’invisible 5
1.2- L’éthique et la foi 5
2- Abraham : père de la foi 6
III- NUIT DE LA FOI 6
1- La solitude solidaire 6
2- Seul l’enfant accède au royaume des cieux 7
CONCLUSION 7
BIBLIOGRAPHIE 8
3

INTRODUCTION :
« Le héros tragique renonce au certain pour le plus certain, et le regard se pose sur
lui avec confiance. Mais Abraham renonce au général pour saisir une chose plus
élevée qui en diffère ». (Kierkegaard, 1843, Page 94).
Dans une conception hégélienne, le général ne peut être aperçu que par un système où
l’unité de la pensée et de l’être coïncide dans une pensée pure, qui à son tour projette
l’objet d’une manière abstraite hors d’elle-même afin de le saisir et le maitriser.
Cependant, un philosophe danois portant le nom de Søren Kierkegaard, va entamer la
dialectique rationnelle de Hegel d’une manière contradictoire en utilisant une autre
strictement anthropologique. Et donc en s’inspirant des récits platoniques par
l’articulation de la pensée platonicienne à travers la bouche de Socrate, Kierkegaard
représentera d’une manière plus poétique l’argument existentialiste d’une la vérité
subjective radicale à travers le père de la foi Abraham, en passant par l’épreuve divine
du livre de la Genèse, qui en d’autres termes signifie le sacrifice commandé par
Yahvé de son fils Isaac. Cependant, la problématique rendue manifeste dans son
livre Crainte et tremblement porte sur la voie vers l’éternité rendue manifeste non par
une certitude mais plutôt par un paradoxe comme celle de l’épreuve Abrahamique.
Que différencie donc Abraham des autres héros tragiques de l’antiquité dans leur
sacrifice ? De plus est-ce que le paradoxe du récit biblique peut-être compris et
justifier dans la sphère éthique de la même manière que les autres, ou ouvre-t-il pour
nous un nouvel horizon insaisissable par le pur intellect ? Pour le dégager, il faudra
premièrement de faire une distinction entre le héros tragique et son lien avec le
chevalier de la résignation infinie. Pour être capable deuxièmement de faire la
distinction entre lui et le chevalier de la foi caractérisé par une subjectivité
inobjectivable, ce qui va nous aider troisièmement à faire sortir l’homme du général
qui l’enclot et l’enferme dans ses propres limites, afin d’accéder à la vérité éternelle
essentielle qui ne concerne qu’un être existant et qui dépasse toute impossibilité.

I- UN CHEVALIER TRAGIQUE
1) Le héros tragique
1. La tragédie positive du XVIIe siècle

Lorsqu’on entend le mot héros, une image d’un être masculin ou bien féminin plus au
moins mythique qui se distingue dans une activité spécifique en accomplissant des
œuvres extraordinaires dans des situations dangereuses, se projette à notre esprit
comme provenant de l’imagination d’un romancier. Mais dans les tragédies de Pierre
4

Corneille à titre d’exemple, le héros est d’une manière plus spécifique soumit à un
destin ou la fatalité qui est en elle-même une force qui le dépasse pour provoquer une
purgation des passions chez le spectateur en lui engendrant une sorte de terreur et pitié
lors de l’histoire. C’est ainsi que dans un dilemme cornélien, le héros se déchire entre
deux valeurs importantes (l’amour et le devoir politique) ce qui le rend incapable de
prendre une décision et le pousse à essayer de réconcilier l’inconciliable.

2. Un esclave de la généralité
Le fait d’être au service du général, dans une extériorité qui se projeté hors de soi-
même, le héros tragique sacrifie ses propres intérêts et passions au bénéfice d’une
idéologie commune qui prend son support à partir du soutien des autres qui ne sont
que pour lui une représentation du public et son bien commun. Mais d’après
Kierkegaard, avant même d’arriver à accéder au bien commun, il faut commencer à
chercher le propre bien individuel qui ne se déclenche qu’à partir d’une interrogation
concernant ses capacités propres reliées à son existence. Une révélation de soi qui se
manifeste radicalement dans un désespoir existentiel de ne pas trouver en soi-même,
ni au sein d’une extériorisation du général dans une morale objective, ni même à
travers ses ressources pour accomplir sa vocation. Le héros donc ne cesse de retomber
dans un système qui le jette continuellement hors de soi-même malgré tous ses efforts.
« Pour lui, toute expression du moral a son propre τελος dans une expression
supérieure du moral ; il réduit le rapport moral entre le père et le fils, ou la fille et le
père à un sentiment dont la dialectique se rapporte à l’idée de moralité. Il ne peut
donc ici être question d’une suspension téléologique du moral lui-même ».
(Kierkegaard, 1843, Page 91)

2) Le chevalier de la résignation infinie


Toutefois lorsque Kierkegaard voulait parler de cette figure tragique, il ne se référait
souvent qu’au terme « chevalier de la résignation infinie » qui peut être aperçue comme
une personne ascétique ou septique qui au parcours de sa vie, avait renoncé tout en
rejetant les carcans de finitude pour le but d’atteindre le moment de repos dans l’infini
hors de cette existence. En d’autres termes, c’est une figure qui fait le parcours de son
existence d’une manière noblement étrangère à celle de la sphère publique en prenant
Socrate comme prototype. En effet, Socrate n’aurait jamais arrivé à saisir lui-même
comme le plus sage d’Athènes sans cette résignation rationnelle de toute certitude « Tout
ce que je sais, c'est que je ne sais rien, tandis que les autres croient savoir ce qu'ils ne
savent pas. »
Par contre ce mouvement de résignation ne peut être jamais pour Kierkegaard comme un
but ultime à cause de ses limitations qui se rapportent strictement aux limites humaines,
5

et qui par conséquent peut être effectuée par n’importe quelle personne sans aucune
récompense légitime qui peut satisfaire l’angoisse existentielle de l’individu. Il faudra
donc un autre chevalier d’effectuer ce saut vers l’infini sans avoir recourt au pouvoir de la
raison, mais de l’absurde même « La foi ».

II- LA FOLIE SALVIFIQUE


1) Un décalage radical entre :
1. Le visible et l’invisible
Le chevalier de résignation infinie dans sa manière de vivre quotidienne projette une
sorte de supériorité par rapport à ses contemporains, tandis que le chevalier de foi ne peut
pas être distingué sans avoir recourt à un énorme effort. Son apparence qui ne porte en
elle aucun trait spécial et surnaturel aide ce chevalier à faire le mouvement de foi
caractérisé par une transparence qui oppose radicalement à celle de la résignation infinie.
Pour Kierkegaard, l’acte de foi n’est pas un mouvement qui peut s’objectiver par un signe
visible qui se jette hors de l’expérience malgré son appartenance entière au monde,
néanmoins ce n’est qu’en rassemblant l’économique et le fini avec Dieu et l’infini que
l’homme peut accomplir un saut qui dépasse tout objectivation et qui ne peut être saisi
que par un vécu immanent d’une intériorité qui se vie elle-même dans un fond sans fond
qui tend vers l’infini.
2. L’éthique et la foi

De même en s’inspirant de Hegel, Kierkegaard considère l’éthique comme une sphère de


normes sociaux qui règlementent l’existence quotidienne de l’individu avec les autres, si
bien que l’individu dans cet espace même va se retrouver dans des dilemmes moraux sur
la ligne de conduite qu’il doit adopter afin d’être accepté dans l’environnement qui
l’entoure. Dans ce sphère l’héro tragique joue le rôle primordial à travers sa liberté de
prendre un choix décisif dans la sphère éthique, qui veut dire en d’autres termes,
suspendre un mouvement éthique à un autre qui est de plus grande importance à l’héro
d’une manière subjective. Effectivement Kierkegaard illustre ce dilemme dans son livre
Crainte et tremblement lorsque qu’il prend de la mythologie grecque Antigone comme
exemple, elle qui avait combattu pour le respect de la loi des morts et ses rites funéraires,
qui semblaient pour elle plus juste que la loi de sa cité Thèbes. En fait l’action de braver
l’interdiction d’enterrer son frère Polynice qui était considéré comme un traitre pour lui
assurer le repos dans le monde d’au-delà, même au prix de sa propre vie, poussera Hegel
à la considérer comme « la plus noble figure qui soit aperçue sur la terre ».
En revanche, selon Kierkegaard toute loi divine qui se rapporte à des codes moraux
spécifiques auxquels on peut choisir d’adhérer ou bien refuser, reste au niveau humain et
ne peut jamais atteindre au niveau du religieux et de la foi qui surpassent la sphère des
6

normes et des règles éthiques qui rendent le dilemme moral et individuel de l’héros
tragique communicable aux autres personnes qui l’entourent, alors que le dilemme moral
du chevalier de la foie reste incompréhensible et hors de toute communication à cause de
la suspension téléologique de l’éthique qui lui fait surmonter les frontières du plausible
pour franchir a l’absurde et acquérir l’impossible qui ne peut se réaliser sans un saut dans
le domaine de la foi.

2) Abraham : père de la foi


En réalité, le chevalier de la résignation infinie nie toute réalisation paradoxale de l’infini
dans un monde condamner par la finitude et la fatalité, tandis que la foi est irréfléchie et
pourtant suivie d’une décision radicale et volontaire, dont la supériorité d’Abraham arrive
à son apogée dans le livre de Genèse. Si Abraham n’était qu’un simple chevalier de
résignation infinie, il n’aurait jamais été en mesure de commettre le commandement divin
de sacrifier son fils à cause l’impossibilité rationnelle d’une résurrection de la part de
Dieu envers Isaac. Mais Abraham n’est pas un héros tragique qui, en accomplissant son
mouvement vers l’infinie se détache d’une manière ou d’une autre à la réalité de ce
monde et devient un étranger parmi ses frères, mais au contraire il est un homme qui est
capable de s’intégrer dans le monde fini sans aucun effort et avec sérénité. Autrement dit,
même si le sacrifice d’Abraham ressemble d’un point de vue superficiel à celui d’un
héros tragique (Agamemnon, Brutus, Antigone etc.) son fondement ne peut avoir cette
même ressemblance, puisque son sacrifice émane non pas d’un détachement par rapport à
l’être réel (Isaac) qui est l’objet de son amour, par conviction que personne ne peut être
aimer réellement que dans une éternité loin d’ici-bas. Mais plutôt il émane d’une foi qui
lui pousse à renoncer tout désir sauf celui qu’il a envers son fils, qui lui sera rendu en fin
de compte au terme de l’épreuve. Il ne désespère pas de sa propre vie ni surtout de celle
de son fils au moment critique de la foi où il tient le couteau, mais en plus Abraham ne se
relâche point de son amour en raison de sa foi et son amour pour Dieu qui dépasse toute
limite, et ce n’est que ce même amour divin qui le rend capable d’entrer à travers
l’épreuve au désespoir afin qu’il découvre l’éternité en lui qui est capable de lui rendre
tout neuf une fois que le saut de la foi est fait. Et ce n’est que grâce à elle qu’Abraham
dépasse tous les hommes et accède à une sphère inaccessible même aux héros : « Il y eut
des hommes grands par leur énergie, leur sagesse, leur espérance ou leur amour ; mais
Abraham fut le plus grand de tous, grand par l’énergie dont la force est faiblesse, grand par la
sagesse dont le secret est folie, grand par l’espoir dont la forme est démence, grand par l’amour
qui est la haine de soi-même. »

III- NUIT DE LA FOI

1) La solitude solidaire
7

La foi donc est un lien indestructible qui nous lie à nous même en Dieu, et donc personne
ne peut faire le parcours individuel vers l’éternité que dans une solitude détachée de toute
admiration collective du monde, prenant en compte que le chevalier de la foi ne
s’échappe pas du monde volontairement mais il est plutôt excommunié malgré lui à cause
d’une male-interprétation de l’acte de foi effectué par lui qui ne semble pour le monde
qu’une notion sans consistance et sans réelle signification comme celle d’Abraham, Le
héros devient le vilain et le donneur de vie devient un meurtrier.
De cette manière l’intériorité nous pousse à s’isoler de toute objectivation, car toute
connaissance de soi qui ne s’accomplit que dans l’extériorité n’arrive qu’à
transformer l’être existant en une altérité étrangère par rapport à ce qu’il est vraiment, et
qui par conséquent ne peut être comprise uniquement que par pure objectivation. Tandis
que pour Kierkegaard, l’intériorité ne se quitte jamais elle-même car elle n’est jamais
temporelle, elle supporte le poids de sa vérité en chaque point de son être, c.à.d. là où il y
a intériorité il y a éternité car l’intériorité est capable avant tout de Dieu qui fait le
parcourt avec l’homme dans sa souffrance qui se souffre elle-même dans le Verbe fait
chair Jésus Christ « De même que le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour
servir, et afin de donner sa vie en rançon pour plusieurs. » (Math 20 :28)

2) Seul l’enfant accède au royaume des cieux


Kierkegaard dans son Pseudonyme disait que seul les enfants et imbéciles peut penser
que l’impossible peut se produire, c’est pourquoi Jésus en adressant ses disciples leurs
disait : « Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les
petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. » (Math 18 :3) puisque l’enfant
a une confiance aveugle que ses parents peuvent tout faire, même l’impossible. C’est
seulement là qu’on peut entrer dans une nuit de la foi où la seule route n’est que de faire
un saut vers l’absurde comme l’avait accomplie au paravent Abraham en entendant le
commandement divin qui lui était propre à lui seul comme individu unique, et lui
apparaissait tellement contradictoire sans être capable de l’empêcher de croire d’une
manière définitive que Dieu sera capable de tenir sa promesse même par des moyens
impossibles. Le chevalier de foi ne cesse de ressentir lors de l’épreuve un doute radical
émanant de son être le plus profond sans l’obliger à faire un retour en arrière pour tomber
enfin dans la direction de la foi entre les mains de Dieu.

CONCLUSION :
Dans un monde où l’ivresse de la raison avait contaminé tout le domaine du savoir
philosophique en rejetant comme faux tout ce qui échappe à l’entendement humain,
Kierkegaard nous montre que la foi n’est pas « Une fuite de … » mais « Une poursuite
vers … », autrement dit la foi consiste de croire l’impossible et renoncer tout pour
8

l’acquérir, ce qui résultera une chute dans un désespoir où l’individu qui se souffre soit
même constate qu’il ne souffre que parce qu’il a en lui cette éternité qui dépasse le
mourir, un vivre qui est premier par rapport à la mort et qui entame l’existence d’une
manière radicale et infinie.
Ce n’est qu’à mon avis, que lorsque notre connaitre se rapport au croire et non au savoir
que l’homme fait un saut exceptionnel vers l’infinie qui n’est pas extérieur a lui mais
plutôt une intériorité indestructible et indissociable avec Dieu à travers le même παθος
qui lie le Fils Unique avec le Père Eternel dans l’Esprit Saint « Le Christ est une
compassion qui traverse la vie dans la pauvreté, les mains vides, elles ne possèdent ni or,
ni argent, mais un unique trésor terrestre… les larmes ». Et si on veut vivre comme de
vrais chrétiens, on n’a qu’à revisiter la scène du sacrifice d’Abraham pour apprendre de
lui comment ne pas perdre autrui en perdant son désir « car lorsque dans la temporalité il
est devenu impossible de posséder l’être aimé, l’éternité intervient et dit : ‘Tu dois aimer’ ».

BIBLIOGRAPHIE :
- Kierkegaard, S. (1843). Crainte et tremblement.
- Chevallier, P. (2004). Abraham et le commandement de l'amour chez Kierkegaard.
Centre Sèvres ; Paris. Archive de Philosophie 66, 321-335.
- Platon, (390 av. J.C). Apologie de Socrate, 21d
- Arnaud, C. (2016), Kierkegaard : lecture suivie. Paperback
- Kierkegaard, S. (1845). Œuvres complètes, t. I, p. 148.
- L’INFLUX, (2011, Février 22). Personnage mythique : Antigone. Le département
arts vivants à la médiathèque de Vaise
https://www.linflux.com/arts-vivants/personnage-mythique-antigone/

Vous aimerez peut-être aussi