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L’entretien, la manipulation et l’utilisation des livres

rares

par Mireille Boudreau et Bonnie Bates,


bibliothèque du Musée des beaux-arts du Canada

Dès qu’un livre a été classé comme étant rare, on s’attend à ce qu’il soit traité de façon
différente des livres de la collection de prêt. Le conditionnement peut différer d’une
bibliothèque à une autre, mais doit comprendre des mesures qui limiteront l’accès au livre,
feront en sorte qu’il soit manipulé de manière sécuritaire, et assureront que les conditions
de garde en vertu desquelles il est entreposé favoriseront sa longévité.

Ces mesures dépendent de la bibliothèque et de l’institution. Le mandat et l’aménagement


physique peuvent faire en sorte qu’il soit difficile de restreindre l’accès à la collection de
livres rares, ou d’assurer un climat approprié pour la collection. Bien que les lignes
directrices suivantes se veulent des suggestions concernant le soin approprié apporté à la
garde des livres rares, elles ne seront efficaces que dans la mesure où la bibliothèque
s’efforce d’en assurer le respect. Il ne sert à rien de prendre la peine de recenser une
collection de livres rares, à moins que les documents soient entretenus de façon appropriée.
La bibliothèque et l’institution doivent donc prendre l’engagement sur le plan des finances,
du personnel, du temps et des politiques, à la fois maintenant et à l’avenir, de préserver la
collection et d’en favoriser l’essor.

Le présent article porte sur les responsabilités de garde en matière d’entretien, de


manutention et d’utilisation des livres rares. Les lignes directrices aideront les
bibliothécaires à prévenir les dommages à leur collection de livres rares et à prévoir des
options pour la rendre accessible à leurs clients. Bien que cela semble impossible, il
importe d’essayer de résoudre la dichotomie qui caractérise le rôle du bibliothécaire en tant
que fournisseur d’information et gardien d’un collection précieuse de livres.

L’entretien
Dès qu’un livre est étiqueté « livre rare », il faut l’examiner et remplir un rapport de l’état
de conservation. Il convient de retirer sur-le-champ les trombones, agrafes, rubans,
notocollants ou autres articles qui causent des dommages. Un bibliothécaire peut procéder à
cette opération, ou si le document est déjà fragile et endommagé, le restaurateur de livres
peut s’en charger. Cette intervention contribuera à prévenir des problèmes futurs comme les
taches de rouille, la migration d’adhésif et la déchirure du papier, vu que ces objets ne
devraient jamais être laissés dans les livres. Les bibliothécaires surveillent également les
signes de moisissure, de graisse, de cire ou de taches d’huile, car il faudra qu’un
restaurateur les traite. Étant donné qu’il n’existe aucun traitement sécuritaire concernant la
pourriture rouge, les livres qui en présentent les signes doivent être emballés et mis en
boîte. De cette façon, les livres environnants et les mains du bibliothécaire ne seront pas
recouverts de taches causées par la poussière de pourriture rouge migrante.

Dès que le rapport de l’état de conservation est rempli, le livre est prêt pour le traitement
afin d’être intégré dans la collection de livres rares. S’il est possible de le faire sans causer
de dommages, il faut retirer les étiquettes adhésives, car elles contiennent habituellement de
l’acide, et l’adhésif migre avec le temps. Un restaurateur de livres peut également s’en
charger. Il faut alors inscrire la cote au verso de la page de titre, à l’aide d’un crayon à mine
tendre. Si la cote a changé, on peut l’effacer au moyen d’une gomme à effacer pour oeuvres
d’art si le papier est suffisamment fort pour résister à l’abrasion. Il importe de soutenir le
papier, et de travailler délicatement et lentement pour éviter de le rider et de le plisser. S’il
est impossible de l’effacer, la cote originelle doit être biffée et il faut inscrire la nouvelle à
côté. Il importe d’inscrire la cote à un endroit évident, comme au verso de la page de titre,
pour deux raisons. Il convient tout à fait d’utiliser un seul endroit pour marquer le livre, et
la page de titre est un élément commun à tous les livres, facilement repérable. Si la page de
titre est manquante, le bibliothécaire doit être méfiant, car les voleurs de livres retirent
habituellement toute marque de bibliothèque pour accroître les possibilités de les vendre.

Aux fins d’identification, on inscrit la cote au moyen d’un crayon à mine tendre sur un
marqueur sans acide que l’on insère dans le livre. Il ne faut pas se servir d’étiquettes
autocollantes sur les marqueurs, étant donné que l’adhésif tend à migrer avec le temps.
L’insertion du marqueur est importante. Le marqueur ne doit pas obstruer une illustration
ou tout type de papier fragile, car il peut en égratigner la surface et causer des dommages
permanents. Pour réduire ce risque, il faut des marqueurs ayant des bords ronds, non
pointus. Beaucoup de bibliothèques se sont dotées de directives au sujet de l’endroit où il
faut insérer le marqueur dans le livre. Un aspect à envisager à l’insertion du marqueur, c’est
l’état des pages de garde. D’habitude, on place le marqueur sur la page suivant le feuillet de
contre-garde, mais cela peut varier selon l’état du livre et les politiques de conditionnement
des livres rares de la bibliothèque.

Si votre institution a pour pratique de timbrer les livres, le timbrage doit s’effectuer de
façon très douce au verso de la page de titre, à l’aide d’un timbre en caoutchouc et d’encre
sans acide. Comme l’encre des timbres auto-encreurs commerciaux pénètre dans le papier,
il ne faut jamais les utiliser dans des livres rares. L’encrage des livres rares peut causer
énormément de stress aux livres, en particulier s’ils sont fragiles. Par conséquent, il s’agit
d’une pratique inhabituelle dans la plupart des bibliothèques, et il faudrait s’interroger sur
la pertinence de cette pratique si elle a toujours cours à votre bibliothèque. Relativement à
cela, examinons l’utilisation des bandes sécuritaires dans les livres rares. Comme ceux-ci
ne sont pas prêtés normalement, et que le risque de dommages est élevé, il ne faut pas
utiliser les bandes sécuritaires dans les livres rares.

Les livres doivent être rangés à la verticale, sur leur tranche de queue, à l’aide d’appui-
livres appropriés dont la hauteur et la largeur conviennent aux livres. Il existe une multitude
d’appui-livres, de préférence du type à plaque de métal qui se fixe dans le rayon. Ne sont
pas recommandés les types à plaque magnétique ou de liège, étant donné que tous deux
peuvent se décoller du métal et laisser de l’adhésif sur les livres et les rayons. Autre
problème avec ces appui-livres, ils ne sont souvent pas assez solides pour soutenir les plus
gros livres qui, s’ils s’effondrent et tombent du rayon, peuvent s’endommager. Comme le
rangement constitue une partie si importante d’un bon entretien, il est essentiel qu’il soit
effectué de manière appropriée.

Le type de rayonnage peut également avoir un impact sur le soin apporté à la collection. Le
rayonnage ne saurait être constitué de bois, mais composé d’acier au fini en émail cuit. Le
rayonnage en bois n’est pas recommandé car les produits du bois renferment des acides
volatils qui peuvent se dégager des surfaces non peintes. Les vernis et autres revêtements
sont également préoccupants, car ils sont des agents possibles de dégagement de gaz.

Lorsqu’on dépose des livres rares sur le rayon, il faut prévoir de l’espace pour l’expansion.
Ainsi, il est courant de remplir le rayon environ aux deux tiers de sa capacité. Dans
certaines bibliothèques, on laisse également un rayon complètement vide, afin de prévoir un
espace de consultation rapide, aussi bien que pour l’expansion future de la collection. Il faut
ranger les livres sur un rayon d’une hauteur d’au moins 10 centimètres du plancher afin de
réduire le risque de dommages dûs aux clients ou à l’eau. Certaines bibliothèques ne se
servent pas du tout du rayon le plus bas en raison de ce risque. Il en va de même pour le
rayon le plus élevé dans vos étagères de bibliothèque. Si votre bibliothèque ne possède pas
de toit pour recouvrir le rayon le plus élevé, il ne faut pas l’utiliser. Les livres rares seront
laissés sans protection et pourront être endommagés très facilement.

Il faut procéder à un certain type de nettoyage annuel de votre collection de livres rares. Il
existe divers outils pour nettoyer les livres. Les trois plus courants sont un linge sec sans
charpie, une brosse à poils très doux et un aspirateur particulièrement conçu pour retirer la
poussière et la saleté de la surface des livres. Il faut brosser le corps d’ouvrage pour en
retirer la poussière, étant donné que des particules emprisonnées dans les pages peuvent
tacher et endommager le livre. Cela est particulièrement vrai des corps d’ouvrage dont les
tranches sont coupées grossièrement. Il est recommandé habituellement de passer
l’aspirateur sur ces livres, pour autant qu’ils sont traités de façon délicate. Avant de passer
l’aspirateur, il faut fixer un morceau d’étamine ou de fibre de verre sur le col du manche de
la brosse afin d’empêcher les morceaux de papier ou de cuir lâches de se détacher et d’être
aspirés à l’intérieur de l’appareil. Il faut toujours examiner les documents avant de les
nettoyer, car si le livre est fragile ou endommagé, le nettoyage pourrait lui faire plus de mal
que de bien. Il importe également de nettoyer les rayons, car il ne sert pas à grand-chose de
nettoyer les livres s’ils sont rangés sur des rayons sales. Encore là, il faut se servir d’un
linge sec ou passer l’aspirateur, mais il faut éviter les détergents.

L’organisation d’une salle de livres rares doit être claire et bien délimitée, étant donné
qu’un certain nombre de collections de livres peuvent être abritées dans la salle. Pour des
motifs de sécurité, les livres en attente d’un procédé de conditionnement, d’une réparation
ou d’une reliure se retrouvent souvent dans cette salle. Les bibliothèques savantes et
d’autres collections spéciales peuvent être rangées dans la salle des livres rares, de sorte
qu’il est très important que cette salle demeure propre, en ordre et bien organisée
(notamment de bons panneaux d’information) pour rendre les livres qui y sont entreposés
accessibles et utiles.

Certaines bibliothèques effectuent un catalogage spécial et approfondi des livres rares pour
représenter la collection de manière appropriée dans le catalogue d’accès en direct. Cela
aide à la fois les clients et le personnel, car l’opération réduit l’utilisation non nécessaire
des livres rares, tout en les conservant accessibles en ligne. L’enquête sur l’état de la
collection constitue un autre outil organisationnel. Vu que les dommages causés par la
manutention, le rangement et le milieu peuvent survenir avec le temps, l’inventaire de l’état
de conservation aide à la suivre et à alerter les bibliothécaires quant aux problèmes.
Effectués à intervalles réguliers, les inventaires de l’état de conservation aident les
bibliothécaires à recenser les problèmes dès le début et à réduire la nécessité d’un procédé
de conditionnement dispendieux à l’avenir.

La manipulation

Le retrait approprié d’un livre rare du rayon est important, car comme pour le rangement,
il s’agit d’une activité répétitive qui peut causer des dommages si elle est effectuée de
manière incorrecte. On peut facilement éviter ces dommages si le personnel de la
bibliothèque se rappelle qu’il ne faut jamais tirer sur la coiffe des livres pour les retirer des
rayons. Malheureusement, il s’agit vraisemblablement de l’erreur la plus courante commise
dans les bibliothèques. Il existe trois méthodes de retrait délicates des livres. Si les livres ne
sont pas rangés de façon trop serrée, vous pouvez insérer votre main autour de la partie
médiane du livre, et le retirer du rayon. Si cela est impossible, vous pouvez mettre la main à
l’intérieur du rayon, derrière le livre voulu, et le pousser vers l’extérieur du rayon. On peut
également pousser légèrement vers le fond du rayon les livres de chaque côté du livre
désiré afin de tirer sur celui-ci pour le retirer. Dès que le livre est retiré, il importe de
rajuster les appui-livres afin d’offrir un support approprié aux autres livres. Il faut procéder
de cette façon même si le livre n’est retiré que pendant une courte période, étant donné que
les dommages, par le gondolage ou le glissement des rayons, peuvent survenir rapidement.
Pour remettre un livre sur le rayon, il faut dégager les appui-livres et faire de l’espace en
déplaçant les livres rangés. Le livre doit être réinséré à sa place et il faut rajuster les appui-
livres pour assurer un soutien approprié.

Les livres grand format doivent être traités avec un soin très particulier, car ils peuvent
être encombrants et difficiles à ranger. Lorsqu’on retire un in-folio du rayon, il importe de
se servir des deux mains ou de demander l’aide d’un collègue. Il faut se servir d’un chariot
à livres de sorte que les livres reposent à plat sur le chariot. Il importe de ne pas essayer de
manipuler plus d’un in-folio à la fois.

Habituellement, les in-folios sont rangés à la verticale, sur leur tranche de queue, tandis que
les in-folios géants sont rangés à plat, sur leur côté. Cela dépend énormément du type de
rayons disponibles, mais il est impératif que ces livres reposent sur un rayon conçu pour
soutenir leur poids de façon appropriée. Des dommages peuvent très bien se produire à
cause de la taille et du poids des volumes. Par conséquent, les tranches de livre ne sauraient
dépasser les bords du rayon; si un livre est trop gros, il faut le déplacer dans une autre
section ayant des rayonnages plus spacieux. La pire façon de ranger les livres grand format
consiste à les déposer sur leurs tranches de gouttière, le dos faisant face vers le haut. Cela a
pour effet de séparer le corps d’ouvrage de la couverture, et entraîne des réparations
coûteuses. On empile souvent les x-folios, mais il faut réduire ce nombre à un maximum de
trois livres, et ne le faire que si les livres peuvent supporter ce poids. Il faut placer le dos
vers l’extérieur, de sorte que l’on puisse facilement identifier les livres. Le rangement dans
les tiroirs est recommandé dans le cas des x-folios, car cela aide à protéger les livres de la
poussière et permet une consultation plus facile sans avoir à déplacer les volumes. À la fois
les sections contenant les in-folios et les x-folios doivent être surveillées pour déceler tout
signe de gondolage.

Il faut recourir à un chariot à livres pour transporter un grand nombre de livres rares ou
des in-folios et des x-folios. Il faut y déposer les livres de façon appropriée, pour faire en
sorte qu’ils ne glissent pas du chariot, ou qu’ils ne s’emboîtent l’un dans l’autre. Le chariot
à livres doit être doté de grosses roues robustes, soudées aux pieds du chariot. Il s’agit d’un
élément à surveiller, puisque beaucoup de types de chariot à livres possèdent des roues
amovibles. Il importe d’équilibrer le poids uniformément sur le chariot, en faisant appel à
un centre de gravité bas. Cela est particulièrement important si votre chariot à livres n’est
pas robuste, car les chariots de poids léger se renversent souvent.

L’utilisation

Les demandes de consultation sur place de livres rares doivent être filtrées avant de les
accepter. Il faut en outre poser des questions au client pour établir s’il est vraiment
nécessaire de consulter un livre rare, ou si un volume de remplacement suffirait. Cela est
souvent possible, comme l’est l’utilisation de fac-similés, de microfiches ou d’un autre
exemplaire de l’original. S’il lui faut consulter un livre rare, le client doit être informé des
méthodes de manipulation avant de recevoir le livre rare. Souvent, on utilise des marqueurs
ou des couvertures en couleur, à la fois comme identificateurs faciles de livres rares et
comme sources d’information concernant les procédures de consultation et de
manipulation. Le bibliothécaire prend note de l’état du livre avant de le remettre au client.
Certaines bibliothèques exigent des clients qu’ils remplissent un formulaire de demande de
livres rares, qui leur indique des renseignements sur le client si un suivi se révèle
nécessaire. D’autres bibliothèques prennent une pièce d’identité (permis de conduire, carte
d’étudiant) avant de remettre un livre rare. Il faut prévoir des mesures de sécurité pour
contribuer à protéger la collection.

Si le client a demandé un livre rare à tranche baveuse, le bibliothécaire doit prendre note du
problème et faire en sorte que les pages soient rognées avant de le remettre au client. Il faut
rogner les pages au moyen d’un couteau universel très bien affûté, et jamais à l’aide d’une
paire de ciseaux. Il faut apporter un grand soin à la rognure du papier, en particulier s’il est
acide. Il faut couper la tranche d’un coup sec en maintenant bien le papier. Il importe de ne
pas couper par petits coups saccadés, car cela déchirera le papier et davantage de poussière
s’accumulera dans le corps d’ouvrage. Voilà pourquoi le bibliothécaire doit examiner le
livre avant de le remettre au client; si le livre est trop fragile ou trop acide pour supporter la
rognure de la tranche, il faut trouver un document de remplacement.
De plus, il faut consulter les livres rares dans une section distincte de la salle de lecture
principale, où l’on pourra mieux surveiller le client. Certaines salles de livres rares
disposent d’une aire de consultation particulière, dotée de trépieds, de gants, de crayons, de
papier ainsi que de tous les autres accessoires nécessaires. À défaut de cela, d’autres
bibliothèques disposent d’une table ou d’une aire spéciale dans la salle de lecture servant
précisément à la consultation des livres rares. Quels que soient les articles qu’utilise votre
bibliothèque, le personnel doit les surveiller, de même que la bibliothèque doit être dotée de
trépieds, l’aire de consultation ne doit pas être trop isolée, étant donné que les voleurs
adorent les bibliothèques dont le niveau de sécurité est faible. Les clients doivent toujours
déposer leurs sacs avant d’entrer dans la salle de lecture. Seuls les articles nécessaires
comme les crayons, le papier, les ordinateurs personnels, et si cela est approuvé, les
appareils photo, peuvent être apportés dans la bibliothèque.

Les clients ne sauraient manger ou boire lorsqu’ils consultent des documents de


bibliothèque, qu’ils soient rares ou non. Le port de gants de coton doit être encouragé, mais
certains clients pourraient avoir de la difficulté à tourner les pages avec des gants, et par
conséquent ils pourraient endommager le livre. Si le livre comprend des photographies, des
illustrations ou toute autre grande concentration d’encre, le port des gants est obligatoire. Si
le document est fragile ou composé de matières instables, le port des gants est obligatoire.
Il faut examiner tous les documents rares avant la consultation, et exiger le port des gants si
cela est jugé nécessaire. De toute façon, il faut toujours consulter un document rare les
mains propres, car la poussière et l’huile se transfèrent facilement sur le papier.

Durant la consultation, il faut déposer les livres rares sur un trépied, et ne pas les poser à
plat sur une table. Si votre bibliothèque ne peut se permettre des trépieds, de simples futons
à livres à faible coût et lavables à la machine peuvent convenir. Il ne faut pas forcer
l’ouverture d’un livre rare plus que ne le permet la reliure, et les livres rares ouverts ne
doivent jamais être empilés l’un sur l’autre. Cette façon de procéder endommagerait le
corps d’ouvrage et la reliure des volumes. Parfois, les dommages peuvent être irréparables.
Il faut remettre aux clients des marqueurs sans acide avec lesquels marquer les pages, car il
ne faut jamais se servir, dans un livre rare, de notocollants, de trombones, d’épingles, de
papier en couleur ou de tout autre genre de ruban sensible à la pression. Il faut interdire aux
clients de corner le document, car cela entraînerait la déchirure, surtout si le papier est
acide. Il faut utiliser des crayons, non des stylos, avec les documents rares, et les clients ne
doivent pas écrire sur un livre rare ouvert, étant donné que l’impression endommagerait la
surface du papier.

Au moment de retourner un livre rare, le client remet le livre directement au bibliothécaire,


et ne le dépose pas dans une chute à livres. Il faut vérifier le livre pour voir s’il est
endommagé, surtout s’il contient du matériel original que l’on pourrait couper ou mutiler. Il
faut retourner les livres rares immédiatement à la salle des livres rares, et ne pas les laisser
sur le comptoir de prêt ou de la référence, où l’on pourrait facilement les endommager ou
les voler.

La photocopie de livres rares doit être très limitée, et approuvée au préalable par le
personnel de la bibliothèque. Le bibliothécaire doit tenir compte de la force du papier, de la
reliure et du corps d’ouvrage, car ils subissent tous un stress lorsqu’on les photocopie. La
chaleur et la lumière endommagent le papier et réduisent la durée de vie du livre. Le papier
acide est très volatil et on devrait éviter de le photocopier. Les grands livres encombrants ne
sauraient être photocopiés, puisque la manipulation peut causer des dommages
supplémentaires. Il incombe au personnel de la bibliothèque, et non aux clients, de
photocopier les documents rares. Il est également impératif que l’on recoure à une
photocopieuse appropriée de livres : soit un appareil qui ne force pas l’ouverture des pages,
ne nécessite pas que le livre repose à plat, et qui soutient les couvertures. Il existe des
photocopieuses pour livres rares. Donc, si votre bibliothèque exécute un grand nombre de
photocopies de livres rares, il faudrait songer à l’acquisition d’un tel appareil.

La photographie des livres rares doit être exécutée avec soin, et encore une fois, avec
l’approbation préalable du personnel de la bibliothèque. Il faut examiner les livres pour voir
s’ils peuvent subir le processus; car, comme nous l’avons mentionné, la chaleur, la lumière
et la manipulation peuvent causer du stress et des dommages. Avant de les photographier,
les livres doivent être bien soutenus, en prenant bien soin de ne pas forcer la reliure. Il faut
utiliser peu de lumière, et les éclairs doivent être maintenus à un niveau et à une distance
sécuritaires. Encore là, cette opération doit être effectuée par du personnel d’expérience de
la bibliothèque.

Les cas précités portent tous sur l’utilisation des livres rares dans la bibliothèque.
L’utilisation externe, comme le prêt entre bibliothèques et l’exposition de livres rares,
échappe à la visée du présent article. Beaucoup de bibliothèques ne prêtent pas leurs livres
rares, le risque d’endommagement et de perte étant si grand. Celles qui le font sont
habituellement parties à une entente de prêt spéciale comme dans le cas du programme
RLIN ShaRes. Lorsque c’est le cas, la bibliothèque a signé un contrat spécial, qui fait état
des conditions d’emballage, d’expédition, de manutention et d’utilisation des livres rares,
pour que toutes les parties respectent les documents en question.

Pour que ces lignes directrices soient mises à profit, le personnel de la bibliothèque doit être
vigilant dans leur mise en oeuvre et leur mise à jour. L’ensemble du personnel de la
bibliothèque doit connaître et comprendre les lignes directrices sous la forme adoptée par la
bibliothèque, et tous les employés doivent s’y conformer de façon uniforme. Il ne sert à rien
de mettre en oeuvre des mesures si quelques employés seulement les mettent en
application, car cela entraînerait de la frustration parmi le personnel et les clients. Tout cela
mène à la nécessité d’éduquer l’ensemble du personnel quant au soin à apporter aux livres
rares, car tout le personnel aura, à un moment ou à un autre, à s’occuper de documents
rares. Le personnel des acquisitions ou le bibliographe seront les premiers à identifier les
documents; le personnel du catalogage les traitera avant de les verser dans les collections;
le personnel de la référence aidera les clients à les utiliser; et les préposés au rangement les
transporteront et les rangeront sur les rayons. La formation du personnel, la surveillance des
collections et l’aide aux clients peuvent réduire les dommages. Le temps supplémentaire en
cause, bien que minime, vaudra la peine car il permettra d’éviter les efforts et les dépenses
en cas d’endommagement ou de vol d’un volume précieux.

L’information contenue dans la présente série d’articles ne reflète pas nécessairement la


position de la Canadian Library Association ou de Feliciter. Pour plus de renseignements
ou pour commenter le présent article, communiquer avec Bonnie Bates, présidente, Sous-
comité des livres rares, Comité de conservation de la bibliothèque, à la bibliothèque du
Musée des beaux-arts du Canada, 380, promenade Sussex, C.P. 427, Succursale A, Ottawa
(Ontario), K1N 9N4. Courrier électronique : bbates@ngc.chin.gc.ca, téléphone : (613) 990-
0593, télécopieur : (613) 990-9818.

Ouvrages consultés

Institut canadien de conservation. « Basic Care of Books » in CCI Notes, 1995.

Fox, Lisa L. Handling Books in General Collections (SOLINET Preservation Services,


March, 1992) également accessible à la page d’accueil de SOLINET à :
http://www.solinet.net ou à Conservation On-Line à : http:/palimpsest.stanford.edu

Guldbeck, Per Ernst. Care of Historical Collections: a conservation handbook for the
nonspecialist. (Nashville, American Association for State and Local History, 1972)

Labarre, Albert. « Traitement matériel des livres et sécurité des collections » dans
Conservation et mise en valeur des fonds anciens, rares et précieux des bibliothèques
françaises. (Villeurbanne, Presses de l'E.N.S.B., 1983)

United States. National Park Service. Museum Handbook. (Washington, D.C. National Park
Service, Department of the Interior, 1990)

Williams, Lisa B. « Selecting Rare Books for Physical Conservation: guidelines for
decision making » dans College and Research Libraries (mars 1985), p. 153-159

Conseil des bibliothèques du gouvernement fédéral. (Révisé : 1998-03-13).

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